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Une balle, un destin

"Blblblblblbl!"

Ne faites pas attention, il n'y a là que le bruit de lèvres tentant d'échapper au froid omniprésent. D'où proviennent-elles? Qu'en sais-je... Ce n'est pas comme si retrouver des lèvres dans l'enfer blanc de Tequila Wolf était une tache aisée. Le climat se vengeait surement d'un quelconque affront, car pourquoi s'acharnerait-il à rendre cette pluie de coton si épaisse? Quoiqu'il en soit, mes yeux d'experts purent discerner les pas de cet homme, et quand bien même les traces étaient inlassablement balayées par le vent, lui continuait sa marche.
Les marques laissées sur la neige ne pouvait-être l'office que de bottes épaisses, même si même sans ce piètre indice, on aurait pu deviner que monsieur ne se promenait pas pieds nus dans un froid pareil. Un long manteau verdâtre le recouvrait, tandis qu'un masque siégeait sur son crâne. Ses mains gantées accrochées aux hanses de son sac à dos lui donnait un air d'écolier, si l'on omet l'allure militaire dont il s'affublait. S'asseyant un instant sous la prolongation d'un toit, il sorti un parchemin de sa poche, entamant tant bien que mal une lecture pourtant fastidieuse.

"Facile à dire..."

Oui, en apparence, la mission qu'on lui avait confié semblait d'une simplicité insultante. "Éliminer Epi Nard, un maître de chantier un peu trop curieux" qu'ils disaient. Pour un tireur d'élite digne de ce nom, la mort d'un homme relevait du banal, tant est, évidemment, que la cible ne sorte pas du commun. Toutefois, essayez de viser dans une putain de tempête de neige! Relativement énervé par le foutage de gueule de ce cher atmosphère, le Révolutionnaire froissa abondamment la lettre avant de la remettre dans sa poche. Tant pis, il devra trouver une autre solution.
Alors qu'il marchait depuis trop de temps déjà dans cette rue qui n'en finissait pas, des bruits d'éternuements attirèrent son attention, et en félon il s'approcha à pas de loups, posant sans avis préalables sa main sur l'épaule du jeune enfant copieusement habillé.


"Hum Salut petit, ça va?
-Bonjour m'sieur, oui m'sieur.
-Eh...ouai, c'est normal que tu sois tout seul dehors par un temps pareil?
-Oui m'sieur?
-OUI?! Mais qu'est-ce que tu fous dehors?
-Rien m'sieur.
-Comment ça rien...Tu te foutrais pas un peu de ma gueule?
-Pas du tout m'sieur.

Silence scénaristique lors duquel notre sniper hésita à abattre la crosse de son arme sur la tête de l'autre protagoniste, sauf qu'au dernier moment il se souvint que ce n'était qu'un enfant, aussi décidât-il de retenir son geste, mais d'en finir au plus vite avec cette conversation.


"Bon écoute tu ne saurais pas où se trouve le chef de chantier responsable de ce secteur?
-Hum...Oui m'sieur.
-Ah...combien font 3+6?
-Non m'sieur!
-C'est bien ce que j'pensais..."

Estimant sans doute que sa patience avait surement suffisamment été mise à l'épreuve, Vin attrapa le garnement par le col, lui lançant un "Let's go" qui, de par son ton relativement énervé, ne donna pas lieux à d'autres interprétations que "Conduit moi à ce foutu chef de chantier ou je te fais bouffer ton écharpe." D'ailleurs, étrangement, le jeune se retint de sortir un énième -Oui monsieur-, sans doute trop préoccuper par son avenir.

Quelques dizaines de minutes plus tard, l'étrange couple se retrouva en face d'un bâtiment que j'aurais bien aimé vous décrire sauf que... la neige ambiante n'aidant pas, il ne ressemblait actuellement qu'à un grand immeuble blanc, dont, ci et là, des lumières jaillissaient malgré la mélasse ambiante. S'avançant d'un pas calme et assuré vers ces messieurs de la porte d'entrée, Vin attrapa, encore une fois, le gamin par le col et le présenta aux deux hommes.


"Salut les gens! Je l'ai trouvé dans la neige en train de faire je ne sais quelles magouilles, aussi j'ai pensé à le ramener ici... c'est bien le dortoir des mioches ici non?"

Ne laissant pas le temps aux compères de s'en remettre de leur surprise, je fis passer ma main gauche sur l'épaule du jeune homme, et le poussant vivement à l'écart du combat, de cette même main j'attrapai la tête d'un garde et la fracassa violemment vers le mur qui se trouvait juste derrière lui. N'ayant évidemment pas le temps d'une danse de la victoire, je dégainai mon fusil de poing, le pointant sans délicatesse au milieu des yeux, dissuadant ainsi l'autre sir à une quelconques actions belliqueuses. Non, je n'allai pas le tuer, car déjà à cette distance j'aurais du sang dans la figure, mais en plus ça ferait de tristes souvenirs pour le petit. M'approchant de lui, le sourire aux lèvres, je fis mine de lui murmurer quelque chose, lorsque ma main s’abattit violemment sur sa nuque, l'envoya pour un long moment au pays des rêves.

"Bon écoute, je vais être claire et concis."

Son instinct de survie n'étant pas défaillant, le petit eu vite fait de prendre la fuite, si bien que je retrouvai en tête à tête avec celui dont la tête avait embrasser le mur, l'arme de son "amis" pointée vers lui, et ma voix douce comme réponse à ses éventuels doutes.

