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Opération Théolinus

Rappel du premier message :






Une cigarette se loge entre des lèvres sèches. Dans la pénombre, une allumette craque, révélant les mines longues d'une quinzaine de soldats. Traits tirés, regards fixes, on devine bien que ces hommes, tous habillés en civil, n'ont rien d'éléments normaux. Que ce soit Mortimer, qui était au Cimetière d'Épaves en 1611 et qui a tué autant de révo qu'il a de croix sur sa crosse, ou bien Duncan qui a attendu trois jours dans la boue sans bouger au fond d'une tranchée de Goa pour abattre un émissaire révolutionnaire. Les hommes assis sur deux banquettes se faisant face, dans ce fourgon tiré par deux chevaux, sont triés sur le volet. Des soldats de l'Élite aux qualités indiscutables et dont on ne pourrait douter une seule seconde. Ils ne questionnent pas, ne rechignent pas et agissent toujours avec efficacité. Ils sont des tueurs nés qui patientent, tous en silence, alors que de l'extérieur leurs parviennent les claquements des sabots et le brouhaha des rues de Luvneelgraad.

L'allumette embrase la tige et une forte odeur de nicotine s'élève dans l'air. Le Lieutenant Edwin Morneplume crache d'épaisses volutes. Le bout grésillant de sa cigarette illumine un instant son visage de cire, alors que ses yeux passent en revue les hommes autour de lui. Tous sont choisis selon une analyse méticuleuse de leurs états de service qu'il s'est fait un plaisir de consulter, à Marie-Joie. Irréprochables, fidèles. Des valeurs sûres. Morneplume s'est assuré que tous s'avèrent être les meilleurs éléments pour protéger son employeuse.

Annarosa de la Ventura, dragonne céleste et possible héritière de la fortune des Caddenheads.

Car c'est bien pour une lutte politique entre nobles que cette petite compagnie se retrouve ainsi dans un simple wagon, dans un royaume isolé de North Blue. Les Caddenhead sans héritiers depuis la mort prématurée de Saint-Glinglin des mains de Tahar Tahgel, de nombreux prétendants ont vu là l'opportunité de se hisser au sommet d'une des vingt plus puissantes familles du monde. Mademoiselle de la Ventura est de cette catégorie. Toutefois, il s'avère que la mécène de Morneplume s'est avérée plus maligne que ses adversaires politiques, découvrant que c'est à Luvneel qu'elle pourrait mettre la main sur une relique des Caddenhead pouvant totalement légitimer son accession au trône : le Scaphandre de Théolinus Caddenhead.

Morneplume ne sait ni d'Ève, ni d'Adam comment un tel costume s'est possiblement perdu à travers les méandres de l'histoire au point de se retrouver dans un encan de North Blue. Ce qu'il sait, en contrepartie, c'est qu'entrer en possession d'une telle relique des Caddenhead marquerait une fulgurante ascension hiérarchique pour miss de la Ventura, une occasion que lui-même ne peut manquer. Échouer reviendrait à lui-même sacrifier ses ambitions, et probablement sa carrière, sous la colère paranoïaque de sa protégée.

Parce qu'il est évident que la dragonne céleste entrera en possession du scaphandre, riche comme elle est. S'il est ici, c'est parce que cette dernière craint plus que tout au monde qu'on pose la main sur elle, voulant éviter à tout prix le destin de Glinglin. C'est pour ça qu'il est là, c'est pour ça qu'ils sont là. Parce qu'il n'y a rien de plus important que la sécurité d'Annarosa de la Ventura, et que sa mort ou sa mauvaise santé pourrait coûter à chacun des hommes ici la fin prématurée de leur carrière, et probablement de leur vie d'hommes libres.

Et c'est pour ça que ce sont les meilleurs.

Sauf lui. Celui avec la morgue qui habite chacun de ses traits, qui grille aussi une cigarette, le regard perdu plutôt que résolu, l'air anxieux avant d'être rigoureux. Une erreur de bureaucratie, un dossier refusé qui s'est retrouvé dans la mauvaise pile. Un effectif déficient qui n'aurait jamais dû accoster à Luvneel avec l'escadron de Morneplume. La barbe de trois jours, les cheveux en bataille, le menton carré du tombeur classique, toujours cette étincelle amusée au fond des yeux.

Alexandre Kosma.

