-14%
Le deal à ne pas rater :
Apple MacBook Air (2020) 13,3″ Puce Apple M1 – RAM 8Go/SSD 256Go
799 € 930 €
Voir le deal

[FB 1622] Among the dirt and barter.

Spoiler:

Auberge "Somatsuna yado", Las Camp, quatorze heures quarante-cinq.

Dans la taverne à l'aspect miteux et misérable, une jeune demoiselle fume sa cigarette d'un air négligeant, totalement accaparée par sa missive... De toute évidence, celle-ci n'a rien d'enthousiasmant, et la demoiselle demeure toujours aussi consternée lecture après lecture. Les lieux ont quelque chose d'inquiétant, mais la jeune femme ne semble pas du tout en tenir compte ; totalement distante du groupe d'alcooliques notoires présents dans l'échoppe, la demoiselle semble même consternée par ce qui peut l'entourer, et ignore superbement le reste de l'assemblée d'un air de défi. Pourtant, le geste a de quoi surprendre... Car outre l'aspect général de l'endroit (rongé aux mites à n'en pas douter, et victime du laissez-aller évident du service de nettoyage - si tant est qu'il y ait eu un précédemment), l'ambiance querelleuse du patelin aurait de quoi perturber le tout-venant ; a fortiori lorsque ce tout venant est de sexe féminin.

L'air est lourd, saturé de poussière ; les voix sont graves, les pas lourds... La jeune femme, soignée, propre sur elle et dotée de manières respectables, dissone en tous points avec l'endroit ; et en est parfaitement consciente. Mais le mystérieux bout de papier semble définitivement retenir toute son attention ; et toute sa frustration, à n'en pas douter.

GOUVERNEMENT MONDIAL - DIRECTION DU CIPHER POL - ORDRE DE MISSION

Matricule CP9F2615980803 : Agent Muraski


Etat de faits

Il y a de cela une semaine (jour pour jour), un contingent d'émissaires envoyés par l'Ordre des Tenryuubito a revendiqué le retrait immédiat de plusieurs hors-la-loi de la prison de Tei keimusho, prétextant un ordre de leurs commanditaires, désireux d'obtenir de nouveaux domestiques. Après enquête, il semblerait que ces émissaires aient réclamé une totale transparence vis-à-vis de ladite transaction, proférant menaces de "radiation pour toute action entravant la demande d'un ou de plusieurs Tenryuubito". Selon certaines sources proches de l’événement, il apparait également que le secret de cet échange ait pu être motivé par plusieurs actes de corruption de la part du corps émissaire.

Toutefois, nos plus récentes investigations sur le sujet semblent converger vers une imposture de grande ampleur, et le corps émissaire responsable du retrait des hors-la-loi sus-cités ne semble en aucun cas lié à l'Ordre des Tenryuubito. Selon nos sources, tout porte en effet à croire que ce groupe est uniquement formé que de malfaiteurs indépendantiste (majoritairement chasseurs de primes ou pirates de faible renommée dans West Blue) et ne cherche qu'à renforcer ses rangs, ou bien à revendre sa cargaison humaine au plus offrant.

Ordre de mission

Les chefs d'accusation portés envers le groupe indépendantiste sont :

- Recèle de marchandise humaine
- Transport clandestin sur des routes maritimes du Gouvernement Mondial
- Usurpation d'identité envers le corps de la marine et le corps domestique des Tenryuubito
- Atteinte indirecte à l'intégrité d'un ou de plusieurs Tenryuubito
- Complicité d'évasion d'un pénitencier géré par le Gouvernement Mondial

La conjonction de tous ces crimes d'ordre majeur n'entraîne donc qu'un seul verdict : la mise à mort discrète et définitive de ce groupe.

Informations connexes


Selon nos sources, le corps indépendantiste semble mouiller dans la zone portuaire de Las Camp ou dans ses environs ; afin de faciliter une éventuelle interpellation maritime, un navire du Gouvernement Mondial se tient à votre disposition dans la périphérie de Las Camp (sous couvert d'un navire marchand nommé "Shosen") et n'attend que vos directives. Toute information complémentaire sur la destination ou la position du corps rebelle vous sera transmise par escargophone crypté si besoin est.

Pour vous assister, vous coopérerez avec l'un des membres du Cipher Pol n°5, l'agent "Red" ; ce dernier a lui-même reçu cet avis de mission et doit vous rejoindre à Las Camp dans l'auberge "Somatsuna yado" à quinze heures précises. Toute information concernant la direction pénitentiaire responsable de l'incident doit être relevée, dans l'expectative d'une mission en corrélation directe avec celle qui vous est assignée à ce jour.

Vous avez carte blanche pour toute action commanditée par cet acte de mission ; toute dépense financière est donc à la charge du Gouvernement Mondial ainsi que de la Direction du Cipher Pol. La procédure habituelle est de rigueur pour toute manœuvre d'arrestation et d'élimination.

Ci dessous figurent les portraits de certains des hors-la-loi présumés ainsi que de votre contact au Cipher Pol n°5 ; pour tout complément d'information, n'hésitez pas à contacter le quartier général au moyen de l'escargophone crypté.

Que la justice guide vos pas.

- Que la justice guide vos pas ? QUE LA JUSTICE GUIDE VOS PAS ? Ils se foutent de moi, c'est pas croyable.

Même après relecture, la pilule est dure à avaler pour Leanne, pour qui la perspective d'appréhender un groupe de bandits aussi ostensiblement négligés n'a rien d'une soirée crêpes ; car même sous couvert d'un portrait sommaire, la jeune envoyée du CP9 imagine de ça, de là, les regards vitreux et bovins de ses futurs opposants. Leurs manières plus que rustiques, leur hygiène corporelle sûrement inexistante, leur puanteur, leur langage...

- A la rigueur, "que leurs flatulences nauséabondes guident vos pas", ok. Mais la justice ? La justice ?!

C'en est décidément trop pour la demoiselle, qui décide de chasser cet avant-goût amer avec une bonne rasade de bière maison... Mais là encore, impossible de trouver quelque détente que ce soit avant une mission si peu ragoutante ; car un jeune impétueux (aussi peu agréable au regard et à l'odeur que le coin le plus désagrégé de l'échoppe) semble vouloir jouer les Don Juan auprès de Léanne, dont la patience atteint alors des limites qu'il ne ferait pas bon franchir.

- Saluuuuuuuut toiiii... Alooors ma p'tite, qu'est'c'qu'une bell'd'moisell' comm'toi fout ici ? C'pas trop un coin pour les p'tit'femmes frêl'comm'toi, t'sais...

Toisant le brigand d'un air désespéré, Leanne ne peut s'empêcher de comparer la trombine de ce dragueur du dimanche avec les avis de recherches fournis par ses commanditaires ; car après tout, la nuit, tous les chats sont gris. Le verdict, non loin des premières estimations de la jeune femme, a toutefois de quoi piquer plus sérieusement son intérêt... Car, au delà d'une impression flagrante de ton sur ton avec l’apparence des premiers portraits, le macaque lui faisant face semble convenir trait pour trait à un troisième couteau de l'équipage indépendantiste. Même cheveux gras et sales, même faciès (et probablement même odeur), rien ne manque ; et Léanne commence à comprendre que sa mission a d'ores et déjà débuté...

Il faut garder cet informateur à portée de main, aussi négligeable, bruyant et malodorant soit-il.

- J'attends un ami de longue date que je n'ai pas vu depuis longtemps, mais je commençais à me sentir assez seule à force de patienter...

Toute à son affectation, la jeune envoyée du CP9 lance un rapide coup d'oeil à l'horloge derrière son invité autoproclamé : treize heures quarante-huit. "Red" ne devant plus tarder à arriver, la demoiselle décide de jouer le jeu jusqu'au bout ; quitte à refouler ses pulsions les plus sadiques vis-à-vis du tas de sueur lui faisant face.

- Aussi vous avouerais-je donc que votre intervention - aussi cavalière soit-elle - a quelque chose de réconfortant. Que diriez-vous donc d'une bière pour passer le temps, Mister 219 -je peux vous appeller 219 - ? Ce serait une excellente occasion de faire davantage connaissance...

Quel joyeux paquet de conneries... Un bouseux comme lui, faire connaissance ? Déjà beau qu'il parvienne à parler. Décidément, chaque cajolerie fait mal, atrocement mal à la conscience de Léanne ; mais la demoiselle n'est pas sans savoir que ces souffrances sont nécessaires à la réussite de ses investigations. D'un geste furtif, la demoiselle reprend donc une grande inspiration et fait face à son futur informateur, qui mord si vite à l’appât qu'il en perdrait presque ses dernières dents encore valides.

- Pas b'soin d'attend' ton pote, t'sais... S'tu veux, on peut fair'connaissance seuls à seuls, loin des r'gards des aut'... J'suis pas r'gardant, donc c'comme tu l'sens. HEP PATRON, deux bibine pour la d'moisell' et moi, sur ma not' !

- Je vous remercie de votre sollicitude, 219 ; mais je préfère tout de même attendre dans cette auberge que mon ami arrive. Et de vous à moi, cela ne nous laissera que davantage de temps en tête à tête...

Durant quelques minutes (qui lui semblèrent d'une longueur presque irréelle), Léanne enchaîne ainsi douceurs et civilités avec diligence ; et ce, malgré que le jeune illettré en face d'elle ne fasse preuve ni de culture, ni d'éloquence. L'effort est certes conséquent vis-à-vis du niveau de crasse de son chevalier servant, mais la proie ne semble toutefois pas prête de s'envoler, et les aiguilles continuent à tourner... Il faut donc voir positif pour Léanne, qui guette avec impatience l'arrivée de son contact.

• • • • •
Alors que le serveur amène les deux bières commandés par "219-qui-sue-comme-un-boeuf", quinze heures pile sonnent au dessus du bar. Impatiente, Léanne se lance aussitôt dans une frénétique opération visant à zieuter la porte de l'auberge par intermittence... Jusqu'à ce qu'un homme ne se décide à entrer. Assez corpulent, barbu, patibulaire (mais presque) ; avec un haut de forme extravagant, qui plus est... "Red" est enfin arrivé.

- Tiens, voilà justement notre invité retardataire. EH, L'AMI, PAR ICI, NOUS SOMMES-LA ! C'est une véritable crème vous verrez : ça ne peut que coller entre vous.


Dernière édition par Leanne B. Howell le Lun 20 Fév 2012 - 2:41, édité 3 fois
    Aussi précis qu’une montre suisse Red entre dans le bar à quinze heures pile. Ce qu’il connait des habitudes et manières des agents du CP9 lui soutenant qu’arriver à un autre moment qu’a l’heure précise pourrait être un très mauvais début pour nouer une relation de travail efficace.

    D’un regard Red embrasse le contenu du bar, faisant un point rapide et discret sur tout ce qui s’y trouve d’intéressant, les menaces éventuelles, les points de fuite, l’autre agent et son copain de bistrot. Et comme il ne détecte rien d’anormal et que son briefing contient les mêmes infos que celui de Leanne il identifie lui aussi le type avec qui elle discute.
    Impressionnante cette espionne du CP9, à peine arrivée et voila qu’elle a déjà repéré et retenu une des cibles, ça c’est de l’efficacité.

    - Tiens, voilà justement notre invité retardataire. EH, L'AMI, PAR ICI, NOUS SOMMES-LA ! C'est une véritable crème vous verrez : ça ne peut que coller entre vous.

    Et en plus elle maintient une couverture stricte. C’est beau ce professionnalisme. En tout cas elle a tellement prémâché le boulot de l’agent que Red n’a plus qu’à enchainer naturellement sur le rôle qu’elle lui a préparé. Il retrousse les lèvres pour montrer les dents, fronce les sourcils, serre convulsivement ses poings en s’approchant de la table, et au moment ou le type se relève en se demandant si cette histoire est du lard ou du cochon il attaque direct sans lui laisser le temps d’aligner un mot et lui attrapant le col des deux mains il lui crache en plein visage…

    -PERSONNE TOUCHE MA FEMME TROUDUC!

    Et ayant clarifié la situation pour tout le bar en problème de mœurs classique ne nécessitant aucune intervention extérieure. Un problème personnel à régler d’homme à homme… Red colle un coup de boule monumental au pauvre type en face de lui. Le lâchant juste au moment ou son front s’écrase à toute vitesse contre son nez. La tête du pauvre pirate est propulsée en arrière, et il part s’effondrer au sol quelques mètres plus loin. Le temps qu’il réalise qu’on vient de lui exploser le nez et qu’il commence à chialer de douleur l’agent Red est à nouveau sur lui et lui tombe dessous. Le collant au sol d’une pression du genou pendant qu’il le pilonne méthodiquement à coups de poings dans le flanc et le crane. Transformant l’apprenti dragueur malchanceux en pauvre loque saignante et chialante.

    -Personne t’entend ? Personne touche à ma femme !

    Red se remet debout, adresse un regard fou et méchant au reste de l’assemblée qui détourne ostensiblement le regard. Après tout c’est de bonne guerre, on ne drague pas la femme d’un autre sans être prêt à en subir les conséquences, et tout le monde ici le sait. Il adresse un clin d’œil fugace à son nouveau binôme puis chopant le pirate par le col il le traine tout pleurant vers les chiottes.

    Chiottes quasiment désertes qui se vident immédiatement dés qu’on le voit rentrer avec sa victime en remorque. Laissant à Red exactement ce qu’il cherche, un coin tranquille pour interroger le suspect. L’agent traine le pauvre type vers le long bac incliné qui sert d’urinoir, le relève d’une claque avant de le saisir par les cheveux pour lui murmurer à l’oreille…

    -Dis-moi où sont les autres ? Ou est votre bateau ?

    Et sans lui laisser le temps de répondre ou de réfléchir il appuie immédiatement sa demande d’une plongée dans le bac de flotte mêlée de pisse…


    ... Et dix minutes plus tard c’est un agent Red visiblement apaisé qui sort seul des toilettes. Grand seigneur il jette une poignée de pièces au barman, pour le dérangement. Avant d’aller s’attabler en face de l’agent Leanne avec un grand sourire radieux.

    -Salut chéri, le monsieur t’a pas trop embêté ?

    Et tapotant sur la table dans un des nombreux codes secret du Cipher Pol il lui transmet le vrai message important…

    « Interrogatoire ok, ait localisé bateau et complices »
      - PERSONNE TOUCHE MA FEMME TROUDUC!

      Et ni une, ni deux, "Red" se met à bastonner l'ivrogne dragueur à coups de tête dans la gueule. Habile, Bill.

      ...

      What, what, what ?

      Ne saisissant l'urgence de la situation qu'après le premier coup porté, Leanne voit ses pires craintes fondées : ce "Red" est bien du CP5, et nul n'occuperait ce poste aussi bien que lui... Un bourrin pur jus, sans une once de raisonnement et probablement négligé compte tenu de l'hygiène ; mesdames messieurs, voici la fine fleur du gouvernement mondial. Applaudissez, applaudissez.

      - Personne t’entend ? Personne touche à ma femme !

      Et voilà Red qui recommence, à grand renfort de tartines dans la tronche. Joyeux festival de claques s'il en est ! La scène donnerait presque un rendu plutôt pas dégueulasse, avec un ton-sur-ton troublant vis-à-vis de l'ambiance générale... Mais l'heure n'est pas à la contemplation ; car la jeune envoyée du CP9, totalement prise de court, doit malgré tout continuer sa petite comédie pour paraître cohérente aux yeux des autres "clients". Songeant d'avance à tous les ennuis à venir (qui n'auraient certainement pas lieu d'être si Red avait fait montre de davantage de subtilité à la naissance), Leanne se morfond donc dans un formalisme contraint, et adopte son rôle avec diligence : être forcée de jouer les femmes faibles et dociles, apeurées par un mari excessivement violent et jaloux... Même pour Leanne (qui se satisfait pourtant de peu), le coup de semonce est dur à digérer : décidément, cette mission a tout de la "hapiness factory" modèle géant.

