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Red Legend



Ernest Tripolite faisait parti de ceux oubliés du Destin, ou alors délibérément ignorés par la dame gracieuse et versatile qui jetait les dés. Car, il fallait pas se leurrer, c'était bien elle qui tirait les ficelles en coulisse et les rares fois où elle semblait perdre du terrain, ce n'était que pour gagner la partie au coup suivant. Et pourtant, elle avait un ennemi, un rival à la table de jeu, le seul qui parvenait à lui mettre des bâtons dans les roues et du sel dans son café. Avec toutes ses mièvreries rosées, son caractère bien particulier, et sa fâcheuse tendance à foutre le bordel partout où il passait, l'Amour avait plus d'une fois contrecarrait les projets de Dame destinée, et force est de reconnaitre qu'à chaque fois cela avait été grandiose.

Oui Ernest Tripolite vivait cette vie dénuée de profondeur mystique ou de fatalité grandiloquente et il n'était donc pas surprenant qu'il n'ait pas occis son premier dragon à l'âge de douze ans, pas plus qu'il n'ait incendié la ville de Logue Town ou encore libéré la princesse de la tribu des longs bras avant d'approcher la quarantaine. Pris en étau entre la routine et l'anonymat, seul le naturel optimiste du quadra lui laissait penser qu'il existait pire qu'une petite vie de commis de cuisine entassé dans un vingt mètres carrés. Il n'était pas heureux bien sûr, mais si vous le lui aviez demandé il vous aurait offert son sourire le plus sincère, de celui qui éclipse discrètement les cernes de deux décennies de réveil post-aurore, et vous aurait dit :

—Désolé, il faut que j'aille bosser.
—Tu ne m'as pas répondu. Tu es sûr que ça va ? Tu as l'air...différent ces derniers temps.  
—Tout va bien, Maman, je t'assure.

Et son sourire ne dépérit pas de tout le chemin qui le menait au restaurant, même par la rosée fraiche du matin, même par la timidité de l'aurore et même par les ténèbres environnantes sporadiquement écartées d'un lampadaire, car il savait ce qui l'attendait au bout de cette demi heure de marche. Et ce fut la première chose qu'il chercha du regard en passant la porte. Céleste, ses joues pourpres, ses cheveux carmins et son sourire déchirant. Comme d'habitude elle était belle à s'en damner et fraiche à s'en bruler, et comme d'habitude elle était entourée des autres hommes, comment aurait-il pu en être autrement ?

—Bonjour.

Pas de réponse, mais le rire cristal de la rousse qui tinta la cuisine et couvrit l'arrivée d'Ernest. Il ne lui en tenait pas rigueur, même lui s'il avait eu le choix se serait probablement ignoré. Il gagna rapidement et en silence son poste de travail, sortit méticuleusement ses couteaux et ce fut à ce moment que le sous chef débarqua en trombe.

—Bon écoutez moi bien les mange-merdes ! Aujourd'hui est le jour le plus important que connaitront vos minables existences, nous recevons des hôtes de marque dont plusieurs critiques alors je veux pas une seule chiure dans la partition. Si quand moi, ou le chef, avons besoin d'une patate, vous nous annoncez qu'elle sera pelée dans trente, ou même dix putains de secondes, je ne me contenterais pas de m'assurer que vous ne retrouveriez plus jamais de travail dans la restauration mais je vous passerais chaque ingrédient, chaque ustensile de cette cuisine par le fondement jusqu'à ce que vous m'en remerciez ! Clair ?

Le "oui chef" qui retentit montra bien à quel point la limite entre l'hypothétique et le concret était floue chez le sous chef Jean Bon, et les exécutants se mirent au travail dans les trois secondes qui suivirent. Ernest était justement celui qui s'occupait d'éplucher les légumes et de les tailler, un travail mécanique qu'il accomplissait depuis ses dix huit ans et qui n'avait plus de secret pour lui. Il pouvait par exemple tout à fait se permettre de regarder dans une autre direction tandis que ses mains s'agitaient, et ne s'en privait pas. Il la regardait sourire aux plaisanteries des autres, se rapprocher de certain et en regarder d'autres. Mais quand son regard croisa le sien, le cœur d'Ernest loupa un battement et sa main droite partit en saucisse, cisaillant la paume de sa consœur qu'elle n'avait jamais pu blairer, jalouse qu'elle était de la voir glander constamment quand elle faisait tout le boulot. Le sang jaillit à gros bouillon, c'était une sale entaille et suffisamment importante pour que toute la cuisine s'arrête de travailler.


