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Les sacrifiés

-Sœur Marie-Thérèse ! Je te dis que cette mission n’est pas pour toi !
-Nan mais laisse moi faire Isilda, j’vais lui faire comprendre qu’elle est pas à sa place ici.
-Je suis parfaitement à ma place ! C’est une mission de mon niveau !
-Écoute-moi bien ! Ce n’est pas fait pour une sœur ! C’est fait pour une sœur d’élite. Elza, en l’occurrence.
-Héhé. T’as entendu la boss ? C’est pour moi c’t’affaire. Retourne jouer à la poupée autre part
-C’est toi qui joues à la poupée !
-Ohoh ! Quel sens de la répartie ! Tu me fais peur ‘dridri !

Rah, elle m’énerve. Je tente de lui en coller une. C’est mal. Je sais. C’est pas comme si elle m’en avait déjà foutu trois gentillettes dans l’épaule. Elle esquive et me prend le bras afin de me faire manger la poussière d’une pichenette bien dosée. Du coup, l’escargophone en liaison avec ma mère supérieure du couvent de Ronapura, Isilda, tombe au sol.
 
-Qu’est-ce qui se passe ?
-Rien Isilda. C’est la gamine qui fait encore sa fière alors qu’elle arrive même pas à tenir sur ses jambes.
-C’est pas ma faute ! Tu m’as fait tomber !
-Ouai… ouai… Va pleurnicher. Ça te va bien.
-ça suffit !
-Mais …
-Pas de mais !
-Ahah !
-Toi aussi, tu la boucles, Elza. Sinon, je te retire cette mission.
-Tss. Même pas drôle, la vieille.
-Adrienne ?

Je me relève tant bien que mal tandis que je lâche un regard haineux à Elza qui se gausse. J’lui chipe l’escargophone des mains, mais elle me laisse plus le prendre que j’lui arrive à lui piquer.

-Oui ma mère ?
-Tout ça est une erreur de ma part. La mission qui t’a été confiée n’est pas pour toi. Suivre les agissements d’un groupe de bandits primés à plus de trente millions de berrys, tu ne croyais tout de même pas que c’était pour toi, qui vient à peine de sortir du couvent ?
-Bah … Heu …
-Héhé.
-Je t’ai entendue, Elsa !
Je sais que tu es une grande fille Adrienne. Tu veux faire tes preuves. Mais il ne faut pas griller les étapes. C’est une mission complexe malgré les apparences et Sœur Elza peut s’en occuper malgré, là aussi, les apparences.

-Hé !
-Ahah.
-Ce qui vaut pour Elsa va aussi pour toi, Adrienne !
Ne t’inquiète pas non plus, tu ne vas pas rester sans rien faire. J’ai une mission pour toi. Elsa a normalement préparé le voyage pour toi et si c’est pas fait, elle va m’entendre. Un prêtre est passé sur une petite ile du nom de Mandel. Il a rencontré quelqu’un qui souhaiterait en savoir davantage sur notre ordre. Tu es chargé d’enseigner à cette personne et de l’aider à faire son choix. Si elle souhaite rejoindre l’Ordre, tu devras nous en faire part.

C’est une mission difficile. Tu ne dois pas la forcer dans son choix. Tu dois faire preuve d’impartialité pour la guider sur le chemin qui lui est juste. Je suis convaincue que tu en es capable. Je te fais confiance.

 
-L’erreur …
-Elsa ?
-Non rien.
-Je compte aussi sur toi pour ne pas me faire mentir. Si tu échoues, c’est Adrienne qui se chargera de réparer tes erreurs.
-Aucune chance !
-Je compte sur vous, les filles. Bonne chance.

Et elle raccroche. Sœur Elsa me fixe un instant en mâchouillant sa langue avant de sortir une enveloppe de son sac.

-Tiens. J’ai négocié avec le marchand de vinasse du port. Il t’amènera. T’as aussi de l’argent et qui contacter sur l’ile de Mandel. Fais pas de connerie.
-Tu t’inquièterais pour moi ?
-Peuh ! Va crever !
-Cause toujours.
 
Ça, c’était il y a deux jours. J’pensais avoir une mission de choix : la surveillance d’une bande de gros bras qui n’ont franchement pas la gueule de mecs gentils. Le genre de gus qui mouillent dans pas mal d’affaires louches et sur qui ont a mis une coquette prime tout en sachant qu’ils doivent valoir plus parce que la prime a été posée sur les bases de ce qui dépassait de l’iceberg. J’les avais espionnés une journée. C’était trop cool. Mais nan, y a fallu qu’Elsa débarque. Elsa. Celle qui m’a entrainée au couvent. Une vraie monstre. Imbattable. Et un caractère pourri. Toujours à me regarder de haut et gniah gniah gniah. Des moments, je craque, mais elle m’envoie toujours au tapis. J’suis pas de son niveau, j’suis qu’une sœur alors qu’elle est une sœur d’élite. Elle a de l’expérience. J’en ai pas. Faut que j’m’en fasse. D’où les missions de l’Ordre. C’est un peu dur de passer d’une mission de rang d’Élite à une mission pour mon grade. C’est tout de suite moins palpitant. Convertir quelqu’un à l’ordre, ça vend pas du rêve. A moins que ce type soit quelqu’un d’important, mais ça m’étonnerait. Un civil lambda tout au plus. Enfin, une civile. C’est une femme. J’vais au moins me faire une copine, c’est toujours bon à prendre. Rien que de pouvoir faire sans Elsa, ça serait le pied, nan ? Ouai. Alors, j’ai baissé la tête et j’me suis barrée loin d’Elsa, non sans avoir tenté de lui faire un croque-jambe et sans savoir comment c’est moi qui ai fini par terre. La grosse honte que je me suis tapée. Elle a bien rigolé, moi moins. J’ai couru jusqu’à mon taxi qui s’est révélé être un bateau classique. Un équipage d’une vingtaine de gus et un capitaine avec la patte déjà graissé. Quand il m’a vue, j’crois qu’il s’attendait à autre chose quand Elsa a parlé de sœur. Le goujat. J’l’ai pas frappé parce que c’est mal, mais je levais ma hache et les commentaires acerbes se sont tus. J’ai poiroté quelques heures et le bateau est parti. La cargaison ? De la vinasse. J’ai même pas gouté, mais ça sent mauvais. Pour le voyage, j’ai pas cherché à me mêler à l’équipage. J’suis restée tranquillement dans le placard qui me servait de chambre. Un peu d’exercices, un peu de repos, un peu de prières. C’est pas la fête, mais c’était pas non plus prévu au programme, la fête. J’m’en sors plutôt bien.
 
Et finalement, deux jours après, on arrive à Mandel, ma destination. Du bateau, accoudé au bastingage, j’observe l’ile. Petite, c’est assez relatif. D’un côté, il y a une ville plutôt grande ; pas du tout village quoi. Il doit y avoir entre trois milles et six mille personnes. Une bonne petite ville quoi. Construit en bord de mer, son aspect est plutôt quelconque. Rien de spécial à noter. Après l’ile vient des séries de champs sur un faux plat montant et plus loin, ça devient carrément montagneux. On doit gagner une bonne centaine de mètres entre la ville et le plus haut de l’ile. Pas montagneux, donc, plutôt rocheux. L’autre bout de l’ile est un ensemble de grands pics de pierres balayés par les flots et les racines de ces pics sont un ensemble de récifs qui éventreraient n’importe quel bateau osant passer trop près. Pas du tout le genre d’endroit qu’on visite. En même temps, le capitaine me dit que c’est complètement abandonné. T’as bien une espèce de manoir qui surplombe l’une de ces arêtes rocheuses, mais il me dit qu’il est abandonné. Pas franchement le genre d’endroit pour y passer ses vacances, à mon avis. De l’autre côté de l’ile, il y a quelques villages de pêcheurs, plus des amas de bicoques qu’autre chose. T’as aussi une forêt pas trop épaisse sur une large portion centrale de l’ile avec, on prétend, des animaux fantastiques. Ça me fait ni chaud ni froid ces conneries, parce que ça n’existe pas. C’est contraire à tes principes, Seigneur. J’ai bien appris mes leçons. J’tente de convertir le capitaine au fait avéré que les créatures mythologiques, c’est par définition, un mythe, mais il veut rien entendre.

Il est beau mon sens de la persuasion. Et tu veux que je te convertisse quelqu’un à ta cause ?

Du coup, la discussion laisse place à la gêne et je retourne dans ma chambre pour faire mes affaires. On essaie de me dire que je peux boire un coup avec des mecs de l’équipage, parce que c’est la galanterie, tout ça, et qu’ils sont d’honnêtes gars. Tout de même, hé. J’refuse. Pas que je sois sans gêne ou de mauvais poil, non. C’est juste qu’allé trinquer de la vinasse, j’suis pas très d’accord. Et j’ai une mission qui m’attend. Bosser pour une mission, c’est assez valorisant et ça motive plutôt bien. Du coup, une fois le bateau amarré et avant même que la planche pour débarquée ne soit installée, je suis déjà sur le quai après un saut parfaitement maitrisé. Un regard en arrière, un bref salut, et j’me tire de là.
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L’ile de Mandel. En gros, l’ile s’appelle comme ça parce que la ville s’appelle Mandel. Pas bien compliqué. En même temps, il y a pas grand-chose d’autre sur l’ile qui mériterait qu’on l’appelle autrement. À vu de nez, l’ile vit de ses produits de la terre et de quelques ateliers du bois qui exploitent la forêt. Ça ferait plaisir à papa, ça. Dès le port, on devine le minimum d’activités. En plus du mien, il y a trois bateaux de tailles moyennes à quai. Ça débarque et ça embarque des marchandises avec une cinquantaine d’hommes à la tache, s’exécutant parfaitement, prouvant qu’ils ont l’expérience de ce genre de travail. Sur le quai principal, les marchands négocient et les petits commerçants cherchent à amadouer les clients. Je me fais avoir par quelques brochettes parce qu’il fait faim et qu’elles sont bonnes. Toujours avoir le ventre plein avant de commencer le boulot. Pendant que je déguste, j’échange avec quelques voisins. J’en apprends des choses sur l’ile, mais rien de très utile en fait. Ça semble être une ville et une ile sans histoire. Évidemment, il y a parfois des troubles quand un équipage de pirate passe trop près, mais la marine veille. En fait, l’ile est pas loin de plusieurs routes commerciales plutôt fréquentées et les patrouilles de la marine sont assez nombreuses. Il se passe pas une journée sans que l’un des navires de patrouilles ne passe près de l’ile. De plus, il y a un petit contingent d’homme situé sur l’ile pour la défendre et s’occuper de la sécurité. Pas vraiment des marines, vraiment pas en fait. C’est plus des miliciens privés. Ils sont payés par les riches du coin pour leur sécurité, mais au fil des années, ils s’occupent de la sécurité en règle générale. La population semble bien le vivre, d’où le pas d’inquiétudes. J’profite aussi du moment pour me faire indiquer où je dois aller pour trouver mon contact. Bonne chose, c’est pas trop loin. Elle habite dans les quartiers nord, en banlieue du centre de la ville. J’traverse la ville à un bon rythme et faut pas longtemps pour m’apercevoir que c’est plutôt charmant comme coin. Les baraques sont un peu serré les unes contre les autres et ça donne parfois des bizarreries architecturales, mais c’est fleuri et accueillant. Sur Mandel, il ne semble pas y avoir de criminalité. Un vrai coin de paradis en fait.
 
Du coup, mon passage sur l’ile s’annonce bien palpitant… Je regrette déjà d’pas avoir forcé la main à Mère Isilda pour continuer mon autre mission. J’en aurais bien bavé, c’est sûr, mais j’aurais peut-être dû la faire flancher à force. J’aurais pas eu la mission que pour moi, non, j’aurais probablement dû faire avec Elsa. Pas non plus très joyeux comme nouvelle, mais c’est toujours mieux que de ne rien faire du tout. M’enfin, je tourne un peu dans le quartier plus pour m’éloigner du moment où je devrais commencer à papoter, même si c’est plutôt joli, quand même. C’est presque par hasard que je tombe sur celle que je dois trouver. En fait, je la bouscule sévère et j’l’envoie rouler sur le sol. Un moment, j’crois l’avoir sérieusement blessé. Je me dépêche de m’approcher d’elle pour voir si elle est pas blessée. À côté, les passants murmurent comme quoi je suis une brute et qu’ils vont appeler la milice. Pourtant, avec ma tenue de nonne, je devrais inspirer la confiance, non ? M’étonnerait pas que le prêtre qu’est passé ici ait fait des conneries telles qu’on est mal vu maintenant. La chance. Après un rapide examen, elle a rien.
 
-Hé ? ça va ? J’suis désolée ! J’l’ai pas fait exprès !
-Non … c’est moi … je ne regardais pas… devant moi.