      - Chéri, non ! Arrête, je t'en supplie, épargne ce pauvre homme !

      Aucune réaction de la part de Red, qui joue convenablement son rôle de brute épaisse ; et ignore une fois de plus une Leanne qui aurait volontiers désiré plus d'attention... Pour la jeune femme, c'est désormais une certitude, aussi accablante que criante : malgré son implication sans faille, cet homme là ne fait montre d'aucune mesure et n'en ressent pas le besoin. Sauf peut-être concernant son hygiène corporelle : mauvaise pioche.

      Plus étonnant encore, ce comportement insouciant et irréfléchi. Aurait-il été inconcevable pour une personne sensée de prendre contact tranquillement autour d'une bière, tout en tâtant la température sur le terrain ? Quel agent se permettrait de foncer dans le lard sans même prendre connaissance (discrètement) de la situation lors de son arrivée ?

      Consciente du développement hasardeux de l'investigation, Leanne ne parvient définitivement pas à cerner son collègue mais ne persévère pas pour autant... A présent que les réjouissances ont commencé, il s'agit de ne pas se disperser en "pourquoi" et d'assurer la continuité du scenario improvisé : aussi la demoiselle se met-elle à geindre pour tenir son personnage, puisant dans les parcelles les plus émotives de son cœur afin d'y trouver la larmichette. Celle-là même que la demoiselle n'a plus réellement sortie depuis plusieurs années.

      Le spectacle ne semble pas particulièrement probant, mais après quelques minutes, la poussière ambiante de la pièce devient suffisamment oppressante pour chatouiller les glandes lacrymales de Leanne. Avec une faible voix, la comédienne prodigue se traine alors au pied d'un pirate à l'aspect mauvais et indifférent. Une cible idéale pour un talent du CP9.

      - Monsieur, je vous en supplie... Allez secourir cet homme. Quand mon mari devient jaloux, je ne peux rien faire pour l'empêcher de s'énerver ; et j'ai bien peur qu'il ne cède encore une fois à ses pulsions... Pitié...

      Consciente de l'hyper-ultra-parodie d'un tel discours, Leanne ne peut décemment envisager une réponse positive ; surtout compte-tenu du profil de sa cible, sélectionné parmi une quarantaine comme étant le plus pigeonnable. Et à défaut de se laver les dents, ladite cible semble les avoir toutes conservées et maintient un discours intelligible, qui sied plus que de raison à la jeune espionne.

      - Haha, ce naze ? Qu'il crève ! Y'a pas écrit secours social ici, ma jolie... Et franchement, ton steack de mari, j'me le sens pas trop. D'mande ça à un aut' pigeon, poulette ; tu m'auras pas comm'ça.


      C'est vraiment plus qu'il n'en faut ; un véritable caviar ce gonze, l'odeur fétide en plus. Satisfaite de constater que la comédie CP9ienne a de beaux jours devant elle, Leanne en a bien assez pour prétendre à voix haute que la situation est désespérée, se donnant un prétexte pour se retirer à nouveau au fond de la salle, la mine accablée... Les pièces sont en place : la demoiselle a désormais un réel personnage, et peut totalement couvrir son collègue ; tout en pouvant se permettre de l'attendre tranquillement au fond du pub. Jusqu'à maintenant, tout se déroule sans accrocs, et Leanne n'a plus qu'à attendre le retour de Red pour organiser le retrait.

      ***

      Les minutes passent, et les hurlements stridents de 219-crie-comme-une-meuf laissent peu à peu place à de courtes plaintes, étouffées et toujours plus faibles... Puis le silence se fait en provenance des toilettes. Consciente que Red sortira dans peu de temps, Leanne s'accroche alors à son rôle de toutes ses forces ; il faut penser à quelque chose de triste, quelque chose de bien déprimant. Se marier avec Red, vivre du tapinage. Tromper Red avec le plus crade des alcoolos du salon, et en redemander. Apprendre que le savon n'existe plus, et que Leanne est la dernière femme vivante...

      Les occasions de sombrer dans une réelle détresse lyrique sont légions pour la demoiselle, qui parvient à lâcher une dernière goutte avant que son collègue ne revienne, les mains légèrement plus rosées que d'ordinaire. Quoi qu'en y regardant de plus près, l'ensemble du costume semble également être tâché de manière raisonnable ; laissant à Leanne le délicat plaisir d'imaginer les "tâches" de la victime. A table.

      Comme une fleur, Red revient vers Leanne et s'installe à côté d'elle en esquissant un sourire, probablement autant amusé par la situation que par la raclée que son Altesse vient de coller à un ridicule gringalet sans avenir. Spectacle ô combien pittoresque, bien que le terme en lui-même n'ait aucun rapport avec le sujet sous-jacent.

      - Interrogatoire ok, ait localisé bateau et complices.

      Décidément, ce client là ne semble pas facile à mater, et a décidé de jouer la carte du "n'importe quoi" jusqu'au bout. Aucune information valable à se mettre sous la dent ? Aucun renseignement concernant l'état de l'indicateur, aucun plan de retrait ? Même si Red demeure un agent expérimenté du gouvernement mondial, un impair a peut-être été commis ; et dans ce cas de figure, le déficit de renseignements saute aux yeux...

      Alors que Red appuie un sourire toujours plus satisfait, Leanne saisit le sens de la manœuvre : après tout, connaissant le CP5, cela devait arriver. D'un sourire narquois, Leanne se lève doucement et dévisage son collègue d'un air faussement sévère ; à l'évidence, l'espion n'est pas sans connaître le style du CP9, et s'est fait un plaisir de briser les conventions afin de tester les talents de la jeune femme. Ni une ni deux, l'envoyée du CP9 prend le défi au pied de la lettre ; et que le meilleur gagne.

      - Suis mon jeu.


      Annoncé avec autant de discrétion que possible, le message a tôt fait de dissiper le sourire du jeune homme en face de Leanne ; car de toute évidence, l'espion envoyé par le CP5 n'a pas entendu un traître mot de la comédie soutenue par sa camarade durant son "absence". Réprimant un rictus avec difficulté, Leanne imagine déjà les remontrances du jeune homme en privé, son indignation pour avoir été traité de la sorte. Mais qu'importe, l'important, c'est de participer.

      - ESPÈCE DE SALAUD ! Pourquoi as-tu fais ça ?! Je t'avais demandé de ne pas t'emporter... Tu m'avais pourtant juré ! Il faut toujours que tu exagères tout ; nous ne faisions que discuter, après tout. DISCUTER ! Tu sais John, j'ai cru en toi... Mais toutes les âmes ne peuvent pas être sauvées, et à l'évidence, tu ne retiendras jamais ce qui me blesse le plus en toi. Alors vas-t'en. VAS-T'EN !


      Nan sans une extrême satisfaction, Leanne s'en retourne vers les toilettes et sanglote de plus belle pour le beau plaisir de l'assemblée réunie autour du psychodrame : manifestement, la comédie de Leanne a le mérite d'assurer le spectacle, et donne même un prétexte valable à Red pour partir sans demander son reste... Que du bonus. Gagnante selon toute vraisemblance, la demoiselle aborde donc la scène du scato-meutre de "219-cuit-comme-un-oeuf" avec une once de sérénité. Mesdames messieurs, applaudissez, applaudissez...

      ***

      Mais qui applaudir ? Car au vu de l'aspect général des toilettes, Leanne reconnait - à contre-cœur - que Red a su marquer des points ; non pas pour son zèle à la castagne, mais bien pour son goût indéfectible concernant la décoration d'intérieur. Il ne s'agit pas d'une scène lynchage, mais bel et bien d'un chef d’œuvre de la période artistique cubiste, pour qui sait reconnaitre un vrai tueur. Et que j'te colle un peu (beaucoup) de rouge par ci, par là ; et que j'te déforme une mâchoire humaine, et que j'te fous le nez sur la joue...

      Surprise de s'amuser à ce point devant un cadavre humain, Leanne constate (non sans un fatalisme anti-matchiste exacerbé) que la forme d'arrivée du pauvre forban donnerait presque plus envie qu'avant la rossée. Ayant presque totalement échappées à Leanne, certaines dents noircies par l'alcool brut et le manque d'hygiène gisent également au sol, éparpillées dans un désordre relatif (selon l'angle, Leanne croit même distinguer les initiales R.E.D au milieu du sang quasi-coagulé ; de là à accuser son collègue d'humour pervers, il n'y a qu'un pas que la demoiselle ne saurait franchir).

      Bref, c'est un joyeux bordel, auquel "219-fais-plus-la-teuf" a activement participé (presque contre son gré) : R.A.D pour Leanne, qui constate donc le décès sans même prendre la peine de mesurer le pouls du malheureux édenté... 'Sagirait de pas gâcher une paire de gants pour rien.

      Mais l'heure n'est plus aux contemplations : il faut désormais continuer la mission, aussi pénible soit-elle. La main à la poche, Leanne dégaine donc son escargophone crypté, et assène un rapide regard alentour pour vérifier que les lieux sont toujours laissés pour vide. Personne dans les parages : le harcèlement psychologique du fraichement baptisé "Red-220" peut commencer.

      - Agent Murasaki à Agent Red : j'apporte la confirmation du décès de notre première cible. Puisque vous semblez privilégier la piste d'une fuite maritime, je propose que nous nous donnions rendez-vous au navire de couverture du gouvernement ; nous serons ainsi mieux à même de discuter et opérer depuis ce point de chute... Peut-être même y êtes-vous déjà, étant donné la situation actuelle. Si les détails de ce rendez-vous vous conviennent, sachez que je serai arrivée d'ici quelques minutes : je compte dissimuler la dépouille aux yeux des clients de la taverne avant de vous rejoindre, mais je n'ai pas encore de projet bien défini quant à l'endroit exact où déposer 219. Si vous êtes déjà arrivé à notre navire, demandez également au personnel présent sur les lieux de me préparer quelques vêtements de rechange, ainsi qu'un bain ; ni trop frais, ni trop chaud. Je peux affirmer qu'un degré de puanteur tel que dans les toilettes de cette taverne nuirait aux notions les plus fondamentales de la filature ; et je n'aborde là que l'aspect purement professionnel. Pour faire plus court, je m'en voudrais donc de nous retarder à cause d'un indicateur un peu trop négligeant sur son hygiène. En vous remerciant.

      Un sourire au bord des lèvres, la demoiselle hésite à rompre le rideau solennel dressé entre deux agents du gouvernement ; avant de se décider de manière impulsive.

      - Soit dit en passant... Vous avez un sacré crochet du droit, pour une petite frappe. Tâchez de ne pas vous tourner les pouces en attendant mon retour, "chéri".

      Quitte à passer toute une mission avec un autre agent, autant briser la glace rapidement.


      Dernière édition par Leanne B. Howell le Mar 7 Fév 2012 - 21:01, édité 1 fois
        - Suis mon jeu.

        *Suis mon jeu ? Héhé et plus si affinités hein ? Ce serait une invite que ça ne m’étonnerait pas. En tout cas je lui en mis plein la vue à la poupée du CP9. Un bon point pour l’intro brutale, je savais qu’avec ces tarés fallait envoyer du lourd, mais finalement ça pourrait même plutôt bien se passer au final... Suis mon jeu… S’il y a bien un truc qu’elle n’aura pas besoin de répéter c’est bien ça. Suivre la danse je fais ça tellement bien qu’on ne se doute même pas que c’est moi qui méne. *

        Affichant une stupéfaction béate d’ivrogne devant la tirade hystérique de Leanne l’agent Red ne peut que tendre une main trop tardive vers sa partenaire qui file vers les toilettes. Et pour ceux qui n’aiment pas le muet il colle même des sous titres. Vu le niveau du bar il faut bien guider le public pour éviter de devoir répéter.

        -Mais, mais chéri il te manquait de respect… Chérie t’en vas pas ! Chérie reviens ! CHERIEEE !

        Red se lève en renversant sa chaise et pousse un long beuglement de bête blessé et qui souffre en s’efforçant de contenir sa haine de ce monde trop cruel ou on ne peut même pas tabasser virilement le mec qui drague sa copine sans se faire traiter de méchant macho.
        Il reste la quelques secondes, le regard fou, l’écume aux lèvres, ses poings se serrant convulsivement comme s’il brisait un cou de plus, attendant contre toute attente que Leanne réponde à son cri du cœur et revienne.
        Puis dés qu’il sent que le public se lasse il enchaine sur la scène suivante de macho macho men. Raflant la bouteille de bière que feu l’informateur n’a pas eu le temps de boire il brise le goulot avec les dents et la vide d’un seul trait avant de broyer le reste du récipient d’une simple pression de la main. Pour faire bonne mesure il explose aussi la table d’un coup de poing, mettant clairement quiconque au défi de venir tenter de le calmer ou de lui faire payer les pots cassés. Evidemment personne ne moufte ce qui permet à Red après un dernier regard sur les gens de quitter la salle la tête haute en ayant sauvegardé intact son honneur de male alpha légèrement égratigné par la douce Leanne. Non sans bousculer au passage les types trop prés de sa trajectoire avant de dégonder la porte d’un coup de pied. Au Cp5 quand on joue un rôle on le joue à fond et jusqu’au bout.

        *Bon voyons voir, la peine du soulard c’est bon, la crise de nerfs c’est bon, le male dominant c’est bon… Beau boulot… ça m’impressionne presque tellement je deviens bon à ce jeu…*

        A peine sorti Red s’empresse de rejoindre la première ruelle pour procéder à l’extraction des morceaux de verre qu’il a gardé en bouche. Vieille technique toujours impressionnante appris il y a quelques années d’un magicien de comptoir. Toujours pratique, mais dangereux si on ne fait pas gaffe…

        Il termine de cracher les derniers débris juste à temps pour recevoir l’appel de sa nouvelle coéquipière. Et l’écoute avec attention pendant qu’elle met au point les détails les plus cruciaux de la suite de la mission. Dont au moins un que l’agent peut aider à résoudre immédiatement…

        -On est à Last Camp alors te donne pas trop de peine je connais le coin par cœur. Je vais venir me coller sous la fenêtre des gogues, elle est pas très grande mais en tassant un peu le corps ça devrait pouvoir passer à l’aise, après ça je m’en occupe…

        *Je joue les amants jaloux, délaissés, et maintenant je suis le majordome… Mouais. Y’en a qui ont du bol d’êtres mignonnes… Et d’être du Cp9 aussi. Parce que faire disparaitre le corps, on est d’accord c’est dans mes rayons, mais gouter la température de bain… A moins que…Héhé, elle a dit chéri…*

        Red esquisse un sourire à faire frémir un pirate patenté avant de rejoindre la fenêtre à l’arrière de l’établissement ou une tête de cadavre commence déjà à apparaitre.

        *Rebonjour toi ! Journée de merde hein ? Allez viens par la...*

        Une minute pour parachever le passage du corps au travers de l’étroite ouverture, trente secondes de plus pour cacher le corps plus loin et rejoindre l'agent Leanne qui sort du bar et prend une grande bouffée d’oxygéne façon fin d’apnée..

