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Les vrais héros n'en parlent pas

14 octobre 1622

En fait, quand on y pense bien, y'avait que le repassage du bel uniforme qui était pas surfait, sur l'avis de recrutement. Heureusement que je suis pas rentrée dans les rangs par cette voie là. J'aurais été franchement dégoûtée.
Mais j'avais pas d'aprioris, pas d'attentes. Je suis venue parce qu'il fallait bien que je fasse quelque chose, et qu'une bonne hiérarchie bien lourde, bien mécanique, bien pesante, c'est du bon pour m'épargner la dérive. J'attendais rien de moins qu'un cadre fixe, le droit de plus avoir à me soucier des choix du quotidien.

Mais quand même, ils sont salauds. Ils te parlent des deux mois de formation comme d'un truc costaud où tu vas en chier, te dépasser, créer des liens d'amitié solides, tout ça, et tout ce que tu fais, c'est te traîner dans la boue avec des gamins. Alors que le premier jour, t'as droit à toute une série de questions, de conférences, pour te dire à quel point la marine est belle et bonne, et à quel point tu dois être propre sur toi pour en faire partie.
Et le deuxième jour, le troisième et les suivants, on t'apprend à faire un putain de signe en réponse à un ordre. Action/réaction, l'armée, c'est ça et rien d'autre. T'es une petite machine qui marche à grands coups de stimulis. Pour le reste, tu peux oublier, c'est de la poudre aux yeux. Et y'en a certains que ça a piqué fort, qu'ont pas tenu. Souvent les plus tendres et les moins barrés, les sains d'esprit et de cœur, ceux qui n'avaient pas grand chose à se pardonner. Qui se voulaient vraiment que du bien. Mais j'étais pas des leurs, 'faut croire. Parce que j'ai tenu. Et que je suis passée seconde classe y'a une semaine.

Aujourd'hui, c'est tranquille. Parce qu'il y a quand même une chose qui mérite sa réputation, dans la marine, ce sont les permissions. J'suis passée seconde classe y'a une semaine, j'ai droit à mon premier pastis à l'extérieur de la caserne. Pas que ce soit autorisé à l'intérieur, mais ça fait partie des choses que tu peux facilement négocier contre une corvée, ou pour les plus influents, par la menace.
Dans mon groupe de recrues, y'avait déjà des teignes. Et je peux pas dire que j'en ai pas fait partie. Entre bouffer ou te faire bouffer, j'ai jamais été capable de trouver l'entre-deux, et mon instinct m'a toujours poussé vers la première option. Appelle ça « colère », « manque de retenue » ou « violence », Seigneur. Le tout, c'est que j'arrive à tenir bon tout en marchant dans un chemin pas trop glauque. Je ferais tout pour m'améliorer en cours de route, de toutes façons. Ça ou rien.


-Patron ? Tu m'en remets un autre s'il te plait ?
-Comme tu veux, petite.

On se sert, lui mon verre, moi, un grand sourire. C'est con, mais « petite », ça a le don de m'adoucir à chaque fois. Peut-être parce que ça me fait penser à Julius, mais surtout parce que c'est  gentil. Désintéressé. Un peu le contraire d'un « oui ma jolie », pas si loin d'un « quand tu voudras, catin ». Un peu surpris, il me le rend à l'identique. Sa cigarette roussit légèrement sa grosse moustache poivre-sel, déjà bien tâchée de tabac brun.

-C'est pas trop la saison, tu sais ?
-Oui, mais comme ça, je m'y crois un peu plus.
-Ah, ah, r'gardez si c'est pas bien dit. A ta santé !
-Santé, bonheur !
-Moi... aussi. Hic... ! Pardon. J'offre le suivant. Bgwéhéhé.

Son regard est torve, un peu mouillé. Il est imbibé jusqu'à la racine de ses cheveux gras, il se penche vers moi comme s'il allait tomber. Attrape ma main, va pour la porter à ses lèvres. Le baise-main du pilier alcoolique, le classique le plus répugnant des bistros de quartier. Le genre de truc, pas assez sale pour que tu t'autorises une baffe sans te dire que tu as encore cédé gratuitement à la violence, et pourtant, qui te donne vraiment des envies de meurtre. Surtout quand l'arsouille en question a, comme celui-là, un long filet de bave accroché au museau.

En fait, je vais pas pouvoir me contenir.


-Oh, Michel ! Lâche-nous un peu, tu veux ?
-Quoi, quoi, quoi... ? Hein ? On peut plus plaisanter, dire bonjour, ça, t'aime pas, chez toi, ça, on peut pas ?

Mon bras déjà prêt à manger du pilier se décrispe. Toi, t'es vraiment en train de gratter une place dans mon estime.

-On veut bien rigoler, on est sympas, on te tolère alors que les autres veulent plus de toi. T'as le droit d'être con avec ta gonzesse, chez toi, n'importe où, mais ici, tu te tiens.
-C'est bon, t'as gagné, j'me casse Ducon. Tu m'verras plus jamais, t'inquiète pas. Et si tu lis dans l'journal que j'me suis pendu, dis toi bien qu'ça... qu'ça... qu'ça s'ra d'ta faute !

C'est ça, crache un coup par terre, balance deux trois injures et montre nous bien ton majeur de branleur. Dommage, il pleut à verse. Pas remarqué, hein ? Tu te sens con, tu veux direct rentrer au chaud, mais maintenant, tu n'as plus qu'un silence hostile en guise d'accueil. Alors tu sors en claquant la porte aussi rageusement que possible. Mais ton élan t'emporte, et tu te vautres sur le pavé. Au comptoir, personne rigole. On ressert une tournée, et on cause de nouveau. Des gens biens, ici, pas étonnant qu'il n'y ait pas un seul militaire en vue. Ça sent le café moulu et la simplicité. On s'y sent chez soi, d'où qu'on vienne.

-T'es en formation, petite ?
-Non, je viens d'être promue.
-Alalah. T'as pas de chance avec le temps.
-Ça, j'avoue. C'est quand même malheureux.
-Pourquoi ?
-Quand il pleut aussi fort, ça fait refouler le tout-à-l'égout. Et les chiottes de la marine sont inondés.
-Et envahis de rats, aussi. Ce sont les novices qui héritent du nettoyage.
-Bon, ça fait envie. Vous êtes sacrément bien renseignés, hein ?
-Moi, c'est ce qui m'a fait quitter la marine avant d'avoir été promu seconde classe.

Bref silence, très vite rompu par l'éclat de rire général. C'est communicatif, je trinque avec plaisir. Mais la cloche de la porte d'entrée tinte, et le nouveau venu à droit à un coup d'œil sacrément hostile. Tout le monde a cru au retour de Michel.

-Ah, c'est toi Sen'. Dépêche toi de fermer la porte, tu nous fais geler !
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" Bah les gars, soyez pas si contents de me voir, je risque d'avoir du mal à gérer tant d'enthousiasme !
- C'est pas toi Sen', c'est Michel qui vient de plomber l'ambiance. Je l'ai viré.
- Ça explique pourquoi il voulait balancer de la caillasse dans tes vitres. Je comprenais pas...
- QUOI ?
- Non mais t'inquiète, il s'est barré avant de faire quoi que ce soit en voyant mon uniforme. J'irai lui parler plus tard. Bon les gars, une tournée sur mon compte pour vous faire oublier ça ! Sinon vous allez faire fuir les clients avec les mines que vous tirez. "

Le jeune homme effectivement en tenue de soldat du gouvernement se secoua un peu pour se débarrasser de l'eau qui trempait ses vêtements avant de se rapprocher du comptoir pour s'assoir. Il remercia Tom, le barman, lorsque celui-ci posa un café brulant devant lui. Dehors, la pluie avait redoublé de violence et de grosses gouttes martelaient sans relache le toit de la taverne.

" Merci, ça va me faire du bien. "

Le samouraï se tourna ensuite vers la jeune femme près de lui pour lui adresser la parole :

" Bonjour. Tu dois être Serena, c'est ça ? Je m'appelle Yoru. Le caporal m'a demandé de venir te trouver pour te prévenir que, toi et moi, nous partons en mission dans la soirée.
- Elle est en perm, Sen'.
- Ouais, mais elle est seconde classe. Ils en ont pas grand chose à faire des perms des secondes classes, les gradés. Les hommes du rang, ça doit obéir à tout, de leur avis...
- Désolé pour ta perm. Au moins, tu as jusqu'à ce soir pour te détendre. "

C'est précisément à ce moment que la porte de l'établissement s'ouvrit pour laisser passer un nouveau marine qui s'empressa d'entrer pour échapper au déluge.

" Secondes classes Yoru Sengoku et Serena Porteflamme ? Lança-t-il d'un ton martial. Le caporal a changé d'avis et veut vous voir tout de suite. En uniforme, ajouta-t-il à l'intention de la jeune femme. "

Puis, sans ajouter un mot, il se détourna et sortit en courant. Les trombes d'eau eurent tôt fait de l'engloutir.

" Ok, autant pour moi. "

Le samouraï finit tranquillement son café, tendit une bourse à Tom pour payer la tournée et se dirigea à son tour vers la sortie.

" On se voit chez le caporal. "

~~ ~~

" Eh bien, eh bien, pas trop tôt. Je sais que vous n'êtes que des novices, mais il va falloir apprendre à être plus rapide quand un gradé vous ordonne de venir. "

Une petite demi-heure plus tard, les deux secondes classes se tenaient côte à côte debout devant le bureau du caporal. Ce dernier arborait le sourire de l'homme qui savourait la moindre parcelle d'autorité à sa disposition et ne manquait pas de faire connaître sa supériorité aux moins élevés dans la hiérarchie.

" Bien, bien... j'ai une mission pour vous..."
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Forcément. On allait quand même pas s'épargner le plaisir de faire courir des deuxième classes sous la pluie comme des malpropres, alors même que c'était l'heure de l'apéro...
Le caporal est un salaud. Pas que je le connaisse, mais ça, pas besoin d'être au conseil cinq étoiles pour le savoir. Un petit salaud bien content d'avoir quitté le régime des simples soldats, et qui jouit de sa nouvelle position avec un esprit sournois de revanche mal placée. J'ai déjà un peu de colère contre lui, mais je fais l'effort de me raisonner. On va éviter l'incident diplomatique, ça vaut mieux pour tout le monde. Et puis, je suis pas toute seule au bagne. Y'a lui, aussi, Sengoku. Visiblement connu comme étant un chic type au bistrot, c'est généralement bon signe. Mais d'emblée, il y a quelque chose qui me déplait un peu dans son obéissance soumise.