Elle parle lentement comme si quelque chose ne va pas. Je recontrôle tout, mais rien ne m’alerte. Un problème personnel ? Surement. Je l’aide à se remettre sur pied tandis que les badauds s’éloignent, visiblement satisfaite de la tournure prise par la rencontre. La femme fait quelques pas en avant sans que je puisse noter un problème, là encore. Alors qu’elle semble vouloir se barrer, je la retiens par le bras. Elle se retourne, légèrement surprise, et m’interroge du regard.

-Je suis Adrienne Ramba ! Je suis sœur à l’Église de la Juste Violence ! J’crois que je suis là pour vous, non ?
-Ah ? Ah… Oui, oui, c’est ça ! C’est moi.

Elle semble soudainement plus heureuse. Ça fait un peu chaud à cœur de se dire que quelqu’un apprécie mon ordre. J’sens déjà que le courant va bien passer entre nous. Bon, elle doit aller sur sa quarantaine, mais y a pas d’âge pour entrer dans l’ordre.
 
-Allons nous assoir, il faut que je vous parle.
 
Elle avise un banc de pierre non loin. Je l’aide à se déplacer même si ça ne semble pas être très utile, il vaut mieux être trop prudent que pas assez. Une fois assise, je commence mon speach. Hé, j’ai pas fait que glandouiller, sur le bateau ! Deux jours pour préparer mon entrevue avec elle, Ozaline au passage, c’est du bon boulot ! J’commence à lui raconter l’Église de la Juste Violence, ces principes, son organisation. J’parle de ma propre expérience à moi au couvent de Ronapura. J’évite de trop parler d’Elsa, parce qu’il faut pas la faire fuir, la Ozaline. Je dis pas non plus tout, parce qu’il s’est passé des trucs pas super au couvent : la première fois, j’ai quand même cru que c’était des satanistes. Pas vraiment le truc sympa à vivre, non ? J’parle aussi de mes premières missions, du contact que j’ai eu avec les gens. Je parle aussi de la foi ; c’est important ça aussi ! Y a pas que de l’action et la Juste Violence au couvent. Même si on est pas tous comme ça, on croit au Seigneur ! C’est quand même la base quand fait partie d’un Ordre qui s’appelle « L’Église de la Juste Violence ». Juste violence, mais Église quand même, quoi. Je parle. Je parle. Je m’arrête plus. C’est un sujet qui me passionne. C’est là où on m’a recueillie, on m’a aidée à devenir ce que je suis. J’en suis fière. C’est pas palpitant comme mission, non, mais ça fait du bien. Parler de sa passion sans restriction ; enfin, pas beaucoup, hein. Je parle tellement et j’suis tellement à fond dedans qu’il doit bien falloir trois tentatives à Ozaline pour avoir mon attention.
 
-Hein ?
-Mais … en fait … c’est intéressant ce que vous dites. Mais je suis pas là pour ça ?
-… hein ??
-Oui. J’ai besoin d’aide en fait. Nous avons besoin d’aide. J’en peux plus. Il se passe des choses affreuses ici.

Ah ouai. Et puis, comme par hasard, un cri : aigu. Jeune. Très jeune. C’est ça le problème dont elle parle. J’la regarde. Elle a blanchi. Blafare même. Et j’l’entends murmurer, terrifiée :
 
-Mon dieu … pas lui, pas mon petit Tafin !
 
Ouai. Me semble que c’est lié.
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Dans le genre accélération brutal, Ozaline est plutôt experte. J’ai à peine le temps de tourner la tête vers la direction supposée de l’attaque qu’elle s’est déjà levée et qu’elle s’est déjà mise à courir dans la direction du cri, sans se soucier un seul instant de la menace. L’instinct maternel quant à la mise en danger de sa progéniture ? Un truc que je finirais par comprendre. Dans quelques années ? Surement. Sauf qu’on me laisse pas en plan si facilement et ils sont rares les gens du coin à pouvoir me semer. J’trace la route à sa poursuite et j’finis par le rejoindre. On traverse plusieurs ruelles et on tourne plusieurs fois. Vive les trajectoires optimisées, dommage qu’il y a des gens dans le passage. Puis, je finis par zieuter la source du problème, un peu plus loin. C’pour ça que j’accélère un bon cout, histoire d’arriver tel un buffle, mais aussi d’arriver avant la mère et avoir les coudés franches pour faire ce que j’ai à faire. Ils sont trois. Trois hommes en tenus de docker. Des visages suspects, mais que j’aurais pas pris pour des kidnappeurs. Ils ont rien de très spécial en fait. Des mecs normaux. L’un porte un gosse sur son épaule et il essaie de se débattre de ses petits poings et de ses petits pieds. Un truc que je capte avant d’être sur ceux, c’est qu’ils sont plutôt gentils avec lui. L’un veut lui coller une torgnole sur le coin de la figure et l’autre l’en empêche. J’en vois pas plus parce que je déboule et j’te percute le plus violent, tête la première, dans les cotes. Et j’te le fais voler contre le mur. Sans une once de répit, je chope l’autre compère par le coin du col et c’est une patate en plein nez pour lui avant de l’envoyer s’aplatir sur son collègue. Le troisième luron tente de s’échapper et de gagner du temps en me tirant dessus avec un flingue qu’il tire de sa ceinture. Trois balles partent sans toucher personne. J’les ai esquivées en me plaquant contre une porte de maison. Je repars à l’assaut en m’approchant plutôt rapidement de lui.
 
Finalement, il doit sentir que ça va mal se passer. Il prend le gosse et il me balance sur la figure. Du coup, j’suis bien obligée de m’occuper de le réceptionner. Alors que ça se fait et que je le pose par terre, le mec disparait dans une ruelle et quand j’y arrive, il a déjà bifurqué. Gauche ? Droite ? J’doute de pouvoir le retrouver. C’est pas grave, j’ai sauvé le gosse et c’est une mère éplorée qui finit par me rejoindre, se mettant à genoux pour sauter au cou de son fils, les larmes aux yeux. J’leur laisse un instant d’intimité pour retourner en arrière et interroger les deux premiers gus, mais j’les capte en train de se barrer. J’ai bien tenté de les choper, mais non. On dirait qu’ils connaissent cette ville comme leur poche. Finalement, j’suis revenue vers la mère et son gosse. Les larmes se sont arrêtées. Les sourires sont revenus. Un bref instant. Comme une parenthèse. Comme s’il ne s’était rien passé. Et la femme qui veut rentrer à la maison. Et le petit Talin aussi. Un gâteau est promis. Tout est fini ? Non. D’un regard, je suis aussi invitée. Je crois qu’on doit parler.
 
Le coin est devenu un poil calme. Trois tirs, ça fait son chemin dans l’esprit des gens et il s’agirait de se prendre une balle perdue d’une autre salve. Les gens sont rentrés beaucoup plus tôt et la milice est venue voir ce qu’il se passe. Bizarrement, Ozaline n’est pas allé vers eux pour les avertir. Elle les a ignorés superbement. Moi, j’les ai juste un peu fixés, j’avoue. En même temps, le niveau de la milice m’a pas l’air des plus brillants quand j’ai vu l’espèce de brute qui semblait commander la troupe. Que du muscle, rien dans le cerveau, j’parie. J’ai suivi Ozaline sans faire d’histoires. C’est elle qui connait les détails pour l’instant et il vaut mieux qu’elle m’en dise plus avant de me lancer. Une fois chez elle, elle me laisse quelques minutes pour admirer la baraque. C’est petit, mais c’est assez bien aménagé. Le gosse à une chambre en hauteur, qu’on accède par une échelle, qui fait genre cabane. C’est fleuri et y a même un petit jardin à l’arrière. Pendant que je zieute les photos de famille, Ozaline fait rapidement un gâteau pour son fils qui est parti se planquer dans sa chambre et c’est seulement quand le gâteau est mis à la cuisson que je me permets une remarque sur une photo. Un père. Une mère. Un enfant.
 
Excusez-moi, mais que fait votre mari ?
Il était matelot pour une compagnie marchande. Talin voudrait bien devenir comme lui.
Etait … ?
Oui. Son navire a sombré. Il y a déjà dix ans maintenant.
Oh. Excusez-moi.
Vous pouviez pas savoir.
 
Elle se met  à faire du thé. J’continue à regarder les photos lorsque d’un coup, j’ai le déclic.
 
Mais alors … si cette photo à dix ans, Talin n’a pas beaucoup grandi ?
 
Sur son visage, je lis soudainement une souffrance terrible. Elle se crispe et une larme lui vient dans le creux de son œil droit.
 
Ce n’est pas Talin. C’est son grand frère. Mon petit Rigald. J’étais enceinte de Talin sur cette photo.
Lui aussi … il a … ?
Non. Il a été en kidnapper. Il y a 9 ans.
 
Et elle se mit à me parler. Ce qui se passe sur cette ile, c’est qu’il y a des enlèvements d’enfants. Pas nombreux, mais c’est régulier. Deux, trois, voire quatre par ans. Elle sait que c’est la même chose sur des iles voisines. Quelques enfants disparaissent et le nombre global varie d’une année sur l’autre. La rumeur circule que c’est les mêmes responsables qui font ça. Évidemment, il y a d’autres enlèvements qui ont aucun rapport avec ce mystérieux groupe et c’est plus souvent ceux-là qui se font attraper par la marine et la milice. Depuis dix ans, c’est un mal qui ne trouve aucune solution. Quand trois mois passent après le dernier enlèvement, les mères surveillent avec davantage d’attention leur progéniture. Ils savent qu’ils vont frapper. Mais à chaque fois. Il y en a qui échappe à la vigilance de la ville. Que leur arrive-t-ils ? Personne ne le sait. Il n’y a pas de demande de rançon. Il n’y a rien. Ils disparaissent sans laisser aucune trace. Certains ont déjà fait mention d’une bête, d’un assassin au sein de la ville, mais il est connu que les responsables sont bien humains. Comme j’ai pu le voir moi-même. Certains se sont déjà fait attraper, mais ils ne sont que des hommes de main. On leur dit de les kidnapper et ça s’arrête là. La milice a tenté en vain de résoudre ce mystère. Aujourd’hui, c’est désabusé qu’ils continuent d’enquêter, malheureusement persuadés qu’ils ne pourront rien faire et que tout cela continuera malgré leurs efforts. Rigald a été l’un des premiers capturé et elle a beaucoup souffert de la disparition, coup sur coup, de son mari et de son fils. Seul le petit Talin lui a maintenu la tête hors de l’eau et lui a apporté la raison de vivre qui lui manquait. Le jeune garçon a appris très tôt à faire sans son père et son frère. Et de cette absence est apparu une sorte d’admiration sans borgne pour ces hommes qui ont bravé les épreuves avec courage. Ozaline lui a dit que Rigald avait disparu en même temps que son père. Elle n’a jamais voulu qu’il vive avec le poids de la vérité ; savoir que son ainé est abandonné, quelque part, probablement mort. Même pour elle, ça semble être une solution de facilité. Tirer un trait sur eux pour ne pas faillir avec Talin.
 
Elle parle beaucoup. Elle a beaucoup de choses à dire qui pèsent sur son cœur. Et je l’écoute avec attention parce qu’il est important d’écouter ces moments difficiles de vie. Elle a beaucoup pris sur elle. Elle a maintenu le cap jusque-là. Ce n’est que récemment qu’elle a commencé à craquer. Et la venue du prêtre lui a redonné un peu d’espoir. Peut-être que nous pourrions les aider ? Peut-être que nous pourrions réussir là où la marine et la milice ont échoué ? Un rêve fou. Mais un rêve empli d’espoir. Et quand elle me fixe de son beau regard où scintille une mélancolie de mère tiraillée entre son fils vivant et son fils abandonné, je ne peux que lui dire oui. Oui. J’aiderais. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour apporter un peu de joie à cette mère. Et même si ce que je vais apporter n’est peut-être pas si joyeux, ça pourra avoir le mérite de la fixer et de calmer son tourment.
 
Oui. Je vous aiderais.
 
Un sourire. Un regard de remerciement où se mêle un soupçon de honte. La honte d’appeler à l’aide. La honte d’avoir abandonné après tant d’années pour tenter de retrouver l’impossible. Les larmes vont jaillir et c’est l’arrivée de Talin qui la sauve. Il réclame son gâteau avec le visage de celui qui a oublié l’incident récent et qui ne rêve plus que d’une seule chose : apprécier la douceur de la pâtisserie de sa mère. L’espace d’un instant, les sourires chaleureux reviennent. Les rires éclatent. Nous mangeons le gâteau tandis que Talin me pose des tas de questions sur l’Ordre. Je lui réponds assez sommairement. Je ne veux pas le perturber en parlant de Violence et de Juste Violence. Ce sont des concepts qu’un enfant ne peut pas assimiler si facilement, encore moins quand on a été victime de violence de la part de plusieurs hommes. Un aparté avant de commencer mes investigations. Un aparté qui me fait un bien fou. Car un mauvais pressentiment m’habite. Le sentiment que je ne sortirais rien de bon de cette affaire.
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Vous devez bien avoir une indication ? Un indice ? Un soupçon de suspicion ? Un reliquat de témoignage ? Une poussière de truc ?
J’vous dis que non et j’vous dis que si vous continuez à m’emmerder de la sorte, j’vous envoie en cellule pour obstruction à agent !
Mais !
Je vous dis qu’on à rien ! Quedal ! Zéro !
 
