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Le faux truand en parle.

M’sieur qu’est-ce que vous avez ? C’est mon boulot d’donner des bières mais j’en ai jamais tant donné, y en a bien pour 200 000B.

Ouvre ton clapet à l’envers, l’piollier, c’est pas ton boulot.

Sauf qu’c’est à moi d’choisir si vous pouvez rester ici, j’vous rappelle. Un peu plus d’respect ou vous partez.

J’suis Saigneur, le seul à décider si t’as ta place ici ou pas.

Et l’type glousse, s’excuse, baisse les yeux. Un homme qu'a perdu ses couilles. Ça fait tant flipper, d’être Saigneur ? Jack, tu fais tant flipper ? Du coup Dead End a perdu un peu d’elle. J’me reconnais plus, les mecs qui m’faisaient chier sont devenus des gonzesses. « Quoi ? Sérieux, quoi ? Qu’est-ce tu veux ? Tu m’parles à moi ? T’es sûr qu’t’es entrain d’me parler à moi ? J’suis Kiril Jeliev des Saigneurs. » Les mecs s’pissent dessus puis taillent. J’peux même plus m’taper, ici. Et j’ai pas vu l’ombre d’un Crack Jo d’puis l’arène. Ni un Walt, ni un afro. J’suis seul avec mon mal être. Parce que j’suis toujours déçu d’tout, parce que j’suis toujours cet enfoiré de dépressif par-dessus tout. Alors oui, piollier, y en a pour 200 000 cailloux mais ça fait toujours moins qu’les soucis que j’ai dans l’caillou.

J’me lève d’la siante bancale. Matte le vide. Matte la vague. C’t’instant où on pense à rien. Ouais ça existe. Quand tu fixes que’que chose souvent quand tu t’emmerdes. Mais du coup, dès qu’tu t’en rends compte, tu penses à que’que chose. Ça peut pas v’nir tout seul, faut qu’ce soit inconscient. Alors, bois, bois, bois. Un alcool fort, un alcool à 200°. Tellement fort que. Que. Les neurones grillent et j’suis toujours dans c’t’état où j’pense rien. Qu’est-ce qui pourrait m’perturber ? Hé ? A part un coup dans les roubis, j’vois pas. Téma à quoi j’pensais mon p’tit péchon, j’disais. J’me lève d’la siante, paie l’mec parce que j’suis pas un chien. Mais comme c’est l’anarchie ici j’aurai pu m’permettre d’lui offrir juste mon majeur, tu vois. J’fais l’courtois, truc qui m’va pas, genre. « Merci monsieur pour votre accueil chaleureuse bahahabhbh t’es trop gentil, connard. » J’ai dit qu’ça m’allait pas, preuve, j’ai perdu le fil.

Pognes dans les poches, j’regarde la future mort m’tourner autour comme un parasite. « Quoi ? Qu’est-ce tu veux ? Tu m’parles à moi ? T’es sûr qu’tu m’parles à moi ? Mais j’suis Saign-… » Oh j’vois, ça marche pas avec elle. Tocarde. C’que j’fais ? J’respire. En marchant. Dans l’allée. Y fait froid, j’ai la chair de poule. Direction la ville des flibustiers, j’vais voir si j’trouve c’connard de Jo, j’suis en manque de poings dans la face d’quelqu’un. Et j’ai pas envie d’harceler les sans couilles qui peuplent désormais la belle île de merde. Nerveux et énervé, ouais. C’débile de piollier m’a bien fait chier tout à l’heure. 200 000… Une goutte que j’bois. La topette, y a qu’ça de vrai. Une autre goutte, une gorgée. Puis j’pense plus à rien. Le vide. Vide. Vide.

Et j’m’en rends compte.

Pourtant j’fais toujours semblant d’plus penser à qued. Mais ça marche plus, videmment.

