Escapade à Tequila Wolf

FB Année 1621, 17H.

Tequila Wolf, un pénitencier à ciel ouvert où des bagnards miséreux condamnés aux travaux forcés avaient élus domicile. Kaitô s’était juré de venir en ces lieux afin de contempler le projet ambitieux et pharaonique du gouvernement mondial. Cette entreprise n’était un secret pour personne sur East Blue et même si cette initiative n’attirait guerre l’unanimité des autochtones, elle se poursuivait inlassablement en vue de rallier les îles de cet océan et d’en intensifier les échanges commerciaux. Le gouvernement avait bien conscience des tensions locales lié à sa démarche, cette atmosphère très controversé était particulièrement propice à des rebellions, des insurrections de travailleurs lobotomisés par des idéaux révolutionnaires. Ainsi, une démonstration de force s’avérait nécessaire pour maîtriser tout esprit contrevenant aux lois du gouvernement mondial, un déploiement de plus de 8000 soldats sous la responsabilité de chefs de chantier et capitaines avait été affecté à la surveillance et à la protection des installations. Kaitô se tenait près d’un point d’observation en altitude, Le panorama en valait la chandelle, les chantiers colossaux semblaient s’étendre à perte de vue sur l’horizon bleu. Kaitô partageait radicalement cette idée d’asservissement des criminels, les prisons n’étaient pas des peines légitimes et suffisantes pour ses moitiés d’hommes, ces vermines avaient bafoué l’ordre pour des motifs s’apparentant à l’argent, le pouvoir ou même parfois le simple plaisir d’exterminer, ils devaient en payer désormais les lourdes conséquences et s’ils devaient être sacrifiés sur l’autel de justice, ce ne serait qu’un jugement légitime pour les atrocités qu’ils avaient perpétrés et dont ils s’étaient rendus responsable. Ils étaient réduits à subir le même « traitement de faveur « qu’ils avaient jusqu’alors réservés aux populations, la servitude et l’humiliation quotidienne étaient désormais leurs compagnons de route et c’était loin de déplaire au jeune agent du gouvernement.

A l’instar des agents gouvernementaux, son identité et son passé avait été précautionneusement dissimulé. Aux yeux des natifs de cette île, il n’était qu’un étranger de passage comme l’île en compte des centaines. Tequila Wolf, cette île s’apparentait à une vaste fumisterie, la misère environnante était maquillée par l’exhibition des riches de la capitale. Un procédé ingénieux avait élaboré pour les étrangers afin de contourner le spectacle affligeant de la servitude des criminels mais il fallait se rendre à l’évidence, Tequila Wolf n’était plus que l’ombre d’elle-même, la richesse, l’opulence, l’éclat dont elle rayonnait autrefois s’en était allé. La population vivait chichement et il n’était pas rare de voir les jeunes se tourner vers la piraterie pour parvenir à leurs fins. Il ne faisait pas particulièrement bon vivre à Tequila Wolf et la présence de tous ces marines étaient loin d’arranger la donne cependant le maire de la ville faisait tout ce qui était en son possible pour garder un climat d’entente dans sa ville et ce même s’il devait faire face à des problèmes récurrents de larcin et de vandalisme. La situation particulière de cette île faisait peser un climat oppressant, les délits mineurs des jeunes se traduisaient par des travaux d’intérêt général notamment par la contribution à la construction des ponts. Ils étaient dés lors confrontés et mêlés aux criminels de la pire espèce qui faisaient germer en eux les plantes de la discorde. Nombreux d’entre eux viendraient à les rejoindre s’ils parvenaient à s’échapper de cet enfer légal, Kaitô en était persuadé et il attendrait le jour glorieux où il rendrait le jugement de la justice à ces gamins mal avisés.

Kaitô n’éprouvait aucune compassion pour ses individus, il avait des années durant été le témoin d’exactions bien pire que ces gamins ne seront sans doute jamais à voir et lui, malgré tous ces circonstances néfastes n’avaient pas perdu sa foi envers la justice. Le gouvernement mondial ne les avait pas abandonnés à leur sort, les retombées économiques de ces constructions titanesques entraineraient à long terme l’enrichissement de l’île et par extension celle de sa population. C’était dans la poursuite de cet idéal que devait se positionner les hommes et femmes de cette île, travailler pour le gouvernement est en soi un honneur. Au loin, à l’extrémité des ponts se dressaient des habitations précaires dans lesquelles les prisonniers séjournaient et se reposaient la nuit venue. La tombée de la nuit était le moment le plus critique de la surveillance, l’occasion tant attendu par ces racailles pour tenter une évasion et se dérober à leurs châtiments et ce avec l’appui des complices que l’on ne saurait identifier. Au crépuscule, les soldats sont particulièrement sur le qui-vive et toute personne qui s’hasarderait à pénétrer dans la zone des habitations risquerait une mort inopiné ou du moins sa mise en joue. Ces soldats n’étaient pas des marines, ils n’avaient pas leur sang-froid, ils avaient assurément la gâchette facile et si pour le peu que le visage du quidam ne leur revenait pas, ils tireraient sans sommation et sans l’ombre d’une hésitation. Dieu sait que les habitants en entendaient des salves ici bas à Tequila Wolf, l’odeur de la poudre encore brûlante, les roulements métalliques des barillets, les douilles vides tombant au sol laissant place parfois à des spectacles sanglants. C’était là le quotidien de Tequila Wolf et ils avaient du s’y habituer hélas.

