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Banquet sur banquette. [Fin 1622]

Rappel du premier message :

Paumé, j’l’ai paumé.



Deux mois qu’je suis dessus. Les primes au dessus de quinze millions j’en fais pas tous les matins. Alors un qui s’approche d’la vingtaine, faut bien préparer son coup pour pas s’faire dégommer le premier.
Le topo c’est qu’y s’appelle Zood. Apparence de buffle et méga propension à bouffer d’la cuisine traditionnelle venue toute droit de la jolie ville de Psychopatia. Y croque les bonnes gens ouais, sans honte, sans ressenti, sans rien. Les vrais Lecter détraqués comme ça, j’peux pas dire qu’ce sont mes cibles favorites. Mais au delà du besoin d’picoler jour après jour, en ce mois de novembre 1622 j’ai bien envie d’me poser un moment, sans être obligé d’courir pour un morceau de pain dur et froid.

Ma piste s’est donc arrêtée près d’un restau franchement attractif. Le Baratie qu’y s’appelle. J’étais venu y manger quand j’étais plus petit et qu’je faisais partie d’une famille pétée de thune. Mais c’était y’a un moment déjà.
Maintenant j’ai pas un rond et je me traîne tant bien que mal en portant c’nom si con mais si pratique : Jay Die.

Étant donné que mes derniers informateurs, y’en a pas des masses, m’ont assuré qu’il viendrait par ici, je me suis bougé les miches pour rappliquer en vitesse. Mais pas de trace du maître mangeur, juste quelques touristes férus de gastronomie et quelques coqs férus de castagne. N’a pas changé cet endroit.
Me voilà donc à l’entrée, regardant le ciel d’un air hagard alors qu’un jeune homme blond tout de noir vêtu m’pose pour la troisième fois la question.


« À quel nom dois-je regarder pour la réservation ?

- Die, Jay Die. »



J’sais même pas si j’ai assez pour payer la plâtrée que je vais m’envoyer. Mais pour une fois que je peux me détendre, je vais pas cracher dans la soupe, même si elle est dégueulasse.


« Alors en entrée je vous conseille notre salade gersoise nappée d’un... »


Alors qu’on me déblatère à vitesse grand v le nom imprononçable de c’qui s’apparente à deux feuilles de mâche, je laisse mes yeux se poser tout autour d’moi. Y’a deux trois marines qui sont là ouais. Même des pirates. Pour l’instant pas de grabuge, tout le monde cohabite en paix, y’a pas l’air d’avoir de grosses pointures dans l’lot. Mais qui sait, suffit souvent d’une simple goutte...

Alors que j’attaque la triple estafilade de colin servie avec son pédoncule assorti et son réceptacle adjacent, j’remarque un type pas loin de l’entrée qui vient d’récupérer le courrier. Et dedans, des nouvelles affiches de mise à prix. Y’a encore du boulot apparemment.
J’lui fais signe (Hé enfoiré !) de venir me rejoindre et j’lui demande s’y peut me prêter deux minutes la page des sports.


« Tu peux me prêter deux minutes la page des sports ?

- La page des sports monsieur ?

- File moi ces mises à prix, à ne pas la comprendre tu fous en l’air ma blague. »



Je reconnais quelques têtes, certains atteignent même la dizaine de millions à présent, intéressant.


« Bleuargh. »


Je m’étouffe presque avec ma pina gluada alors qu’j’ai sous les yeux une gueule que je cherche à voir en vrai depuis perpette. Quarante-neuf millions ? Oh l’enculé, l’a pas passé son temps à coudre pendant que j’lui filais au train. J’suis pas forcément le type le plus impressionnable parmi mon genre de racaille mais quand même à ce prix là, me prend l’hésitation de l’homme qui s’demande s’y s’attaque pas à trop gros.

Alors que j’ai rendu tout l’bazar et que je suis à nouveau solitaire, une pensée me frappe. Je suis en train de douter là ? Ma résolution vaudrait-elle pas mieux qu’un chiffre sur un parchemin décrépi ? Marisa me laisserait sans soute pas être si faible. Mais Marisa ça fait un moment qu’elle peut plus me foutre de gifle. J’regarde mon flingue, dernier vestige d’un ange déchu, et j’reprends une gorgée.
Bon, on verra bien si je continuerai à le suivre. De toute façon j’suis pas pressé notre rencontre c’est pas pour tout de suite.


BOUM


Ça c’est le bruit d’un boulet d’canon qui frappe la devanture. Au loin, derrière la vitre panoramique on peut distinguer un navire qui se rapproche. Avec un pavillon spécial.