        -Mais qu'est-ce que t'as fait du corps, mecton ? ?
        -Je l’ai mangé. On descend au bateau ? J’ai prévenu pour le bain…
          - On est à Last Camp alors te donne pas trop de peine je connais le coin par cœur. Je vais venir me coller sous la fenêtre des gogues, elle est pas très grande mais en tassant un peu le corps ça devrait pouvoir passer à l’aise, après ça je m’en occupe…

          Te donne pas trop de peine ? Te donne pas trop de peine ?

          Surprise par une si soudaine proximité avec son collègue de travail, Leanne ne trouve rien à redire aux recommandations que Red débite par l'escargophone ; car même s'il y a bien là prétexte à rouspéter, le message se passerait volontiers de commentaire...

          Quelle folle hardiesse, quelle motivation suicidaire particulièrement pugnace et redondante avait bien pu pousser ce bonobo impudent à tutoyer la demoiselle ? Pourquoi mettre un point d'honneur à défoncer de manière systématique toute forme de subtilité ? Car, bien loin de n'avoir jamais été tutoyée, Leanne ne tique pas pour le fait en lui-même mais plutôt pour le contexte général, bien loin des pantalonnades et autres jeux de scène auxquelles les agents gouvernementaux doivent se plier pour le bien d'une mission... Exceptés quelques clodos défraichis, un enfant un peu trop entreprenant et un vieillard sur le point de passer l'arme à gauche, personne n'avait jamais oser tutoyer Leanne sans alcool dans le sang ou une profonde envie de suicide ; rien de plus normal que dans cette optique, le trop plein de familiarité d'un jeune homme sans gêne ait de quoi perturber la demoiselle...

          Abattue par tant de contraintes, Leanne hésite à suivre les conseils de son collègue afin de défier une telle arrogance ; mais l'espionne du CP9 sait mieux que quiconque que vie privée et professionnelle ne font jamais bon ménage... A fortiori lorsqu'un cadavre de soixante-dix kilos est étalé à vos pieds, au milieu d'une bonne douzaine de raisons de vous coffrer pour folie furieuse. Après une rapide remise en question, la demoiselle ravale donc son orgueil et conduit le macchabée vers le fond des toilettes... Endroit charmant s'il en est, et où avaient débuté les hostilités ; bien malgré Leanne, qu'on se le dise.

          - Sans déconner, il le fait exprès, ce macaque ou quoi ? Et moi qui commençait à le considérer comme un être humain... C'est toujours pareil avec ce genre de gaillard : tu donnes la main, on te prend le bras. Mais qu'est-ce que j'ai fait au gouvernement pour qu'il me colle ce genre de loustic dans les pattes, je vous jure...

          Se considérant anormalement clémente compte tenu de l'affront de Red (forcément volontaire puisque CP5ien), la jeune femme termine de hisser son paquetage sanguinolent dans un silence religieux, signe d'un conflit intérieur intense : maintenant que le rideau de convenances a été tiré (par la demoiselle elle-même, comble de l'ironie), il s'agit de ne plus faire marche arrière, au risque de perdre tout crédit... Aussi la jeune espionne décide-t-elle - bien à contre-coeur - de tenter le tout pour le tout en s'adaptant au langage de son collègue de travail ; il faut parfois savoir le mal par le mal. Dompter sa cible en lui faisant croire que tout est gagné d'avance ; endormir sa vigilance pour mieux l'éduquer et l'asservir. Patience, Léanne...

          Si fueris Romae, Romano vivito more. Dura lex sed lex, comme dirait le parfait binoclard littéraire brise-noix (*).

          ***

          Quelques bruits grossiers derrière la fenêtre. Un miaulement de chat, visiblement dérangé par un présence plus que néfaste. Quelques conserves qui se renversent et tombent d'une poubelle trop remplie... Red-Mister-castagneur arrive en grandes pompes ; et sans une envie excessive d'entretenir la discussion, de toilettes à réserve ordurière. Pas qu'le contexte et l'odeur dissuadent de parler, bien au contraire ; de parfaite ordure humaine à chiure féminine avérée, on s'comprendrait limite mieux, pourtant... Bref. En deux coups de cuiller à pot, 219 est charrié vers l'extérieur, puis emmené dans un coin sombre d'une rue adjacente. Colis expédié sous les dix minutes, ouaip' madame.

          Ni une ni deux, Leanne prend alors son courage à deux mains et grimpe elle-même sur la fenêtre, avec la ferme intention de prendre la même sortie que feu-219 ; la perspective n'est pas folichonne, mais après tout, il suffit de sauter assez loin pour s'en sortir indemne. Il suffit d'le faire ; et de le faire maintenant. Prenant un grande inspiration, la demoiselle contracte ses jambes, prête à sauter au dessus des poubelles. La moindre erreur serait fatale, mais esquiver les ordures ne semble pas infaisable. La sueur perle sur les tempes de la demoiselle, poussée à l'exploit psychologique ; puis les mains tremblent, trahissant l'anxiété croissante de la jeune espionne. Il faut se jeter, tout oublier, renier la puanteur. Peu à peu, un grand silence s'installe...

          Et Leanne glisse sur le rebord sans pouvoir sauter, s'étalant de tout son long dans une poubelle ménagère grande ouverte. La chute ne fait aucun bruit, Leanne non plus : littéralement sous le choc, la demoiselle tourne lentement la tête, et aperçoit, muette d'effroi, un bout de viande grouillant de vers juste en dessous de son cou. De ça de là, d'autres restes de nourriture semblent également en cours de décomposition, et un nombre impressionnant de mouches stagne autour du corps de la demoiselle, sur le point de vomir. Le souffle coupé par tant d'horreur, Leanne tente de respirer malgré ses crises d'angoisse : grave erreur, l'air étant imprégné de tout ce qui pourrait dégoûter un homme. Alors une aristocrate...

          Une infime bouchée d'air suffit à Leanne pour comprendre que la mort par asphyxie serait préférable à une inhalation supplémentaire au milieu de ces cadavres grouillants et pullulants ; car un instant a suffit à la jeune espionne pour saisir toutes les subtilités de l'arôme, et le verdict semble sans appel. Un relent de vomi, de cadavre en décomposition, de sueur et d'alcool se dégage très fortement du mélange, et le tout semble richement agrémenté d'un bouquet fruité parvenant des toilettes sur-jacentes. Comme les aisselles d'un mec après une activité physique, en légèrement plus hardcore.

          - Keupff... Allez, Leanne, plus... Faut sortiiir de lààà...


          Dans un élan de survie de l'ordre du divin, Leanne parvient à reprendre ses esprits après quelques secondes, et se hisse en dehors du cercueil du fermentation : le choc passé, la demoiselle reprend du poil de la bête tout en continuant de s'éloigner du tas de déchet... L'ennemi est au loin ; plus besoin de courir, plus besoin de fuir. Toujours prise de légers tressaillements, la jeune femme s'adosse à un mur et ferme les yeux, ralentissant sa respiration ; calme, plénitude... Prenant une grande bouffée d'air frais, le sens commun revient alors à Leanne, qui sent sa mémoire et ses émotions lui revenir en pleine gueule.

          Avoir assisté un abruti bien plus bourrin que la normale. S'être fait manquer de respect. Avoir traîné un cadavre puant jusqu'à un tas d'ordure ; s'être ramassée dans ledit tas d'ordure. S'être tenu dans la fange, la vermine, les sangsues... Pour l'espionne du CP9, la coupe est pleine ; et dieu sait qu'elle ne déborde pourtant pas souvent.

          - MAIS BORDEL DE MERDE, C'EST QUOI CETTE MISSION A LA CON ! QUI EST LE PARFAIT ENFOIRÉ QUI M'A ENVOYÉ DANS CE TROU A MERDE, QUE J'LUI DÉVISSE LA TÊTE, HEIN ?! SANS DÉCONNER, J'VAIS TE PONDRE UN RAPPORT AUX HAUTES INSTANCES, IL VA ÊTRE GRATINÉ, LE BOUSIN !


          Totalement sortie de ses gonds, Dark-Leanne doit taper ; et taper aussi fort que possible. La rue semble déserte et peu fréquentée : ce n'est pas pour déplaire à la demoiselle, qui se met martel en tête de pulvériser la poubelle responsable de sa fureur. L'objectif radiation est en marche ; reste qui ose.

          - Ça, espèce de connasse... De poubelle... C'est pour mes fringues...

          Leanne ne mesure aucun de ses coups, et continue de plus belle.

          - Ça, c'est par ce que maintenant, je pue le fennec...

          La jeune femme s’essouffle, mais la poubelle semble également souffrir.

          - Et ça, c'est toujours par ce que MAINTENANT, JE PUE LE FENNEC, BORDEEEEL !

          Le dernier coup assené est le bon, et l'immense poubelle finit par abdiquer, rependant ses ordures partout autour ; mission accomplie, vengeance assouvie. D'un air hautain, la jeune femme retourne donc vers la ruelle empruntée par Red ; juste à temps pour que ce dernier ne revienne, la gueule enfarinée comme pas deux. La tronche du mec qu'est vachement à l'aise dans ce genre de situation ; autrement dit, le profil type du mec qui t'agace une Leanne en moins de temps qu'il ne faut pour dire "Yoshiloucoukoumntou". D'une humeur massacrante, la demoiselle opte pour une réponse primaire, au niveau de son interlocuteur : une occasion involontaire de s'entraîner au style familier de Red.

          - Mais qu'est-ce que t'as fait du corps, mecton ?

          - Je l’ai mangé. On descend au bateau ? J’ai prévenu pour le bain…

          Enfin un truc de positif dans c'putain de chaos : voilà qui te calme la Leanne, et qui évite potentiellement à Red de s'en prendre une belle pour l'air radieux qu'il affiche H-24... Sans même en prendre conscience, Leanne finit même par adopter le tutoiement du gaillard ; comme quoi, tout arrive lors de grands moments de faiblesse.

          - J'espère pour toi que mon bain sera à la bonne température, j'suis pas d'humeur à attendre. J'te suis.

          ***

          Shosen : ça déchire ta faim et ta soif !


          D'un air dubitatif, Leanne dévisage le navire de couverture : de toute évidence assez ancien, le rafiot est fait d'un bois sommaire, assez usé et patiné par le sel et le temps. A vu de nez, Leanne table sur un quinzaine de mètres, tout au plus ; pas de quoi fouetter un chat. Une décoration aussi folklorique que grotesque recouvre la partie supérieure de la coque, à grands coups de guirlandes fantoches et d'accessoires à l'aspect douteux... Au vu du bolide de course, Leanne aurait davantage envisagé une poursuite à la nage si elle n'avait pas été forcée de se laver à l'eau claire et au désinfectant.

          - Quinze minutes à traverser tout Las Camp, à contourner le port... Tout ça pour un putain d'navire-restau ? On se foutrait pas de nous, des fois ? Décidément, notre employeur a de réels problèmes d'argent...

          Sans attendre de réponse de son collègue, Leanne se résout à monter à bord du bateau, mais ne laisse pas retomber sa colère pour autant : avec un laissez-aller aussi flagrant à bord du navire, il faut toujours tirer la bride pour assurer le succès d'une mission... Et cela commence souvent par un rapide topo sur la hiérarchie et l'obéissance qui en découle. D'un geste sec, Leanne attend donc que Red soit lui-même entré dans le bâtiment pour refermer la porte. Puis le silence se fait.

          - Soldats du gouvernement, je me présente : Agent Murasaki, rattachée au CP6.

          Bref regard vers Red, qui reste impassible devant le mensonge éhonté - mais nécessaire - de sa collègue.

          - Puisque vous avez vous aussi été avertis de notre mission, je me passerai de toute introduction sur notre but ; et je tacherai uniquement de vous introduire sur la situation actuelle. Mon collègue, ici présent, a déjà interpelé une de nos cibles puis l'a éliminée ; de ce fait, nous savons de source sûre où se dirigent les autres dissidents, et ce qu'ils projettent de faire... Naturellement, nous tairons ces informations pour prévenir toute fuite d'information.

          Habituée à ne recevoir aucun renseignement supplémentaire, la plupart de l'assemblée ne bronche pas devant autant de formalisme : ne rien savoir fait partie du quotidien du soldat classique, et en vouloir plus que nécessaire aurait fait peser de lourds soupçons d'espionnage sur tout le navire.

          - Mais passons au plus grave... Il se trouve que durant cette mission, mon honneur a déjà été entaché à plusieurs reprises ; ma patience est donc assez limitée, et je vous informe qu'il ne ferait pas bon me contrarier. Si vous vous attendiez à recevoir un paquet de bonbons dès mon arrivée, vous vous trompiez lourdement ; pour cela, je vous recommande chaleureusement l'agent Red ci -présent, qui sera nettement plus à même de coopérer avec vous - bien qu'il ne fasse pas non plus partie des enfants de chœur de notre chère corporation.

          Rapide regard vers l’assistance... Aucun soldat ne parait amusé : l'équipage a compris le message.

          - Je suis intransigeante mais je n'ai a priori rien contre vous, à condition que vous restiez polis, courtois et parfaitement propres ; à ce propos, j'espère que mon bain a correctement été préparé. Je le veux à 33°C très précisément : ni plus, ni moins. Par respect pour mon intimité, j'exige également que chaque soldat ici présent - hormis l'agent Red - soit sorti sur le pont dans les trois prochaines minutes, que je puisse me laver en paix. Inutile de préciser que je ne tolèrerai aucune interruption de quelque sorte que ce soit. Tous ceux portant actuellement l’uniforme réglementaire sont priés de l'enlever durant leur attente sur le pont afin de n'éveiller aucun soupçon ; et une fois ma douche terminée, je vous veux tous au garde-à-vous ici-même, prêt à lever l'encre. Me suis-je bien fait comprendre ?

          - OUI MADEMOISELLE !

          Même pas besoin de hausser la voix ou de faire un exemple : voilà qui remet Leanne d'aplomb, malgré un début de mission désastreux. Satisfaite de sa main-mise sur l'équipage, la demoiselle ordonne le retrait des troupes avant de se retourner vers son collègue de mission.

          - Demande à ces hommes de te fournir une cloison dépliable : c'est la seule concession que je permette pour que tu m'informes de la situation pendant que je me lave. S'ils n'en trouvent pas dans les meilleurs délais, fais-toi plaisir. Après notre brin de causette, je te charge d'informer l'équipage sur notre destination. N'en dis quand même pas trop ; ce n'est pas pour me déplaire, mais l'équipage est trop discipliné... Y'aurait une ou deux taupes, que ça m'étonnerait qu'à moitié.


          (*) Ne niez pas que ce type de gens, pseudo touche-à-tout et omnipotents des bacs à sable, ne se privent jamais d'étaler leur science littéraire devant les pauvres analphabètes que nous sommes. Amen.



          Dernière édition par Leanne B. Howell le Sam 24 Mar 2012 - 0:50, édité 3 fois
            Pendant que Leanne découvre la sortie de secours, Red, en vrai petit magicien, fait disparaitre le cadavre en quelque tours de passe passe, c'est à dire en le fourrant sous un tas de détritus ou les pouilleux et les charognards locaux le dépouilleront avant même que l'agent ait passé le coin de la rue. A Last Camp rien ne se perd, même les corps valent de l'argent.
            Ensuite, comme il a oreille fine, Red reste soigneusement à l'écart du pétage de plomb de Leanne, se gardant bien de montrer qu'il a tout suivi, évitant de lui demander pourquoi diable elle n'est pas sorti par la porte comme tout le monde, et surtout, surtout il fait bien attention de rester suffisamment prés pour qu'elle comprenne bien qu'il n'accorde aucune importance à l'odeur de vieille putréfaction dont elle s'est généreusement aspergé. L'agent a encore un peu de mal à cerner sa nouvelle binôme, mais il sent que ce genre d'attention est un détail qui peut jouer en sa faveur.