Une heure. Une heure que j’interroge les miliciens pour récupérer des informations sur l’affaire des kidnappings. Et ça fait une heure que j’ai rien récupéré. Fichtre. En dix ans, ils ont jamais rien récupéré ? J’ai interrogé une dizaine de types. Les cinq premiers en savaient rien ; des nouveaux arrivants sans doute. Les 4 suivants m’ont dirigée entre eux, prétextant que l’un savait mieux que l’autre. Au bout du troisième tour et comme je m’approchais de la ma limite, j’suis directement allée voir un gus qui semblait être chef. Un quart d’heure que le triture pour juste avoir une piste. Mais non. Ils savent rien comme s’il ne s’était rien passé. Et quand je me rappelle la détresse d’Ozaline, j’sens une sourde colère monter en moi face à tant d’inutiles. Le poing se serre et je le fixe, haineuse. L’autre soutient mon regard tandis que sa main se glisse vers sa matraque. Je devrais pas. Ça ne ferait que compliquer les choses, mais ça me met hors de moi tout ça.
 
Un problème Jud’ ?
 
On détourne la tête vers le nouveau venu. J’le reconnais, c’est l’espèce de buffle que j’ai vu rôder près de chez Ozaline, tout à l’heure. Taillé d’un seul bloc, le mec parait solide et confiant en ces capacités. Il me dépasse d’une demi-tête ; j’suis plutôt grande et ce genre de détail, je le note. Ça m’agace quand des mecs comme lui font les fiers en montrant qui est le plus grand.
 
Non, y a pas de problème.
Ouai. On faisait que discuter. Merci pour l’aide.
Venez avec moi. J’peux vous aider.
 
Ah ? Peut-être pas si inutile que ça, le gros homme. J’le suis dans son bureau qui parait pas vraiment en désordre, mais plutôt rien ranger. J’mets ça sur le compte qu’il a pas beaucoup de boulot. J’le vois mal en fée du rangement. Sur son bureau, y a son nom. Ted. Le chef Ted. Le bosse de la milice. Si j’ai pas des infos avec lui, j’aurais pas d’infos.
 
Alors, je cherche des indices au sujet des kidnappings.
On a rien.
 
C’est clair. C’est net. Le ton est tranchant. Il me regarde d’un air plutôt condescendant. J’aime pas ça.
 
Pourquoi vous voulez ces infos ?
J’ai un contrat avec quelqu’un.
 
Il soupire. Il sourit. Il regarde dehors avant de revenir à moi, se rapprochant comme pour me faire une confidence.
 
C’est un bourbier cette affaire. Lâchez le truc. Agitez un peu les bras et dites à votre commanditaire que vous y pouvez rien.
Je suis pas le genre de personne qui abandonne sans rien faire.
Et j’suis pas le genre de personne à croire qu’une femme puisse réussir là où toute la milice a échoué.
 
Macho.
 
Je ne prétends pas réussir. Je veux juste essayer.
Ça vous amuse ? Allez donc voir du côté du vieux manoir, à l’autre bout de l’ile. Vous aurez le sentiment d’essayer. Le seul truc que vous réussirez à faire, c’est d’vous rompre le cou.
Le manoir ?
C’est bien le seul endroit abandonné de l’ile. Personne n’y va. SI vous y allez, personne mettra en doute votre engagement à bien faire. Mais il y a rien là-bas.
En tout cas, faites pas de bêtises. J’vous ai à l’œil. Et je serais moins coulante que Jud’.

 
Message reçu. J’prends mes affaires et j’me casse après l’avoir salué. Une fois sorti du bâtiment de la milice, j’me dirige vers une terrasse d’un café pour réfléchir. A quoi ? Pas grand-chose à se mettre sous la dent. Deux choses. La milice n’a rien à donner et n’en a rien à faire. Et le seul soupçon de piste, c’est le manoir. En buvant ma tisane, j’interroge le serveur sur ce prétendu manoir abandonné. Il confirme que personne n’y va, principalement à cause de la dangerosité de l’endroit. Le bâtiment est posé sur une épine rocheuse qui s’effrite avec le temps. Le chemin d’accès est déjà bien rongé et même une partie du bâtiment risque de s’effondrer. Plus que le manoir, c’est tout l’endroit que les gens évitent. Et puis, à part du vent et de la roche friable, il n’a rien d’intéressant dans ce coin de l’ile. C’est ce qu’il dit. Mais ce qu’il dit conforte d’autant plus que la source des problèmes vient de ce manoir. Un endroit isolé où personne ne vient. Les enfants peuvent être cachés dans des carrioles qui sont emmenées en périphérie de la ville sous prétexte d’un transport de fourrage ou de marchandises. Ça colle. J’me dis que j’ai rien d’autre en même temps et la milice n’a rien. Peut-être que ce Ted m’a donné cette information parce qu’elle est véritable, mais qu’il est menacé pour ne pas trop en dire ? Ça part dans la théorie du complot là, faut pas abuser, mais ça reste une possibilité. J’apprends qu’il me faudrait deux bonnes heures pour arriver sur place. Avec un peu de chance, j’peux être revenue avant la nuit, si je découvre rien, évidemment. Du coup, je passe en coup de vent chez Ozaline pour la tenir au courant de mes projets et j’emmène le strict nécessaire. Pas de hache pour cette fois. Ça pourrait m’handicaper sur ce terrain accidenté qu’est la pointe de l’ile. Une petite astuce pour prendre la première carriole venue et j’m’embarque rapidement. Plus vite je serais arrivée, plus vite je serais à pied d’œuvre.
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Ah ouai… on s’est vraiment pas foutu de moi.

Finalement, j’ai mis moins de temps que prévu. On a été vite. En même temps, la carriole était légère et les deux chevaux étaient en forme. Le mec m’a déposée pas loin de la zone à visiter, c’était gentil. Il a pas arrêté de me fixer la poitrine en même temps, c’était assez perturbant. M’enfin, j’ferme les yeux pour l’aide. Surtout que maintenant, j’suis en vue du manoir et c’est sacrément intimidant. Le grand bâtiment qu’autrefois devait être majestueux n’est plus qu’une relique balayée par les vents. Posé sur une petite terrasse de pierre, cette même terrasse semble se désagréger au fil du temps et les pierres roulent sur les faces des arrêtes qui supportent l’endroit. Le seul chemin d’accès est une corniche posée au milieu du vide et encore, elle n’est pas entière. Des bouts sont déjà tombés et il faut zigzaguer sur les pierres vacillantes pour pouvoir passer. Et j’ai eu le malheur de jeter un regard en bas. L’océan complètement déchainé. Il suffit juste d’un peu de vent pour que la disposition de l’endroit fasse le reste, accélérant les rafales et poussant les vagues contre les immenses falaises. Au raz de la mer, récifs et faux fonds sont autant d’ennemis mortels pour un voyageur maritime. Il n’y a même pas un seul animal marin tellement ça semble être le chaos dans ces eaux. Sans ces récifs, il y aurait moyen d’abriter une flotte en toute discrétion. Les arêtes et pics rocheux forment un labyrinthe, certes en miettes, mais un labyrinthe quand même où de grandes grottes sculptées par l’eau pourraient abriter des navires sans aucun problème s’il n’y avait pas ses récifs. Les reliquats de quelques navires ayant tenté l’expérience gisent en morceau au milieu de griffes acérées que forment les récifs. Avec une bonne vue, je perçois les squelettes morbides de quelque malheureux ayant été projeté vivant sur les pointes acérés. Leurs derniers ossements pendouillent allègrement, ballotés par les rafales venant en tout sens.
 
Il suffirait d’un pas de travers pour les rejoindre.
 
C’est avec une grande prudence que j’m’avance sur la corniche. Les genoux fléchis, je réduis ma prise au vent. En soi, c’pas lui le problème, c’est juste les rafales soudaines qui déstabilisent. Les premiers mètres sont plutôt faciles. C’est seulement au premier tiers que je m’aperçois que l’impression de mouvement que j’ai au niveau des pieds n’est pas qu’une impression. Le sol bouge. Le passage n’est vraiment pas stable du tout. Sauf que j’ai pas le choix et j’avance, pas à pas, lentement, mais surement. Arrivées à la moitié, pas de surprises, les rafales redoublent de violence. C’est toujours comme ça, faut que ça emmerde le monde au moment le plus compliqué. Je me tiens au sol le temps que ça passe avant de continuer. Plusieurs pas plus loin et là, le sentiment de mouvement, il s’amplifie. J’entends un gros craquement et je regarde directement d’où vient le bruit. A mes pieds. Le sol s’effondre sur un pan du passage. Rapidement, je saute sur la pierre suivante. Je suis complètement déstabilisée et le vent revient à la charge. J’suis certains que ça va pas passer si je continue à y aller doucement, alors je bourre. De grande enjambée et en vitesse, je traverse ce qu’il me reste. Des gravillons tombent à chaque pas et la dernière pierre tangue carrément, manquant de me faire tomber. C’est le deuxième pas qui me fait chavirer, mais heureusement,  j’atterris sur un peu d’herbe et de terre. J’suis passée. Je reprends quelques instants mon souffle avant de regarder le passage. Il y a un gros trou qu’a remplacé un petit et j’ai créé un trou au départ de mon côté. J’crains que plus grand monde risquera à s’y aventurer avec un état pareil. Déjà que ça devait pas être la joie.
 
Et c’est là que je me dis que je suis conne. Bah oui. Si personne peut y accéder en toute sécurité, c’est sûr que je trouverais rien ! Puisqu’ils ne vont pas se risquer à faire le passage à chaque fois ! ‘tin, toute cette frayeur pour rien. Je rage presque. L’autre milicien s’est foutu de ma gueule. Bon, comme je suis là, autant en profiter pour jeter un coup d’œil. Je m’approche de la baraque qui parait vraiment vétuste de près. Devant la porte, j’la pousse un peu. Juste un peu. Elle se casse en deux. Ouai, j’ai dit un peu. Bois totalement pourri ça. J’enlève les débris et je commence à fouiller les environs. Après une grosse demi-heure, j’peux dire que j’fais chou blanc sur toute la ligne. Il n’y a rien. Rien. Rien. Juste du mobilier en miette, un plafond qui s’effondre, un sol qui s’effrite. J’ai même pas réussi à accéder à l’étage tellement l’escalier est aussi solide que du papier. Y a même un moment ou un mur s’est complètement décroché et il est tombé dans la mer. Ouai. J’étais à flanc de falaise là.  C’est assez particulier. J’ai évidemment tout gratté pour trouver un éventuel passage secret. La cheminée, les étagères ; tout y est passé. Mais rien. Vraiment rien. Et le pire, c’est que j’ai regardé les traces avant de commencer les investigations. Et j’peux dire que les dernières traces de passages remontés à quelque temps. Des années j’aurais dit. La première fois que je sors de la maison, c’est pour ne plus y rentrer, j’m’assoie sur le perron et j’attends, je réfléchis. Y a un truc que j’ai pas capté ? Non. Y a truc que j’ai pas compris ? Non. J’ai juste zéro information. La tête dans les mains, j’pourrais m’en arracher les cheveux. Je rumine cette sorte de défaite parce que je pars de rien pour revenir à rien et j’ai promis à Ozaline. Mais je suis capable de rien, c’est ça ?
 
Je finis par relever la tête et c’est à ce moment-là que je le vois. Une ombre. Non. Une masse. De l’autre côté de la corniche. Dissimulé par une longue cape et un cache visage de tissu, il me fixe. C’est comme si la tension était montée d’un cran. Je sens son regard sur le mien. Il me veut pas du bien. Heureusement, j’me dis, il a la corniche à traverser. J’pense que ça va l’arrêter. Penses-tu ? Il s’ébranle et s’engage sur le chemin d’un pas rapide, mais extrêmement maitrisé. Chaque pas fait presque bouger la pierre, mais quand il enlève son pied, la pierre reste au même endroit. Il traverse sans que rien ne bouge. Ça en est stupéfiant. Du coup, j’suis un poil à la ramasse pour me relever alors qu’il a déjà traversé la corniche et qu’il est déjà sur moi. Ses mains se ferment. Un duel de poing ? J’aime ça. Et il initie l’affrontement. Ces coups sont précis et puissants. Sa vitesse est plutôt bonne malgré sa masse imposante. Il est plus grand que moi et avec sa cape, je me sens encore plus petite. Je me défends bien en parant les coups et en tentant plusieurs ripostes en essayant de passer en dessous de sa garde. Il me contre tellement aisément que ça en devient irritant. Et là, c’est l’erreur. Je perds ma concentration et il me choppe au visage .
 