Il a l'air d'un bon soldat, et je me sens médiocre en comparaison. Mes vieux démons qui ressurgissent, accompagnés d'une espèce nouvelle de jalousie. Sentiment dégueulasse que je m'empresse d'emprisonner en échangeant quelques bêtises avec le camarade imposé du jour.

Au poste, avec nos uniformes enfilés à la va-vite, on commence par se faire engueuler au garde-à-vous. Je grince des dents. Tu touches à ma dignité en t'affichant, moi, je mords. Mais pour l'heure, j'arrive à reporter ma colère sur quelque chose de positif, à savoir, le goût du pastis que je sens encore sur mes lèvres. C'est maigre, mais pour le moment, ça suffit.


-Il faut qu'on aille s'occuper du dégorgement, c'est ça ?
-La ferme, soldat !

Il est furieux, mais au fond, il se réjouit de ma petite démonstration d'insolence. Une occasion pour lui d'affirmer un peu plus son égo démesuré, avec rictus nauséabond au coin des lèvres en prime.

-Je pensais vous donner une autre mission. Mais puisque vous insistez, vous descendrez vous occuper de ce problème. Passez par le placard pour récupérer des ventouses, des seaux, des serpillères, de la mort au rats, et des balais brosses. Je veux vous voir au rapport dans deux heures, douchés, changés, et au garde-à-vous dans la cour. Rompez !

On s'exécute, non sans regarder autour de nous. Ouais, on est vraiment les seules recrues désignées pour cette mission. Peut-être que ça reflue toutes les fois où il pleut, et que de cette manière, rares sont ceux qui échappent au rite de passage.

Enfin, pour le moment, j'suis à peu près calme. Le Yoru a l'air du genre stable, ça aide. Et puis, on est toujours plus à l'aise avec des égaux. La loi de l'armée, de ce que j'en ai vu, c'est un peu ça : une espèce de pyramide au sein de laquelle la possibilité de l'amitié se mesure à l'écart présent entre les galons épinglés sur les épaules des uns et des autres. C'est complètement con, mais c'est pas comme si j'avais connu mieux.

On récupère le matériel, et on descend jusqu'aux tréfonds du QG, tréfonds qui mènent aux chiottes des recrues. Plus sordides que les vestiaires desdites recrues, plus grouillants que leurs dortoirs, plus obscures que leurs idées concernant les idéaux qui les ont menés à rejoindre les rangs de la marine.

Ouais. C'était tout ça à la fois, et j'suis pas du genre à exagérer. A peine on a ouvert la porte (étrangement, traitée pour être parfaitement étanche) qu'une odeur de pourriture humide est venue nous tremper les narines jusqu'au lobe frontal.

En fait, il s'agit d'un couloir assez bas de plafond parcouru de grands conduits de cuivre, avec des cabines alignées de part et d'autre. Ça suinte de tous les côtés, et on traîne nos bottes dans un marécage d'une puanteur à faire trembler un vétéran du Grey T. D'ailleurs, je tremble. J'ai jamais été dotée d'une grande résistance au poids de l'humiliation. Mais comme je tiens à mes résolutions, je me force à sourire. Et même à blaguer, en cherchant à tâtons la bouche d'évacuation qui doit être bouchée ras-la-gueule.


-Bon, au moins, on aura personne sur le dos.

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Yoru retint sa respiration en entrant dans le marécage puant qui constituait les wc des novices. Il fut content des hautes bottes de caoutchouc qu'il portait. La couleur et l'épaisseur du bourbier dans lequel il pataugeait indiquait que la pluie avait due passer un bon moment dans les égouts avant de venir dégorger ici.

Dégainant l'un des deux balais qu'il avait à la ceinture, le samouraï adressa un petit sourire à sa coéquipière. Cette dernière ne semblait pas vraiment à l'aise -allez savoir pourquoi- et il voulait la détendre.

" Tu vas voir, je suis un pro du nettoyage. On va rendre ces WC brillants comme jamais !"

Passant le balais au sol, il se mit à écarter l'eau tel le moïse de la propreté, traçant un sillon dans le bourbier jusqu'à ce qu'il repère une nouvelle bouche d'évacuation. Il la nettoya puis reprit sa recherche et ainsi de suite. A la troisième bouche lavée, l'eau commença à refluer de l'allée principale des toilettes.

" Voilà, lança le samouraï avec un enthousiasme destiné à remonter le moral de sa coéquipière. Ça va surement aller plus vite que prévu. Je vais ouvrir les cabines et commencer à les nettoyer. "

Il ouvrit tour à tour toutes les fines portes des cabinets et constata l'ampleur des dégâts. Plus de la moitié étaient bouchés, pas toujours à cause de la tempête visiblement, et dégorgeaient leur propre version répugnante et odorante de jus d'égout. Et après, les gradés s'étonnaient de voir les hommes du rang se rendre dans les wcs des bars du coin à la moindre envie pressante... Bon, certains avaient tendance à rester sur place prendre un verre ou deux... mais les wcs étaient pour les clients !
Changeant d'allée, Yoru se dit qu'à cet instant il aimerait bien mettre la main sur les crados qui ne tiraient jamais leur chasse.

Il ouvrit enfin la dernière porte, se stoppa en fronçant les sourcils.

" Serena, viens voir. "

Dans la toute dernière cabine, celle située le plus loin de la porte d'entrée et où personne n'allait jamais parce qu'on y trouvait les pires odeurs, un trou avait été creusé dans le sol. Le samouraï se pencha pour l'examiner. Suffisamment large pour laisser passer un être humain, il s'ouvrait sur un puits de ténèbres où il était difficile de distinguer quoique ce soit. Un bruit d'eau qui coulait s'entendait quelques mètres plus bas.

" Depuis quand c'est là, ça ? Je... qu'est-ce que ? "

Yoru se releva brusquement et attrapa d'un geste vif un gros rat noir qui venait de lui tomber sur l'épaule.

" D'où est-ce que tu viens, toi ? Murmura le marine à l'animal qui essayait désespérément de se libérer et de mordre. "

Il n'eut qu'à lever les yeux pour avoir la réponse. Là-haut, perchés sur une grosse canalisation, une dizaine de gros rats noirs l'observaient d'un air mauvais.

" Oh non... "

Dans un bel ensemble, les rats se jetèrent sur le samouraï qui se débattit en jurant, trébucha et tombant dans le trou du sol.

" Personne sur le dos, hein ? "

Eut-on le temps d'entendre avant un gros plouf.

Dans un nouveau grognement, le marine se redressa, parvint à attraper les rats qui étaient restés sur lui malgré la chute et à les envoyer voler puis, dégainant son deuxième balais, il se mit en position de combat.

" Ramenez-vous si vous voulez vous battre, lança-t-il tandis que ses yeux s'accoutumaient à l'obscurité, je ne suis pas une cible facile !"

C'est alors que, sa vision s'étant adaptée, il put constater qu'il se trouvait dans un long tunnel dans lequel coulait de l'eau qui lui arrivait au genoux. Certainement les égouts. Et dans ce tunnel s'étendait devant lui et aussi loin que portait son regard une armée de rats noirs.

" Et merde... "
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-Scriiiik ! (Sacré nom de saperlotte de pute borgne !)
-Sraï ! (quelle vulgarité !)
-Sra, scrik ? couiiiiic ? (Quel est le problème ? Celle là, on la choppe pas ?)
-Scrik, scraï, iiiiik iiik ! (Les rassassins sont déjà sur l'autre, c'est une opportunité unique en son genre pour reprendre le contrôle du périmètre !)
-Iiiii... Schriik ! (Chef, on te kiffe... A l'attaque !)

-Euh... Sengo' ?

Dans le genre « drôle d'effet », ça se pose là. Le balais et la ventouse à la main, j'ai pas mal avancé de mon côté. Sans atteindre non plus l'efficacité du collègue, qui met vraiment du cœur à l'ouvrage. Ouais, j'allais pour le retrouver, mais le passage est barré. Pas par de la merde, ça a trop de fourrure. Pas par des moisissures, c'est trop gros; et en plus, ça grouille.
Des ragondins ? J'en avais vu un de dessiné sur une boite de pâté, une fois. Y'aurait pu y en avoir au Grey T. Mais même les rats peinent à proliférer, là-bas. Parce que dès lors que ça a un peu de viande, c'est comestible. Et dès lors que c'est comestible, c'est chassé, traqué, rogné jusqu'à la moelle des os. Ça, ou tu meurs, alors tu fais pas la fine bouche...

Enfin. J'avance un peu. C'est pas des rongeurs qui vont me faire reculer... si ? Ah, si. La masse se distord, s'écarte, m'encercle peu à peu. Dans l'obscurité moite qu'une vieille lampe à pétrole peine à combattre, je me mets en garde, le balais à la main. Et je repousse à coups de rangers ceux qui s'approchent de trop, mais je dois bien me l'avouer : c'est pas rassurant. Et Sengoku qui répond pas...


-RAAAAAAÏÏÏÏÏHHAAAAA !!

D'un coup, un cri. Les bestioles lèvent la tête et moi aussi. Du haut d'un tuyau, une boule blanche aux yeux rouges se jette dans la masse des pelages qui grognent et qui mordent. Une diversion, soyons fous, j'en profite. A grands coups de balais et de grolles, je me taille un chemin dans les rangs des ragondins qui ont l'air de s'essayer à voler, sur ma gauche. J'ai tout juste le temps d'accorder un regard à leur adversaire, avant qu'il se fasse submerger par une nouvelle vague.

Un rat albinos, gros comme mes deux poings joints et plus hargneux que le Père Tempête. Au ventre curieusement gonflé ? Peut-être bien, mais j'suis pas experte en la matière.

Au fond, dernière cabine. C'est de là qu'il avait l'air d'appeler, le Yoru. J'trouve le trou, je me penche. Et je le vois dans la même posture que moi y'a pas deux minutes, avec d'énormes rats en guise d'adversaires.
Et là, je me rends compte qu'au comptoir, soit on a pas voulu me gâcher la surprise, soit c'était pas comme ça les autres fois. Les rats blancs berzerk', les noirs qui tentent de croquer du matelot deuxième classe, et leurs copains les ragondins...

Leurs copains ? Pas si sûr qu'ils soient potes, en fait. Peut-être bien que le rat blanc était avec les noirs. Un genre de champion de clan, comme à Dead End.
En fait, c'est toute une aventure cette mission. Les officiers ont pas idée. Ça joue les gros-bras parce que ça a mangé du forban, mais ça ignore tout du complot qui se trame dans les toilettes des deuxième classes. Je lève les yeux. J'aurais pas du, parce qu'en face, y'a de drôles de yeux rouges qui me mirent dans les ténèbres. Et d'un coup, ça s'active, et ça plonge dans le trou.

