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La leçon des Chats Noirs [Suite à Baterilla]

Une main sur le veston et l’autre contre la balustrade, Jinx observait l’horizon qui déroulait sous ses poches cernées. Les compagnies de voyages de South Blue avaient trouvé leur client privilégié pour leurs qualités : des bateaux de plaisances, des services à toutes épreuves et des dangers quasi-inexistants. Jinx tira un cigare de son veston aux poches aussi multiples que ses cheveux blancs, puis après deux allumettes cramées sans aucunes utilités, il se retourna vivement vers le pont principal. Là, assis sur un banc, recouvert d’anoraks taille XL pour l’un et XXXXXL pour l’autre, Donor décocha un large sourire à Garou et son lapin géant. Les deux compères ne pouvaient décidemment pas avancer à corps découvert pour la simple et bonne raison que l’un comme l’autre était pourvu d’un physique improbable. Les ailes et les grandes oreilles ne sont pas monnaie courante dans la vie des simples hères, Garou avait le menton posé sur le pommeau de son parapluie et il souriait niaisement devant le petit cul des touristes féminines, Rabb quant à lui mâchouillait mollement une carotte qui dépassait de sa capuche.
Le professeur marcha vers ses deux acolytes, cigare éteint au bec, avec une trogne de vieux fripon.

« Alors le grand air mes amis ? »

Pour simple réponse, Rabb rota un bouillon de légumes à la face de notre braquemart et Garou inspira profondément avant de fixer Jinx dans le fond des yeux, une ribambelle de cœurs dans le regard.

« C’est une joie z’ans fin… Les femmes sont devenues z’i belles mon vieil ami… »

« Toujours aussi vigoureux malgré l’âge vieux chanceux ? »

« Un chibre reste un chibre zahaha ! Au fait, où z’allons nous Jinx ? »

« Nous z’allons au… Heum… Nous allons… Oui, c’est mieux… Au royaume de Bliss pour recruter un nouveau membre au sein de notre compagnie. Une femme, mais elle… Garou ? »

« Z’e… Une… »


Une nouvelle ribambelle de cœurs naissait dans le fond des yeux du vieil homme, la chose ne méritait pas plus d’explications pour le convaincre. Les trois protagonistes restèrent assis sur les bancs du pont central comme trois petits vieux, qu’ils étaient d’ailleurs, à critiquer de temps à autres les quidams qui passaient.

« Si z’est pas malheureux de voir ça… Un z’i petit cul dans de z’i grosses paluches… »

« Ca ne serait pas son père ? »

« Gnih Croc… »

« Je donne raison à Rabb pour le coup »


°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°


« ROYAUME DE BLISS !!! Trente minutes d’arrêt à quai ! Nous remercions notre aimable clientèle pour […] »



L’activité portuaire de Bliss était l’une des plus importantes de South Blue, les docks fulminaient et les caisses de fournitures maritimes valdinguaient à travers l’air embourbé de sueurs charpentières. Se frayant un passage dans la foule de badauds qui dévalait l’embarcadère, les souliers en peau de culs d’élèves foulaient la sciure de bois de l’ile. Son regard se perdait sur les caisses boisées qui se déchargeaient des navires de passages sur les docks aux ornements charpentés du royaume.


« Bien, bien, bien… Mes amis, nous allons faire un tour dans les docks… Hum ? Garou ? »


Jinx se retourna vers le ponton de l’embarcadère et pinça ses grosses lèvres de vieux fripé.


« Tu en penses quoi ? Z’est pas trop… Enfin, trop quoi ! Soit z’incere surtout mon ami ! »

« je … »


Problème que Jinx n’avait pas rencontré depuis une paye, il se devait de réagir en camarade aimant et non pas en enseignant cassant. Difficile. Garou et son compagnon blanc était en haut de l’embarcadère, droits comme des « i » et le menton relevé. Par-dessus l’accoutrement XL, c’est les nœuds papillons géants couleur canari qui étaient ciblés par la question. Les spectateurs de la scène seront aimable de ne pas prendre part à la critique ni de demander quels gusses Garou et Rabb avaient volé. Toujours est-il que les habits dominicaux attendaient un jugement objectif.

« … Je disais que nous allons dans les docks pour y trouver un contremaître. »

Réponse tangente et hors contexte, parfait.

« Z’est parti ! »

Le martémement industriel des marteaux sur les têtes de clous rythmait l’ambiance sonore du port de Bliss, les trois quidams évoluaient dans les dédalles de la première entreprise du Royaume comme des touristes ne sachant pas vraiment quel monument visiter. Si bien qu’au bout d’une dizaine de minutes de recherches, ils n’étaient plus que trois gros étrangers en plein cœur des Docks.

