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Les Brumes et la Chrysalide [1625 | Raf]

Rappel du premier message :


    Dire que Goa était un coin pittoresque, une destination idéale pour des vacances tranquilles reviendrait à dire que oui, le Gouvernement Mondial luttait pour le bonheur de chacun et celui surtout d'autrui, dans chacun de ses gestes depuis le balayage du mousse le plus lambda jusqu'aux cinq momies chevrotantes de Marie-Joie.

    Il allait m'entendre, le Rafaele. Me faire venir dans ce coin pourri en m'obligeant à poser des jours de congés. Ne pouvait-il pas faire la révolution dans un coin plus glamour? Ou avec un climat plus accueillant? Non, il avait trouvé un coin perdu noyé dans la pluie et la grisaille. Que m'importait que dans le coin, le "grand" Luffy avait vécu et que le "grand" Shanks y avait été un invité récurrent. Ils étaient désormais nourriture à vers de terre, et les vers de terre morts et ce depuis belle lurette. La seule chose que je retenais d'eux restait qu'ils avaient eu le pouvoir de faire changer les choses et qu'ils n'avaient juste rien fait. Se jeter tête baissée à Marine Ford pour sauver son frère, voilà un geste noble que je comprenais. Je pense que j'aurais fait de même. Ah, si, parfaitement. N'étais-je pas là, à l'autre bout du monde, pour répondre à un appel d'un type que j'avais vu peut-être une heure dans toute ma vie? Alors, pour mes frères ou un de mes amis proches.
    Mais toute cette puissance, tout ce débordement de bons sentiments... pour son plaisir, son ambition?

    Remontant le col de mon trench-coat, je descendis la passerelle du navire, mes stilettos clang-clangant sur le métal puis clip-clipant sur la pierre des pavés. Mon regard fendit la foule tout en avertissant quiconque de pénétrer dans mon espace personnel. Finalement, je l'aperçus.
    -  « Tu as pris un coup de vieux, et quiconque t'a dit que le cache oeil était à la mode t'a menti. Bon, on y va? J'ai envie d'une tasse de thé et si je ne me mets pas de la crème immédiatement, je vais finir par te ressembler... »
    Je serrai néanmoins son bras d'un geste fraternel, mon regard adouci contrebalançant ma langue de vipère. Ah ça, j'avais changé depuis notre rencontre de l'an passé.


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 7 Nov 2013 - 23:46, édité 1 fois
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    En fait, il commençait à m'énerver. Il oscillait, un coup à droite, un coup à gauche, et jamais totalement à ce qu'il faisait. A l'entendre, nous n'étions capables de rien, et lui était blanc comme un linge. Plus royaliste que le roi, bientôt. C'était ce genre de personne qui m'horripilait le plus. Pas étonnant que Raf m'eût envoyé faire l'émissaire, lui aurait sûrement déjà tranché le Fitz en deux pour lui avoir fait perdre autant de temps.

    Lentement, j'applaudis, marquant bien tout le mépris que j'avais pour ces mots.
    - « N'impliquer personne et sauver le plus possible. Mais quelle naïve ambition ! Bienvenue dans le monde des licornes. Et dites-moi, dans votre grande sagesse, si personne ne s'implique, qui sauvera « ce plus de personnes » hum ? Et pourquoi ne sauver que quelques unes, en risquant votre vie, tout en laissant en place un pouvoir abusif ? Quitte à risquer votre vie, ne vous semblerait-il pas logique de viser un peu plus haut ? »

    D'un bond j'étais devenant lui, lui attrapant le menton d'une main ferme pour le forcer à me regarder dans les yeux. Enfin, en direction de mes yeux. La luminosité ne permettait pas vraiment de nous voir vraiment.
    - « Je ne suis pas une mademoiselle, sombre plancton. Et je ne suis pas une idéaliste. Je suis une révolutionnaire et bien plus encore. J'ai plus de sang sur les mains que toi dans ton corps tout entier. Et ne viens pas me donner des leçons sur agir dans l'ombre. D'où crois-tu que je vienne ? As-tu seulement réalisé que tu ne m'as repéré que parce que je l'avais bien voulu ? Je ne suis pas une petite coursière, je suis un membre important et capable de choses dont tu ne veux même pas commencer à imaginer la teneur, et ma présence ici prouve bien à quel point la situation est sérieuse. »