            D'ailleurs il est tellement gentleman qu'il ne moufte pas pendant la descente et acquiesce obligeamment à tout ce qu'elle entreprend. Après tout, une fois entre CP, aucune raison de ne pas se montrer urbain. Il confirme d'un hochement de tête sévère mais juste son appartenance au Cipher Pol six, il consent un sourire complice quand Leanne réparti les rôles et endosse celui de la peau de vache rigoriste en lui laissant celui du gentil contact. Et une fois qu'il a acquiescé à ses ordres et qu'il les fait exécuter avec zèle il se permet même un petit sourire égrillard aux hommes qui remontent sur le pont après avoir posé la cloison...

            Ce qui devrait suffire à persuader les hommes qu'il est le vrai chef de cette mission, et que s'il passe tout les caprices de miss pète sec c'est uniquement parce qu'il se la tape. Plutôt gratuit mais on ne sait jamais, les missions de Red lui ont appris à ne jamais négliger les relations avec le petit personnel. Faut dire que quand on pas le rokushiki du Cipher pol neuf on a tendance à apprécier les alliés.

            Laissant la les hommes, non sans leur ordonner de mettre les voiles, après tout l'oisiveté est mère de tout les vices. Red s'installe confortablement dans le fauteuil qu'il a trainé dans la salle ou Leanna s'immerge, et suivant ses souhaits il lui fait un rapport un peu plus exhaustif sur ce qu'il a appris.

            -Les types qu'on cherche ont un bateau qui les attend dans un des bidonvilles portuaire qui voisinent Last Camp, un trou vaseux que les locaux appellent le trou. Ils payent un quai aux gangs locaux. Par la mer on y sera dans une heure. Je suis déjà passé dans le coin, c'est une embouchure un poil marécageuse, avec un peu de chance on arrive avant qu'ils lèvent l'ancre et on pourra leur bloquer l’accès à la mer. Sinon va falloir leur courir après...

            La bonne nouvelle c'est qu'ils voguent en flute, rien de plus qu'un bateau marchand, discret et costaud mais aussi profilée qu'une brique. La mauvaise c'est qu'avec les types qu'ils ont libérés ils sont nombreux à bord. Alors on devrait les rattraper vite, mais va falloir se battre...



            Leanne note tout en agent consciencieux et surtout, enfin en phase de redevenir propre. Et comme Red, toujours attentif à ses relations, ne souhaite pas gâcher ce moment de bonheur en y mêlant trop de taff il abandonne rapidement la cabine pour retourner faire semblant de superviser la manœuvre sur le pont.
            Il vérifie que tout le monde fasse au moins semblant de s'agiter constamment, donne quelques ordres histoire de rappeler qu'il est le patron. Et quand un peu moins d'une heure plus tard une Leanne remise à neuf fait à sont tour son apparition à ses cotés sur le gaillard arrière, il a déjà de nouvelles infos pour la tenir occupé.


            -Tiens, prends la longue vue et regarde la cote la bas. Tu suis la ligne d'arbres jusqu'aux bâtiments qui ressemblent à des entrepôts. Le quai est la. (Une seconde le temps d’être sur que Leanne regarde bien dans la bonne direction) Et il est vide. Avec leur bateau impossible de remonter le fleuve pour se planquer plus haut, ils ont déjà pris la mer...




            Dernière édition par Red le Jeu 1 Mar 2012 - 9:02, édité 1 fois
              - Les types qu'on cherche ont un bateau qui les attend dans un des bidonvilles portuaire qui voisinent Last Camp, un trou vaseux que les locaux appellent le trou.

              Bidonville ? Trou vaseux ? A ces mots, Leanne reprend encore un peu de savon, et frotte plus fort que jamais. A s'en décaper la peau, à en user la fleur de douche ; car la suite des opérations semble aussi prometteuse que lors des prémices de la mission. D'quoi te pourrir une heure de douche en deux s'condes.

              - Ils payent un quai aux gangs locaux. Par la mer on y sera dans une heure. Je suis déjà passé dans le coin, c'est une embouchure un poil marécageuse, avec un peu de chance on arrive avant qu'ils lèvent l'ancre et on pourra leur bloquer l’accès à la mer. Sinon va falloir leur courir après...

              La mine dépitée, Leanne se rapplique de l'après-shampoing ; par c'que bon, on ne sait jamais. Avec autant d'pourriture dans les ch'veux, la crasse peut parfaitement être encore là... Le gras, c'est dur à faire partir ; sans compter l'odeur de putréfaction. Effet placebo ? No comment.

              - On est obligés d'les suivre, s'ils se cassent ? Enfin j'veux dire... on est vraiment obligés ? Par c'que bon, d'habitude j'suis pas trop trop regardante sur l'hygiène ; mais soyons clairs, j'ai pas signé pour m'occuper d'une bande d'éboueurs psychopathes.


              D'un air désinvolte manifestement caractéristique du CP5, Red continue son énoncé d'une voix monocorde sans même prendre en compte les remarques de sa collègue. Sans même remarquer que Leanne n'avait pas remarqué que le registre familier était devenu implicite auprès de l'agent du CP5 ; alors que ladite stratégie avait initialement pour but de ne pas faire remarquer à Red que Leanne avait remarqué qu'il parlait comme un goujat. Remarquez le comble ; qui aurait sans doute vexé Leanne, si seulement elle n'avait pas elle-même remarqué l'absence de remarques de son collègue à ce sujet.

              - La bonne nouvelle c'est qu'ils voguent en flute, rien de plus qu'un bateau marchand, discret et costaud mais aussi profilée qu'une brique. La mauvaise c'est qu'avec les types qu'ils ont libérés ils sont nombreux à bord. Alors on devrait les rattraper vite, mais va falloir se battre...


              - Merci de l'info ; maintenant si ça te dérange pas, ça serait sympa que t'ailles t'occuper de l'équipage. Tu leur gueules dessus, tu diriges, tu flânes ; enfin, tu fais c'que tu veux quoi. Je veux juste avoir la paix cinq minutes, histoire de me laver correctement.


              Une fois de plus, Red s'en retourne sans même répondre à Leanne ou demander son reste ; inutile de lui dire que toute intrusion durant la douche sera sévèrement punie. Inutile de lui préciser que ces "cinq minutes" seront décomptées de manière féminine (donc forcément décuplées par rapport aux standards imposés à la virilité masculine). Red s'avère finalement être un compagnon fiable et compréhensif ; un peu brutal, pas super loquace ni même très compatissant... Mais pas trop con quand il veut.

              Alors en plus, s'il décide par lui-même de fermer la porte de la "salle de bain" sans la claquer, c'est la dolce vita. Une véritable perle, en fait.

              ***

              - Et... Voilà.


              Parfaitement remise de ses émotions passées, Leanne jette un dernier regard dans son miroir improvisé avant de reprendre la mission ; pas d'épis, pas d'trace de souillure, fringues propres. Parfum sympathique, pour un choix impulsif. D'quoi aguicher n'importe quelle cible masculine en deux s'condes ; y compris ennemie. Rien ne cloche, la demoiselle sort d'un geste théâtral ; et tombe nez à nez avec son collègue de l'instant, occupé à faire semblant de diriger le navire.

              - Ah Red, tu tombes bien. Attends moi ici quelques s'condes, j'ai deux trois choses à régler avec l'équipage.

              Faisant volte-face sans même laisser répondre son collègue, la demoiselle invite l'assemblée à se tourner vers elle et à abandonner de ce fait grogs et vivres dispensés par Red durant "L'Attente". Certains paraissent surpris de voir leur supérieure hiérarchique sortir si tard de sa toilette ; d'autres, probablement habitués aux affres du service des Cipher Pol, semblent au contrairement étonnés de voir la jeune espionne revenir si vite. Quelques murmures traversent l'assemblée mais après quelques secondes de battement, le groupe se calme ; et Leanne reprend les rennes du commandement.

              - Messieurs. A présent que tout est fin prêt pour le départ, nous allons prendre la mer ; je veux donc que chaque marine ici présent se charge de la bonne marche du bateau, et que nous ayons levé les voiles d'ici trois minutes minutes. J'informe également qu'une poignée de chanceux auront l'insigne honneur de nettoyer la salle principale de ce bâtiment, qui se devra d'être plus reluisante que lors de sa construction ; il va sans dire que je prendrai les matelots les plus sérieux pour effectuer cette tâche. Pour être sûre de faire le meilleur choix, je m'en remettrai à mon collègue, qui se fera une joie de me dire lesquels ont, disons... Lâché la bride durant mon absence. Hum... Hop hop hop ?

              Sans un bruit de contestation, Leanne assiste à la soudaine effervescence de l'équipage, partagé entre l'envie de partir et celle de ne pas être désigné comme laquais. Satisfaite de sa menace, Leanne s'en retourne donc vers son complice de mission, préparé au feed-back. Inutile de lui parler de cette affaire de nettoyage, le bougre étant déjà particulièrement occupé ; la jeune espionne se chargerait elle-même de nominer le ou les larbins du navire.

              - Excuse moi Red, les affres de la vie de marin. Tu voulais me dire... ?

              Tout à sa mission, l'envoyé du CP5 débite quelques infos mineures avant de sortir une longue vue de sa poche.

              - Regarde la côte la bas.


              - Je l'ai. Et donc... ?

              - Tu suis la ligne d'arbres jusqu'aux bâtiments qui ressemblent à des entrepôts. Le quai est la. Et il est vide. Avec leur bateau impossible de remonter le fleuve pour se planquer plus haut, ils ont déjà pris la mer...

              Fataliste, Leanne referme la longue vue et la tend à son collègue. Il faut partir, et vite.

              - Âpre constat... C'qui nous fait une bonne et une mauvaise nouvelle : la bonne, c'est qu'y'aura pas à aller dans ce truc, le trou, là. J'y tenais pas vraiment, ça avait l'air de craindre un max, et j'suis pas malheureuse d'y avoir échappé. Ça c'est c'est bien. La mauvaise nouvelle, c'est qu'on est bien à la bourre, par contre ; et j'suis passablement énervée que personne m'ait consulté concernant ce problème...

              Agacée par la tournure des évènements, Leanne cherche un coupable pour cette faute ; une cible faible, facile à faire taire et à contrôler. Un bouc émissaire, dont l'humiliation et le redressement feraient un exemple. Un membre de l'équipage, en somme. Disons par exemple...

              - Vous, là-bas.

              Oui, toi. Un p'tit gringalet, fraîchement moulu des centres de formation guindés d'la marine. Le genre de gaillard qui s'pisse dessus dès qu'on lui gueule dessus ; pas du genre à s'opposer longtemps à qui qu'ce soit, femmes comprises. Un matelot idéal pour l'occasion.

              - Qui, moi ?


              - C'est moi qui pose les questions ici, matelot ! Pourquoi n'êtes-vous pas venu m'avertir du retard que nous avions pris sur notre mission, je vous prie ?

              - Mais, ne disiez-vous pas qu'il ne fallait pas vous déranger pendant qu...


              - C'EST MOI QUI POSE LES QUESTIONS, MATELOT ! Alors je me répète ; pourquoi n'êtes-vous pas venu me voir pour m'informer de la situation ?

              - Je, je ne sais pas...

              Le regard de Leanne est noir ; et si le mousse en face de la demoiselle pouvait fondre, il y aurait là assez de liquide pour remplir une baignoire de plus. Autour de la dispute, de nombreux soldats regardent discrètement tout en préparant le gréement ; Leanne feint de ne pas s'en apercevoir afin de terminer sa torture psychologique sans aucun accroc. Il en allait de sa réputation de tyran.

              - Ce n'est plus la peine de chercher soldat, car la réponse est très claire pour nous tous ici présents. Vous avez fait preuve d'un laxisme exacerbé, et je rougirais de honte d'être à votre place. Alors que votre rôle était de servir la corporation en nous fournissant informations et actualités de manière régulière, vous vous êtes dépravé de la manière la plus pathétique, riant à gorges déployées avec vos camarades - au moins aussi coupables que vous. Vous avez soulagé votre conscience et tenez un discours plus qu’abscons ; conséquence naturelle et inévitable de votre procrastination sans borne, traduisant de même un désintéressement outrancier envers votre mission ainsi qu'une propension alarmante vers l'oisiveté et le dénis du devoir. Je coupe donc votre grog durant les cinq prochaines semaines ; et je vous prie de croire que tout autre excès sera bien plus sérieusement puni. Me suis-je bien fait comprendre ?


              - Chef, oui chef...

              - Je n’entends rien !

              - CHEF, OUI CHEF !

              - Soldat, vous me réviserez ce postiche de regard guerrier ; j'ai l'impression d'entendre un nouveau-né pleurer, et je ne suis pas directrice de garderie. Puis-je savoir quel est votre nom, si ce n'est trop vous demander ? Et tâchez d'être clair, cette fois-ci.

              - Chef, je m'appelle Sujkislavisky, chef !

              - Beaucoup trop long, malheureusement. Vous vous nommerez donc 221 jusqu'à la fin de ma juridiction, et j'interdis à quiconque de vous appeler autrement que par ce pseudonyme. Retenez-le, apprenez-le, faites-en une lubie, un Leitmotiv ; car au vu de vos performances actuelles plus que déplorables, vous risquez fort d'être sollicité... A commencer par aujourd'hui, où vous vous chargerez seul du nettoyage de la salle principale. Vous êtes l'heureux gagnant, et je vous saurais gré de commencer dès maintenant. Rompez, 221 : état des lieux dans les quinze prochaines minutes !

              Certes, Leanne avait mis une heure à se laver. Certes, ce léger contretemps avait - peut-être - permis à l'équipage rebelle de prendre la voie des eaux. Certes, ce pauvre moussaillon n'avait rien fait pour mériter ça. Mais à coup sûr, ce dernier aurait fauté un jour ; dans cette optique, Leanne s'était simplement contenté de prendre de l'avance sur sa sanction. Pas d'quoi convoquer la presse, crier au scandale et pester contre les meneurs un peu trop sadiques. Regard malicieux vers Red, presque admiratif.

              - Laisse, petit, j't'apprendrai. Bon et sinon, on décolle ?

              Bref retour vers l'assemblée, qui semble sur le point d'en avoir terminé.

              - Équipage, PRÊT ?

              - CHEF OUI CHEF !


              - Alors allons chasser du vaut-rien !

              ***

              Une heure que le bateau se traîne, : une heure, et le navire ennemi n'est toujours pas en vue. Une heure que Red matte le décolleté de Leanne sans même faire semblant de regarder ailleurs, une heure que 221 s'affaire au nettoyage de la salle (l'envoyée du CP9 l'ayant obligé six fois à reprendre le cirage du sol). En bref, une heure que l'équipage se fait chier ferme, avec aucun putain d'vaisseau à l'horizon ; la loose à l'état pur, l'attente. Lorsque soudain...

              - CHEF, NAVIRE EN VUE CHEF !

              - Très bien soldat ; sachez que vous venez de perdre trois jours de grog.

              - Mais, pourquoi i-je...

              - N'avez-vous pas entendu ce que j'ai dit à votre collègue 221 ? C'est moi qui pose les questions, et personne d'autre ; quoique ce ne soit pas totalement le cas. Dans mon insigne bonté, l'agent Red possède également ce droit, indissociable des fonctions de supérieurs hiérarchiques que nous occupons à vos dépens... Souhaiteriez-vous, par cet affront, nous priver de ce droit ? Ce serait bien cavalier de votre part, aussi êtes-vous désormais privé de grog pendant une semaine. Cela vous apprendra à manquer de respect à un supérieur. A présent, consentez-vous à me demander la parole de manière décente avant de vous adresser à moi ?