J’arrive au hibou de nuit. Y a une cohue et un Jo sur l’estrade. Tout Dead End à l’air de s’être regroupé pour lui. Qu’est-ce qu’il fait ? J’me rapproche en reniflant comme l’meilleur ami d’l’homme disent-ils. Sauf que j’suis pas ton ami, humain. Bien c’que j’pensais. Jo fait un discours, comme d’hab, il s’met en valeur, et tout. Moi, j’suis coincé entre deux clebards à bras qui pensent me faire peur. Y en a un qui pense qu’s’habiller comme un clodo c’t’à la mode et l’autre qui fait plus druide trop gangsta avec sa barbe de trente centimètre. J’bouscule, j’bouscule. Atteindre le premier rang et grimper. Les gars du Joe m’reconnaisse et m’laisse passer. J’monte comme si c’était normal et j’regarde la foule comme un aigle matte un pigeon.

J’sens les regards haineux, tout ça dans une aura rouge d’colère. J’étouffe comme si j’étais en apnée tellement le brouillard est épais. Un brouillard invisible qui vient m’étrangler, pourtant. Y a Jo qu’a pas l’air d’aimer mon apparition. J’tourne la tête dans tous les sens et j’sais plus c’que j’fais ici. Mes yeux châssent partout, ils châssent là où trouver un peu d’air. Mais j’étouffe. Qu’est-ce que j’fais ici ? J’ai compris, les neurones grillent. J’fouille dans ma poche de veston et j’constate qu’la topette est vide. J’ai du m’en foutre des tonnes à l’ombre depuis c’matin. Ouais, j’me souviens. J’me suis réveillé tôt c’matin et j’suis allé au bar. P’tit déj, whisky. Apéro, apéro, apéro. Déj’ner, cognac. Apéro, saucisson, cornichon, apéro. Puis ici. J’regarde ma montre, j’me dis qu’il est 17h. J’me dis ? Ah oui, j’ai pas d’montre, très juste. Soudain, j’entends « discours ». Discours ? C’est vrai, qu’est-ce que j’fous ici, faut bien que j’parle.


Dernière édition par Kiril Jeliev le Dim 2 Juin 2013 - 17:45, édité 1 fois
    « Vous savez c’que j’pense dans la vie ? Exactement c’que vous, vous pensez d’la mort. Elle me fait peur avec son porte jarretelle, elle me tourne autour comme une vraie radasse, m’obsède comme les démons. A chaque pas que j’fais j’me sens observé par cette tocarde et c’est vrai, j’le suis. Alors pourquoi s’en méfier ? Pourquoi pas s’dire de toute façon, elle t’attrapera bien un jour mon pauvre Kiril ! J’suis pas un saint mais votre enfer, qu’il aille dans vos culs. Le paradis ? Il est sur terre et on pourra jamais rien faire contre ça car c’t’ici aussi que s’trouve l’enfer, parfois. Tous les jours c’que vous pensez plus haut qu’vous vous crache à la gueule. Vous avez besoin d’être deux, vous pouvez pas supporter d’être tout seul. Pour ça qu’tous les jours, j’regarde à gauche à droite, ce serait cool de nous laisser tranquille, Kiril et sa solitude, Kiril et sa mélancolie, Kiril dans toute sa tragédie. Fermez là, parce qu’c’est sûrement moi le plus amoureux d’la vie, entre nous. Vous, vous lui montrez votre derrière tandis qu’moi j’lui offre mon cœur. Mon cœur dans toute sa monstruosité, dans toute sa laideur, mon cœur noir de dégueulasserie sur les nibards, sur les nanas, sur les nibards des nanas et l’alcool. Mais comme l’cœur représente l’amour et qu’j’le lui montre, j’suis certainement l’plus amoureux d’elle. Peut-être.