"Je me suis permis d'emprunter l'arme de ton pote, vu qu'en ce moment il ne doit pas trop en avoir besoin. Ceci dit j'aimerais que tu te démerdes pour appeler le chef de chantier chargé de ce secteur, et il vaudrait mieux pour toi qu'il vienne seul. Je rapprochai le canon de l'arme de sa partie intime, ajoutant ainsi un peu de poids à mon discours. Est-ce bien clair?"
    L'homme repoussa le tissu râpeux qui couvrait la fenêtre. D'un rouge si sombre qu'il coupait toute la lumière et plongeait la pièce dans une semi pénombre inquiétante. Un léger sourire se dessinait sur ses lèvres, alors qu'il s'éloignait de la vue immaculée des abords du bâtiment. La neige tombait drue, et tout se mettait peu à peu en place. C'était comme les rouages d'un complexe mécanisme qui comportait bien trop de chemins alternatifs pour tous êtres prévus, mais globalement, le facteur humain était très peu pris en compte. Le côté abstrait des militaires lui donnait l'avantage et offrait un choix appréciable d'échappatoires. Les hommes qui suivaient des ordres étaient si peu inventifs, trop cadrés dans leurs missions. Mais lui ne pouvait se permettre ce luxe : tout acte avait sa dose de répercussion. Que ce soit la mort d'un simple garde. Avait-il des amis ? Sa mort était-elle utile ? Peut être que son décès provoquerait l'ire de sa femme, engendrerait la haine sans vergogne de sa descendance qui se vendrait avec acharnement à la lutte contre la Révolution, un futur Colonel, pourquoi pas ? Les hommes n'étaient que des grains de sables ballotés par les vents contradictoires de la destinée, et lui tenter de les lier ensemble, de construire son propre destin. Quelle ironie, quelle futilité. Et pourtant, il contemplait son écheveau avec une satisfaction non feinte. Il tentait de maintenir le contrôle, du moins son illusion et s'efforçait de faire marcher les hommes comme des pions. Des millions de fils coulaient des doigts, et l'échiquier se mettait en place, inlassablement. Mais à chaque plan nécessitait son scénario. Ce n'était pas de l'arrogance, seulement une capacité innée à se fondre dans le décor, à passer au second plan et influencer les événements pour tenter de les faire pencher en sa faveur. Ce n'était pas là le rôle des exécutant, mais des commanditaires. Et par le plus grand des hasards, il était les deux à la fois.

    Il rajusta sa cape, censée le protéger du froid, et fit glisser sa toque de fourrure sur son crâne. D'un geste, il ramena les lourdes lunettes de protection sur son visage, cachant ses yeux pour ne laisser dépasser que son menton glabre. Il resserra sa ceinture, constatant avec mépris que le précédent propriétaire n'avait pas lésiné sur les derniers repas, puis fit glisser avec délicatesse ses armes à son côté. Il vérifia que ses lames secrètes étaient bien camouflées sous les gants de fourrure, puis s'empara du fusil qui pendait à côté du cadavre sans vie du maître de chantier. Une fois ainsi paré, il fit basculer vers l'arrière la chaise sur laquelle le corps était apposé, et la ramena vers ce qui semblait être une fosse. L'endroit était recouvert de bâches et semblait déboucher sur une future arrivée d'eau. Posant la chaise là, l'homme en fit le tour et souleva ce qui bouchait le trou. Puis, du talon, il fit tomber la chaise en arrière, emportant avec elle sa victime. Il ne lui adressa qu'un seul sourire, avant de le laisser choir au fond du gouffre, avec un bruit étouffé de choc, se réverbérant sans cesse. Mais la plainte du vent le couvrit à merveille. D'un œil expert, il dénota les quelques gouttes de sang qui suivaient son trajet et haussa les épaules. Ce n'était pas une mission de réelle importance, seul comptait le fait de mettre en place ses pions. Il entendit aussi claquer la fenêtre par laquelle il était entré. Peu importait, le bâtiment était quasiment désert dans les étages, et la majorité des employés logeaient ailleurs. Si ce n'était le maître du chantier, un paranoïaque maladif qui pensait que la Révolution cacherait dans ce futur hôpital de quoi lancer une attaque de grande envergure contre le Gouvernement sous le couvert de quelques recherches pour la santé publique. Ce en quoi il n'avait pas tord. Mais le domaine des attaques biologiques n'était pas de son ressort. Ainsi, lorsqu'il avait appris que cette mission avait été confiée à un nouvel arrivant, il avait décidé de s'y intéresser. Et ce n'était pas par hasard qu'on attirait son attention.

    "Maître Epi, maître Epi !" osa le mander un insolent garde.

    Rafael se retourna, parfaitement méconnaissable sous le couvert de son masque. Il était revenu au lieu d'habitation du maître de chantier, qui était au coeur du bâtiment en construction. Légèrement vouté, il donnait l'impression de mesurer dix centimètres de moins, et de peser quarante kilos de plus avec l'épaisseur de sa cape en laine. La moue qui s'était imprégnée sur son visage lui donnait un air antipathique propice au personnage, mais il ne se risqua pas, cependant à parler. Il soupira de dédain et s'avança vers le garde, tout en saisissant son fusil. L'homme compris le message et le mena directement à ce qui le tracassait, tandis que l'assassin comptait sur la force du vent pour être méconnaissable. Il était doué, mais pas au point de paraître trente ans plus vieux, quand bien même Epi Nard était une larve de première, malheureusement dotée d'un grain de jugeote. Il arriva ainsi bien vite à l'entrée du bâtiment où un étrange personnage l'attendait. Evidemment, Rafael savait de qui il s'agissait ... quand à Epi Nard, il n'en avait aucune idée.

    "Qu'est-ce qui m'amène ce grain là ? Toi, mon gars, tu vas lâcher cette arme avant que la Marine ne rapplique." grogna-t-il, à mi chemin entre le bougonnement et le hurlement, contraint par le temps, qui était aussi peu clément qu'il le pouvait ; quand bien même cela lui permettait de ne pas se faire démasquer par la différence de voix.
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    Comme on aurait pu s'y attendre d'un homme avec un canon de fusil sur le bas-ventre, il fut incroyablement efficace, arrivant même à camoufler son stress évident, parlant d'une voix plus ou moins normal tandis que ses yeux écarquillés suppliaient le Vindicare. Ce dernier récompensa d'ailleurs sa victime en écartant un peu l'arme, puis, vif, il l’assomma d'un coup de crosse. Oui je sais, il n'était pas tendre, mais s'il voulait leur laisser la vie sauve, il fallait au moins ça. Posant un instant le sac qui trainait dans son dos, il en sortit une corde, et entreprit d'attacher les deux compères, liant mains et pieds avec en prime un petit bâillon sur la bouche, histoire d'éviter les bruits impromptus. Vidant le chargeur de l'arme qu'il avait en main, il la plongea dans la neige, prenant bien soin de mettre cette purée blanche dans le canon. Deux gardes, deux armes, aussi un autre fusil vint rapidement rejoindre les mains de l'assassin, alors que son fusil de poing fut déjà rechargé, et placé précieusement dans sa veste.
    Fermant son sac, il le remit sur ses épaules, puis s'appuyant au mur, il attendit patiemment. Son esprit un moment s'évada vers l'enfant qu'il avait quelque peu brutalisé. Il se demandait ce que deviendrait ce jeune homme, si cet évènement éveillerait en lui une vocation de marin, ou alors au contraire, s'il n'oubliera pas dès demain sa rencontre du jour. Après tout qui était-il pour prétendre marquer d'une façon si profonde l'âme d'autrui?