              - Chef, oui chef. Permission de parler ?

              - Accordée.

              - Chef, un navire est en vue.

              - Je le sais parfaitement bougre d'idiot, vous l'avez beuglé il y a de ça quelques minutes ; ne seriez-vous pas en train de vous moquer de moi, soldat ?

              - Chef, pas du tout chef...


              - J'ai horreur que l'on se moque de moi ; aussi êtes vous désormais privé de grog pendant deux semaines. Maintenant que l'incident est clos, auriez-vous d'autres remarques plus intelligentes à formuler ?

              - Chef, non chef !

              - Très bien. Dans ce cas, je laisse à l'agent Red le soin de cordonner l'assaut.

              _____________


              Dernière édition par Leanne B. Howell le Sam 24 Mar 2012 - 0:56, édité 2 fois
                Cette fois c’est sur, Red est amoureux. Ou peut être pas, mais presque. En tout cas son binôme lui donne de plus en plus envie de demander sa mutation vers le Cipher Pom neuf. Elle est parfaite. Belle, joueuse, autoritaire, et avec ce soupçon de méchanceté gratuite parsemée d’ironie qui la rend si attachante. Parfaite, sans aucun doute. On se croirait dans le cinquième élément.

                -Tu as vu, il est plutôt bizarre le drapeau qu’ils viennent d’hisser. C’est un drapeau pirate plutôt classique, mais on dirait qu’il sort de l’essoreuse. Marrant non ?

                Laissant à Leanne le soin de parader sur le gaillard arrière en matant le bateau d’en face, Red met rapidement en place toute la préparation nécessaire à un abordage classique. On distribue les armes, sabres et pistolets pour tout le monde, on installe les canons d’abordage qu’on charge à la mitraille pour un bain de sang optimal. On répand de la sciure sur le sol et tout les types qui ne sont pas nécessaire à la manœuvre s’accroupissent le long du bastingage en préparant grappins et filets.
                Une fois lancé le mouvement tout roule plutôt bien, les marins ont déjà répété le mouvement plusieurs fois et semblent tout à fait s’y connaitre. Bien assez en tout cas aux yeux des deux agents finalement assez novices en combat naval.

                Red remonte à l’arrière, indiquant au barreur qu’il souhaite arriver sur l’arrière de la flute qui ne semble pas disposer de canons de poursuites, quelle erreur ! Ensuite, grâce à la vitesse supérieure de leur propre navire il suffira de se glisser rapidement sur le flanc du bateau ennemi, lui coupant le vent pour diminuer sa vitesse avant de se lancer à l’abordage. Manœuvre somme toute très classique, qui correctement exécutée devrait permettre de passer directement au corps à corps en évitant l’étape ou l’ennemi leur tire dessus au canon.

                -Alors ils font la même chose la bas ?

                (…)


                Plus loin sur la mer, sur l’autre bateau, c’est grosso modo le même topo qui se déroule. Mais la chaine de commandement pose plus de questions. Et puis le pont est plus propre aussi. Et bizarrement tous les membres de l’équipage semblent fraichement sortis d’un magazine de mode, un magazine de mode pour pirate, mais un magazine quand même, propres et immaculés. Et puis sur le gaillard arrière, longue vue en mains, ils sont trois plutôt que deux.

                [FB 1622] Among the dirt and barter. Ramon111-C’est un navire du gouvernement, on ferait mieux de se saborder tout de suite. On a aucune chance ! Et en plus ils sont plus rapides que nous, cette fois c’est la fin, on va tous mourir. Peut étre qu’en faisant sauter le bateau on arrivera à les avoir ?

                [FB 1622] Among the dirt and barter. Vigo1011
                -Ma qué pasa Ramon ? Tu oublie que Yé suis Don Vigo Torleone hé ? Lé pirate le plus Fortissimo, Grandissimo et le plus Machiavelico del mare del Oeste. Ces pobre loco dé marines vont découvrir l’étendue de mon terrifiant pouvoir. Gniahahaha
                [FB 1622] Among the dirt and barter. Tino1011-Ouais qu’ils y viennent ces marines, on va se les massacrer, les découper, et puis les vider comme des carpes et manger leurs entrailles. Il va y avoir du sang et des tripes partout. Ça va être horrible… Her her her !

                [FB 1622] Among the dirt and barter. Vigo1011
                -Si Tino, ma… pas trop de sang quand même. Après le pont il faut le nettoyer pronto. Ramon ? Combien de los soldados tu vois ? Et combien de chefs ?

                [FB 1622] Among the dirt and barter. Ramon111
                -J’en vois deux. Et les soldats sont cachés. C’est très mauvais. Ça veut dire qu’ils sont plus forts que nous, sinon ils seraient plus nombreux, c’est logique. Je savais que ce n’était pas bon. Il faut qu’on applique le plan Machine à laver, il n’y a que comme ça qu’on pourra les avoir.
                [FB 1622] Among the dirt and barter. Tino1011-Oh non ça craint, ce plan est pourri ! J’aime pas me planquer dans la cale pour attendre l’ennemi, je pense qu’il faut faire demi tour et les attaquer de face. J’men occupe tout seul s’il faut, C’est pas deux tanches du gouvernement qui vont me hérisser les nageoires. J’les bouffe direct moi les agents.

                [FB 1622] Among the dirt and barter. Vigo1011
                -Si Tino, Ramon a raison. Lé plan de la Lavadora es moui excellente. Commencez la mise en place, yé vé me préparer dans ma cabine. Et nous allons offrir à ces idiots du gouvernement le plus beau Lavar y centrifugar qué yé jamáis fait.

                (…)


                Quinze minutes plus tard.

                -A L’ABORDAGE ! SUS AUX PIRATES !
                -YAHAAHH !
                -Yahaahh ?
                -Euh Chef ?
                -Oui soldat ?
                -C’est bizarre chef parce que… Ben y’a personne sur leur pont chef… Et tout est fermé… Euh. Qu’est ce qu’on fait chef ?

                  - C’est bizarre chef parce que… Ben y’a personne sur leur pont chef… Et tout est fermé… Euh. Qu’est ce qu’on fait chef ?

                  - Commencez déjà par arrêter de nous agacer avec des questions d'une évidente trivialité, soldat ; votre manque d'initiative est suffisamment éloquent pour que nous ne soyons pas constamment ennuyés par les multiples démonstrations de votre ignorance.

                  Bref regard vers le matelot, qui ne semble toujours pas avoir compris ; une remise au point s'impose donc, au grand dam de Leanne.

                  - Vous, au fond à gauche.

                  - Chef, oui chef ?

                  - Nom. Vite, bien, du premier coup.

                  - Chef, Glo, chef !

                  - Glo ? Bien trop simple : à compter de ce jour, vous porterez le pseudonyme "222". Les règles d'utilisation sont les mêmes que pour l'engagé 221, et les sanctions s'y rattachant le sont également. Votre esprit vif et alerte aura d'ailleurs remarqué que votre appellation est une suite logique du pseudonyme octroyé à votre camarade : bien évidemment, n'allez pas croire qu'il s'agit là d'une sorte de classement, qui accorderait certains privilèges aux plus haut placés dans la numérologie. Pour moi vous êtes égaux par défaut dans la médiocrité, et vous valez à vous tous sûrement moins de la moitié de ce que j'exige comme équipage de soutien... Et au moins les trois-quarts d'entre-vous ne sont pas le cinquième de ce que je peux appeler "mes seconds de tiers". Je vous prie également de ne pas me demander le pourquoi d'une telle attribution de pseudonyme ; car nous savons tous deux que ce n'est qu'une simple mesure punitive en vue de l'idiotie que vous vous apprêtez à dire. A présent, je vous écoute : que pouvez-vous déduire de la situation actuelle à bord de notre navire-cible ?

                  - Chef, je peux affirmer que l'équipage n'est pas sur le pont, chef... J'en déduis donc que l'équipage sus-nommé s'est probablement caché dans les cales ! Chef !


                  - Laissez-moi deviner, 222 : "études supérieures en stratégie militaire" ?

                  - Chef, non chef.

                  - Tiens donc, voilà qui me laisse sans voix. Un brillant sous officier comme vous, capable de deviner qu'un équipage puisse se cacher lors d'une attaque. C'est bien pensé : aussi perdez vous une semaine de grog pour votre simplicité d'esprit. Tout comme votre camarade de pseudonyme d'ailleurs, qui aura lui aussi l'indicible joie de célébrer notre future victoire dans un état de sobriété qui sierra davantage à la corporation à laquelle il a juré fidélité.

                  - Chef, oui chef...

                  - L'incident est donc clos. Malheureusement pour les plus dégourdis d'entre-vous, je ne compte pas persévérer dans la navrante et décourageante interrogation de nos amiraux-stratégiques-en-herbe pour savoir ce à quoi nous faisons face actuellement ; à savoir, une embuscade. Engagé 222, merci pour votre analyse détaillée et pertinente qui, j'en suis sûre, ne manquera pas de séduire le croquant standard.

                  Victime innocente mais néanmoins nécessaire à la bonne emprise de Leanne sur l'équipage, 222 n'en mène pas large mais désire manifestement se racheter. Le grog serait-il un moyen de pression si efficace ? Eh, p'tite pousse... On ne lave pas son linge sale si facilement.

                  - Un... Un piège ? Que fait-on dans ce cas, chef ?

                  Sans même prêter un regard envers l'engagé-stratège, Leanne avance au milieu de la foule jusqu'à se tenir au bord du "Shosen", à un saut du navire dissident... Dans un silence de mort, la demoiselle enfile alors une paire de gants à l'aspect grisâtre et solide. Un choix impulsif, ses bon vieux Iron Fists. Clope au bec, cheveux ramenés en arrière... Leanne prend son temps, et respire doucement l'embrun de la mer sur son visage ; puis elle ferme les yeux, dos à l'équipage. Dans l'expectative, l'assistance retient son souffle avant que la jeune espionne ne se retourne doucement vers Red et le dévisage d'un air joueur. Il est temps.

                  - Un piège, oui... Que faire dans ce cas, vous dites ? Se jetter dedans, que diable !

                  Et d'une enjambée Leanne joint le geste à parole, passant seule sur le pont ennemi. Red, visiblement amusé par la tournure des évènements, se retrousse les manches et rejoint rapidement sa collègue de mission : l'occasion pour le duo de poser les bases d'une opération efficace.

                  - Red, si ça t'dérange pas, tu t'charges d'la partie Nord des cales ; quant à moi, j'me fais de la partie Sud. On va diviser nos troupes en trois contingents : un tiers reste sur le bateau et les deux tiers restants se divisent entre toi et moi. Si c'bâtiment est de série, m'est avis que les parties Nord et Sud s'rejoignent juste au centre d'la coque, deux ou trois niveaux en dessous du pont : c'est là qu'on se rejoindra, alors traine pas en route. Ça m'gênerait d'prouver que mon CP est plus efficace que l'tien, si tu vois c'que je veux dire.

                  Avec un rictus de défi, Red quitte Leanne pour coordonner rapidement les troupes avant de se diriger vers la calle Nord ; un brave type, tous comptes faits.

                  - Et au fait... Bonne chance, vieux.

                  •••••

                  Dans un crac sonore, une nouvelle porte se brise sous les coups de Leanne ; mais manifestement, la troisième salle des cales Sud semble aussi ténébreuse et déserte qu'aux deux étages supérieurs. Que peut-il bien se passer : pourquoi n'y a-t-il aucun soldat ? Frustrée par les évènements, Leanne avance seule d'un air furibond et enfonce une nouvelle porte avec violence ; lorsque soudain...

                  - Chef, derrière vous !

                  Provenant manifestement du mur jouxtant la porte très récemment défoncée, un jeune homme sort de sa cachette et avance calmement vers le bataillon du Gouvernement... Tournant le dos à Leanne, ce dernier impose le silence de par son apparition énigmatique ; et fait corps entre l'espionne du CP9 et son unité. Un amas de larges torchons semblent attachés de manière sommaire à la ceinture du jeune homme, mais la pénombre empêche Leanne de distinguer les motifs cousus sur le tissu. Si seulement il faisait moins sombre...

                  Mais alors que tout le monde dévisage encore le mystérieux inconnu, ce dernier détache les torchons de son ceinturon et les roule en boule, dans un silence pesant... Puis les jette soudain devant le parterre de soldats avant d'asperger la boule de tissu. Tout cela ne sent pas bon.

                  - Soldats, retrait !

                  Mais il est trop tard... Car ce qui n'était qu'un tas de tissu quelques secondes auparavant se met aussitôt à gonfler sous les effets de l'eau versée ; et une quinzaine de soldats se dissocient alors, encerclant rapidement le contingent Gouvernemental du Shosen. Inquiétée par la tournure des choses, Leanne décide de rebrousser chemin, mais le nombre d'ennemis semble trop important pour que la demoiselle puisse revenir ; l'homme au seau semble lui aussi s'opposer au retour de la meneuse, lâchant son seau pour empoigner fermement son épée.

                  - Attention petit, pose cette arme ; tu pourrais te blesser. Déconne pas, et laisse-moi passer.

                  Alors que Leanne s'approche doucement vers son adversaire afin de le mettre à terre pour rejoindre son unité, une voix rauque interromps l'avancée de l'espionne. L'homme sorti du fond de la pièce s'avance alors, laissant entrevoir une silhouette peu humaine. Voire carrément pas humaine. Une homme poisson, au pifomètre.

                  - Ecoute, gamine. S'tu veux sortir de cette pièce, faudra d'abord passer l'péage... Et vu qu'c'est moi à la caisse, ça risque de pas être dans tes moyens, hin hin hin.

                  Sans euphémisme aucun, la situation se corse... Et alors que Leanne fait demi-tour pour faire face à cet opposant récalcitrant, une voix se fait entendre au travers du brouhaha de la troisième cale : car 222, plus motivé que jamais, semble fermement déterminé à redorer son blason de jeune officier.

                  - Chef, ne vous occupez pas de nous... Avancez, nous vous rejoindrons une fois le combat terminé ! Yaaah !

                  Avec un léger rictus, Leanne décide définitivement de confier la prise du niveau supérieur à ses hommes et continue d'avancer vers son ennemi : si de si valeureux soldats sont en charge de la pièce, nul doute que l'endroit soit repris dans l'heure. La nouvelle génération ne s'annonce pas si désolante, tous comptes faits.

                  - Voilà qui est fort courageux de votre part, 222, même si je ne me souviens pas vous avoir dit que j'aiderais des larves de votre genre ; ne me décevez pas pour ce que je considère à présent être une promesse de victoire, et vous pourrez retrouver votre grog pour la fin de la semaine. Rompez à présent, car je crois que vous avez d'autres chats à fouetter ; et il me semble avoir moi-même un gros poisson à ferrer.

                  Libérée de toute inquiétudes, Leanne lance un regard glacial à son adversaire, toujours noyé dans l'obscurité. Puis l'invective d'un air hautain :

                  - Eh, mon beau... Y'a d'autres types comme toi, à l'entrée Nord ?

                  Rictus arrogant de l'homme poisson, sûr de sa prise.

                  - Haha... Qui sait ?

                  - Bah j'crois que mon collègue risque vite de l'savoir ; et j'espère pour la bande de va-nus-pieds qu'vous êtes que personne ne se cache là-bas... Mon pote est comme qui dirait du genre soupe au lait ; et quand on le gonfle avec des embuscades à deux Berries, il est pas du genre à faire dans le point de croix.