Le pire soldat que la Marine d'Élite ait connu. Et l'une des personnes qu'Edwin Morneplume exècre le plus sur North Blue.
Et parmi eux, prenant plusieurs sièges, il y a ce gras homme-poisson dont Edwin n'avait jamais eu mention avant. Un certain LaMarcus, vêtu avec goût, mais grotesque dans sa façon d'être. Rien qui ne puisse motiver Edwin à apprendre à le connaître. De toute façon, il n'a que faire de ces hommes. Il sont des outils pour un plus grand dessein. Ils sont des pions dans la Justice qu'il met en œuvre.

Le wagon s'arrête. On cogne deux fois contre la porte, une pause, puis une nouvelle fois.

Un chapeau haut-de-forme trouve son chemin jusque sur la tête de Morneplume, qui est resté penché la majeure partie du voyage, évitant de se cogner contre le plafond trop bas. Ses yeux d'aciers passent sur chacun des hommes. Jugement.

Messieurs, le Kidd's est une salle de vente huppée, où se retrouve tout le gratin de la bourgeoisie locale. Tâchez de faire honneur à votre accoutrement et comportez-vous avec bienséance. Encerclez la bâtisse, je prendrai l'initiative d'escorter Mademoiselle de la Ventura jusqu'à l'intérieur. LaMarcus, Kosma, vous venez avec moi. Les autres, assurez-vous de bien sécuriser le périmètre. Vous avez tous un escargophone pour prévenir les autres  soldats parqués dans les rues, j'ose espérer que si quoi que ce soit venait à arriver, vous auriez la décence d'esprit de l'utiliser.

Sachez que personne ne fait sa chance, alors agissez plutôt pour que l'Opération Théolinus soit un succès.


Sur ses paroles, sa longue main pousse la porte du wagon, la lumière du jour s'engouffre à l'intérieur et ce sont les hautes bâtisses de pierre de Luvneel qui accueillent les hommes de l'Élite. La silhouette effilée de Morneplume se profile, alors que d'un carrosse avoisinant le fourgon des soldats on aide Annarosa de la Ventura à descendre, bien casqué de sa bulle et ayant revêtu son scaphandre. Devant eux s'élève le Kidd's, derrière eux Luvneel et ses rues pavées et bondées.

La voix de pierre de Morneplume gronde lorsqu'il arrive à la hauteur de Kosma.

Sachez que je n'ai pas voulu que vous fassiez partie de cette mission, Kosma. Et que cette fois je ne rechignerai pas à écrire un rapport sur votre étrange disparition, si vous en veniez à me désobéir ou à être un obstacle à ma Justice. Tenez-vous le pour dit.
MORNEPLUME !



La bouillante Dragon Céleste s'approche, l'air renfrogné et anxieux à la fois.

Hm. Mademoiselle. Rassurez-vous, le périmètre est déjà bien sécurisé.
J'espère bien ! Il y avait énormément de gens qui regardaient… peut-être que ce sont tous des assassins !
Je crois que la source de leur attention était plutôt votre rang, Mademoiselle. Évitez d'accuser ainsi de pauvres péons.
Han ! L'enchère commence bientôt ! Allons-y ! lance-t-elle d'un ton revêche, ignorant le commentaire du Lieutenant.
Hm. Oui. Allons y.

Entrons donc dans cette luxueuse souricière.
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« Allez-vous en Nash, je vais dompter la bête !
C’est dégradant…
Vous croyez que comparer votre supérieur à un fist anal est mieux ? Sérieusement j’en doute… »


Alors que Nash commença à s’enfuir en direction d’un échappatoire, je me mis à ralentir l’homme qui me faisait face comme je le pouvais, c’est-à-dire en l’affrontant en duel

« Vermine de bas étage, venez ici que je vous colle une rouste !
Vous vous êtes pris pour qui, Monseigneur Sombrebois ?
Qui ?
C’est un exemple parmi tant d’autres, pourquoi il faut toujours que vous recherchiez une réponse à tous les révolutionnaires, vous m’énervez, presque autant que Morneplume…
Cher ami avant de sortir vos clichés sur les révolutionnaires, sachez seulement que je suis un scientifique de nature, c’est sans doute pour cela que je recherche une réponse à tout !
Un révolutionnaire intello, au moins ça change des habitudes…
Qu’est-ce que vous insinuez ?
Vous savez très bien ce que j’ai voulu dire et me forcez pas à le dire sinon je vais vous mettre révolution dans la tronche... Et si vous le voulez bien je vais maintenant rattraper votre petit ami et récupérer le scaphandre pour pouvoir narguer Morneplume.
Je ne vous laisserai jamais vous en emparer.
Mais vous êtes d’un lourd ! »


