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Tirer un trait sur son passé [FB 1624]

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Fin de la bataille de South Blue.

Une nouvelle rumeur court, glisse et craque sur les vieilles planches de l'aile est du QG. Elle s'imprègne des murmures. Depuis peu, les mousses racontent l'arrivée d'une nouvelle recrue, une vieille femme aigrie par la vie, qui porte sa casquette bien basse sur son visage. Toujours là à se lamenter d'un sourd grognement, elle fait la cuisine d'un air résigné. Elle semble complètement affaiblie et bien laide. Opulente poitrine et teint de pêche ne l'embellissent pas en ces jours qui lui semblent si tristes. Son regard mordoré est las et affaibli.

La rumeur raconte les méfaits d'une dame, ex-capitaine pirate. À la tête d'un populaire équipages de donzelles, elle aurait tenté de faire sa loi, mais son nez aurait cogné durement contre les murs escarpés de la justice. Old Crow était son pseudonyme, son image. Mais Sarah est son réel prénom. Connue pour ses colères ivres et sa tendance à la violence contre les hommes, elle était réputée pour se frotter aux gros poissons. Elle portait d'ailleurs toujours sa fille sirène sur les épaules. On ne sait d'ailleurs pas où la petite, du nom de Rosianne, peut aujourd'hui bien nager.

Old Crow était une femme fameuse pour son penchant extrême pour le saké. Elle portait d'ailleurs à la hanche une gourde géante qui lui permettait de s'abreuver constamment. Comme pour sa fille, on ne sait pas où cette gourde — à l'époque si précieuse pour elle — peut bien traîner. Sarah X. Crow semble aujourd'hui cuver bien des années de bon alcool.

Cependant, la rumeur ne raconte pas tout. Les mousses ne savent pas pourquoi une femme si dangereuse se retrouve dans un QG de marins. L'histoire est compliquée.


Tirer un trait sur son passé 1
De nouvelles têtes

Si la prison était salle et lugubre, elle ne l'était pas d'avantage que les remords qui taraudaient aujourd'hui l'esprit d'Old Crow. Menottée dans sa cellule, sous constante surveillance depuis quelques jours, on attendait le verdict de la cour de la justice. Cependant, on s'interrogeait sur le soudain mutisme de la brute, qui ne pipait mot depuis son arrestation. Une émotion étrange se dégageait d'elle, une haine empreinte de douleur ; une tristesse sans nom. Si grande qu'elle interdisait tout mouvement de révolte chez la femme-forte.
Old Crow avait du vécu. La quarantaine passée, elle venait de participer à la guerre qui avait secoué le QG marin de South Blue. Bien des têtes étaient tombées. Celle de Crow s'était retrouvée en prison, après un sale coup du destin. Au même moment, elle avait perdue espoir en la réalité et se réfugiait depuis lors dans des souvenirs ombrageux.

Une ombre se présenta devant la cage qui enfermait la corneille. L'agent du Cipher Pol toisa longtemps le marin qui gardait la porte de la cellule, attendant un quelconque garde à vous. Il ne vint jamais. Poussant un long soupir, l'agent présenta un papier. Il était mandaté par les hautes instances pour délivrer le message de la justice. Le marin ne s'écarta pas pour autant. Il patientait au garde à vous, droit comme une pique. On aurait dit une statue.
L'agent poussa un long soupir. Il ne voulait pas chipoter. Il empoigna alors son arme de service, à sa ceinture, un fusil à silex, et tira le coup unique en l'air. Aussitôt, une trombe de soldats d'élite se déversèrent dans le couloir, arme au poing.

    - Veuillez dire, monsieur, à cet hurluberlu que l'illustre Couillard souhaite discuter avec la pirate Old Crow !

Un caporal présent, qui devait servir de second de section, fit un pas à l'avant, l'air surpris.

    - Qui ça monsieur ? Il n'y a que vous, moi-même, le caporal Baka, et le soldat Poivrot, ici.

L'agent du Cipher Pol eu une moue de désarroi.