    Vous savez c’que j’pense de moi, pourquoi j’suis comme ça ? En vérité, j’ai l’vin mauvais. Et qu’est-ce que j’fais tout le temps ? J’en bois. Des litres et des litres. Alors, évidemment, la violence s’installe et r’part le jour d’après. Mais quand j’en bois toutes les heures, elles restent, elles restent. Elles procrastinent qu’demain elle partira mais jamais. Elle reste en moi, elle s’installe dans les poings qu’au moins les trois quarts d’entre vous ont prit dans la gueule. Vous les avez sentis ? Vous avez senti à quel point j’vous déteste ? A quel point j’me déteste ? Quand j’passe la plupart de mon temps à insulter le piollier qui m’sert. Aujourd’hui encore. Quand j’ignore les pauvres, qu’j’insulte la veuve et l’orphelin parce qu’ils ont une vie d’merde ? Mais ça c’est parce que j’suis pas mieux et qu’il faut m’sentir meilleur que vous, mais c’est faux. Meilleur, j’le suis pas. Ya pas d’meilleur et vous avez tendance à oublier ça. Y a que les lâches et les couillus. Le lâche va fuir face au couillu, les couillus vont s’battre ensemble, les lâches vont devenir amis. Et là, vous êtes entrain d’fuir des Saigneurs et d’devenir amis. Déconne pas Jerry, tu détestais Serge y a trois semaines, t’as couché avec sa gonzesse et insulté sa p’tite sœur. Aujourd’hui tu lui serres les pognes comme si c’était ton meilleur ami. Déconnez pas, les gars. J’vous connais tous.

    Vous savez c’que j’pense de vous ? Bien sur que oui vous l’savez. J’pense de vous c’que vous êtes et c’que vous savez qu’vous êtes. Des incapables tocards bien plus bas qu’la merde dans l’organigramme. Votre soumission m’donne envie d’gerber sur la fille de l’hotel d’Anderson. J’déteste ce que vous êtes et c’que vous incarnez. La peur. Suffit d’vous voir, z’êtes accoutrés comme de parfaits pirates, ça oui, mais qu’sur la peau. Dans la caboche vous êtes des gonzesses en mal d’amour. Restez sur cette île qu’a fait qu’vous apportez misère. Acceptez. Acceptez d’être des semi-tanches doublées de daubes d’insectes qu’ont le choléra. Vous arrivez même pas à voir le pire.









    Oui parce que le pire c’est que vous vous faites insulter par un mec bourré qu’a sûrement plus raté sa vie que vous. Je parle, je parle, j’ai jamais tant parlé. J’me plains. Je sais que j’suis pas un putain de brigand. J’suis plus stylé. Et pendant qu’les vrais héros font leurs lopettes à pas parler d’leurs exploits, le faux truand en parle.
    »


    Dernière édition par Kiril Jeliev le Dim 2 Juin 2013 - 17:52, édité 2 fois
      Sur ces mots, j’me casse. Vulgairement. Dans la mêlée. J’sens la rage et la haine s’poser sur moi mais aucun n’ose passer à l’acte. Même pas la peine d’bousculer pour m’frayer un chemin, il me l’offre. Puis un ose. Une claque sur l’arrière du crane et tout commence pour laisser place au gouffre qu'est la violence. J’me retourne et j’sais pas qui est l’coupable mais j’fous une beigne version Lana dans la gueule d’un type qu’à l’air d’se marrer. Puis bam, une centaine de mec sur moi. J’me prends des vrais coups. J'ai mal. J’lache une flaque de sang à chaque respiration jusqu’à finir a terre. Ils m’piétinent. J'ai mal. Ils m’envoient leur jus d’bottes. Mes yeux en sont plus. Mes phalanges sont écrasées sur l’sol, mon nez cassé, ma gueule déchiquetée et mon iroquois décoiffé. J'sens mes côtes se fragiliser à chaque coups qu'elles encaissent, jusqu'à un crack d'abandon. Mes mollets, mes genoux, mes cuisses prennent. Hey, péchon, plus jamais tu dis qu't'as mal partout quand tu veux pas aller e cours de sport. Plus jamais. J'ai mal jusqu'aux petits orteils. On m'écrase le bras, me broie le dos. Ma mâchoire fait face à l’estrade et j’ai senti une bottine s’écraser sur mon crâne et boum. Trou noir.

