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[B]lood on Blood.

Nous nous sommes faits une promesse
que seuls les frères comprennent.

« On arrive bientôt ! »

Harry hocha la tête, remerciant le vieil homme qui avait accepté de les conduire. Il tourna ensuite le regard vers sa fille, la petite rousse assise à ses côtés qui n’avait pas lâché un mot depuis leur départ. C’était une gamine d’apparence comme les autres, un peu plus silencieuse que la moyenne, plus fermée que la plus part des gosses de son âge. Lilou leva le nez au ciel, un peu agacée. Du haut de ses neuf ans, de son mètre quinze, elle en imposait. Son regard froid et ferme, son air dur, sa mine impassible : Elle inspirait un certain respect, selon, une certaine crainte. A raison, parce qu’elle était impressionnante. Son enfance, sa vision, ses paroles. Tout en elle était unique, saisissant, souvent biaisé.
Le vieux lui fit un sourire qu’elle lui rendit à peine. Elle n’avait pas l’air d’humeur, pas franchement emballée d’avoir perdu sa matinée pour aller dans un endroit dont elle ne connaissait rien. Il l’avait senti parce qu’elle avait eu du mal à sortir de son lit, parce qu’elle voulait emmener son canard de compagnie et qu’il lui avait refusé, parce qu’elle avait tiré la tronche durant tout le trajet sans lâcher un mot. Ni bonjour, ni merci, ni merde. Rien. Juste rien.

La mer à perte de vie, rien à l’horizon. La chaleur aussi lourde que du plomb sur les épaules. Elle poussa un long soupire qui en disait long sur ce qu’elle pensait : sortir, visiter, voyager, ce n’était pas son fort. Pas pour aujourd’hui. Comme tout le temps. Elle avait toujours du mal à quitter le hangar. L’habitude. Ou le manque d’habitude. Il y avait une sorte d’appréhension, de peur, à l’idée de quitter des terres qu’elle connaissait par cœur. L’impatience, l’ennui, le désintérêt, tout cela s’ajoutaient au fait qu’elle n’était résolument pas levée du bon pied. Son regard noir, son nez froncé, le faisait comprendre à quiconque osait croiser ses yeux noisette.
Dans les faits, elle ne savait pas elle-même ce qui la mettait dans un tel état : Tout simplement la peur de la rencontre à venir, parce qu’il n’était pas d’usage qu’elle se déplace pour aider son père adoptif. Ou encore, la question sur le travail à fournir. Le manque d’information sur ce qui les attendait. Les mystères autour de l’affaire pour laquelle on les avait appelés… S’ajoutant à cela l’absence notable de Bee, qu’Harry avait préféré laisser sur l’île pour éviter de potentiels soucis (sans forcément que cela ne soit justifié aux yeux d’une gamine qui ne faisait pas un pas sans lui)… Bref. Trop de choses.


« Un sourire ne serait pas de refus !
- Mh. »

Rapide, vague, faux. Tout ce qu’Harry obtint pour ce sourire désiré se résumait à ça. Rien de bien fameux, mais il en avait l’habitude. Arracher un sourire à cette gamine, c’était une épreuve quotidienne, autant pour lui que pour elle, très certainement. Lui arracher un mot, c’était une histoire pire encore, il savait pourtant qu’il y avait du progrès, qu’elle parlait, même si c’était plus souvent pour être cassante, froid, trop franche. Lilou disait ce qu’elle pensait, sans savoir si c’était bien ou non, recommandé ou pas. Ce qui lui passait par la tête et qui lui restait aux bords des lèvres devaient sortir, qu’importait. Ça faisait fuir. Ça ne plaisait pas. Surtout pas aux autres enfants de son âge qui la trouvaient toujours trop dure. Instinctivement, elle l’était. Parce qu’elle savait ce qui faisait vraiment mal, trouvant rapidement la douleur ou la peine des autres dérisoires, sur jouée, voire inexistante. Son échelle de tolérance était haute, plus haute que pour tous les autres gamins de sa trempe. A raison, malheureusement.