    - Et bien, monsieur, Couillard se trouve là, devant vous.
    - C'est que... Monsieur, il n'y que vous et le soldat Poivrot, et comme le soldat poivrot n'est pas le soldat Couillard...
    - Bon dieu, êtes-vous aveugle caporal ?! Lorsque Couillard parle, Couillard ordonne ! Couillard se trouve aux côtés du soldat Poivrot.
    - Désolé mon bon monsieur. Je ne reçois d'ordre que de mon commandant. Peut-être s'appelle-t-il Couillard, je ne sais pas, nous ne faisons que l'appeler Commandant, monsieur.
    - Non mais ! Couillard est là, vous regarde, vous parle. Reconnaissez Couillard, marinaux !
    - À vos ordres monsieur !

Tous les soldats présents, soit une vingtaine, imitèrent leur caporal dans un échos de claquement sec de bottes. Ainsi au garde à vous, Couillard fulminait d'être ainsi tourné au ridicule. Le soldat Poivrot, lui, avait à peine jeté un oeil à l'agent du Cipher Pol. Après un moment, Couillard demanda :

    - Bon, maintenant, Couillard veut pénétrer cette cellule, sur ordres des hautes sphères !
    - Bien sûr.
    - Qu'attendez-vous ?
    - Et bien, il faut attendre sa venue.
    - La venue de qui ?
    - Du commandant Couillard, je ne l'ai pas encore fait appelé.
    - Mais faîtes donc !

Les marins se mirent à rire en choeur et de bon coeur. Couillard, l'agent du Cipher Pol, n'y comprenait plus rien. Le soldat Poivrot n'avait pas bougé d'un iota.

    - Qu'est-ce qui vous fait ainsi rire ?
    - Je vous avais bien dit que Couillard n'était pas ici.
    - Ha... Hey ! Non ! Par la mouette ! Couillard est ici !! Couillard est ici !!!
    - Ah ? Mille pardons monsieur, je viens de comprendre...
    - Enfin...
    - ...que j'ignorais que le soldat Poivrot avait été promu commandant Couillard !
    - AAAAAHH !!!!

L'agent s'arrachait les cheveux, tremblant de tout son être. Il allait devenir fou ! C'était le QG des fous ici !
Couillard parlait toujours à la troisième personne, c'était une marque de noblesse. Peu ne le comprenait pas, c'était un style de langage très réputé chez la haute noblesse. C'était la première fois que l'agent se trouvait en présence de parfaits idiots. Il avait envi de leur coller des griefs pour non-respect de la hiérarchie. Il avait, après tout, un mandat des h...

    - Mais que ce passe-t-il ici ! Pourquoi mes hommes sont ainsi rassemblés ?!

Une voix qui résonna sur tout les murs du couloir. Les marins s'écartèrent lorsque le commandant se présenta, colérique. L'agent remercia les cieux et tous les saints-dragons célestes — qu'il voyait comme des divinités. Enfin une figure d'autorité lucide en ces lieux ! Aussitôt, Couillard présenta son mandat, hors d'haleine et furieux. Le commandant le lu lentement, ce qui enragea l'agent du Cipher Pol. Cependant, le regard qu'il jeta sur ses hommes par la suite informa Couillard qu'il venait d'avoir gain de cause. Aussitôt, les ordres fustigèrent !

    - Triple moules ! Vous ne voyez pas que ce monsieur est porteur d'un mandat ! Bandes d'incapables ! Depuis la bataille, je me retrouve qu'avec des bras cassés. Mes meilleurs hommes ont été envoyés ailleurs et il faut que je gère cette section avec ces truffions. Allez ! On se bouge ! J'veux que les souliers du monsieur soient cirés avant qu'il n'aille mangé le repas que vous lui aurez confectionné ! Ouvrez-moi cette cage, et que ça saute ! Une chaise dans la cellule ! Soignez vos uniformes ! Z'êtes laids, bande de cons !