Le chantier naval spécialisé dans la construction de brises glace était l’attraction principale pour tous les étrangers de passage sur cette île. Vestige du passé glorieux de Tequila Wolf, les dirigeants organisaient régulièrement des excursions sur ces chantiers pour des petits groupes de touristes en contrepartie d’une contribution financière. Les étrangers découvraient le quotidien de ces hommes robustes, de la conception de ces navires aux dernières finitions apportés aux vaisseaux. Tous les corps de métier étaient passés à la loupe, la charpente, l’ingénierie, le revêtement, l’ébénisterie, le travail de bordage, les visiteurs avaient l’opportunité d’échanger avec les travailleurs sur leurs conditions de travail et les motivations qui les avaient poussés à exercer ce métier. La direction de l’île avait bien cerné l’attrait des étrangers et exploitait ce filon. Une boutique avait ouvert ses portes au sein du chantier où l’on pouvait acheter des ouvrages sur l’histoire de l’île, des reproductions miniatures des navires qui avaient vu le jour ici ainsi que des babioles en tout genre. Ce petit commerce faisait rentrer des fonds précieux dans les caisses de l’île. Kaitô était convaincu que les « intermédiaires financiers « comme l’administration les appelle s’en mettait plein les poches, une corruption institutionnalisé dont les acteurs se gardaient bien d’aborder ce sujet épineux. Cette nuit était particulièrement calme, les bourrasques de vent avaient cessés laissant place à d’obscures nuages, Kaitô décida de se rendre dans les quartiers en périphérie de la ville, il était toujours bon de s’informer des rumeurs locales, la collecte d’information est crucial pour un agent du gouvernement. Plusieurs heures déjà étaient passées depuis que les gamins des rues avaient élus domicile, certains trainaient toujours par habitude avec les saoulards conventionnels, sifflotant des bouteilles de rhum et se réveilleraient demain sans le moindre souvenir de leur nuit passé. Bientôt Kaitô parvint devant la façade de l’un de ces bars de rue, souvent malfamé par la vermine, dénommé le « Tequila sunrise ». Cette occasion était parfaite pour en apprendre davantage sur les ragots ici bas, Kaitô pénétra dans l’enceinte de l’établissement et referma la porte après son entrée.

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L’atmosphère austère du lieu était à l’image de ses propriétaires. Le barman, sans doute le tenancier de cette taverne, affichait un visage sévère dont les traits profonds étaient marqués par son âge avancé. Sa femme n’était pas bien différente, accoudé au comptoir, elle s’esclaffait d’un rire gras et vulgaire aux anecdotes des clients bourrus qui buvait un coup sur le zinc. Le barman voyait clairement ca d’un mauvais œil, les débordements et les gestes déplacés devaient être courant dans sa bicoque cependant il avait besoin d’argent pour faire tourner ce petit commerce, c’était un mal nécessaire. Kaitô décida de s’asseoir à une table d’angle, cette position lui offrait un point d’observation idéal pour contempler la salle pleine à craquer. Le mobilier très rudimentaire donnait au lieu une ambiance conviviale où l’on pouvait discuter avec aisance. Ce n’était pas un café de la capitale exubérant au possible dont les banquettes en cuir capitonné et les tables lustrés vous incitaient à payer 10 fois l’addition de votre consommation. L’ambiance du tequila Sunrise lui convenait parfaitement, de larges miroirs à l’image de ceux qu’on trouve dans les saloons encadraient les coins de la pièce, ces miroirs reflétaient toute la suspicion des clients, des regards s’y croisaient, s’entrecroisaient encore et faisait naître des tensions et les bagarres qu’on connaît si bien dans ces établissements de fortune. Une bande de loubards s’adonnait à des jeux de cartes, ils semblaient déjà s’être combattus au regard des bleus et des coups apparents sur leurs visages. La présence de Kaitô n’était pas passé inaperçu cependant il n’était pas catalogué comme un individu dangereux, c’était l’un de ses clients simplet qui viennent consommer chaque soir de leur côté leur petite fine et discuter du quotidien avec les clients et gérants du bar. La serveuse vint bientôt à la rencontre de Kaitô et lui lança :

« Qu’est-ce qu j’vous sers mon bon gars ? »

Le portrait craché de sa mère, un visage d’enclume, une masse pondéreuse suintant la graisse et la sueur. Elle semblait aussi en avoir hérité le champ lexical et son accoutrement était loin de la mettre en valeur mais au moins elle mettait sa clientèle à l’aise. Derrière elle, des insultes fusaient à son insu, la fille du barman semblait s’être résolue à sa condition, elle était ainsi et elle en acceptait les déclarations machistes et assujettissantes.

« Une tequila me suffira »

Les fumées des cigares et autres produits s’entremêlaient et imprégnaient la pièce, déposant une fine pellicule de graisse dans toute la salle. Les lumières blafardes au plafond enlaidissant ce décor pourtant chaleureux, l’aération était loin d’être idéal et se résumait pour ainsi dire aux mouvements de la porte de la taverne. Un piano mécanique à rouleaux au fond de la pièce animait les discussions nerveuses des clients, un musicien d’une trentaine d’années en était aux commandes. Après de plus amples observations, chaque membre du personnel avait en sa possession de quoi se défendre si un conflit éclatait, le barman avait un peu trop tendance à regarder sous son comptoir, les couteaux habilement dissimulés dans les sous-vêtements ne sa femme ne faisait pas l’ombre d’un doute et quant à la fille, elle devait aussi aisément savoir se défendre. La brasserie possédait une arrière boutique, séparé de la salle commune par un large rideau noire, elle devait abriter sa solde de petits magouilleurs en tout genre qui complotaient en douce à l’insu du gouvernement. Kaitô entendait bien découvrir ce qu’ils manigançaient et y mettre un terme. Après quelques instants, la serveuse vint apporter à Kaitô sa commande, il lui régla automatiquement l’addition et lui glissa un pourboire. La tequila était très agréable, suave et sucré, elle se laissait boire aisément, Kaitô descendit son verre et le déposa soigneusement sur la table.

Les rumeurs allaient bon train sur les filles de joie locales, sur les petites magouilles financières qui permettaient de gagner 3 francs six sous, sur les prétendus adultères des dirigeants de l’île. Rien de bien important en somme mais cette arrière boutique contrariait Kaitô, il était intimement persuadé que des informations bien plus intéressantes étaient détenus par ceux ou celles qui se tenaient derrière le rideau. C’était son sens aigu de la justice qui le démangeait, quelque chose d’illégal se tramait ici bas. Plusieurs perspectives s’offraient à lui pour parvenir à ses fins, il pouvait très bien soutirer de manière subtile des informations en faisant ami ami avec le gérant et s’attirer ses faveurs avec une tournée générale. Il pouvait aussi se faire passer pour un flambeur et demander au gérant d’être introduit dans l’arrière boutique comme partenaire de jeu. Il fallait procéder avec méthode et rigueur, Kaitô décida d’attendre l’heure de fermeture avant d’attenter toute action dans la taverne, les civils n’avaient pas à être mêlé aux débordements potentielles de cette situation, le contexte n’avait rien d’extrêmement sensible, il avait déjà eu affaire à des circonstances similaires lors de ses missions antérieures. Les clients partaient au compte goutte, la plupart réglaient leurs quittances et repartaient avec de jolies compagnes qui allait à coup sur les détrousser de leurs biens. Certains ivrognes cependant ne disposaient pas de la somme nécessaire et se faisaient expédier sur le palier par le barman si bien que bientôt il ne restait dans cette immense salle que Kaitô et son verre à moitié vide. Il était temps de rentrer en scène.