      J'vois rien mais j'sens. La chaleur, ça sent l'rouge. L'rouge et l'orange, un peu. Des couleurs chaudes. J'me pose sur un bloc de pierre, j'sais pas pourquoi, j'crois qu'c'en est un. Puis j'pose mes deux mains sur mes tempes. Le dos courbé. Les coudes sur les genoux. Le docteur va arriver, j'le sens. Il est même déjà là. J'entends sa respiration. Elle sent l'noir grisâtre. C'est des longues inspirations, des longues expirations aussi. J'ai l'impression qu'elle raisonne.

      Dr. Travis Bickle : Tu es stupide, Kiril. Je sais que tu savais qu’ils allaient l’faire. T’étais en manque ? T’étais juste bourré ? Tu voulais quoi au juste ? Tu veux mourir, mon p’tit ? C’est ça la mort. Une longue et éternelle discussion avec moi.

      Le docteur, c’est un mec qui m’ressemble, j'crois. J'sais pas, j'le sens. J’me dis qu’c’est ma conscience mais j’sais pas. C’est p’t’être Dieu ou Satan. P’t’être un lézard ou un demeuré en slip. J’en sais que dalle mais j’sais que j’l’aime pas. L’arrête pas d’poser des questions. J’aime pas les questions parce que t’es obligé d’y répondre et ça fait gaspiller d’la salive. La salive qu’elle alimente un discours comme j’ai fait tout à l’heure.

      Dr. Travis Bickle : Tu vas faire quoi alors ? Te laisser mourir parce que t’as chauffé des mecs que tu qualifies d’sous-merdes ? C’est triste comme fin. Et surtout bien pitoyable. Y a Joseph qui t’regarde.

      Qu’est-ce qu’il dit ?

      Dr. Travis Bickle : Rien. Il pense sûrement que t’es qu’un stupide connard d’avoir niqué son temps d’parole. Mais sinon, il déblait l’chemin. Tu t’fais toujours frappé.

      Jo tape ?

      Dr. Travis Bickle : Un peu qu’il tape. Il doit sûrement penser que tu n'as pas le droit de te faire défoncer jusqu’à ce qu'un de vous deux gagne votre combat. Y a égalité pour l’instant. Pitoyable de finir comme ça, sans savoir si tu as gagné ou perdu, aussi.

      Hm… J’ai pas envie d’me relever. Le sol est doux, ici. J’ai l’impression d’être un nourrisson sur l’ventre de sa mère. Et puis si j’reviens à la vie, j’vais avoir mal.

      Dr. Travis Bickle : Toute ta vie tu as eu mal. Toute ta vie tu as reçu des coups. Qu’est-ce ça peut te foutre aujourd’hui ce sentiment d’apaisement ? Tu viens juste d’insulter des milliers de personnes, assume. Tu viens juste de leur dire qu’ils acceptaient leur sort, et toi, tu fais quoi là ? Tu penses que c’est à cause de ta grand-mère que tout ça t’arrive ? Non petit gars, c’est de ta faute. Tu as voulu jouer au chouard, tu t’es fait chouaré. Tu penses que c’est à cause de qui que tu as atterri ici, à Dead End ? Ton papounet ? Non c’est à cause de …

      Ta gueule.

      Dr. Travis Bickle : C’est à cause de toi ! T’es tout ce que tu détestes, tu contractes les mêmes maladies qui t’font vomir. Fou furieux, schizophrène et j’en passe. Tu penses que c’est à cause de qui qu’elle est partie ta gonzes…

      Ta gueule. Parle pas d'Lana, l’imaginaire.

      Dr. Travis Bickle : Qualifie moi de ce que tu veux, d'objet, d'imaginaire mais par contre ta mort elle, elle sera bien réelle.

      Hein ?

      Dr. Travis Bickle : Faut bien mourir un jour. Ce type qu’est entrain d’te saigner comme un demeuré, il s’appelle Travis Bickle. Je pense que si tu refuses de sortir de ta léthargie, ce bon monsieur va te tuer. Et du coup, t’auras donc parlé à ton assassin. Tu vois que par le sang, ton cœur en est remplit, tes pensées, ta vie. T’as du sang dans le cerveau, du sang dans les mains. Du sang dans… les yeux ? Qu’est-ce qui se passe ?


