Un homme et ses démons

Grey Terminal, les bas-fonds de l’île de Goa, royaume des rois et des nobles. Kaze se trouvait sur l’île depuis déjà plusieurs jours. On lui avait promis une mission d’haute importance mais il avait raté malgré lui cette occasion de combattre pour la Marine. Mais surtout celle de tuer. Il attendait désormais d’être affecter vers une autre île requérant l’aide du marine d’élite qu’il était.

Malgré toute la population de Grey Terminal, il se sentait étrangement seul dans cette décharge humaine. Le crime et la mort était omniprésent dans ce lieu qui avait attiré Kaze en dehors de son environnement. Depuis maintenant trois heures, il errait dans les ruelles sombres et crasseuses du terminal avec une raison qui lui échappait encore. Les gens qui croisaient sont chemin s’écartaient aussitôt devinant sa caste, qui contrastait visiblement avec celle de ce milieu. Il se passait quelque chose en lui qu’il essayait de comprendre et cette chose grandissait de plus en plus. L’envie de tuer semblait être l’étincelle qui avait allumé ce brasier intérieur mais pourquoi. Ce n’était point la première fois que celle-ci le tenaillait et il l’avait écouté à plusieurs reprises lors de ses missions mais cette fois, elle semblait plus forte, plus envahissante. Lorsqu’il tuait, son sadisme se limitait à quelques gestes sanglants mais aujourd’hui, parmi ces pauvres gens, cet appétit semblait sans borne. L’encadrement de la Marine n’avait pas d’emprise sur lui en ces lieux. Malgré tout le respect qu’il vouait à la Marine, il allait flancher en cette journée et il ne pourrait respecter les règles.

Perdu dans ces réflexions, il n’avait aucunement remarqué que le soleil commençait à se coucher au-dessus des abris de tôles du Terminal. Il n’avait pas non plus remarqué l’homme qui le suivait depuis quelques instants. L’homme semblait décidé à dépouiller Kaze dès que la noirceur aurait enveloppé le quartier. Cela ne tardait pas et c’est à cet instant que Kaze réalisa qu’il n’avait aucune idée de l’endroit où il se trouvait. Il n’avait fait que marcher, emplis de ses démons intérieurs prêtent à le dévorer. Maintenant que la nuit était tombée, il allait galérer pour retourner à la petite auberge où il avait élu son domicile temporaire.

C’était ce moment qu’attendait l’attaquant. Il s’élança vers Kaze, couteau à la main prête à le mettre en pièce. Un marine n’était pas la bienvenue à ses yeux et il allait le lui montrer. Il s’apprêtait à lui enfoncer son arme dans le dos lorsque celui-ci se retourna et l’aperçut. Malheureusement pour lui le temps de réaction de Kaze était légèrement plus rapide que la moyenne et ne fit qu’esquiver le coup. Déconcerté, l’homme rechargea le plus rapidement possible vers Kaze. Cela lui fut fatal car son couteau se retourna contre lui en un instant et il se fit tailladé le ventre. L’homme tomba sur le sol qui commençait déjà à prendre une légère teinte rougeâtre et entendit Kaze se pencher au-dessus de lui. Toute cette violence contenue le déchirait de l’intérieur. Elle voulait sortir et elle avait trouvé le meilleur des prétextes. Un tic parcouru son visage et il ne put réprimer un sourire de dément se dessiner sur ses lèvres.

Il murmura à l’oreille de son attaquant gisant au sol : «As-tu peur de la mort ?»