Kosma me fixa une seconde avant de lancer le combat par une révolution bien placée, suivit d’un direct de la marine, ce qui me déstabilisa tellement que l’un de mes verres s’éclata au sol. Il retenta le même enchaînement, mais je le vis venir si bien que j’esquivai les coups assez facilement avant de donner à mon tour un coup de poing dans le visage du lieutenant d’élite qui se contenta de rigoler. Les coups s’enchaînèrent à une vitesse folle, en sachant pertinemment que Kosma allait me battre à un moment où un autre. Mais il devait sans doute en avoir marre, puisqu’il se retransforma en lion avant de tenter de me frapper de ses deux puissantes pattes. J’esquivai d’une roulade entre ses jambes, puis je marchai sur son dos avant de tirer sur ses poils. La bête s’énerva et tenta de me dégager de là avec des coups, mais en vain. Je domptais à présent le lieutenant et lui ordonnant de se diriger vers la seule sortie possible, même si cela revenait à se rapprochait le plus possible de Nash. Kosma et moi nous dirigions donc vers cette sortie que l’on avait pu atteindre après de longues minutes de calvaires où il ne me laissa pas de répit. Je traversais un dépôt de vivres pour me retrouver dans la rue, entouré d’une foule qui n’avaient d’yeux que pour un bâtiment en contrebas qui venait d’exploser, sans doute le Kidd. Cependant un enfant qui n’était pas intéressé par le boxon environnant nous fixa avant de crier

« Maman regarde un homme sur un lion !
Mais oui bien sûr mon enfant… C’EST LE TERRORISTE SUR LE DOS D’UN LION !
UN LION ?
s’exclama la foule surprise
Je ne suis pas un lion bon sang !
UN LION QUI PARLE !
MERDE ! »


Kosma gigota dans tous les sens avant de m’envoyer face contre terre en direction d’un bâtiment du 14e siècle en pleine rénovation. À moitié dans les nuages, le lieutenant se dirigea vers moi en reprenant sa forme originelle, mais en ayant des vêtements à moitié rapiécés.

« Tu es en état d’arrestation le terroriste…
LE TERRORISTE ? AU SECOURS AIDEZ NOUS LE TERRORISTE EST LA !
Je suis du gouvernement n’ayez crainte. »


Mais les mots du lieutenant ne suffirent pas et la foule se mit à courir dans tous les sens criant, mon nom et celui du lieutenant et en moins de temps qu’il ne le fallait, l’ensemble de la ville était informé de leur présence.



[HRP: # Smoke in the air: ou l'explosion d'un fumigène créant une épaisse fumée ]

    Loin au bout de l'artère s'élèvent les décombres fumantes du Kidd's, dont les restes disloqués et fracassés ensevelissent les alentours. L'explosion leur aura fait gagner du temps. Du moins, il l'espère. Son regard aride, sombre, ne se détache pas des ruines desquelles se hisse la silhouette monumentale du golem, sa barbe frémit sous sa moue tordue. Le plan lui-même s'étiole sous ses yeux, malgré la confiance qu'il a en ses hommes, malgré la verve incontestable de ses meilleurs lieutenants. Morneplume serait un adversaire de taille, ça il le savait, mais jamais l'expression n'aurait pris un sens aussi littéraire à son esprit, alors que le lieutenant devenu gigantesque se dresse par-delà les bâtiments, les restes du Kidd's formant désormais son armure.

    Du petit appartement duquel il veille, Ulrand soupire puis délaisse le détonateur enclenché sur la petite table de chevet jouxtant la fenêtre. À la porte de la pièce, il reprend sa longue parka grise et enfile ses gants de cuir.
    Il ne peut les laisser un instant de plus courir un tel risque. À eux tous il doit l'effort d'avoir mené le plan si loin, mais pour rien au monde il ne veut tous les perdre dans l'opération.

    Sous son manteau, il vérifie que ses pistolets sont bien en place. La porte claque.


    ***



    Il court. Tourne à gauche, à droite, enjambe débris et poubelles renversées, puis toujours s'élance plus loin. Ses courts et minces cheveux gris sont plaqués contre son front par la sueur, ses poumons en feu lui rappellent chaque instant le poids du scaphandre qui le ralenti. Ses bras lourds chargés du costume, ses jambes perclus de douleur par l'incessante cavalcade, tout en lui hurle l'abandon, l'inévitable défaite. Christopher Nash ne peut s'arrêter, pas maintenant, pas si près du but. Il devine l'ombre gigantesque qui croit derrière lui, il sent la poudre et la poussière qui emplissent les rues, il perçoit les tirs échangés entre révolutionnaires et marines à couvert. Il tourne le coin d'une rue, complètement esquinté, alors que deux révolutionnaires du comité le hèlent et surveillent ses arrières pour mieux le couvrir. Il doit rejoindre le port, oui, le port. Là une embarcation l'attend pour emmener le scaphandre loin, très loin sur Grand Line, afin que les richesses de Théolinus n'appartiennent à personne d'autre qu'aux meneurs de la Révolution.