Des dizaines de rats blancs.


-Eh ! Ça va ?

Pas de réponse, j'y vais. J'atterris au milieu des rongeurs, ça couine sous le choc, mais j'me vautre tellement ça s'agite. Et une fois à terre, j'ai pas le temps de me retourner que j'ai déjà failli perdre un œil, et que les griffes et les crocs m'ont fait du mal à l'orgueil et à l'uniforme. Ça saigne, je cogne. Grand coup de balais circulaire, et j'étrangle celui qui s'accrochait à mes cheveux d'une main. Sale bête.

De son côté, le collègue se défend comme il peut, et plutôt bien. Il faut dire que les blancs s'en sont pris aux noirs, et nous laissent pas mal tranquilles. Ils ont l'air de comprendre, assez vite. Ils s'en vont, première manche de gagnée. On échange un regard, les armes, ventouses et balais au repos.


-C'est quoi, ce délire ?

Ouais, on vient quand même de découvrir un putain de tunnel creusé de main d'homme sous les chiottes, quand même... Et remplis de trois clans de rongeurs potentiellement en guerre les uns contre les autres, en plus. Sans parler de cette drôle de musique, crachée par deux coquillages bizarres accrochés aux parois. De la flûte ?

-C'est pas net, hein ? J'irais bien voir où ça mène...

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Yoru poussa un soupir de soulagement en constatant la débâcle des rats noirs qui, ils devait l'admettre, constituaient de formidables adversaires lorsqu'ils étaient en meute. Ils vous encerclaient et vous attaquaient si bien de tous les côtés que vous étiez rapidement submergé. Le samouraï ne devait son salut qu'aux interventions combinées des rats blancs et de sa collègue décidément redoutable un balais en main.

Le marine s'examina rapidement, constata qu'il s'en tirait avec un certains nombres de morsures et d'égratignures sans gravité. Ses vaccins étant à jour, il ne s'inquiéta pas de ces blessures. Il s'approcha en revanche de son alliée pour vérifier qu'elle allait bien.

" Merci de ton aide, Serena, je t'en dois une. "

Les rongeurs avaient à présent tous quittés la zone, laissant les deux humains seuls dans le tunnel sombre. Après le tumulte de la bataille, l'étrange musique qui emplissait les lieux paraissait déplacée. C'était une mélodie entrainante et entêtante, le genre de morceau qu'on ne pouvait s'empêcher de fredonner et qu'on avait du mal à se sortir de la tête. Hypnotique, elle émanait des coquillages accrochés au mur.

Prit d'une soudaine impulsion, Yoru les décrocha. La musique cessa immédiatement au grand soulagement du marine qui commençait à la trouver un rien agaçante. Après avoir rangé les coquillages dans la sacoche qu'il portait à la taille et qui contenait l'ensemble de ses produits d’entretien, il sortit une lampe à huile (qu'il avait pris par précaution, connaissant la faible lumière disponible dans les wc des hommes du rang), l'alluma et, suivant la proposition de sa collègue, s'engagea plus avant dans le tunnel.
Tout en se déplaçant prudemment pour ne pas se faire de nouveau avoir par un commando de rats, il écouta Serena lui décrire l'assaut des ragondins et l'intervention du rat blanc berzerk'.

" Eh ben... murmura-t-il finalement, je ne sais pas dans quoi nous nous sommes embarqués mais va falloir faire gaffe. Ils étaient sacrément agressifs, ces foutus rats... "

A peine eut-il finit sa phrase qu'il se stoppa en position de défense, son balais prêt à frapper. Devant eux, à la limite du cercle de lumière projeté par la torche, venait d'apparaître un rat blanc. L'animal ne se montra pas belliqueux. Bien au contraire, il se dressa sur ses pattes arrières, tendit celles de devant dans un geste de paix puis se mit à couiner.
Yoru lui lança un regard perplexe, jeta un coup d’œil à Serena pour voir si elle y comprenait quelque chose. Malheureusement, ce n'avait pas l'air d'être le cas.

Le rat sembla saisir leur problème, s'approcha d'eux et désigna d'une patte le sac du samouraï. Ce dernier se mit donc à sortir des brosses de toutes les tailles, des chiffons, du détergent et tout un tas de produits ménagers, les montrant à chaque fois au rat qui secouait doucement la tête. Ce n'est que lorsque le marine sortit les coquillages que le rat finit par acquiescer. L'animal se toucha alors l'oreille plusieurs fois de suite. Yoru fit ce que mimait le rat, écarquilla les yeux de surprise puis sépara les deux coquillages et en tendit un à Serena.

" C'est bon, vous me comprenez ? "

Par le truchement du coquillage, les cris aigus du rat se transformaient en mots compréhensibles pour les humains !

" Je suis l'émissaire des rassassins, continuait le rongeur visiblement satisfait d'être enfin compris. Notre mentor vous a vu combattre, tout à l'heure, et estime que vous seriez de précieux alliés dans le conflit qui nous oppose à nos ennemis de toujours, les flétanpliers. Je viens donc vous proposer une entrevue avec lui.
- Heu... d'accord, répondit Yoru après avoir consulté sa partenaire. Nous te suivons. "

A la suite du rat qui trottina en éclaireur, ils s'engagèrent dans les ténèbres du tunnel, bifurquant à plusieurs intersections. Ils débouchèrent finalement dans une vaste salle bondée de rats blancs. Les rongeurs firent cercle autour d'eux en silence tandis que se dégageait de la masse l'un d'entre eux, plus gros et plus vieux que les autres.

" riiii riiii -les humains placèrent les coquillages contre leurs oreilles- la bienvenue. Je suis le mentor des rats. Vous pouvez m’appeler Raltaïr Di auditorat. Humain, bien que ce ne soit pas dans nos coutumes, je vous demande votre aide... "
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-Bon, alors. On est bien d'accord que vous êtes des rats ?
-C'est entendu. Mais attention, rien à voir avec les noirs...
-Vous avez un problème avec les noirs ?
-Bien évidemment. Ils empiètent sur notre territoire !
-Ralala.
-Hein ?
-Laissez tomber. Donc, pour résumer : vous viviez tranquillement dans les canalisations et le système de tout-à-l'égout du QG de South Blue, en vous disputant le terrain avec des poissons...
-Mais non ! Les flétanpliers !
-Ce sont pas des poissons, les flétans ?
-Si, mais les flétanpliers sont des ragondins. Ne faites pas exprès, vous les avez bien vus, tout à l'heure...
-Euh, oui, d'accord. C'était quoi d'ailleurs, ce gros rat blanc ?
-Mmh... chaque chose en son temps, d'accord ? Bon. Nous autres Rassassins sommes donc en guerre contre les Flétanpliers depuis des générations. Tout se passait bien, si on peut dire, jusqu'à l'apparition d'une drôle de musique... et d'un nouvel ennemi. Les rats noirs qui vous ont attaqué tout à l'heure.
-Oui, bon. Et qu'est-ce qu'on vient faire dans cette histoire ? Nous, on est juste là pour déboucher les chiottes, hein...
-Oui, mais avant toute cette histoire, il n'y avait jamais de débordements ! Les rats noirs sont rusés : ils bloquent des canalisations, cassent des choses et ça nuit à l'équilibre de toute la fosse septique ! Si ça continue, ils vont tous nous noyer, et en ce qui vous concerne, vous ne pourrez rien faire pour empêcher la base de se transformer en égout géant !
-Ah. Et comment ça se fait que vous n'ayez pas conclu un accord avec les... Flétanpliers pour vaincre votre ennemi commun une bonne fois pour toutes ?
-...
-...
-Vous êtes stupide. Un ragondin, ça ne parle pas.
-Euh... un rat non plus.
-Et qu'est-ce que je suis en train de faire, au juste ?
-Couiner dans un coquillage qui traduit ça en mots. C'est le coquillage qui parle, pas le rat.
-... je crois que je vais plutôt discuter avec votre collègue. Donc, monsieur...

Ouais, c'est ça. Cause au Sengo', moi, je vais voir un peu ce qui se trame de l'autre côté de ton repère. Ça a l'air de bien grouiller, là-bas. Dans le doute, je ressers ma prise autour du balais. Si y'en a un qui s'approche de trop près, il mangera du poil de sanglier.
Mais ils sont pas bien méfiants, en fait. Alors j'avance dans le boyau de plus en plus obscur au fur et à mesure que l'on s'éloigne de l'unique source de lumière. L'ampoule suspendue au plafond de la dernière cabine qui menait au tunnel. Je fouille dans ma poche, j'allume le zippo. Quelques petits « criii » effrayés, les bêtes n'aiment pas le feu. Et puis, j'entends grogner, quelque chose de certes pas humain, mais de pas vraiment animal non plus. Plus j'avance, plus on se met dans mes jambes. Mais j'ai le balais leste et impitoyable. Et ce que je vois, là, dans ces trois petites cages sans doute laissées par les derniers deuxième-classes nettoyeurs, je sais pas trop comment le nommer.

Il y a trois rats blancs aux ventres distordus, les yeux rouges de douleur et de colère. Ils se jètent sur les barreaux de leurs cages en glapissant furieusement. Je me baisse, je regarde un peu mieux. Et je vois la source du problème à la lueur de la flamme : leurs arrière-trains ont été cousus. La douleur de ne plus pouvoir aller chier doit les rendre fous furieux.

Je vais pour faire demi-tour et poser la question au chef, mais un drôle de petit « poc » retient mon geste. Je me retourne, me rapproche un peu de la source du bruit. Et là, je vois ce que j'aurais peut-être mieux pas du voir.
La bonde d'un gros tuyau relié aux eaux usées vient de sauter. Et avant d'être littéralement submergée par un liquide noirâtre assez louche, j'ai juste le temps de voir de grosses formes noires s'agiter. Dans mon oreille, le coquillage hurle : « sauvez les razerkers ! Sauvez les ! » Je choppe une ou deux cages en pataugeant, trempée de merde jusqu'au nombril. Et j'essaye de courir comme je peu, mon treillis rendu irrécupérable en l'espace d'une demie seconde. Saloperie de rats noirs, j'crois bien que je commence à comprendre la nécessité de les éradiquer, ceux-là. Alors, péniblement, je remonte vers Sengo avec une cohorte de rongeurs qui tentent d'échapper à la noyade. Certains ont sorti de petites bouées faites de bouts de caoutchouc de récup'. Organisés, les Rassassins, décidément.

Enfin, j'aperçois de nouveau le collègue. Lui aussi, il patauge, Raltaïr sur l'épaule. Il a l'air malin, tiens.