Faut pas fourrer son nez dans les affaires des autres.
 
Et il me balance dans les airs, vers le vide. Sauf que j’ai de la masse et je tombe avant le vide. À peine à genou, il m’attaque à nouveau. Je tente la balayette qui passe à moitié ; il saute sur le côté. J’ai un instant pour me relever et lui assener plusieurs patates qui font mouche. Mon adversaire grogne, mais sans plus. Je change de place pour le mettre entre moi et le vide. J’enchaine les coups sans vraiment de plan, mais juste pour le submerger. Ça porte ses fruits et j’le sens plus lent. J’finis par armer une grosse mandale dans le torse et il est rétamé par terre. J’en profite pour l’enchainer au sol et ça se passe pas comme prévu. Il lève sa jambe en opposition et il me fait passer carrément au-dessus de lui. J’suis au-dessus du vide. J’essaie d’attraper quelque chose, mais ce n’est que son masque que j’attrape. Je tombe en le lui arrachant, laissant apparaitre ses traits.
 
Ted. Le milicien.
 
Et je tombe dans le vide.
 
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Le temps s'arrête alors que mon regard plonge vers l'abime qui se dessine devant moi. L'océan. L'eau. Les récifs. La mort. Un chouette programme en perspective. C'est une fin inéluctable, car je ne peux rien y faire et un frisson d'épouvante me traverse de part en part en prenant conscience de la chose. Je suis un grain de poussière contre le vent. Je ne peux rien faire. Si ce n'est crier. Et crier, je ne le fais pas, parce que je tombe trop rapidement vers la petite corniche qui se trouve sur ma trajectoire. Je me réceptionne lourdement dessus et elle ne tombe pas sous le poids. D'instinct, je me roule sur le côté, vers la falaise, pour me cacher d'un éventuel coup d'oeil de mon agresseur. Serrée contre la roche, j'attends. Je ne vois rien. Je ne sais même pas s'il m'a vue. J'ai encore le cœur qui bat la chamade de ce que je viens de vivre. J'ai failli mourir. Et j'ai failli mourir de la main de celui qui m'a dit de venir ici, ici où il n'y a rien. Sous ses grands airs, il m'a manipulée sournoisement, m'obligeant presque à aller là où je ne devais pas aller pour mieux me réduire au silence. Tout ça tourbillonne dans ma tête jusqu'à m'en faire mal. Cette tentative de meurtre révèle une autre indication. Je suis sur quelque chose de louche, très louche même ! Si la milice est mouillée jusqu'au cou, ça risque d'être gros. Vraiment gros ! Et dire que je pensais que j'allais m'emmerder sur cette ile à accomplir une mission super ennuyante. Comme quoi, Seigneur, tu penses à moi . M'enfin, j'suis loin de pouvoir me réjouir, j'suis encore en danger.

J'tends l'oreille pour avoir une quelconque indication quant aux actions de Ted. J'entends bien des frottements contre la roche. Ça m'aide pas beaucoup. Avec le vent et les vagues en contrebas, j'ai même mon esprit qui s'amuse à me jouer des tours. Des chocs rudes sur de la pierre. Un vague appel au secours. Le murmure des larmes et des cris de souffrance. Un coup de feu ? Un coup de feu ! La balle vient se figer à quelques centimètres de moi, dans le sol. Je ne dis rien. Je ne bouge pas. Je reste pétrifiée par une terrible peur qui me rend impuissante. J'attends encore. Un temps qui semble infini et pourtant, il ne se passe que quelques dizaines de secondes. Puis, finalement, j'ai le sentiment qu'il est parti. Lentement, avec précaution, je me relève. Encore un peu apeurée, j'ai les jambes qui tremblotent. C'est assez étrange comme sentiment ; ce sentiment d'impuissance. Et il est si difficile à contrôler. C'est lui qui me contrôle. Je lorgne en hauteur et je ne vois pas. Je jauge aussi la distance qui me sépare d'en haut. Un saut risque d'être très dangereux et de ne pas marcher. Je regarde autre part et je finis par dénicher quelque chose. Sur une corniche un plus basse, on peut voir un passage dans la roche. Grâce à un petit saut, j'y parviens et je découvre avec stupéfaction un escalier rudimentaire taillé dans la falaise. Celui-ci semble mener jusqu'à la base. Heureusement, il monte aussi et je l'emprunte avec précaution tellement les marches sont très peu taillées. Arrivant sur les dernières, je me baisse pour passer la tête. J'suis de nouveau au niveau de la baraque. Je zieute tout autour à la recherche de Ted, mais il est pas là. Du coup je sors carrément, mais je reste sur le qui-vive. Mes jambes ont arrêté de trembler et je me sens davantage mieux. Comme j'me dis que Ted s'est barré, il n'y a plus rien à faire ici. Je fais quand même le tour du coin pour n'avoir aucune mauvaise surprise, mais nada, il n'est plus là. Même un regard au loin ne me donne aucune indication sur sa localisation. C'est comme s'il avait disparu d'un coup. J'vais m'en satisfaire. Ça aurait pu être pire.

Même si ce fut quand même très stressant.

Le retour est un peu long. D'abord, j'ai pas de carriole pour me faciliter la route et du coup, j'suis obligée de marcher. Et le deuxième problème, c'est que je crains de tomber sur Ted et qu'il m'attaque à nouveau. Du coup, c'est une marche prudente et plutôt lente à mon goût que je fais. C'est seulement quand le soleil commence à franchir la ligne d'horizon que j'arrive en ville. Là encore, j'essaie de me faire discrète. Ted n'est peut-être pas seul et il s'agirait de ne pas me faire repérer. S'il me croit morte, c'est mieux. Je ne sais pas combien ils sont, quel est leur rayon d'action et quels sont leurs moyens. Il s'agirait de faire profil bas un petit moment pour mener l'enquête. D'instinct, je retourne vers la maison d'Ozaline, parce que c'est le seul lieu où je peux crécher et que c'est là où j'ai laissé mes affaires. À la réflexion, ce n'est pas un endroit sûr. Je risque de la mettre en danger, elle et son fils. De plus, si Ted a un peu bossé le pourquoi de ma venue, il a pu remonter jusqu'à elle. Et du coup, je tilte que quelque chose a pu lui arriver. Du coup, je file plutôt rapidement vers la maison d'Ozaline sans trop faire gaffe à être discret, parfois. Ça urge un peu et ça me foutrait assez mal qu'il lui arrive quelque chose par ma faute. C'est en m'approchant de ladite maison que je me rends compte que j'arrive pas trop tard. Non, j'arrive pile au bon moment.

Déboulant sur la rue de la maison d'Ozaline, j’aperçois soudainement quatre hommes en train de fuir tandis qu'Ozaline git sur le sol. J'accours à ses côtés et j'm'aperçois rapidement qu'elle n'est pas blessée. On l'a juste frappé suffisamment fort pour qu'elle tombe. Dans un sursaut de courage, elle m'attrape le bras.

Talin … Ils … l'ont pris.
J'ai compris. Laissez-moi faire.

Et je saute sur mes jambes pour leur courir après. Heureusement, je les ai toujours en visuel. Malheureusement, ils courent vite. J'aperçois la bouille pleurante de Talin dans le tas. L'homme de tête le transporte par-dessus son épaule tandis que les trois autres font bien attention à protéger ses arrières. Les individus semblent être du même genre que ceux de ce matin. Le truc, c'est qu'ils sont aussi plus entraînés et je n'arrive pas à les rattraper. Alors que je risque de les perdre, je vois soudainement un individu sortir de l'ombre et bousculer le premier homme. D'abord surpris, les autres lui sautent dessus. Ça me donne l'opportunité de les rattraper et une fois sur place, je décroche un coup de poing fulgurant à l'homme portant Talin, alors qu'il essayait de s'échapper. Je n'ai pas le temps de vérifier l'état du gamin parce que le mystérieux homme est en train de se faire tabasser par les autres. Je fonce dans le tas, attrapant le premier par le col et l'envoyant boulet en arrière. Un autre sort un couteau et tranche l'air, me forçant à m'éloigner. Le troisième passe derrière son camarade et chope Talin. Par pur réflexe, je fais un mouvement vers le gamin et mon opposant profite de l'occasion. Il m'érafle le bras de son couteau grâce à une esquive et j'en profite pour lui arracher sa lame en lui tordant le bras que je saisis de mes deux mains. J'l'envoie valser à terre tandis que l'inconnu se relève et dans la lumière, je peux mieux le voir.

Il est jeune. Je ne lui donnerais pas vingt ans. Il est habillé de vêtements trop grands pour lui et déchiré de toute part. Plutôt filiforme, son visage coupé à la serpe semble austère. Ses joues creuses et ses orbites profondes lui donnent un aspect famélique. Cela ne l'empêche pas de sauter sur l'un des hommes et de le rouer de coups. Alors que je checke la situation, je reçois un coup derrière la tête. Je m'écroule au sol tandis qu'un autre groupe de quatre hommes débarquent. Trois viennent attraper Talin et disparaissent aussi rapidement qu'ils sont arrivés dans le noir. Les autres s'approchent de l'inconnu qui essaie de les repousser avec un couteau qu'il a subtilisé à son précédent adversaire. J'parviens à me relever et à les charger. Deux tombent sous la charge. J'attrape le dernier et nous roulons sur le sol, échangeant des coups de poing. À ce jeu-là, c'est moi qui gagne. Une fois qu'il ne bouge plus, je me relève. Les gus sont à terre, hors de combat. Il ne reste que l'autre type. À genoux, il se tient la main qui semble saigner après un coup de couteau. Et c'est là que je vois qu'un truc tourne pas rond chez lui. Ses yeux sont comme fous et j'le vois trembler comme pas permis.

Tuer … Tuer …

Hé ! Faut qu'on les rattrape ! Bouge-toi !

Mais il m'écoute pas. Pire ! Son regard s'attarde sur l'un des hommes à terre. Celui-ci porte encore un couteau dans sa main. C'est comme un déclic dans la tête de l'autre qui lui saute soudainement dessus, lui subtilise son arme et se met à le planter à plusieurs reprises dans le torse.

TUE ! TUE ! TUE !!

J'hésite pas. J'm'approche d'un bond et je lui enserre la taille de mes bras avant de le soulever, hors de portée de sa victime. Il hurle. Il se débat, mais je tiens bon. Ça dure une bonne minute comme ça et puis, il se calme. Je le dépose au sol et celui-ci se recroqueville sur lui-même, comme choqué par ce qu'il vient de faire.

Je sais pas qui t'es, mais j'pense que tu veux m'aider. Il faut interroger ces gus pour qu'on retrouve Talin. Ils doivent nous dire où ils l'ont emmené !

L'homme bascule sur ses pieds comme un métronome tout en secouant la tête.

Non … Pas besoin … Moi …


Quoi ?

Je sais où ils vont…

Et où ils vont ??

Vers … le port. Un bateau … Il faut … faire vite …

Du coup, on a fait vite.
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On fait vite, mais on se précipite pas sans se préparer. J’fais d’abord un saut chez Izalina pour reprendre mes affaires. Je sais pas ce que je vais faire, ça va peut-être m’amener loin, alors je préfère ne rien laisser au hasard, ni à Izalina. Sac sur le dos, hache dans la main et gâteau qui a cramé à moitié dans la bouche, je sors de chez elle non sans lui promis que je reviendrais avec son fils. Ça tombe, je reviendrais dans une heure. Ou dans un mois. Pas de place au doute, j’trace la route. L’autre mec a attendu à l’extérieur. Il s’est contenté de s’appuyer contre le muret de la maison, fixant la baraque comme si c’était incroyable. Mystérieux ce bonhomme. Si la situation n’était pas aussi urgente, j’lui aurais fait avouer son identité et ses soucis. Sauf que là, chaque seconde compte, même si la seconde pour saisir le gâteau au chocolat ne compte pas ; ça donne de l’énergie, c’est utile. J’en donne justement une part à mon collègue qui reste un instant interdit devant la chose, comme s’il ne savait pas quoi en faire. Il est un peu sans gêne. C’est vrai que le truc est plutôt cramé, mais ça serait pas faire preuve de politesse de le manger au moins. Et puis, il est plutôt bon si on fait abstraction du gout de carbone. J’avoue qu’une fois que le tout a passé la gorge, c’est plus facile pour courir. Avec l’autre, on trace. Il court un peu moins vite, mais il sait où il faut aller, j’le suis. On bouscule des gens, ça gueule sur notre route, mais j’m’en fous. Cas de force majeurs, les gens.

