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Plus que ses muscles, son sang, sa chair, sa vie ou même ses rêves et ses buts.

Le néant.

Je l'ai déjà connu, vécu, subi. Mais c'est un néant différent des précédents qui m’engloutit. Telles des mains aux griffes acérées, l'obscurité m'agrippe et m'emporte vers un domaine qui me restera toujours inconnu, où je ne suis pas maitre de ma destinée, de mon corps, de mon être. Un domaine ou le physique et le matériel ne sont plus qu'une illusion de l'esprit. Le vide. Non pas le repos éternel. Juste le repos. Et les retrouvailles avec soi-même. Uniquement soi. Les derniers souvenirs sont les derniers fils qui me relient au monde des vivants. Les affres du combat, les douleurs ressenties, la joie de la victoire et la souffrance des blessures. Quand il y en a trop, quand la limite à ne pas franchir l'est, le corps sombre dans ce néant. Les yeux se ferment. L'esprit se sépare du corps pour que ce dernier puisse se reposer, se réparer ; se renforcer.

Le noir.

Un vide que j'appréhende difficilement. Le dernier néant que j'ai eu à subir, c'est lorsque le démon m'a dominée. Il a pris le contrôle de mon être, m'enfermant dans un recoin de mon esprit. Détachée de mon corps que je ne contrôlais plus, j'étais face à ce néant avec la peur ultime en mon cœur : ne plus pouvoir être moi même. J'ai lutté et j'ai gagné. Le néant suivant, ce fut à cause du pouvoir de mon adversaire, cette force puissante qui semble être de l'étoffe des grands de ce monde. Le Haki. Ce fut un néant brutal. Tellement brutal que même mon esprit en a été affecté. Il s'est tu ; un être totalement annihiler par la détermination d'un homme. Il ne pouvait pas avoir de lutte. Pour le néant qui me saisit, il n'y a pas à lutter. Il n'y a qu'à se laisser couler dans le flot qui m'emporte. Des griffes douloureuses, on passe aux mains délicates avant de terminer par des plumes d'une douceur infinie. Elle m'emporte, m'anesthésie, me conforte.

La paix.

C'est drôle. Je deviens presque une habituée de passer ainsi par ce néant. Trois fois en une journée, c'est beaucoup. Innocent Island. Une ile qui m'aura apporté beaucoup d'enseignants et qui m'aura fait vivre bien des expériences. Rarement plaisante, il est vrai.

Je suis là sans l'être. Au loin, comme au travers d'une brume matinale, je perçois les frontières de mon corps qui s'est effondré à même le sol. Je pourrais craindre pour lui, mais la forêt me protège. Elle m'a toujours protégée. Et quand j'y pense, je perçois les arômes de ma forêt natale. Endaur. Le bruissement des feuilles et les sons caractéristiques d'une colonie de Woks passant dans les arbres aux floraisons magnifique. C'est l'été. Il fait beau.

Cette odeur m'apporte un repère dans l'obscurité. Elle m'englobe. Je crois fermer les yeux un instant, mais alors que je les rouvre, c'est une forêt qui apparaît devant mes yeux. Derrière. Devant. Sous mes pieds. Endaur jaillit de tous les horizons. D'abord, les images sont floues, comme si je les regardais au travers de plusieurs vitres. La netteté gagne en intensité. L'instant d'après, ce sont les branches et les feuilles qui prennent vie, s'agitant au gré d'une brise toujours aussi apaisante. L'arome s'enrichit du bruit. Endaur est là. Endaur surgit du néant pour moi.

Où est-ce moi qui fais surgir Endaur ?

Devant moi se dessine une clairière ombragée par de grands hêtres majestueux. Un cercle de chaise composé d'un mélange de mousse et de feuilles comme si une colonie d'oiseaux avaient décidé de remplacer leurs nids par de pareilles structures. Sauf qu'il n'y a pas de chaises pour moi. Je reste debout. Émerveillé ? Conquise.

Soudain, une personne apparaît dans l'une des chaises, sur ma gauche. Tout comme cet environnement auparavant, le personnage reste flou. Je crois voir une bouche et des yeux qui me scrutent.

Qui es-tu ?
Qui suis-je ?

Un instant, je reste silencieuse. Je cherche sans trouver. Puis, des idées s'imposent à mon esprit. Père. Mère. Frère. Famille.

Oui. Je suis ton sang. Je suis tout ce qui t'unit par des liens qui dépasseront tout les serments de ce monde. Les liens de la famille. Je suis… Ramba. Je suis toi dans ta famille.