« Messieur… Goyp… Je peux vous congédier … Goyp… ? »

Une longue tige aux cheveux roux et à la mine boursouflée par un unique grain de beauté se figea devant le petit groupe, un tic de glotte rajoutait de la victimisation au personnage. Dans la foulée de cette carotte, une charpentière lilliputienne à l’organe olfactif protubérant vint frapper la cheville de son collègue d’un coup de marteau.

« ROOOOOH … C’est AIDER pas CONGEDIER ! ROOOOH… »

Lucky s’approcha de l’oreille de Jinx, tâtonnant les dalles de l’ile de son parapluie, les mots fusèrent à voix basses comme une grand-mère qui piaille sur le dos des autres.


« Z’est donc ça des … Cas z’ociaux ? »
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Jinx et ses deux amis poireautaient au milieu du chantier naval de Bliss, un casque bleu vissé sur le crâne, rapport aux normes de sécurités, en attendant un contremaitre qui se faisait prier. Les deux cassos du physique de tout à l‘heure n’étaient décidemment pas les seules, l’ensemble des charpentiers de l’île étaient tous pareils. Gros, petits, grands, fins, tachetés, biscornus et bossus, en bref, le talent ne fait pas l’habit et l’habit ne vaut le talent.
Titubant comme un cul de jattes à qui l’on redonne des jambes, une boule de graisses aux sourcils pointus s’avança vers Jinx accompagné de poils de carottes et mimi.

« Mamaaaaaa… Je suis Domingo l’un des trois contremaîtres des docks de Bliss Mamaaaaaa… Que puis-je pour vous étrang… »

« LA POULIE ! CHOPPEZ LA POULIE ! »
« MERDE ! »

« LA BÔME ! »

« BARREZ-VOUS !!!!!!!!!! »


Un craquement sinistre se fit entendre à quinze pas des protagonistes, une énorme coque d’un bâtiment cuirassé en construction se fendit en deux et chavira dans la poussière des docks. Les charpentiers saugrenus qui s’afféraient autour avaient juste eu le temps d’esquiver les planches et autres débris issus de la fragmentation du navire avant que celui-ci ne s’immobilise. Après une trentaine de secondes de retour au calme, un bonhomme demi-moustachu et demi-barbu déboula devant le contremaitre.

« Monsieur… Humpf… Encore un… Humpf… Le travail d'un mois est ruiné... Humpf»

« Z’est à dire ? »


Garou souriait largement derrière son gros nœud papillon, après dix ans d’ermitage, il ne pouvait pas rêver population plus extravagante. Le graisseux se tamponna le front avec un chiffon jaunâtre de crasse avant de reprendre son souffle.

« Mamaaaaaaaa… Un foutu chat noir, ils pullulent dans les docks ! Mamaaaa ! Cela fais trois années que nous subissons les conséquences de ces foutus porte-guigne ! Mamaaa ! »

« Si je puis me permettre… »

Jinx était en train de retirer les grains de poussières qui ornaient ses monocles, après un méticuleux récurage, il lorgna le gros père.

« Je me présente, Professeur et chercheur Donor Jinx, Patron de la Legs Of Rabbits et membre de la compagnie des chats noirs. »

Rehaussant ses sourcils broussailleux, il remit ses monocles.

« Je pense que nous pouvons faire quelque chose à ce sujet, n’est ce pas Garou ? »

« Z’est z’ertain ! Zahahaha ! »

« Mamaaa… Chercheur pour la Marine, hein ? Mama… Et que voulez-vous en échange ? Mamaaa… »

« Pour le moment, juste une indication… Mademoiselle Scoumoune, cela vous dit-il quelque chose ? »


Le silence mortel des westerns, le rouquemoute en perdit une tache de rousseur et la naine une dizaine de millimètres. Se raclant bruyamment la gorge, le contremaitre lâcha une morve verdâtre sur ses souliers, ce qui n’était surement pas la cible première.

« Mamaaaaa ! La sorcière … Vous la trouverez dans le cimetière des décombres… Mamaaaa… Prenez gare à vous, c’est une femme du diable, c’est une… »

« Zahaha ! Z’est un pléonasme z’a ! »

« Gnouk ! »

« Héhéhé ! »

Mains sur le veston, Donor foula du pied une planche de bois et entama une marche vers la zone reculée des Docks. Garou monta sur le dos de Rabb, sous les regards interrogateurs des bêtes de foires locales, le petit groupe s’en alla en rigolant comme un groupe de retraités après une belote. Laissant le gros Domingo et ses acolytes en plan, la gueule grande ouverte. Une minute plus tard, le fils du diable et la pif sur patte déboulèrent en haletant aux cotés des trois compères.