Et sinon, c’est quoi ton petit nom ?
Héé … héééé … Je n’ai … pas … de nom …
Ah … ça s’est con.
Mais …
Oui ?
On m’appelle … Murloc … parfois.
Ah ? Bah va pour Murloc. Moi, c’est Adrienne.

Ou comment mêlait l’indispensable à l’utile. Au moins, j’peux l’appeler par son nom, en fin, son surnom. Murloc. Drôle de nom. On s’y fait. J’y pense plus, on arrive dans la grande rue. Devant nous, c’est le porc. On l’a pas vu à cause de l’obscurité, mais on passe juste à côté en catastrophe. Son propriétaire couine plus que sa bête. J’en rirais presque si la situation n’était pas dramatique. Et ça ne fait qu’empirer. Observant la foule négligemment, j’aperçois soudainement une tête que je reconnaitrais entre mille, même dans l’obscurité. Et c’est obscur, en plus, là. Ted. Le chef de la milice. Lui et une poignée d’homme observent la foule. D’un coup, je sens son regard sur moi. Je ne saurais le décrire tout comme je ne sais quoi faire. L’attaquer ? S’éloigner de lui ? Dans la précipitation et l’indécision, je finis par m’éloigner de lui, toujours en direction du port. Il n’a pas bougé. Il m’a juste fixée. Et il a souri. Peut-être qu’il n’en avait rien à faire de moi. Il voulait juste m’éloigner d’Izilda pour mieux enlever son fils. Il sourit parce qu’il aura le plaisir de me tuer à nouveau ? J’sens vraiment pas quelque chose de bien en sa compagnie, autant ne pas tenter le diable à rester à sa portée. C’qui tombe bien, c’est qu’on y arrive, au port. Murloc s’arrête et se penche sur ses genoux, harassé de fatigue. Il lève la tête et regarde une caravelle qui semble sur le départ. Il n’y a pas besoin de mots pour me faire passer le message. Je chope Murloc et je le mets sur mes épaules ; j’aurais dû faire ça plus tôt. Une fois plutôt pas trop mal installée, j’m’élance avec tout le jus qui me reste dans les jambes. J’déboule en pleine vitesse sur le dernier dock, mais le bateau est quasi parti. L’ancre est déjà sortie de l’eau et le bateau se déplace. Je sprinte au-delà du permis sur les derniers mètres avant de sauter vers le bateau, ou plutôt, vers l’ancre. J’arrive à la saisir d’un coup.

C’était moins une. Lentement, je suis remontée jusqu’à ce que j’ai plus qu’à tendre la main pour agripper une rambarde. Ce que je fais, évidemment, et j’passe la tête au travers des barreaux, en toute discrétion. Il y a une vingtaine d’hommes qui s’affairent. Monter à bord et combattre serait trop dangereux. La vie de Tallin dépend de ce que je compte faire. Avec Murloc, on se concerte un petit instant. Il propose de se cacher ; dans la cale par exemple. Pour cela, faut quand même monter. L’avantage, c’est que c’est la nuit et que bien rapidement, le pont se vide. Il ne reste que quelques types qui discutent tranquillement. Lentement mais surement, je monte à bord et je pose Murloc à terre, en profitant pour me masser le dos qu’il m’a labouré, même s’il est pas très lourd. La solution pourrait être de combattre puisqu’il n’y a pas grand monde, mais on s’est dit un autre truc avec l’ami sans nom. Le bateau va surement nous conduire là où sont emmenés les enfants. Plus que Tallin, on pourrait libérer tout le monde et botter le cul aux responsables. L’idée est séduisante, non ? Du coup, on se glisse dans le premier passage vers le pont inférieur avec l’ami Murloc. Aussi silencieux que possible, on se cherche un petit coin tranquille où on ne pourra pas nous chercher si facilement. Comme genre un petit placard avec rien dedans, dans un couloir à l’écart, pas loin de la réserve de munition. Comme je doute qu’ils vont en avoir besoin, même si j’ai aucun indice pour soutenir ma réflexion, j’pense que c’est un bon. On s’installe donc et on attend.

L’occasion pour moi d’échanger avec mon nouvel ami.
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Dans la pénombre, j’ai du mal à distinguer ses traits émaciés. Plus je le regarde et plus j’ai l’impression d’avoir à faire à un cadavre. Seule la lueur dans ces yeux lui donne un semblant de vie. Sa vie ? Elle a dû être éprouvante. Des souffrances et des coups comme pain quotidien. Il n’est pas normal. Il n’a pas grandi normalement, baigné dans l’amour de ses parents. Lui, c’est la cruauté et la méchanceté qui l’a fait grandir. Et aujourd’hui, il est surement là grâce à eux. Grâce à la haine qui a grandi en lui et qui lui permet d’avancer pour se venger. La vengeance n’est pas la solution. Est-ce genre de discours est-il pertinent dans ce genre de cas ? Je souffre pour lui. Je compatis. Et mes poings se serrent. Fort. Je n’ai qu’une envie. Faire payer à ceux qui lui ont fait ça. Pas de la vengeance. Non, de la justice. Procès expéditif, ils sont coupables de crimes inhumains. Je ne sais pas encore, mais ça ne fait aucun doute. Murloc ; Justice sera rendu. C’est une promesse. Et toujours dans la pénombre, je lui offre un peu d’eau que j’ai dans mon sac et un peu de nourriture. Il boit avidement, mais il ne mange pas. Il se contente de regarder la nourriture avec une fascination très surprenante. Pourtant, ce n’est pas grand-chose. Un peu de pain sec et quelques fruits. Il capte mon interrogation. Je plonge dans son regard un instant et il m’en sort rapidement par ses paroles. Sa voix me semble si rocailleuse, comme s’il n’avait pas l’habitude de parler.

Ça fait bien longtemps que j’ai pas vu de la nourriture comme cela. Pas sous une forme de bouilli. Je n’ai presque pas envie d’y toucher. J’ai peur de plus en revoir de la sorte…
Et le gâteau tout à l’heure… c’était comment ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas si c’est bon. Je ne me rappelle pas si je dois me satisfaire du gout de cette nourriture. Je ne sais plus…

Je le sens au bord des larmes. Il se détourne un peu, montrant un peu de pudeur à pleurer devant moi. Je lui offre autre chose. Un peu de lard fumé et d’autres fruits. Et je lui souris.

Mange. Tu en auras d’autres. Je te le promets.

Il me fixe intensément. Et je peine à soutenir son regard.

On m’a toujours fait des promesses. Quand elle était belle, elles n’ont jamais été respectées. Quand elle était terrible, ils n’ont jamais failli…
Qui… qui ça, ils ?
Eux.

Il pointe du doigt la porte. Puis au-dessus. Tout partout. Sauf moi. Il sourit, difficilement.

Toi, je crois que je peux te faire confiance.

Il se met à manger avec une lenteur attentionnée, dégustant chaque aliment comme s’il était le dernier. Alors que j’aurais pu tout finir en une minute, il prend un quart d’heure pour tout manger. Je l’observe pendant sa dégustation. C’est réjouissant de le voir reprendre quelques couleurs et prendre visiblement plaisir à manger. Quand il finit, je cherche autre chose dans mon sac, mais il m’indique que non d’un geste de la main. Il se dit rassasié.

C’était bon ?
Qu’est que le bon ?

Il est perturbant. Très perturbant. Il me répond du tac au tac et ses propos laissent deviner un traitement odieux. Inhumain. Oui, je ne m’étais pas trompée tout à l’heure.

Je sais que ce ne doit pas être un plaisir, mais pourrais-tu me parler de toi ? Comment t’es-tu retrouvé dans cette histoire ? Où allons-nous ? Et qu’allons-nous y trouver ?

Il me regarde. Je sens une vague de peur chez lui. C’est peut-être pas la bonne idée.

Si ça te dérange, c’est pas gr…
Je vais le dire. Je vais… parler.

Il prend un temps pour se calmer et bien réfléchir à ce qu’il va dire. Puis, il se met à parler, lentement. De toute façon, on a le temps.

Je ne sais pas d’où je viens, ni comment je suis venu. Je me souviens d’avoir toujours été là. Là-bas.

Je ne sais pas où c’est. Je ne connais que l’intérieur. C’est une sorte de centre de recherche. Il y a… un docteur. Et des gardes. Et des enfants. De tous les âges. Ils font des expériences sur nous. Le docteur a souvent dit que nous « contribuons à l’avenir de tous ». Je ne sais pas si c’est vrai. Je ne sais pas ce qu’il nous fait. C’est… terrible. C’est… je ne sais pas. Comme si on insérait une aiguille dans ma tête, à chaque fois. Et il y a les gardiens. Ils nous battent. C’est peut-être une partie de l’expérience. Je ne sais rien.

Cela… doit faire des années que j’y suis. Il n’y a pas… de notion de temps, tout ça. On ne voit pas le jour. Et il ne ferme jamais les lumières quand on veut dormir. Parfois, je ne sais pas si je rêve ou si je suis réveillé. Tout est pareil. Tout est triste. Tout n’est que duperie. Même les repas ne donnent aucun indice. C’est toujours la même chose. Une sorte de bouillie infecte. Pas de petit déjeuné. Pas de diner. Surement même pas trois repas par jour.
Tu t’es évadé ?
Oui. Le docteur disait que l’expérience était bientôt terminée. J’ai eu peur. Peur qu’il mette fin à tout ça. Je me suis dit… que ça s’annonçait terrible. J’ai fui. J’ai profité de l’inattention des gardes pour embarquer dans ce bateau. Et sur la route, j’ai entendu qu’ils allaient enlever un dernier garçon. Si c’est la fin… son traitement doit être pire que le mien. Ça… ça sera terrible.
Combien y a-t-il d’enfants là-bas ?
Je ne sais pas. Cinquante… Cent ... ils viennent… ils disparaissent… On est pas dans les mêmes coins.
Et les gardes ? Tu le sais ?
Vingt… Peut-être trente. Le pire, c’est Teddy, leur chef.
Teddy ? On l’appellerait pas Ted, parfois ?
Je .. je ne sais pas… oui… oui, surement.

Les réflexions s’enchainent dans ma tête. Quand il a parlé du petit Talin qui devrait faire l’objet de l’aboutissement de ce qui se trame dans ce laboratoire, j’ai pensé intervenir. Mais s’il y a une centaine d’enfants à sauver, il vaut mieux attendre. Talin contre les autres, c’est un dur choix. Si j’interviens, ils seront au courant là-bas. Et sur la question des gardes, Murloc a peut-être raison comme il peut avoir tort. Et s’ils sont nombreux et bien entrainés, ça sera du suicide. Autant éviter qu’ils soient prêts à m’attendre. Après, il y a un autre dilemme. Si on parle du même Ted, il est possible qu’ils nous sachent sur le bateau. Ça peut être une déduction possible pour eux. Le truc est qu’au travers du bois, j’ai pas l’impression que l’équipage s’est mis à fouiller le bateau. Du coup, je peux me laisser à penser qu’on est tranquille. Je l’espère.

On continue à parler. J’arrive pas à en savoir plus. Du coup, c'est plus moi qui me finis interrogée. Il me demande de parler du monde, de ce que je fais, tout. J'évite de trop aller dans le détail et de lui vendre du rêve. Lui décrire les trucs beaux de ce monde que j’ai vu. Les sensations, les odeurs. Chacun de mes mots semble l'inviter davantage au voyage. Il se pose contre le mur et écoute, le sourire aux lèvres comme si c'était là le plus beau moment de sa vie. Je parle. Je parle beaucoup. Je ne choisis pas mes mots, ils me viennent d'un coup. Je ne prévois plus ce que je vais dire. Je le dis. C'est tout. Je suis franche et il apprécie. Je sais pas combien de temps je parle, mais ça fait longtemps. Et je finis par m'endormir.

C'est seulement un gros choc lourd qui me fait me réveiller. J'm'aperçois bien vite que Murloc est déjà aux aguets. Il me regarde. On se fixe un instant.

On est arrivé.


