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Les Quatre de l'Abondance.

Été 1612. Sur une île reculée de South Blue, un bataillon de la marine sillonne les rues d'une petite bourgade...

Lieutenant, on pourrait s'en tenir là pour aujourd'hui non ?

Le ton dans la voix de Cripel en dit long sur son degré quasi nul de motivation. Le gringalet Caporal semble se faire le porte-parole de l'ensemble des gars qui me suivent bon gré mal gré, col de chemise déboutonné, sous un soleil de plomb, agressif. Sur ce lopin de terre de South Blue, la chaleur est écrasante, il est vrai; propre à rendre une après-midi de patrouille éreintante. Mais plus que la température, c'est la mission insipide dont notre détachement à été chargé qui sape la volonté des troupes. Contrôle de routine dans la zone de l'île de l'Abondance, pour dissuader les criminels en tout genre de s'y aventurer. Même mon Commandant n'a pu caché son scepticisme lorsqu'il m'a confié cette tâche. Mais il n'a pas fait de vague, bien évidemment. Trop rompu aux absurdités de la hiérarchie, trop faux-cul pour réagir. Des yeux ronds d'étonnement contenu, un tampon, un long soupir et c'est tout. Démerde toi Lieutenant, et bon voyage.

On obéit aux ordres, Caporal...

Ma lassitude tranche avec la teneur de mes propos. Mon regard dans le vague aussi. Personne n'est dupe. Ce voyage au fin fond de South Blue, dans la zone réputée la plus calme du Blue, pour un motif incongru qui plus est, me laisse amer. On essaye d'écarter la troupe du Lieutenant Trinita des dossiers brûlants, voilà la vérité. Trop peur qu'il fasse tomber une tête connue avec son envahissante intégrité. Trop bouillonnant, trop hors normes. Politicard de mes deux... Pas grave, arrivera bien le jour où je serai suffisamment haut dans la pyramide pour faire le ménage. En attendant, je courbe l'échine. Et je retiens.

Les citadins nous regardent étrangement; peu habitués à voir défiler un petit cortège de Mouettes, je suppose. Surtout dans un non respect flagrant des codes vestimentaires de la marine, pour la plupart. Je pourrais essayer de sauver les apparences mais à quoi bon; ça reviendrait à renvoyer une fausse image de notre corps d'armée pas si irréprochable qu'il le proclame. On est là, perdu au milieu de nulle part alors qu'on serait utile ailleurs. Difficile d'en retirer un moindre motif de satisfaction. Seuls les tires-au-flanc y trouveraient leur compte, et ceux de cette espèce se tiennent loin de ma section. Cela dit, pester contre les huiles ne résoudra rien, tâchons de trouver un motif d'intérêt dans notre venue.

Bien les gars, quartier libre jusqu'à ce soir huit heures. Puis rassemblement au navire.

La nouvelle est accueillie avec plaisir. Mes subordonnés sont tous de braves gars, vaillants, et fins limiers talentueux avec ça, mais les circonstances auraient de quoi éroder la détermination des plus volontaires. La petite vingtaine d'hommes se disperse rapidement vers les boutiques et échoppes locales. Le 2nde classe Kester me propose de venir me désaltérer en compagnie de certains à la taverne la plus proche, je décline sobrement. La bière aurait l'âcre goût du dépit. À la place, je préfère battre la ville, ausculter avec minutie le tableau dans son ensemble pour en déceler les éventuelles imperfections. Mais je ne récolte pas l'ombre d'un indice en une longue heure à arpenter les quartiers et questionner ses citadins. L'île de l'Abondance regorge sans doute de tout, sauf de crimes. Un petit bout de paradis sur terre. Un véritable enfer pour moi.

En désespoir de cause, je me surprends à flâner vers la zone des ports, où un équipage est en train d'accoster, sous les regards curieux de nombreux badauds qui se pressent sur le quai. Surprenant sans le vouloir une conversation entre plusieurs d'entre eux, j'apprends l'identité particulière des nouveaux arrivants; de jeunes pensionnaires d'un centre de redressement venus participer à la rénovation d'un édifice local. Original. Par défaut, j'observe ces adolescents, dont certains ont sans doute presque mon âge, descendre en file indienne sous l'œil attentif de leurs accompagnateurs.