      Dernière édition par Kiril Jeliev le Mar 4 Juin 2013 - 3:47, édité 1 fois
        Qu’il la ferme sa bobine d’chose surnaturelle. Mais j’veux pas mourir sous les coups de tocards qu’on dirait qu’ils sont en tutus. J’veux mourir tout seul dans une cabane sur une colline après une partie d’pêche. Être grand père et même arrière grand père. Quand le ciel s’ra orangé après avoir gardé ma descendance toute la journée et avoir pêché un gros saumon, j’irai m’coucher avec ma femme, Lana. Quand j’les fermerai, mes châsses, ce sera pour toujours. Pourtant dans ma main droite, y aura la sienne. Et pendant qu’toutes les autres parties d’mon corps se refroidiront, celle-ci restera chaude. Une mort lente mais pas douloureuse, je partirai avec le sourire.

        J’viendrai parler de tout ce que j’ai fait avec le docteur et ça durera une éternité. J’radoterai sur l’combat avec Michaela, j’radoterai sur quand on allait pécho des gonz avec Walt, j’radoterai sur ma victoire ou ma défaite face à Joseph, j’radoterai sur Jack et ses Saigneurs. Et sur toutes les nouvelles recrues, connaissances qu’on se sera faite. Mais non, j’veux pas mourir sous les coups de minables, ça, non.

        Tant de choses à t’dire, toi qu’je hais. Qui que tu sois. J’aurai toujours des choses à te dire. J’ai pas passé ma vie à vivre à fond pour qu’au final personne ne se souvienne de moi. Laisse moi ma chance. Laisse moi te raconter. Y aura des choses à dire. Tant de choses à dire…

        J’me relève. Et cette lumière rouge dans mes yeux continuent à briller. Ils m’frappent toujours mais j’sens plus rien. Comme si ma mort m’protégeait des coups, la mort que je me suis imaginé. Elle veut qu’ça finisse comme j’l’ai dit. Elle me protège. La lumière rouge parcoure tout mon corps pour finalement s’poser dans mes phalanges de droite. J’les serre, j’les fais fusionner comme jamais et dans une pression d’l’épaule, j’le dis, parce que ça fait longtemps.

        Beigne dans vos gueules et vous baignez dans votre sang.


        J’ai dit vous, oui. L’énergie que le point a dégagée a couché une vingtaine de personne rien qu’à la phrase. J’crois qu’j’m’améliore… Mais du coup, la lumière remonte et m’broie l’cerveau. Lumière… J’sais de quelle couleur t’es. J’ai chaud. Je brûle de l’intérieur. Du scotch. Ouais, j’vais t’appeler Scotch. J’tombe sur les genoux. Mes poings, c’comme si qu’ils fondaient et mon corps est en ébullition. Comme si j’avais fait un mélange de cocoroco avec du spirytus et de l’everclear. J’ai envie d’dégueuler puis un poing super sonique vient m’dégommer la margoulette pour m’la foutre au sol. J’lève la tête vite fait. Jo.

        Hm ?

        Relève-toi ou j’t’écrase jusqu’à ce que ta crête aille toucher le centre de la terre. Pitoyable adversaire… Comment est-ce que je peux te considérer comme un adversaire, d’ailleurs ? Honte.

        T’as raison, tocard.

        Oups, pas dû. Re-coup super sonique. Re-tête sur l’pavé.

        J’sens le scotch se promener dans mon corps comme si il cherchait sa place. T’étais bien tout à l’heure, dans le poing droit. Vas-y… Va. Non pas dans l’épaule, où j’te dis ! Ouais, tu t’y approches, non reste pas sur le coude, merde. Encore ! T’arrête pas au poignet. T’y es, t’es cool. Hey mais restes-y, tocard. J’te promets de belle face à dégommer, t’es content ? Ouais, ça se voit. Bon, elles s’ront pas si belles… Quoi mais attends !