-Si on nous donne pas une médaille pour ça, je crois que rien ne pourra m'empêcher d'aller jeter un seau de cette merde dans le lit du caporal...
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Yoru sortit une ficelle de sa poche, se banda le crane avec pour maintenir le coquillage contre son oreille sans avoir besoin de le tenir puis en tendit une à Serena avant que cette dernière ne s'éloigne pour qu'elle puisse faire de même.

" Bon, je récapitule parce que je ne suis pas sûr d'avoir tout bien saisi. Vous, rats blancs, êtes les rassassins et luttez contre les flétanpliers, qui sont des ragondins et pas des poissons, pour le contrôle des égouts de cette ville.
- Tout à fait.
- Or, depuis peu, les flétampliers sont épaulés par une nouvelle force : les rats noirs qui nous ont attaqué tout à l'heure et qui dévastent les égouts.
- Exactement.
- Ok, ça c'est bon. Mais les rats noirs ne devraient pas être de votre côté ? Ce sont des rats après tout ?"

Le vieux rat blanc afficha une mine contrariée.

" Disons qu'ils ne devraient pas se comporter ainsi. Ce sont des cousins à nous, nous ne comprenons pas leurs agissements. D'habitude, nous organisons un tournoi entre rats pour partager les territoires. Mais là, ils piétinent toutes nos traditions. En fait, nous n'arrivons même pas à communiquer avec eux. On dirait qu'ils ne comprennent plus notre langue...
- Ah... donc vous n'êtes pas raraciste.
- Pardon ?
- Hum... non, rien. J'ai tenté un jeu de mot, mais raciste commence déjà par "ra", donc c'est nul. Bref... Nous disions ?
- ... Nous avons enquêté pour comprendre le comportement de nos cousins, et nous avons remarqué que leurs plus grosses interventions militaires ou de sabotage coïncidaient avec l'apparition d'une étrange musique dans les égouts, comme je l'ai expliqué à votre collègue.
- Nous l'avons entendu aussi, cette musique.
- Nous en avons cherché l'origine et trouvé des coquillages identiques à ceux que vous avez contre l'oreille. Nous les avons étudié et trouvé certaines de leur fonctions, comme celle de traduction. Mais c'est à peu près tout ce que nous avons découvert...
- Nos coquillages étaient suspendus par une ficelle à un clou dans les égouts. Vu la taille du clou, on peut supposer que c'est un humain qui l'a enfoncé dans le mur. Vous avez une carte ?
- Bien sûr. "

Le mentor claqua des doigts et un rat accouru aussitôt, un morceau de papier de la taille d'une carte de tarot dans la main. Yoru s'en saisit, plissa les yeux pour essayer des distinguer le réseau de canalisations qui était représenté.

" Heu... vous n'auriez pas plus gros ?
- Ah oui... toutes mes excuses. "

Un nouveau claquement de doigts plus tard, une nouvelle carte des égouts, taille humaine cette fois, fut dépliée devant le samouraï.

" Indiquez les endroits où vous avez trouvé les coquillages. "

En serrant un feutre rouge contre lui, un rat se mit à entourer plusieurs zones.

" Vos ennemis agissent dans une région plutôt concentrée, constata le marine. S'il y a bien un humain qui installe les coquillages musicaux, il doit se trouver quelque part dans cet endroit.
- J'envoie tout de suite une escouade de mes rats éclaireurs.
- La ravant-garde ?
- ...
- Bon d'accord, j'arrête. Ma collègue et moi allons vous aider à attraper cet humain. Il sera peut-être plus loquace que les rats ou les flétampliers. Vous avez des armes ?
- On va vous en fournir. "

Mentor et marine stoppèrent brusquement leur conversation et tournèrent la tête dans un bel ensemble vers le capharnaüm qui s'entendait soudain dans les égouts. Des rats détalaient dans tous les directions en poussant des cris de peur tandis qu'un grondement de plus en plus fort se répercutait contre les parois du tunnel. Raïltair et Yoru comprirent l'origine de ce bruit en voyant la vague noirâtre et odorante foncer dans leur direction.

" On ne s'ennuie pas avec vous, humains, fit remarquer le rat.
- Ça va, on arrive à s’occuper, confirma le samouraï. "

L'animal escalada rapidement les habits du marine, prouvant une grande dextérité dans cette discipline, pendant que Yoru se campait fermement sur ses jambes et plaçait ses bras devant son visage pour éviter les projections de jus d'égout. Il encaissa la vague puis, lorsque les remous se furent calmer, se dirigea lentement vers le bord en attrapant au passage les rats qui se débattaient dans le marécage pour les mettre en sureté sur ses habits.

Il aperçut Serena, elle aussi dans la mouise.

" Cette fois, c'est la guerre ! Lui lança-t-il en désignant du doigt le purin qu'ils avaient tous deux sur les vêtements. On va montrer à ces rats noirs qu'on ne se laisse pas emmerder sans répliquer ! "


~~ ~~


Une dizaine de minutes plus tard, Serena et Yoru étaient plaqués contre le mur d'un autre passage des égouts. Raltaïr, toujours perché sur l'épaule du samouraï, leur rapportait les dernières nouvelles.

" Mes éclaireurs ont repéré l'humain qui aide les rats noirs. Ils est un peu plus loin dans ce conduit occupé à'installer de nouveaux coquillages. Nous allons vous laisser agir. Vous avez besoin de quelque chose ?
- Niveau camouflage, on est bon, répondit Yoru. On est recouvert de merde et on pue comme des rats m... heu, corrigea-t-il après un coup d’œil au mentor, comme... un égout. Par contre, vous aviez parlé d'armes ?
- Les voilà. "

Deux rats blancs s'approchèrent, chacun tendant à l'un des marines une épée. Magnifiquement ouvragées, elles étaient équipées d'une poignée en forme de tête de rat, semblaient redoutablement acérées et avaient à peu près la taille d'un crayon.
Yoru se pencha pour en saisir une, se gratta un instant la tête puis se tourna vers Serena.

" Ok, ça j'avoue, j'aurais pu le prévoir. No comment. "

Si redoutablement équipés, les deux marines s’avancèrent prudemment dans le couloir.
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En gros, il fallait vraiment espérer que le type au béret vert à plume rouge qui s'affairait sur un clou récalcitrant n'était pas armé. Sans quoi, la lutte tournerait court... a moins de parvenir à lui embrocher un œil au bout d'un de nos jolis cure-dents gracieusement offerts par les petits copains de Raltaïr. Histoire de dégénéré, je me demande si je le suis pas déjà un peu.

On l'a rapidement rejoint, le poseur de coquillages. Malgré nos treillis lourds de crasse et de flotte puante, et l'odeur de rat mort qui nous servait d'escorte. Ouais, moi j'ai le droit de le dire tant que je le pense juste. Ou même le droit de le dire tout court, tant que je cause pas au truc plaqué contre mon oreille. D'ailleurs...



-On pue le rat crevé, bordel.


Voilà, j'avais envie. Bon, ça a eu pour effet de pousser notre fugitif à se retourner. On est repéré, mais en même temps, on est deux et il est tout seul... et il a juste une flûte, qu'il porte à ses lèvres. Ce connard appelle les renforts, que je me dis. Et le pire, c'est que j'ai raison. Parce qu'en l'espace d'une seconde, ce sont des milliers de rats qui sortent des canalisations, des fissures dans les murs, de la moindre petite faille existante dans les dix mètres carrés qui nous entourent. J'allais pour l'assommer à coups de balais brosse, mais au lieu de ça, je dois faire face à une marée de rats noirs, tous plus agressifs les uns que les autres tandis que la musique gagne en puissance.

Je casse des mâchoires, des pattes et des échines de rongeurs. Le collègue m'imite, mais on doit vite s'avouer vaincus. Pas étonnant que Raltaïr ait pas voulu s'en mêler. L'enfoiré, faudrait jamais faire confiance aux rats. A coup sûr, il nous a foutu dedans pour négocier une petite manœuvre en douce contre les ragondins, alors qu'on occupe les intrus...

J'ai plus toute ma raison. Voilà que j'accorde une conscience humaine à des rongeurs. Mais en même temps, j'suis en sang, et mon treillis crado commence à rendre l'âme sous les assauts de ces saloperies qu'ont quand même les crocs bien acérés.



-Sengoooo ! Repli stratégique !


Mais il entend pas. Faut dire qu'il y a un rat qui lui est monté sur la manche jusqu'à lui chopper l'oreille, qu'il veut pas lâcher. Et le pauvre se débat comme un furieux, jusqu'à réussir enfin à le planter d'un coup d'épée format auriculaire. Du coup, ça me donne une idée.


Quitte à y perdre un doigt, je me mets à chopper du rat dans la masse pour les balancer sur le joueur de flute. Un peu déconcerté, il fait quelques fausses notes, jusqu'à carrément perdre le rythme. Les rongeurs s'arrêtent brutalement, l'interrogent de leurs petits yeux fouineurs. C'est notre chance, alors on échange un regard et en trois coups de balai, on gagne trois mètres. Mais l'autre panique, se remet à jouer de plus belle. Et s'enfuit, en laissant un coquillage chanteur dans la masse. Je frappe à n'en plus sentir mon bras, mais les rangs ennemis sont de plus en plus serrés. J'aimerais avoir Main d'Ange en main, mais au fond, je suis pas certaine qu'elle serait plus efficace que le manche de mon arme improvisée. Un rat, c'est pas seulement crade et moche. C'est rapide, véloce, hargneux, et ça s'accroche à la vie comme rien d'autre. Ça prend des bleus et des bosses, mais c'est trop lâche pour présenter la gorge au moment opportun. J'suis pas certaine qu'on en ait buté rien qu'un seul. Et y'en a vraiment trop... vraiment... trop...
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" SERENA !!! J'AI UN PLAN, BOUGE PAS ! SAMOURAÏ TORNADE ! "

Tendant son balais devant lui, Yoru se mit à tourner sur lui-même en frappant tous les rats à sa portée. Il se fraya rapidement un chemin jusqu'à sa collègue, se stoppa, attrapa la jeune femme par le col de sa veste.