Ça va chier.
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Lentement, j’ouvre la porte et Murloc passe sa tête. Personne. On doit sortir du bateau sans se faire remarquer. C’est la meilleure façon de pouvoir entrer dans le laboratoire et de voir ce qui s’y passe en toute tranquillité. On sait pas depuis combien de temps on est arrivé. C’qui est sûr, c’est que c’est plutôt calme. Le bateau semble désert. Avec l’autre, on parcourt les couloirs, ouvrant chaque porte pour vérifier s’il y a personne. Et il y a personne. Dans certaines des cabines, j’fouille un petit instant, mais je trouve rien de concret. En fait, je trouve pas grand-chose. Et c’est ça qui dérange. Ça donne pas l’impression que le navire est équipé pour faire de long voyage. On a peut-être fait une journée de mer et c’est probablement toujours comme ça. Quand même, on sait jamais ce qui peut arriver. Une tempête est vite arrivée et peut retarder le voyage de plusieurs jours facilement. Bah ils ont pas peur. On dirait qu’ils ne sont là que pour quelques heures. C’est à peine si les cabines sont utilisées. Plus je fouille et plus cette idée se fait forte dans mon esprit : le bateau est une coquille vide. Même les réserves de nourriture se résument à quelques petites caisses fermement closes. Je sais pas pourquoi, mais ça m’inquiète. Si les choses bizarres et sans aucun rapport apparaissent, ça ne laisse présager rien de bon. L’ami Murloc n’en sait rien quand je l’interroge. Ça calme un peu mon anxiété. Juste un peu.
On finit par arriver sur le pont après avoir bien vérifié que tout le bateau était désert. Je m’aperçois d’un coup du lieu où on se trouve : dans une large grotte, surement naturelle. Le bateau passe tout pile pour se placer à côté d’un ponton en bois d’aspect rudimentaire. Trois passages débouchent sur ce ponton et s’enfoncent profondément dans la roche. Le laboratoire semble être bien dissimulé si c’est ça. La mer n’est pas loin et je peux entendre le bruit des vagues s’écrasant sur des falaises et des récifs. L’endroit est inhospitalier. La planque parfaite. Je fouille le pont à la recherche d’un potentiel oublié, mais je trouve, là encore, rien. De son côté, Murloc m’indique de me dépêcher. Il se trame des choses et il a raison, il faut qu’on s’en occupe. Devant le choix triple de passage, j’interroge Murloc du regard. Je le vois plisser du front, tenter de se souvenir du plan de l’installation.

À gauche… je ne sais pas. Je suis venu par celle… du milieu. Et à droite… je crois que c’était interdit à nous.
Si c’est interdit, c’est qu’on peut y trouver des trucs utiles.

Il dit pas le contraire. On prend à droite. On monte un escalier de pierre sur une dizaine de mètres avant de tomber sur une porte. Murloc ouvre ; on a décidé que c’était lui qui ouvrait. Au pire, on peut tromper la vigilance des gardes en leur faisant croire que c’est juste un gosse en fuite et pas une sœur de la Juste Violence venue leur faire la morale. Toujours rien. On entre dans un couloir serpentant sur une centaine de mètres. Ici et là, des portes de bois et de fer interdisent le passage quand on a pas de clé. Un système de lampe basique permet de voir où on marche. Le sol et les murs sont toujours de pierres. Ça m’intrigue. Du coup, j’pose la question à Murloc dans un chuchotement.

Là où sont les gosses, c’est aussi en pierre ?
Non… C’est beaucoup plus… propre… lisse.

Ça m’aurait étonnée. L’endroit me fait penser à d’anciennes galeries d’un repère quelconque, creusé à l’ancienne et sans une once de connaissance en design d’intérieur. Le genre d’endroit qui devait faire le plaisir d’une bande de pirates. Je tente d’ouvrir des portes, mais c’est peine perdue. Tenter de les enfoncer ? Je m’y risque pas. Elles ont l’air solide malgré l’humidité ambiante et je risque de faire du bruit. Justement, du bruit, on en entend. Sans prévenir, je plaque Murloc contre le mur, dans une zone d’ombre ; on est arrivé au bout du couloir qui se divise en deux. Légèrement cachée par une anfractuosité de roche, j’peux voir deux hommes en tenus de gardiens passés devant nous. J’entends le bruit d’une clé dans une serrure et le son caractéristique d’un déverrouillage. Lentement, je m’approche et je passe la tête à l’embranchement : les deux hommes passent la porte négligemment. Je m’approche aussi silencieusement que possible, sans les alerter, et j’arrive à choper la porte avant qu’elle ne se ferme. Quelques secondes d’attente ; les gardiens n’y ont pas fait attention. Murloc m’a rattrapée et il passe la tête comme prévu. Sa tête fait le chemin inverse et m’indique que je peux y aller. J’passe la mienne et je zieute les deux gardes, posés un peu loin, posés contre une vitre et regardant au travers.

Ils sont dans une sorte de couloir très sombre avec, d’un côté, une surface de pierre lisse est bien taillé et, de l’autre, une vitre. Au travers de la vitre, la première chose que je vois est une série de projecteurs dirigés vers l’intérieur de ce qui semble être une très grande pièce. La disposition est faite de sorte que le couloir où se trouvent les deux gardiens doit être totalement opaque pour ceux se trouvant à l’intérieur de la pièce. Entrant toujours plus dans le couloir en question, je finis par me rendre compte de l’intérieur de la pièce. J’en manque presque de lâcher un cri de surprise. À côté de moi, Murloc reste sans voix. Une salle de laboratoire. Pire. Une salle cauchemardesque.

Les murs et le sol sont d’un gris aseptisé. Deux portes à doubles battants débouchent sur la pièce et semblent solidement fermées. Dans les coins et près des murs, on peut trouver des lits et des chaises en désordre. À plusieurs endroits, il y a comme des distributeurs de friandises. Ça pourrait être un endroit rêvé pour des enfants. Où qu’ils sont ? Au centre. Comme ça, je peux dire qu’ils ont entre huit et douze ans. Ils sont une vingtaine, habillé de tenues gris uniforme à faire cercle autour de deux de leurs camarades. Ce qu’ils font est juste terrible. Armés de pieds d’une chaise gisant en morceau non loin, les deux gosses se livrent à un duel qui n’a rien d’un jeu. Les visages sont emplis de haine et le sang des blessures est bien réel. Le pire est sans doute les encouragements belliqueux des autres gosses et se résume à une seule chose : que l’un des deux tue l’autre. En ce lieu, il semble n’y avoir aucun amour et aucune gentillesse. Juste de la haine. Des enfants transformés en animaux. Et à côté de ça, les deux gardiens s’amusent. L’un parie sur le costaud. L’autre mise sur l’autre qui semble être un sacré petit fourbe.

J’vois rouge. J’en ai la nausée.

J’m’avance cash vers eux. L’un se retourne, trop tard. Il se mange une sévère mandale dans la mâchoire et sa tête vient frapper la vitre sans se briser. L’autre s’en mange une autre dans le ventre et se plie en deux. Je lui laisse pas de repli et je le chope par le col, le soulevant de terre.

Qu’est ce que vous faites dans ce putain de laboratoire ?!
Qu’est ce que vous leur avez fait ?!


Ma voix est forte et autoritaire. L’autre gardien veut dire quelque chose, mais il récolte mon pied dans son crâne. J’regarde l’effet que ça fait sur l’autre qui étouffe à moitié. Oups. Je desserre un peu ma poigne qui lui serrait aussi la gorge. Mal visé.

Réponds !
Raaah… J’ai maaaal…
Réponds ! Ou t’auras encore plus mal !
Mais …ah… je sais pas… C’est… le docteur… J’suis… Rah… qu’un sous-fiffre… moi…
Et ça t’amuse ? Ça t’amuse ce qu’ils font ? C’est… drôle ?

Il ne répond pas. Il sait qu’aucune réponse ne me satisfera. Il a rigolé. Et comme il se défend pas, c’est qu’il l’avoue. Il en est fier ? J’vais lui apprendre à ne pas en être fier. Je le repose, mais c’est juste pour lui prendre la tête à deux mains et la frapper contre la vitre. Une fois. Deux fois. Trois fois. Le choc est fait, les fissures se propagent. La quatrième fois fendille toute la vitre. La cinquième fois ? C’est la dernière. La vitre vole en éclat et je lâche le gus qui tombe de quatre mètres dans la pièce. À l’intérieur, les enfants s’arrêtent subitement et se retournent vers moi. Dans l’obscurité, je sais qu’ils me voient. Ils me sentent. C’est terrifiant. L’homme git au sol, le visage en sang. Du sang ? Les enfants s’en aperçoivent et semblent s’en réjouir. Ça me dégoute encore plus. Qu’est ce qu’ils ont pu leur faire pour être ainsi ? Et sans aucun complexe, je saute dans la pièce atterrissant solidement sur mes pieds. Murloc me suit, téméraire qu’il est. Je le rattrape en vol. Les enfants s’approchent de moi, intrigués. Même les deux combattants semblent avoir perdu toute envie de combattre maintenant.

C’est à ce moment-là qu’une voix se fait entendre, résonnant dans toute la pièce.

Oh ? Ça c’est une surprise. Nous avons un invité. Qu’est ce qu’on dit les enfants ? Qu’est ce qu’on dit aux invités ?

Bonjour l’invité !

Ils l’ont dit tous en cœur. Pas un n’a été trop rapide ou trop lent. La même voix. Le même regard. Le même maintien. On dirait des jumeaux si ce n’est qu’ils sont totalement différents entre eux.

Et… hé ? Mais que voilà Murloc ! Mon cher Murloc ! On t’a cherché partout ! Tu reviens à temps pour venir jouer avec notre nouveau venu. Tu ne sais pas qui c’est ? Il s’appelle Talin. Qu’est-ce qu’on dit les enfants à Talin ?


Bonjour Talin !

Terrifiant.
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Non ! Vous n’allez rien lui faire !

Je le dis haut et fort, couvrant la voix inconnue qui a continué sur sa lancée. Au travers du système de transmission, je devine une voix de vieux complètement imbus de sa personnalité. Le truc parfait pour un scientifique fou. Justement, il se met à ricaner, comme si c’était drôle ce que je disais.

Oh ? Mais c’est méchant d’empêcher les gens de s’amuser. Vous êtes pas d’accord les enfants ?
C’est très méchant.

Ils semblent réagir au mot « méchants ». Leur visage se ferme et leurs yeux s’injectent de sang. Je sens la tension monter.

Mes chers enfants, l’invitée est méchante. Elle ne veut pas que vous continuiez à jouer.
Méchante ! Méchante !

Oh ! Mais je comprends ! La méchante veut enlever notre camarade Murloc ! Elle ne veut pas qu’il puisse jouer.

Méchante ! Méchante !

Je sursaute. Ce qu’ils viennent de dire, Murloc vient de le murmurer. Un instinct surement. Je fixe un instant son regard vide, puis il semble retrouver ses esprits en secouant la tête. Un grondement grandit chez les enfants.

Elle a déjà commencé à le changer !
Méchante ! Méchante !
Vous devez sauver Murloc !
Méchante ! Méchante !
Mais ne blessez par Murloc, ça serait… dommage.
Méchante ! Méchante !
Allez y les enfants, vous pouvez… jouer !

Juste un mot et ça devient l’enfer. La vingtaine de gosses se dispersent. Oh non, il ne fuit pas. Les chaises sont rapidement mises en pièces et des gourdins changent de mains de telle sorte que tout le monde se retrouve équipé.

Jouer !

Et ils attaquent. Ils me sautent dessus et je ne sais que faire. Me défendre ? Je risque de leur faire très mal, voire de les tuer ! Les coups pleuvent et malgré leur jeune âge, ils ont de la force ! J’encaisserais pas trop longtemps à ce rythme, recroquevillé sur moi-même. Du coin de l’œil, je vois trois gosses tentant d’éloigner un Murloc amorphe. J’peux pas le laisser dans cet état.

Murloc ! Réveille-toi ! Tu ne veux pas y retourner !
Pense au gâteau ! Tu veux du gâteau, non ?


Il lève la tête et me regarde. Et malgré les coups que je prends dans la gueule, je regagne espoir parce que je lis cet espoir dans ces yeux. Subitement, il se défait de l’emprise du trio et les envoie voler par terre. Il saute sur le premier venu et lui enlève son arme en lui tordant le poignet. De mon côté, je réunis toute ma force pour me relever sur mes jambes, emportant avec moi une poignée de gosses tentant tant bien que mal de me rester dessus. Du pied, je tatane ceux qui sont en bas et j’attrape à la main ceux qui s’accrochent à moi pour les envoyer sur les autres. C’est long et c’est éprouvant. Les enfants semblent habités par une énergie inépuisable et se relèvent sans discontinuité. J’en suis obligée à devoir frapper plus fort et un fort sentiment de culpabilité apparait quand les premiers gosses ne se relèvent plus. À mes côtés, Murloc ne semble pas avoir autant de scrupules, mais il n’abuse pas. Il nous faut un bon moment pour mettre les derniers hors d’état de nuire et c’est couvert de bleus et de plaies que l’affrontement s’arrête pour moi. Bien obéissants, ils n’ont fait aucun mal à Murloc.

La voix revient alors.

Oh ! La méchante n’est vraiment pas drôle. Il semblerait qu’il lui faut une chaussure à son pied.

Une porte à double battant s’ouvre à la volée. Six hommes entrent subitement, armés de matraques ; le service d’ordre ne doit pas avoir d’autres armes que ça. En même temps, ils sont censés s’occuper d’enfants plutôt dociles.

Occupez-vous d’elle. Et attraper Murloc. Il doit trouver son nouvel ami Talin. Tout est prêt pour l’expérience finale. Emmenez-le à la salle de test.
Je te dis à bientôt, Murloc.