Et la forme prend consistance. Elle est ambivalence. Figure déterminée, mais hésitante entre deux formes. Père et Mère. Tantôt l'une, tantôt l'autre. Une chose ne change pas. Le sourire qu'ils m'adressent. Ce sourire que j'ai tant de fois vu. Le sourire d'un parent vers son enfant. Le sourire d'un amour qui ne peut être terni. La figure parentale me regarde un instant avant de détourner son regard vers une autre chaise. Là, une autre forme apparaît. Comme la première, elle reste floue. La joie de voir mes parents excite ma curiosité.

Qui es-tu ?
Qui suis-je ?

Encore une fois, aucune réponse ne me vient avant un temps. Puis, des idées, des pensées, des actes. La forêt. Les arbres. Les plantes. Les animaux de la forêt. La figure hoche de la tête, prenant peu à peu forme.

Oui. Je suis ce que tu défends. Je suis tout ce que tu aimes dans les arbres et dans les plantes. Je suis toi au milieu de ces êtres, parfois centenaires, que tu chéris. Je suis toi quand tu les protèges. Je suis… Nature. Je suis toi qui défends la vie végétale.

La personne prend forme. Son visage est d'écorce, ridée et vieillie par le temps. Son torse est un tronc et ses bras sont des branches aux multiples feuilles. Au milieu d'elle, un écureuil. Un insecte. Un hérisson repose sur son ventre. Ses jambes sont telles des racines, tordues par les siècles, s'incrustant dans le sol. Pas en le forçant, mais avec harmonie. Son visage d'une sagesse infini se tourne vers le centre du cercle après m'avoir regardée brièvement. Là, une unique tige émerge du sol et s'épanouit en une fleur. Une simple fleur, mais si merveilleuse qu'elle réveille quelque chose en moi. Quelque chose que je ne peux préciser.

Tout comme tu chéris la forêt, tu chéris Endaur. Et c'est dans Endaur que tu as ta chair. C'est elle qui te protège. C'est ta maison. Ta demeure. Ton dernier sanctuaire. L'endroit où tu es. Ou nous sommes. Je suis Endaur. Je suis le berceau de ta vie.

Point de visage. Point d'être. Juste une fleur. Ma fleur sacrée que je protégerais quoiqu'il m'en coute. Une troisième forme commence à faire son apparition, à la gauche de mon lien familial. Je reste silencieuse un instant, mais la forme ne semble pas se préciser.

Qui es-tu ?
Qui suis-je ?

La réponse me vient plus rapidement. Un bâtiment. Une Église. Des Soeurs. Un Ordre. Une religion. Un repère en ce monde.

Oui. Je suis la foi que tu as en ton ordre. Je suis tout ce que tu as vécu parmi l'Église de la Juste Violence. Je suis toi avec les Soeurs. Je suis toi qui combats pour tes convictions. Je suis toi qui parcours le monde pour tes buts. Je suis… Soeur Marie-Thérèse. Je suis toi dans la religion.

La forme prend l'apparence de sœur Elza. La sœur d'élite qui m'a tout enseigné. Je vois son sourire moqueur. Elle me regarde du même regard qu'elle m'a toujours accordé. Une moquerie affichée, mais sans une once de méchanceté. Habillée de sa tenue de religieuse, elle tient sur ses genoux deux plus petites figures courtes en jambes. La Mère Supérieure qui m'a prise sous son aile : Isilda. De l'autre, Kestrel. L'Eveque qui m'a beaucoup aidée. Ils me regardent un instant avant de se chamailler amicalement. Elsa me regarde avant de faire un mouvement de tête vers la quatrième chaise, à droite de Nature. Sans surprise, la forme semble tout d'abord floue aux contours indécis. Elle semble massive. Puissante.

Qui es-tu ?
Qui être moi ?

Je souris. Même en cet instant unique, le démon en moi ne peut se séparer de son phrasé caractéristique. Un grognement se fait entendre. Les autres sourient aussi.

Oui. Moi être toi dans la force que toi avoir. Puissante. Brutal. Sauvage. Moi être avatar de toi dans règne animal. Moi être toi car toi être moi. Indissociable. À jamais. Moi être… démon. Toi dans combatante que toi être.


Le démon prend forme. Sans surprise, il adopte les traits que je connais : mi-bousier, mi-humain. Son regard ardant me jauge, me teste. Il ne sourit pas. Il est un rival. Il est ce qu'il est. Un démon qui tente. Un démon qui me maudit. Un démon contre lequel je lutte. Mais, il est quand même moi. Oui. À jamais. Le démon se tourne vers sa droite. Tout le monde se met à regarder dans la même direction. Juste devant moi. Fermer le cercle. Une chaise. Enfin, une forme apparaît, toujours aussi flou, mais ce flou semble prendre son origine dans une clarté aveuglante. Je suis obligée de mettre ma main devant mes yeux pour m'en protéger.

