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Bonjour Liberté

C'est mon sixième essai. Sixième fois que j'attaque le ressac qui cogne le Rocher, que je l'brave. Cinq fois déjà, y m'a envoyé par le fond, avec plus ou moins de casse. Cinq fois, j'ai échoué à lire les vagues, à m'enfuir d'cet enfer où l'ont m'a envoyé pourrir alors que j'étais mioche. Mais pas cette fois. Mes échecs en suite m'ont appris des choses. Maintenant, je suis mûre. J'ai maté ces courants trop longtemps, j'les ai testés trop de fois pour me manger les fonds et finir sur cette infecte plage une fois d'plus. Et, sur c'te bout d'bois à peine stable, j'regarde l'objectif: la mer, plus loin. Celle qu'est calme. Celle qui t'amène où tu veux aller, plutôt qu'de t'coincer sur un caillou brulé.

Les flots sont pourris. Retords. Les mires concentracturés, j'suis à l'affut. l'moindre mouv'ment d'flotte. Le plus p'tit changement. Et y sont nombreux. Trop, presque. Tous dédiés à m'renvoyer d'où j'viens. Mais j'tiens bon. D'mini-courants en tourbillons naissants-mourants, j'abats du terrain. J'm'éloigne d'la terre. J'arrive au bout d'mes peines. Mais rien n'est fait. Un rouleau vient s'abattre sur ma barquette, j'arrive à la garder à flot. J'ai du sel dans l'bavoire, dans les globuleux. Mon pif pique, et mes bras fatiguent. Mais toujours, ma pagaie d'infortune s'agite, et j'évite les pièges. Plus qu'une demi-lieue. Ma coque d'noix commence à avoir du mal. Beaucoup. La flotte s'accumule dedans. L'alourdit. Ca m'sert, et ça m'désert. J'gagne d'la stabilisationnité, j'perds d'la marge d'manœuvre. Mais pas grave! J'y suis presque! Encore quelques pas! Elles sont juste devant, les sales lames rocheuses! Sont elles qui créent ce courant vers l'Rocher. Je les passe, et j'suis bon. J'suis libre! Allez Jack, accroche toi.

Plus j'approche du but, plus c'est sauvage. Les flots, la flotte. Les dents serrées, les mires plissés, et l'souffle court, j'lutte pour les derniers pieds à parcourir. Ma barque en peu plus, idem pour moi. Mais c'est là, j'peux presque le toucher. Ma pagaie s'agite, un rouleau tente d'm'avaler, mais j'l'avais vu v'nir. J'l'avais anticipé, pour l'contourner! Il s'abat juste sur ma droite, et l'remous qu'ça crée m'envoie valdinguer plus loin, m'accélère. J'y crois pas, j'mate attentivement, bouche ouverte. Les lames, elles sont derrière moi! Elles sont passées! Je suis libre! LIBRE! LIBRE!

Quel pied! J'y ai cru sans trop y croire! Mais c'est fait! J'tourne la tronche, près à contempler pour une fois c'qui a non pas derrière moi, mais d'vant! ... Et merde. Devant, un autre rouleau. Un rouleau d'la mer. J'en avais jamais vu d'près. C'est plus lent que ceux du ressac. Moins nerveux. Mais qu'est-ce que c'est énorme! J'inspire un grand coup. Ma barque est pourrie. Mon corps est harassé. Et ma pagaie à la tronche d'une cuillère. Non, celui-là, j'l'éviterai pas. L'énorme vague pointe, déboule, l'eau monte prête à s'abattre. Sur moi, ma barque, ma fierté. Bien vivante la fierté, pleine. J'crèverai p't'être noyé, mais j'crèverai libre. Héhé. L'rouleau s'abat.
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Les raison de ta présence ? Une longue histoire. Trop longue pour être expliquée. Un jour peut être.