« Goyp pfff… Le contremaitre nous envoie pour vous congédier… Goyp … »

« Pfff ROOOOOH !!!! C’est AIDER pas CONGÉDIER ! ROOOOH ! »

Ça promet.

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Le petit groupe déambulait dans les ruelles bordées de planches et à mesure qu’ils évoluaient vers le Sud des Docks, le paysage prenait un coup de vieux. Les bois dorés et les moulures des bâtiments se dégradaient, Jinx lâcha un petit sourire en observant l’énorme lapin des neiges bouloter une corde de chanvre ramassée au détour d’une ruelle. La naine et le puant marchaient en tête, la petite au gros pif était armée d’un marteau qui paraissait faire la moitié de sa taille et le roux jouait avec une ribambelle de clous. A leur trogne de thon, on pouvait supposer qu’ils n’étaient pas en confiance et ce n’est pas les rayons du soleil qui peinaient à se frayer un chemin jusqu’aux pavés noircis de charbons des bas quartiers qui réchaufferaient l’ambiance.

« Il fait frisquet vous ne trouvez pas ? »

Grelotant comme une grand-mère en manque de tisane, Jinx adressait un regard un peu jalousé à ses deux compagnons en anorak, incognitos et les coudes au chaud.

« Goyp… C’est que l’on se rapproche de la demeure de la Sorcière…Goyp »

« D’ailleurs, mon bon Donor, z’est une femme que tu connais n’est-ze pas ? »

Bien campé sur le dos de Rabb, le centenaire posait la question l’air de rien, mais les bulles de pompes à amour qui flottaient au fond de ses yeux témoignaient bien de l’intérêt que soulevait la potentielle réponse.

« Disons qu’elle fut une stagiaire lors de mes années d’enseignements, j’étais le modèle que l’éducation nationale lui avait collé. Une jeune femme aux longs cheveux bruns, magnifique en beaucoup de points… Ma foi, c’était un joli petit minois, doué qui plus est… »

« MES Z’AILES ! TU TE LES FAITES OUI ! ZAHAHA »

« … Et donc, suite à sa semaine de stage, elle a disparu de la circulation en posant une dépression nerveuse au gouvernement de l’éducation. Des rumeurs m’ont laissé supposer qu’elle était toujours en vie et qu’on mériterait à la rencontrer… »

« ZAHAHA ! UN PLAN CUL ! ZAHAHA »

Il est certain que Garou n’avait entendu que ce qu’il souhaitait de la réponse, habité de petits haussements d’épaules, il ouvrit son parapluie en rigolant dans sa barbe grise, une fine pluie virevolta depuis la pointe en aqua-dial de son arme.

Plus un quidam dans la petite ruelle que le groupe arpentait, juste des tonneaux moisis et des coulés de moisissures sur les murs. Jinx et les autres avançaient en clopinant, ils esquivaient les merdes de chats et les clous rouillés jalonnant le circuit. Une vieille charrette en bois noircis bloquait le passage, le petit groupe se stoppa net et c’est un échange de regards de « qui-c’est-qui-bouge-ça-de-là » qui s’opéra. Jinx prit l’attitude du culpabilisateur, mains sur le veston et mine sévère, il observait dans le blanc des yeux les protagonistes.

Premier choix, Garou. Le centenaire zozotait dans sa barbe grisâtre en lâchant de larges sourires à une vision dont il était le seul observateur. Bercé de pensées coquines, il soupirait son cheveu sur la langue comme un ado en manque d’amour, sauf que la réalité était moins belle, c’était un vieux braquemart en manque d’aventures salaces. Relevant le menton en lâchant un sourire, Jinx toisa maintenant Rabb.
Le gros lapin s’envoyer son deuxième mètre de cordes, le chanvre diminuait à mesure que ses deux chicots malaxaient le bout d’amarrage. Son regard croisa celui du professeur, après quatre secondes de grignotage intensif, il se contenta de poser ses grosses fesses dans un PLUOF gargantuesque. Le message était clair, on passe à la gonzesse au tarin qui n’avait d’égal que l’antithèse de la taille de sa personne.

Raclant sa gorge avec brio, Jinx lui envoya une salve de froncements sourcilleux insistants. Posant son marteau au sol, elle se tourna vers lui en écartant ses bras vers la charrette, l’écart criard de taille, grosso merdo un mètre, fut ponctué par un « Hé ! » ne laissant aucunement place à la moindre hypothèse quant à la réussite de l’entreprise.