    Je le lâchai en soupirant, le repoussant d'une main ferme pour qu'il titubât en arrière et se retrouvât assis sur le bord du lit.
    - « Nous ne te demandons pas de faire l'impossible. Nous ne te demandons pas de te sacrifier en jouant les héros. Nous n'avons pas besoin de héros, en fait. » J'étais passé au tutoiement sans transition, et j'insistais sur ce point. Cet homme... ce n'était pas son statut de bourgeois, ce n'était pas son argent qui lui tenait à cœur. Non, c'était beaucoup plus profond. Cette peur, ce n'était pas un manque de confiance en soi, mais dans les autres. Peut-être avait-il vu trop de malheurs pour croire en mes paroles, pour croire que les choses allaient... pouvaient changer.

    - « Nous te demandons de faire ce que tu peux, avec tes moyens. Tu as déjà beaucoup fait, mais cette fois, il est temps que ne plus en faire. Fini, les magouilles pour dissimuler tes libérations, finis de courber la tête et de sourire à des gros porcs dont tu ne souhaites même pas voir les entrailles. Fini de te donner corps et âme, argent et sommeil, à une cause à laquelle tu crois profondément, mais avec de plus en plus d'amertume. Finie, cette tâche qui n'en finira jamais.

    De toutes les façons, avec ou sans toi, nous allons attaquer. Et si nous perdons, tu sais très bien que tu es en haut de la liste des représailles. Tu sais, et tu ne veux pas l'avouer. Tu n'as pas peur en tant que tel, tu as peur que nous détruisons ton système qui, à défaut d'être parfait, permettait de sauver quelques dizaines d'hommes. C'était déjà ça. Mais ce n'est plus assez.

    Ce n'est tellement plus assez que je vais te confier un secret. Nous savons tous les deux que tu ne nous trahiras pas. Pas parce que nous savons qu'à la minute où tu ouvriras la bouche, tu es mort, mais parce que tu n'es juste pas un traître.   « La monarchie répliquera »... Dis-moi donc, un roi, qu'est-ce que c'est ? Comment devient-on roi ? En naissant prince, bien entendu. Or, des princes et des héritiers du trône, il y en a plusieurs, une liste longue comme le bras de neveux, cousins, petit-filleuls etc. prêts à poser leur auguste séant sur le saint siège. Tu dois bien te douter que dans le lot, il y en a bien un ou deux qui partagent notre.... point de vue sur la situation de Goa...



    Et puis, un roi, ça te tue aussi. Une monarchie sans roi, moi, j'appelle ça une république.
    Marche ou crève, tu l'as dit. Nous avons marché dans l'ombre, à chuchoter dans des oreilles ou à bouger, placer, éliminer nos pions. Et nous allons encore marcher, et cette fois, sur les remparts, dans leurs maisons, et eux, ils vont crever. A toi de me dire dans quel camp tu te trouveras...  »
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Ton insolence sembla le marquer plus qu’autre chose. Il se pensait dans le vrai, parlait de sa science et de son savoir. Pourquoi une arriviste, une femme qui plus est, aurait donc le dernier mot ? Pourtant il se tut. Il était assez sagace pour savoir qu’elle n’était que la parole d’une chose encore plus vaste et plus étendue. Rien que le fait qu’elle l’ait trouvé, par exemple. D’habitude, il graissait les pattes et cela empêchait les questions. Mais face à des idéalistes, c’était peine perdue. Et elle lui fit bien comprendre. Une assassin ? Une de ces créatures de l’ombre, fatale. Il en frémit, un peu trop visiblement même.

Ce qu’elle lui proposait, lui promettait ... pourrait-il prendre le risque d’y croire ? Un risque ... Après tout, elle avait raison : s’ils perdaient, il en prendrait pour son grade. S’ils gagnaient ... alors tout cela serait fini. Libre à eux de reconstruire, libre à lui de relever la tête et de respirer enfin autre chose que ce miasme écoeurant.


« Je n’ai pas le choix, c’est bien ce que vous dites. Alors pourquoi continuer à essayer de me convaincre ? Une république ... bien belle idée. » te réponds-t-il, comme si tu ne l’avais pas impressionné.