En attendant, tu observes un magnifique spectacle. Celui d'un gosse plein de hargne, plein de hargne mais surtout d'intelligence. Il lit les vagues comme les lignes d'un bouquin, c'est beau à voir. Tes globes sont obnubilés par ce petite bout de chair se battant contre les vagues avec une telle violence qu'elle le rend grand, adulte. Assis le cul sur la plage, tu mires le gamin et son combat contre la plus grande force du monde, la mer. L'a dû lui falloir du temps au gosse pour réussir à aussi bien comprendre son adversaire. T'imagines pas l'nombre de journées qu'il a dû passer à l'observer. Rien qu'à l'idée de lui en trin de mirer l'océan pendant des heures, tu t'marres.

Un grand coup, d'rire gras et gros comme il faut. Puis tu r'commences à admirer le spectacle, histoire de n'rien louper de c'combat épique.

Si t'avais une bière, si le soleil tapait plus fort, la scène serait parfaite. Mais il n'y a que ta veille trogne, la plage de sable et un peu de verdure plus loin. Y'a un sac aussi, de cuir, qui s'laisse bronzer à côté de toi. Encore une fois, tu te retrouves avec ton couteau et juste ton couteau. Ou presque. Mais tu sens que c'qu'il y a à l’intérieur de ton petit sac, les quelques pansements, risquent d'être bien utiles. Si le pauvre gosse réussit à s'en sortir sans contusion, ça tiendra du miracle et il pourra s'mettre à croire en un dieu.



Les miracles n'existent pas. Le gosse a exulté trop tôt, son sourire béat s'est fait avaler par la grande bleue histoire de lui dire que le combat était écrit. Tu restes tout de même à mirer l'écume apparaître et disparaître, parce que tu sais que la mer peut être sympa avec ceux qu'elle veut et que malgré tout, les miraculés, ça existe.

Les minutes passent ainsi sans qu'aucune couleur ne vienne tacher le blanc et le bleu de l'océan.

Puis, tu n'sais pas par quelle étrangeté de la vie mais un corps apparaît. Tout petit, tout plat et sans vie. Il se fait balayer en un temps très court jusqu'à gerber sur la plage de sable blanc, juste à côté de ta vieille carcasse.

Tu le mires un instant, prenant tout le temps qu'il faut, pas pressé de te rappeler aux bons cours de médecine. T'as un cœur ça c'est sûr et tu n'laisserais jamais un gosse mourir aussi bêtement sans avoir tenté de l'aider. Au moins un peu.

Alors tu avances tes deux paumes sur l'torse du malade. Tu t'mets à palper son thorax en tentant de n'pas casser au passage ses quelques cotes. Puis l'mouvement vient et un geyser d'eau s'met à sortir du bec du gosse. L'en a avalé le gosse. Jusqu'à plus soif, et plus encore. Tu continues pendant un long moment. Tu t'mets même au bouche à bouche et t'espères bien que l'gamin a connu les lèvres d'une femme avant les tiennes. Ce s'rait d'une tristesse autrement. Cette idée t'refait lâcher un rire, toujours aussi gras et rocailleux que le premier.

Tu continues ainsi l'travail jusqu'à ce que les poumons s'vident d'eau et s'remettent à pouvoir se remplir d'air. Peu à peu tu sens un pou réapparaître et l'thorax se remettre à remonter et redescendre. Alors tu arrêttes de faire ton travail, parce qu'à ton âge, ça fatigue d'faire autant de sport.

Les yeux du gosse se remettent à trembler. C'bon signe que tu te dis.


_Héhé foutu gosse, t'es un brin fou d'avoir tenté ce que tu as tenté. Mais c'était beau à voir, merci pour l'spectacle.

    J'ouvre les yeux... De la lumière. Trop. Je plisse les yeux... Puis un besoin de tousser, cracher, vomir me prend, la dans la gorge, le torse. Ça m'tord l'estomac, ni une ni deux.. Et j'vomis. L'eau salé m'fait mal à la gorge lorsqu'elle repasse, pour souiller l'sable chaud... Sable... Sable !? J'me relève et ouvre bien les mires c'coup-ci! Non c'est pas un rêve!! C'est pas un rêve!!! Devant moi s'étend la mer, et au loin, presque sur l'horizon, je le vois! Le Rocher! Cette enflure de Rocher!!!