                  Dernière édition par Leanne B. Howell le Ven 13 Avr 2012 - 22:03, édité 3 fois
                      -Ça m'gênerait d'prouver que mon CP est plus efficace que l'tien, si tu vois c'que je veux dire…

                      Héhé, un défi. En plus elle est joueuse, décidément… Même son style de combat ne semble pas dépourvu d’intérêt, dommage qu’il soit effectivement plus judicieux de se séparer, l’agent Red aurait apprécié de pouvoir jouer les spectateurs derrière l’agent Leanne… La prochaine fois peut être… Ou plus tard dans le bateau…

                      Sur une dernière phrase de rigueur Leanne s’engouffre de son coté et Red rassemble ses hommes pour faire la même chose. Sauf que contrairement à la damoiselle du CP9 Red n’accorde aucune confiance à sa chance personnelle. Ce serait même plutôt l’inverse…Alors au lieu de passer devant pour jouer les gros durs il cède la place aux plus couillus de ses sous fifres. Comme disait l’instructeur à l’époque, Toujours privilégier le travail d’équipe, ne serait ce que pour offrir plus de cibles à l’ennemi…

                      Les hommes se positionnent autour de la porte qui mène à la soute arrière du navire pendant que Red s’écarte prudemment de la ligne de tir et préfère se rapprocher du bastingage pour jeter un œil par-dessus bord. Comme prévu il y a un sabord juste en dessous, un sabord ouvert…

                      -Allez y sergent. GO !

                      D’un coup de bélier deux hommes dégondent la porte avant de s’écarter pendant qu’avec un bel ensemble toute la troupe se rue à l’intérieur en hurlant. L’agent Red lui, passe par la fenêtre…
                      Et tout le monde se retrouve à l’étage en dessous, les soldats en tas un poil gémissant, probablement surpris par l’absence d’escalier derrière la porte, et Red nettement plus à l’aise dans ce qui ressemble a une cale classique mais très bizarrement agencé… A quoi peuvent bien servir toutes ces cloisons, quelqu’un est fan de labyrinthe à bord ?

                      -Monsieur Red ? Vous saviez qu’il n’y avait pas d’escalier ?
                      -Non, sinon je vous l’aurait dit…

                      Les hommes se relèvent, ramassent leurs armes et allument des lampes. Eclairant le couloir désert le plus proche…

                      -Soldat ? Avancez un petit peu pour voir…
                      -Ici ?
                      -Non non, un peu plus à gauche…
                      -Je me mets sur la grosse croix qui est dessiné au sol ?
                      -Oui exactement…

                      Tout content d’avoir réussi à anticiper les ordres d’un des agents sans gagner de numéro, le soldat s’empresse de rejoindre la grosse croix blanche peinte sur le sol. A peine le temps de poser le pied dessus qu’un gant de boxe géant accroché sur un énorme ressort surgit en défonçant la cloison la plus proche et frappe le soldat de plein fouet. Propulsant le pauvre type dans le couloir puis à travers la fenêtre du fond…

                      AAAAAAAAAh ! PLOUF !

                      -Agent Red ?
                      -Oui ?
                      -Je pense que la zone est piégée…
                      -Z’étes un malin vous sergent… Allez, passez devant, je vous suis, il s’agit de trouver les pièges pour débusquer le malin qui les actionne, il ne doit pas être très loin.

                      -Agent Red, je crois que j’ai trouvé une autre croix !
                      -Parfait soldat, vous connaissez la marche à suivre, le gouvernement compte sur vous !

                      PLOUF !

                      (…)

                      Pendant ce temps la, soigneusement planqué dans une des fausses cloisons de la cale numéro 2, Rob Ramon suit avec angoisse la progression des marines. Ils ont déjà trouvé les pièges, ils attaquent par les deux cotés, ils bloquent les sorties de secours et cet agent Red qui les commande a l’air horriblement sur de lui… Il sait maintenant que les trappes basiques du premier niveau ne suffiront pas. Il est temps de passer à l’étape suivante.

                      -Utilisez la parade Buanderie, et lancez le nettoyage !
                      -Tout de suite chef !

                      (…)

                      Et sous les pieds de Red et ses hommes c’est tout le plancher du niveau qui s’avère n’être qu’une gigantesque trappe qui s’ouvre d’un seul coup et les précipite à l’étage inférieur. Les laissant tomber dans un mètre cinquante d’eau tiédasse et étrangement mousseuse.

                      -Agent Red, cette salle me rappelle quelque chose…
                      -Quoi donc ? Moi ça ne me dit rien…
                      -Et bien, on dirait un tambour. Vous savez, comme dans les machines à laver…
                      -Ah merde…



                    Dernière édition par Red le Lun 16 Avr 2012 - 12:02, édité 1 fois
                      Spoiler:

                      HIIIIIIIIIII. AAAAAAAAAh ! Plouf. VRRRRRRR...

                      Ca, c'est le genre de bruits qui ne rassurerait personne ; mais justement, Leanne n'a rien du croquand standard. Aussi la demoiselle se contente-elle simplement de relever l'information sans en faire part à son adversaire écailleux. Question de stratégie ; pour pas paraître destabilisé, c'genre de conneries.

                      - Héhé, tu sais c'que c'est qu'ces bruits, gamine ?

                      Gamine ? Gamine ? Bon, bah tant pis pour la discretion.

                      - J'm'en doute, ouais. C't'une embuscade à deux berries, comme prévu... Le genre de trucs qui fait pas - mais alors pas du tout - plaisir à mon second ; enfin, mon second officieux. Enfin bref, on s'en fout d'son poste ; par c'que quel que soit son grade, ce type risque de vous coûter quelques matelots. Oh, et au fait, précisons un truc ou deux, fiston : tu me tutoies, j'te démonte. Tu me manques de respect, j'te démonte.

                      Vague réflexion de la demoiselle afin de trouver des mots plus diplomatiques ; mais devant un telle boule de muscle, la jeune femme ne se donne pas la peine de trop chercher... En général, ce genre d'homme-poisson gavé à la testostérone et au tonyglendil a pas pour habitude de laisser jaqueter ses camarades de free-fight ; ce qui arrange la demoiselle, déjà prompe à sortir la boîte à claques.

                      - En fait nan, fais comme tu le sens ; de toute façon, j'crois bien qu'ta gueule enfarinée suffira à m'faire sortir de mes gonds... Et ouais, je préviens après qu't'ais fauté. J'suis comme ça avec les écailleux. Okay mon bon 223 - si j'peux t'appeller 223, sors tes plus belles griffes ; par c'que sinon, c't'aprem j'te bouffe en sushi pour t'apprendre à tutoyer une noble damoiselle comme moi.

                      Le coup de semonce a été donné, il faut agir vite ; aussi Leanne se jette-t-elle alors en avant, prête à en découdre avec son adversaire. Alors que ce dernier déploie ses larges bras pour contenir l'assaut, la demoiselle tourne violement des hanches afin de contourner son adversaire ; un homme-requin, à en juger par son envergure.

                      - Kyusokuna Toei.

                      D'un geste rapide, Leanne passe derrière le bras gauche de son opposant et le fixe au poignet et au coude : désormais, l'homme-poisson doit suivre le mouvement ou voir son bras brisé. Lucide, Jo-l'affreux se laisse emporter par la vitesse et est envoyé dans le dos de Leanne, contre une fragile cloison de bois au fond de la pièce.

                      VRRRRRRR... Blub, blub. AAAAAAAAH !

                      Eh bien, encore ces bruits étranges : décidément, la situation de l'autre côté de la cloison semble inquiétante à défaut d'être banale. Des chutes d'eau, un bruit de métal de l'autre côté de la cloison ; une machine peut-être ? Tout ça ne présage rien de bon pour Red, probablement tombé dans l'embuscade ennemie... Et cet homme-poisson qui, malgré les tatanes qu'on lui file, semble jubiler... Il faut terminer le combat vite et bien, ne pas prendre de risque ; et rejoindre Red au dernier niveau le plus vite possible.

                      - Ton nom, 223. Vite, précis, pas d'arnaque.

                      - Mon nom ? Héhé, aucun problème, poupée... MOI, C'EST TINO ROJO, TON PIRE CAUCHEMAR !

                      Comme phrase d'accroche pré-baston, Leanne a vu mieux ; mais le Tino, loin de n'être qu'un poète des fonds marins, semble également savoir faire parler ses points à la perfection. A ce niveau là le poiscaille semble carrément virtuose ; car lorsque ce dernier se relève pour un premier assaut vers Leanne, les coups pleuvent. Et ils pleuvent fort ; à tel point qu'c'en deviendrait presque de la grêle. Désorientée par le manque de lumière et la force des attaques, Leanne parvient tout juste à contrer les multiples coups de son adversaire, mais chope de nombreux hématomes en chemin. Tape autant qu't'es con, c'est ça le principe ?

                      - Tino Rojo... Ça s'rait pas ce célèbre chanteur d'opéra, là ? Ouais, j'me souviens bien d'ta gueule d'ange, à tous les coups c'est toi. J'ai faux ?

                      - QUOI ?!

                      Technique de déstabilisation pour le moins basique et très puérile, qui a néanmoins le mérite de faire marcher ledit Rojo. D'un air rageur, l'homme poisson envoie un uppercut à Leanne sans même regarder ; uppercut que la demoiselle, cette fois-ci, n'a aucun mal à esquiver... Alors comme ça, on prend la mouche facilement ? Malgré les ténèbres qui enserrent la salle, Leanne a les yeux qui brillent : le filon est à exploiter, et avec outrance... C'est l'heure de la torture psychologique ; une spécialité de la jeune femme, au grand dam de Tino.

                      - Oh, quoique... C'était p'têtre... Une déduction hâtive...

                      Parade du gauche, coup au bassin dévié du genou. Le rythme effréné de l'homme poisson ne déstabilise pas Leanne, même si chaque coup fait mal.

                      - De c'que j'entends, t'es dev'nu pour le moins... Muet, depuis t't'aleur !

                      Nouveaux coup furieux de la part de l'homme poisson-boeuf-requin-onsaitplustropquoi, qui vient se ruer sur son adversaire ; grossière erreur, puisque la demoiselle guette cet instant depuis quelques secondes déjà. D'un geste furibond, Tino envoie un direct du droit que Leanne appréhende sans aucun mal, malgré de multiples contusions et une paire de gants inadaptés... Que voulez-vous ; c'est ce qu'on appelle une irradiation massive de pure topissitude.

                      - Ganmen Kogeki.

                      D'un geste rapide et précis, Leanne saisit - avant impact - le poignet droit de son opposant et le projette vers le bas. Emporté par le mouvement, Tino bascule et prend un violent coup de genou dans la tête lors de sa chute. Diagnostic : trois dents cassés, le nez brisé. Période de convalescence, un mois. Fais dodo, Rojo mon p'tit frère.

                      - Mon cher Tino, y'a pas à tortiller ; j'préfère définitivement 223, ça sonne mieux. Et vu qu’apparemment t'es bien un p'tit chanteur, remercie-moi ; j'viens d't'offrir ta dernière opéra-tion. Haha, elle est bonne celle-là. Héhé, ouais. Héhé... Héhé ?

                      Pour une surprise, c'est une surprise. Et une belle surprise, de deux mètres et 140 kilos, au pifomètre ; car au lieu de voir devant elle un Tino-223 complètement défoncé et effondré, Leanne voit devant elle un Rojo-le-torreau totalement enragé et relevé. De quoi changer incroyablement vite une situation "dans la poche" à une situation "bien pourravesque".

                      Lançant à son ennemie un regard sauvage, Rojo profite de l'effet de surprise et fond sur sa cible ; administrant de ce fait un revers d'une puissance dévastatrice à une Leanne bien trop inattentive... Dans un bruit sourd, Leanne est alors projetée contre la cloison où elle avait elle-même envoyé son adversaire quelques secondes plus tôt. Le choc est violent, et seuls les Iron Fist - en miette - de la jeune femme ont pu la sauver d'une mort certaine ; c'est fou ce qu'un bête réflexe peut changer au cours d'une bastonnade.

                      CRAAAAAAC.

                      Dans le dos de Leanne, la cloison sus-citée commence elle aussi à craquer sous la violence des chocs ; juste avant de céder, laissant des litres d'eau tiède et savonneuse se déverser dans l'étroite salle... En proie au plus grand watdafuck de sa mission, la jeune femme ne comprend pas grand chose à la situation ; et un vague regard en arrière ne la met en rien sur la voie. Un cylindre rotatif en métal, apparemment ; et quelques voix braillardes au loin. Rien de bien croustillant par rapport aux cacophonies précédentes.

                      - Mais qu'est-ce que c'est qu'ce bordel, 223 ? Enfin j'veux dire, Umberto.

                      - C'EST TINO !

                      - Ouais, Umberto-truc. Enfin, 223. C'est quoi c'bordel ?

                      Alors que le niveau de l'eau commence doucement à monter dans la pièce, Leanne fait le point sur ses blessures ; quelques hématomes et deux côtes fêlées... Le bois ça nique, et pas qu'un peu ; mais la demoiselle est bien trop fière pour le laisser paraître. Pas question de ployer devant l'adversité, encore moins lorsque celle ci ne peut pas mettre en place une phrase de plus de cinq mots.

                      - Hum, ça ? C't'une embuscade à deux berries, comme tu dis. D'ailleurs, j'espère que ton p'tit copain il sait nager par c'q...

                      - MON P'TIT QUOI ?!

                      Oubliant toute blessure, Leanne se jette sur son opposant et attaque son torse ; coup de point au plexus solaire, coup de genou dans l'estomac. Nan mais oh. Faudrait songer à pas trop déblatérer d'conneries l'affreux ; par ce que la noble damoiselle n'est pas du genre à fricoter avec la racaille du CP5. Pas du genre à accepter si facilement les avances d'un homme. 'Sagirait de pas l'oublier.

                      - HEIN, MON QUOIIIIIII ?!

                      Projeté au sol, Tino semble acculé par la soudaine poussée de colère de Leanne ; mais dans un sursaut de survie, ce dernier tente tout de même de repousser son opposante. D'un violent coup de pied, l'homme-poisson parvient finalement à renvoyer Leanne sur la cloisson déjà bien amochée. Une fois libre, le monstre se relève alors pour riposter par une nouvelle série de coups de son cru. Très mauvaise année à en juger par Leanne, qui contre chacune des frappes mais souffre lors de chaque contact du fait de ses côtes fêlées.

                      Alors que le combat semble sur une impasse, la cloison continue de s'écrouler ; laissant la lumière de la salle adjacente illuminer les combles des cales Sud. Une occasion suffisante à Leanne pour anticiper une frappe de son opposant et pouvoir se relever. Désormais sans prises, aucun des deux combattants ne repart à l'assaut ; les respirations sont rauques, et l'un comme l'autre ne rechigneraient pas pour quelques secondes de répit. Toisant la couleur de peau de l'homme poisson - désormais totalement visible, Leanne décide alors de faire diversion pour reprendre son souffle et calmer le jeu. Stratégie, quand tu nous tiens.

                      - Héhé, j'avais misé sur l'bon cheval, on dirait... Un requin-bronze, hein ?

                      Devant cette conclusion, Tino-le-bourrineau semble marquet un arrêt ; la demoiselle table de manière optimiste sur une constipation passagère. Mais malheureusement, il n'est visiblement rien que l'homme-poisson ne puisse pas digérer... Insultes non comprises.

                      - Un requin-bronze, hein... ?

                      Ciel, une faille ; y aurait-il là quelque contentieux de race, engendrant un mal-être chez le poiscaille ?

                      - Affirmatif, 223. T'as la bonne gueule de l'emploi, et j'suis bien étonné qu'tu t'la pètes pas un poil plus, vu ton grade. Héhé, requin bronze, si j'avais su dès l'départ...