Une foule de sentiments se disputaient les réactions d'Ernest. La honte voulait qu'il aille se cacher sous la table, ce à quoi s'opposait fermement l'instinct de survie qui souhaitait davantage voir le sang arrêter de couler que les autres arrêter de se marrer. Ce fut finalement John Barback, celui même qui travaillait à coté de Céleste et qui la faisait rire qui proposa un pansement à Ernest. Étrange se dit ce dernier, de la part de John, mais son optimisme irrécupérable se dit que tout le monde avait droit à une seconde chance. Ou même une six cent quarante septième.

—Merci.

Pas de réponse sinon un sourire. Ernest fit bien attention à ne pas croiser le regard de Céleste une nouvelle fois, attachant son pansement avec ostentation et en venant même à prier pour que John détourne son attention par une nouvelle pitrerie. Ce qu'il fit. Et Ernest vint même à se demander s'il avait toujours été le connard sadique qu'il pensait qu'il était, ou bien si c'était sa jalousie à lui qui avait déformé l'homme. Mais quand le pansement fut bien en place, il comprit. Sel et jus de citron, cocktail à faire pleurer un empereur comme une petite fille. La douleur irradia d'abord sa main, puis son bras avant de s'étendre, à sa grande surprise, à tout son être. Elle lui parcourut l'échine comme dix mille couteaux parcourent la viande d'un porc, et il ne put s'empêcher de trembler devant les yeux pétillants de malice de John Barback et le regard curieux de Céleste.

—Ca va Ernest ? qu'elle lui demanda gentiment.

Il tremblait comme une feuille, avait la nausée, le front ardent et les viscères brûlantes et il était clair qu'il allait tourner de l’œil d'un instant à l'autre. Mais il se refusait purement et simplement à reconnaître sa faiblesse, son désespoir. Il leva les yeux d'abord vers Barback, le fixant avec un intensité qu'on ne lui connaissait pas puis regarda Céleste, esquissa un sourire pour détourner l'attention de sa main valide qui s'agrippait à celle qui le brûlait et dit du ton le plus rassurant qu'il parvint à prendre.

—Oui, très bi...

Et il s'évanouit.


A son réveil Ernest découvrit qu'il faisait déjà nuit. Il avait été vulgairement balancé dehors, dans la ruelle par laquelle on accédait aux cuisines du restaurant, juste à coté du sac d'épluchures qu'il avait lui même jeté. Le message était clair. Il n'avait pas besoin de se représenter demain. Sa main le faisait toujours souffrir, mais c'était devenu supportable, bien assez pour qu'il se relève et rentre chez lui. Sur la route il ne put s'empêcher de faire un point sur sa vie. Il n'avait pas d'amis. Il n'avait plus de job. Et surtout il n'avait plus Céleste. Bien qu'il ne l'ait jamais eu d'ailleurs. La tête baissée et les épaules voutées, il n'avait plus qu'une centaine de mètres qui le séparait de son appartement minable quand son optimisme lâcha et qu'il se mit à pleurer.

—Ernest ?

Pas franchement besoin de relever la tête pour savoir à qui appartenait cette voix cristal et les bouclettes feu s'invitant dans son champ de vision. Il prit son ton pour redresser le menton, ravalant ses larmes et quand il le fit, il ne vit pas les yeux cramoisis de Céleste, il ne vit pas son sourire incandescent, ni son teint lunaire, tout ce qu'il vit fut son bras accroché à celui de John Barback.

Il eut un sourire nerveux, celui qu'a l'homme réalisant que la vie est une salope et il partit sans un mot, en accélérant le pas. Il ne se retourna pas quand elle l'appela une seconde fois, plus inquiète. Il ne ralentit pas lorsqu'elle cria son nom une dernière fois. Et ce ne fut que lorsqu'il était sûr d'être complétement seul qu'il se laissa aller. Il chiala, chiala et chiala encore jusqu'à ce que finalement un papier porté par le vent (à moins bien sûr que ce ne fut par le destin) vint s'échouer dans son visage humide. Au point où il en était, il se décida finalement à l'enlever pour le lire.


—Mesdames et Messieurs, bienvenue à l'ouverture de cette trente huitième édition du championnat qui forge les légendes, happe les esprits et conquiert les cœurs.

BIENVENUE A L'ETERNAL KARNAVAL !