Finalement, notre bon héros envoya un œil rond comme une bille de craie à la grande tige orange, le freluquet osa riposter d’un « bah-et-vous ?» qui solda son sort dans un « HUM ? » professoral majestueusement tiré du volume 5 des « Comment casser un élève ? ». Mine abattue et échauffements de lever de carrioles, le grand gusse s’en alla bouger l’obstacle du passage.
La moralité d’une histoire aussi longue est : Toujours avoir un roux de secours.

Notre grand cadet s’avança vers la charrette quant un animal noir sublima le haut de l’engin. Le roux retenu son souffle avant de tomber sur le cul : un putain de félin noir gros comme une péripatéticienne de chocolaterie venait d’entrer en scène. Réflexe quasi instantané de la part de Jinx, il se tourna en courbant l’échine et ferma les yeux. Une chance sur un billard que la poisse ne le touche pas. Raté.

Le gros matou ne broncha pas d’un poil, il se contenta de se lécher les pattes en lorgnant le groupe. Soudain les briques assombries de crasses, qui composaient les façades encadrant la ruelle, vibrèrent à la manière des bâtisses rongées par les vers de culs. Les murs s’effondrèrent vers le cœur de la rue, second réflexe de notre vieux, se projeter sous la charrette, raté aussi. Il se bouffa en pleine face les cheveux du grand roux qui s’était mis en boule, les monocles en berne, Jinx étouffa un « Par les miches d’une nonne ! » avant de se prendre les tonnes de pierres sur le coin de la truffe.

Si t’es assez con pour croire que Jinx finirait ainsi, t’es un boulet. Par contre, le roux est mort. Non, je déconne, ce serait raciste.
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Les oreilles de notre prof bourdonnaient à tout rompre, il ne voyait que de petites interstices lumineuses qui perçaient des monceaux de briques. Après un temps interminable à la limite de l’incontinence, de grosses pattes velues creusaient à même la pierre. Rabb venait de saisir le corps du professeur au milieu des gravats, jinx se releva en dépoussiérant ses souliers vernis et un rapide tour d’horizon le laissa perplexe. Un tas de briques oranges qui aurait fais pâlir plus d’un maçon, Rabb et Lucky regardaient le gros chat droit dans les yeux sans comprendre grand-chose à la scène.

« Kof Kof… Vous êtes des cocus héhé… Kof »

Un lapin géant face à un gros matou noir, c’est kiff-kiff sur l’échelle à treize barreaux de la superstition. Une touffe rousse dépassait des tas de briques ainsi qu’un champignon niaiseux, les deux charpentiers finirent par se dégager haletant et boursouflés de bleus. Rabb s’avança vers le gros matou et lui décocha une droite lapine monstrueuse, la masse noire vola dans les airs à une trentaine de mètres. Par contre sur l’échelle de la force, il manque des barreaux à la gente féline.

Se tournant vers Jinx, Rabb adressa un pouce vers le haut au retraité, Garou là-dessus lâcha une succession de petits tapotages sur le front de son ami poilu.

« Bien… Il va falloir faire attention jeunes gens dorénav… Rabb ? Qu’est-ce que… ? »

Le gargantuesque popotin de notre porte-bonheur modèle XXXXL avait été déchiré par une brique, ce qui laissa transparaitre une succession de boutons rougeâtres sur son imminent derrière. Puis c’est sa truffe qui transpira de furoncles, en une fraction de seconde il décolla à une dizaine de mètres avec Garou sur son dos. Une silhouette venait de l'envoyer valser, elle se dessina sur la charrette, le soleil qui baignait maintenant la ruelle fit plisser les rides du vieux Jinx et finalement il devina le nouvel antagoniste de l’histoire.

La leçon des Chats Noirs [Suite à Baterilla] Papyru72

Les traits tirés, les cheveux criant de mal-être, un rictus de méchanceté ancré au plus profondément de ses plis, un style qui acidifie tes yeux et un caniche mordant de laideur. La mocheté tapait du parapluie sur le bois de la carriole en jurant et crachant une bile verdâtre qui s’apparentait plus à du sang qu’à un mollard. Fronçant les sourcils, Donor esquissa un sourire entre deux sentiments.

« Mademoiselle Scoumoune, est-ce vous charmante enfant ? »

« QUAAAAAAAAAAARANT’ AAAAAAAAAAANNÉES JINX !!!! Charbons et chaînes d’bois !! PEUH !! Quaaaaarant’ aaaaannées à t’attendre et tu m’demandes si c’est MOI ?! Bites et clous ! Rompf Peuh ! »

Stoppé dans son auscultation de son ami poilu, Garou laissa tomber son parapluie sur les briques, son visage était crispé dans un rictus proche du dégout, une sensation de fracas l’animée. Puis, lentement, un son sortit de la bouche grande ouverte du centenaire.

