Posté Jeu 10 Mar 2011 - 18:43 par Rafaelo
Si le racisme n’était pas de mise dans la ville, ce n’était pas le cas en ces lieux. Un rassemblement de tout ce qui pouvait être considéré comme les rebuts de cette société en mal de vivre tenait lieu de clientèle à ce commerce. Commerce, oui, car plus d’une chose était offerte à ce comptoir, ne serait-ce que par la quantité d’alcôves discrètes de l’endroit. L’assassin ne fit que lever un sourcil en observant le nouvel individu. Un homme-poisson. Et alors ? Il n’était pas coutume d’en voir par ici, mais qu’il respire sous l’eau ou ait une paire de branchies n’avait pas réellement d’importance pour lui. Il avait déjà pu côtoyer ce genre de créatures, quelques uns s’étaient engagés sous la bannière populaire, même si le mouvement Révolutionnaire était majoritairement humain. Quelques hommes poissons croyaient pouvoir changer le monde ainsi, même si selon l’assassin, ils feraient mieux de changer leur gueule avant que le monde ne leur tombe dessus. Enfin, quoi qu’il en soit, il comprenait que le silence se soit fait dans la taverne, même s’il ne partageait pas l’opinion globale. Lui, tout simplement, n’en avait strictement rien à foutre : il était ici pour accomplir sa mission, rien d’autre.
Tout aurait été plus simple de cette manière, mais la loi de Murphy n’était pas une constante négligeable. Alors que l’assassin rappelait au tavernier sa présence d’un signe agacé de la main, un cri de panique retentit à sa gauche. Rafaelo se retourna, et tira à moitié son épée courte du fourreau, au cas où. Il vit un homme décrire un magnifique arc de cercle dans les airs, s’achevant par un atterrissage plutôt moyen, mais auréolé d’éclats de bois. Relâchant son arme, le jeune homme fit une grimace douloureuse, par compassion pour le pauvre pirate volant. Il se retourna vers la brute et ne fut pas tellement surpris de se trouver là face à l’homme poisson. Pourquoi ? Et bien tout simplement parce que pour une fois, sa mission se passait si bien … trop pour qu’il n’ait pas d’ennuis. Il fixa son interlocuteur droit dans les yeux, ne cherchant pas à se défiler face à ce contact inopportun. Il ne prit pas même la peine d’étudier le faciès ésotérique de cette créature, mais se concentra sur la lueur bestiale qui luisait au fond de ce regard pourtant bien humain …
« Bon, on va faire simple pour nous éviter de perdre du temps et de la patience, la mienne en l'occurrence.
Je suis venu récupérer l'argent. »
Argent ? Heu … Il pouvait la lui refaire là ? Il était en mission, et de ce fait incognito, pour récupérer de l’argent, justement, à un homme sur cette petite île. Qu’on lui explique alors qu’un homme à moitié écailleux vienne lui demander des comptes ? D’où il le connaissait … et surtout, pourquoi venait-il l’emmerder ? Rafaelo entrouvrit la bouche et fronça les sourcils. Un peu trop agressif le type, mieux valait le prendre avec des pincettes. Mais un homme-poisson, ça pensait pareil que lui ? Ouais, peut être. Bah après tout, il avait une tête et donc un cerveau. Autant s’adresser à lui de la même manière qu’il l’aurait fait avec un type lambda.
« Écoute-moi bien, playboy … » commença-t-il, agacé par ce contretemps.
Trop tard : un homme aux airs de bouledogue croisé avec un menhir venait de s’interposer entre son interlocuteur et lui. Rafaelo soupira longuement avant d’offrir un sourire goguenard à ses comparses. Ceux-ci, comprenant alors qu’il se moquait d’eux, ce qui n’était qu’à moitié le cas, gonflèrent leurs muscles saillants et mimèrent la suite des événements en écrasant leur poing droit dans leur paume gauche. Très pertinent comme remarque. L’assassin se détourna donc, n’ayant aucune envie d’avoir de nouveaux ennuis. Les trois ivrognes prirent ce geste pour de la peur et retournèrent à tourmenter l’homme poisson. Ce fut le choc cuisant de la tête du premier molosse qui ramena Rafaelo à la réalité. Il ne s’attendait pas réellement à ce qu’ils l’emportent sur la poiscaille, mais plutôt à ce que cela se passe d’une autre manière ! Il se recula avec violence, et évita la première giclée de sang. Quelque chose de sourd commença alors à monter en lui. Il passa sa main sur le pommeau de son arme, et jugea qu’il ne valait mieux pas tirer celle-ci au clair, et donc déclencher une mêlée générale. Cette … créature ne semblait pas posséder un semblant d’humanité, à l’instar de quelques autres humains, il fallait bien le reconnaître. Etait-il pirate pour oser se comporter ainsi ? Certainement. Nul uniforme, nulle prérogative à instaurer une loi aussi personnelle soit-elle. Les lèvres de l’assassin ne formaient plus qu’un pli de rage, se narines s’étaient dilatées, signe d’une colère grandissante.