    Ernest Tripolite avait souvent eu l'impression de ne pas vraiment vivre ce que son corps faisait mais d'y assister comme spectateur. Et pourtant, planté au centre du Colisée, à l'exact point de convergence de milliers d'yeux pétillants d'espoirs et d'attentes, il devait mené une lutte de chaque instant pour ne pas se chier dessus. Il ne savait plus ce qu'il faisait là. Tout ça lui ressemblait tellement peu.
    Il admirait les bouffonneries du maitre de cérémonie, de cet homme en costard et affublé d'un masque d'arlequin et sans savoir pourquoi, il le trouvait singulièrement envoutant. Dire de l'homme qu'il était professionnel aurait été réducteur. Tout chez lui, que ce soit les subtiles intonations que prenait sa voix ou les mouvements de son corps, induisaient avec une rigueur divine les réactions qu'il souhaitait voir chez le public. Lorsqu'il voulait qu'ils rient, ils riaient. Quand il souhaitait les voir applaudir, ils applaudissaient.
    Et pourtant, si Karakas séduisait petits comme grands, hommes comme femmes, ce n'était pas tant par son élégance, sa vivacité d'esprit ou son don avec les mots que par cette manie qu'il avait de commencer sa phrase dans le coin nord du stade pour la finir, une fraction de seconde plus tard, à l'extrémité sud cent mètres plus loin. La chose ne semblait plus impressionner le public, et il devenait quasi-ordinaire de voir le présentateur perché sur la colonne centrale, juste au dessus des quatre écrans géants, puis le temps d'un battement de cils, et il était sur le siège voisin à vous offrir votre fleur préférée. On y comprenait tout d'abord pas grand chose mais quand on venait pour la troisième, quatrième, ou vingt septième fois on finissait par accepter la fleur sans plus se poser de questions. Et au final, si la dizaine de milliers d'habitants se déplaçaient comme un seul une fois par an, c'était aussi pour voir Karakas faire son numéro.

    —Chers spectateurs, laissez moi vous faire une offre.

    Le masque souriant de l'arlequin disparut de son perchoir, pour réapparaitre brusquement au coté d'une mère qui ne parvenait pas à faire cesser les pleurs de son enfant. Il s'en approcha tout doucement, allant jusqu'à coller son grotesque de porcelaine au rictus inquiétant sous le pif du gosse. Et au moment exact où la surprise de l'enfant allait de nouveau laissé place au chagrin, la main de Karakas s'abattit d'un coup entre leurs deux visages, à la manière d'un rideau et son masque passa subitement du rire aux larmes. Karakas répéta l'action dans un sens puis dans l'autre quelques fois, jusqu'à ce que le nourrisson se mette à rire. Il ferma ensuite son poing et l'ouvrit délicatement pour tendre la sucette qu'il contenait à l'enfant, ravi.  

    Un dernier sourire de faïence figée à la mère et il se retrouvait sur sa colonne centrale, une main sur le cœur et dégageant -on ne sait comment- une manifeste impression de sincérité.

    —Je m'engage moi, Karakas, à rembourser la place de quiconque jugerait que le spectacle n'est pas à la hauteur, qu'il ne vaut pas celui de l'année dernière ou l'argent déboursé.  

    Quelques sourires fendent les tribunes. Un petit malin n'a pas le temps de finir de gueuler qu'il souhaite être remboursé que déjà l'arlequin est derrière lui, un billet à la main.

    —Croyez-moi. J'ai personnellement passé les candidats en revue et je peux vous dire que nous n'avions jamais vu un tel niveau général. Des pointures. Tous chauffés à bloc. Je ne vous raconte pas l'ambiance qu'il doit régner en ce moment dans les vestiaires. Aussi allons-nous nous empresser de commencer les éliminatoires avant que cela n'explose.

    Une trappe s'ouvrit sous l'acclamation de la foule et une plateforme monta une machine énorme bien que simpliste. La désigner comme punching-ball électronique n'aurait pour le coup pas été réducteur, car c'est ce qu'elle était. Une commande spéciale du Karnaval d'il y a deux ans pour faire face à l'augmentation des participants. Le principe était simple...

    —Chaque participant ne peut frapper qu'une seule fois. Les cinquante meilleurs continuent, les autres sont éliminés. On ne fait pas plus simple. On ne fait pas plus rapide ! Alors accueillons tout de suite notre premier candidat !