« Z’…Z’est… UNE BOMBE ! ♥ »

Moment de silence.

« Ma chère Lisa, tu sais bien que l’enseignement était toute ma vie, j’étais un homme occupé à l’époque et… »

« MA CHAAAAAAAAATTE OUÉ ! Crucifix et Mat’las ! TU M’AS R’TIRÉ MON INNOCENCE ! »

« Tu… TU A FAIS QUOI JINX ? Z’ALAUPARD VA ! TU L’AS VRAIMENT BAISÉ ! Z'ALE TYPE ! RABB ! COUPS D’PATTES ! »

Esquivant le coup de patte du gros lapin boutonneux qui venait de bondir ventre à terre vers Jinx, notre supposé queutard se retrouva face contre la poussière.

« Humpf… Mais pas du tout, je t’avais juste dis que … »

« QU’T’ALLAIS M’FORMER AU MÉTIER D’L’ENSEIGNEMENT ! J’SUIS PARTI A BLISS POUR T’ATTENDRE ! Poux et Crachas ! »

Donor se redressa en secouant sa grosse tignasse, il regarda Garou qui lui faisait un petit rictus de bouche synonyme de « Oh la boulette ». Prenant son air le plus aimant, il s’avança vers Lisa, le petit caniche se mit à grogner de la moins canine des manières.

« Ma douce… »

« FÉLIXIA ! CHOPES LUI L’COUILLES ! »

Le petit roquet sauta de la charrette les pattes en avant, Jinx se propulsa en arrière les paumes biens ouvertes vers le bétail noir.


° Chat Noir °


Une onde féline noire traversa le chien, la poisse allait faire son effet. En attendant, c’est les testicules du professeur qu’étaient prises pour cible. Une première esquive de la patte terriblement agile pour celle d’un caniche s’opéra, puis c’est une seconde esquive d’un coup de rein qui évita aux couilles ridées de subir une vasectomie et encore une troisième suivit dans le même élan.

« Z’est pas censé tourner à ton avantage à un moment z’ette affaire avec ton pouvoir mon ami ? Zahaha »

« Hutch ! Je suis tout au… Hutch…ssi perplexe que toi mon bon Ga… Hutch… rou… »

Soudain, la tuile, au sens propre du terme. La talonnette gauche ripa contre une briquette orange et le professeur tomba sur le cul, les genoux relevés et les mains sur les boules, il tentait de séparer les deux pattes griffues du dog qui lui ruinaient les bourses.

« T’VAS VOIR QU’J’AI GAGNÉ EN PRATIQUE D’PUIS L’TEMPS ! Poix et Guigne ! T‘VAS… »


Le bois de la charrette craqua sous les pieds de la sorcière, elle traversa le plancher et se retrouva toutes dentelles dehors, la robe remontée jusqu’aux aisselles. Garou était hors-combat, le pif en sang. Rabb dans un souci de mimique, s’allongea bêtement à coté de notre vieil ange en anorak. L’asperge rousse et la mocheté naine ne perdirent pas une seconde pour voler au secours de Jinx qui n’avait plus qu’un caleçon de décence. Il semblerait que la vieille Scoumoune portait terriblement bien son nom, une poisseuse, bien comme il faut.

Le marteau de la naine propulsa le caniche sur la chariotte, le chien se réceptionna sur ses pattes et le bois se fendit pour libérer Lisa, la robe retomba sur ses bas de contentions et, après un tour sur elle-même pour retrouver le sens de l’action, elle pointa le groupe de son parapluie.

« … T’VAS VOIR L’FUREUR D’UNE FEMME TROMPÉE ! Cheval et Asperge ! ATTRAP’MOI S’TU PEUX ! GUIHIHIHIHI ! »

Son rire sinistrement féminin s’accompagna d’une énorme masse noire qui surgit de derrière elle, une horde de félins noirs déboulèrent en piétinant le groupe. Donor en perdit ses monocles, les chats galopèrent vers les Docks du Nord dans un chaos de guigne. Lisa, quant à elle, venait de disparaitre de la vision du retraité.

