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[FB 1618] Confluence d'infortune

Rappel du premier message :

Une petite île d’East Blue, 1618


La jambe de bois de la Cloque battait le sable fin d’une petite île de l’Est de ces mers. Son jean éternellement en lambeau gouttait d’une eau saline chaude et transparente, il venait de hisser la barque du Fusilleurs sur la bande sablonneuse. Cela faisait maintenant deux ans que la tête de Bylly, la lame sombre, avait roulé sur l’ancien bâtiment qu’occupait Tournebroche. Deux ans qu’il trimait pour gagner les grâces d’un ancêtre de la pire espèce du nom de Jangoto le Baffeur comme le Code le stipulait. Douce ironie que de faire partie de l’équipage de celui même qui a pourfendu son ancien capitaine.

Mais Tournebroche était de ces hommes qui se hissent en haut des autres progressivement, comme un vers qui ronge les intestins de quelqu’un avant d’en ressortir par la bouche dans une gerbe de bile et de sang. En deux années, il n’avait pas encore récupé son rôle de contremaître, le seul qui lui allait à la botte, au plus près des hommes, au plus près du capitaine, le plus longtemps à rester sur le plancher des mouettes.

Force était de constater que ce jours-là, Scab pestait dans les poils roux qui se bataillaient sur son visage. Tout en envoyant sur son épaule un sac de jute et en calant un tonneau vide sous le bras, il ronchonnait avec force. Ce n’était pas le calme apparent du morceau de terre sur lequel il avait débarqué qui allait le détendre. Il se retourna pour observer le Fusilleurs qui mouillait à une centaine de coups de rames de là.

« CAMBUSIER ! Moi ! Scab Tournebroche ! Cambusier !! Me voilà à faire le travail d’un cantinier ! D’un aide-gargotier ! Si tu t’écoutais parler Tournebroche, tu ne vaudrais pas mieux que cette salope de Bikaros à l’époque de Bylly ! Ventrebleu !»

Sa grosse voix fit s’envoler une armada de piafs qui avaient élu domicile sur la branche d’une sorte d’arbre exotique à proximité. Jangoto n’avait pas trouvé plus rabaissant pour l’homme de valeur qu’il avait sous la main que de le nommer à un poste de cambusier. Les qualités de la Cloque dans les domaines de la parole et de la débrouillardise collaient parfaitement à ce nouveau rôle de chef des approvisionnements. En parallèle, Jangoto s’assurer de brider les racontars et les tours de langues du nain belliqueux en l’envoyant faire les réserves en solitaire et en le rendant responsable aux yeux de l’équipage des pénuries de rhum ou de lard.


C’est ainsi que Scab Tournebroche partait en quête de rationnements, un sabre à la ceinture, sur une île aux faux-semblants paradisiaques. Une végétation épaisse et vivace, une petite chaîne de trois volcans en son centre suffisamment haut pour dissimuler l’horizon et une bande côtière courant sur toute la circonférence, laissant ainsi libre accès sur ce lopin de terre, à tous les voyageurs de fortunes, de l’Est à l’ouest et du Nord au Sud.

« Parbleu ! Je trouverais jamais de rhum pour ces bois-sans-soif ici ! Zagahaha !»



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Dernière édition par Scab Tournebroche le Mar 21 Mai 2013 - 17:57, édité 1 fois
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Le navire se cambra comme une rosse mal débourrée lorsque l'homme cachalot bouffa les lattes à pleines dents. Le plancher du bâtiment explosa en une tempête de copeaux de bois pour laisser place à la cale du galion, un vaste espace sombre et humide où les tonneaux en mouvement semblaient se livrer à un ballet. Il aurait clairement fallu être plus qu'autiste pour ne pas remarquer ce chamboulement naval et, un morceau du sol dans la tronche aidant, Ging s'en aperçut relativement rapidement.
Voyant que le poisson avait manifestement morflé, il reporta son regard sur le nabot pour constater qu'il éclatait pas de fraicheur non plus. Regard hagard, respiration sifflante et lourde, les choses auraient pu mieux se passer pour les pirates. Mais ça aurait été tellement moins marrant.