Attentif ? Pas tant que ça. L'un des délinquants, parmi les derniers à débarquer, se dérobe à leur vigilance un instant et fait mine de s'échapper, se fendant un passage à travers la foule à grand renfort de cris et de battements de bras. J'en souris. C'est pas bien méchant, et ça fait un peu de divertissement. Enfin. Pour ne rien gâcher, les mines outrées des habitants engoncés dans leur petit monde trop parfait sont aussi risibles que le reste. Cela serait distrayant en tout point si le jeune forcené ne commençait pas à distribuer les claques de gauche de droite. Allons bon. Et pas un adulte pour le calmer. On préfère s'écarter. Drôle de coin.

Sauf que, dans le lot un fait front; ou reste figé peut-être bien. Un drôle d'enfant silencieux. Son impassibilité en impose. La scène semble se figer une poignée de secondes, comme si l'air paisible de l'enfant apprivoisait la colère de son ainé. Et puis, l'instant d'après, le charme se brise, il le dépasse sans un regard. Sacré môme. Je le fixe un temps, avant de reporter mon attention sur le fuyard." Il va s'échapper " crie quelqu'un dans la foule.

Mais non, mais non...

Cinq pas d'élan, un saut. Une ombre survole le jeune qui en reste coi. Une main agrippe sa nuque et le plaque de force au sol. Le numéro impressionne plus qu'il ne séduit. Je redresse mon captif sans douceur, et me retourne vers l'adulte en charge.

Il est à vous je crois. Lieutenant Trinita. Il parait que vous venez retaper la vieille Chapelle du coin. Mes hommes et moi sommes pratiquement au chômage technique, on serait ravi d'aider.

Il y aura peut-être finalement du bon, dans ce voyage.


Dernière édition par Trinita le Mer 14 Déc 2011 - 21:55, édité 1 fois
    La nuit voile les étoiles et la lune d’une lueur bleu-grise. Elles semblent se distordre dans leurs gangues lumineuses, tandis que l’aube éclate au loin. Or et ocre se déversent depuis le ciel, des nuages de ci de là s’y démarquant, d’un blanc immaculé. La mer est d’encre. Opaque, figée comme un miroir, un petit voilier y brise les eaux. Son train est presque nonchalant, la voile et la coque captant peu de courants dans le jour naissant. Trois jeunes hommes peuplent le pont, qui manie la barre, qui regardent les profondeurs. Ses bottes balancées sur la coursive du "navire", le dos adossé à l’autre bout de ce qui n’est qu’une simple barque, Chance à quinze ans. Une cigarette déjà en bouche, son feu lâche sa flamme tandis que la fumée envahit peu à peu l’azur.

    - Eh les gars, rappelez moi qu’est-ce qu’on vient foutre là ? Fait Genji, ami de toujours, tandis qu’il chipe une cigarette dans le paquet du blondin.

    - La nuit était claire, et foutre l’bordel dans l’île la plus calme d’nos blues m’a toujours tenté ! Lui répond un Chance goguenard, son blouson en cuir négligemment sur les épaules. Il hume l’air et apprécie l’odeur d’algues mêlée au sel marin, tandis qu’il tourne la tête vers Derek –celui qui tient la barre.

    - Oui, et il paraît qu’il existe des poissons comme nul autre dans leur lac, j’ai hâte d’faire une razzia dans les p’tits restau’ du port… Rajoute l’adolescent de petite taille, visiblement en surpoids depuis quelques années.

    - N’empêche qu’on s’emmerde mec, comme pas permis.