    Un grincement métallique capta son attention, et au même moment ou la porte s'ouvrit, le révolutionnaire s'écarta du mur, mettant en joue l'inconnu, les doigts prêts à presser la gâchette. Il n'avait pas été discret, et vu la situation, il n'avait aucune raison de l'être. Une simple pression et cet inconnu dirait Adieu à ce monde, seulement il y avait un hic...il y a toujours un hic!
    Il savait bien que cette foutue neige allait le gêner, mais là c'était plutôt emmerdant! Les moult couches que l'autre portait sur lui gênaient à son identification, et si, par son ton on pourrait se douter qu'il s'agissait du maître des lieux, s'en assurer était la moindre de chose avant de lui ôter la vie.

    Trois secondes, un moment de silence, un moment de doute, un moment qui rendit peut-être moins crédible la phrase qu'il pondit alors.


    "Hum ... Maître Epi je suppose? Enchanté! -Baissant son arme, Vindicare s'inclina brièvement.- Pardonnez moi cet accueil, mais mes commanditaires tenaient à ce que vous soyez le seul au courant de notre petite entrevue. - Une expiration, une inspiration, un moment de pause ou il guetta la moindre réaction. - Rassurez-vous, nous avons le même employeur."

    Une fois cette feinte effectuée, notre assassin montra une direction à sa cible, lui invitant par là à s'écarter un peu afin de discuter. Bien que pointée désormais vers le sol, l'arme qu'il avait emprunté était toujours dans sa main gauche, et veuillez bien croire qu'elle n'attendait que la réaction de ce bonhomme pour décider de son sort.

    *Vas-y Nard! Donne le feu vert à ton exécution!*
      Un regard à gauche, deux hommes à terre. Leur sang ternissait la neige d'un carmin décoloré. Leur respiration saccadée trahissait leur souffrance, mais aussi le fait qu'ils étaient encore en vie. La mission n'avait laissé aucune instruction sur l'état des gardes de cet endroit, ainsi l'exécutant avait décidé de les épargner. Un choix qui en disait beaucoup sur sa façon d'appréhender les choses, et qui renseignait Rafael sur l'état d'esprit du personnage. Mais cela ne signifiait pas qu'il adhérait à cette vision des choses. Après, chacun sa spécialité, et nul doute que si Vindicare avait pu supprimer Nard d'une seule balle du toit qui faisait face, cela aurait été fait depuis longtemps. Mais il ne fallait pas lui laisser le temps de mettre en place son plan. L'assassin prenait un risque énorme en revêtant l'identité de la cible, mais le test était nécessaire. Et pour l'heure, l'homme qui lui faisait face avait réussi en un sens : il se tenait face à sa cible une arme au poing. Un autre détail tira un sourire à l'Auditore : le sniper hésita une seconde sur la conduite à tenir, ne sachant certainement s'il s'agissait bien de sa cible ou non. Il était méticuleux, un trait qu'il appréciait et qu'il aimait retrouver chez les hommes qui avait la trempe de combattre sous le même drapeau et les mêmes convictions. Il déglutit lentement, étudiant de haut en bas le tueur à gage qui le faisait face, de manière ostensible.

      "Nous avons le même employeur ? Ah, ainsi vous êtes enfin venu m'offrir la protection qu'Il Assassino m'a promise." répondit Rafael, en essayant le ton le plus grave qu'il pouvait arborer.

      L'assassin avait essayé de ne point trop hurler, mais le temps était toujours aussi hargneux. Si le garde tiqua à ses propos, il n'aurait su le dire, mais son boulot n'était pas de réfléchir, seulement de le protéger ... chose à laquelle il avait misérablement échoué. Il n'en menait pas large et était certainement plus à penser à sa propre survie. Mais Rafael jouait là une nouvelle carte, dans un but bien particulier. Si Vindicare entendait le nom du Mentore, croirait-il aux dires de Nard ? Continuerait-il sa mission, ou se conformerait-il aux dires de sa cible ... Ainsi, il mettait en jeu une relation encore plus complexe, et testait le bon sens de sa future recrue. Le jeu en deviendrait intéressant, et alors seulement il saurait de quel bois était fait son homme. Il avait connaissance de ses capacités, connaissance de son efficacité, mais de tels actes ne pouvaient le renseigner sur qui il était, sur sa façon d'agir et de penser. Il était sélectif sur ses recrues, surtout celles qui possédaient un tel potentiel, et même s'il se mettait en danger, il ne pouvait se permettre d'accueillir à ses côtés une recrue qui n'avait pas la pensée nécessaire à suivre sa voie. Posant la main sur l'épaule de Vindicare, Rafael guetta sa réaction à se contact, puis avança d'un pas vers la direction qu'il lui indiquait. Il prit cependant garde à se placer à sa gauche, afin de limiter l'usage de son arme. Soit, il acceptait de le suivre, mais il préférait garder une proximité avec l'arme. Il était un combattant expert au corps à corps, tandis que la future recrue était un homme de longue portée, cela se voyait à son accoutrement et à ses mimiques. En un sens, ils se complétaient.

      "Pour le paiement, j'ai tout à l'intérieur, et bien assez tot, nous révèleront au monde ce qu'il se trame dans les égouts de Tequila Wolf. Votre Mentore m'a informé que vous ne devriez pas tarder, mais ça fait deux jours que je vous attends !" lui cria-t-il, un peu plus loin.

      A cette distance, il ne pouvait pas se faire griller par le garde, qui les suivait en retrait. Silencieusement, Rafael fit passer une dague dans sa main droite, sous le couvert de la cape de fourrure de Nard. Il jeta un dernier regard en coin à l'homme qui le suivait, puis se rapprocha de l'oreille de Vindicare.

      "Par contre, les gardes ne savent rien ... mieux vaudrait s'en occuper définitivement, si vous voyez ce que je veux dire, je ne voudrais pas que la Révolution sache ce qu'il se trame, et on ne sait jamais quels rats ils peuvent avoir été payés pour fouiner dans nos affaires ..." murmura-t-il, tentant de faire vibrer la corde de la loyauté chez Vindicare.

      Sous son étole, Rafael souriait comme un beau diable. ça devait être le chaos dans la tête du sniper. Qu'allait-il faire, comment allait-il réagir ? Il y en avait une myriade de possibilités, ce qui rendait ce jeu palpitant. Bien entendu, la dimension de cet 'affrontement' dépassait le cadre du simple amusement, c'était un test tant de motivation que de réflexion, si on prenait la chose sous cet angle. Et à tout moment, Vindicare pouvait être recalé. Cependant, quelque chose soufflait à Rafael qu'il n'allait pas être déçu ...