« On se retrouve ici ce soir !
- A tout à l’heure ! »

Ils prirent le pas jusqu’à la route pavé. L’adresse griffonnait sur un bout de papier, la caisse à outil et l’équipement principal en main, les deux avançaient calmement, sans se presser, parce que le rendez-vous n’était pas pour tout de suite, et qu’ils avaient largement le temps de trainer. Surtout de discuter. De voir ce qui fâchait tant la jeune fille. Harry prit les devant sur la conversation, essayant de se faire souple. Avec elle, il n’avait jamais été autoritaire ou en colère, jamais méchant, jamais agressif, jamais exigeant. Il obtenait ce qu’il voulait avec douceur, toujours. Il voulait l’habituer à un environnement plus paisible, plus propice à une évolution stable. Ça s’annonçait difficile…

« Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
- Pas envie d’être là.
- Pourquoi ?
- Comprends pas pourquoi on doit venir jusqu’à ce monsieur. Il ne peut pas se déplacer ?
- Peut-être qu’il n’a pas assez d’argent pour ça.
- Mais il en a pour nous faire venir. Je n’aime pas trop. Personne n’est assez important pour forcer d’autres gens à se plier à sa volonté.
- Hahahaha. C’est une jolie philosophie.
- C’est ce que disait Yumen. Yumen ne faisait que ce qu’il voulait. Et si quelqu’un n’était pas content, il lui pétait la gueule.
- Lilou, ne dis pas de grossièretés…
- Pardon… »

Il poussa un long soupir. Ce Yumen, il n’en entendait parler qu’aux détours de certains échanges entre eux. Et ce type, il ne le sentait pas. Parce qu’il n’avait pas l’air d’un gars respectable et parce qu’il avait fait suffisamment de dégât sur un esprit aussi jeune. Elle ne l’évoquait qu’occasionnellement, mais on remarquait qu’il avait sa marque sur elle, une vilaine cicatrice qui était encore douloureuse, ouverte et qui pullulait.



« Monsieur Jacob, ravi de votre arrivée. »

Un grand homme les accueillit. Massif, imposant, fortuné. Ils avaient franchis le jardin, le portail, les allées bien taillées et entretenues. Pas à dire, l’endroit affichait les biens de cette famille. Lilou jeta un regard à son père, un regard qui disait « ah oui ? Pas les moyens… hein… » qu’il lui rendit avec plus de gêne. L’homme posa ses yeux sur la rouquine, méprisant à son égard. Lilou remarqua la présence d’une femme derrière eux, un peu chétive et d’apparence fragile, qui avait une gamine dans ses jupons. Pas plus de six ans, brune, mignonne comme tout.

« Votre… fille pourra aller jouer dans le jardin…
- Mh, très bien. Lilou, tu as entendu.
- Putain.
- Ne sois pas grossière !
- … Pardon. »

Elle se retourna, boudeuse, prenant le pas vers la porte massive pour retourner dans les allées.

« Mes serviteurs lui apporteront de quoi se rafraichir… Suivez-moi, Monsieur Jacob. »



Elle s’allongea dans l’herbe, ayant échappé à la surveillance des serviteurs. Elle poussa un long soupir en s’étendant sur la pelouse verte. Une pelouse plus verte que partout ailleurs parce que plus nourri à l’argent du coin. Un autre soupir, elle n’aimait pas l’endroit. Le manoir suait l’hypocrisie et le mépris par tous les pores. Elle repensa à cette gamine qu’elle avait vue tantôt, au rictus malveillant de son probable père et propriétaire des lieux, assez pour savoir que cet homme n’aimait visiblement pas les enfants, en tout cas, pas ceux des autres.

Elle ne l’aimait pas non plus.

Triturant un brin d’herbe, Lilou passa son bras derrière sa tête et ferma les yeux. Et puis, d’une voix forte, froide mais qui se voulait amusée, elle lança :


« Sors de là, je t’ai vu. »

Elle leva les yeux vers le buisson au coin, un petit sourire sur les lèvres, à l’adresse de la brunette du six ans qu’elle avait vu tantôt.
Et l’air de dire « j’en ai pas l’air, comme ça, mais je ne mords pas. »
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