Ah ça, il sait sauvegarder les apparences, mais face à quelqu’un comme toi, c’est inutile. Tous les petits détails qu’il ne sait cacher te sautent aux yeux et sa peur, ses doutes deviennent évidence. Pourtant, cela semble changer : après tout, si tu as réussi à lui faire peur, à le trouver il y a une chance ? Qu’a-t-il à perdre en se joignant à vous ? Plus qu’en restant seul, c’est évident. Alors doucement, il s’éclaircit la voix, se gratte la barbe. Pourquoi pas. Une occasion comme celle-là ne se représentera peut-être pas avant la fin de sa vie. Et puis peut-être a-t-elle trouvé d’autres alliés aussi ...


« Et en partant du postulat que je vous aide ... qu’aurais-je à faire ? » te demande-t-il.

Et à partir de ce moment là, inutile de le nier : tu avais gagné.
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    Contrairement à ce qu'on peut penser, la victoire ne se célèbre pas. Pas quand on est bien élevé, comme seule une dame peut l'être. Une victoire, ça se savoure, comme un met délicat, et telle une gourmandise, cela passe par des petits gestes. Un sourire que l'ombre avala, un léger "hum" appréciateur, un mouvement de hanches accentué tandis que je marchai vers lui, pour lui servir avec humilité un verre d'eau. Puis je m'assis à ses côtés sur le matelas, pour lui exposer la stratégie de Rafaelo... Enfin, la partie qui le concernait. Je n'étais pas encore assez bête pour tout lui dire. Une fois assurée qu'il avait compris et qu'il obéirait, je disparus, exactement comme avec De Janvillier, laissant derrière moi flotter une bonne odeur d'intrigue et d'aventures.


    Cette nuit, et les heures qui suivirent, je rendis visite aux autres personnes listées sur la page que l'homme de brume m'avait confié. Étrangement, deux d'entre eux étaient des femmes, et ce fut avec elles que j'eus plus de mal. Il faut dire que nous étions à la fois trop semblables et tellement différentes, que nous entendre en devenait un exploit. Des femmes, indépendantes dans un monde de barbarie masculine... de quoi faire rêver.... mais à quel prix s'étaient-elles ainsi imposées? Elles qui avaient pourtant encore une âme salvatrice et pleine de compassion? Nous étions encore chimères et par bien trop abîmées pour ne pas s'en montrer d'encore plus prudentes.
    Mais homme ou femme, ils se rendirent à mes arguments. Un par un, j'obtins leur coopération, en leur tenant un discours plus ou moins similaire. Celui qui faisait appel à leur sens de l'honneur, en flattant leur actions passées, en transcendant leur conviction, et faisant miroiter un monde de paix et de liberté. Certains étaient des pommes déjà un peu gâtées par le vers de l'avidité. Cependant il ne me coûta rien de  leur faire saliver en imaginant les profits qu'ils tireraient de leur statut de héros, et surtout de la disparition de leurs concurrents. Il n'en resta pas moins que ces faits furent dûment rapportés à Rafaelo. Lui serait quoi en penser.

    Chaos et désordre, mon rôle se terminait ici. Mon alter ego me raccompagna lui-même au quai:
    - « C'est sûrement le dernier navire à pouvoir partir sans encombre. Je préfère te renvoyer maintenant. Merci pour ton aide. »
    - « Merci. Je pourrais dire que ça a été un plaisir, mais toi et moi savons que je mens trop bien. Je suis fière que tu aies pensé à moi pour venir t'aider. Je souhaite de tout cœur que tu réussisse, mon frère. J'aimerais te demander de ne rien faire d'idiot et qu'en cas d'échec, te dire de fuir plutôt que de mourir bêtement. Nous savons que tu ne feras rien, n'est-ce pas. Aussi je m'attends à lire les nouvelles de ton succès dans la Gazette. A bientôt ou à jamais... »

    J'étais attendue ailleurs. Logue Town, je pense. J'y avais des vieilles ardoises et surtout, quelques comptes à régler. Quoi de mieux pour prouver que je suis innocente de tout soupçon que de me montrer plus Shaïness que Shaïness? Une véritable peau de vache, absolument acide et imbuvable, infecte dans mon sarcasme et mon complexe de supériorité. Qui penserait à chercher une révolutionnaire chez celle qui s'acharne sur plus bas qu'elle?

    On se repent souvent de parler, jamais de se taire. Le plus grand obstacle à la vie est l'attente qui espère demain et néglige aujourd'hui. Alors, soyons, et que le silence emporte tout le reste.
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