« Une dernière Barman, pour la route »

Kaitô se dirigea aussitôt au zinc afin de mieux engager la conversation avec le propriétaire, sa femme vint accoster Kaitô, déployant son numéro de charme et ses meilleurs atouts pour tenter de séduire le jeune agent du gouvernement. La serveuse quant à elle profitait de l’occasion pour verrouiller la porte à l’insu de Kaitô, du moins c’est ce qu’elle croyait.

« Mon gars, ton visage me rappelle rien, t’es jamais venu au bar auparavant, j’aurais reconnu ton visage sinon. Qu’est ce qui t’amène dans notre belle contrée ? »

« Eh bien, je dois dire que j’ai gagné un sacré pactole au centre ville et je m’étais dit que j’aurais pu le dépenser dans votre établissement avec des joueurs sérieux mais hélas il semblerait que je me sois trompé d’adresse »

Il agitait une liasse de billets à la barbe de ce barman dont l’œil semblait soudain s’illuminer à l’écoute de ces quelques mots. Alors que sa femme tentait de retenir Kaitô avec ses charmes, il se dirigeait d’un pas long et lourd vers la sortie, l’homme décidait enfin de me mettre dans la confidence.

« Je me nomme Monta mais tout le monde m’appelle Mo’. Nous avons ici dans l’arrière boutique un cercle de joueurs avec qui tu pourrais miser ton argent. Je vais t’introduire à eux, ils sont très sympathiques, tu verras. »

Kaitô souriait intérieurement, le barman n’avait pas marché dans la combine, il avait littéralement couru à sa rencontre. La seule échappatoire de l’établissement était fermée à double tour, cela lui faciliterait la tâche si la situation venait à prendre une mauvaise tournure. Kaitô se retourna précautionneusement en dévoilant un large sourire factice, de ceux dont il avait le secret pour s’attirer la confiance et la compassion de ses interlocuteurs.

« Je n’attendais que ton invitation pour me joindre à cette table. C’est quoi ce soir ? Poker, Mahjong ? Du moment qu’il y a de l’alcool et des femmes ca me va «

Il simulait volontairement l’ivrogne éméché pour tromper tout signe de défiance et amadouer ses proies. Mo’ me faisait signe d’attendre quelques instants dans la salle d’accueil afin qu’il leur fasse part de ma présence. Derrière le rideau presque opaque, un signe de la main accompagné d’une brève injonction m’invita à pénétrer dans la pièce et prendre place à la table de jeu. Quatre hommes à l’apparence négligé se faisaient face, tous aussi dépareillés les uns que les autres, mal rasés et vulgaire au possible et sifflotant leurs petites liqueurs. Ces mecs là n’avaient rien de dangereux, ils avaient beau tenter de jouer les gros-bras avec leurs airs sévère et autoritaire, Kaitô l’avait remarqué au premier coup d’œil, ils faisaient partie de ces petits forbans qui s’adonnent à commettre des petits larcins pour subsister tant bien que mal. L’agence de la pièce couplée à la fumée épaisse de leurs cigares rendait l’atmosphère difficilement respirable, ca ne gênait pas Kaitô outre-mesure, il avait clairement l’habitude de ce type d’ambiance semi-étouffé. Celui qui s’apparentait être le chef de cette bande l’invita à prendre un siège tandis que le barman s’effaça discrètement dans l’obscurité.

« Prend un verre compagnon, Moi c’est Floyd, Le gros au bout de la table, c’est Barnes et le dernier chétif à ta gauche c’est Tim. Qu’est ce tu viens d’faire beau ici ? «

« Volontiers les gars, ce n’est pas de refus. Baaaah j’ai entendu dire que certains prisonniers de Tequila Wolf allaient tenter de s’évader ce soir ou dans les prochains jours à la tombée de la nuit et je dois vous avouer que je voudrais en être aussi. Jouons cartes sur table, je serais prêt à vous rémunérer si vous consentiez à me donner des renseignements sur eux ».

Cette déclaration avait éveillé un intérêt certain chez ses mécréants. L’enthousiasme et l’indécision habitaient leurs esprits étroits, attirés avidement par l’appât du gain. Des mimiques de toutes sortes gagnaient leurs visages encrassés, traduisant leur embarras et leur confusion quant à mon affirmation. Bientôt, après une multitude de regards complices, le leader du groupe vint à prendre la parole :

« On a bien un tuyau pour toi. Ce soir, a 2h, une vingtaine d’hommes comptent se faire la malle. On a un établi un point de rendez-vous avec eux près du chantier naval de brise-glace au nord de l’île, on compte dérober un bateau et prendre la poudre d’escampette à la barbe des geôliers. Maintenant que je t’ai procuré ces précieuses infos, allonge la planche à billets. »

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Les 3 compères attendaient précautionneusement la récompense supposée, tendant leurs paumes répugnantes en direction de Kaitô comme pour lui signifier qu’il devait maintenant passer à la caisse. Un long silence s’ensuivit, se prolongeant encore et encore, faisant naître la suspicion des principaux concernés. Le barman, lui aussi, devait avoir bien flairé le revirement de situation. Aussi discret qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine, son « déplacement furtif » entraînait des craquements à chaque fois qu’il avait le malheur de poser son pied sur le parquet, il avait tenté de se positionner délicatement derrière Kaitô, prêt à faire tomber son hachoir au moindre signe de résistance de ce dernier. Le décor était posé et tous n’attendaient que la réaction de leur nouveau partenaire de jeu pour agir, en son sens ou à son insu. Kaitô affectionnait particulièrement ces moments clés, ces instants où tout peut basculer, ces circonstances où les véritables valeurs des hommes se révèlent se s’affrontent farouchement. C’était dans ses moments où l’homme dépose son empreinte, où l’on doit briller ou au contraire s’éteindre, le degré d’une ambition contre une autre. Soudain, il décida d’applaudir lentement en guise de reconnaissance, montant encore d’un cran le degré de nervosité de ses opposants.

« Enfin, tu t’es décidé à délier ta langue… tu commençais à me taper sur le système avec tes faux-airs de pirate chevronné. Un idiot aurait perçu cette ruse aisément, toi et tes portes margoulins n’êtes bons qu’à mettre aux fers à perpétuité. »

Puis il ajouta avant de lever les yeux au ciel.