    TCHHHAAAA !!!! J'ai réussi !! J'ai réussi !!! Hahaha! J'ai passé le courant! Au r'voir Le Rocher! Au r'voir les bouseux! Au r'voir le bagne!! J'ai réussi, je suis ... libre et vivant...


    La tête m'en tourne tant je n'arrive pas à m'y faire. Je me laisse tomber sur le sable et carre mes mires au ciel. Haha. C'est si bon. Mes paupières s'ferment, et j'apprécie le bruit d'la mer. La vrai mer, celle qui roule, qui vague. Celle qui porte et n'emprisonne pas. C'est bon. Ça me rappelle... non oublions. Temps de revenir à la réalité. Temps de... tiens? J'avais pas remarqué. Sur la plage, à quelques pas de moi, un vieux. ... Au vu d'sa tronche, le gus était là d'puis l'début.

    J'me recule lentement. Prudence. Je n'ai pas confiance. Ni en lui, ni en qui que ce soit. Entre les enfoirés de Tradice qui m'ont envoyé en Enfer pour mes cinq ans et les infectes du Rocher, j'ai pu en apprendre un peu sur les autres: ils sont mauvais. Une fois la distance de sécurité établie, je toise le vieux. L'est pas si vieux en fait. L'a même l'air presque costaud, tassé sur lui même comme un sac d'cailloux. J'lui fait:


    T'veux quoi? J'te dois un truc ? ... Vieux!


    On m'a toujours dit d'être poli avec les étrangers.
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    Si il te doit un truc? Tu te marres encore à entendre sa question plus que réthorique qui n'a d'autre signification que "qu'est c'que tu fous là, casse toi". L'gosse te fait marrer à avoir joué d'sa vie comme un fou l'ferait. L'a l'air de ces gosses qui grandissent trop vite et qui meurent tôt. D'une balle dans l'crâne à avoir trop vite cherché l'emmerde. A trop avoir joué avec le feu. Ca t'fait penser à un autre de fils et tu t'marres encore. Mais jaune, cette fois. Alors tu mires l'océan en t'demandant si c'est un fille ou un gars. S'il ou elle est encore vivant. Ca t'rappelle de beaux souvenirs qu'il fait bon pas d'déterrer. L'genre de choses à quoi t'aimerais jamais penser.

    "La vie gamin."

    Tu lui réponds ça parce qu'au fond y'avait pas grand chose d'autre à dire. T'aurais pû aussi répondre rien et r'partir mais t'as déjà assez abandonné d'gosse. Un suffit. Ta conscience en bouffe encore des nuits blanches parfois à t'insulter toute la nuit alors t'préfères pas remettre le couvert et jouer l'gentil. Le bon vieux papi qui vient donner la patte à un gosse dans l'besoin. Et la jeunesse n'fait jamais d'mal à un vieux loup de mer comme toi, bouffé par les remords et l'ennui d'la vie. Qu'a jamais su parler qu'par les poings.

    "T'faisais quoi à jouer d'ta vie comme ça gamin? C'est pas d'ton âge ce genre de choses."
    Tu mires le gosse une autre fois. Sa gueule trop blanche qu'a bu trop d'eau d'mer. Ses yeux rougis par l'sel et tout son corps tremblant d'froid. Tu souffles un coup, d'lassitude, en te demandant si t'as bien fait de le sauver, si c'était pas mieux à mirer les vagues claquer contre l'sable. Seul. Mais maint'nant t'as plus trop le choix. C'ta conscience qui te l'dit.

    "Fait pas bon d'se baigner dans une eau qu'doit pas faire plus d'dix degrés, va chercher des branches et enlèves tes frusques s'tu veux pas crever d'froid. On a faire un feu. J'dois avoir un truc à t'prêter."