Tous les soldats s'activèrent. Même le soldat Poivrot qui craignait d'avoir une quelconque punition, fit ce qu'on lui demande en titubant. On apporta tout ce qu'ordonna leur sergent. Dans le temps de dire Marine, l'agent Couillard était assis devant Old Crow, dans sa cellule, un repas sur les cuisses et les souliers brillants. Le soldat Poivrot avait repris sa place devant la porte de la cellule, tandis que le commandant se trouvait aux côtés de l'agent.

    - Depuis qu'elle est ici, c'est vieille corneille n'a encore rien dit. Elle passe le plus clair de son temps à roupiller. Sinon, elle pleure. Vous ne tirerez rien d'elle, elle a complètement perdu la tête. Vous devriez faire un rapport et insister pour qu'elle finisse ses jours dans l'Impel Down.
    - Couillard verra en temps et lieu. Merci mon brave. Couillard peut-il savoir le nom de celui qui a aidé Couillard à se faire comprendre ?
    - Bien sûr monsieur : Pastrik Couillard, mais appelez-moi Commandant.


Dernière édition par Old Crow le Ven 8 Fév 2013 - 0:56, édité 1 fois
    1624
    Un mois après la bataille de South Blue.
    Les interrogatoires sont terminés, les condamnations rendues. Les prisonniers pirates sont morts, ou en taule, c'est tout comme.

    La rumeur a évoluée. On sait maintenant que c'est le Commandant Couillard qui a pris sous ses ordres l'ex-pirate Old Crow. La raison reste obscure. Nul ne pose la question lorsque Old Crow passe dans les longs corridors du QG est, accompagné généralement du caporal Baka et du soldat Poivrot, ses « gardes du corps ». Après tout, depuis que Pastrik Couillard a été mobilisé sur South Blue, il jure avec l'autorité d'Hour. Son unité précaire d'homme de la future élite à la main-mise sur une bonne partie de l'aile est.
    Pourtant, la rumeur va bon train.

    Une partie dit que le Commandant voulait satisfaire une appétit lubrique avec sa nouvelle recrue aux formes galbes. Une autre raconte que Crow serait sa soeur. Une plus loufoque encore, l'ex-Walkyrie aurait été une agent infiltrée chez les flibustiers... Cette dernière est moins plausible, puisque Couillard ne traite jamais avec le Cipher Pol, agent d'infiltration par excellence.

    D'ailleurs, suite à l'opposition de l'agent CP Couillard face au recrutement du commandant Couillard, l'incident a manifestement renforcé le fait que la Marine d'Élite ne travaille jamais avec le Cipher Pol.


    Tirer un trait sur son passé 2
    Confrontation : balles contre boulets


    Pastrik Couillard s'écrasait dans son fauteuil, l'air exaspéré et vexé, derrière le bureau de sa salle d'opération, aménagée spécialement depuis un mois déjà. Il tenait à la main un papier signé d'un sceau d'un Cipher Pol. Le caporal Baka gardait la porte de l'intérieur, n'ayant jamais compris qu'il devait attendre à l'extérieur — Couillard avait abandonné de le lui inculquer depuis un moment déjà.

      - Ce couillon veut nous coller un procès pour entrave à la justice !
      - Qui ça Commandant ?
      - Ce couillon de Couillard, idiot. Suite à la décision de l'état major pour ma demande concernant Old Crow. J'lui mettrais bien une balle entre les deux yeux à celui là, qu'en pensez-vous, caporal Baka ?
      - Qui ça Commandant ?
      - Ce couillon de Couillard, imbécile !
      - J'en pense qu'il serait dommage de perdre un excellent commandant comme vous, Commandant.
      - Pas moi, triple buses, Couillard, ce bouseux du Cipher Pol ! Qui d'autres ?!
      - Mais vous, Pastrik Couillard.
      - C'est COMMANDANT !