    Et de nouveau les regards se tournèrent vers le petit gars qui faisait face à la machine. Il avait pas l'air bien grand. Ni même très confiant. Et l'on pouvait en juger en gros plans sur les écrans. Le regard vide, l'air indécis, Ernest se faisait violence pour ne pas prendre ses jambes à son cou, sans quoi il savait qu'ils les y aurait laissées toute sa vie. Mais pourquoi avait-il fallu qu'il passe en premier ? Il revoyait Karakas déambuler gaiement dans les vestiaires à la recherche du premier candidat, celui qui ouvrirait les jeux. Il était passé à coté d'hommes légendaires, de vainqueurs de précédentes éditions mais c'était sur Ernest Tripolite qu'il s'était arrêté. Mais qu'est-ce qu'il pensait qu'il était ?

    —Comment vous appelez-vous ? lui demanda le masque à présent à coté de lui.
    —Ernest.
    —Je crains qu'il ne faille parler plus fort.
    —Ernest ! Je m'appelle Ernest !
    —Peut être pas aussi fort mais passons. Notre temps est limité et je ne vous poserais qu'une dernière question avant de vous laisser frapper. Pouvez-vous nous dire, cher Ernest, pourquoi êtes-vous là ?

    Ernest n'était manifestement pas à l'aise. Il s'accorda quelques instants avant de répondre sincèrement. Ou tout du moins le pensait-il.

    —Je ne sais pas.
    —Allons, Ernest, vous devez bien avoir une petite idée quand même. On ne s'inscrit pas à l'Eternal Karnaval sur un coup de tête. C'est une...  
    —Pour vivre peut être.  

    Beaucoup d'interrogations et quelques sourires agitèrent la foule et l'arlequin, apparemment satisfait de la réponse, fit une courbette ostentatoire pour laisser passer Ernest jusqu'au punching-ball.

    Ernest Tripolite n'avait jamais donné un coup de poing de sa vie. Pas par principe, mais la situation ne l'y avait jamais conduit. Comme elle ne l'avait jamais conduit à s'inscrire à l'Eternal Karnaval jusqu'ici. Et pourtant il y était, poing armé prêt à faire feu. Mais pourquoi déjà ?


    Ha oui, c'est vrai.


    Il frappa avec tout ce qu'il avait et il le savait. Les chiffres se mirent à défiler sur le compteur de la machine, retransmis en temps réels sur les écrans géants, et le compte statua finalement sur "500" tout rond. De timides applaudissements retentirent, les habitués savaient qu'il aurait de la chance s'il parvenait à se qualifier avec ce score et pourtant cela n'empêchait guère d'apprécier le spectacle. C'était pas si mauvais.
    Bien sûr, personne sinon Ernest comprenait la valeur de ce qui venait de se passer. Cinq cent ? Un putain de miracle quand on sait qu'un humain lambda ne dépassait pas les cinquante. Mais au milieu des monstres peuplant l'EK, personne n'avait d'yeux pour Ernest. Enfin, presque personne.

    Mais les applaudissements de quelqu'un couvrait tous les autres. Quand Ernest s'en rendu compte et qu'il tourna la tête, il vit Karakas juché sur sa colonne à se rompre les mains. Bien sûr il ne pouvait pas faire autrement, mais Ernest eut la curieuse sensation qu'il souriait.


      Ernest Tripolite assistait, impuissant, au défilement des candidats. Et il ne pouvait qu'espérer et se ronger les doigts.


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      —Et pourquoi participez-vous Mr Waltz ?
      —Qu'est ce que ça peut bien te foutre ?

      Le dénommé Altar Waltz considérait comme acquis la coutume qu'il s'était lui même évertué à entretenir toutes ces années en amont et qui disait, à une vache de compréhension près, de pas le faire chier. Le problème était bien sûr qu'une importante partie des choses connues de ce monde le faisait chier. Prenez une table par exemple. Que ce soit celle crasseuse et branlante de la taverne ou le chef d’œuvre en bois d'Adam nacré importe peu. Si le quidam va instinctivement lorgner du coté de celle qui vaudra le plus une fois soigneusement remise à un préteur, il est intéressant de remarquer qu'aucune des deux ne va subitement se mettre à le strier d'envies de meurtres. Là est la première et fondamentale différence entre Altar et le reste du monde. Car le bonhomme qui frappait nonchalamment le PunchingBall en prenant soin de ne pas trop froisser son costard pouvait pas plus blairer son prochain que le mobilier et si ça coupait déjà court à beaucoup de dialogues, ça aidait pas non plus pour ranger ses chaussettes.