      [hrp : désolé pour le retard, j'ai fait bref, et je m'en excuse d'autant plus, mais j'suis un peu débordé par mon boulot ^^"]
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      "Il Assassino, c'est cela."

      Sa voix fut d'une pure neutralité, ne trahissant nullement la surprise d'entendre ce surnom. Comme toujours, il ne connaissait pas le nom du commanditaire, sa seule certitude étant que sa mission provenait bien du réseau révolutionnaire. Dès lors, cet ordre pouvait émaner de n'importe qui, et même du célèbre Assassino... ou pas. Il y avait anguille sous roche.
      Un contact, franc et directe, sa cible n'avait pas peur. Quelque soit son passé et son éducation, tout homme voyait son instinct de survie se réveiller à l'aube de sa mort, la vie refusant, par définition, son annihilation. Or cette accolade ne dégageait rien, aucun tremblement, juste une main sereine sur son épaule, qui, évidemment, demeura sereine. Réagir à ce contact aurait brisé sa couverture, aussi le Vindicare se contenta d'avancer. Son premier bluff venait d'être admirablement contré, à ceci prêt qu'on lui avait ordonné d'assassiner cet homme, et non de le protéger. Il aurait très bien pu l'abattre dès sa sortie de l'immeuble, ainsi à quoi rimait cette désinformation? Pourquoi cet homme usait ces paroles, alors que l'ordre était aussi radical? Quoiqu'il en soit, mensonge ou pas, impossible de le tuer sans en savoir plus.


      "Oui désolé, j'ai le mal des transports... et à par si vous voulez que je vous décrive tout ce qui peut sortir de mon estomac sur un bateau, vous comprendrez que j'ai un peu de retard."

      Résumé de la situation, il avait sa cible à porté de canon, et pourtant, une "célébrité" l’empêchait d'appuyer sur la détente. Certes, ce retournement de situation était un peu bancal, mais dans le cas contraire, assassiner cet homme pourrait être fâcheux.

      *Et merde...*

      Oui, il ne savait pas quoi faire, et il devait prendre une décision. Il pouvait toujours capturer cet homme, le planquer, et demander plus d'informations, sauf qu'il était sur Tequila Wolf, et s'il avait prévu comment s'échapper de l'enfer blanc, passer une "soirée entre potes" avec ce Nard était autre chose. Toutefois, alors qu'il tripotait sa mémoire à la recherche d'un éventuel contact, son invité lui donna une précieuse information.

      "Effectivement ça serait fâcheux."

      Un sourire transforma son visage, et si l'ennemi y verrait surement le plaisir du prédateur juste avant l'attaque, son origine était tout autre. Cet homme n'avait rien à voir avec la révolution, et s'il avait peut-être un lien avec Il Assassino, ce dernier était étranger à sa mission actuelle. Cependant, c'était la seconde allusion d'Epi au sujet des égouts, et de ce quelque chose qui se tramait en ce moment même. Complot? Trafic? Peu importe, l'information valait bien une petite partie de poker, aussi notre tireur prit-il la condition de continuer ce petit jeu.

      Malheureusement pour l'autre protagoniste, le contremaître avait raison. A par lui, les deux personnes au courant de sa présence étaient les gardes précédemment "brusqués". Ainsi soit l'un d'entre eux s'était libéré, et auquel cas sa présence n'était plus un secret, soit son interlocuteur avait ramené un compagnon, qui, alors, en savait trop. Dans tous les cas, une filature signifiait que quelqu'un était au courant de cet entrevue, et apte à signaler leur position.

      S'éloignant légèrement de monsieur Nard, il passa sa main droite dans sa veste, puis, alors qu'il pointa son arme vers le garde, son fusil de poing sortit de sa cachette, en direction de sa cible initiale.


      "N'y voyez aucune menace, je suis juste très prudent."

      En ponctuation de sa phrase, un coup de fusil retentit, la silhouette de l'inconnu s'affaissant subitement. Vindicare avait prit soin de viser la partie basse de son corps, ceci dit, même si la distance était ridicule, la neige rendait l'action périlleuse, si bien que ce coup avait très bien pu être mortel. Espérons le contraire, le révolutionnaire n'était pas le genre d'homme à gaspiller la vie... Néanmoins il connaissait l'importance d'un information. Le savoir est une arme redoutable, et en tant qu'habitant d'Ohara, il était bien placé pour savoir combien de vies pouvaient être sacrifiées en son nom. Ainsi il garda son sourire, et reprit son discours.

      "Mort ou pas, nous vérifierons cela plus tard. Pour l'instant j'ai besoin de savoir si nous sommes sur la même longueur d'onde. Tout en disant cela, le canon de son arme de poing s'ajusta, étant désormais non plus pointé vers le torse de son compagnon, mais entre ses deux yeux. Parlez moi donc de cette chose qui a coûté la vie à cet homme, afin que je m'assure que vous méritiez la protection du Mentore."

      Il est cocasse de voir cette situation se répéter, puisqu'encore une fois, tout comme leur première entrevue, les paroles d'Epi Nard détermineront sa survie, ou sa mort. Ce petit jeux prenait une allure plutôt funeste.

      "Et je vous assure que ma prochaine balle sera bien, mortelle."

        Le coup partit sans que l’assassin ne se retourne. Sans vouloir l'admettre, il était surpris. Un étrange sourire naquit sous le couvert de son écharpe. Il observa le tireur, se demandant s’il avait tiré pour tuer ou non. Etait-il du genre à se moquer des dommages collatéraux ? Un garde était certes un adversaire en ce genre de missions. Mais cela restait une vie après tout. La nuance entre obstacle et adversaire était mince, et bien souvent les assassins minimisaient en priorité les pertes dans leurs propres rangs en purgeant au moindre soupçon. Mieux valait un garde neutralisé qu’une milice informée. Vindicare pointa ensuite sa cible initiale de son fusil. L’assassin risqua alors un regard vers le garde à terre. Il était encore en vie. Il souffrait, mais il était encore en vie. Il avait fini par s’évanouir et risquait d’y passer dans les minutes qui venaient. C’était un jeu dangereux auquel il jouait. Hm.

        « J’entends à vos paroles que vous n’avez pas encore rencontré le Mentore, sinon vous ne douteriez pas de mes propos. » déclara Nard, se frottant les mains.

        Et s’il l’avait déjà rencontré, ce petit jeu n’aurait pas eu lieu. L’assassin eut un sourire pour lui-même. Il se tenait prêt à tout. Bien qu’il puisse estimer la réaction de Vindicare, il ne risquerait pas sa vie inutilement. Mais le tireur en restait malgré tout à ses premiers ordres, tout en ne voulant pas prendre le risque de neutraliser un innocent, ce qui restait un bon point pour lui. Il le regarda droit dans les yeux, tentant de le jauger malgré la tempête qui faisait rage.