    Il expira bruyamment, avant de devenir rouge de rage. Le caporal Baka baisse la tête, les lèvres et les fesses serrées. Il se mit au garde à vous par automatisme, attendant la sentence. L'incompétence de ses soldats exaspérait Couillard au plus haut point ! Il tâtait frénétiquement la crosse de l'une de ses armes, s'imaginant clouer Baka au mur avec une rafale de balles de différentes façons lorsque que sa pensée bifurqua sur un point plus important.

      - Dîtes moi, caporal, pourquoi ne l'accompagnez-vous dans tous les foutus recoins que pourrait bien cacher ce QG qui donne des officiers aussi pourris que vous et toute votre bande de recalés ?
      - De quoi parlez-vous ?
      - Ne faîtes pas le con, Baka.
      - Ah ! Eh bien, vous ne m'avez jamais demandé de surveiller l'agent Couillard, Commandant !
      - Pas LUI, sous-merde de caporal, LA recrue Crow, tête de piaf !!
      - Ah... Justem...

    ...ent, la voilà qui débarquait.
    Les gonds de la porte devant laquelle Baka se postait sautèrent, tandis qu'elle s'ouvrait grande ouverte, propulsant le caporal par le fait même. Une main étampée dans la petite vitre flouée de la porte, Old Crow força le passage, le pas sûr et la rage au ventre. Elle s'avança jusqu'au bureau du Commandant et écrasa son lourd poing sur le bois dur. Son visage était trempé de larmes, mais elle avait l'expression que ne laisse pas aller à la compassion.
    Le soldat Poivrot suivait comme il pouvait, le rouge aux joues, le regard vitreux. Il avait une fois de plus trop but, chose qu'il ne devait naturellement pas faire en uniforme — Couillard avait abandonné de le lui inculquer depuis un moment déjà.
    Old Crow était particulièrement resplendissante de colère, aujourd'hui.

      - Soldat Poivrot, veuillez refermez la porte je vous pris. Attendez dehors, que personne ne nous dérange. Prenez Baka avec vous, c'te chiffe-molle a encore perdu connaissance.

    Le commandant Couillard joignit ses bouts de doigts, l'air faussement pensif et compatissant au problème que lui sortirait Crow. Il s'était rapidement habitué au caractère violent de sa nouvelle recrue, ça le changeait de l'imbécillité profonde de son caporal et de l'ivresse de son meilleur matelot. Tandis que Poivrot sortait avec le caporal, Couillard présenta du menton un siège que Crow ignora, furieuse.

      - Que puis-je pour vous, aujourd'hui, recrue Crow ? Vous ai-je dit que l'uniforme Marine vous va à ravir ? Ce décolleté est peut-être un peu trop plongeant, toutefois...
      - Pastrik, salaud !
      - Toujours aussi charmante à ce que je vois.

    Couillard eut un sourire. Crow avait bien changé depuis la première qu'il l'avait vu, dans sa cellule.
    Old Crow, Sarah X. Crow de son vrai nom, avait évolué depuis le dernier mois, surtout au plan émotionnel. Bien qu'elle avait la quarantaine bien sonnée, elle gardait toujours son teint de pêche et ses formes avantageuses. D'ailleurs, ses deux plus gros arguments — après ses poings — pendaient au dessus de l'air de travail du Commandant — qu'il se gardait bien de reluquer. Son regard mordoré foudroyait le gradé mais son rond visage s'auréolait d'une épaisse chevelure brune, qui avait beaucoup poussée depuis. Old Crow la ramenait d'ailleurs à l'arrière de son crâne, à l'aide d'un très mince ruban de soie noire. Elle avait abandonnée l'habit de dévergondé rouge qu'elle portait, optant pour une chemise blanche classique, qu'elle ouvrait tout de même et nouait au dessus du ventre. Néanmoins, ces cuisses étaient couvertes par un pantalon noir. La casquette était au choix.
    Old Crow portait toujours ses getas.

    Seule sa gourde manquait.

    Crow serra le poing et ses jointures blanchirent sur le bois dur. Les larmes s'écrasaient durement. Le Commandant n'y fit pas attention et gardait toujours un calme apparent. Seules les commissures de ses lèvres sursautaient.