— JE SUPPOSE QUE TU VAS ME SUIVRE.  dit un Ging amusé.


Le colosse jeta un dernier coup d'oeil au cachalot et au nain, tous les deux mals en point, et une lueur de défi passa dans son regard. Il se paya même le luxe d'afficher un sourire satisfait comme s'il ne s'était pas attendu à plus de la part des deux gaillards. Puis il se laissa tomber au niveau inférieur du bateau, scrutant un instant le commodore dans sa chute.


Ce dernier ne se fit réellement pas prier. Oubliant les deux forbans comme son collègue, il se mouva avec l'air las qu'il affichait tout le temps mais promptement. Sa confiance en lui était manifeste lorsqu'il ne regarda même pas en bas au moment de sauter. Il vit une dernière fois le colonel nonchalamment adossé contre un tonneau et qui ne semblait pas avoir le moins du monde envie de participer. Il vit l'homme poisson qu'il venait de réprimer en train de chercher sa respiration. Il vit le dernier comparse dont la taille éliminait toute inquiétudes dans l’œuf. Puis, sans comprendre comment, il ne vit plus rien d'autre. Et certainement pas les phalanges de Ging s'enfonçant dans son menton.


Par contre il les senties. Sans avoir eu l'occasion de toucher le sol, il redécolla à une vitesse ahurissante pour voler dans les airs. C'est sonné qu'il alla s'enfoncer dans la grande voile, sous le commentaire de Ging, carrément hilare.



— TARTE DANS TA GUEULE 1


Le marine commença rapidement à glisser le long du foc sans avoir eu le temps de recouvrer tous ses esprits, sans avoir eu l'opportunité de voir que Scab et Ging l'attendaient déjà sur son point de chute. Le premier affichait une sale gueule euphorique, son sabre déjà en train de tournoyer dans sa main. Tandis que le second avait le sourire moins cruel, mais l'oeil plus pétillant, et il faisait tourner son bras comme le commodore lui-même le faisait quelques minutes plus tôt.

Le marine retrouva ses esprits un instant avant de voir la lame de Scab se diriger vers son coeur, et avec une vitesse que sa carrure aurait normalement rendu impossible, il parvint à pivoter assez rapidement pour que la pointe ne le transperce pas de part en part mais vienne juste courir le long de pectoraux gauche. Il armait déjà son poing pour contre-attaquer mais Ging était déjà en position, et le coup partit trop vite pour qu'il puisse l'éviter entièrement.

Ce fut son épaule qui absorba le gros du coup. Elle produisit le bruit macabre des os qui se raclent et la douleur annihila toute forme de confiance chez lui, si bien qu'on en venait à se demander si elle avait existé un jour. Mais elle ne laissa pas place à la colère. C'était un homme d'expérience et il choisit de s'esquiver rapidement pour prendre du recul et cesser d'avoir un gnome hargneux à l'épée leste dans son dos.


Scrutant ses deux adversaires, il n'avait plus son air indifférent mais le regard d'un animal blessé, un animal dangereux. Il empoigna son bras disloqué de son autre main et se le fit craquer sans autre forme de cérémonie. Sa respiration se calma subitement, jusqu'à redevenir parfaitement normal, et il arrêta de suer. Quand il se redressa, son bras enchainait déjà les moulinets dans le vide sans que cette lueur sauvage ne quitte ses quinquets. C'était sans l'ombre d'un doute un homme différent de tout à l'heure. Quelque chose dans sa posture ou ses yeux donnait la chair de poule et plus d'un pirate seraient partis la queue entre les jambes.


Mais ceux qui lui faisaient face n'en étaient pas à leur balbutiements dans leur vie de forban et il avaient connu plus d'une rixes de ce genre.

Ce furent tout naturrellement, et sans césser de sourire, qu'ils firent un pas en avant. 


    hrp:

    Brutaux. C’est ce que sont les pirates.

    C’est ce que fit comprendre le pommeau de mon sabre au genou de ce gus à la rotation facile. Je l’avais plutôt mauvaise de sentir qu’un gars comme le colosse blond pouvait faire plus de dégâts qu’un gars rôdé aux arts de la flibusterie comme moi. Aussitôt le coup ressenti, le black décocha son poing en inversant subitement le sens de rotation. L’uppercut devint un downpercut, ou surement un nom du genre, je suis plus aussi à l’aise avec les traductions qu’avant, toujours est-il que je sens le poids du monde menacer de s’abattre sur mon crâne.