        J’suis Jo dans son déblaiement. J’sens mes yeux m’piquer et là j’la vois, une aura rouge qui fait l’tour d’mon corps, des bottines jusqu’à la crête. Mec. J’lâche un gilquin version only phalanges dans leurs faces. L’aura s’concentre sur mon poing gauche qui vient doubler la droite que j’leur avais foutu, comme à la vieille école.

        On s'frite, on s'effrite. Y a Jo qui maîtrise son tas, moi l'mien. M'écrase jusqu'à c'que mon iroquois soit dans l'centre de la terre qu'il a dit... Le centre de la terre et la chaleur qu'la lumière propage dans mon corps sont comparables, j'me dis. Scotch me parle. Il me dit qu’il a soif, qu’il a faim. Il faut que je le nourrisse. Plus j’en extermine plus il en demande… Et là, j’ai l’impression que c’est moi. Que je me bats à l’aide de moi-même et ses coups, ses désirs traduisent mes pensées. Faut que je m’arrête. Tout ça couplé avec mon alcoolo-mètre, ça me donne envie de défoncer la face de tout Dead End. Le cap apprécierait pas. Faut que je m’arrête. Arrête-toi, dis. Arrête.
          J’ai senti une chaleur dans mes yeux, une grande lumière aveuglante comme si je l’étais devenu. Je sentais plus aucun des membres que le Scotch avait parcouru. Je ne pouvais faire que marcher, j’étais guidé. Marcher et marcher sans en avoir l’impression. Il n’y avait pas de sol, rien. C’était blanc, l’air était pur. Oui. Blanc. J’ai tout de suite reconnu la respiration du docteur. J’entendais des soupirs et des bruits de tracés au crayon à papier. Il faisait peut-être un sudoku. Je me suis posé sur un tabouret, un bois que j’avais jamais eu l’occasion de toucher et Déesse la gnôle sait que je m’y connais en bois. Hm, l’Adam. Pas de doute. Ça sentait les muffins, le marron chaud. Je reniflais et chantonnais une chanson « Les oiseaux chantent après la tempête… ».

          Dr. Edward Norton : Enfin toi. Je t’attendais. Comment tu trouves ton nouvel ami ?

          Barjot.

          Dr. Edward Norton : Un pouvoir ne peut être sans faille. Sauf celui de Red.

          Hein ?

          Dr. Edward Norton : Rien, rien… Alors, donc, tu l’as baptisé Scotch. Bon nom. Ça te correspond bien. J’t’explique. Ce truc va te conduire à la …

          Pourquoi tu t’appelles Edward Norton, là ? Il risque de me tuer ?

          Dr. Edward Norton : Ecoute… Ferme là un peu et laisse-moi m’exprimer. Ce truc peut te conduire à la case folie. Bon, t’es déjà pas net de ce côté-là. Mais, c’est le point faible. Une fois lancé, t’auras du mal à t’arrêter si tu ne le maîtrises pas, le Scotch.

          Comme l’ébriété.

          Dr. Edward Norton : Tout à fait. Et t’as vu comme tu la supportes, la tienne. Elle est constante. Tu ne fais que découvrir ton pote Scotch. M’étonnerait qu’il réapparaisse de si tôt.

          J’en veux pas.

          Dr. Edward Norton : Rah, t’es casse-couille à m’obliger à faire ça… Bon. Je le dis alors. Il fait partie de toi, il est toi, tu es lui, accepte-le, blablabla. Me fais pas redire ces conneries s’il te plait. Sinon tu risques de mourir plus tôt que prévu. Et je déconne pas.

          J’ai compris, j’ai compris.

          Ce tocard me casse les noix à faire son papa-poule. Lui qu’à l’air doté de super pouvoir peut même pas remplir une case de sudoku niveau facile.

          Dr. Edward Norton : Je peux lire dans tes pensées. Tu veux mourir ? Hm… Pour ce qui est de Scotch, tu découvriras bien assez tôt qui il est. Tout ce que tu as à savoir c’est que pour l’instant, il viendra te rendre visite quand il en aura envie et pas l’inverse. Mais surtout : il te fera autant de mal que tu en feras. Hahaha, assez drôle, tu risques de me voir de plus en plus !