      - Elle est où hein ? T'as rien trouvé encore, hein ?! Qu'un salaud, Pastrik, qu'tiens pas ses promesses !
      - Recrue Crow, nous avons passé un marché. Laissez-moi vous...
      - T'vas rien faire, Pastrik ! J'vais t'buter, menteur !

    Fidèle à elle-même, Crow souleva rapidement son poing avant de le rabattre, fracassant en deux la table de travaille. Maître de la situation, Couillard était toujours assis dans sa chaise mais, au travers des débris, pointait deux canons longs sur la poitrine de Crow.

    La porte s'entrouvit, et un Commandant ? s'affola. Mais Pastrik Couillard n'avait nul besoin d'aide pour calmer une bête enragée. Comme de juste, Crow suspendit son poing dans l'espace laissé par le bureau brisé ; les canons qui frôlaient la peau de son décolleté étaient de meilleurs arguments que les siens, apparemment.

      - Écoutez-moi bien, Sarah. Je n'ai nullement envie de vous tuer ici. Et même si je ne réussissais pas, et même si vous me butiez comme vous le prétendez, je doute que cette base vous laissera repartir en paix. Vous êtes dans mes foutus quartiers où vingt gars rôdent comme l'élite. Ils ne sont p't-être que des gueux, ils écoutent p't-être pas toutes mes instructions, mais ils savent manier le sabre et recharger une balle. Alors, vous allez prendre c'putain de siège et on va discuter un peu. C'est une connerie d'ordre, recrue Sarah X. Crow !


    Old Crow obtempéra, non sans grognement et gémissement. Pastrik Couillard souleva son chapeau, replaça la mèche qui était tombée et reprit. Ses deux armes se croisaient en X sur ses cuisses. Il était assez véloce pour empoigner l'une d'elle et plomber Crow si jamais celle-ci décidait de ne pas écouter.
    Il posa une nouvelle ses phalangines en paires.

      - Le marché était clair. L'état-major y a concédé. Si vous livriez tout ce que vous sachiez sur la piraterie, que vous arrêtiez vos agissements criminels et que vous vous mettiez à mon service, nous consentions à accepter votre requête : tout faire pour que vous ayez les moyens de retrouver votre fille chérie. Cependant, vous devez respecter mes règles maintenant, j'pense que vous l'aviez oublié non ?
      » D'un, respect total de la hiérarchie. Heureusement pour vous, vous serez entraînée pour devenir un membre de l'élite. Pour vous, la hiérarchie ne voudra pas dire grand chose. Cependant, je suis votre Commandant et rien ne m'empêche de vous envoyer au pilori pour désobéissance majeure.
      » D'un point cinq, c'est : COMMANDANT !
      » D'deux, vous deviez arrêter de boire. J'ai déjà la soldat Poivrot comme boulet, j'en voulais pas deux. Néanmoins, vous tenez parole et je n'ai rien à redire sur ce point.
      » D'trois, ce décolleté est trop plongeant.
      » D'quatre, vous ne pouvez pas vous débarrasser du caporal Baka. Bien que j'ailles complètement confiance en votre parole, au vu de ce que vous vous êtes déjà privé, ça calme les soupçons quant à votre fidélité — et je n'ai plus cet imbécile dans les pattes.
      » En conclusion, je fais ma part de marché et vous faîtes la vôtre. C'est l'entente. Je tiens toujours parole.

    Crow se tortillait sur son siège. Couillard avait un malin plaisir à lui rappeler les clauses de son allégeance à la Marine.

      - Mmh (C'tout) ?
      - Oui. Vous pouvez disposer... Ah ! et oh ? Sarah ?
      - Mmh (kesse tu veux) ?!
      - Replacez et fermez la porte en sortant, je vous pris.

    Elle la claqua si forte que la poignée arracha et des stries se formèrent près de la serrure, ainsi que dans le mur. Puis la porte retomba et dévoila un Poivrot dessaoulé au garde à vous et un Baka interloqué et complètement dépassé.
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      La baie a été nettoyée ; les structures endommagées, réparées. La vie militaire a repris son cours.