    Il court toujours, éreinté comme jamais, mais il court, Nash.


    ***


    La roche crisse et le roc se tord et se disloque sous sa puissance. Il sent la chaleur de la pierre le grimper et l'envelopper, le porter haut comme un étendard. Aveugle un instant, il se sent voyager puis s'insérer dans des orbites énormes qui dominent tout. Sous ses yeux, en contrebas, s'étendent les toits de Luvneelgraad. L'indicible agacement qui plus tôt l'envahissait s'en est envolé, ce satané Wade, vieux loup révolutionnaire à la prime montante, s'est évertué à être une épine dans son pied. Il lui en veut, veut le voir étampé contre les murs des bâtiments, broyés par les fissures qu'il créera ou jugé par sa poigne destructrice. Voilà le sort qu'il lui réserve, à cette fourmi qui se faufile dans le dédale des ruelles accompagné de plusieurs hommes armés. Il y a lui et tous ces hommes qu'il détecte de ses yeux de faucon, petites ombres bien emmitouflées dans le confort de leur nid de tir, le canon de leur snipers s'immisçant par quelques fenêtres entrouvertes.

    La pierre se sculpte sous son commandement, sa masse prend l'allure d'un costard distingué, ses bras prennent vie et ses pieds s'enracinent profondément dans le sol, comme deux immenses troncs de roc. Son visage, lui, arbore les traits reconnaissables et immuables de son visage immobile. Sous ses pieds, il y a toujours le cocon d'Annarosa, dans lequel il peut l'entendre fulminer. Elle le détestera un temps, certainement, mais moins lorsqu'il lui rapportera le scaphandre.

    Et le voilà, le scaphandre. Il peut le voir, accompagné de l'insaisissable mais célèbre Christopher Nash, qui dérape au tournant d'une rue avant d'en bousculer la populace paniquée. Ils ont donc légué le destin de leur violente escarmouche à ce puceron fringué comme un noble local et qui s'éreinte à quitter les rues trop peuplées afin de fuir le regard d'Edwin.

    Il ferme les yeux un instant, le titan, afin d'en revenir aux plus primaires sensations du roc. Il y retourne, dans ce cœur chaud et bouillant qui habite Luvneelgraad. Là, il comprend les possibilités et les formes que peut prendre la pâte brute du sol. Sous la Poigne, le sol obéit et lentement se tord.

    Un grondement inquiétant envahit les rues des alentours, puis soudain, c'est le macadam lui-même qui se bouge et s'élève vers les toits. Sous les cris de surprise de la populace et sous les grognements craintifs des soldats et des révolutionnaires, ce sont d'énormes parois de pierre qui jaillissent dans chaque rue environnant les décombres du Kidd's et qui bloquent toute fuite vers le reste de la cité. Un rempart entre les remparts. Et pour gouverner ce nouveau fief, c'est une citadelle mouvante aux traits Morneplumiens qui s'active, arrache un premier toit d'un bâtiment et le lance à la manière d'un frisbee vers l'endroit où il soupçonne Nash de se terrer.

    Dans un fracas colossal, le toit aux tuiles virevoltantes fend trois tours de pierre avant de s'abattre dans une incroyable déflagration contre la ruelle où s'était aventuré Nash. Soulevant des montagnes de poussières et des clameurs de terreur dans leur effondrement, les trois tours s'écroulent dans une pluie de briques et de charpentes esquintées.

    Et désormais il peut le voir, Morneplume, ce satané Nash. Prisonnier des décombres, bien écrasé par le poids de plusieurs poutres, serrant toujours entre ses mains le scaphandre, du sang ruisselant sur son front, il tente vainement de s'extirper de là. Il est à sa merci… ou à celle de Kosma ?

    Tss… maugrée le titan en voyant son homologue aux vêtements déchirés s'extirper des décombres à son tour… en compagnie de nul autre que Richard Bradstone lui-même.

    Écartez-vous, Kosma, il n'en est plus à vous de décider du sort de ces hommes. Prenez le scaphandre et faites évacuer la zone vers ses périphéries.