" MARINE AIR FORCE ! SERENAVION ! "

D'une traction puissante, le samouraï dégagea son alliée de la mêlée et de la mouise dans laquelle elle pataugeait et, dans un grand mouvement de bras, la lança au dessus de la masse grouillante des rongeurs en direction du joueur de flute qui fuyait. Il ne vérifia pas sa trajectoire, trop occupé à recommencer à se défendre, mais sut qu'il avait atteint sa cible lorsque la musique cessa après un bruit d'impact et de chute. Il crut aussi percevoir une flopée de jurons de la part de Serena mais n'y prêta pas attention.
Localisant soudain le coquillage laissé sur place par le musicien au milieu d'un groupe de rat, Yoru abattit vivement son balais dessus et le brisa.
Comme un peu plus tôt, l'arrêt de la mélodie entraina un mouvement de flottement parmi les rat qui s'immobilisèrent. Détachant le coquillage de son oreille, le marine le colla à sa bouche. Si la traduction marchait dans un sens, peut-être aussi dans l'autre et, en parlant directement dans le coquillage, peut-être que son pouvoir s'amplifiait...

" Kchhhhh.... Rats ! "

Traversant le coquillage, le voix de Yoru devenait des grognements au son légèrement métallisé accompagné de grésillements. Les rongeurs l'observèrent avec attention. Ça fonctionnait ! Vite, dire la première chose qu'il lui passait par la tête !

" JE SUIS VOTRE PÈRE ! "

Les rats écarquillèrent les yeux dans un bel ensemble en affichant des mines choqués. Yoru en vit même deux ou trois s'évanouir sous le choc.

" Heu... je voulais dire... Kchhhh... quittez les lieux, soldats ! Dispersion ! "

Cette fois, le message passa mieux et les animaux quittèrent la place aussi vite qu'ils étaient apparus, se précipitant dans la moindre ouverture des murs et tuyaux. En un instant, tous s'étaient volatilisés.
Yoru rejoint rapidement son alliée qui tenait le joueur de flute plaqué contre un mur, son instrument confisqué par la jeune femme.

" Bien joué Serena ! Nous allons pouvoir l'interroger.
- Je m'en occupe, si vous voulez, lança Raltaïr qui apparaissait à présent la bataille terminée.
- D'accord. "

Le rat se campa devant le musicien, arbora un visage menaçant et commença un interrogatoire serré.

" Krouiiik riiiiii. Krouiiiiik. riiii riiiiii ! "

Le joueur de flute tourna un regard de profonde incompréhension vers les autres humains.

" Hum... Raltaïr ?
- Oui ?
- Cet humain n'a pas de coquillage. Il n'a pas l'air de comprendre.
- Ah... effectivement.
- Pas de soucis, Serena et moi, on gère. Alors, le musicien, on t'écoute. Qui es-tu ?"

L'interrogé réussit l'exploit de prendre une mine méprisante malgré son visage à moitié écrasé contre la paroi des égouts.

" Ne me faites pas rire marines ! Vous ne m'aurez pas avec vos interrogatoires bidons ! Jamais je n'avouerai que je fais parti de la révolution, jamais ! Hahahahaha !
-...
-...
-...
- Ah ! Merde ! "
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Serenavion, hein ? Non mais putain, quel con... SERENAVION ! Tu sais qu'avec tes conneries, tu viens de me péter le poignet, Sengo' ? Okay, okay. T'as endigué la menace en un tour de main, t'es un bon soldat, c'est acquis. Mais merde ! Ça fait un mal de chien ! Ça se calme un peu quand je sers mon poing autour de mon bras, alors je le fais. Et tu vois même pas le regard assassin que je te balance pendant que tu commences l'interrogatoire. Ouais, quand même, bien joué. T'as été simple, direct, efficace. Pour un peu, on croirait que tu voudrais finir dans l'élite... mais faut vraiment être un imbécile pour rejoindre un corps où on en chie bien plus pour être au final moins bien récompensé, moins bien informé, et moins bien reconnu. Tout en perpétrant des massacres avec ce qu'il faut de collatéral.

Oui, j'ai des idées préconçues. Et je t'emmerde.

Mais bon, là, j'essaye quand même de faire bonne figure. P'tite pensée pour Toi, Seigneur. J'cherche la mesure, parce que là tout de suite ça vaut mieux. On en reparlera à la cantine quand j'aurais une chouette attelle en guise de médaille. Ouais, parce que ça va encore être un problème, ça. On est des deuxième classes, c'est à dire, des déclassés. Des sans-grades, des larbins qu'étaient supposés juste déboucher les chiottes, pas percer à jour le complot d'un maniaque. Là, j'pose un peu le tableau : on va se ramener devant le caporal avec nos balais, nos treillis tâchés de merde, bien écorchés, et avec un révo' entre nos deux paires d'épaules.

Le caporal, je l'connais pas, mais il fait tellement raclure en marge que j'parierai les galons qu'jai pas mais qu'j'aurais un jour qu'il fera tout pour nous faire taire et ramasser toute la gloire du truc.

Quoique. Ramasser un révo' pouilleux (il arrête pas de se gratter la tête) dans un égout, j'suis pas certaine que ça soit glorieux. Les vrais héros n'en parlent sûrement pas, d'une première mission comme celle là. Ou alors dans leurs minutes de relâchement, avec un verre de gnôle d'un côté et un comptoir poisseux de l'autre.

Enfin, j'mets tout ça de côté, y'a un interrogatoire à conduire. Mon tout premier, que d'émotion.


-Bon, alors tu fais partie de ces enfoirés qui préfèrent venir emmerder des soldats comme nous plutôt que d'aller faire la révolution là où y'a moyen que ça porte peine à personne, et que ça fasse du bien à pas mal de monde.
-On commence en bas pour finir en haut !
-Ouais, ou pas. T'as des alliés avec toi, ou t'es tout seul ? 'Fin, je compte pas les rats.
-Va en enfer, chienne du gouv' !

Une grosse baffe de ma main valide. Ça le fait marrer. Je lui colle mon poing de militaire entraînée et de rescapée de plein de trucs pas nets dans la gueule. Il rigole moins. Faut dire que niveau carrure, il est plutôt moineau que gros ruminant. Il commence à piger qu'il est dans la merde.

-Bon, écoutez, vous me passez les menottes et on en parle plus ! J'étais tout seul, y'a pas une cellule entière sur un QG, quand même ! Et pas la peine de cogner, je sais rien de plus. Je ne connais pas de noms, mis à part celui du Seigneur Ombre et quelques autres que tout le monde connait et qui ne vous mèneront nulle part !

Mouais, ça c'est mieux, mais j'suis pas convaincue. Le gars ressemble à ses potes à quatre pattes. Mêmes petits yeux larmoyants et sournois, mêmes petites paluches roses qui arrêtent pas de trifouiller un truc imaginaire. Même dos un peu vouté. Sa flûte, on dirait même une longue dent de rat. Il magouille encore, c'est forcé. Mais je pue, j'ai mal au poignet et j'ai envie d'en finir. Alors je passe l'éponge pendant que Sengo' lui attache les mains dans le dos avec un vieux bout de ficelle qui flottait par-là. A moins que ce soit un morceau des chemises de nos uniformes, qu'ont pas mal souffert de la bataille.

On se met en route, balais au repos comme des baïonnettes. On tient notre brave prisonnier par les bras. Puis là, je capte que Raltaïr arrête pas de s'agiter depuis un bon moment déjà. Je récupère mon coquillage, Sengo' a déjà l'air en alerte.


-Shkriii... ik'tendez pas ? Les troupes se sont rassemblées dans les canalisations... mes frères sont en danger, je suis sûr que les flétanpliers ont profité de l'aubaine pour tenter une avancée décisive !
-En quoi ça nous concerne ?

Le collègue lève un sourcil. Ah. J'ai du rater le début.
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Le joueur de flute marchait docilement aux côtés des marines, ayant visiblement imprimé qu'il ne faisait pas le poids sans l'aide de ses amis rongeurs. Yoru retira sa chemise, déchirant quelques bandelettes dans le peu de tissu à peu près propre qu'il restait. Puis il cassa le manche de son balais en quelques morceaux de bois et s'approcha de Sérena pour lui fabriquer une attelle de fortune.

" Désolé pour ton poignet, je viens juste de le voir. Je paierai tes prochaines consos au bar pour me faire pardonner. "

Il adressa un sourire à sa comparse, montrant que lui aussi était ravi que cette histoire touche à sa fin. Crapahuter dans les égouts, on s'en lassait rapidement.
Puis Raltair grimpa sur son épaule et entreprit de faire voler en éclat tous ses rêves de douches chaudes.

" Serena, les ragondins s'attaquent à la Grande Canalisation. Celle qui, d'après Raltaïr, évacue presque toutes les canalisations de moindre importance vers le centre de traitement des eaux usées. Si elle lâche, ce ne sont pas seulement les wcs des recrues qui seront inondés de jus d'égout mais tout le QG et même la ville  ! Nous devons agir ou ce sera... l'apocacalypse !  "

Mais comment ? Les rats de Raltaïr semblaient en difficulté contre les flétampliers et même en les aidant, Serena et lui ne seraient pas suffisant pour endiguer l'armée de ragondins. Pas le temps d’aller chercher d'autres marines. Même en admettant qu'ils finissent par croire cette histoire de fou, les soldats mettraient trop longtemps à rejoindre la bataille.
Le samouraï attrapa soudain le révolutionnaire par l'épaule, le força à se tourner pour lui faire face.

" C'est à cause de toi qu'on est dans cette situation l'ami, alors tu vas nous filer un coup de main. Appelle tes rats et dis leur de s'allier à leurs compatriotes.
- Vous ne me forcerez pas à utiliser mon art ! J'accepte de me rendre mais pas de vous aider. Allez au diable !
- Je te conseille d'y réfléchir.
- Sinon quoi ? Vous allez encore me frapper ? "

Du pouce, le samouraï désigna l'épais liquide noirâtre qui coulait au niveau de leurs pieds.

" Non, répondit-il d'une voix tranquille. Par contre, je te plonge dans la merde jusqu'à ce que tu sois au moins aussi sale que nous. Je me demande combien de temps de vas résister à l'odeur.
- Heu... attendez, lança précipitamment le petit homme en jetant un regard paniqué à l'état des deux marines. C'est... je ne veux pas être plus dégueulasse ! Je... je marche avec vous ! "


~~ ~~

La Grande Canalisation était un tuyau colossal traversant à la verticale le centre d'une gigantesque salle située profondément sous terre. D'après Raltaïr, cet endroit était, de tous les égouts, le seul où cette canalisation était facilement accessible.

Tout autour du tuyaux se tenaient les rats blancs rassemblés en lignes compactes pour résister tant bien que mal aux flétempliers bien plus nombreux qu'eux. Ces derniers se trouvaient dans le reste de la salle, convergeant dans un même mouvement vers la Grande Cannalisation. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne parviennent à passer la défense des rassassins pour atteindre leur cible.