      Si la rumeur a encore grandi, elle a mal grandi. Car inévitablement, Aizen Hour a été averti de la chose, et comme tout parrain qui protège son territoire, s'informa auprès de « La Chouette » des propos de mauvaises langues. La confrontation fut inévitable, et malgré l'approbation de l'état Major, dû à la frivolité des commandants d'élite, séjourner au QG devint pénible. Pastrik Couillard n'avait pas grands arguments, face à Aizen Hour.


      Tirer un trait sur son passé 3
      ACDC's Hour!

      Si Old Crow avait retrouvé des couleurs, il n'en fallait pas en dire autant de ses chiens de poches, Baka et Poivrot. Tous deux la suivaient du mieux qu'ils pouvaient, tentant de réduire au maximum les bêtises que la nouvelle recrue commettaient à longueur de journée. Pour un peu plus, on aurait crut les deux hommes d'une réelle utilité.
      Old Crow ne pouvait respecter les consignes à la lettre, c'était dans sa nature. Et bien que Pastrik lui aille interdit bien des lieux, elle les visitait tout de même, d'une totale indifférence. Pastrik Couillard était réputé pour être un instructeur de l'élite, certes, mais dès lors qu'il s'entichait du talent de ses recrues, son autorité en prenait un coup. Et c'était ce qui était arrivé, oh oui, avec Sarah.

      Old Crow n'était pas la plus merveilleuse des femmes. Son caractère de charretière, son goût pour la violence et sa grande tristesse d'avoir perdu sa fille et l'alcool la rendait plus insupportable que jamais. Bien que frappée, à n'en pas juger, d'une beauté naturelle déconcertante, qui en ferait pâlir tout prête extrémiste, sa façon garçonne d'entreprendre toute chose empêchait bien des hommes de la voir comme une femme. Dans cet environnement sans pitié que faisait régner le « parrain » Aizen Hour, Crow s'y confondait cruellement. C'était à peine si elle ne passait pas une nuit dans le dortoir des hommes, tant on ne faisait pas la différence entre ses mimiques et celle de Brutus, l'un des bons soldats du coin. Pourtant, une fois qu'elle ronflait, Old Crow semblait fragile.
      Bref, aujourd'hui était un jour sans grand changement : au lieu de passer la serpillère comme le lui avait demandé Couillard, elle avait planté le caporal Baka au bout du manche et disparut, Poivrot toujours aussi ivre sur les talons. Aujourd'hui, elle rendrait visite aux cuistots.

      De sa vie de pirate, elle gagnait sa croûte en vendant ses talents de goûteuse, juriste et critique professionnels — si elle ne pillait pas quelques méchants. De nombreux concours culinaires de faible rang aimaient bien sa présence, car la brute était sans pitié, avait le verbe gras et ne s'enquiquinait pas de démonter les participants. Ce qui ajoutait à sa classe était le fait que, sur un point technique, Crow était artistiquement plus nulle que nulle. Elle ne jugeait que sur le goût, et avait sa façon bien à elle de le faire. Ses plats ressemblaient d'ailleurs qu'à une gibelotte, une vase de saveurs. Le palais, cependant, était aux anges ! Si on fermait les yeux, qu'on n'était pas particulièrement difficile et qu'on avalait les grumeaux sans distinction, un feu d'artifices éclatait dans la bouche. C'était sa cuisine. Sa bouffe. The Mom's Nosh.
      Difficile de dire comme elle y arrivait, ainsi, à extraire le bon du beau.

      Elle poussa les portes et un vacarme de casseroles, de jurons, d'ordres se porta à ses oreilles. Un sourire étira le faciès de la belle, qui décolla à la première table de travail, y apposa son poing brusquement et gueula :

        - LA MATRONE, C'QUI ?!!