« Je te conseille de lâcher ce hachoir instantanément ou il pourrait t’arriver des bricoles toi aussi. Complicité contre le gouvernement et attente à la vie de l’un de ces représentants, ca va chercher loin »

Ces scélérats étaient littéralement sidérés pendant un court laps de temps et cela suffit à Kaitô pour prendre l’avantage grâce à l’effet de surprise. Il poussa violemment la chaise en arrière, laquelle vint heurter le barman qui encore sous le choc. Kaitô profita de l’occasion pour s’emparer du hachoir du rondouillard et le jeta, tel un tomahawk, avec brutalité au centre du tapis de jeu et ce uniquement dans le but de mettre leurs nerfs à vifs.

« Je ne vous tuerai pas, vous ne méritez même pas ce sort, bande de vermines. Vous finirez vos jours dans des cachots putrides avec pour seuls compagnes le désespoir et l’alcool pour noyer votre décadence. Je vous laisse cette chance, la cavalerie est déjà à l’extérieur devant la façade. Rendez vous et vous aurez au moins cette clémence »

Kaitô jouait la carte du bluff. C’était éminemment risqué cependant il était conscient que ces petites frappes allaient obtempérer. Le mot alcool sonnait comme une délivrance pour ces épaves. La perspective de devoir s’en séparer était un enfer insondable qu’ils ne pourraient supporter. Il avait pris soin de subtiliser la clef de la porte principale, l’endroit était condamné. C’était entre lui et eux, personne viendrait s’interposer, Kaitô avait décidé de le faire au culot, il se s’était laissé qu’une faible marge de manœuvre uniquement par goût du défi. Ce serait un coup de poker ou ca se finirait en bain de sang. Les dés sont jetés, le destin était désormais seul juge de comment cet incident allait se terminer. Tandis que deux des trois brutes épaisses se rendaient s’en faire d’histoire, le leader Floyd semblait être moins accommodant. Il sortit fébrilement son arme à feu, tremblant sans interruption et eut bien du mal à mettre en joug son opposant. Ses compagnons essayaient tant bien que mal à le raisonner mais ce fut sans succès hélas.

« Je ne te laisserai jamais nuire à nos intérêts, sale officiel du gouvernement, vous n’êtes pas meilleurs que nous. Vous êtes aussi pourris que nous. Ne me fais pas la morale, tu n’es qu’une ordure de la pire espèce. Je vais te buter et j’emporterai mon butin dans ma tombe »

Kaitô haussa les épaules et murmura quelques mots dans sa barbe. Il semblait ignorer totalement le propos du pirate véhément. L’autre profita de l’occasion pour tenter appuyer sur la gâchette. La balle vint percer la jambe droite de l’agent, qui n’aspirait à l’éviter. Kaitô avait misé, il avait perdu, il en acceptait le juste châtiment corporel. Une sorte de roulette russe en somme. L’homme arborait désormais un visage triomphant, la fumée grisâtre s’extirpait du canon encore bouillant. Il jubilait d’avoir réussi à asséner cette blessure à l’ennemi, comme si il avait expié à travers ce bout de plomb toute l’animosité et l’hostilité qu’il éprouvait à l’égard de Kaitô. Un léger filet d’hémoglobine coulait sur le pantalon de smoking noir. Impassible et stoïque dans la douleur, Kaitô déclara :

« J’ai perdu aux cartes ce soir, la chance n’était pas de mon bord. Tout ce que tu dis est juste camarade à l’exception que cet insigne m’autorise à te faire subir tous les sévices que je jugerais nécessaire pour te faire parler. Elle est garante de mes actes et de la justice en toutes choses. »

Kaitô renversa la table sur l’homme fébrile qui tomba au sol, assommé par la lourde pièce de bois. Il débusqua dans la réserve de solides cordages puis il attacha solidement toute cette bande de vermines, femme du barman et serveuse inclus, les uns contre les autres en les bayonant. L’or dont parlait cet homme mit la puce à l’oreille à Kaitô, ce vaurien avait du dissimuler non loin de là, l’or de ses cambriolages et vols en tout genres. Il n’était que justice que de rendre à César ce qui lui appartient. Après une éxamination plus approfondie des lieux, Kaitô découvrit un faux-plafond dans la pièce adjacente et découvrit avec stupeur l’or amassé par ce forban. La justice, elle aussi, récompense ses meilleurs représentants, aussi il décida de se servir généreusement dans le lot et de les mentionner comme faux-frais dans son prochain rapport.

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La justice était dorénavant rendue mais en partie seulement. Kaitô devait impérativement se rendre auprès des logements des travailleurs, prévenir les soldats du contingent local et mettre un terme aux petites magouilles de ces scélérats dénués d’envergure. Avant de partir, il s’empara du den den mushi qu’il avait découvert dans la poche de Floyd. Ca peut toujours servir et surtout Kaitô espérait que les complices viendraient à rentrer en communication avec ces forbans. Il se mit aussitôt en route en direction des habitations mitoyennes et vétustes des travailleurs. Kaitô espérait vivement qu’il ne soit déjà trop tard, ces hommes là peuvent être potentiellement dangereux et ce en raison de leurs idéaux et de leurs convictions. Le type d’hommes au bout du rouleau, traînés dans la boue et dans la honte de leurs existences à maintes reprises, ils avaient perdu familles, biens matériels, honneur et n’avaient pour ainsi dire plus que leurs existences tâchés de larcins, de crimes impunis. Kaitô commençait à connaître les tempéraments de ces individus qui vivent au jour le jour sans même penser à de quoi demain sera fait. Ces brigands vivent dans le déni le plus total, leurs esprits ont refusé d’accepter la gravité de leurs actes et ces hommes là, dans leur quête inexorable de pardon ou d’omission, cherchent soit une sorte de miséricorde ou au contraire une cruauté inégalée. Il disposait de quelques heures devant lui avant que l’aube ne se lève et cette affaire devait être réglée avant que la population locale en soit inquiétée. La situation la plus problématique serait que ses individus parviennent à s’échapper en prenant des otages en gage de caution. C’était le pire scénario auquel Kaitô ne voulait pas se frotter, l’imprévu est une variable difficile à estimer mais c’est ce qui la rend si attrayante. Il pressait le pas dans le dédale de ruelles sinueuses de cette grande ville, les lampadaires illuminait timidement la chaussée quasiment déserte, l’idée que ces escrocs puissent s’en sortir impunément le rendait dingue, il n’était pas question de ne pas leur mettre la main dessus. Bientôt, il parvint à l’embarcadère non loin des demeures pitoyables des présupposés fuyards. Un garde vint à sa rencontre, fusil contre l’épaule et lui demanda l’objet de sa course effréné. Kaitô montra précipitamment son insigne gouvernemental et l’homme comprit aussitôt que quelque chose se tramait ici bas.