          Comment je fais pour me casser d’ici ?


          Dernière édition par Kiril Jeliev le Mar 4 Juin 2013 - 3:48, édité 2 fois
            Trou noir. Lumière. Action. Des glaçons sur le front, qui a fait ça ? Ah non, c’est un verre de mojito. Les douleurs ont disparu, les neurones sont revenus et on veut encore m’les congeler, qui ? Toi, Crack ? Bon. Mes jambes étaient relâchées, sans pression, mes bras aussi. Comme une étoile de mer. Doucement ma main droite est allée attraper le verre. J’ai senti une légère friction au niveau des articulations des pognes, mais j’ai pas pu m’empêcher d’en boire. J’sens s’humidifier lentement ma gorge qu’était sèche, ça use de s’taper. Ou c’est qu’elle s’est habituée à être souvent rafraichit, même trop.

            Puis.

            J’regarde autour de moi. Des mecs, des centaines à terre. J’me mets sur mes coudes. Même pas pris la peine de me redresser pour boire la fraîche boisson. Pas très vite, j’fous mes deux bottines à plat sur le sol puis j’pressionne pour m’lever. Du mal. Du mal. J’ai l’dos en compote, tout, j’sens qu’on m’a cassé des os. J’cherche une tignasse blonde du coin d’l’œil mais impossible de m’être la main dessus. Attends, j’viens juste de dire œil pourquoi j’dis main ensuite… Hé. Pourtant, j’suis pas plus pivé qu’tout à l’heure. Bon.

            J’sais pas vers quoi j’me dirige, mais j’y vais. A deux à l’heure. Des mains me retiennent parfois, j’leur fous mon jus dans la tronche et ça se règle. J’repense à ce que m’a dit le docteur. La folie, hein. Ouais, l’a pas tort, j’suis un peu ravagé. L’impression qu’mes yeux rapetissent de plus en plus chaque fois que je me lève le matin à 16h. Faut faire avec, faut vivre avec la misère que j’me suis imposé vu que c’est la mienne et c’est de ma faute. Et tout.

            Je regarde les corps parfois inanimés d’ces messieurs et ça me fait pas de peine. J’me dis que c’est dans ma nature de foutre le chaos partout. Dans ma vie. Dans celles des autres. Ça changera pas, c’est trop tard pour que ça change. Puis j’m’attarde. Un crado parfaitement conscient qui peut simplement pas bouger car écrasé par un p’tit tas d’vermines. Mais, sur sa redingue y a une plaque en fer où y a marqué Norton. Hm. Mieux vaut se méfier du docteur. Il est un peu relou, mais il blague pas.

            C’est quoi ton prénom ou j’te finis ?

            Hein…? Edw…


            Beigne dans ta gueule et tu baignes dans ton sang. Vu les forces qui m'restaient, j'ai du tapé plusieurs fois mais évitons les problèmes et méfions nous du docteur. Après m’être méticuleumachin lavé le fond du nez et des oreilles, j’réajuste mon futal. J’ai pas de ceinture. Mon regard va se poser vers celui d’l’horizon. Qui cédera en premier ? Moi sûrement, lui, il est infini. Pas moi. Le soleil se couche, c’est beau. Je chantais une chanson avant qu’le docteur m’coupe. Ça f’sait… J’sais plus bien. Me rappelle qu’une femme me l’avait susurré à l’oreille un soir. Il faisait nuit. Nuit noire. Ça f’sait…

            « Les oiseaux chantent après la tempête. Pourquoi les gens ne seraient-ils pas eux aussi libres de se délecter des jours ensoleillés qui leur reste à vivre ? »


            J’me délecte, petite. J’ai pas besoin des zozios comme exemple. Et je veux pas partir avec le sentiment de n’avoir fait que de me plaindre des jours pluvieux. Ce serait pitoyable, comme fin.

            Dr. Kiril Jeliev : En effet.