        « À vous entendre, on croirait que vous êtes venu me tuer … » lâcha-t-il, sur un ton qui se voulait désinvolte malgré la clameur du vent.

        L’assassin remonta son écharpe et baissa d’autant plus son couvre-chef. Il darda un nouveau regard vers le garde qui devenait de plus en plus blanc. Une vie pour jauger un allié, voilà qui était cher payé. Mais ce ne serait malheureusement pas la première fois pour lui. Les mercenaires se trouvaient toujours du mauvais côté de la balance. Devant le canon qui ne se baissait pas, il finit par se décider à inventer un bluff quelconque. On aurait presque pu qualifier ça de la ‘plus vieille ruse du monde’.  Il fouilla dans ses poches et fit glisser sa main hors de ses oripeaux, révélant un gant de fourrure fermé sur une clef en or. Historiquement parlant, c’était une clef que Cesare, son frère jumeau, lui avait remis il y avait quelques mois de cela. Mais dans le contexte actuel …

        « Voilà donc cette chose. Une simple clef. C’est toujours ainsi que débutent les histoires, non ? Une clef, une pomme, une femme. Hé hé. » fit-il en lui montrant l’objet étincelant.

        Ce faisant, il lui lança l’objet pour qu’il puisse le voir de plus près. Or il avait les deux mains pleines. Profitant de la fraction de seconde d’inattention, l’assassin fit un bond impossible pour un homme du gabarit de Nard. Il s’empara du bout du canon et le tira en avant pour forcer Vindicare à faire un pas vers lui. De son autre main, il attrapa le canon du second fusil. Jouant de l’effet de surprise et appuya son talon sur le plexus du révolutionnaire et y appuya de toutes ses forces. Tournant sur lui-même, il s’envola et arracha les deux armes de ses mains, les envoyant à quelques mètres. Il n’était pas familier de ces ustensiles : à chacun sa spécialité ! Il roula sur le côté, anticipant une contre-attaque et attrapa la petite clef en or qui trônait sur la neige.  Se défaisant du manteau de Nard, il l’envoya sur Vindicare, bloquant son champ de vision.


        Seconde étape de l’épreuve : la course-poursuite. Dans sa tenue blanche pour l’occasion, l’assassin se fondit en un rien de temps dans la neige. Il commença à escalader la façade, profitant du couvert de la neige. Il se sentait pousser des ailes, l’adrénaline le faisait littéralement s’envoler. Un frisson glacé parcourut son échine. Celui-là serait capable de le rattraper, il n’en doutait pas une seule seconde. Restait à savoir en combien de temps : prendrait-il le temps d’aider le garde, ou non ? Mettrait-il en péril sa mission ou ferait-il passer la valeur d’une vie avant ? Il n’y avait malheureusement pas de bonne réponse. Ni de mauvaises : que des hommes et des choix.
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        * Non je ne l'avais pas rencontré... et alors ?*

        Là où il attendait une solution, il trouva un autre problème. Cet homme n'avait nullement tiqué alors que son collègue se prit une balle. Peut-être était-il un formidable acteur, ou peut-être connaissait-il réellement le chef d'orchestre, et n'avait dès lors aucune crainte d'une fausse note fatale. Quoiqu'il en soit, le canon du fusil étant son meilleur argument, notre assassin ne changea rien à sa stratégie. Il avait voulu jouer les gros bras, maintenant il fallait assumer.

        « Gredin ! »

        Une insulte typique de notre héros. Ce n'était pas un cri, mais un mot lâché au vent, classe et efficace. Il ne l'avait pas vu venir, et reprenant son équilibre, il plongea vers son fusil de poing... trop tard, sa cible s'enfuyait déjà. Agile, courageux, habile combattant, cela ne correspondait pas vraiment à l'idée qu'il c'était fait de ce cher Nard. Assurément il n'avait pas douté de son intelligence, mais il était rare qu'un homme de cette trempe soit relégué à pareille affectation.
        Qu'importe, l'énergumène disparaissait dans la neige, et si pour certain il y avait là un dilemme, pour le Vindicare tout était limpide. Non, cela ne l'enchantait pas d'abandonner ainsi un homme mourant, mais il avait une mission, et en l'acceptant il s'était préparé aux dommages collatéraux.

        Se relevant le plus vite possible, il prit quelques secondes pour confirmer la position de sa proie. Sans grande surprise, le loup retournait dans sa tanière. Ses habits blancs n'aidant pas, notre héros l'entrevit juste assez pour connaître sa direction. Les deux mains sur son arme, il s'élança à sa poursuite. Les maîtres de chantier ayant largement évolués ces dix dernières années, ce dernier s'avéra doué pour l'acrobatie... Chapeau, mais dans l'état actuel des choses, c'était une erreur fatale.
        Tenant fermement son arme, notre tireur d'élite tenta d'ajuster son tir. Il n'en avait que pour quelques secondes, et les chances de manquer sa cible étaient minimes. Cependant des bruits perturbèrent sa concentration. Le garde qui les avait suivi n'était pas totalement stupide, et ces aboiements démontraient qu'il n'était plus aussi incognito dans ces lieux.
        - Parfait... - La situation dégénérait quelque peu, mais maintenant qu'il était dans la merde, autant jouer toutes ses cartes. Rangeant son arme, il se mit lui aussi à escalader. Pourquoi ne pas tenter un tir avant? Un coup de fusil aurait signaler bien trop aisément sa position : S'ils voulaient l'avoir, ils devront l'attraper.

        Le mur n'ayant pas été conçu comme un mur d'escalade, Vindicare dut suivre la piste du fuyard, usant des mêmes appuis, et agrippant les mêmes prises. Il était enfin arrivé au sommet, et restant un moment suspendu par sa main droite, il attrapa son arme et la plaça entre ses dents. Il valait mieux être prêt à tout. Se hissant sur le toit, il pointa le fusil devant lui... Rien. Sur le coté, Rien. La neige ayant accentué son ballet, trouver son gibier s'avérait aussi facile qu'expliquer la notion de réfléchir par soi-même à un marin. Quoique non, le second était tout simplement impossible. Avait-il réellement perdu sa cible? S'avançant prudemment vers le centre de la plateforme, Vindicare scrutait la moindre anomalie dans la chute des flocons, le moindre semblant de silhouette humaine. Il n'avait pas pu descendre aussi vite, et...Bordel... comment un maître de chantier pouvait-il lui donner autant de fil à retordre? Qui était ce type capable d'argumenter, de feinter, et de combattre avec tant d'adresse?