« J’ai des raisons de croire qu’un petit groupe de travailleurs va vous fausser compagnie ce soir. Je tiens ca de sources sûres, je me suis occupé de quelques complices au Tequila Sunrise. Ils veulent s’accaparer un brise glace et partir avant le lever du soleil. Examinez immédiatement l’état des habitations et vérifier qu’il ne manque personne. Autant vous dire qu’il en va de votre poste et du mien «

Kaitô accompagna le garde qui informa instantanément le tour de garde puis ils passèrent au crible chacune des demeures des pénitents, profitant de l’occasion pour interroger brièvement les autres prisonniers sur cette histoire. Tous étaient unanimes, ils ne savaient rien ou du moins pour reprendre leurs mots « Ca n’en était pas venu à leur connaissance », soit ils mentaient tous et s’étaient fait passé le mot soit ces crapules avaient gardé le secret de peur de se faire dénoncer par un détenu. Kaitô n’avait pas le temps pour mener des interrogatoires pointus, ces sagouins le savaient et voulaient nous mettre dans la panade. Kaitô et les gardes poursuivirent l’examination et trouvèrent enfin les prisonniers qui s’étaient fait la malle. Il s’agissait des individus logeant dans le bâtiment 4F. Le garde montra sur le champ les casiers judiciaires bien rempli de ces 4 hommes, cela s’apparentait à des délits mineurs : braquages, extorsions de fonds, attaques à mains armées. Ils s’étaient fait attrapé à chaque reprise, autant dire qu’il s’agissait d’amateurs dont l’ambition dépassait clairement les aptitudes. Ces vauriens devaient avoir été nourris aux contes et histoires de corsaires depuis leurs enfances et croyaient en une vie bordé de plaisirs au travers de leurs délits et attentats. Bientôt, une nouvelle vint compliquer la donne déjà très épineuse, le recensement des soldats fit mention d’un soldat manquant au sein des rangs. Ces rebuts de la société devaient l’avoir kidnappé dans le but d’en faire une monnaie d’échange et de s’en servir pour négocier. Par ailleurs, ils avaient pu emprunter plusieurs chemins pour rejoindre le chantier des brise-glace, la situation se corsait. Kaitô et les marines auraient beau se diviser en petits groupes, ils ne parviendraient pas à résoudre cette affaire avant l’aube. Soudain, le den den mushi dont il s’était approprié, résonna dans sa poche. TULUT, TULUT, TULUT, TULUT. L’espoir semblait lui sourire à nouveau, cet appel inespéré lui permettrait éventuellement de localiser ces contrevenants. Il décrocha prudemment le combiné et laissa l’interlocuteur s’exprimer :

« Alors, qu'est-ce que tu fous ? Johns, Mick, Finch et moi, on est maintenant plus qu’a 1 km du chantier de brise glace. L’otage nous ralentit plus que prévu, sacrément chiant le soldat. T’as plutôt intérêt à t’être occupé de sécuriser le chantier sinon …. Hey tu m’écoutes ?! »

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Kaitô disposait enfin d’informations précises quant à la position des détenus et à leurs véritables intentions. Cette annonce attestait le fait que ces vermines possédaient bien une monnaie d’échange en la personne du soldat. Le discours du brigand avait littéralement estomaqué l’assistance si bien que Kaitô se résolut à prendre la communication, en simulant la voix de l’un des bandits.

« Ici Floyd, on a eu du grabuge au Tequila Sunrise, un petit malin a pas voulu régler ses dettes, on lui a fait sa fête. Le chantier est sous contrôle, ca pas été une mince affaire mais dorénavant on est paré et on attend plus que vous pour lever les voiles »

Un silence s’ensuivit et des grésillements se firent entendre dans le den den mushi. La transmission de mauvaise qualité jouait en faveur de Kaitô. L’homme était pressé, il savait que la cavalerie n’allait pas tarder à se mettre à ses trousses, aussi il ne porta pas attention aux différences d’intonations avec le fameux Floyd. Il baragouina quelques mots d’énervement avant de rompre la communication. L’agent du gouvernement pouvait dorénavant emprunter un itinéraire et mettre un terme aux desseins de ces forbans. Il fit demander des renforts supplémentaires et somma quelques hommes de suivre un trajet différent afin de prendre en tenaille l’opposant. Kaitô profite de l’occasion pour se renseigner brièvement sur l’otage en question, il s’agissait d’un cadet dont l’expérience ne dépassait pas 2 ans, aucunes aptitudes particulières ni possession d’un fruit du démon. Il constituait l’otage idéal pour n’importe quel ravisseur. Kaitô se mit aussitôt en route, il décida de prendre à revers l’ennemi tandis que le groupe de soutien s’occupait de leur faire face. Une stratégie des plus commune mais qui a démontré en de nombreuses occasions son efficacité mécanique. La position périphérique du chantier permit à Kaitô de contourner la cité et de se rendre au point de rassemblement. Dissimulé dans les fourrés, Il arrivait trop tard, le groupuscule semblait déjà vouloir investir le chantier. L’otage attaché par de solides liens était tenu en joug par l’homme qui semblait être le leader proclamé de cette bande de loubards invétérés. Les sbires tentaient sans succès d’ouvrir les lourdes portes d’acier du chantier naval tandis qu’ils se voyaient insultés et affublés de tous les injures possibles par leur chef. Kaitô prit alors conscience du rôle des bandits à qui il avait réglés le compte au Tequila Sunrise, ils étaient les intermédiaires leur permettant de s’introduire sans encombre et surtout en toute discrétion dans ce chantier. Kaitô informa instantanément le second groupe de poursuite des circonstances que prenait l’enlèvement et leur fit part de sa stratégie de sauvetage du soldat.

« Je vais m’infiltrer dans la bâtiment et m’occuper de ces hommes, l’un après l’autre à l’instar d’un tueur à gages. Pendant ce temps, vous allez vous procurer un navire et vous stationner derrière le versant est de l’île, cette position vous permettra de vous soustraire aux yeux de l’ennemi et de le suivre si cela s’avérait nécessaire. Notre objectif principal est l’otage, gardez le bien à l’esprit et surtout ne perdez jamais de vue l’homme qui le menace et tenez moi informé de leurs moindres agissements quand je serai à l’intérieur. »

Un bruit sourd, de taule ondulée interrompit la conversation. Kaitô jeta un œil auprès de ses convives pour s’aviser de leurs manigances. Ils avaient finalement réussi à pénétrer dans l’enceinte du chantier à la grande fierté de leur capitaine.