      Crow n'attendit pas longtemps. Du coin où les réfrigérateurs se dressaient, une forte carrure se dessina. « La Matrone », comme on aimait l'appeler, se présenta avec un tablier plein de farine et de graisse de porc, un torchon à la main pour s'essuyer ses grosses paluches. Un bandeau au front qui retenait ses épais cheveux poivre et sel, « La Matrone » jeta un regard méfiant vis-à-vis Old Crow, derrière ses épaisses lunettes. La dame était énorme, deux fois plus large que Crow, un peu plus en grandeur. Si ce n'était de cet épais buste mais néanmoins féminin, « La Matrone » n'aurait de femme que le nom.
      Après s'être dégraisser les pattes, elle présenta sa poigne puissante à Old Crow, qui ne se gêna pas de la lui empoigner et de contracter. L'autre fut surprise et la salutation se fit toute en force. Elles restèrent d'ailleurs un moment à se jauger ainsi, main dans la main, tandis que les cuistots et apprentis se réunissaient tout autour, et que le soldat Poivrot se mettait indéfectiblement au garde-à-vous — sans raison valable.
      Dans son cou était tatoué la mouette de la Marine, ainsi que deux couteaux de chefs, juste au dessous.

        - Moé.
        - Paraît qu't'es bonne.
        - Ouais.
        - J'fais l'prochain service.
        - Nan. On travaille pas avec l'élite, nous.
        - C'tait pas une question.
        - C'tait ma réponse.
        - J'te prends un four.
        - Nan. On travaille pas avec l'élite, qu'je t'dis.
        - Chais pas d'quoi tu parles, t'façon.
        - ...

      Crow dépassa « La Matrone » et s'installa à une aire de travaille libre — elles le semblaient toutes, puisqu'on s'écartait devant Old Crow, ne sachant pas trop ce qu'elle cherchait. « La Matrone » resta de marbre et ne fit que croiser les bras.

        - Y'aura du canard au menu, c'soir.
        - Ouais. Pis du rat d'égout.

      La colosse se retourna et du même mouvement, balança un grand coude sur Old Crow. D'une paume, la brute tenta de parer mais recula néanmoins sous l'impact. Déconcertée, Crow ne vit pas venir le second coup qui l'envoya encore plus creux dans la cuisine. Elle en avait le souffle coupé !
      Il y avait un moment déjà qu'elle s'était bien battue... Elle avait, aussi impossible que cela puisse paraître, perdu le poing.
      « La Matrone » chargea de nouveau, ses cuistots s'écartant à son passage, tout comme à celui de Crow qui reculait d'un pas sauté. De son énorme poing, la colosse tenta de frapper Sarah à la tête, qui évita d'une légère flexion des genoux, pour passer sous. Elle en profita d'ailleurs pour agripper son poignet, faire glisser un pas à l'intérieur de la garde de son adversaire et de porter l'énorme bras velu à son épaule. D'un souffle digne d'un taureau qui charge, Old Crow tenta la projection !

      « La Matrone » resta tout bonnement en place, trop lourde. Crow n'y comprenait rien.

        - J'aime pas les cafards qui grouillent dans ma cuisine.

      Elle le dit sur un ton neutre, tout en sortant de nul part un couperet qu'elle souleva bien haut. Au même moment, son autre main, celle qui était au-dessus de l'épaule d'Old Crow, s'ouvrit et se referma sur elle. Crow était considérablement vulnérable. « La Matrone » abaissa son couperet géant.

        - Il suffit.

      Un ordre dit d'une voix forte et surprenante qui provenait des portes de la cuisine. La colosse interrompit son mouvement, à quelques centimètres de Crow. Elle la lâcha même, se mettant rapidement au garde à vous, comme toutes les personnes présentes, d'ailleurs. Aizen Hour s'avança, suivit de ses inséparables subalternes.

        - Hinamori, lorsque j'aurai besoin de vos services de tueuse, je vous ferai signe. Pour l'instant, contentez-vous de me servir mes trois repas par jour.
        - ... Commandant Hour, je...
        - Isolement pour les vingt-quatre prochaines heures. Si mes repas baissent en qualité, la semaine sera longue pour vous.
        - C'qui c'con ?
        - Glups. Bien commandant Hour !
        - Tu dois être Old Crow, la pirate.
        - D'quoi j'me mêle ?!