        "Bon sang... qui êtes vous Mister Nard?!"

        Cette fois il n'avait pas murmuré, il voulait être entendu. Il n'avait besoin que d'un signe, un simple manteau blanc, afin que son doigt presse la détente.

          Le blanc dans le blizzard, c’était imparable, hé hé. L’assassin redoubla cependant d’efforts pour se mettre hors de portée du révolutionnaire. Se hissant au sommet de la plateforme, Rafaelo avait pris soin de maquiller son passage en n’empruntant que volontairement que des passages où la neige ne se déposait presque pas. Cela lui permit de se cacher sans trop de difficulté, au moment pile où Vindicare pointait le bout de son fusil. L’assassin ne bougea pas, attendant le moment propice où l’homme viendrait le chercher. Il resta là, son écharpe contre sa bouche pour dissimuler sa respiration. Lentement il porta sa main à la neige et en glissa un peu sur sa langue. Il était rôdé aux techniques des snipers quant à leurs moyens de dissimulation, ça s’arrêtait là. Vindicare, quant à lui, essayait de le pousser à découvert en terrain dégagé. C’était comme se mettre une cible sur le torse. Amusé, l’assassin ramassa un peu de neige, et en fit une boule compacte. La seule arme qu’il pouvait décemment utiliser en de telles conditions. C’était un peu puéril, mais ça avait le moyen d’être disponible à profusion. Boule de neige contre calibre 12.7, ça se tentait. Il en façonna deux autres, se gardant de répondre à la question de la recrue. Il avait réussi à le suivre, c’était déjà ça. Le gars lambda en était incapable, c’était le résultat d’un entraînement de longue haleine, d’heures à travailler les positions et à rendre ses mains assez solides pour ne se soutenir, parfois, qu’avec un seul doigt.

          Avec la même lenteur, l’assassin jeta un œil par-dessus sa planque, observant la position du sniper. Il le voyait à peine à cause de la tempête. Parfait, il ne ferait que rajouter de la confusion au tableau : il s’empara d’une de ses bombes fumigènes. Conscient que le bruit risquait d’attirer la recrue vers lui, il la garderait en dernier recours. Il plaça deux boules de neige entre ses doigts puis se glissa lentement vers le milieu du toit, collant son dos à son couvert. Au dernier moment, il lança une boule par-dessus son épaule. Elle vola derrière le sniper, s’éclatant avec un bruit sourd contre un renfort métallique qui dépassait. Profitant de la diversion, l’assassin craqua sa bombe fumigène contre son armure et il l’envoya rouler aux pieds de sa cible. La mèche finit de se consumer à la manière d’une bombe puis siffla tout son saoul en délivrant une fumée dense et opaque. Cette dernière envahit la zone et de sa main libre, Rafaelo s’appuya sur le décor pour gagner le centre du toit. Le bruit de ses pas le trahissant, il envoya ses deux autres boules frapper Vindicare au visage et au torse – dans les environs du moins – puis il se laissa glisser sur les genoux en passant à côté de lui. L’assassin s’empara de sa cheville et tira dessus. Dans le même geste, il agrippa le fusil de la recrue et tourna sur lui-même pour l’emporter dans la neige, afin de l’empêcher de s’en servir.

          Les deux hommes arrivèrent ainsi hors de la zone de fumée,  sans dessus dessous. L’assassin crocheta la jambe de Vindicare et par un habile jeu d’articulation, il parvint à se retrouver au-dessus de lui. Sa lame secrète saillit alors hors de sa gaine et il s’arrêta là. Son acier de Damas n’était plus qu’à quelques centimètres du jeune homme et il souriait allègrement. L’assassin s’était révélé par sa tenue et ses arts, le test était terminé et la recrue semblait acceptée. Un rire non feint échappa à Rafaelo. Le rire d’un homme satisfait, qui venait de trouver un joyau parmi la plèbe.

          « Félicitations, Vindicare : tu m’as trouvé. » lui fit-il, s’écartant de lui et se relevant.

          Ce faisant, il lui tendit la main pour l’aider à se relever.

          « Nous testons toujours les recrues les plus prometteuses pour la Confrérie, et tu as brillamment passé cette épreuve, mon frère. Un esprit clair et sans fioriture comme je les aime. Félicitations, je dois admettre que je n’avais pas eu autant de fil à retordre depuis un bon moment. » le gourmanda-t-il.
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          Aucun mot, un bruit. Un son étouffé par le déluge, mais tout de même perceptible. Bref, il avait un indice, et se retournant, il se préparait déjà à conclure cette affaire. Une seconde pour trouver sa cible, une autre pour viser, et bam... The end. Sauf qu'il n'y avait aucune cible, aussi n'eut-il pas à viser, et lorsqu'il entendit ce sifflement à ses pieds, il avait perdu. En tant normal il aurai fuit ce brouillard, mais courir en aveugle sur un toit était une très mauvaise idée. M'enfin, il n'était pas totalement... ah trop tard! Deux boules de neige plus tard, sa main gauche dégageait ses yeux.


          "Merde..."

          C'était bien le cas de le dire, la situation devint totalement hors de contrôle. Par réflexe, il tira vers ce qu'il reconnu comme un bruit de course. Le temps de recharger, son appui se déroba, son arme s'envola au loin, et un homme qui n'était définitivement pas Epi Nard le menaçait d'une étrange arme. Le chasseur devint la proie, et alors qu'il ne pouvait détacher ses yeux de cette magnifique lame, le Vindicare ne pensa pas à la mort. Il aurait pu sans douter, depuis le début, ce maître de chantier surpassait de trop les compétences nécessaire à sa fonction. Agilité, furtivité, maîtrise du corps à corps, sang-froid...ses qualités étaient la définition d'une certaine caste, et son plus fidèle représentant venait de lui faire un curieux tour.
          Il l'avait trouvé... au moins, le Mentore ne manquait pas d'humilité. Qu'importe, notre héros n'avait ni rancœur ni honte d'avoir été si aisément dupé, bon sang. ON PARLE D'UNE LÉGENDE LA! Dans son monde en tout cas, ce mec n'était pas n'importe qui, c'était l'exemple à suivre. Certes, leurs modes opératoires divergeaient, mais tout deux suivaient la même voie. L'un l'avait tracé, l'autre l'empruntait, et saisissant cette main tendu, ce fut un
          "Merci" plein de respect qu'il adressa au vainqueur.

          "Même si je doute fort d'avoir ébranlé Il Assassino, j'apprécie vos encouragements. S'inclinant, il posa sa main droite sur son cœur. Vincerò o Morirò, per la causa nostra."