« Enfin, bah c’est pas trop tôt. Qui m’a foutu une bande de bons à rien pareils. Dépêchez vous, dégotez moi un brise glace de bonne qualité, procurez vous les cordages et le matériel nécessaire à la navigation, quitte à le prendre sur les autres rafiots, je ne veux pas le savoir. Quant aux petits malins qui nous ont faussé compagnie, on s’occupera de les mettre à l’amende plus tard, ils ne perdent rien pour attendre. Cet abruti de soldat ne nous servira bientôt plus à rien, les gars et je vous laisserai le plaisir de descendre cette vermine. »

La situation prenait une tournure des plus préoccupantes. Paradoxalement, elle arrangeait Kaitô, la division des hommes dans l’établissement lui permettait de s’adonner à ce qui lui permettait d’exprimer de manière intense sa plus grande volonté de justice : l’exécution en règle. Il n’était plus question de laisser ses hommes vivants, ils avaient bafoué l’ordre sous toutes ces formes. Une rédemption leur avait été offerte dans ce travail de construction du pont et ils l’avaient délibérément rejeté d’un revers de main. Kaitô se dirigea silencieusement à demi-pas et à l’insu de ses opposants en direction du chantier. Il put pénétrer dans le hangar naval grâce à un vasistas laissé entrouvert et gagna ce qui semblait être le sous-sol du bâtiment. La traque était désormais engagée.

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L’entrepôt s’apparentait à une longue barre de béton et d’acier et abritait de nombreuses pièces en son sein. La course effrénée des pirates dans l’établissement rendait leur localisation plus aisée, saccageant tout sur leur passage dans un fracas assourdissant. Ils devaient chercher frénétiquement le matériel nécessaire afin de mettre les voiles avant l’aurore matinale. Dans la salle, une vitre brisée lui procurait un formidable point d’observation de la façade du chantier naval. Le meneur de ces rebelles n’avait pas bougé d’un cil, beuglant des ordres les uns après à les autres à ses sou fifres improvisés. Kaitô se déplaçait silencieusement dans l’enceinte tout en veillant à surveiller ses arrières, les reflets et ombres portées sont souvent révélateurs des positions. Il le savait éperdument et comptait l’utiliser à son avantage. Les pas précipités et lourds, martelant le métal froid qui servait de passerelle entre les pièces, faisaient résonner des bruits sourds dans tout le bâtiment. Kaitô prit quelques instants pour analyser la situation et décider de la stratégie à adopter. Au mur, figurait un plan complet des pièces et de leur agencement dans la construction.

Escapade à Tequila Wolf Bureau10

A en croire le schéma, les pièces bleues représentaient les bureaux d’études et de conception des navires, les zones roses s’apparentaient aux ateliers de construction, les pièces grises et marron aux départements administratifs. Kaitô se situait en haut à droite dans le bureau d’études N°2. Nécessairement selon le plan, les cordages et outils de navigation figuraient dans les salles A1 et C6. Ces pièces constituaient les lieux de passage obligés pour ces vermines peu avisés. Kaitô avait toute ses chances de pouvoir les rencontrer là-bas et mettre un terme aux espoirs improbables qu’ils nourrissent. Deux escaliers en colimaçon donnaient sur une pièce souterraine, le plan ne donnait pas plus d’indications, Kaitô devrait s’en contenter.

L’endroit était dégagé et ne comportait que peu de recoins et sinuosités pour supprimer ces hommes. En hauteur, d’imposants tuyaux en fonte traversaient de part en part la longueur du bâtiment et en supportaient la charpente. L’espace séparant le toit de ces conduits étaient suffisamment important pour que Kaitô puisse s’y glisser, il bénéficierait ainsi d’une perspective globale sur l’ensemble de la structure et d’un abri dans lequel se dissimuler si la situation l’y obligeait. Kaitô opta pour cette alternative, qui présentait à son sens le plus d’efficacité et de sécurité. Tandis qu’il se dirigeait dans le hall principal du chantier, il fut surpris de constater en bas la présence du brise glace arrimé sur le plan d’eau prévu à cet effet. Un des compères montait la garde devant le navire. Brusquement, un appel au den den mushi retentit et la voix de l’un de ses acolytes se fit entendre.

« Je trouve pas cette salle des cartes bordel ! On ne peut pas s’amuser à s’éterniser aussi, ils ont déjà du remarqué notre échappée au camp et Finch qu’est ce qu’il fout ? T’as des nouvelles ? »

« Finch Hé Oh Finch, réponds bordel, t’en est où avec les cordages et la voile?”

« Hips euhhhhhh les gars, je suis tombé sur la salle des vivres et euhhhhh baahhh je devais chercher quoi déjà ? En tout cas y’a de la bonnneee bouteillee ici. Oh que ouiii. »

« Bordel… »

L’homme stationné devant le brise-glace, exaspéré, se mit en route pour aller à la rencontre du saoulard qui lui servait de complice. Ne jamais compter sur un pirate quel qu’il soit, Kaitô en avait encore fait l’expérience aujourd’hui. Au lieu de s’évertuer à trouver les cordages, l’homme s’était laissé aller à ses penchants alcooliques au lieu de remplir le rôle qui lui incombait. L’occasion était trop belle pour ne pas la saisir, l’opportunité ne se représenterait peut être pas. Kaitô suivit discrètement le garde dans son itinéraire. Il attendit que celui-ci gravisse les marches qui le séparaient de la pièce où se tenait son complice pour se glisser à son insu et lui asséner un coup net sur la nuque pour tuer son opposant. Le corps du garde inanimé gisait dans l’escalier. Un de moins à comptabiliser, Kaitô laissa délibérément le cadavre à la vue de tous, son intention était de susciter la peur, le frisson qui vous transit lors de grandes épouvante, la sueur froide qui coule le long de votre peau devenue aussi blafarde qu’un cachet d’aspirine. Il était bien conscient qu’il prenait un risque conséquent en laissant la dépouille immobile de l’homme en question, ses complices pouvaient s’en apercevoir et prévenir instantanément leur chef qui se ferait un plaisir d’exécuter l’otage. Il avait dans l’idée que les autres compères étaient bien trop absorbés par leurs occupations sommaires qu’ils ne s’aviseraient pas de la situation de leur complice. C’était un challenge, il donnait encore davantage de piment à cette mission et ce compte tenu du contexte déjà hasardeux de cette mission.
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Le confrère saoul semblait avoir remarqué un incident du côté de l’escalier, il n’était pas autant enivré qu’il le laissait paraitre le sale bougre. Flasque de rhum à la main, il se déplaçait au bon vouloir de ses membres rendus frêles par l’imbibition d’un surplus d’alcool dans son organisme. Des mouvements longs et lents, une allure d’homme ivre au bout du rouleau, dévoré par la prise d’alcool intensive, cet homme avait un physique très marqué par les substances qu’il avait ingurgité tout au long de sa vie ainsi que par le travail effréné lié à la construction du pont. Rendu à l’escalier, il aperçut son associé écroulé dans l’escalier lui faisant face. Il mit quelques secondes pour observer et cogiter quant à la carcasse de son compère. Bientôt, il tenta de se rapprocher de lui et l’apostropha, croyant à une vaste fumisterie à son égard.