    Punch Dow…

    Sflotch

    La lame s’enfonce comme dans du caramel dur, ma guibolle mord le bois en profondeur, menaçant de fendre la coque sous la pression. Son poing s’est empalé jusqu’à la garde, je sens le sang chaud couler le long de ma poigne et des gouttes perler sur mon bandana. Le gars ne relâche même pas la pression de son attaque, il veut m’enfoncer sabre au poing. Bougrebleu.

    C’est le moment que le lion choisit pour venir frapper du plat de ses deux mains les oreilles du Marine dans une claque qui fit même vibrer ma glotte. Par tous les océans, un geyser de rouge pulse du commodore et avant même que je lâche un sourire, je sens un pied m’expédier contre un tonneau de provisions, sabre plus en main. Enfin, plus dans la mienne. Toujours planté dans l’autre qui vient de faire sauter le menton du compagnon d’un coup de coude.

    Turn …

    Sa voix rauque annonce une attaque quand il se dresse sur un pied et entame une succession de tours impressionnant sur lui-même. Une putain de toupie. Je m’adresse au géant tout en dégageant les morceaux de lard de ma trogne.

    « Ging… J’encaisse son prochain coup… Coûte que coûte, tu l’étales… avec moi s’il le faut »

    Marre de ces diableries, j’entends le gréement qui gouge au-dessus, je dois filer à la Eastouaise avant que Jangoto me laisse en plan ou que les bleus rappliquent en bande.
    Il a déjà fais une quinzaine de tours l’animal, je serre le poing tout en toussotant et je me lance à l’assaut. Ma guibolle prend appui sur un tonneau de boustifaille, je vole à ras des poutres près à lui envoyer un Matrix Kick dans la pomme.

    …35

    Son pied décrit une courbe jusque mon flanc gauche, ma patte lui écorche une partie du visage tandis que j’encaisse en contractant le bras gauche. Son coup me coupe le souffle, je sens une côte qui se déplace, surement deux même, mon corps s’agglutine à l’impact et je pars comme un boulet de canon contre les parois de la cale. Même que je perfore le tout. Le cachalot a surement vu ma silhouette planer et ricocher contre la flotte. Ce fils de mouette m’a fait voler plus loin que le fils de lion. Sale journée.
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    Un bougre d’idiot a dit un jour qu’la vie n’était qu’un fleuve tranquille. J’crois bien qu’il devait pas avoir les guibolles sur la même terre qu’la mienne, la trogne sous l’même ciel que les guss qui s’frappaient sur la coque. Parce qu’eux, leur fleuve, l’était pas plus tranquille que la pire des tempêtes, pas plus sympathique que l’pire des ouragans, Ça tanguait tant et si fort que la coque en était prête à se détruire sous les coups. Et l’nain lui, celui qu’avait valdingué jusqu’à glisser sur les vagues, l’était d’avis que ça dev’nait de trop dangereux pour sa foutue vie. Ou peut être pas… Peut que c’était encore un d’ces pirates qu’aimaient quand le monde se mettait à déverser son flot d’horreur, qu’aimaient tanguer au gré des tempêtes qui giclaient à leurs trognes… Ouai, p’t être que ce nain là, c’était un gars comme ça.

    Mais l’Ishii, lui, n’pouvait trop dire mot, n’pouvait trop penser à c’qu’était une vie alors qu’les coups continuaient de voler plus sûr’ment que les goutes au milieu d’la pluie.  L’avait juste l’espace d’voir filer le nain et de mirer la lame du colonel pointant déjà vers lui.

    Hmm… J’aimerais aider ce pauvre ami, pas certain qu’il ne sache nager.

    Hoy, vous êtes trop bons, mais un pirate ne sachant nager n’est pas un bon pirate. Vous devez le savoir.