    Tu t'mets à fouiller dans ta p'tite besace pour en sortit une vieille couverture chiffée et mise en boule. L'genre de couverture qui pue et qu'est aussi moche qu'un éclopé. Mais l'gosse n'a pas trop le choix.

      La vie qu'il dit. M'faut un peu de temps pour comprendre. J'sais pas si j'aime. J'ai tellement suer pour sortir de là. Me dire qu'en fin d'compte, ma survie est dûe à quelqu'un d'autres... j'sais pas... Mes pensées s'interrompent. Lui m'demande pourquoi j'me suis r'trouvé là, à barboter. La question m'étonne. Il n'est pas d'ici, il ne connait pas le Rocher. C'est un étranger... Il ne sait pas que je suis un évadé.

      On fait un feu, lui m'donne quelques vêtements, plus beaux que tous ceux qu'j'ai jamais eu. Il commence à faire chaud, autours des flammes, lui et moi on s'regarde du coin des globes. Et je commence à parler. Sans savoir pourquoi. Peut-être j'ai confiance. Peut-être j'ai besoin. Toute ma vie j'ai connu la beigne, et les dernières années furent pas les meilleures. Alors j'lâche c'que j'ai, à c'type inconnu.

      J'avais cinq ans, je crois. J'ai mis le feu.. à une grange.

      J'le mire. Son expression n'a pas changée. Pas d'un pet. Un feu d'grange... l'a pas l'air impressionné, l'a pas l'air juge. Je continue.

      Les vieux du village n'ont pas aimés. Ils m'ont envoyés, sur le Rocher, là-bas. Avec les criminels. C'est pour ça que j'ai traversé... Pour m'enfuir. Et me voilà revenu...

      Lui ne me regarde plus, il fixe l'océan, au loin.

      Bientôt, j'irai au village, là-bas, sur la cote. J'irai, je n'sais pas c'qu'il se passera... Mais ce sera pas beau. Je ne serai pas sympa...


      Il se marre doucement.

      Tu ris, l'vieux?




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      Tu ris? Bien sûr que tu ris. Douc'ment comme un vieux débris fatigué par les années qui s'rappelle doucement ses jeunes années. A foutre tant le boxons qu'il en était dev'nu un trop lourd fardeau pour les parents. Tant qu'ils finirent par vouloir le tuer. A vouloir l'mirer au fond d'un trou. Raide mort. Alors oui, forcément, tu te marres.

      _Quand j'avais ton âge, mes parents ont tenté d'me buter. Parc'que je n'faisais pas c'qu'il fallait.

      Pas de jugement que tu donnes. Juste des faits. Des faits qui font bien mal par là où ça passe. Mais pas à toi. Plus à toi. T'es trop vieux pour te rappeler à ces histoires. A ces gens qui doivent être bouffés par les rats depuis plusieurs décennies. Alors tu r'parles.

      _Et après?

      Il te mire drôle. L'a pas compris.

      _Après avoir réglé tes comptes. Embrassé la gueule du géniteur avec tes poings d'amour.

      Tu laisses un temps. Comme pour le laisser réfléchir.

      _L'après est aussi important. J'crois.

      Tu te dis que c'est pas tes cognons alors tu te tais. Tu l'laisses se taire. Tu t'dis qu'il n'y a pas pas de bon ou d'mauvais chemin. Et c'bien toi qui devrait le savoir. Ça.

      _S'tu veux bien faire les choses par contre. Va falloir bouffer un peu. Plus. T'refaire une santé. Tu m'fais pitié avec ta peau sur les os gamin. Demain on ira pêcher. T'sais pêcher?

      A croire qu'il n'a pas le choix. Il te mire presque noir.

      _Tu tiens à peine debout tout seul gamin. T'as b'soin d'aide et l'destin, s'il y en a un, a voulu que j'sois là. J'te laisserai pas repartir tant qu'tu seras dans cet état.

      Il doit s'demander pourquoi, là. Mais ça, tu t'en contrefous.