    L'œil du cyclone, Nash l'a connu, alors qu'il panique en tentant de tirer sa carcasse des ruines. Mais rien ne pourra lui éviter ce poing de pierre qui s'élève près de cinquante mètres au-dessus de lui.  
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    Sa botte claque le pavé d'un son rauque et ferme, un pas sec et machinal que rien ne semble pouvoir altérer, ni même le chaos développé par Morneplume lorsque ruelles et artères se gondolent sous le pouvoir et la démesure de leur nouveau maître qui, de sa seule volonté leur commande de se greffer à son roc monumental. Son cuir autrefois noble est  usé et rêche et chaque foulée strie un peu plus les nervures d'une peausserie échiné en tous endroits, d'une tige élimé par le poids des décennies qu'elle a soutenu, de revers abîmés par le frottement constant à cette carne osseuse et saillante. Un cuir à l'image de la peau qui l'habite, une botte à l'instar de son détenteur qui déambule, tige rougeoyante au bec, dans les allées presque désaffectés de Luvneelgraad illuminés par les torchères çà et là. La plèbe, elle redoute, elle craint ce colosse zélé dont la réputation funeste précède les sacs de crânes égrainés sur son chemin tortueux. Elle ressent le poids des tonnes qui s'amoncellent en son giron, la masse sait, elle ressent l'indicible tension qui court le long de chacune des lignes dépeignant la stature gigantesque d'Edwin Morneplume, elle éprouve  chaque seconde toute la pesanteur bileuse et l'antipathie qu'il livre à tous ces royaumes indépendants, toutes ces contrées libres qui lui résistent qu'il entend tôt ou tard placer sous l'égide du gouvernement.  

    L'ombre portée qu'il propage sur la capitale gagne en ampleur sans que quiconque ne semble pouvoir en entraver la progression, la nuit elle même semble épouser les formes de sa silhouette humanoïde et en asseoir toute son omnipotence.  Les obstacles que dresse Morneplume sont de vaines barrières pour un homme de la carrure d'Urlrand, pour cet homme qui connaît chacun des recoins obscurs de cette cité sur le bout des ongles, pour ce homme qui sait contourner la moindre des embûches semé sur sa route et gagner les toits. Une brise fine vient se glisser dans l'encolure de sa parka faisant en onduler le tombant alors qu'il observe de son point de chute le désastre orchestré par un homme à la détermination aussi  irascible que la sienne. Il contemple ce spectacle en prenant soin de développer son aura en cercles circoncentriques tout autour de sa personne. Une aura qui lorsqu'elle s'épand, soulève d'une traite la poussière avoisinante en volutes et autres tourbillons cendrés.

    Quelques secondes, seulement quelques secondes pour mesurer le marasme.

    Quelques secondes où cet homme sent sa cité vaciller au gré des charognards qui l'emplissent pour y chasser ses justes, pour y meurtrir les légataires de son héritage, il écoute toutes ses voix s'estomper dans le lointain ou s'éteindre brusquement lorsque les hommes de Morneplume diligente les assauts dans les rues où se terrent ses hommes.  La peur atrophie les cœurs, l'empathie ceint la détresse accablante, oppressante, écrasante à chaque fois que Morneplume effectue le moindre mouvement vers son objectif, vers lui, vers l'ingénu Christopher Nash affalé au sol, prisonnier de son état, dans le dénuement le plus total, tentant  de s'extirper du fatalisme de sa situation.  Et l'empathie le sent Lui, ce bloc de roc impénétrable, intransigeant, austère et sévère, elle sent sa haine latente et tout le dégoût sous-jacent teinté de brutalité qui nourrit son esprit bouillonnant, un dégoût envers les autres d'abord...puis envers-lui même tout autant.  

    Quelques secondes où cet homme ressent l'univers entier le transpercer, où impressions, sensations et émotions se confondent et s'entremêlent dans le même creuset et font corps avec lui, des regrets poignants de Nash, aux horribles doutes de Kosma quant à son sort tout annoncé, mais également  à la témérité du blondin qui supplante la peur pour se dresser entre son camarade et le poing monumental du titan.  Quelques secondes plus tard lui suffisent enfin à avaler les distances dans une course dantesque qui le fait déboucher sur cette ruelle où il y a quelques secondes encore tout semblait plié. La miséricorde, Elle, en a voulu autrement et l'irruption salvatrice et remarquée d'Ulrand tant par le contingent de révolutionnaires que par le vieux bonze lui-même, a aussitôt fait de dérober une grimace goguenarde à son adversaire.