    Laissant Genji à ses jérémiades, le futur Caporal contemple l’île au loin, se dessinant de plus en plus précisément : Plus qu’une heure de route et ils y seraient. Il faut dire que de se dégotter une barque sans débourser le berrys n’avait pas été facile. Le trio avait dû ruser, et il s’attirerait les foudres de Lorys, le vieux pêcheur qui ne sortait en mer qu’une fois tout les mois, laissant son modeste bateau amarré au port toute la journée. Un cailloux dans une des rares fenêtre encore présente, et un vol de plus. * Un emprunt plutôt, vu la camelote ça sert à rien de s’attirer des ennuis. *

    L’avancée se fait plus rapide à mesure que la terre se rapproche. Tel un aimant, la brise les pousse vers le port, alors que le voilier ne glisse lentement. Le ressac du courant contre les falaises créer une sorte de tourbillon tout autours de l’île. Ils abordent sans encombre, au sec et souriant : Enfin, l’action est à portée de poing.
    L’île d’abondance, tous les ans se déroule un grand concours de pêche qui attire de nombreux amateur, les maisons y sont petites mais cossues. Une sorte de retraite pour foyer moyen, avec son marché, ses commerçants, sa petite chapelle… Et ses marines. Le sang se glace dans les veines de nos trois compères lorsqu’ils croisent une patrouille puis un navire déchargeant des jeunes menottés.

    - Putain c’est quoi c’bordel encore ?
    - Ta gueule Genji, ça s’voit non ! Et reste poli mec ! Réplique le blond, lui assénant une claque derrière le crâne du plat de sa main

    En retrait, les traits tirés et d’une toute petite voix, Derek lance : Et sinon les mecs on peut toujours se rabattre sur le poisson… Mais personne ne l’écoute, les deux inséparables bien décidés à s’amuser aujourd’hui. Il faut dire que les “grands“ monopolisaientt toutes les forces, et qu’ils n’avaient pas moyen d’avoir un peu de challenge. Cependant, dans l’air tout comme sur la terre foulée des bottes d’une mouette, ça se sent. Ça changerait. Un sourire féroce s’affiche sur son visage, tandis que clope au bec, cuir et débardeur, celles de chances résonnent sur les pavés.

    Il devance ses deux camarades et brise la foule malgré sa stature, son agressivité palpable faisant le reste. Le monde s’agite, un prisonnier s’échappe. Devant un gosse, il s’arrête et c’est ce qui fait sa perte, un marine vient le plaquer au sol d’un saut improbable, sa poigne de fer s’abattant sur son crâne. Passant près des deux hommes, tirant sur sa cigarette avant de la jeter au loin, il lance, goguenard.

    - Ah elle est belle la marine.

    D’un chuchotement perceptible seulement pour l’homme qui lui fait face, avant de passer son chemin, Genji le rejoignant en courant, Derek sur ses talons.

    - Qu’est-tu fous Chance ?! On t’avait pommé dans la foule.
    - T’vois pas, j’me balade, et j’prépare le terrain pour … *

    Le reste de la conversation est avalée par les applaudissements de la foule et les remerciements des geôliers. Une chapelle hein ? Ça fait longtemps qu’il n’est pas aller tutoyer les cieux.
      Un rayon de soleil s'immisce entre les rideaux de la petite pièce qui me sert de chambre. Il me lèche le visage d'une chaleur bienfaitrice avant de s'attarder sur mes yeux. D'abord perturbé par cet éclat soudain, je me renfrogne un peu, roulant sur la gauche puis la droite, avant de me remettre à plat dos, les bras étendus de toute leur envergure. L'ensemble est accompagné du bâillement sonore d'un môme de huit ans, non fourbu aux concepts de bienséance commune. Une paupière se décolle difficilement mais se referme rapidement, recouverte d'un poing protecteur qui s'installe entre la rétine et la lumière. Gardant la position, j'utilise mon deuxième joker et fait coup double en laissant chacune des pupilles s'acclimater lentement à l'ambiance, les mains au soutien.

      -Salut Heïon!

      Assise à califourchon sur mon ventre, Maïna me sourit de toutes ses dents.

      -Tu sais quoi Heïon, bah c'est aujourd'hui que Loud arrive pour aider à la reconstruction de la chapelle. C'est pas chouette ça ?