Les Marines, Raltaïr et le révolutionnaire arrivèrent dans cette salle par un tunnel s'ouvrant dans un mur à bonne distance du sol. Debout sur un prolongement rocheux, ils avaient une vision d'ensemble de la scène. Aucun rongeur ne semblait les avoir repéré.

" Vas-y, dit Yoru à l'adresse du joueur de flute en le menaçant avec le reste de son balais. Appelle les rats noirs, qu'ils prennent les flétempliers à revers."
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Heureusement pour nous qu'il était lâche, notre prisonnier. Lâche, et suffisamment précieux pour traîner dans les égouts, sympathiser avec des rats noirs et avoir encore peur de se salir. D'un côté, je comprends qu'il ait pas envie de gâcher son joli costume de robin des bois. Ah, ça, tout y est : la tunique, la ceinture à grosse boucle ronde, les bottes pointues, le béret à plume et les idéaux à la con. Avec la flûte aux lèvres, les trois poils de moustache et son air simplet, on le croirait tout droit sorti d'un recueil de contes pour enfants. Ces grands livres usés, tout enluminés qu'on trouve sur la devanture des librairies neuf et occasion, mais surtout occasion parce que la boutique paye pas assez de mine pour vendre de la marchandise sans poussière. Cinquante berrys pour ci ou ça, mais avec ce qu'il faut dans les pages pour refaire la crasse de la chambre, s'il vous plait. Et puis, dans le fond, on kiffe l'odeur.

C'est à cette odeur là que je pense, d'ailleurs, en écoutant la flûte et en entendant les rats refluer hors des égouts. Tas de poils collés et de crasse agglutinée, ils rejoignent les pelages luisants des copains de Raltaïr. J'sais pas comment ils font pour être aussi nickels tout en vivant dans la merde.
Y'a des talents que les bêtes ont d'instinct, et que les hommes peinent à gagner même en y mettant toute leur âme.

Ça grouille, ça s'interroge, ça se calme dans les rangs des petites pattes roses. En face, les énormes masses grises ont l'air très occupées. Mais elles glapissent quand elles comprennent que ça risque de mal tourner pour elles.

Une ou deux fois, notre bon apôtre tente de faire faire des manœuvres bizarres à ses rats, on le recadre. Mais c'est pas simple de dire s'il le fait exprès où s'il est juste mauvais en stratégie militaire...

Parce que ouais, ce qui se joue sous nos yeux, c'est une vraie bataille rangée. Je ne suis que matelot deuxième classe, et depuis peu, c'est vrai. Je n'ai pas tout vu. Mais franchement, un défilé militaire ou un exercice de marche en bataillon, ça a pas autant d'allure que ce combat là. C'est carré, c'est méthodique. Les plus petits des Rassassins se sont mis à chevaucher d'énormes rats noirs qui leur permettent d'attaquer sur les flancs ennemis. Les berserk ont été lâchés devant, ils protègent le gros des fantassins qui achèvent les blessés et profitent de l'autoroute. Et de partout, les dents claquent, le sang gicle des panses déchirées et des gorges percées. Les cadavres roulent et tombent dans l'eau saumâtre, sous le grand tuyau où tout se joue.

Les rats sont plus nombreux et avec Yoru, on se surprend à serrer les poing et les dents. A espérer, comme des andouilles devant un match de quelque chose. Sauf que l'enjeu, là, il est bien réel ; notre crédibilité, notre futur, et le sort du QG et des habitants de l'île. Petite pensée pour le bistro du coin où il fait si bon vivre, quand Michel est pas là. Ce serait con qu'il finisse noyé dans la boue.

Aller, les Rassassins. Promis, on vous oubliera pas si on arrive à rafler une médaille pour ça. On laissera un peu de fromage dans les chiottes de temps en temps, même si les recrues de l'année gueulent, même si on devait se faire des tas d'ennemis dans leurs rangs.

De toutes façons, on vous devra bien ça, parce qu'on n'en parlera pas. De toutes façons, personne nous croirait. Histoire officielle : Serena et Sengo' ont pêché un révo' dans les chiottes, alors qu'il projetait de noyer la base sous sa propre merde à l'aide de ses pouvoirs étranges. Histoire officieuse : les Rassassins ont remporté leur victoire, en sauvant du même coup l'honneur des héros muets et celui du QG tout entier, voir même de la marine.
Parce qu'une base vaincue par ses soubassements, bonjour l'image. Un coup à ce que le GM nous balance un buster call pour étouffer l'affaire. Au moins.

Mais c'est pas si simple, en fait. Les ragondins sont en position de force, ils sont acculés contre un mur suintant, et ils font bloc. Les berserk ont fini par se faire lourder, et leurs petits cadavres boursouflés flottent dans l'eau stagnante. Sur l'épaule de Sengo', Raltaïr ne bouge plus. Seule sa moustache frétille encore, comme s'il sentait le vent tourner. Petit à petit, ses ennemis héréditaires regagnaient du terrain. Ils avaient perdu l'avantage du nombre, mais ils restaient bien plus costauds.


-Appelles-en plus, musicos. Faut qu'ils les prennent à revers, comme on avait dit.
-Firuliruli... ♫
-C'est que...
-Quoi ?
-Il n'y a pas d'accès direct aux arrières des Flétanpliers. La moitié des rats noirs doivent être en train de chercher leur chemin dans les galeries où il est si facile de se perdre...
-Et tu pourrais pas les guider ?
-Je sais même pas où ils sont, voyons !
-... alors, on est dans la merde.
-Firulirula... ♪

Et oui, je sais qu'on y était déjà. Merci de me le rappeler, Sengo', t'es gentil.
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" Pas de quoi, répondit Yoru d'un ton distrait, focalisé qu'il était sur la bataille. "

Les choses ne tournaient pas en leur faveur. Sans les rats au grand complet, les ragondins allaient très certainement l'emporter. Sortant son épée à tête de rat, le samouraï s’approcha d'une stalagmite et commença à la trancher à sa base. L'arme s'enfonça facilement dans la roche mais, du fait de sa taille, ne l'entama que très légèrement. Après en avoir fait le tour complet, Yoru força sur la stalagmite pour essayer de casser ce qui la reliait encore au sol. Mais la roche, trop peu tranchée, ne frémit même pas sous les coups d'épaules du jeune homme qui, après quelques jurons, recommença une découpe bien plus haute.

" Raltaïr, pourriez-vous ordonner à vos rats éclaireurs de quitter les rangs pour aller chercher les rats noirs encore dans les égouts ?
- Je peux, mais nos forces s'en trouveront encore amoindries. Cela signerait notre perte.
- Donnez l'ordre à mon signal. "

Le samouraï parvint finalement à couper la stalagmite, se retrouvant ainsi avec un cône de pierre qu'il saisit par la pointe comme une massue.

" Ce qu'il nous faut, c'est du temps. Serena, je te laisse t'occuper de notre prisonnier pendant que je fais diversion. Raltaïr, que vos éclaireurs quittent la bataille. "

Sous les yeux de Serena se déroulèrent alors deux événements.
Premièrement, Raltaïr descendit de l'épaule du samouraï, se dressa sur ses pattes arrières et se mit à lancer une série de brefs sifflements. Une cinquantaine de rats blancs rompirent aussitôt les rangs pour s'élancer dans les canalisations environnantes à la recherche de leurs confrères noirs.
Deuxièmement, Yoru se jeta littéralement dans la bataille. Sautant du promontoire rocheux où les humains étaient en sécurité, il atterrît en plein dans les rangs des flétampliers. Pour être tout à fait exact, il se vautra au milieu des ragondins mais se releva si vite qu'on aurait pu croire à une volonté de sa part. Histoire d'écraser quelques ennemis dès son arrivée. Une fois debout, il distribua à la ronde de larges coups de massue, éparpillant des rongeurs dans tous les coins.

Profitant de l'apparition de l'humain et de la surprise des flétampliers, les rats resserrèrent les rangs et attaquèrent avec encore plus de rage. Pendant quelques minutes, l'issue de la bataille devint floue.
Puis les ragondins se reprirent et les rats se retrouvèrent de nouveau en difficulté. Yoru, qui combattait maintenant à mains nues après avoir balancé sa massue sur un ragondin particulièrement imposant, se retrouva pour sa part encerclé par les rongeurs qui l'attaquaient à tour de rôle pour chercher une faille dans sa garde. Faisant honneur à ses origines guerrières, le samouraï se défendait vaillamment même sans ses sabres et nombre de ragondins se retrouvèrent à terre après avoir tenté de lui sauter dessus.

Mais pour un flétampliers au tapis, deux se tenaient près à bondir et le jeune homme se retrouva bientôt couvert de coupures et de blessures. Il ne tiendrait plus très longtemps à ce rythme.

" Hum... me jeter dans les rangs ennemis n'était peut-être pas la meilleur idée de la journée, constata-t-il en collant un pain à un énième ragondin. "

Restait qu'à espérer qu'il résisterait assez longtemps pour que les renforts arrivent. Ou pour que Serena trouve une solution à tout ça.
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Du temps, je sais pas trop s'il en gagne des masses, le Sengo'. Mais par contre, il gagne des bleus, des morsures assaisonnés rage et peste noire à plus savoir où donner de l'antidote. Non, sérieusement, je me marre pas. J'suis dans les égouts en train de regarder un combat de rongeurs, et j'ai peur.  
Sûr qu'il a bien réagit en offrant une opportunité aux renforts de débarquer plus vite. J'ai comme un sentiment de déjà vu. J'suis inutile, avec ma patte cassée et mon prisonnier à garder. Pas moyen de s'en débarrasser proprement, 'faut qu'il ait les mains libres pour jouer de sa saloperie de pipeau.

Je fais quoi ? Bon Dieu, dis-moi, je fais quoi ?

Le Sengo manque de perdre l'équilibre et de se vautrer dans l'eau saumâtre. Les ragondins lui bouffent les chevilles comme si c'était des jambons bien fermes. Je fais quoi ? Je dis au collègue de se barrer et on va faire une belo... mauvais plan. Je balance le révo' dans un coin et je vais l'aid... mauvais plan. Je tape du balais sur le plafond pour guider un peu les renf... nan, c'est con, je vais les paumer un peu plus si ça se trouve. Je jette Hamelin au milieu des ragond... putain, non, il est seul à savoir conduire ses rats...

Attend.

Qu'est-ce qui me prouve que c'est pas lui qui les paume dans les galeries, depuis le début de la bataille ? Qu'est-ce qui me prouve qu'il y met vraiment de la bonne volonté ?
Seigneur. Tu vas pas aimer, mais j'ai une idée.