La connexion se coupe. Le groupe d’hommes s’avance, l’air sûr d’eux. Ils doivent penser qu’ils sont d’un tout autre niveau qu’une bande de gosses. Ils se trompent. Ils se trompent lourdement. Pour ces pauvres gosses, je ne voulais pas les blessés. Mais eux, je m’en fous. Ils sont coupables de crimes inhumains. Ils ont laissé faire. Et ce n’est pas eux qui m’attaquent, c’est moi. Je rentre dans le tas, dégainant ma hache et la faisant tournoyer autour de moi. Je ne devrais pas, mais je laisse exprimer ma rage devant tant d’atrocité. Je ne tue pas. Oh non. Ça serait trop bon. Je les frappe du plat de la lame, brisant les os. Et quand ce n’est pas assez, c’est mon poing qui exécute la sentence. Il ne faut pas une minute pour m’en occuper. Et même si l’un arrive à attraper Murloc, ce dernier arrive en s'en débarrasser. Il récupère deux coups de matraque, mais ses dents font beaucoup plus mal et obligent l’homme à lâcher son arme. Mon poing met à un terme à sa tentative. Pas le temps de souffler. Je m’élance dans le couloir ouvert avec Murloc à ma suite afin d’arrêter ce qui semble être l’expérience finale et donc, la plus dangereuse. Ça sonne comme ça dans mes oreilles. Et ça sonne très mal.
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Toute résistance est inutile. Rien ne peut m'arrêter. J'ai de la force à revendre et c'est la force de mes convictions qui me fait avancer. Pour Murloc, c'est encore pire, il est comme fou. Le premier garde qu'il a croisé, il a failli le bouffer la gorge. J'ai dû l'arracher de sa proie ; il avait le regard fou. J'pense que c'est le fait de détruire tout ce que représente ce laboratoire pour lui qui doit agir sur son système nerveux un peu trop fort. Ou il a dû prendre un coup sur la tête. C'est pas la première fois. En y repensant, c'est limite suspect, mais j'ai pas trop l'occasion de m'arrêter sur la chose, un autre garde, une autre série de mandales ; la voie est libre. On court. Depuis la grande salle au gosse, on a croisé d'autres installations. Des enfants pris séparément à qui on fait subir des tests. Je les ai pas libérés parce qu'on a pas le temps. J'amène Murloc à la salle de test alors que c'est ce que veut l'autre dingue, mais Talin est en danger. J'ai promis à sa mère ; je le sortirais de là quoiqu'il en coute et je doute que Murloc soit du genre à abandonner. Il met tant d'ardeur à la tache qu'il serait bien capable de se faire le doc lui-même. L'autre raison de pas avoir libéré les gosses, c'est que s'ils sont aussi dingues que ceux de la grande salle, ça me sera pas d'une grande aide, au contraire. Vous inquiétez pas, je reviendrais.

On arrive finalement dans la salle de test. C'est une grande salle blanche qui semble vide à l'exception de deux êtres. Sur une petite passerelle, il y a un homme en blouse blanche. Le scientifique fou du coin surement. Il nous observe arriver. Il a le sourire ? Bizarre. Il croit tout de même pas que ça va se passer tranquillement pour lui ? La raison de gaité, c'est surement l'autre gus qui traine à l'opposé de la salle. Toujours aussi grand et musclé que quand je l'avais vu, Ted. Il sourit méchamment. Il se souvient de notre première confrontation où il a eu le dessus. Je vais pas faire les mêmes erreurs. J'ai ma hache et je suis prêt à en faire l'usage. Il dégaine deux battes en acier et les faits tournoyer avec une aisance qui élargit son sourire. Il semble se satisfaire de ce qui va suivre. Le scientifique toussote pour que les regards se tournent vers lui.

Aaaaah. Je vois que le petit personnel a eu quelques problèmes. J'en suis désappointé, monsieur Ted.

L'intéressé affiche brièvement un visage de gosse pris sur le fait, mais la lueur de méchanceté dans le fond de ses yeux ne disparaît pas.

Je compte sur vous pour vous occuper de … mademoiselle. J'ai une dernière expérience à mener.
Et vous croyez que je vais vous laisser faire ?!
Oh oui !

Un mouvement. J'ai à peine le temps de lever ma hache que Ted est sur moi. De ses deux armes,  il me force à m'éloigner de Murloc qui ne sait que faire. Étrangement, mon adversaire ne cherche pas à m'éliminer tout de suite, il veut juste m'éloigner de Murloc. Pendant ce temps, le scientifique pianote sur sa console de commande.

Il est temps de faire venir notre dernière invitée.

Il appuie sur un bouton. Une trappe s'ouvre dans la salle et un petit monte-charge fait apparaître Talin, assis sur une chaise, le menton contre son torse.

Talin !

Je balance un puissant coup sur Ted qui est obligé de reculer. J'profite de l'occasion pour courir vers Talin. Bizarrement, Ted me poursuit pas.

Ah non ! Vous n'allez pas tous casser mon petit jeu !

Un autre bouton et cette fois-ci, c'est une cage qui tombe du plafond, enfermant Talin et Murloc. Elle a l'air solide. Je vois une porte, mais je n'ai pas la clé. C'est surement l'un des deux qui l'a. Le gros bras du scientifique s'approche dans mon dos et attaque. Je suis bien obligée de me défendre et de m'éloigner de la cage pour avoir plus de liberté. Pendant ce temps, Murloc s'approche de Talin pour l'aider. Sauf que …

Allons. Murloc. Reste à ta place. Le petit Talin va venir te chercher.
Vois-tu, mon brave petit. Les résultats que tu m'as donnés ont été très enrichissants. Talin a largement profité de ces expériences, il t'en remercie. Ta résistance à mes tests a rendu la procédure beaucoup plus rapide. Le petit Talin est entièrement endoctriné !


Vous lui avez fait quoi ?

Oh ! Trois fois rien. Il veut juste te tuer.

Je reste interdite un instant en entendant ça. Ted en profite pour me balancer sa batte dans le crâne et je mange la poussière, même s'il n'y en a pas dans cette salle. Dans la cage, Talin s'est levé. Un couteau dans la main droite, il s'avance vers Murloc, tel un zombie, lentement, mais surement.

Parce que vous croyez que je vais me laisser faire ?
Oh ! Tu serais méchant à ce point là ? Tu blesserais … ton petit frère ?
QUE ?
Tu n'es pas très gentil … Rigald.

Oh merde. Si c'est vrai, ça sent le roussi. Murloc, ou plutôt Rigald, semble tétaniser par ce qu'il vient d'apprendre, ou je serais pas étonnée que l'autre dingue lui ait fait quelque chose au cerveau pour le forcer à être choqué quand on parle de son nom. Une vraie méthode de détraqué. Avec Rigald totalement paralysé et Talin endoctriné, l'issue risque de s'avérer fatale. Je dois trouver la clé. J'essaie de la repérer sur Ted pendant que je me défends, mais rien, c'est peine perdue.

C'est ça que tu cherches ?

Ce que je cherche ? La clé. Il l'a au bout de son doigt. Grossière erreur, je bondis dans sa direction, mais Ted s'interpose avec fluidité et je suis encore obligée de reculer. On combat avec acharnement et mon adversaire semble apprécier que je me défende aussi bien. Du coin de l'oeil, je suis fixée sur Talin et Rigald, comment ça va se finir ? Pendant ce temps, le scientifique monologue, comme fasciné.

Fantastique. Le conflit dans l'esprit de Rigald est tout bonnement fantastique. L'instinct de survie contre l'instinct familial. Il sait qu'il va le tuer, mais il sait qu'il ne veut pas le tuer... Cette technique de contrôle est à l'épreuve de ce genre de limite. Merveilleux.
TALIN ! BOUGE TOI !
Oh, ne le dérangez pas. Ça fait longtemps que j'attends ça.
Vous êtes malades !
Ah … ahah … oui, et alors ?

J'ai beau l'insulter, ça servira à rien. Ted me maitrise. Je peux rien faire. Inexorablement, Talin s'approche. Trois pas. Deux pas. Un pas. Je m'arrête presque de combattre et Ted m'envoie valser contre le mur. Tout le monde n'a d'yeux que pour Talin. Son regard est tourmenté. Il est obligé, mais il ne veut pas. Je pleure presque pour lui. La lame est tout prêt du corps. Elle s'arrête. Talin ne bouge plus. Une larme coule le long de sa joue.

...
Oh ? Bah alors ?

Oui Talin, c'est bien !

Pardon … grand frère.


D'un coup sec, la lame plonge dans la chair.
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Oh non. Ce sang. Il coule le long des mains de Talin. Il pleure. Il tremble. Face à lui, son grand frère pleure aussi. Ses propres mains viennent se placer sur celle de son petit frère ; celui-ci a un mouvement de recul comme s'il regrettait. Il les tient. Fort. Il pose sa tête contre le torse tremblant de Talin et il sourit.

Ce n'est rien… Ce n'est pas grave… petit frère...

En haut, le scientifique rit. Il éclate d'un rire désagréable qui déteint avec la douleur de la scène entre ces deux frères. Je les fixe. J'en pleure aussi. Non loin, Ted reste immobile. Il ne pleure pas. Il ne rigole pas. Il est juste là. Ses armes sont baissées. Il semble ne pas vouloir les utiliser. Il se tourne vers le scientifique qui finit par s'arrêter de rire.

Ah… ahah. C'est une réussite. Ce sera une réussite.
Mon cher Ted, vous savez ce qu'il vous reste à faire ? Tout est dans le casier que je vous ai montré.
Bien, professeur.


Sans même un regard pour moi, il s'éloigne et sort de la pièce, ses armes rangées dans les harnais de son dos. Pourquoi ? Pourquoi abandonne t'il ? Je ne comprends pas. Et tandis que les deux frères se serrent l'un contre l'autre et que le sang coule, lentement, je reviens vers le scientifique. Regard haineux. Poings serrés. Il me faut cette clé. Il me faut la clé de cette cage. Sans elle, je ne peux accéder à Murloc, Rigald plutôt, et le soigner. De là où je suis, sa blessure ne semble pas importante, mais à force de perdre du sang, il y aura danger. Le scientifique agite la clé une nouvelle fois devant mon nez. Il sourit.

C'est ça que vous voulez, hein ? Je vous attends dans mon bureau, mademoiselle.

Il appuie sur un bouton et une porte s'ouvre derrière lui tandis qu'une autre s'ouvre en dessous, à mon niveau. Il s'y engouffre sans un regard en arrière. Moi, j'en ai un. Un pour Rigald. Il me voit, il sourit.

Je t'attendrais.
Ne meurs pas !
J'y compte bien.

Il tiendra. Sans faillir, je m'élance dans le passage. Devant, moi, un long couloir que je traverse comme une furie. D'autres portes sur les côtés, mais je les dépasse. Mon instinct me dit d'aller plus loin. Au fond du couloir, je trouve un escalier sur ma droite que je monte deux par deux. Une nouvelle porte. Je l'enfonce sans réfléchir. Je suis dans un autre couloir. Au fond, je vois le scientifique. Il me sourit. Il entre dans une pièce avant de refermer. Toujours sans hésitation, je me précipite vers lui et j'enfonce la porte sans crier gare. Je bute contre des barreaux d'aciers et je tombe à terre. Devant moi, une grille, solide. La pièce est divisée en deux avec d'un côté, le scientifique, assis sur sa chaise, me fixant avec un plaisir certain. De l'autre, un espace nu et moi au milieu. De près, je le vois mieux. Il m'a l'air âgé. Près de la soixantaine. Ses yeux dégagent une lueur malveillante, mais un peu terne. Il dissimule difficilement les tremblements de ses mains. Seule sa voix est parfaitement maitrisée.

Je suis content que vous ayez pu voir ça. C'est tout bonnement le terme de mes recherches...
Vous êtes un monstre !

Je frappe contre la grille. De ma hache, de mes poings. Rien n'y fait. C'est impossible à ouvrir. Il sort une clé qui vient rejoindre celle de la cache de Rigald et Talin. Un sourire s'étale sur ses vieilles lèvres.

C'est ça que vous cherchez ? Décidément, je suis le maitre des clés !
Ouvrez ! Vous pouvez pas vous échapper ! J'vous promets de pas trop vous faire de mal quand j'vous aurais à ma portée.
Que de violence ! C'est terrifiant ! Vous me donnez pas envie de sortir !
Et puis, je n'ai pas envie de sortir.

Hein ?

Il se lève pour venir à côté d'une armoire qu'il ouvre doucement. Dehors, une bouteille et quelques verres. Il se saisit du tout et vient les mettre sur son bureau. Tel un expert, il observe la bouteille.

Je l'avais mis de côté pour célébrer la fin de ces recherches. J'espère qu'il est toujours aussi bon...
Comment pouvez-vous rester là ?? Donnez-moi cette clé, je dois soigner Rigald !
Non. L'expérience n'est pas finie. Pas encore.
Comment ?