    Instants figés, le temps lui même semble se suspendre dans un halo laiteux où l'hébétement des uns se confronte au cran des autres, au cran qui se faufile dans le bouquet de phalanges que l'as de la révolution oppose au poing mortel du vassal de la Ventura, à cette pogne fulminante maculé d'ébène qui vient percuter les doigts noueux du lieutenant d'élite. Collision fabuleuse où aucun des deux antagonistes ne semblent céder un pouce alors qu'une onde de choc souffle les bâtiments dans un rayon de 30 mètres autour de l'épicentre de la frappe. Kosma, Bradstone, Nash et le costume s'envole dans les airs à quelques dizaines de mètres dans l'atmosphère.  
     

    "KOSMA ! "


    Une interjection du golem suffit à ce que le lion utilise le visage de Nash comme appui pour se propulser vers l'habit et l'empoigner à bras le corps avant de retomber lourdement sur les trapèzes de Morneplume. Le scaphandre, lui, s'envole de plus belle vers les hauteurs empruntant les courants crées lorsque Morneplume essaye dans une infinie minutie de diriger son index vers la bulle sanctifiée.  Une œillade d'Urland suffit à ce que Nash & Wade, abasourdis, gravissent à bride abattue les bras du mastodonte et se lancent dans une ultime tentative de sauvetage de l'objet.   Le casque tournoie à grande vélocité dans les airs,  Morneplume déployant tout son allonge pour s'emparer du précieux artefact, offrant une passerelle inespérée à Christopher Nash qui dégaine de son fourreau sa rapière et lance une vague d'air ascendante qui renvoie le globe hors de la portée du géant jusqu'à entrer dans la sienne. Manœuvre qu'il ponctue d'un saut impérieux vers la sphère convoitée, il allonge son bras tout du long, déplie ses phalanges de toute leur longueur avant d'effleurer les parois du verre sans malheureusement pouvoir s'en saisir. Cherchant avec peine à palper l'objet, il s'échine, se courbe encore, il insiste et persiste mais il lui échappe. Encore. Et dans son sillage, la main de fer de Morneplume n'est qu'à une dizaine de mètres elle aussi, et il comprend. Il sait le rôle qui lui incombe d'assurer, sait que le blondin qui n'est qu'à quelques mètres derrière lui et que ce dernier a besoin de son assistance pour s'emparer de l'orbe et décamper.

    Il embrasse le sacrifice nécessaire et indubitable à la poursuite de l'objectif et réunissant ses paumes esquintées l'une dans l'autre, il crée un appui pour propulser son compère en altitude qui agrippe bientôt le scaphandre. Ce même sacrifice lorsque sa moue satisfaite esquisse un dernier sourire et que les serres de Morneplume se referment, le comprime dans un bruit sourd de cartilage et ne le transforme en dépouille inerte sanguinolente. Carcasse qui dévale le vide interminable avant de s'écraser démembrée et méconnaissable sur le tarmac devant un parterre d'yeux médusés.

    L'anarchiste, scaphandre en main, ne peut amortir le vol plané consécutif à son exploit. Exploit qui le conduit bientôt à se télescoper dans la façade de la première bâtisse venu, la capitainerie du port, et à dévaler consécutivement, gueule sur le bitume,  la pente inclinée qui le conduit droit sur l'embarcadère du port principal de Luvneelgraad. Peinant à reprendre un semblant d'esprit, il s'efforce de mobiliser ses dernières forces pour se relever mais tombe vainement à la renverse dans les eaux sombres de la cale de Norland en cette heure tardive où les quais sont de coutume dépeuplés.



    Dernière édition par Wade le Mer 2 Mar 2016 - 17:17, édité 1 fois
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    Leurs regards abasourdis ne savent plus qui fixer du colossal édifice mouvant ou du corps disloqué de leur leader qui vient de s'écraser piteusement entre les décombres de quelques bâtisses fracassées. Les révos qui débarquent d'une artère sans nom, piégés par la souricière érigée par Morneplume, ne peuvent que constater le spectacle triste, choquant, paralysant, d'un Christopher Nash méconnaissable. Certains, mains tremblantes et moites, laissent glisser leurs fusils au sol et s'écroulent à genoux, incapables de supporter la vue de ce frère d'arme dont la dépouille inerte et défigurée ne rappelle même plus le jeune prodige qu'ils ont connu. L'un d'eux, barbe bien taillée et joues creusées de vétérans, du genre à s'être échiné à fomenter la Révolution en compagnie de Nash, laisse même s'immiscer une première larme bien accrochée à l'orée de ses paupières. Ils ont perdu l'un de leur tête de proue, l'homme dont la rapière guidait les idées, celui qui malgré son jeune âge savait rallier qui que ce soit. Il avait un sourire comme un gosse. Maintenant il est mort.