« Goyp… Il faut stopper les chats avant qu’ils arrivent sur le chantier !!! Goyp… Ce serait un miracle … !! »

« ROOOOH !! DESASTRE pas MIRACLE !!! ROOOOOOH !! »

« … Par la sainte mère des religieuses, cette femme est devenue un démon… Garou… ? »

« ZZZzzZZ… Z’e… Oh… Z’étais le plus beau moment de ma vie… Jinx, il nous l’à faut … »

« Héhé… Toi, Rabb et les deux charpentiers, vous vous occupez des chats, je pense que tu ne risques rien avec ton compagnon géant… Moi, j’ai une stagiaire à reconquérir… »

« Fais lui comprendre qui z’ait le patron ! Zahahaha ! »
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« Bouffes ça ! Mais ce n’est pas bientôt fini oui ? »

Envoyant sa semelle contre le derche d’un chat noir, Jinx propulsait le dixième exemple de la gente féline contre les parois briquées des bas quartiers sombres de Bliss. Tel un gamin attendant le courroux des parents, il avançait main sur le veston en s’envoyant toute les trente secondes une onde lumineuse verte en forme de trèfle à travers le poitrail. L’expérience lui avait prouvé maintes fois que d’envoyer une onde poisseuse sur un chat noir c’était un peu trop « ton sur ton ». Aucun effet et même pire. Alors il était réduit à retrouver la piste de la foldingue en suivant les porte-malheur sur pattes jalonnant le circuit tout en se gavant de chance pour éviter les pots de fleurs qui tombaient subitement du ciel.

Le décor dans lequel il évoluait depuis une bonne demi-heure n’était pas des plus engageants, tout suintait la pourriture et la poix. On aurait pu ouvrir une maison close pour un président du fond monétaire tellement l’endroit sentait le vice. La trogne poussiéreuse et le veston aussi déchiré que le calcif, Donor sentait son pistolet tambouriné contre son torse et ses talonnettes marteler les pavés sombres des bas fonds sociaux Blissiens.

Soudain, son périple à travers les miches des chats noirs trouva sa finalité. En effet, face à la maison la moins entrainante du monde, il grimaça bien plus fort qu’à l’habitude. Ce n’était ni l’odeur de champignons, ni la froideur de la mort, ni le goût embourbé de l’air qu’il inhalait à travers son dentier, mais bel et bien la sinistre impression du traquenard grossièrement tendu.

Spoiler:

La mine en pruneau, notre professeur inspira profondément avant de toquer à la parte en bois pourrie, un grincement sinistre annonça que la maisonnette n’était point close.

« Hmmm… Lisa chérie … ? C’est Jinx… Je crois qu’on devrait parler… »

Passant la trogne à travers l’interstice de l’entrée, il zieuta l’ambiance. Une quinzaine de bougie éclairaient des marches d’escaliers biscornues, Jinx racla bruyamment sa gorge avant de s’engager dans le dédale lumineux, ça puait le vieux piège autant qu’une année entière d’incontinence.
Préservant sa rotule de petit retraité, il descendait dans une spirale de marches en bois rongé par les termites, il finit par arriver au terme du colimaçon dans une pièce plongée dans l’obscurité. Ses mains fripées plongèrent dans une des multiples poches de son veston et il en sortit une petite boite d’allumettes. Il craqua une des tiges de souffres.

« Lisa, tu es… CLOMPF »


SHBAAAAAF


Trou noir. Non, pas le fion, le choc.

« Hmmm… ? »

Secouant la tête et grossissant les narines pour faire remonter les monocles devant ses yeux, Jinx jugea la situation. Ficelé à une chaise comme un saucisson de pays, dans le plus simple appareil, caleçon en laine et tétons qui pointent, notre beau mâle de septante années perdait en superbe. La pièce baignait maintenant dans la lumière que quelques grosses bougies diffusaient, les murs était tuméfiaient de traces d’explosions, de taches de sangs et autres affres témoignant du manque de pot de la locataire. Face à lui, les jambes écartaient de la moins féminine des manières, Lisa, assise sur un tabouret à treize pieds, tournait une grosse baguette en bois dans une marmite au contenu verdâtre.

« C’est qu’t’es d’jà réveillé vieux machin ? Poils et Morbacs ! Peuh ! »

Un glaviot formidable venait de finir dans le fond de la soupe, ses cheveux blancs lui tombaient devant son visage ridé. Elle mâchouillait avec frénésie une chique noirâtre qui dégoulinait de son dentier.

« Ma très cher amie, je pense que nous sommes tous deux partis du pied gauche. Les choses ont changé en quarante années, je suis aujourd’hui… »

« Oué, oué, ca j’le sais bien vieux crapaud ! T’es maint’nant à la tête d‘ta firme et d’une compagnie d’chasseurs de primes ! T’crois qu’j’n’sais pas tout ça d’jà ! Souffre et Cendre !! »

« Tu… Te voilà décidément bien informé sur mon compte ma jeune Scoumoune ! Héhé… »

Une nouvelle glaire suppura le bouillon, elle laissa le tout mariner et se déplaça vers l’âtre éteint de sa cheminée pour en saisir son parapluie qui y reposait contre. Elle en plongea la pointe dans la soupe noire et l’ouvrit, le niveau du liquide diminua comme s’il était aspiré par l’objet. Elle s’avança vers Jinx, un grognement bizarre résonnait dans le dos du prof, surement le caniche qui montait la garde devant les mains ficelés du prisonnier.