      Mes zygomatiques s'étirent en même temps que mes yeux se plissent, marques d'une joie non dissimulée. L'annonce de ce retour dont j'avais totalement oublié la date est du genre à faire sauter un poisson rouge hors de son bocal. La couverture fait un vol plané à l'autre bout de la pièce. D'une main, j'attrape le pantalon le plus proche sans même m'enquérir de son état et m'y insère d'un bond qui m'amène directement au sol. Aller Maïna, donne moi ta main et c'est parti, on fonce au port.

      Loud était un jeune de l'île qui devait avoir dans les seize, dix sept ans peut être maintenant. Peu aimé dans le coin, il était surtout connu comme étant un petit voyou. Auteur de plusieurs larcins trop peu valorisant à son goût, il étendit peu à peu sa notoriété sur d'autres îles de South Blue, avant d'être arrêté six mois plus tôt dans des circonstances qui m'échappent, puis enfermé dans une maison de redressement pour jeunes délinquants.
      Mais, si les habitants de la paisible île de l'Abondance ne l'aimaient guère et évitaient soigneusement de traîner avec le reste de sa famille, pour nous il était avant tout celui qui nous offrait une part de rêve en nous contant chaque semaine les aventures du chevalier bleu. Sachant que l'idée de traîner en sa compagnie n'enchanterait pas les parents, Maïna et moi inventions chaque samedi un stratagème différent pour nous éclipser de la demeure familiale à dix sept heure quarante cinq précise, pour être présents quinze minutes plus tard devant le platane à fleur d'orange, au cœur de la forêt voisine. C'est là que nous nous rassemblions tous. Pas moins de vingt neuf gamins venus de l'île entière pour entendre le récit du papillon voyageur, celui de l'homme qui ne se rasait pas ou encore ceux de l'arbre aux dents longues et du géant des grands fonds, dont le but commun était de mettre en action le preux à l'armure couleur mer et de nous entraîner dans un univers débordant les limites du quotidien. Avec nous, Loud était toujours gentil et jamais il n'a tenté le moindre méfait en notre compagnie. Il était un grand frère sur qui l'on pouvait compter et qui n'hésitait pas à nous choyer, mais uniquement dans le cadre de ces rassemblements. Autrement, lorsque nous le croisions dans la rue, nous nous accommodions d'un hochement de tête dans notre direction, sourire en coin comme pour nous signifier qu'il pensait à nous mais que ce n'était pas le moment. Nous, on l'aimait bien Loud.



      -Mais non Heïon, pas par là, j'te dis qu'c'est plus court en tournant à gauche.

      Je tire une langue mutine en direction de Maïna. De toute manière, le débat est toujours le même quand on arrive ici.

      -Fait comme tu veux, on verra bien qui arrive le premier.

      Elle ne se fait pas prier et bifurque sur la gauche tandis que je continue tout droit en accélérant d'autant plus le rendement de mes jambes.