Banquet sur banquette. [Fin 1622] - Page 2 Pavill10

Putain, l’seul moment où j’voulais être tranquille. J’commence à être pressé tout d’un coup, et j’prépare un sourire enchanteur pour accueillir un superbe invité. D’ici peu, y’a des chances que j’ai plus de gencives viables, autant en profiter.
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On dit souvent qu’avant de mourir on voit toute sa vie défiler devant ses yeux. Que pendant les fractions de secondes qui précèdent le départ vers la grande prairie ensoleillée, on se remémore à vitesse grand V pour vendetta toutes nos actions passées. Une sorte d’avance rapide sur un lecteur DVD de mauvaise qualité. Ben moi, la seule chose que je vois, c’est cette putain de grenade qui roule! Et bordel elle est pas du tout rapide, on a plutôt l’impression que sa petite course dure une éternité, que le temps s’étire juste avant de se craqueler et de nous emporter joyeusement.

J’ai toujours dit que les musiciens étaient des gros cons. Non pas que la musique m’intéresse pas entendons-nous bien. Mais sérieusement, quelqu’un s’est déjà penché sur le rictus saugrenu que chacun d’entre eux a quand il décide de nous balancer un sforzando ? Ouais, sale gueule qui démystifie tout, bien pour ça que je préfère entendre les mélopées sur un dial ou dans la pénombre. C’qui ne semble pas humain paraît bien plus puissant, bien plus profond, bien plus agréable.

Et là le saxophoniste nous sort un vrai massacre. Pas vraiment de fausses notes, non, mais en célébrant notre prétendue victoire il est en train de jouir sa visagéité, ce qui est franchement trop obscène pour mes yeux grisonnants. Petite ironie, mon nouveau meilleur copain a l’air d’en chier encore plus que moi.
Il est brave dans le fond ce Julius. Je sais bien qu’y s’appelle pas Julius mais trop tard il est baptisé. Dans ses paroles, dans sa manière et dans les valeurs qu’il a pu montrer pendant le combat, je sens au fond de lui qu’il pourrait me ressembler. Ce gars là, ça aurait pu être moi si j’avais encore une âme. C’est touchant et frustrant à la fois, et je sais pas s’il est heureux dans sa vie mais se comparer à certains c’est toujours cocasse.

Y’a peu de types que j’apprécie. Je les déteste pas mais en général mon attention est pas au rendez vous. Ben lui, même si je le revois jamais, il aura quand même titillé un p’tit peu mon ébauche de curiosité.


« Relève toi mec. Le sol c’est pour les morts ou les faibles. »


Que je lui sors en lui tendant la main. Ouais j’ai réussi à me relever, me demandez pas comment. J’ai à moitié raison quand je dis ça. Je suis faible à l’intérieur, je le sais bien, mais rester immobile c’est finir par mourir. D’ennui ou d’autre chose. Et je peux pas faire ça, lui non plus, mérite un tantinet mieux.

Et le bras que je tends se transforme en une poignée de mains brève mais quand même chaleureuse. Disons la plus chaleureuse possible venant d’un ours et d’un loup.

Le Zood est à terre, inconscient. Il était costaud l’animal. Prêt à crever plutôt qu’à se faire arrêter. Hum, le tuer maintenant serait si simple et ferait du bien à tellement de monde. Mais au delà du fait qu’y’ait des témoins, les meurtres de sang froid c’est pas mon fort. Trop gentil, pas assez solide, désintéressé, on peut me faire la morale mais c’est un truc qui a pas trop changé depuis que je me suis mis à rechercher des primes. Ça va faire un sacré paquet d’ailleurs, y z’ont intérêt à me laisser ma part.






« HEIN ? »



Trente millions pour réparer le restau ? Y se foutent de nous là ? Ça nous en laisse même pas quinze chacun. Ah la vie est une pute. Et alors que quelques heures plus tard je prépare mon baluchon et que je me demande comment je vais réparer mes os brisés, je me tourne vers le dirlo qu’a une bonne tête à s’appeler Zeffy, puis vers Jul et j’ose.



« On avait pas fini le repas. Mettez nous ce que vous avez de mieux, et des chambres. Vous mettrez ça sur l’ardoise du restau. »




Attends quand même, on a sauvé le peuple et on partirait sans s’en foutre plein la gueule ? Teuh teuh teuh, ce soir on se fait un banquet, cette nuit on dort pas sur une banquette, foi de Thorgal. Le Jul me regarde en essayant de sourire, jolie chute pas vrai ?
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