Qui es-tu ?
Qui suis-je ?

Je sens déjà la réponse au bout de ma langue, mais elle essaie de m'échapper. Je m'en saisis, mais je ne veux pas l'entendre. La prononcer. C'est impossible. Serait-ce... ? Lui.

Oui. Je suis celui qui a toujours entendu des prières. Je suis celui à qui tu as donné ta vie. Je suis celui qui te guide. Je suis celui qui prend tes peines. Je suis espoir. Je suis vie. Je suis amour. Je suis paix. Je suis dans ton cœur. Je suis ton Seigneur.

La lumière décroit peu à peu. Je veux me cacher les yeux pour ne pas voir, pour ne pas blasphémer le Dieu que j'ai choisi. Qui m'a choisie. Mais une force invisible m'interdit cet acte et je ne peux que contempler son apparition. Un être. Unique. Homme ? Femme ? Juste un long vêtement blanc recouvrant toute sa chair excepté son visage. Excepté ces deux yeux. Deux puits insondables dans lesquels je peux lire toute l'humanité du monde, toute sa destinée. Toute son essence. Le tout m'assaille. Il ferme les yeux.

Il y a des choses que tu ne peux encore regarder.

Il les rouvre. Une sorte de voile s'est posé sur ses yeux. La contemplation du tout m'est interdite et me protège.

Mais, bientôt, tu pourras entendre.
Comment ça ?
Écoute. Et tu comprendras.

Son regard pétille un instant.

Écoute-le aussi.

Je voudrais répondre « qui ? ». Mais la réponse s'impose d'elle-même. Elle m’abasourdit avant de me terrifier. Des pierres roulent sur le sol et s'amassent derrière l'être que je vénère. Elle forme un monticule qui le dépasse même. De la pierre surgit des racines et sous mes yeux interloqués se construit un siège similaire en tout point à ceux des autres. Et une fois que ce siège s'est constitué, une forme apparaît dessus. Assise.

Comment ? Comment ?! Comment quelqu'un peut-il être au-dessus de toi, Seigneur ?


Il ne répond pas. Il se contente de me fixer. Mais il y a quelque chose dans son regard qui m'attriste. Pire, j'ai peur. Alors, je regarde la forme. Oscillant entre différents plans. Et je pose la question.

Qui es-tu ?
Qui suis-je ?

La récompense ne vient pas tout de suite. Je la cherche. Je fouille ma mémoire. Je fouille mon cœur. Je fouille mon âme. Je cherche à en perdre la raison, mais rien ne me vient. Rien. Le vide. Le néant dans lequel je suis. Je repasse tout en revue. La tension monte. La peur. L'incompréhension. Pourquoi je ne sais pas ? Pourquoi est-ce un inconnu ? Je savais pour les autres. Face à mon ignorance, je me défends. Je me défends d'être ignorante.

Je ne te connais pas.

Il est pourtant une part de toi. Comme tout le monde ici.

Ils me regardent. Tous. Ils me jugent. Comment ? Comment pourrais-je avoir une part d'inconnu en moi ? Comment pourrais-je abriter une part de néant ? La tête dans les mains, je m'agenouille. Endaur commence à disparaître. Les arbres ternissent. Le sol semble s'effondrer. Des sables mouvants au centre du cercle. Je suis attirée. Je m'enfonce sans que je puisse faire résister. Et ils continuent de me regarder.

Père ! Mère !

Ils font non de la tête.

C'est à toi d'en sortir.

Alors qui ? Qui es-tu ? QUI ?

Et c'est à la forme vaporeuse en haut de sa colline de parler.

Je suis ce que tu n'as pas encore. Je suis une part de toi qui te manque pour être une. Je suis un lien encore plus puissant que le lien du sang. Je suis celui que tu défendrais plus fort que la Nature. Je suis celui pour qui tu abandonnerais ta chair. Je suis celui pour lequel la religion passerait au second plan. Je suis celui qui dompterait le démon en toi. Je suis celui qui sera au-dessus de ton Seigneur. Je serais lui.

Endaur disparaît. Mère et père aussi. Ils disparaissent tous. Le néant m'engloutit. L'obscurité gagne. Même le Seigneur a disparu. Et seule la pâle figure brille dans l'obscurité. Seul. Devant moi.

Qui. Qui ? QUI ? QUI !

Je suis...
Ton ami.
Je suis...
Ton amour.
Ceux que tu aimes.
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