          D'où venait cette phrase? Il l'avait simplement lu dans un livre, et un fils d'Ohara maniait bien le langage. Redressant la tête, le Vindicare s'avança vers le bord du toit, tentant sans grande chance de réussite de glaner quelques informations visuelles malgré la neige.

          "Juste par curiosité, qu'auriez-vous fait si j'avais tiré dès votre sortie de l'immeuble? Et...Où est ce cher Epi Nard?"

          Le moment n'était sans doute pas au verbiage, mais cette information avait son importance. Car si seulement quelques gardes étaient actuellement à leur trousse, la découverte d'un cadavre corserait quelque peu le retour au bercail. Pour l'instant, aucune sirène d'alarme ou quelconque vacarme ne trahissait le début des emmerdes, tant mieux si ça dure. Échapper à cinq gars et deux chiens c'était une chose, bluffer toute une milice en était une autre.
            « Che sia. » lui répondit-il, surpris par la connaissance qu’il avait de sa langue maternelle.

            L’assassin lui concéda un sourire amusé puis alla se pencher au-dessus du vide pour voir où en étaient les soldats. Il ne voyait pas grand-chose de plus que quelques formes mouvantes. Ils ne mettraient pas trop de temps à trouver le cadavre du maître du chantier, il valait mieux ne pas faire de vieux os par ici. Ils s’affairaient déjà pour les gardes morts, et une fois le cadavre d’Epi trouvé, ils sauraient exactement quel gibier traquer. Rafaelo se retourna en se frottant les mains.

            « Le brouillard, le doute. Tu n’aurais pas tué sans être sûr que c’était bien Nard. » lui répondit-il, malicieusement.

            Puis il ouvrit sa tunique et lui révéla les plaques d’armures qui trônaient en dessous. On n’était jamais trop prudent et se prendre une balle était la pire des choses qu’il pouvait lui arriver en pleine course. Toutes les parties de sa tenue étaient renforcées pour faire face à cette éventualité. Cela signifiait simplement qu’il se trimballait et exécutait ses acrobaties avec plus de trente kilos d’équipement, ce qui constituait en soi un entraînement de choix. Mieux valait être courbaturé et lessivé que mort après tout.

            « Et mon armure. Ce sont des fibres de métal tressées entre elles. Une technologie souvent utilisée par la révolution qui permet de stopper les balles. Même une balle de sniper. J’aurais eu mal, mais j’en serais sorti vivant. » lui expliqua-t-il.

            Et puis il fallait bien prendre des risques. Il referma sa tunique, et se dirigea vers l’autre côté du toit. Le vent faisait rage aussi haut, si bien qu’il couvrait efficacement leur voix et leur présence. Par contre, il les glaçait jusqu’aux os. L’assassin fit un rapide tour puis fit signe à Vindicare de se rapprocher.

            « Nous descendons ici, il y a une congère plus bas. Il suffira de sauter. Quand ce sera fait, tu me suivras jusqu’aux souterrains, il y a plusieurs choses dont nous devrons discuter. Je suis venu en temps que Révolutionnaire … enfin tu comprendras plus tard. Quant à Nard, cela fait déjà presque une demi-heure qu’il est mort. » lui fit-il avant de prendre son élan et de sauter dans le vide sans crainte.

            L’assassin étendit les bras et s’enroula dans les airs pour atterrir sans mal dans la congère. Il s’y écrasa avec un bruit sourd qui n’attira pas l’attention. Il fit signe à son comparse de le suivre puis resserra sa veste avant d’avancer dans la neige, en direction des taudis. Au bout de quelques minutes, il dégagea une plaque derrière un arbre et s’y engouffra avec souplesse. Il referma le passage derrière eux, semblant activer une sorte de mécanisme caché. Ce faisant, l’assassin fit glisser sa cape vers l’arrière et il s’empara d’une torche qui brûlait un peu plus loin. Toujours sa capuche sur le crâne, il guida Vindicare dans les souterrains, semblant se repérer à des signes que lui seul voyait. Au bout d’une dizaine de minutes, un bourdonnement commença à se faire entendre. Ils arrivèrent dans une salle pleine de monde, aux allures de taverne. L’assassin moucha sa torche avant de s’y engouffrer. On y rencontrait là toute la racaille la plus louche du monde. Des édentés aux boiteux en passant par les vieillards alcooliques. Lorsque les deux hommes s’avancèrent au milieu de la taverne, le volume baissa légèrement. Le tavernier hocha de la tête puis ouvrit un passage derrière lui.

            « C’est ici que les révolutionnaires viennent se rencontrer. » murmura Rafaelo, au cas où Vindicare ne le savait pas encore.

            « Je te conseille de te montrer poli, aucun d’eux n’est vraiment commode … je plains le marine qui viendrait se trimballer par ici. » poursuivit-il en emboîtant le pas au tavernier.

            Ce dernier les guida dans une salle au calme où brûlait une bougie à moitié entamée. Dans cette salle il n’y avait pas âme qui vive, mais à en voir les divers ustensiles qui traînaient ça et là, on pouvait en déduire que c’était un lieu de passage pour de nombreux révolutionnaires, et pas des moindres. En général, les gradés se retrouvaient ici pour leurs petites réunions. L’endroit possédait des sorties secrètes, bien évidemment. Rafaelo s’assit à la table et invita Vindicare à faire de même. Le tavernier revint rapidement avec un plateau. L’assassin se leva et aida le tavernier à les servir.

            « Merci Gus’, mais je vais pas te retenir plus longtemps. Ah, Gus’, je te présente notre nouvelle recrue. On s’est occupé de Nard. » fit l’assassin en présentant Vindicare d’un signe de la main.

            Les deux révolutionnaires rompirent le pain ensemble. Vin chaud et pain sec. C’était le régime de base d’un révo’ ces derniers temps …

            « Bien. Maintenant nous sommes au calme. Comme je te l’ai dit, bienvenue parmi la révolution, mon ami. À compter de ce jour, nous serons frères au nom de la Cause. Peu importe le rang, peu importe la mission. » commença-t-il, en mordant à pleines dents dans son quignon.

            L’assassin fit basculer sa capuche en arrière, révélant son visage. Il était jeune. Bien plus que Vindicare. Vingt-deux ou vingt-trois ans, pas plus. Pourtant, son visage était marqué d’une vie toute entière. Gravé dans le marbre, ses traits étaient durs. Dans ses yeux océan trônaient cependant une réelle jovialité. Il était heureux de casser la croûte avec un camarade. Une fois que la capuche tombait, le rôle de l’assassin tombait lui aussi. En cet instant, il n’était qu’un frère de la Cause. Ainsi servit-il de nouveau à boire à son camarade, comme si les meurtres et les sordides histoires dont il était l’hauteur n’étaient qu’un vaste masque.