    Une main crispée et gantée de cuir s'approche du visage déchiré du vétéran. Y cueille la larme d'un doigt, puis l'essuie contre le rabat de sa parka. Les pupilles sombres d'Ulrand ne sont même plus visibles sous les rides haineuses de ses sourcils froncés. Mâchoires serrées, poings luisants d'ébène, tout en lui hurle une rageuse colère qu'il peine à contenir en avançant vers l'énorme pastiche de Morneplume.

    Ce dernier s'avance aux limites du territoire qu'il s'est approprié, cet enclos de pierre dans lequel se terrent les derniers résistants. Il est un immense seigneur du roc dominant le centre-ville de Luvneelgraad. Un indétrônable monument qui, de ses yeux terreux, cherche un quelconque remous dans les eaux du port qui pourrait insinuer la présence de Wade à la surface. Au moins, entre ses doigts, couvert de poussière, l'habit de Théolinus repose hors d'atteinte des révolutionnaires. La tête du scaphandre, elle, s'en est allée. Il gronde, Morneplume, dépité d'ainsi laisser s'en tirer un pathétique rebelle, un moustique bourdonnant dans les tympans du pachyderme qu'est sa justice.

    Puis soudain, explosion. Il se sent s'effriter, puis il perd pied. Sa masse colossale trébuche, s'écroule contre le sol. Ses mains de montagne s'appuient contre quelques toits afin de se soutenir, alors qu'un coup d'œil rapide à ses jambes de granit l'informe que son tibia droit n'est plus qu'un ramassis informe et fumeux de gravas. Dans la poussière qui s'envole, David s'avançant contre Goliath, Ulrand, minuscule, les poings nimbés de noir.

    Hmmm. gronde le visage Rushmoresque de Morneplume. Ulrand. Je ne tolèrerai pas une seconde incartade de votre part.

    Silence typique du taciturne mais charismatique révolutionnaire. Un grognement s'échappe de sous sa barbe, alors qu'un poing titanesque fond vers lui. Le haki rencontre le roc, dans une déflagration formidable. Sous ses yeux froids, le Lieutenant d'Élite tique lorsqu'il sent apparaître de nombreuses fissures le long de ses jointures. Son poing s'effrite, craquèle, puis explose comme emporté par un inexplicable et puissant séisme.

    Le pied et la main complètement démontés, fumants de poussière et parcouru de fissures, Morneplume peine à se remettre droit. Ulrand, lui, fonce à toute allure pour tenter de l'escalader ! Mais déjà, le Lieutenant tonne avec frustration alors que de nombreux piliers émergent du sol pour écraser l'As de la Révolution. Les poings vengeurs d'Ulrand ont tôt fait de réduire à l'état de miettes les pans de macadam ayant soudainement pris vie pour l'assassiner. Morneplume, lui, fait s'enfoncer dans le sol le géant dont il s'était enveloppé, la structure qu'il habitait retournant à la cité dont il en avait extirpé les formes. Il émerge du sol juste derrière Ulrand, prenant ce dernier par surprise en lui braquant son colt contre la nuque.

    Vous êtes en état d'arrestation, Ulrand, fieffé révolutionnaire de Grand Line, primé à plus de 140 millions.
    Oh croyez-moi Morneplume, vous ne savez pas à quel point vous êtes dans le faux. lance la voix éraillée du vétéran.

    C'est la première fois qu'Edwin entend parler le révolutionnaire haletant, et jamais il ne s'était senti si touché par tant de sarcasme, de haine, dans ces quelques mots. Porteurs de sens, ces mots ? Oui. Déjà derrière les deux monstres s'alignent les rangs des quelques révolutionnaires et marines toujours de la partie, armes à l'épaules braquées sur qui le veut bien. De révolutionnaires, il ne reste que quelques troupes éparses, au même titre que les soldats d'élite restants, couverts de poussière et blessés par les affres des combats dans les rues, ne tiennent debout que par l'élan de volonté typique des vrais soldats.

    Vous pensez vous tirer de ce problème-ci, Morneplume ? lance Ulrand, toujours de dos, provoquant Edwin au possible.
    Hm.
    PLUS PERSONNE NE BOUGE !

    Ce cri, il ne vient ni des soldats de l'Élite ni des révolutionnaires, mais bien du bataillon de soldats royaux de Luvneel qui débarque en trombe sur les lieux de l'affrontement, fusils et hallebardes au clair.