« Heyyyyyyyyy Mick, qu’est-ce tu fous dans l’escalier ? Vieeeeeens t’en jeter une. Décoooonnee pas «

La déclaration n’eut aucune réponse si ce n’est le visage penché, rigide et inerte de son interlocuteur. Le saoulard ne percuta pas, réessaya à nouveau et n’eut que le silence pour seule réponse. Kaitô attendait patiemment sous l’escalier, le corps constituait un appât parfait et efficace et même si le piège était rudimentaire, il avait en de nombreuses fois fait ses preuves. L’homme ivre commençait à s’inquiéter pour son alter ego, il tenta de se rapprocher mais buta contre la première marche et dévala à grande vitesse l’escalier pour s’écraser violemment sur le seuil rugueux de la première marche. Il balbutiait encore quelque parole incompréhensible, l’œil fébrile et humide. Kaitô n’avait plus qu’à prendre sa vie et sceller une bonne fois pour toute le sort de cet ivrogne. Il broya sèchement la trachée de son adversaire, le laissant inhaler ces dernières bouffées d’oxygène avant de passer l’arme à gauche. Son âme s’en était allé, l’agent du gouvernement jeta froidement les corps encore tiède de ces vermines dans la cale souterraine. Il était temps de s’occuper du dernier larron, il devait se diriger dans la salle des cordages, Kaitô avait une chance de pouvoir s’y rendre avant son opposant. A l’extérieur, le capitaine malmenait sévèrement le soldat en guise d’occupation, lui assénant des uppercuts et des coups de pied dans le visage. Il ne lui faisait pas de cadeaux, sans doute se vengeait t-il des sévices que lui avait subi pendant toute sa détention sur Tequila Wolf. Le soldat stoïque dans l’adversité, encaissait les coups multiples sans broncher. Ce comportement héroïque ne laissait pas indifférent le capitaine aux penchants sadique.

« Tu vas m’implorer, oui, espèce de vermine !! Tu crois sincèrement que quelqu’un va venir à ta rescousse, regarde autour de toi, tu es seul à ma merci. Je te maintiens en vie pour mon divertissement personnel. Tu es pitoyable de croire à un sauvetage quelconque. Fais d’avance tes prières, ton heure est proche »

Le soldat recroquevillé ne laissait transparaître aucune émotion et n’eut comme seule réponse qu’un crachat au visage de ce détraqué notoire. Kaitô se fit un devoir de rendre justice au dévouement de ce soldat. Il se rendit rapidement à la corderie en empruntant les conduits afin de prendre de vitesse le dernier sbire. Lorsqu’il arriva sur les lieux, l’homme l’avait pris de court et rassemblaient déjà les cordages nécessaires. Un compas, une boussole, un sextant, un astrolabe, des cartes de navigation en rouleau sous le bras, il trimbalait tout un attirail d’équipements qui réduisait sa capacité de mouvement. Il s’emmêlait les pieds dans les nœuds de toutes sortes cependant il semblait avoir récupéré ce qu’il était venu chercher ici. L’espérance au coin de l’œil, il présumait dorénavant pouvoir prendre la mer avec ses complices et dans un élan de satisfaction, il contacta ses acolytes pour les informer de cette bonne nouvelle.

« Allô, hey les gars, vous êtes là ?! C’est bon j’ai tout le matos, a nous la liberté ! Heyyyy vous êtes là »

Un frisson parcourra le long de son corps suant à grosses gouttes. L’hypothèse qu’il y ait pu leur arriver quelque chose lui traversa l’esprit en un éclair. Il réitéra convulsivement sa demande.

« Heyyyy Bordel ! Vous êtes ou ?!! Déconnez pas putin, ce n’est pas drôle «

" Un temps pour vivre, un temps pour mourir. Ne t'en fais tu vas les rejoindre incessamment sous peu."

Kaitô s’immisça à l'insu de son ennemi et le frappa grièvement à la nuque. Même mode opératoire que pour les autres, le coup du lapin dans le jargon.

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Le coup asséné entraîna la torsion de ses muscles trapèze qui entraînèrent l’effondrement nette de l’opposant. Il était raide mort, une fin légitime pour un homme qui n’en valait pas un sou. Kaitô avait mit un terme à tous ces espoirs, il était l’instigateur de la justice divine, le bras armé proclamé pour réduire à néant ces aspirations malveillantes. Un filet de bave épais et translucide s’épandait sur le sol, les yeux révulsés du macchabé offrait un spectacle des plus divertissants pour Kaitô. L’agent du gouvernement s’efforça de dépouiller le corps du soldat et de le soulager de quelques effets personnels en tout genre. Après tout, il commettait ni plus ni moins ce que les hommes de la trempe de ces vermines perpétraient en toute impunité. Il s’agissait là d’un larcin dans les règles de l’art, aucun témoin subsistant, aucunes traces, un meurtre idéal en somme. Kaitô fut surpris de découvrir une plume, un encrier et un journal dans les poches miteuses de la veste déguenillé du personnage. Cet homme devait retranscrire leurs « faits d’armes » sur ce carnet de bord, comment pouvait t’on coucher sur papier de tels évènements si ce n’est par plaisir de commettre la souffrance et torture. Le bouquin était le témoin de la honte et l’humiliation de toutes ces familles laissées derrière lui. L’archive des aventures funestes de ce petit groupe d’assassins tortionnaires. La couverture en velours pourpre et brodé d’or de l’ouvrage donnait plaisir à prendre en main et incitait Kaitô à parcourir ce carnet sordide, le titre de l’ouvrage était intitulé : les exactions des pirates de Noumo. La tentation de l’ouvrir lui traversa l’esprit cependant il décida de ne pas leur faire ce plaisir. Il allait utiliser le livre et pousser le vice jusqu’à ses derniers retranchements. Il ne restait plus que l’autre détraqué au dehors. L’homme commençait à paniquer de n’avoir recu aucune nouvelles de ces comparses. La suspicion et l’embarras le gagnait progressivement, il gesticulait et braillait insultes et injures de toutes sortes afin d’avoir ne serait-ce qu’un écho de ses hommes.