    Autour, y’avait le blond tout bouffé de sang et le commodore presque plus mal en point, l’nain tentant d’nager et les autres mouettes d’neutralisées. Y’avait tout ca avec l’colonel chargeant déjà son prochain coup. Il retroussa ses manches jusqu’au haut des coudes et r’monta son froque jusqu’au nombril pour s’donner un air de plouc si plouc… Qu’on aurait pu l’confondre avec les guss du coin…
    Sauf que lui quand il mira le Monstre, et qu’il se mit à pivoter tout l’corps pour frapper, lui, il fila des frissons sur toute l’échine du cachalot. Y’avait son pied d’appui qui fissurait tout l’plancher, son cou plié qui f’sait ressortir les veines et les muscles et puis, le poing partit !

    Sauf que le monstre aussi l’avait prévu de frapper et c’est deux bras qui s’entr’choquèrent f’sant trembler les deux corps jusqu’à les faire voler d’un bout à l’autre de la coque ! La différence qu'y eut entre les deux fut que l'cachalot ne s’arrêta pas à la rambarde et partit s'échouer contre le nain, l'percutant de tout son poids !
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    Ce fut au moment où Ging vit Scab voler sous la force du coup du commodore, les côtes brisées par son pied, les vertèbres foulées par le rebord du navire, qu'il se rendit compte qu'il appréciait ce ptit gars. Dire que sa gueule lui revenait n'aurait finalement pas été si loin de la vérité mais plus que ses traits burinés et ses mâchoires opposées, c'était sa gniaque qui lui plaisait. Tandis qu'il voyait cette moitié d'homme enfoncer le bastingage du bateau en une explosion mi grenaille mi copeaux pour se perdre dans l'eau des mètres plus loin, le colosse ne put s'empêcher d'imaginer Scab Tournebroche second du "plus grand équipage que la mer ait jamais porté". Et, du point de vue du capitaine, il était très mal vu de dézinguer le second d'une telle équipe.


    Sursaut de fierté ou rabb de cœur, lorsque le commodore s'arrêta de tourner, tout ce que sa vision floutée par tant de tours lui permit de voir fut une gigantesque boule de poils jaune. De celle qu'on a pas besoin de discerner distinctement pour savoir qu'elle est plus d'humeur. Le pied gauche légèrement fléchi en avant, le dos bien droit et le regard loin devant ne furent que des détails, des éléments annonciateurs d'apocalypse que la mouette ne put même pas remarquer. Ce qu'elle remarqua en revanche et à force d'expérience dans le domaine de la castagne, c'était le monstrueux bras droit de Ging qui semblait avoir encore grossi. Les muscles saillaient sous l'épiderme ambrée en un amas de chair difforme et fantaisiste qui remettait en question le principe même d'élasticité de la peau. Pour le dire plus simplement et restituer plus clairement la seule, l'unique pensée du commodore lorsque son plexus se perfora sous les phalanges brutes du Lion, le bras de Ging promettait de péter d'une seconde à l'autre.


    Il y eut cette pensée, la vision cauchemardesque et nébuleuse des muscles qui explosent, puis la chair se mit à crier. Elle hurla d'une plainte déchirante, du son des os qui se brisent, de la volonté qui vacille, du lion qui rugit. Aussi incroyable que cela puisse paraitre le marine n'implosa pas sous le coup, pas plus qu'il ne vola à travers le bâtiment, il ne bougea en fait pas d'un iota. Mais c'était comme si le monde entier avait décidé de se figer, plus un mouvement ni un son, seulement un poing qui frappe. Et un mec qu'encaisse.


    Puis doucement le bruit des vagues revint comme le visage d'un vieil ami que l'on s'est surpris à oublier, et Ging retira son poing moulé dans le ventre du marine. Il le regarda avec surprise comme s'il venait juste de le découvrir, un sourire fugace naquit sur ses babines, et le temps qu'il se retourne pour voir ce qu'il advenait de ses compagnons de fortune, le commodore tombait à coté de lui tête la première.  


    Arrivé au bastingage pour repérer Scab et Ishii, dès qu'il les vit, Ging se fendit d'un grand sourire et se mis à agiter les bras avec la peur insensée que les bonhommes ne remarquent pas un géant de plus de trois mètres agiter ses bras dans tous les sens. S'il ne s'attendait pas vraiment à ce qu'ils lui répondent aussi chaleureusement, leur regard fut assez éloquent pour ne pas se demander d'où venait la voix sinon pile dans son dos.