      Finalement, je parviens à bon port quelques minutes plus tard. Quel monde. J'ai rarement vu une foule comme celle là sur les quais, hors festival de la pêche bien sûr. Habituellement, à cette heure, seuls les pêcheurs qui débarquent leurs prises matinales parcourent ce lieu. Ça m'étonnerait pourtant qu'ils soient ici pour offrir un accueil triomphal à Loud. Toujours est il qu'avec ce monde, impossible de savoir si Maïna est déjà là. Peut être s'est elle glissée dans la foule pour s'approcher du navire qui est en train d'accoster. Quand il faut y aller.
      De quelques excuses polies, je me fraye un passage entre les jambes adultes, jouant doucement des coudes de temps à autre pour faciliter ma progression. Alors que je suis en passe d'atteindre le bord de la jetée, les gens autour s'écartent curieusement, me laissant seul sous la lumière des projecteurs. Face à moi, un garçon lancé à vive allure se dégage le passage en distribuant les coups à qui traîne sur sa route. Non, pas un garçon. C'est lui. C'est Loud. Mais, pourquoi cette agressivité dans le regard ? Loud...Grand frère...ça fait plaisir de te revoir...tu me racontes une histoire ?
      Le temps semble suspendre son vol l'espace d'un instant. Le port, les gens, tout disparaît. Ne reste que la chaleur du moment présent, teinté des couleurs d'un été radieux. Immobile, les bras le long du corps, je lui adresse un sourire bienveillant, juste heureux de le voir se tenir devant moi. Lentement, sa course ralenti, son visage se décrispe, les traits s'adoucissent. Il finit par me rendre mon sourire, me glisse un clin d’œil puis reprend sa folle escapade en passant sur ma droite.
      Pas pour longtemps ! Un type bondit au dessus de la mêlée et plaque Loud ventre à terre. L'impact du crâne contre le sol résonne jusque dans ma tête. Je frisonne, mes jambes flagellent et je manque de trébucher. Sonner par cette violence je ne pense qu'à une chose. Fuir. Fuir loin d'ici pour que s'arrête la douleur qui me saisit.
      Alors, la caboche baissée, je cours droit devant moi, accompagné des applaudissements des habitants. C'est dégueulasse, c'est aussi chez lui ici...Loud. Ma course s'arrête net quelques pas plus loin. Inévitable, le choc me repousse sur les fesses. Je me frotte les yeux et j'ouvre deux lentilles rondes de surprise sur celui qui m'a mis dans cet état. Un type relativement quelconque, de taille moyenne, qui ne semble pas pesé lourd comparé aux dockers du coin, rompus aux travaux physiquement harassants.

      Je lui adresse mes excuses, me redresse promptement et file à nouveau droit devant en direction des ruelles, avec l'espoir d'y retrouver Maïna.
        -C’est notre meilleur chambre, vous allez voir, vous y serez comme chez vous…
        -J’espére que non. Chez moi j’y étais tellement bien que j’en suis parti…

        Une fois n'est pas coutume, c'est un agent Red, toujours en civil, mais surtout en vacances, qui arpentait d'un pas pressé les ruelles miteuses du bled de paysan local. C'est un des problèmes quand on a quitté la boue très jeune pour aller caserner à Marijoa, à coté de la capitale, tout parait miteux et laisse un arrière gout de villégiature plouc dans la bouche.
        Ce qui était entre autres choses une des raisons pour laquelle l'agent Red ne prenait d’habitude jamais ces vacances dans ce genre de trou pourri. C’était typiquement le genre de coin qui lui rappelait un peu trop qu’il avait commencé lui aussi dans une famille de bouseux. Et qu’il s’en était fallu de peu qu’il finisse pécheur ou planteur de carottes…En fait la seule chose qui l’avait amené à prendre les trois jours de permissions auquel il avait droit c’était l’appat du gain…

        Depuis maintenant trois semaines l’agent Red stagnait à une demi journée de bateau du coin. Stationné dans un pénitencier de la marine réservé à des types pas assez important pour Impel Down. Jeunes délinquants ou vieux condamnés. Il était censé servir d’instructeur en matière d’interrogatoire aux matons que la marine dépêchait dans le coin. Histoire de montrer à tous ces apprentis bourreaux plein de bonne volonté mais manquant de technique qu’on est souvent nettement plus efficace avec un minimum de psychologie qu’avec un gros couteau et une paire de tenaille.
        Et trois semaines dans un pénitencier plutôt désagréable d’un point de vue niveau de vie à interroger pour l’exemple de pauvres types n’ayant rien d'intéressant à dire, même pour un agent du Cipher Pol, c’était loin d’étre la joie. C’était même carrément la zone. En tout cas jusqu'à la rencontre de l’agent avec Teddy sept fois. Teddy sept fois… Un vieux type qui se vantait de ne jamais faire huit fois la même erreur, rapport probable au fait qu’il en était à son septième séjour en cabane, et que cette fois ci c’était pour perpette. Le genre sec comme un coup de trique, l’age indéfinissable entre usé et ancêtre et un accent du terroir rendu encore plus incompréhensible par une absence de chicots quasi complète à une exception prés.
        En son temps Teddy avait été un fameux cambrioleur, connu autant pour ses gros braquages que par la régularité avec laquelle il se faisait immédiatement poisser sans même avoir le temps de dépenser son pognon… Sept banques, sept arrestations, six évasions. Un parcours que Red connaissait bien pour l’avoir autrefois suivi avec admiration dans les quelques journaux sur lesquels il mettait la main.
        Alors quand en plein séance de travail le vieux se met se met à parler de son braquage sur South Blue l’agent Red tique tout de suite. Aucun des sept braquages qu’il connait ne s’est passé dans ces eaux la. Alors sous couvert de continuer la démonstration il se met à creuser. Et Teddy sept fois passe à table et avoue rapidement un vol de plus, le seul ou il ai eu le temps de planquer le butin. La mémoire du petit vieux ressemblant maintenant plus à un gros bout de gruyère qu’a autre chose c’est bride par bride que Red rassemble le peu dont Teddy se souvient, heureusement le plus important, le lieu de la planque…Une ile, un bled, le sous sol d’une église en construction…