-Viens là, toi.
-Firuli ? ♫
-Ouais, ouais. Avise toi pas d'arrêter de jouer si tu veux pas que je te la rentre quelque part.
-Fi... firuliruli... ♫
-Bon, marche droit devant. Tu rejoins mon collègue.
-Talarasiff... eh, quoi ? Ça va pas, non ?
-Tu y vas, et tu te démerdes pour accélérer le mouvement ! Sinon, au moins, t'auras fait barrage deux minutes avant de te faire dévorer et d'aller te gorger de merde !
-Sans moi, vous perdrez de toutes façons !
-Perdu pour perdu, autant tout essayer. Et arrête pas de jouer, connard !

Et que je le pousse dans la bataille. Il peine un peu à trouver son équilibre, mais son instinct de survie le fait pour lui. Tout comme le reste. A la première morsure, y'a comme la musique qui change brutalement de rythme. Et on a pas attendu deux minutes qu'une horde d'énormes rats noirs déferle de toutes part et se rue sur le tuyau, cavalerie en tête. Et ça court ! Ça fait comme une grêle de petites pattes roses et trapues sur le tuyau de cuivre. Hamelin fait un tour complet sur lui même, emporté par le flux de ses compagnons à poils ras. Je me surprends à sourire.

-Reviens, Sengo ! La bataille est gagnée, faut que tu puisses voir ça !

Mais il est coincé. Il arrête pas de prendre des mauvais coups de crocs, il pisse le sang autant que les ragondins et les rassassins réunis. Il essaye de remonter, mais à chaque pas, il trébuche, se redresse, retombe, se fait piétiner et mordre les oreilles.

Putain, pour une fois que je trouve un collègue qui soit ni chiant, ni tordu (enfin, ça, ça risque de pas trop tarder), ni branque, il sert de tremplin comestible à une bande de rats belliqueux. Ça se passera pas comme ça. On va la finir ensemble, cette mission de merde, mec. T'as ma parole, même si je suis pas sûre qu'elle vaille grand chose.


-Yaaaah!

A mon tour de tracer mon sillon dans la masse de fourrure collée. Sang, boue et crasse. Ça bondit jusqu'à ma hauteur, j'en prends pour mon grade. Et même au-delà, parce que c'est pas bien dur. Je choppe une main. Hamelin ? Non, c'est le bon, le samouraï. Hamelin n'a pas lâché sa flute, et il s'y cramponne de toutes ses forces en faisant son possible pour mettre le minimum de ses rats sur son passage. Il sue à grosses gouttes et le bruit de son cœur résonne jusque dans le mien. Il pleut des ragondins... Raltaïr exulte. Okay, aller, geste de bonté du jour, pour contrebalancer le mauvais. Merci pour toutes tes grâces, seigneur.

Sauf que c'est là que je fais un faux pas, et que je nous flanque tous dans la mare dégueulasse du dessous.

Si on nous accorde ni récompense, ni fringues neuves, je tue le caporal pendant son sommeil.
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La respiration saccadée, Yoru se redressa pour se mettre à genoux, observant les rats noirs se déverser dans la salle pour déferler sur les ragondins. Observant leur salut.
Il passa le bras valide de Serena sur ses épaules, attrapa sa taille et releva la jeune femme en même temps que lui. Puis, luttant contre la marrée de rongeurs, il s'éloigna du gros de la bataille.

" Je te dois plus que quelques consos, Serena. Tu viens de me sauver la vie. Je t'en remercie. "

Et un silence qui, laissé par le samouraï, signifiait beaucoup : si la jeune femme avait un jour besoin d'un allié, Yoru serait là pour l'aider. Les deux marines arrivèrent en titubant jusqu'à Hamelin et le samouraï l'attrapa de sa main libre par le col.

" Continue à jouer, lui intima-t-il, ou je te balance droit dans les ragondins restant. "

Après avoir vu le lancer de Serena, le joueur de flute ne doutait pas que le marine respecterait sa parole. Il continua donc à jouer à un rythme effréné pendant que les soldats le trainaient derrière eux.
Les trois humains arrivèrent finalement dans un coin de salle épargné par les combats où ils purent se reposer. Raltaïr les rejoint, se perchant comme à son habitude sur l'épaule du samouraï. Bien que comprendre le visage d'un rat n'était pas forcément évident, le chef des rassassins semblait jubiler. Et pour cause, compris Yoru en parcourant la salle des yeux : les ragondins fuyaient. Et leur débâcle signifiait la victoire des rats et des humains.


~~ ~~

Yoru attrapa le bord du trou dans le sol des wcs des novices, se hissa sur le carrelage à la force des bras et posa le révolutionnaire assommé contre un mur. Après que ce dernier ait tenté de retourner une dernière fois les rats noirs contre eux, le samouraï avait pris la décision de lui confisquer sa flute et de le calmer une fois pour toute. Le jeune homme se saisit ensuite de la corde installée par les rats qui pendait dans le trou jusqu'au sol des égouts, plusieurs mètres plus bas, et entreprit de hisser Serena qui s'y accrochait de son bras valide.

Lorsque l'ascension de la jeune femme fut terminée, Yoru récupéra leur prisonnier qu'il balança sur son épaule. Il revint ensuite saluer ses compagnons à quatre pattes qui l'attendaient près du tunnel.

" Je vous remercie pour votre aide, dit Raltaïr. Sans vous, notre ordre aurait certainement disparu en cette triste journée. Si un jour vous revenez dans nos égouts, nous autres, rassassins, sauront nous en rappeler. Gardez les sabres que nous vous avons donné, ils témoigneront de cette promesse. "

Il s'arrêta un instant, observa les humains dans un état si déplorable qu'ils peinaient à tenir debout, analysa leurs vêtements souillés de sang et de boue, remarqua l'odeur nauséabonde qu'ils dégageaient et qui, pour des individus de la surface, n'était pas vraiment normale.

" D'ailleurs, à propos d'aide... Vous m'avez parlé de votre caporal... Vous voulez que je vous accompagne pour tout lui expliquer ? "
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Tu me dois rien du tout, Sengo'. On était deux sur ce coup, j'allais pas te laisser te faire ronger jusqu'aux os par les rats. Ç'aurait été moche, vraiment trop. D'ailleurs, ce sont des choses qui se raisonnent pas. Ça se fait parce que ça doit se faire, c'est tout.

Qui a dit que j'étais méchante ? Vive, sanguine, sans pitié et arrogante, oui. Remplie de mauvaises intentions et pleine jusqu'aux yeux d'envie de nuire, ça, non, jamais. Même dans mes pires moments, dans mes relâchements et mes heures de perdition, je pense pas à mal. Je pense pas tout court, c'est tout.

On en est sorti. Pas fiers, crasseux, avec un rat sur une épaule et des cure-dents en souvenir de l'aventure, mais on en est sorti. Et maintenant, va falloir en parler, juste parce qu'on est pas des vrais héros. Parler des balais déplumés, du complot dans les égouts, de nos os brisés et de nos plaies à vif. Puis de notre récompense, aussi. A chaque jour sa peine.

Les vrais héros sont solitaires, et n'ont jamais rien à justifier. Nous, on est que les petites ouvrières de la grande fourmilière, et on a tout à prouver.
Vous avez des témoins ? qu'il demandera. On en a un, pas moyen de le laisser filer.


-Sûr que tu viens, Raltaïr. Faut pas nous lâcher maintenant, la soirée est pas finie.

Pourtant, on commence à fatiguer. J'récupère une serpillère qui trainait dans un coin.

-On termine le taff, Sengo'. Vaut mieux qu'on puisse pas nous accuser d'avoir mal exécuté les ordres.

Ouais, prévenons, mais ne guérissons pas. J'ai pas envie d'avoir des problèmes trop vite, ça peut attendre encore un peu. Le samouraï, c'est une force tranquille. Un peu con, des fois, assez pour m'avoir refait un os en pensant bien faire, mais j'me sens plutôt posée à bosser avec lui. Il panique pas, il me stresse pas. Chouette gars. Sûr qu'on retournera se boire un coup à la prochaine perm'. Même si faut casser la gueule de Michel pour être en paix dans ce petit bistrot qui sent bon le café moulu et le bois verni.

On manque d'énergie, mon poignet me fait mal, mais on arrive à peu près sur la fin quand y'a un collègue qui se pointe, l'air franchement usé. Première classe, on se met au garde à vous. Mais vite fait, faut pas déconner non plus. On sera à sa place sous peu, si on arrive à faire entendre quelque chose au caporal.


-Bon, les gars, repos. Qu'est-ce que vous avez branlé ? Ça fait plus de trois heures que vous y êtes, le caporal a préparé un rapport salé... et il m'a envoyé en reconnaiss... putain, ça schlingue !
-Tu t'attendais à quoi ?
-Z'étiez pas non plus obligés de vous rouler dans la merde !
-Tu crois pas si bien dire.
-Eh, mais c'est qui ce mec, là ?
-C'est le...
-Waah ! Un rat !
-Scrouiiik ?
-C'est que...
-En fait, je veux même pas savoir ! Démerdez-vous, et...  
-On t'a pas attendu pour ça.
-Oh, et merde !

Okay, faut se bouger. Si on laisse ce con tout seul trop longtemps, sûr qu'il aura eu le temps de raconter n'importe quoi. Et dans un QG, les bruits de couloir vont vite à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

On termine de virer la flotte par les écoutilles d'évacuation. C'est pas nickel, mais c'est normal, ça reste les chiottes des secondes classes. Le temps de mettre une stratégie convaincante au point, on repart avec le matos.



* * *


... et on se pointe chez le caporal, toujours bien imbibés de merde et équipés des coquillages traducteurs. Avec le révo entre nous deux. Il a pas repris conscience, on a du se le trainer sur trois étages avec les balais, les seaux et les serpillères. Caporal Bertrand est rouge de colère, tout réjouit, au fond, à l'idée de nous en mettre plein la gueule.

Garde tes deux mains sur ton bureau, au moins, connard. Sauve les apparences.

Je salue, mais mes yeux débordent de dédain. On a choppé un criminel, malgré tout, ça en impose plus qu'il ne devrait pouvoir le supporter. Et j'sens qu'il hésite un peu, avant de balancer ses premières fléchettes.


-Vous avez intérêt à avoir une bonne explication, soldats. Quand on doit se charger du dégorgement, on ne ramène pas un voleur à ta tire... et quand un supérieur vous dit « dans deux heures douchés, changés et au garde à vous dans la cour », on ne se pointe pas avec plus d'une heure de retard et dans une tenue qui dépasse les convenances militaires les moins rigides. Je sais pas ce qui me retient de vous coller autant de jours d'arrêts que vous avez de grammes de boue sur vos uniformes.