« Alors Bande de nazes, vous en êtes où ? Ca va encore durer longtemps ? Hey Mick, Finch, répondez bordel «

Kaitô pouvait dorénavant se concentrer uniquement sur le tortionnaire. Le soldat au sol restait immobile, respirant difficilement suite aux coups assénés sur son poitrail. Ce détraqué avait entamé le bal des réjouissances, il s’était lassé des simples coups et passait à la mutilation. Sur le corps du captif figurait des traces de lacération suintant le sang ainsi que des blessures devenues hématomes. La lune basse et livide allait bientôt s’éteindre à l’horizon et le point du jour allait bientôt transpercer la brune humide et matinale. Bientôt Kaitô reçu un rapport détaillé de la situation du coté des soldats, ils avaient sécurisé le périmètre dans un rayon de 2 km autour du chantier et avait affrété un navire dans la baie derrière la crique à proximité du chantier naval. Tout allait pour le mieux de leur coté, ils étaient prêt à intervenir en cas de pépin, l’ordre avait aussi été rétabli au campement des travailleurs. Un état des lieux avait été dréssé et ce petit groupe semblait s’être procuré un fusil. Cette annonce laissa perplexe l’agent Kaitô, il avait eu beau supprimer tous les sbires les uns après les autres, ils n’avaient aucunes armes pour se défendre si ce n’est des armes blanches banales. Il en conclut que le leader devait disposer de cette arme en réserve, en plus du pistolet avec lequel il menaçait le soldat. Il était temps de rentrer en scène en profitant de la pénombre nocturne. Kaitô se rapprocha précautionneusement de son opposant tout en restant à couvert, il comptait y aller au culot et faire mordre la poussière à cet énergumène. Un face à face comportait trop de risques pour la vie de l’otage, il était l’unique priorité. Kaitô informa l’escouade de se tenir en position et paré à mener une offensive.

*Mettons le feu aux poudres mon ami*

Kaitô embrasa le journal de bord du subalterne et tandis qu’il se consumait lentement il le jeta aux pieds de son adversaire abasourdi par la tournure des évènements. Les circonstances tournaient dorénavant en faveur de Kaitô, il avait l’avantage du nombre et de l’expérience. L’homme prit de panique, tira plusieurs salves en l’air afin d’intimider son opposant. La tension désormais presque palpable rendait la situation bien plus angoissante. Au sol, le carnet calciné laissait s’envoler quelques pages disséminés ca et là au gré du vent.

« Les aventures du détraqué Noumo sont désormais révolues. L’heure de la sentence approche approche »

« Qui est là, bordel ?! Montre-toi ou je fais sauter la tronche de notre cher convive ! »

Kaitô sortit silencieusement dans l’ombre du bâtiment où il avait élu domicile. Il avançait nonchalamment à la rencontre du névrosé, traînant les cadavres inertes dont il avait été l’artisan. Un sourire duplice avait gagné son visage, Kaitô tramait bel et bien quelque chose, il ne s’était pas exposé inutilement à cette prise de risque inconsidéré. Au contraire, il comptait bel et bien savourer chaque seconde de cet instant exquis avant d’expédier cet écervelé en enfer. Prenant peu à peu conscience de la situation, la haine et l’agressivité gagnèrent le faciès galeux de l’individu. Kaitô projeta les corps inanimé de ses compagnons, celui dont la trachée avait été explosée le regardait fixement.

« Croyais tu vraiment que tu pourrais infiniment tenir tête au gouvernement. Tu n’as aucune carrure, aucunes aptitudes ou facultés. Tu es leur chef parce que tu t’es imposé, tel un animal dans une jungle hostile. Dis-moi, arrives-tu encore à te regarder dans la glace, poule mouillée ? »

« Fermes-là. Ton petit manège ne fonctionne pas avec moi. J’ai bien compris que tu essayais de gagner du temps, je ne suis pas crédule. Une tâche du gouvernement ou de la marine, toi seul, peux tu seulement espérer m’arrêter. Ces hommes là n’étaient que des bons à rien, je suis armé jusqu’aux dents et qui plus est j’ai un bouclier humain »

Son prisonnier restait immobile, son corps respirait fébrilement mais son esprit lui, était ailleurs.

« Un capitaine coule toujours avec son navire, Ne m’oblige pas à employer les grands moyens veux tu ? »

« Enfoiré, arrête de te foutre de moi ! »

Tandis qu’il s’apprêtait à appuyer sur la gâchette, le spot lumineux du navire des soldats vint l’aveugler pendant quelques instants, laissant à Kaitô l’opportunité de lui asséner 3 uppercuts distincts au niveau de l’estomac, du cœur et de la mâchoire. L’homme heurta le sol granuleux sur une dizaine de mètres avant de rencontrer un rocher robuste, laissant lui échapper son pistolet.

« Ce n’est pas fini, espèce de… »

L’homme saisit précipitamment le fusil dérobé à l’armurerie des soldats et tenta d’en faire usage mais un éclat de plomb pénétra sa carcasse avant qu’il ne puisse concrétiser sa dernière volonté.

« Justice est rendue, charogne, tu ne trouveras pas la paix non plus dans l’autre monde. Le supplice ne fait que débuter. »

Kaitô détacha le soldat tandis que ses confrères gagnaient la terre ferme pour lui porter secours. L’agent leur confia le corps ecchymosé de leur camarade et attacha solidement les corps inertes des contrevenants. Il se rendit aussitôt au campement de détenus, fit planter 5 rondins de diamètre égal et attacha chacun des corps à chaque rondin comme pour signifier à tout prisonnier à velléité anti-gouvernemental ce à quoi il se risquait s’il s’élevait contre l’ordre établi. Ceci étant fait, il regagne son embarcation avant que l’aube ne se lève et mit les voiles en direction du quartier général du Cipher Pol
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