Déformation professionnelle, Rafaelo jeta un œil vers les différents témoins de la scène. Le barman avait disparu de là, il se dirigeait vers le fond de la taverne. En quête du propriétaire ? Peu importe, il était hors champ pour l’instant. Les clients, en revanche, s’étaient massés en une foule compacte autour des deux protagonistes. L’homme poisson venait de relâcher sa proie, que les trois stupides soulards raccompagnaient dehors. Inutile, il était déjà mort à en juger par le flot de sang s’échappant de sa jugulaire. L’assassin secoua la tête de dépit. Il était à présent au centre de l’attention, il entama un retrait discret afin de ne pas être mêlé à ce massacre gratuit. Il sentait la colère des hommes gronder autour de lui, comme un miasme entêtant. Il préférait nettement prendre l’air que de rester là. Ça aller éclater, c’était évident : il n’était pas du genre à se soumettre à une quelconque autorité. La preuve en était que Rafaelo venait chercher ici un contact de la Révolution. Il se recula timidement d’un pas, profitant du fait que l’attention soir exclusivement centrée sur l’homme poisson, en cet instant.
« Mon argent donc. »
… et merde. L’assassin se stoppa net, agissant comme s’il n’avait jamais eu l’intention de bouger. Il offrit un regard glacial au sadique personnage. Il était maintenant au centre de l’affaire, mais personne n’avait encore osé parler. Etait-ce à lui d’initier les choses ? Il pouvait tenter un débat diplomatique avec cet homme, mais il était certain que les gens qui les entouraient n’étaient pas de l’espèce de ceux qui savaient écouter, de même que cet homme poisson. Rafaelo n’avait tellement d’autre choix que de se prémunir contre cet homme et contre les ires de cette populace composée de criminels et autres vermines. Un homme venait de se faire tuer froidement sous ses yeux, il ne pouvait laisser ceci impuni. C’était, bien entendu, la gratuité de l’acte qui ferait peser son jugement, non l’acte lui-même : il était lui-même un assassin, après tout.
« Tu fais erreur. Je suis de passage sur cette île. » commença-t-il, pesant chacun de ses mots.
« Mais je doute que ton comportement soit admiré de tous par ici. » continua-t-il, avec une moue de dégoût.
Les clients pouvaient très bien s’en foutre de ce qu’il venait de se passer : les lieux ne semblaient pas exempts de violence. Il fallait peut être attribuer le ressentiment général à l’apparence du meurtrier. Les hommes poissons étaient plutôt rares dans East Blue, et les minorités avaient souvent bien mieux fait de se tenir à carreaux. Excepté pour celui-ci, apparemment …
Au même instant, alors que l’assassin jetait un œil inquiet à la foule, une porte s’ouvrit vers le fond de la taverne et un homme, vêtu de blanc et arborant une armure de cuir se faufila à travers les tables. Le tout lui donnait l’air d’un moine, la capuche lui masquait le visage et quelques arabesques égayaient sa tenue. Il portait même une demi-cape rouge, tiens ! On aurait dit …
« Mais c’est quoi cette embr… » s’exclama l’assassin, ouvrant grand les yeux.
Au fond de la taverne, se trouvait une réplique quasi parfaite de sa tenue vestimentaire. Il reconnu alors le tavernier, non loin de cet étrange personnage, tenant entre ses mains une imposante clef en fer. Rafaelo se retourna brusquement et contempla avec contrariété que la clef qui aurait du le mener à sa cible n’y était plus. Il leva les yeux au ciel puis, occultant totalement la foule, il quitta sa place et voulu se tailler un chemin à travers elle. Malheureusement pour lui, un malabar lui barra la route.
« Où tu vas, demi portion ? On a deux ou trois mots à vous dire, à ton pote et toi … » le menaça-t-il, répétant le même geste que les trois comparses de la victime de la poiscaille, quelques secondes plus tôt.
Pas le temps, il n’avait pas du tout le temps : voilà déjà que celui qu’il supposait être Koroshizu s’enfuyait hors du « Tambour rafistolé » ! Rafaelo prit un pas de recul et expédia son poing ganté dans le nez de son adversaire. Il l’envoya au sol d’un seul coup, dans une explosion de sang et de hurlement. Et son pote ? Quoi d’autre encore ! N’avaient-ils rien écouté ? Bon sang, la peste soit des soulards !
« Dégage, j’ai pas le temps. » murmura-t-il à l’homme qui se roulait à terre, se tenant le nez entre ses mains.
Malheureusement pour lui, ce geste venait de déclencher la cohue générale, ce qui n’était pas forcément pour le servir. Mais entre ça et laisser échapper sa proie, le choix était vite fait ! L’assassin se prémunit d’une quelconque réaction agressive de la part de l’homme poisson en dégainant sa rapière. Ce faisant, il fit tourner la lame autour de lui, menace évidente. Quatre hommes reculèrent devant celle-ci, tandis que la majorité de l’assemblée tirait son arme au clair. Evidemment … Réagissant au quart de tour, l’Auditore plongea sa main droite dans sa bourse et en tira une bombe fumigène. Il l’amorça aussi tôt et l’éclata contre le sol. La fumée se répandit dans la pièce, tandis que déjà, l’assassin se taillait un chemin dans la foule. Dégainant sa lame secrète, il trancha quelques tendons, puis il se servit des hommes blessés pour passer au dessus de la rangée suivante. Marchant tout simplement sur la tête de ceux-ci, il gagna le fond de la taverne en un saut périlleux parfaitement exécuté. L’assassin se récupéra à quelques mètres de la porte et profita de la panique créée par sa bombe pour partir à la poursuite de sa cible. Au pire, l’homme égorgé par le poisson ne serait regretté de personne … la mission primait avant tout : s’il ne la menait pas à bien, ce serait à son tour d’être dans de sales draps !