    _ Hoy… J'espère que tu ne comptes pas t'enfuir avec eux à la nage. L'eau fait jouer mes articulations, et ça me lance parfois comme si l'on me tailladait la peau à vif.

    Ging se retourna d'un bond et vit la main tendue du colonel fendre l'air plusieurs fois comme s'il mimait le mouvement d'un sabre invisible avec sa petite pogne. Pourtant ce fut de véritables entailles qui apparurent sur tout le corps du Lion, peu profondes pour la plupart mais qui suffirent à faire gicler le sang du colosse à la manière d'une fontaine. Un instant d'hébétement, et la vision d'une main coupant l'air au niveau de sa gorge d'un geste sec, vraiment sec.


    Le pirate ne dut sa survie qu'à son instinct animal qui lui avait gueulé de fuir au plus vite. Et s'il était encore en vie, à moitié essoufflé et une méchante plaie lui ayant taillé le torse à quelque centimètres au dessous du cou, le fait qu'il ait quasiment repeint entièrement le pont couleur hémoglobine laissait spéculer sur combien de temps il allait pouvoir le rester.

    Il faisait mal à voir le lion altier ne cessant d'haleter que pour cracher du sang, la crinière décolorée carmin mais si la dernière incision bavait encore de cruor, les moins importantes commençaient déjà à cicatriser. Le colonel s'approchant se fendit d'un sourire.


    _ Hoy… Tu es sûr d'être totalement humain ? Tu me fais plus penser à une bête qu'à un homme.  

    —BWAHAHAHA. ET ATTENDS QUE JE MONTRE LES CROCS, TU VAS PAS ÊTRE DÉÇU !  

    Puis sa voix monta dans les tours.

    —HEY LE NABOT ET LA POISCAILLE ! C’ÉTAIT UNE PUTAIN DE CHOUETTE JOURNÉE ! REVENEZ JOUER QUAND VOUS VOULEZ !



    HRP: Désolé pour le temps de réponse les gars
      Quand ca ne veut pas, autant laisser la houle faire le reste.

      J’ai pas mal bu d’eau salée dans ma vie de boucanier, il y a même la fois où j’ai glissé par-dessus le rebord du bastingage en plein empannage et que j’ai avalé tout rond un poiscaille. Les gars avaient sacrément bien rigolé ce jour-là et j’en étais moi-même plié. Le vertébré qui m’est tombé sur la nouille aujourd’hui, même avec ma grande gueule, j’ai pas pu le gober.

      Le costard venait de faire le plongeon du siècle et mon corps trapu lui avait évité le plat. Comme un petit boulet de fonte, je sens mon corps s’enfoncer sous l’impact à plusieurs mètres de profondeur. Aussitôt il y a la paluche du cétacé qui me recueille et on remonte à la surface. Je crache une gerbe d’eau tout en escaladant la tête du cachalot et je me redresse sur le haut de son crâne, au sec, tandis qu’il nage vers le bateau. Je lui adresse un bref remerciement qui vient de la glotte, j’espère que l’autre fauve a eu la peau du black.

      "Hmmm  Il semblerait..."

      « Zagahaha »


      Je vois même pas pourquoi j’ai pu imaginer le contraire, il y a comme un corps bleu qui flotte à une trentaine de brasses et le lion gueule depuis le pont central du bâtiment. Il agite son bras dans notre direction avant de se barrer d’une confrontation auquel le cachalot lui-même n’a pas pu mettre un terme. Alors que je sens que le gars moustachu entreprend une manœuvre pour remonter à bord avant qu’un autre régiment ne rapplique, une détonation me mouche les esgourdes.

      BOAM

      Une frêle esquisse de bleusailles qui voguaient avec peine vers l’énorme bâtiment vient à l’instant de sauter en d‘innombrables monceaux de planches.  Je connais cette détonation sur le bout des orteils, c’est les canons du Fusilleurs. Une seconde plus tard, je vois le gros fauve à la chevelure jaune sauter du bâtiment en esquivant l’imposant mât qui se déchire en copeaux après qu’un boulet l’ait traversé.