« En effet Jinx, Quar’te années ca change pas mal d’choses. Sans ton enseignement, j’ai appris une n’velle matière. GIHIHIHIHI ! »


#Rhume et Peste#


La pointe du parapluie perfora l’épiderme de Donor, notre vieillard serra profondément le dentier avant de voir l’arme ressortir avec une goutte de bouillon qui perlait encore de la pointe. Il regardait la petite goutte de sang couler de son torse, il lança un regard sévère à Lisa. Si elle lui demandait de l’appeler maitresse, ca viré en soirée SM.

« Ma très chère HIP Lisa, je ne vois HIP pourquoi tu me HIP fais ça …HIP… ? »

Jinx était emprunt à une crise de hoquet subite et incontrôlable, son corps de vieille branche était animé de secousses terribles, même le coup de retenir sa respiration n’y fit rien. Comme quoi les trucs de grand-mère hein.

« GIHIHI J’te présente ma potion spéciale Scoumoune ! Rhume et Peste ! GIIIHIHIHI ! Une goutte et les effets sont aléatoires ! Alors, j’men tire pas mal sans toi hein! GIHIHIHI ! »


« Tu HIP Pourrais mieux faire HIP Je pense…HIP »

Faisant volte face, Lisa enfonça dans l’avant-bras de notre ami une seconde fois son parapluie. Cette fois-ci, la zone de la piqure enfla à vue d’œil jusqu'à tripler de volumes, les liens marquaient profondément la chaire meurtrie de notre assistant masochiste.

« Ghpf… HIP Tu mériterais un HIP professeur ma HIP chère Scoumoune HIP »

« T’vas t’fermer ta mouille vieille charogne ! Reconnais qu’j’ai gagné en savoir ! »

La pointe de son arme fusa une nouvelle fois vers Jinx, cependant cette fois-ci, elle se prit les pieds dans le tisonnier de sa cheminée, elle voulu se réceptionner en s’appuyant sur son manche, ce qui déclencha l’ouverture du parapluie et un coup de vent, soufflé depuis le soupirail, retourna la pointe sur son pied. Aussitôt une multitude de boutons verts recouvrirent son corps de sorcière.

« HIP Je vois surtout une HIP femme qui a encore HIP besoin de son tuteur HIP pour combattre sa poisse»

« T’GUEULE VIEUX RAT ! GAAAAAAAAAAAAAH »

La position de l’escrimeuse, une main en l’air et le manche de son arme en avant, Lisa se lança dans une succession de piqure d’une vitesse démesurée, d’une dizaine à la seconde en direction de Jinx. Le retraité ouvrit grand les paumes ligotées dans son dos, les mots sortirent de sa bouche mi-close.


°Pattes de Lapins°



Une onde lumineuse en forme de trèfle vert une quinzaine de fois plus grosse que la moyenne décolla de ses paumes, lentement, le trèfle s’éleva en traversant les plafonds de la baraque. Le caniche envoya ses pattes griffues sur les mains de notre homme dans une rage bonne pour l’euthanasie.

« GAAAAAAAAAAAAAAH GAAAAAAAAAAAH GAAAAAAAAAAAAAAAAH »

Les piqures s’enchainèrent sur le corps perlant de sang de Donor, la pointe du parapluie rentrait et ressortait au rythme d’un métronome fou. Chaque impact perforait sa peau fripée et la laissait dans un état sinistre. A certains endroits, Jinx enflait comme une baudruche, les liens cédèrent sous la pression, son hoquet ne lui laissait même plus le temps de respirer, des plaques rouges de démangeaisons ne lui laissaient même pas le temps de souffler, les furoncles rouges poussaient comme maïs au soleil et une chiasse terrible le contraignait de serrer les miches comme si le ciel allait en sortir. Gageons que c’était le seul moment de sa vie que son sexe mesure vingt sept centimètres. Lisa tituba en arrière, exténuée et hurlante de rage.

« ALORS ?!!! ALORS JINX ?!!! QUI C’EST QU’A BESOIN D’QUI ! Merde et Chiure ! Gaaah Gaaah… TU M’AVAIS PROMIS JINX ! TU M’AVAIS PROMIS !»

Rond comme une balle géante, boutonneux, haletant au rythme des sursauts de hoquets, Jinx fixait Lisa dans les yeux avec un regard d’où ne transpirait aucune haine.