Sa voix tombe comme un couperet. Il jubile. Profite, connard, profite. On reste au garde à vous, et on encaisse. Mais on a pas peur, on ne baisse pas les yeux, et il le sent. Et ça lui plait pas, pas du tout.

-Une mission aussi simple, en plus... vous n'êtes que des incapables, même pas dignes d'être soldats. Des larbins qui ne savent même pas obéir à un ordre simple... c'est ce que vous êtes. Dégagez de là, je veux plus vous voir ! Et laissez le prisonnier, je m'en chargerai moi-même.
-Certainement pas, mon caporal.

Offense à un supérieur hiérarchique. Je le sens qui se raidit, tous ses nerfs qui se tendent sous sa casquette et sur ses tempes rasées. Désolée, mais on est pas des héros. Si on se bat pas pour notre dignité et pour notre survie dans les rangs, y'a personne qui le fera pour nous. J'ouvre ma gueule. Mes yeux me brûlent, mon cœur cogne dans ma poitrine, je me sens grandir. Mais ma voix reste égale.

Même le bon Dieu est de mon côté.


-Là, les chiottes, plus jamais ils déborderont. Parce qu'on s'est occupé de la cause, la vraie : ce mec là. Ça vous plait, ça vous plait pas, c'est la même. De toutes façons, on a pas eu le choix, vu comment ça s'est passé. Si on a un blâme pour ça, pour avoir fait notre travail jusqu'au bout, on se démerdera pour vous faire tomber.
-Fermez là, soldat ! Vous êtes aux arrêts !
-Vous le croyez pas ? C'est con, on a un témoin ! On peut convoquer toute une putain de cour martiale si ça vous fait plaisir ! On sait qu'on est dans notre droit, avec le collègue ! On lâchera rien ! Rien !

Mes yeux endurcis par la rage, je les plante dans ceux du Sengo'. Me lâche pas maintenant. Tu m'dois la vie, hein ? Alors prend le relais, ou je lui casse la gueule. [/i]
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Pendant que la situation tournait doucement au vinaigre dans le bureau du caporal, Yoru discutait discrètement avec Raltaïr resté sur son épaule. Les deux compères surveillaient le caporal s'énerver de plus en plus tout en mettant un plan au point. Le mentor des rats hocha finalement la tête et sauta à terre, disparaissant dans la pièce. Il revint moins d'une minute plus tard juste à temps pour voir le caporal, rouge de colère, sortir de derrière son bureau et s'approcher de Serena, les yeux lançant des éclairs et ses paroles se muants peu à peu en rugissements de rage.

" Dans votre droit, soldat ? Dans votre droit ? Parce que vous croyez que de simples secondes classes ont le moindre droit ? Vous ne faîtes même pas parti des meilleurs hommes du rang et vous osez me parler sur ce ton à moi, un sous-officier ? Eh bien, vous allez... "

Mais ils ne surent jamais ce qu'ils allaient faire ou subir car le caporal se vautra soudain aux pieds de Serena, ce qui lui coupa le sifflet. Une action peut-être en lien avec la jambe du samouraï devenue un instant floue. Mais si Serena avait remarqué le mouvement, le caporal n'avait même pas dû l'apercevoir tant sa rage l'aveuglait.

Même si Serena devait savourer le fait que le sous-off trainait à ses pieds, Yoru se pencha aussitôt pour aider le gradé à se lever. Il prit tout de même le temps d'attacher un coquillage à l'oreille de Bertrand avant de le redresser.

Ce dernier tenta de l'enlever immédiatement mais remarqua que, si le samouraï ne semblait pas le moins du monde menaçant, ses mains lui plaquaient les bras contre le torse et l'immobilisaient avec une force insoupçonnée chez un être de cette carrure, l'empêchant de faire le moindre geste. Il allait protester qu'il pouvait se tenir debout seul lorsqu'une voix lui fit refermer la bouche :

" Bonjour, caporal, je suis le témoin dont parle Serena. Je m'appelle Raltaïr et je peux vous assurer que ces deux humains vous ont épargnés bien des soucis. Et je ne suis pas le seul à penser ça. "

Le gradé était tellement abasourdi de voir un rat parler qu'il ne remarqua même pas que Yoru l'avait lâché et s'était éloigné pour ouvrir la porte du bureau. Aussitôt, une vingtaine de rats supplémentaires déferlèrent dans la pièce, se perchant sur le bureau, les chaises, les meubles, les épaules de Serena et Yoru.

" Mes disciples sont aussi prêts à témoigner de l'efficacité de vos hommes. Aujourd'hui, comme demain et après-demain et encore le surlendemain... jusqu'à ce que vous reconnaissiez vous-même leur travail. Mais je suis moi-même d'un rang élevé parmi les miens, et je reconnais en vous un chef efficace. Je n'aurai donc pas à revenir avec mes rats bien longtemps vous réveiller la nuit, n'est ce pas ? Je suis certain que votre honnêteté vous incitera rapidement à faire l'éloge de Serena et Yoru... "

Et tandis que Raltaïr se taisait dans un sourire aux grandes incisives à faire froid dans le dos, tous les rats se mirent à grogner en même temps. Ce qui se traduisit, pour le caporal, en une cacophonie de paroles de soutien envers les deux soldats crottés et puants :

" Vos hommes ont combattu à nos côtés !
- Ce sont des frères d'armes !
- Ils ont affronté les flétampliers !
- Et les rats noirs !
- Et le joueur de flute !
- Et.. "

Dans un rugissement, le caporal arracha le coquillage de son oreille et le lança à terre où il le brisa d'un coup de talon. Comme s'il s'agissait d'un signal, tous les rats déguerpirent, Raltaïr disparaissant après un dernier grand sourire au caporal et un petit check discret à Serena et Yoru.

Le silence revenu dans la pièce, le caporal s'appuya sur son bureau, une main passant lentement sur son visage blême. Il toisa entre ses doigts écartés les deux marines debout devant lui, se redressa finalement pour récupérer un peu de dignité.

" Vous pouvez disposer, soldats, les congédia-t-il d'un geste de la main. Je... je vais réfléchir à mon rapport. "

Sur un dernier salut, Serena et Yoru quittèrent le bureau, emmenant avec eux leur prisonnier sans qu'aucune protestation ne soit élevée.

Une bonne heure plus tard, lavés de frais et le prisonnier déposé, les deux amis attendaient dans l'infirmerie que le Médecin de la base termine de les soigner. Une fois tous les bandages enroulés, toutes les attelles installées et tous les médicaments administrés, ils se levèrent pour quitter les lieux.

" Alors, Serena. Puisque, officiellement, tu es toujours en perm, on va se les boire, ces consos ? "
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-Et alors là, vous en êtes où ?

Trois jours qu'on a droit à nos soirées avec le Sengo'. Peut-être à cause de la gueule qu'a tiré l'infirmière du QG quand elle nous a eu dans les pattes, peut-être parce qu'on a réussi à faire un peu peur à l'autre con, et qu'il a choisi la voie pacifique. On espère, on raconte, et on trinque en attendant. A la santé du beau-père, ouais, si tu veux patron.

-On en est à écouter aux portes et à attendre. Quand on voit les poches sous les yeux du caporal, le matin, on se dit que nos potes lui ont encore fait passer une bonne nuit.
-Chouette moyen de pression.
-Ouais. A propos, ressers-en une au collègue, sa choppe est vide.
-Ça marche. Santé, bonheur !
-Joie dans ta so...
-Oh, ta gueule Michel.
-Si je veux ! Merde, j'peux jamais en placer une, ici !
-Encore heureux. Manquerait plus que ça.
-Qu'est-ce que tu veux dire ?
-Que la remise en question, c'est pas toujours ton fort et que y'a des fois où ça te f'rait pas de mal. Tu pens'rais plus et pendant ce temps là, tu nous les cass'rais pas avec tes pipes à toute heure et tes répliques de merde qu'ont déjà envahi la moitié des comptoirs des Blues, de Grand Line et peut-être même du Nouveau Monde !
-Beh, ça fait partie du charme.
-De quoi ?
-Y'en a qui s'respectent, aussi !
-Pour ça que vous vous acharnez toujours sur le même ?
-Bonsoir, tout le monde.

Tiens, le caporal machin qui débarque en plein lynchage de Michel. Réflexe programmé à la longue, on se lève avec le collègue. On va pas jusqu'à porter le verre à la tempe en matière de garde-à-vous, mais pas loin. Talons serrés, on attend qu'il s'amène et se pose au comptoir pour se détendre un peu. A notre attitude, les autres ont pigé. On lui pose son double scotch et on nous laisse tranquilles.

-Soldats, santé.
-Hein ? … Okay, santé.

On va quand même pas te contrarier d'entrée de jeu. Puis y'a pas de raison. Comme dirait Rik, l'ambiance est posée et la bière est fraiche, tout va bien.

-Je préfère aller droit au but, soldats. Si je suis venu trinquer avec vous, c'est pour vous annoncer que votre coup d'éclat a été retenu par mes supérieurs comme étant digne d'être récompensé par une médaille, et une promotion éclaire au rang de soldat première classe.

Ton neutre, regard neutre, gestes neutres. Mais tu peux courir pour cacher ta frustration et ta honte d'avoir été poussé à bout alors même que tu jouais les gros bras, mec. On se check déjà des yeux avec le Yoru pendant que tu fais tout pour te contenir.

-Mais que les choses soient claires : toute l'histoire restera en interne et vous serez priés, autant que possible, de ne rien ébruiter.
-C'est pour ça que vous êtes venus jusqu'ici pour nous annoncer la nouvelle, caporal ?
-Précisément. Voici vos médailles. Vos dossiers ont déjà été complétés comme il faut selon le protocole habituel. Demain matin, vous vous entraînerez avec les premières classes. Vous avez intérêt à être à la hauteur, et à pas trop la ramener. Surtout vous, soldat Porteflamme.
-Mais...
-Non, soldat. Vous ne direz rien. La marine tient à sa crédibilité, et entre nous, moi aussi. Les vrais héros n'en parlent pas. Tenez vous le pour dit.

Et pan, cul sec, trois pièces sur le comptoir et il s'en va sans demander son reste. La queue entre les jambes, furieux tout au fond de lui, mais serein en apparence. Je connais, je connais si bien que sur le coup, c'est limite si j'ai pas un peu de peine pour lui. Sentiment très vite balayé par un Sengo' plus que vivace qui transforme le check visuel de tout en l'heure en une danse de la joie qui manque de me refaire trois côtes dans la foulée. Mais je partage, pas sans arrières-pensées, mais je partage.

Et y'a Michel qui sort son violon, et les autres qui oublient le reste. Et faute d'en parler, on la fête, notre victoire.
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