      « On se retrouve plus vite que prévu le lionceau ! Zagaha »

      Je tambourine comme un cul-de-jatte mal assumé sur le haut du crâne du cachalot tandis que Ging nous rejoins. On est là, trois gosses qui regarde un bateau vide se faire réduire en charpie par des boules de fontes. Vide ? Oué, le buveur de thé se fait la belle tranquillement par-derrière, sur le canot de sauvetage, il repêche au passage son acolyte après quelques coups de rames.

      « Je vais négocier avec le vieux Baffeur pour vous déposer où vous le souhaitez… Mais vous pouvez aussi vous barrer à la nage »

      Aussitôt je saute du haut du crâne et je commence à nager vers le Fusilleurs, déjà que je reviens les mains vides, si en plus je ramène d’aussi grosses bouches à nourrir, je suis refait.

      Sans même me retourner.

      « J’aime déjà la nouvelle vague de piraterie sur ces petites mers !! Zagahaha ! Au plaisir sacrebleu !»
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      Quand tout le bordel a été fini, le buveur de thé est allé voir le prêtre dans sa chapelle toute salie par le temps. L’a pas frappé, à peine regardé le gars en soutane, a juste déposé un papier blanc sur la table et est reparti. L’a eu le temps de dire que c’était pour les dégâts. C’est tout.

      L’papier ? C’tait un chèque d’la marine, du genre qui donne droit à un bon paquet de fric. Du genre que les péquenots comme nous, on n’en a jamais vu de notre vie. Et bah vous savez ce qu’il en a fait l’curé ? L’a déchiré ! Parce qu’on a jamais eu besoin de la marine pour s’débrouiller, et qu’sacrebleu, on voulait pas qu’ça commence ! On a beau pas savoir ni lire, ni écrire, à peine compter, on a notre honneur. Et c’est bien grâce à elle que chaque jour que l’bon Dieu nous donne, on s’lève avec la satisfaction de vivre comme on doit vivre.

      Les bleus sont partis sans trop demander leur reste, la queue entre les jambes et l’honneur bas. On aurait pu croire que ça en terminerait là, sauf que l’buveur de thé, lui, l’est resté. L’a passé douze jours à boire du thé chez la p’tite Mary. Elle lui beuglait dessus de foutre le camp, qu’il n’avait rien à foutre là. Mais il restait, et quand l’en avait marre d’écouter les beuglements, il partait sur la côte.
      Là, y’avait le grand cachalot qui faisait des bonds dans l’eau à plus supporter de voir le marine. J’ai bien cru plusieurs fois que l’premier allait plonger ou l’deuxième mettre pied à terre.  C’aurait sûrement salement fini mais les deux sont resté à se mirer en chien de faïence le temps qu’il a fallu. Sans jamais qu’ils daignent se lancer une palabre.

      Nous, on r’gardait ça de loin en voulant surtout pas nous y mêler. C’est qu’on tient quand même à notre bon Dieu de vie. On avait juste à attendre que ça passe et à profiter pour r’construire ce qu’avait été détruit. Ça a pas pris long. Le plus dure a été de retrouver ce qu’il faut à un prix convenable. Avec  le peu de coques qu’acceptent de livrer, le prix du voyage et nos peu de sous, nous a fallu douze devis en dix jours. Heureusement que l’curé a d’l’éducation et sais jouer avec les chiffres. Y’nous a dégoté une de ces poutres à un prix qui frisait l’ridicule. J’sais pas comment il a fait. Pour la remettre sur l’toit de la p’tite Mary ça a été une autre paire de manches. Elle f’sait bien le poids d’une vingtaine d’hommes.

      L’buveur de thé, lui, nous a r’gardé faire en continuant à foutre ses lèvres sur sa tasse.  L’avait le cul sur sa chaise et l’regard sur son thé pendant qu’nous on trimait, à deux pas d’lui ! Alors la p’tite Mary s’est mise sur ses grands ch’vaux. Elle a dit qu’au moins, le Monstre, l’était peut-être pas beau, mais l’aurait aidé. Lui.

      L’buveur de thé s’en est allé.


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