                      - UN REQUIN BRONZE, MOAAAAAAAAAAAAAAA ?! JE SUIS UN RE-QUIN CUI-VREEEE !

                      Trop facile. Non décidément, le combat est trop inégal ; et l'analyse de Leanne, diaboliquement précise. Un complexé d'la vie, rien ne fait plus plaisir. Trop facile, trop facile, trop facile... Presque incapable de retenir un rictus méprisant, la demoiselle continue bravement de jouer aux plus cons. Et elle serait presque trop douée.

                      - Oulah, j'ai dit un truc qui fallait pas, 223 ? Après tout, c'pas ma faute si t'as trop pris l'soleil...

                      - Si j'ai trop pr... TU VAS CREVER, BORDEL ! Par le karaté des hommes-poisson...

                      - Des requins-bronze plutôt, nan ?

                      - AAAAAAAH, TA GUEEEEEEUUULE ! AQUA-SPLASH !

                      D'un geste violent, Tino gifle l'eau en surface et envoie une salve de gouttes vers Leanne ; gouttes que la demoiselle esquive à grands peine. Gouttes qui a présent ont percé la mince cloison, dont ce n'était visiblement pas le jour de chance. Le karaté des hommes poissons, c'est quelque chose, décidément. Requin-bronze ou pas. Maaaaaaaais ! Stratégie stratégie : ne jamais montrer ses peurs, c'est la règle numéro un au CP9. Mise à part cette règle étrange sur le nettoyage quotidien des piaules ; mais c'est une autre affaire.

                      - Héhé, pas mal c't'attaque... On dirait un peu comme une attraction d'parc à thème, t'sais. Tu vas faire marrer tous les gosses avec un truc comme ça, mister-bronze. Ou 223, si t'es du genre protocole-protocole.

                      Regardant autour d'elle, Leanne commence néanmoins à comprendre que le temps n'est plus tellement aux bavardages... Le temps presse, et la montée des eaux devient inquiétante : à partir de combien de centimètres peut-on s'inquiéter ? Jaugeant l'eau à hauteur de ses cuisses, la demoiselle tire rapidement un constat funeste si le combat venait à durer ; conclusion à laquelle semble également être parvenu Tino. Il s'agit de trouver une astuce. Une frappe expéditive... Avec un boeuf comme Rojo en face, ce ne devrait pas être si difficile.

                      - Mais en fait, t'es sûr d'être véritablement un requin-cuivre ? Par c'que bon, j'suis pas expert, mais vu ta couleur... Rouge, on peut difficilement s'tromper ; p'têtre même que j't'aurais pris pour un homme-écrevisse, dans l'noir...

                      - MAIS... MAIS TU... GNAAAAAA, CONNASSE ! J'VAIS T'ETRIPER, ESPECE DE SALE HUMAINE !

                      Jubilation extrême du côté Leannesque ; cet homme poisson est-il réellement aussi sanguin que ça, ou bien se paye-t-il la tronche de son adversaire ? Jugeant les deux possibilités, le constat est accablant d'évidence : Tino Rojo n'est qu'une brute sans cervelle. Un rebut de la société, aussi bien amphibie que terrestre. Un paria, un décérébré ; une boule de muscle puante, analphabète et irréfléchie. Pas une once de subtilité, aucun émotion positive. Beuuuah, Leanne déteste ce genre de type : c'est l'heure de la leçon.

                      - Sale... Moi ?

                      Plus le temps de réfléchir ou de jacqueter, avec une telle montée du niveau de l'eau. Les jambes de Leanne sont désormais trop ralenties par l'innondation pour tenter une entrée audacieuse vers le torse de Tino ; et ses côtes fêlées venant s'ajouter au reste des blessures gênantes, la demoiselle n'a droit qu'à un seul essai. Derrière elle, le grand cylindre de métal continue à tourner à une folle vitesse...

                      Mais la demoiselle n'a pas le temps d'inspecter davantage les lieux puisque Tino, aveuglé par la colère, nage plus qu'il ne courre vers son ennemie. Et ce dernier semble bien décidé à en finir, lui aussi.

                      - AQUA...

                      Oh non mon gaillard ; on ne la fait pas deux fois à taty Leanne. Ici c'est toi l'élève, alors tu la fermes et tu admires.

                      - T'as bien dit qu'j'étais crade, hum ? Donc par extension je pue, c'est bien ça ? Oui...

                      Alors que Rojo prépare une nouvelle attaque aquatique, Leanne se focalise sur sa risposte... Puis l'homme poisson arme son tir et frappe au niveau de l'eau ; l'occasion pour Leanne de saisir le bras de son ennemi pour accompagner son mouvement et lui offrir un gracieux vol plané jusqu'au grand cylindre. Le choc est violent, dur.

                      - ET LA, QUI C'EST QUI PUE 223, HEIN ?! QUI C'EST QUI PUE LA POISCAILLE DEGOMMEE ! J'ATTENDS ?!

                      En proie à une excitation intense, Leanne martelle le crâne. Pas de répit pour les têtes de mules.

                      - Pitié, je... JE ME RENDS ! MAIS LÂCHE MOIII !

                      Tino Rojo est à genou, à moitié assommé par le choc ; le combat est fini mais Leanne, en institutrice consciencieuse, ne souhaite rien laisser au hasard.

                      - T'as pas l'air de bien comprendre la situation, 223. T'as osé dire que j'puais... Ce qui te donne droit à un aller simple pour l'enfer, amigo. Digère ça, bouboule.

                      Et d'un coup sec, la demoiselle envoie la tête de son ennemi percuter de nouveau le cylindre de métal en rotation : et cette fois-ci, l'animal ne bouge plus. Jugeant préférable de ménager ses côtes, l'espionne du CP9 se permet toutefois une légère excentricité. Pour la stratégie, toussa. Ou pas.

                      - Tiens donc... Un requin bronze qui finit encastré dans le métal, parfait. A moins que ça ne soit cuivre ? J'sais plus ; mais quoi qu'il en soit, toi tu viens avec moi.

                      Revenant à l'étage supérieur, Leanne a la satisfaction de revoir d'anciens collègues laissés derrière : la majorité de l'unité paraît en forme, et tous ou presque s'en tirent avec de maigres blessures... Au loin, le petit corps d'armée exulte en retrouvant son meneur ; et 222 descend les escaliers d'un air brave, comme un toutou qui mériterait son nonos.

                      - Chef, chef, vous l'croirez pas, chef !

                      - Ah, 222... Vous êtes encore là ? Effectivement, j'ai du mal à y croire ; contente que votre poignet soit plus souple que votre esprit. Comment va le reste de l'unité ?

                      - Chef, ils vont bien chef. Nous avons subi quelques pertes, mais ces marins d'eau douce n'étaient pas à la hauteur de notre talent, chef.

                      - Pas de conclusions hâtives, 222 ; vos jugements en matières de combat étant plus qu'approximatifs à mes yeux, je vous saurai gré de m'épargner toute analyse martiale. Si ce n'est pas déjà fait, ligotez tous ceux de nos opposants qui semblent encore vivants ; et soyez particulièrement vigilants avec celui-là. Son nom est Tino Rojo : il s'agit de l'une de nos cibles, si je ne me trompe pas. Oh, et ne lui faîtes surtout pas remarquer sa couleur de peau... Caractéristique, s'il se réveille. Je doute que vous ayez envie de mourir dans l'heure ; surtout depuis que votre grog quotidien est rétabli.

                      - Chef, merci chef, je...

                      - Oui oui c'est passionnant. Vous êtes content, je suis contente, tout le monde est content et c'est très bien ; mais je ne saurais que trop vous demander de garder votre réserve, 222. M'est avis que le plus dur est à venir, et que ce navire est encore loin d'être en notre possession... Je descends donc de ce pas assister Red aux plus profonds niveaux ; tâchez pendant ce temps de combler la brèche de cette cloison... Mon duel a été quelque peu tumultueux, et Rojo et moi avons brisé une cloison durant notre affrontement ; et puisque je doute que ce navire ait été conçu pour être inondé dans son intégralité, je ne saurais trop vous recommander de boucher la brèche autant que possible... Ou bien nous risquons tous de couler. A bon entendeur, 222 ?

                      - Chef, oui chef.

                      - Dans ce cas, rompez. Je pars rejoindre l'agent Red sur le champ ; contactez-moi si vous avez du nouveau.


                      Dernière édition par Leanne B. Howell le Mer 16 Mai 2012 - 15:57, édité 5 fois
                          Descendre dans une soute pour y tabasser du pirate et se retrouver coincé dans une simili roue de hamster géante, c’est un peu ennuyeux. Quand en plus la roue est à moitié immergé dans de l’eau savonneuse et que la vitesse qui vous colle aux parois de la roue vous oblige à replonger régulièrement dans la flotte, c’est encore pire. Surtout pour ceux qui n’ont jamais travaillé leur respiration.

                          -Tenez vous on replonge !
                          -AHhhh glorbloub…
                          -Respirez !
                          -Tenez vous on replonge !
                          -AHhhh glorbloub…

                          Et en plus le savon pique les yeux…

                          -Faut faire quelque chose, si on reste la on va se faire lessiver monsieur !
                          -On m’avait dit que je serais lavé et blanchi en rentrant dans la marine mais j’imaginais pas ça comme ça !
                          -Je noie le prochain qui me sort un jeu de mots à la con ! Trouvez plutôt un moyen de ralentir ce truc…
                          -Au moins on aura lavé notre linge sale en famille !
                          -AHhhh glorbloub…
                          -J’avais prévenu hein ! Essayez de plantez vos lames dans le bois, si on traverse la roue on pourra bloquer la rotation !
                          -Chef j’ai paumé mon épée ! Je m’en lave les mains ?
                          -AHhhh glorbloub…

                          Laissant les comiques de l’essorage retrouver leurs souffles, Red confisque leurs armes aux trouffions mouillés les plus proches. Et profitant d’un passage en bas il les plante le plus vite et le plus loin possible dans la roue. Tentant d’atteindre derrière la cloison de celle-ci le cylindre dans lequel elle doit rouler histoire de ralentir l’infernal appareil…

                          CLING !

                          Trois épées brisés plus tard et un bruit de frottement de bon augure se fait entendre coté roulement. Six de plus et la roue commence à racler sévèrement dans son logement. Et quand Red plante une énième lame dans la cloison la roue s’arrête enfin. Laissant les marins patauger et vomir à nouveau sur un sol relativement stable…

                          -Bon, récupérez vos armes, cette histoire sent le piège.
                          -Et le savon !
                          BAFFE !
                          -Euh chef ? Rapport à nos armes…
                          -Oui ?
                          -Nos fusils sont trempés et… et nos sabres ben… Vous les avez pris pour le…

                          Le soldat se tait immédiatement quand un Red dégoulinant mais à l’expression toujours féroce le braque d’un regard noir avant de dégainer un couteau qui vu de prés ressemble vachement à une machette.

                          -Et ton couteau soldat ? Tu croyais qu’on te l’avait donné pour quoi ?

                          De chaque coté du cylindre les extrémités du tambour s’ouvrent de concert pour laisser place à la phase deux du piège, et une bande de pirates se rue à l’intérieur en hurlant. Probablement persuadés de tomber comme ils en ont l’habitude sur des ennemis à moitié noyés et rendus malades et nauséeux par le passage dans l’essoreuse. Manque de bol, il faut plus qu’un passage à la machine pour lessiver un agent du CP5 surentrainé comme l’agent Red. Et au lieu de se retrouver a assommer des types sans défenses, les pirates se retrouvent en face d’une bande de marines revanchards et hargneux, couteau entre les dents et prêts à en découdre…

                          -ASSAUT !
                          -Hein ? Mais mais… Normalement c’est nous ça !

                          Le temps que la surprise fasse long feu, Red a déjà étripé à grand coups de surins la demi douzaine d’assaillants les plus proches. C’est moche de passer ses nerfs de cette façon, mais ça fait du bien.
                          D’autant qu’il vient de repérer le chef de groupe probablement à l’origine du passage en machine. Juste la planqué derrière ces hommes… Un chef de groupe dont l’absence visible d’assurance semble tout à fait prometteuse pour la suite des événements.

                          -Mon dieu, ils ont interrompu le lavage. Cette fois ci c’est la fin !
                          -Mais non chef, vous ne pouvez pas dire ça….
                          -Si, on n’a plus le choix, il faut utiliser la parade Bianca !

                          De son point de vue de type en approche et découpant des gens Red n’entend pas vraiment tout les détails du dialogue. Mais il sait suffisamment lire sur les visages pour décrypter la scène. L’air résolu du chef, celui terrorisé et hagard des sous fifres. Le type la bas se prépare à utiliser une technique de zone ou de kamikaze, et ça étre moche.
                          Alors quand le pirate fait basculer sa main en arrière (tient un cyborg ?) et plonge la patte dans l’eau, Red se sort de la immédiatement en bondissant sur la cloison la plus proche pour y planter sa lame.

                          -Electroanguille !

                          Et une seconde plus tard le Cyborg transforme le bain mousseux en mare à haute tension et électrocute tout le monde à l’exception notable de l’agent Red. Les gens se crispent, les cheveux se dressent, et tout le monde s’effondre pèle mêle dans la flotte pendant que le cyborg se met à fumer en grésillant.

                          Dans la cellule d’a coté Leanne intervient juste au bon moment et défonce la cloison à coup de poings. L’eau part immédiatement découvrir ce nouvel environnement, la salle se vide et évite aux pauvres types tout crispés de finir noyés dans leur bain. Dans son coin le cyborg se remet doucement de son court jus, assez en tout cas pour s’octroyer une dose d’autosatisfaction bien mérité.

                          -AHAHA, Victoire ! Je le savais, la technique et l’intelligence prendront toujours le pas sur la force brute !
                          -En fait non…Non c’est malheureux, mais très souvent, c’est quand même la force brute qui gagne…
                          -Oh non…

                          Red se laisse retomber sur le plancher, illustrant sa vision du rapport de force actuel par un sourire aussi carnassier que celui du requin d’a coté et une série de mouvements qui le font craquer de partout…

                          -Oh si…Et pendant qu’on en est à parler de brute…. MANGE DÉJÀ CELLE LA !

                          Profitant d’avoir un adversaire coincé dans un angle Red se jette sur le cyborg pour lui faire passer en douleur le gout du piège. Paf doublé de poing dans le bide, Bam coup de tête dans les naseaux, Bim coup de genoux dans les valseuses, pivot coude gauche dans l’oreille, double ciseau sur le cou, fourchette dans les yeux… Red se déchaine sur le pauvre sac de frappe qui a eu le malheur de rester à sa portée…
                          Il lui brise le bras d’une clé vicieuse quand l’autre tente de relancer le voltage, Il lui arrache le truc qui ressemble à une arme qui lui surgit soudain d’un œil. Il ne se laisse pas démonter quand le pirate essaye de se séparer au niveau du tronc pour s’enfuir en deux morceaux et empoignant la partie jambe il continue à mettre méthodiquement en pièces le cyborg jusqu'à ce qu’il n’ait plus sous les yeux qu’une tête a l’air vexé qui lui tire obstinément la langue.

                          -De toute façon Don Torleone vous massacrera et me remontera….
                          -Attention, sinon j’arrache aussi la langue !