    Il prit son prisonnier par le pied et entreprit de trouver un lieu tranquille où il pourrait exercer sa justice. Il le traîna au sol sans considération pour les déchets qui y jonchaient et la blessure de l’homme. Les gémissements passèrent inaperçus dans cet endroit et ils ne se stoppèrent que lorsque Kaze trouva l’endroit idéal pour calmer ses envies. Il avait marché dans le dédale de rues tortueuses jusqu’à ce qu’il trouve une cabane visiblement non-occupée. Les murs étaient construits avec un ramassis de brique provenant de différentes maisons et semblaient tenir en place comme par magie. Ce qui ressemblait le plus à une fenêtre n’était qu’un espace vide entre deux briques où l’on avait glissé une barre de fer pour soutenir le mur. Il n’y avait comme porte qu’une grossière plaque de tôle, qu’il put aisément la défoncer à l’aide d’Un coup de pied. En entrant, à l’intérieur, la tête du mécréant heurta la brique lui affligeant une blessure sur la tempe d’où un filet de sang s’écoula. Ses vêtements étaient couverts de saletés et de sang. La maison semblait déserte, le propriétaire devait probablement se trouver dans un bordel ou une taverne des plus miteuses. La cuisine semblait être la pièce principale de l’étage malgré ses modestes dimensions. Au centre trônait une table où la moisissure avait élue domicile et autour se trouvait des chaises branlantes. Cela paraissait la meilleure place pour commencer la punition. Kaze plaça son nouvel ami sur la table et entreprit de l’immobiliser afin qu’il puisse profiter au maximum de cette expérience.

    Son patient se décida à parler et demanda à Kaze : « S’il vous plaît ne me tuer pas !

    -Laissez-moi deviner vous avez une femme et des enfants ? Haha vous devez battre votre douce et forcer vos jeunes à voler !

    -Êtes-vous l’un de ses médecins fous qui torturent les gens ?», bégaya l’autre.

    Kaze s’approcha de son oreille et lui murmura d’une voix à peine audible :
    « Malheureusement je ne suis pas médecin…»

    L’homme le regarda les yeux exorbités tentant de répondre mais il n’en n’eut pas le temps car une chaise vola en éclat sur le mur à proximité. D’une fragilité prévisible, celle-ci n’avait opposé aucune résistance au mur même s’il était d’une construction douteuse. Le fracas qu’avait occasionné la collision était secondaire car bientôt on n’entendrait plus que les délires d’un homme parmi tant d’autre dans ce dépotoir humain. L’une des pattes de chaise devait servir à obstruer la bouche tandis que le reste pourrait être réutilisé à des fins moins pratiques. Tout en plaçant le bois, il mit la main dans la poche du pantalon de son cobaye.

    « Voyons ce que nous cache notre ami ? Heum ne serait-ce pas là un joli briquet, mais où sont tes cigarettes ? Ah il ne te sera d’aucune utilité, laisse-moi en disposer.»

    Kaze observe l’intérieur de la pièce et y découvrit une lampe à huile et s’exclama : « Je ne voudrais pas travailler dans le noir. Du moins pas pour le moment

    Il récupéra la lame qu’il avait glissée dans l’une des poches de son veston et entreprit de la chauffer à l'aide du briquet qu’il avait récupérer. Il se dévêtit de son chapeau ainsi que de son veston qu’il déposa au sol.

    « Je ne voudrais pas salir mes habits avec ton sang, je ne m’en remettrais jamais. Dans la marine d’élite, on nous apprend à bien se comporter, à éliminer notre cible avec efficacité. Mais ce soir, les règles ne sont plus à l’honneur. Le vice dépasse l’homme et l’autorité et rien ne l’arrête. Il s’immisce dans chaque personne et attend son heure de gloire où il pourra finalement se révéler aux yeux des autres. Depuis ma jeunesse, ce vice a grandi en moi, je croyais qu’en joignant la Marine, l’encadrement me sauverais mais j’avais tords ! Rien ne peut te sauver lorsque tu es compromis de l’intérieur. Toutefois il m’est possible d’obtenir ma rédemption. Ce quartier n’est que pourriture et personne ne semble vouloir changer les choses. Mais moi je serai votre sauveur, l’homme qui fera couler le sang de ses semblables au nom de la Justice! Nul n’y échappera mais mon message doit être répandu dans cette ville. »

    Dès que Kaze eut fini de parler il vint éteindre la lampe qu’il avait allumé quelques minutes plus tôt, plongeant la maison dans obscurité. Toutefois, seule a lumière émit par la lame, désormais rouge dans les mains de Kaze suffit à son patient pour voir une dernière fois les yeux d’un homme dément maintenant tombé dans les ténèbres.

    Un hurlement déchira la pénombre nocturne. Un nouveau mal hantait désormais Grey Terminal.