Dans le ciel de Bliss, une onde verte géante s’était élevée au-dessus de la bicoque biscornue de Lisa Scoumoune, les rares quidams qui empruntaient ce chemin n’eurent guère le temps de se questionner sur l’origine de cette mystérieuse sphère en forme de trèfle. En effet, l’ovni explosa au bout de trente secondes, après s’être matérialisé, en une multitude de plus petit trèfles à quatre feuilles qui se mirent à pleuvoir à travers les planches de la maison.

Si bien qu’en peu de temps, la cave devint le théâtre d’une pluie de chance. Lisa frappait inutilement de son parapluie chacune des ondes lumineuses pendant que Félixia chassait de la patte ceux qui la traversaient. Donor, quant à lui, se laisser traverser la boule par les mini-ondes de son pouvoir.

« T’crois qu’ça t’sauveras JINX ??? GAAAAAAAAAH !!! »

Dans sa lutte contre la chance, la vieille Scoumoune heurta de son parapluie une étagère, les flacons qui l’occupait chutèrent dans la marmite et se brisèrent. Les bonds impressionnant du caniche finirent par aboutir dans la cale qui maintenait le récipient de bouillon. La récipient bascula et se déversa dans la salle. Jinx baignait de toute sa face dedans, les planches rongées de la maison se mirent à vibrer dans un grondement assourdissant, Lisa buta contre son compagnon et ils finirent faces contre terre. Soudain, une dernière secousse scella la scène et la baraque s’effondra.



« Kof Kof Kof… GNIAAAARF… Kof Kof… »

Donor venait de tirer le corps de Lisa et de son cleb hors des gravats, il s’effondra aux cotés des deux protagonistes haletant. Le ciel était d’un bleu magnifique devant leurs yeux, allongés tête côte à côte. Les corps des deux n’étaient plus marqués d’une seule marque dont ils souffraient précédemment, hormis les trous ensanglantés de la peau de notre héros. Lisa tenta de se relever, les yeux chargés de larmes.

« T… Tu m’avais promis Jinx… J’vais t’montrer qu ‘t… »

Allongé, le dos contre le sol et les yeux perdus dans un gros nuage blanc en forme de prostituée scandinave, Donor plissait ses rides dans un haussement de sourcils qui eu le mérite d’attraper le regard de Lisa.

« … Cette maison, cet endroit, ta chienne et toi-même vivaient dans la poisse… Une telle tristesse, quarante années à faire gonfler une rage… Alors qu’une once de chance à eu raison de tous cela… »

Tendant sa main vers Lisa qui s’était déjà à moitié relevée, Jinx enchaîna.

« … Que dirais-tu que nous reprenions nos cours là où je les ai laissés… Toi et ta chienne, reprenons ensemble ce qui n’aurait jamais dû être mis de coté… Quand dites-vous… Mes amies ? »

Les larmes qui noyaient les yeux bleus de Scoumoune brillaient de milles éclats, elle passa ses mains fripées sur son nez dégoulinant de morves et s’en essuya d’un revers des moins féminins.

« Remballes t’main… Pour t’as gouverne Félixia c’tune chatte et si t’crois qu’j’vais tracer un trait comme ça sur tout ça… Je… J’te… J’crois qu’Lisa Scoumoune, sorcière et escrimeuse, ainsi qu’Félixia, chatte noire des bas-quartiers d’Bliss, peuvent suivre ton enseignement… Jinx… Cul et Verge ! GIHIHIHIHI !! »

Chopant la main du prof, elle le redressa, Jinx déploya son rire à pleine gorge et caressa le pelage noir de Félixia. Une putain de caniche okama, voilà pourquoi l’attaque du chat noir n’avait pas eu grands effets.



Arrivant du détour d’une ruelle, le contremaître déboula en haletant suivit de la naine et du roux.

« Maaaamaaa… Monsieur Jinx vous voilà ! Nous avons entendu un terrible effondrement… MAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAMAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA… LA… LA… La sorcière !! »

« Je vous présente Lisa scoumoune, membre de la compagnie des chats noirs, je ne vois aucune sorcière ici jeune homme. Quant à nous, j’ai besoin de dix de vos meilleurs charpentiers et de leur matériel pour construire une boutique à quelques iles d’ici. Je veux un prix et croyez-moi qu’une tuile est bien vite arrivée ces temps-ci mon bon ami. Parole d’expert héhéhé»


Dans le même temps, le centenaire venait d’apparaitre sur le dos de Rabb, un sac géant sous le bras d’où étouffait le bruit d’une centaine de chats en ruts. Il observa la scène de Jinx en caleçon et de la vieille avec son chat-caniche à ses cotés, son sourire se transcenda.


« ZAHAHAHA ! DITES LE Z’I ON DERANGE !! ZAHAHAHA ! Z’acré queutard»
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