                          Red accroche la techno tête à sa ceinture puis passe par le trou qu’a laissé Leanne, elle et ses hommes ne devraient pas être loin. D’ailleurs quand on parle du loup…

                          -Euh monsieur ? Vous avez de la …
                          -Stop ! Pas un mot de plus ! 222 C’est ça ?
                          -Oui monsieur !
                          -Je vais être très clair 222. Si vous me posez une question sur la mousse, je vous descends.
                          -Euh… Aucune question monsieur !
                          -Bien… L’agent Leanne ?
                          -Par la monsieur, elle est monté à la recherche des prisonniers. Elle m’a dit de rester la pour vous mettre au courant.
                          -Et vous qu’est ce que vous foutez ?
                          -Et bien moi je…
                          -Très bien… Je rejoins l’agent Leanne, vous n’avez qu’à continuer…Et rejoignez mon groupe par la, ils vous expliqueront quoi faire, ils sont au courant… Ahah… Au courant…
                          -Ahah
                          -J’ai dit quelque chose de drôle 222 ? Ou alors c’est moi que vous trouvez marrant ?
                          -Euh non… Pardon agent Red !
                          -Mouais… Tirez vous…

                          Red est trempé, mousseux et en plus il va perdre le défi, Y’a quand même de quoi être de mauvaise humeur. En tout cas il est temps d’en finir.

                            L’échelle indiquée par le soldat ramène l’agent Red au pont supérieur, un pont étrangement calme au vu des affrontements qui viennent de se dérouler à l’étage inférieur.
                            Personne en vue, pas vraiment de bruits, bizarre pour une zone ou l’agent Leanne est censée dérouiller le dernier membre du trio d’officiers pirates…
                            Red avance lentement dans l’entrepont, lame en main, d’autant plus prudent que le pont est parcouru de cordes tendues d’un bord à l’autre et sur lesquels on a mis quantités de draps, filets et autres textiles à sécher, bizarre comme déco, et carrément gênant niveau visibilité. Après la machine à laver d’en dessous on dirait bien que Red a trouvé la zone de séchage.

                            Alors qu’il progresse en crabe, accroupi et cherchant à repérer d’éventuels ennemis en regardant sous les draps, un murmure presque inaudible fige Red sur place… Il se passe ici quelque chose de louche… Très louche…

                            -Msieur…. On est la…. juste la à coté de vous

                            Red pivote sur ses appuis, jetant un regard panoramique tout autour de lui, puis au dessus… Rien, personne en vue. L’agent n’est pas vraiment familier des bizarreries acoustiques, mais entendre quelqu’un lui murmurer qu’il est tout prés sans réussir à le repérer instantanément l’inquiéte au plus haut point ? Qu’est ce que c’est que ce bordel ?

                            -Pas la haut m’sieur . on est la, tout prés…
                            -Mais ou ?
                            -Dans ton cul ! AHAHHAH
                            -Chut t’es con, il va pas nous aider !

                            Et c’est un Red encore plus excédé qu’avant qui se retourne d’un bloc pour se retrouver nez à nez avec un marin comique de plus… Un marin qui semble étrangement incrusté dans un des draps que l’agent a traversé une minute auparavant.

                            -Mais qu’est ce que vous avez encore foutu ?
                            -C’est le capitaine m’sieur, il a le pouvoir d’un fruit du démon, il nous a attrapé et nous a essoré !
                            -Littéralement ouais, essoré, tordu et mis à sécher…
                            -C’est horrible, je veux pas rester comme ça !

                            L’agent reste une seconde incrédule devant l’absurdité d’un tel pouvoir puis doit se rendre à l’évidence, les costumes qui flottent en face de lui ne sont pas juste des costumes, mais bien des hommes tout entier, étendus, plats, informes et sans force et qui s’agitent mollement comme de vulgaires tissus sur un étendage ménager… Et tout autour de lui se trouve pendue toute l’équipe de Leanne. Accrochés aux cordes à linges par de jolies pinces à linge en or…

                            Circonspect Red tapote un des soldats les plus proches, c’est amusant, on dirait un peu un effet du Kami-E, mais sans aucun contrôle. Il saisit le pendu et le secoue au vent sans aucune amélioration notable... Et haussant les épaules il le repose sur son fil.

                            -A mon avis, va falloir attendre que ça sèche hein… Leanne est parti par ou ?
                            -Par la !
                            -La porte au fond la ? Bon, ben j’y vais, tenez bon la pince les gars !
                            -Nous laissez pas comme ça chef !
                            -Pitié !
                            -Nous ne somme pas que des soldats, nous sommes des êtres humains !

                            Rompant la avec les jérémiades de la troupe, Red finit rapidement la traversée de l’entrepont et passe dans la partie arrière, rejoignant l’agent Leanne comme tout renfort qui se respecte, c’est-à-dire un poil trop tard.

                            Au milieu d’une salle à manger dévasté par un violent affrontement, Don Vigo Torleone vient de mettre la main sur l’agent Leanne. Et usant de son terrifiant pouvoir il s’empresse de la tordre comme une vulgaire chaussette mouillée, transformant un instant la superbe tueuse du CP9 en un ensemble de fringue pour vitrine de luxe...Ensemble qu’il s’empresse de présenter à Red comme on le ferait lors d’une revue de mode.

                            -Muy superbe no ? Una bella costouma per los pirates…
                            -Red fait quelque chose ! Sors moi de la tout de suite !

                            -Ouaip M’ame, à vot’ service.
                            -Ma qué, tu ne peux pas, qué j’ai oun otage…

                            Et agissant avec toute la promptitude que procure un entrainement intensif et des années de missions Red passe immédiatement à l’action, coupant Torléone avant même qu’il ne se lance dans un début de discours en lui envoyant en pleine figure la tête de son copain cyborg.

                            -Strike !

                            Don Torléone bascule en arrière en se tenant à deux mains un nez qui inonde de sang son beau costume de truands à rayures hors de prix. Leanne de son coté se contente de dériver mollement jusqu’au sol ou Red la rattrape avant qu’elle n’en essuie la poussiére.

                            -Euh une idée ? Comment ça marche son pouvoir ?
                            -Le laisse pas te mettre la main dessus, s’il te chope il te tord !
                            -Et pour toi ?
                            -Je réfléchis !

                            -Maldito ! Yé suis Don Vigo Torleone ! Et tou a sali mon costoume ! Tou va lé payer dé ta vie !
                            -Mange déjà celle la !

                            Et Red de renverser la table la plus proche d’un coup de pied avant de l’expédier plateau en avant droit vers le guignol. C’est moins coupant qu’une lame mais c’est autrement plus dur à éviter. Rapport à la largeur… Et puis c’est un souci récurrent quand on est un type qui aime bien parler, à force de s’écouter on a du mal à faire autre chose en même temps. Et du coup le brave Torléone ne peut que jouer les offusqués quand trente kilos de chêne massif lui passent dessus à toute vitesse, immédiatement suivi par tout ce que Red trouve à lui balancer, tabouret, vaisselle, ustensiles divers, bref, tout ce qui peut servir à baisser la crédibilité du pirate en le maculant de sauce tout en contribuant à le maintenir à distance de l’agent.

                            -Alors ? Une idée de génie ?
                            -Je cherche !
                            -Essorage essorage… En gros, on vide l’eau non ?
                            -C’est génial, trouve de l’eau !

                            -Trembloso pobre loco !

                            -Au vin ça doit marcher non ?
                            -Si tu trempes mes fringues dans du vin, je te tue !
                            -Euh, d’accord…

                            -Ma qué personne ne peut me ignorer ! Yé suis Don Vigo Torléone, los terriboloso pirate !

                            Attrapant un hachoir qui traine Red attaque sauvagement la série de tonneaux accrochés contre un des murs… Bière, vin, rhum, eau ! Et il plonge le costume Leanne dans le dernier.

                            -Tou n’aurais pas dou mé tourner le dos hombre, yé té tiens !
                            -Poil aux mains !

                            Et pendant que le pirate s’afflige de ce mauvais jeu de mots qui gâche une fois de plus son moment de mise en valeur Red ramène son hachoir pour lui ouvrir le crane. Mais pas assez vite. Une sensation désagréable lui vrille l’estomac, comme si on venait d’y planter un crochet ou un hameçon, et l’instant d’après tout se met à tourner. L’agent se sent attrapé, saisi, malaxé, écrasé, étiré, vidé, pendant que le pirate, faisant foin du hachoir que Red à quand même réussi à lui coller dans l’épaule, transforme l’agent en un prêt à porter pour homme dans les tons rouges…

                            -Yé suis lé plus fort hombre ! Los terriboloso…

                            Mais Vigo n’a une fois de plus pas le temps de finir sa phrase, une main gantée encore ruisselante d’eau vient de lui crocheter la gorge et de lui tordre le bras dans le dos. Et avant qu’il n’ait le temps de réagir l’agent Leanne sortie des eaux et à nouveau bien présente lui colle une de ses prises étranges dont elle a le secret et lui déboite sauvagement l’épaule avant de le projeter cul par-dessus tête à l’autre bout de la cabine…

                            -De l’eau !

                            Et connaissant maintenant le remède miracle à l’essorage elle s’empresse de renverser le tonneau sur le costume rouge qui redevient immédiatement l’agent Red…

                            -Les pompes !
                            -Quoi ?
                            -Il faut actionner les pompes qui servent à vider les cales, dis aux hommes de s’en servir pour arroser ceux qui sèchent à coté… Et allons finir don Vigo…

                            Leanne fait craquer ses articulations en endossant des gants de fer à l’allure dangereuse. Moins exotique Red arrache un pied de table voisin et brise une bouteille de rhum pour en faire un tesson coupant… En face d’eux Don Vigo se débarrasse de son hachoir de sa main libre et commence à douter. Blessé à et seul contre deux adversaires ayant percé à jour le secret de sa technique, il pressent que cette affaire de lavage à sec tourne à l’eau de boudin…

                            Aussi synchrone que possible Red et Leanne filent sus à l’ennemi, parcourant au pas de course la cuisine pour attaquer Vigo en même temps et de deux cotés à la fois. Et le capitaine réagit immédiatement pour l’éviter en renvoyant sur Red la table à ses pieds. L’agent n’a que le temps de sauter par-dessus pour éviter de se vautrer, et a peine a-t-il atterri sur le plateau qu’un coup de pied l’ébranle et le fait rouler sur le sol au pied du pirate. Vigo plonge et réussit à attraper le bras de Red qui sèche sur place mais n’a pas le temps d’aller plus loin. L’agent lui plante sa bouteille dans le pied et Leanne effectue un superbe coup de pied du sacrifice et percute Vigo les deux pieds en avant. Le pirate chute et les deux agents lui tombent dessus façon meute de loup. Leanne lui attrape son bras valide et lui fait une prise de soumission pour l’empêcher de rejouer l’essorage pendant que Red lui tombe sur le râble et lui refait le visage à coup de poing façon steak tartare. A deux contre un la scène est brutale, expéditive, libératrice… Et vite terminée…

                            Et quelques minutes plus tard quand une floppée de marines a peine retrempés font irruption dans la cuisine, Red a déjà récupéré son bras et Leanne finit de passer les menottes a un pirate aussi rétif et combatif qu’une vieille serpillère. L’abordage et plié, le reste n’est qu’une routine facile, déménagement des meubles et de la cargaison, destruction du bateau, transfert des prisonniers vers Impel Down et surtout, surtout, énormément de cette paperasse que le Cipher Pol adore produire en quantité effroyable.

                            Le plus dur quoi… Et comme Red a perdu, c’est lui qui s’y colle…Dommage…


                            [...]

                            Impel Down, quelques jours plus tard.

                            -Alors il dit quoi le nouvel arrivage ? L’est ou le formulaire ?
                            -La... Je l’ai pas encore lu…
                            -Boah, a vue de nez pas grand-chose… Juste un primé un peu couteux, Vigo Don Torléone…
                            -Mouais, couteux c’est vite dit, il vaut quand même pas bien cher . La case fruit du démon est cochée ?
                            -Non…
                            -Alors c’est juste un guignol… Cages communes avec les autres, et on se dépêche sinon on va manquer la den den retransmission de cette aprém….
                            ... Et c'est ainsi, Monsieur, que les criminels connus sous le nom de Vigo Don Torleone, Rob Ramon et Tino Rojo furent appréhendés. Tandis que leur meneur sera emmené au complexe carceral d'Impel Down, nous laissons à la discrétion des gouvernementaux sur place le soin de rediriger le reste de l'équipage vers le site judiciaire le plus proche. Les civils détenus par l'équipage de Don Torleone ont, eux aussi, été remis aux forces de l'ordre qui agiront selon vos directives.

                            Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes respects distingués.

                            Un sourire aux lèvres, Leanne posa sa plume en regardant la lettre d'un air goguenard. Cette étrange mission aux saveurs (et senteurs) de lessive low-cost lui revint alors en mémoire, faisant surgir moult démons et tracas psychologiques d'une complexité extrême. A l'évidence, la jeune femme avait été sauvée par son collègue d'aventure durant son combat enzymatique contre Don Torleone ; à l'évidence, ce dernier n'avait aucune idée de l'importance d'une telle dette pour Leanne. A l'évidence, le soldat du CP5 semblait d'ailleurs ne se soucier de rien pendant et après ses missions ; qu'à celà ne tienne, la vie se chargerait un jour de lui apprendre le sens des responsabilités si Leanne ne s'y attelait pas elle-même...

                            Car à l'évidence, la jeune envoyée du CP9 serait appelée à coopérer de nouveau avec ce gouvernemental ; elle le devait, le voulait... Et ce malgré son odeur, malheureusement aussi persistante qu'après son bain de mousse dans les cales du navire de Don Torleone. Leanne ne savait comment se l'expliquer, mais cet homme aux manières rustres et aux préoccupations plus que primaires semblait agir significativement sur son comportement ; et davantage en bien qu'en mal. S'il n'y avait là aucun lieu de se réjouir, la demoiselle y voyait donc toutefois une occasion de travailler son jeu d'équipe.

                            - 222 !

                            Sans même prendre le temps de relativiser davantage sur sa relation avec l'agent Red, Leanne reprit pied et somma à son serviteur le plus docile de ramener sa trogne. Quelques pas précipités se firent entendre, suivis de claquements de porte. Une poignée de secondes plus tard, le soldat était au garde-à-vous, plus ou moins prêt à subir les foudres aléatoires de sa supérieure.

                            - Oui, Madame ?

                            - Ne m'appelez pas Madame, je ne suis pas une Madame. 222, 222, 222... Que vais-je faire de vous ? Je croyais que vos compétences cognitives - clairement en deçà de la moyenne de nos rangs - étaient la cause des ennuis que vous causez à cette unité, mais cette fois-ci votre comportement m'assure par A plus B que vous le faites exprès. Je vous ai percé à jour, mon bon "triple deux" ; vous n'aimez guère le grog, et depuis peu il m'apparaît évident que vous vous jouez de moi uniquement afin de vous priver de cette boisson sans pour autant passer pour une lavette auprès de vos collègues - qui eux, semblent ne l'apprécier que trop. Il s'agit là d'honorables intentions, aussi laisserai-je à Red le soin de vous priver de ce breuvage maléfique pour le prochain mois ; je ne me rends que trop compte de mon manque d'impact sur vous, et renonce à vous sanctionner moi-même pour des faits aussi respectables. Ceci étant dit, je vous prierais également de faire savoir à votre nouveau bourreau qu'il est désormais débarrassé d'une part négligeable de sa tâche administrative, le rapport de mission ayant été rédigé par mes soins à l'instant même.

                            Habitué aux frasques de sa supérieure, le soldat baissa les yeux en se dirigeant vers Red et sa punition, le rapport de Leanne à la main. Au moins l'agent du CP5 n'aurait-il plus qu'à cocher de simples cases et à spécifier les pouvoirs de Don Torleone aux autorités supérieures...

                            - Une besogne à la portée du premier gorille venu.