      Un silence froid se fit. « La Matrone » suait à grosse goutte. Crow avait un air bourru sur la face. Hour étirait un sourire sadique.

        - Tu n'es peut-être pas sous mes ordres, mais j'ai autant de pouvoir sur toi que sur une chienne, pirate. Pour toi, la punition sera le jugement.

      Hour sortit son arme. Old Crow, plus rapide, se lança contre lui. Elle ne le connaissait pas, c'était suffisant pour se protéger de la balle qu'il risquait de lui planter en plein coeur. Cependant, deux ombres lui barrèrent le chemin. Immédiatement, Old Crow sentit une vive douleur à la taille suivi d'un puissant coup qui l'envoya valser contre le mur. À peine avait-elle eut temps de ciller, que déjà, on l'avait entaillé au ventre et que son épaule était déboîtée. La riposte avait été déboussolante et imprévisible. Aaacé et Décey devant leur maître, comme les chiens fidèles qu'ils étaient.
      Aizen Hour réajusta son tir, prenant soin de bien viser la tête. Les larmes commencèrent à couler sur les joues roses de Crow, sans qu'elle ne puisse comprendre pourquoi, car elle avait une telle expression de fureur sur ses traits qu'elle n'aurait pas crut cela possible.
      Aizen Hour posa son doigt sur la gâchette. Il était un sniper d'excellence. La mort serait rapide et sans bavure. Puis, au dernier moment, il visa la cuisse et tira. La balle se ficha dans la jambe de Crow qui poussa un cri de rage, de peur, de douleur !

        - Cette fois, je vise la tête.

      Un second tir. L'arme d'Aizen revola. Le commandant se retourna, tout comme ses subalternes. À travers les portes de la cuisine battantes, l'ombre de Pastrik Couillard, un fusil long à l'épaule, un oeil fermé. L'image fut brève car déjà, l'autre commandant jeta son arme au caporal Baka — là pour la classe du moment — et s'approcha, visiblement furieux.

        - AIZEN !! QUE PENSES-TU FAIRE LÀ ?!! CETTE RECRUE EST SOUS MON COMMANDEMENT !!
        - « La Chouette »... Vous êtes dans ma base. VOUS êtes sous MON commandement.
        - Ne joue pas à ça avec moi, connard... Tu sais très bien que..
        - Depuis quand utilisez-vous la hiérarchie pour vous défendre, Commandant ?
        - Va chier Aizen. Si tu veux jouer à ça...
        - Jouer à quoi, Commandant ? À ça ?

      D'un signe de tête de Aaacé et Décey, les cuistots présents montraient les dents, non sans trembler.

        - Je me répète : vous êtes dans ma base.
        - ...
        - Je vous conseille de prendre la mer ce soir, Commandant.
        - ...

      Aizen s'en fut. Le soldat Poivrot et le caporal Baka baissèrent des yeux à sa venue.
      Pastrik se précipita sur Crow et posa une main sur la blessure. Old Crow ragea et foutu une claque au commandant.
      Les jurons volèrent de la bouche de Couillard !

        - CAPORAL BAKA !! FAÎTES APPAREILLER LE NAVIRE, J'VEUX QUE VOS TRUFFIONS D'HOMMES S'BOUGENT L'CUL POUR MOUILLER CE SOIR !!

      Il ne se fit pas prier et déguerpis, sans même se demander s'il avait bien compris.

        - SOLDAT POIVROT, venez par ici et transporter Crow jusqu'à ma cabine. TOI !! L'COOK !! Tu vas allez m'chercher l'médoc du coin !
        - Mais...
        - PLUS VITE QU'ÇA, DUCON, SINON J'TE COLLE UN GRIEF POUR INSUBORDINATION !!
        - Gulps!
        - Putain, Crow, j't'avais dit d'te tenir à carreau...