Je comprends rien. De quelle expérience il parle ?

Enfin, je sais comment tout cela va se finir. Ce n'est juste qu'une question de temps.
De temps pour quoi ?
Vous verrez. Ou plutôt, vous entendrez.

Je n'aime pas ça. Il débouche la bouteille et se verse un verre. Il hésite à en servir un autre ; il me regarde, mais secoue la tête.

Vous êtes trop étroite d'esprit pour gouter la saveur de ce moment. L'aboutissement de tant de travail... ah.
À moi !


Et il boit une gorgée avant de regarder le verre.

Hum. Pas mauvais.
Je vous jure que je vais vous trainer devant tout le monde et qu'on vous jugera pour ce que vous avez fait ici ! Vous en avez la parole.

Ses yeux brillent un instant.

Ah bon ? Ils vont surement me tuer…
Vous êtes donc conscients de l'ampleur de vos crimes ?
J'accueillerais cette mort avec une certaine sympathie...
Comment ?

Il lève son verre.

Voyez-vous. Un ami médecin m'a pronostiqué que j'allais mourir bientôt. Cela fait un certain moment, mais je sens qu'il n'a pas tort. Quoi que vous fassiez, je suis condamnée à mourir.
Le problème, c'est qu'avec votre « justice », je serai mort dans longtemps. Et ça m'ennuie. Je n'ai pas envie d'attendre cette mort. Je n'ai pas non plus envie de me lancer dans de nouvelles recherches. Commencer pour ne pas finir, c'est tellement frustrant, vous ne pensez pas ?


Une idée se fait dans ma tête. Non. Il n'a quand même pas fait ça. Il capte que mon regard est fixé sur son verre. Il éclate de rire.

Eh oui...
Pour l'anecdote, je peux vous affirmer que le poison se marie très bien avec le nectar de ce vin. Un régal !


Vous… vous êtes…
Fou ? C'est très subjectif comme avis. J'ai été brillante dans mes recherches.
Vos recherches disparaitront avec vous !

Vous croyez ? Tous mes résultats sont en lieu sûr. Ils doivent être en train de partir de cette ile pour une destination que vous ne connaissez pas. Mon garde du corps remplit là sa dernière mission.
Ted…
Héhé.
Ce n'est pas encore fini... En attendant, je vais faire un petit test avec vous. J'aime les confrontations d'idées.

Vous croyez vraiment que je vais jouer avec vous ??
Oui... Je crois que vous allez jouer.

Il montre les deux clés.

Faites votre choix. Voulez-vous celle qui ouvre la cage, pour que vous puissiez aider le jeune Rigald ? Ou voulez-vous la clé de cette grille et ainsi tout faire pour m'empêcher de mourir ? En plus, j'ai l'antidote dans cette armoire-là.
Mais…
Alors ? Que décidez-vous ? Mettre en danger quelqu'un, le tuer peut être, pour avoir la possibilité de me clouer sur le pilori devant tout le monde ? Ou bien m'abandonner aux bras de la mort pour sauver un pauvre innocent ?
Qu'est-ce qui vous motive le plus ?


Qu'est-ce qui me motive ? Les deux. Si je pouvais avoir les deux clés… Mais j'ai fait une promesse tout à l'heure. Et je me dois de la respecter. La vie de Rigald vaut plus qu'un jugement. Je mise sur l'avenir. Il doit voir ça dans mon regard, il sourit. Et il lance la clé de la cage au travers des barreaux. Je l'attrape en vol et je l'interroge du regard.

Pourquoi ?
Si j'étais vous, je ne m'inquiéterais pas pour Rigald, mais pour le petit Talin.

Il a bien été conditionné. C'est profondément inscrit dans son subconscient. Il n'en est même pas conscient.
De quoi ? Qu'est-ce que vous parlez ?
Vous avez dû le voir, non ? Sa réaction à toute forme de violence exercée contre lui. Dès qu'il souffre, il devient une bête. Incontrôlable. Tuant jusqu'à être rassasié. Un soldat né. Un Tueur.

Oh non…

Eh oui… Le petit Talin a eu le malheur de….

Le blesser.

Bingo !

Un cri. Un hurlement. Il surgit. Il est terrible. Inhumain. Ce n'est pas Rigald. C'est Talin. C'est la voix d'un enfant. Sans attendre, je me précipite à l'extérieur de la pièce. Je cours vers cette cage, la clé entre les mains. Et dans mon sillage, le rire du vieux scientifique sonne comme une vérité que je ne veux pas écouter.

Ahah… vous arriverez trop tard… Et trop tard pour moi… L'expérience est un ... succès.

Il meurt. Surement. Son rire s'éteint.
Mais ce sera le seul à mourir aujourd'hui.


Dernière édition par Adrienne Ramba le Jeu 27 Juin 2013 - 21:19, édité 1 fois
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Lorsque je suis arrivée, c'était juste insoutenable. Dans la cage, Rigald était comme fou, il frappait son propre frère qui baignait dans une mare de sang. Je l'ai appelé. Je l'ai supplié d'arrêter, mais il ne m'écoutait pas. Il continuait. J'ai ouvert la porte avec l'appréhension que la clé ne fût pas la bonne. Il eut le déclic. Et j'ai pu ouvrir. Déplacer Rigald ne fut pas facile, j'ai dû user de la manière forte. Sa blessure n'était rien comparé à celle de Talin. Elles étaient … insoutenables. Une boucherie. C'était un miracle qu'il était encore vivant. La bousculade que j'ai fait subir à Rigald le ramena à ses esprits. Il a crié. Il a pleuré. Je l'ai calmé avec autorité pour qu'il me ramène de quoi soigner Talin. Avec du matériel de fortune, j'avais peu d'espoir. Je n'aurais pas dû. Il y a toujours de l'espoir, quoiqu'il arrive. J'ai soigné, j'ai usé de toutes mes connaissances en médecine. Avec l'aide de Rigald, j'ai tout fait pour que la vie continue d'exister en Talin. Un moment, son frère s'est évanoui. Il avait perdu trop de sang et son traumatisme était grand. Il était lui aussi au bord de la mort. Talin. Rigald.

Un choix à faire.

J'aimerais ne plus jamais refaire un tel choix. Je suis restée indécise de longues minutes, maintenant artificiellement en vie Talin. Je ne pouvais abandonner personne. Je ne devais pas. Mais dans la demi-inconscience de Talin,je vis dans son regard ce qu'il me demandait. C'était horrible. Monstrueux. Mais c'était la meilleure chose à faire. Je l'ai serrée contre moi. Il a gémi. Il a murmuré un mot. Un mot que je garderais à jamais pour moi. Je l'ai regardé. Dans sa douleur, il a souri. Et puis il a cessé de bouger. Rigald est revenu à lui à cet instant. Ce fut comme un électrochoc. Il a hurlé. Je l'ai laissé hurler. Puis je me suis occupée de lui. Il se débattait. Il voulait mourir. Il voulait tuer aussi. Il souffrait. De par son conditionnement, son esprit réclamait du sang tandis que son cœur réclamait son deuil. Au final, c'est sa tristesse qui l'a emporté. Un véritable espoir. Et tandis que je le soignais, je me disais qu'il avait eu tort. Ce scientifique.

Son expérience était un échec.

J'ai brisé une promesse ce jour-là. Je n'en ai pas brisé une autre. Rigald est vivant. Talin ne l'est plus.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté dans le laboratoire, mais j'avais fini par stabiliser l'état de Rigald. J'ai fouillé un peu les lieux ; il n'y avait plus de gardiens, ils avaient tous fui. Le bateau par lequel nous étions venus avait disparu. Cela expliquait la disparition des gardes. J'ai fait attention de ne pas libérer les autres prisonniers. Je savais qu'ils étaient instables. Seule, c'était trop dangereux de les libérer. Au final, j'ai fini par trouver une sortie en prenant des escaliers. Ce fut une surprise. Le passage se transforma en escalier de pierre avec des parois des deux côtés. Tout en haut, j'ai vu un paysage que je connaissais. J'en suis restée interdite de longues minutes tandis que je finissais par comprendre. Le manoir abandonné de l'ile de Mandal. La révélation fut énorme. Nous n'avions pas quitté l'ile. Nous avions juste fait un grand détour. Le laboratoire était caché dans les falaises sous le manoir. Une planque de rêve. Et dire que j'aurais pu trouver le laboratoire en descendant les escaliers plutôt qu'en remontant, lorsque j'ai échappé à Ted la première fois.

J'avais un moyen de fuir et de retrouver la civilisation rapidement. Avec Talin dans un bras et supportant Rigald, je suis revenue à l'air libre et nous avons traversé le dangereux passage de pierre. La chance nous a souri et des voyageurs sont passés non loin. Avec mon sang sur le visage et le corps sans vie de Talin, ce fut difficile à expliquer, mais ils ont vite compris que c'était grave. Il n'a pas fallu longtemps pour retourner à la ville et avant même que j'ai pu leur interdire, la milice était prévenue. La nouvelle s'est diffusée comme une trainée de poudre. Le laboratoire. Les enfants. Tout ça. Tout s'est passé très vite. Les miliciens sont partis voir sur place tandis que la mère de Talin a fini par avoir eu vent de la nouvelle. Elle a pleuré. Elle a crié. Et dans l'ombre, Rigald n'osa pas se révéler à elle. Trop honteux. Trop fatiguée, je me suis effondrée et c'est avec stupeur que je me suis réveillée sous le regard inquisiteur de Ted.

Mais ce n'était pas lui.

J'aurais fait ça ? Mais je n'ai pas quitté la ville ! J'ai toute la milice en témoin …
Par contre, mon frère jumeau a disparu … Teddy. Il n'aurait quand même pas …


La milice me confirma ses dires. Il n'était pas mon adversaire. Mieux, il fut d'une grande d'aide pour la suite. La découverte du laboratoire et le déplacement des enfants furent un grand événement dans la région. Nombre de parents vinrent pour retrouver leurs enfants, même si des médécins préféraient les maintenir en quarantaine pour les soigner. Il m'a tenue à l'écart pendant que je me reposais. J'étais très affectée par ce qu'il s'était passé et je ne voulais pas être au centre de l'attention. J'ai préféré aider Ozaline à surmonter sa peine. Je n'ai rien dit sur la responsabilité de Rigald et elle trouva en lui le réconfort de retrouver un fils. Pour le jeune homme, le souvenir de ce qu'il avait fait aller le poursuivre toute sa vie, mais pour le bien de sa mère, il fit en sorte d'être fort et de prendre sur lui.

Les conséquences de tout ça vont durer des années. Des enfants sacrifiés sur l'autel d'un scientifique suicidé. Il n'était affilé à rien. Scientifique d'un centre de recherche, puis virer pour sa déontologie douteuse. Pour mener un tel projet, il a dû bénéficier de soutien important. De qui ? Personne ne savait. Les fouilles du laboratoire ne divulguèrent rien d'intéressant. La marine qui enquêta eut vent de ma présence dans cette affaire, mais plus personne ne savait qui j'étais. Ozaline me protégea et ne me dénonça pas. Ted non plus après lui avoir tout dit sur ce qu'il m'avait dit. Il fit en sorte de me faire quitter l'ile discrètement. Les adieux furent douloureux. Ozaline et son fils. Un jour, je les reverrais. C'est un devoir. Pour un fils que je n'ai pas su sauver et pour un autre fils qui doit dorénavant se sauver de lui-même. Ce sera dur, mais le chef Ted veillera sur lui. Il l'a promis.

J'ai quitté Mandel avec la boule au ventre. J'avais échoué même si du point de vue de l'ordre, ce que j'avais fait été très bien ; la fin du mystère des enlèvements. Au-delà de ma mission de convertir, c'était brillant. Pas pour moi. Isilda m'ordonna de revenir au courant, sentant ce qui n'allait pas. Je me suis livrée à elle et elle m'a permis d'aller au-devant de mes blessures psychologiques. Cette histoire m'a marquée. Je vis dorénavant avec. Elle m'a grandie. Et je sais qu'elle n'est pas terminée. Quelque part en ce monde, des gens ont bénéficié des travaux du scientifique. Ils ont payé ces recherches. Quelque part, Teddy a livré ces documents. Ils devront payer. C'est une quête que je me suis donnée. Si je peux, il paieront. Je sais que la vengeance est mal. Je sais qu'il ne faut pas. Mais je dois le faire. Et j'ai le sentiment que lorsque ça sera fait, je pourrais entendre un mot si fort crié par des centaines d'âmes déchirés. Un mot avec beaucoup de valeur pour moi. Ce mot sera crié avec un peu plus de force par l'une de ces âmes. Je la reconnecterais. Je lui sourirais comme il m'a souri. Et il me redira ce mot si beau, qui fait tant plaisir.

Merci.

Merci pour la lecture.
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