    Je vous retourne la question, Ulrand.
    Luvneel, c'est chez nous, vous pouvez croire un instant qu'on avait pas tout prévu.

    Il dit ça, Ulrand, puis l'instant d'après il se décale de sous le canon de Morneplume. Dans ses mains brillent un instant de minuscules billes de plomb qu'il balance en direction de l'attroupement de diverses allégeances. Explosion. Pas de déflagration, ni de flammes ou de débris. Seulement un énorme nuage de fumée qui engouffre tout le monde en son ventre.

    Que personne ne tire ! hèlent les hommes de la garde de Luvneel, alors que Morneplume fait volte-face pour braquer son arme sur la première silhouette qu'il peut apercevoir. Un seul coup de feu part se ficher dans la jambe du fuyard avant que le Lieutenant ne se restreigne véritablement. Son doigt se bloque sur la gâchette, ses mâchoires se crispant pour ne pas si simplement jouer de chance et abattre un révolutionnaire de plus. Parfois, il faut suivre les règles pour éviter de plus amples incidents diplomatiques. Car lorsque la fumée se dissipe et qu'il ne reste plus aucun révolutionnaire en vue, si ce n'est celui qui gémit au sol, une balle encastrée dans le talon, Morneplume sait très bien qu'il y a une Dragon Céleste hors d'elle qui fulmine toujours au sein d'un cocon protecteur, et qui sera horriblement frustrée de la tournure des événements.

    Le moins qu'il puisse faire, pour l'instant, c'est déposer son arme comme chacun de ses hommes… et ramasser l'habit de Theolinus qui gît, là, sur le sol poussiéreux de Luvneelgraad.


    ***


    Vous savez, Mademoiselle, il faut avouer que l'opération en tant que telle s'est peut-être détournée du plan initial, mais il n'empêche que les résultats en sont tout de même fructueux.
    ME LAISSER COMME ÇA AU MILIEU D'UN CHAMP DE BATAILLE ! MORNEPLUME !
    Et il est vrai que nous n'avons pu récupérer la bulle du scaphandre de Theolinus, mais l'habit saura sûrement vous démarquer de vos pairs.
    RAAAAH…

    Elle fulmine, De la Ventura, alors qu'elle marche de long en large du bureau d'Edwin, dans le croiseur qui les a mené sur Luvneel, en grognant et hurlant à tue-tête. Morneplume, lui, assit à son bureau, tâte le tissu hors de prix de l'antique scaphandre capitonné qui est étendu devant lui. De très bonne facture, renforcée de longs arcs et cerceaux d'or et d'argent, la combinaison porte plusieurs siècles de majesté et de domination à-même ses sangles et ceintures.

    Il est magnifique. Vous devriez vous reposer, Mademoiselle.

    Elle finit par s'asseoir sur un des fauteuils de velours faisant face à Edwin, Annarosa, fatiguée par tant de violentes colères.

    C'est la dernière fois que je vais à une enchère.
    Oh, vous n'avez pas à vous en faire, Mademoiselle, je crois que ce ne sera plus nécessaire.
    C'est la dernière fois que je quitte Marie-Joie aussi. Quel monde de fous.
    Ne vous en faites pas, Mademoiselle. La tâche de vos prochaines commissions m'incombera.
    J'espère bien ! lance-t-elle, tranchante et acide.
    J'ose croire qu'un tel incident sera rapidement essuyé par l'État Major, Mademoiselle ?
    Hihihi ! Mais bien sûr, voyons ! minaude-t-elle, la petite et machiavélique jeune femme, en dessinant d'indescriptibles courbes sur la table, du bout des ongles.

    Regard de connivence entre le froid et immense Lieutenant et sa frêle et bouillante protégée. Les longs doigts noueux de Morneplume ouvrent un tiroir et déposent deux affiches sur la table.

    Pour ma part, j'ai un agréable présent à offrir à mes supérieurs. J'espère que cela saura attiser aussi leur agacement et qu'ils comprendront que les dommages collatéraux subits par Luvneel sont tout à fait justifiés.

    Annarosa pose le regard sur les affiches, alors que Morneplume fait une croix sur les visages qui ponctuent chacune d'elles. Elle ricane de sa voix fluette, puis jette un regard par les fenêtres du bureau de Morneplume. À l'extérieur du croiseur, le centre-ville de Luvneelgraad fume toujours des combats.

    À l'intérieur du croiseur, en fond de cale, bien ferré de granit marin, une balle de colt lui ayant fracturé le talon, piégé des barreaux d'un cachot, Richard Bradstone attend son heure, la moustache frisant sous l'humidité.  

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