            « Mais je t’ai vu au combat, et je voulais te demander quelque chose. Ma Confrérie est actuellement ce qui se rapproche le plus des services de renseignements et de … d’assassinat de la Révolution, autre Seigneur Ombre et Raven j’entends. Bref. Accepterais-tu de suivre l’enseignement de la Confrérie ? Non pas que l’on ait grand-chose à t’apprendre, mais un homme comme toi dans nos rangs : ce serait un honneur. » lui demanda-t-il, avant de sortir une enveloppe de l’intérieur de sa tunique.

            « Ceci est une recommandation directe envers Raven, que je mettrais en ton nom si tu le désires. Je te laisse le choix, nous sommes tous libres ici, après tout. » lâcha l’assassin avec un sourire amusé.
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            « Hé hé, vous méritez votre réputation. »

            Avouons-le, en plus d'être charmant, ce pratique accoutrement imposait le respect. Ceci dit, on attendait au moins ça d'un assassin de cette stature. Parfait, on venait de lui offrir une route dallée en guise d'échappatoire, et bien que l'idée de sauter dans le vide ne l'enchantait  guère, il s'élança. Evidemment, comparé au magnifique plongeon de son prédécesseur, le Vindicare s'approchait plus du crapaud boiteux que de l'aigle royal. Et ouai, on ne s'improvisait pas poisson volant.

            Le voyage fut rapide, et connaissant déjà le système de planque, notre homme n'ajouta aucun commentaire aux informations du Mentore. Il se contenta d'écouter, et évidemment de remercier d'un signe de tête lorsqu'on lui proposa un siège. La révolution ne croulait pas sous l'or, mais ses membres n'en avaient pas perdu leur sens de l'hospitalité. Ils avaient du vin, du pain, un toit sur leur tête, et un cœur vaillant, que voulait le peuple ?


            « Et peu importe l'ennemi, merci mon frère. »

            Après l'impassible assassin, il découvrit l'homme, ou plutôt le jeune homme. Son age ne le choquait pas vraiment, il savait que ce monde regorgeait de génies. Non, c'était plutôt le contraste entre la sévérité de ses traits, et la chaleur de son regard. Ouai, le coup de la flamme dans les yeux c'était un classique, mais ça restait fichtrement efficace. Vindicare aurait bien aimé lui aussi enlevé son masque, sauf qu'il n'en avait pas... Il avait déjà abaissé son col et ôter ses lunettes au début du repas.
            Intéressante proposition, et comme à chaque fois qu'il devait donner une réponse importante, il prit le temps de la réflexion. Prenant son verre, il fit légèrement tournoyer le contenu. Geste parfaitement inutile pour un vin chaud, mais contempler le liquide lui permettait de faire le point. Fichtre... comme s'il avait besoin de réfléchir.


            « C'est cool Raoul !  Souriant et pétillant, il venait de briser la glace. Ce serait un honneur pour moi de servir plus encore notre idéal commun. »

            Son sourire n'avait pas disparu, car Vindicare haïssait les heures supplémentaires, aussi ne jouait-il pas le tueur froid à plein temps. Se levant, il enleva son gant noir, et tendit sa main droite à son nouveau frère. Il n'y avait qu'une seule vraie manière de sceller un contrat. Une bonne vielle poignée de main.

            « Merci pour tout. Sa voix comme son sourire confirmait sa sincérité. J'espère qu'aujourd'hui est le début d'une longue et fructueuse collaboration. »

            Bon il y avait mieux comme phrase d'accroche, après tout, ils étaient deux soldats, pas deux hommes d'affaires qui venaient de s'arranger sur un lot d’assiettes. M'enfin, que valaient de belles paroles de toute-façon ? L'authenticité de son regard, sa main tendue, le trentenaire n'avait pas besoin de plus pour montrer sa reconnaissance. Il était venu tuer un insignifiant, il avait rencontré un exemple de bravoure. Certaine rencontre avait le talent d'être indélébile, celle-ci en faisait partie.

            « Ah au fait... vous me devez un contrat ! »

            Evidemment il rigolait, bien que... un assassin n'aimait pas se faire voler sa cible, et qui sait, peut-être qu'un jour le Vindicare aura sa revanche ? « Ma chi se ne frega... »
              [hrp : un peu court, mais c'est histoire de conclure ^^]

              L’assassin fit de même et ôta son gant, révélant sa main mutilée au niveau de son annulaire, preuve de sa dévotion infaillible à la cause. D’autant plus que cela libérait un espace pour faire saillir sa lame secrète. Enfin bon, c’était chose que lui seul avait faite et vu que son métier d’assassin était à plein temps, à l’inverse de nombre de ses frères, cela ne le gênait en rien. Ils s’échangèrent une poignée de main ferme et solide. Le genre de poignée de main qui augure de bonnes choses. Ne jamais faire confiance à quelqu’un dont la poigne était molle, informe. Les gens de force et de conviction étaient robustes, ni plus ni moins.

              « Et ce le sera, mon ami. Et je te dois en effet un contrat, hé hé. » fit Rafaelo, en sortant de sa poche un denden à capuche.

              « Sers-t-en, tu pourras directement obtenir la localisation des contrats dans le coin. C’est aussi par ce biais que je te contacterais. D’ailleurs, il faudra aussi passer par le rite de la Confrérie. Nous t’enseignerons alors notre Crédo et nous ferons de toi un véritable frère parmi les assassins de la Confrérie. » poursuivit-il, en remettant son gant.

              « Pour être honnête, cela fait plusieurs mois que nous t’observions. Ce pourquoi je t’épargnerai quelques étapes pour gravir les échelons, Vindicare. Nous te confierons une tenue et les armes propres à la Confrérie. N’aie crainte, tu n’auras pas à l’arborer de tout temps : tu comprendras cela avec notre crédo. Tu dois connaître l’impact de cette tenue sur les ennemis du peuple et de la révolution … Cela participe grandement à notre renommée. » expliqua Rafaelo en se servant un nouveau verre de vin chaud.

              Ce faisant, il leva son verre et le porta haut devant son interlocuteur. Il avait raison, c’était le début d’une belle aventure. Vindicare était déjà plus capable que bien des Mercenario. Il était persuadé de pouvoir faire de lui l’un de ses assassino de premier choix. Ce fut avec le cœur léger qu’il rendit ce toast. À la Révolution. À la Cause. Aux frères.
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