      —Wow ! 5286 Points ! C'est réellement impressio...
      —Ta gueule.

      Mais ce qui différenciait vraiment Altar Waltz des autres misanthropes, c'est que peu de personnes trouvaient quelque chose à y redire dans son cas.



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      Dès qu'il mit un pied dans l'arène, il eut comme un changement de ton. L'air sembla se condenser et se texturer autour de cette silhouette noire qu'on parvenait à peine à voir. Il avança d'un pas franc et le menton bien haut, sans pour autant donner l'impression d'impatience ou de colère. Captain John Simmons était le genre d'homme à la démarche unique, sa foulée d'une placidité qu'il démontrait de la même manière dans la rue que dans les flammes avait fait son succès depuis ses nombreuses années d'activité. Certain prétendaient même l'avoir vu faire deux cents mètres sur la surface de l'océan avant de se rendre compte qu'il avait déjà dépassé le magasin de sombreros.

      —Une raison particulière à votre participation ?  
      —Pour prouver au monde qu'on peut être classe et porter des chapeaux.

      John avait répété cette phrase toute la veille durant, d'abord normalement, puis en criant et enfin même à l'envers. Il avait également travaillé sa gestuelle bien sûr, mais était même allé jusqu'à planifier sa posture en fonction de la future position du soleil afin qu'il darde ses rayons de la plus élégante façon possible. Cela lui avait demandé une semaine de préparation, à base de marques et repérages clandestins, mais au septième jour il avait enfin touché à la perfection. Alors peut être aurait-on pu lui expliquer par quel prodigieux miracle le soleil, aujourd'hui, tapait en plein dans sa mouille à lui en brûler les rétines. Et tandis qu'il se demandait si finalement il n'aurait peut être pas dû opter pour le sombrero en lieu et place du haut de forme qui le seyait, cela se produisit. Son visage se crispa, son nez frétilla et ce fut un fouet de morve qui s’évadât avant de revenir, d'un mouvement balancier, en plein dans son œil. En moins d'une seconde tout le stade riait à en pleurer, admirant la prestation de John capturée et retransmise au ralenti sur les écrans géants tandis que ce dernier, effondré sur le sol, maudissait les cieux. Ce fut finalement à la troisième rediffusion de ses muqueuses en gros plan que John craqua.

      —ARRÊTEZ DE RIRE !

      A présent relevé, la tête trop droite du goût des cervicales, toute trace de honte sur le visage du capitaine avait laissé place à une colère froide et dense. Sans un autre mot il se dirigea vers la machine et frappa. Fort. Suffisamment pour que le bruit de ses phalanges couvre les rires des spectateurs. Et quand finalement le dernier ricanement se tut, ce fut au tour des applaudissements de retentir. John leva alors les yeux pour voir les gens le félicitaient chaleureusement. Et il refrappa encore un coup. Puis un autre. Et encore. Et Encore.

      —Je... Je crois que ça suffit...  

      Quand enfin le capitaine John Simmons regagna son sang froid, après avoir furieusement martelé le punchingball à une dizaine de reprises, il se dit qu'il était maintenant l'heure de tirer sa révérence avec sa classe habituelle. D'une sobriété toute relative, il déambula jusqu'à la sortie, prenant le soin de lancer son chapeau dans la foule qui ne comprit pas vraiment pourquoi.



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      Les participants défilaient devant Ernest. Nombreux étaient ceux qui échouaient ou qui avaient juste voulu essayer le fameux punchingball. Mais certains s'élevaient de la masse.


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      —Je sens que vous vous n'êtes pas là juste pour essayer !  
      —Non.
      —Pourquoi êtes vous là alors ?
      —Gagner.
      —Hé bien je suppose que c'est une raison suffisante après tout. Et comment vous-appelez vous ?
      —Gagner.
      —Oui cette partie on l'a déjà fait. Ce qui nous manque c'est votre nom. N-O-M.

      Devant la moue boudeuse de l'adolescent aux plumes dans les cheveux et breloques autours du cou, le maitre de cérémonie n'insista pas. Mais quand l'indien revient, un score imposant et les applaudissements frénétiques derrière lui, il lâcha tout bas et à contre cœur.

      —Tomhawk. Taaaar Von Tomhawk.

      A ce moment là Taaaar fut le seul à voir l'infime, la quasi-inexistante réaction de Karakas. Mais il fit mine de rien, regarda droit devant lui et continua à marcher.