        Quand Red s’aperçoit qu’un étrange coup du sort à fait terminer le vieux voleur à deux pas de l’ile ou il a enterré il y a vingt ans son seul magot il ne tient plus. Juste le temps de rappeler au gardien chef local qu’il a droit a des jours de congé et il saute avec sa pelle sur le bateau de ravitaillement suivant.
        Place à la chasse au trésor...


        C’était hier et depuis Red a vite déchanté. Les renseignements du vieux s’avèrent vachement moins précis que prévu une fois sur site, et les problèmes surgissent en rangs serrés entre lui et le fameux trésor. D'abord l'église, l'ile en compte trois,dont deux en ruines. Et évidemment toutes peuvent correspondre a la description de Teddy. Red a mis toute la nuit à vérifier qu'il n'y avait rien dans la première, et a creusé une plombe dans la seconde avant d'arriver aux mêmes conclusions. Merci Murphy.

        Et s'il sait maintenant dans quel ruine se trouve la cache, il a aussi découvert au matin que c'est précisément le moment que le pouvoir local a choisi pour mélanger reconversion et reconstruction en décidant de rebâtir l'ex église grâce aux délinquants du pénitencier...
        Et en couche finale de guigne il vient de reconnaitre parmi la bande de délinquants un visage connu, celui d'un môme qui il y a quelques jours a peine était un des copains de cour du vieux Teddy. Loud qu'il s'appelle... Qu"est ce qu'on parie qu'il est au courant pour le magot ?

        L'attaque sauvage d'un gamin des rues s'incruste soudain dans la revue de déveine de l'agent Red, à peine le temps de rattraper le môme par réflexe que celui ci se dégage déjà en s’excusant et repars en courant...Pour lui aussi ça n'a pas l'air d'aller très fort. Pas étonnant d'ailleurs au vu de ce que l'agent aperçoit une seconde quand la chemise du gamin glisse, une nageoire...
        Un môme homme-poisson dans ce coin, doit pas y'en avoir des masses. Ce serait étonnait qu'il ne morfle pas régulièrement la haine de l’étranger que véhiculent la majorité des ploucs du coin...
        Red n'a pas le temps de jouer le type sympa que le gamin est déja en train de filer au loin comme s'il avait le croquemitaine aux fesses... Tant pis, retour à la guigne et à la réflexion, comment aller récupérer le trésor dans un coin surveillé avant que l'autre sale délinquant ne fasse main basse dessus...



        Dernière édition par Red le Jeu 16 Fév 2012 - 19:35, édité 2 fois
          L'éducateur est conquis par la proposition, hoche vigoureusement de la tête et serre fort ma main. Deal. On va enfin pouvoir se rendre utile dans ce bled, même si la charpenterie ne compte pas dans notre domaine de prédilection en temps normal. Mais sur cette île, rien n'est vraiment dans les normes. Alors on va troquer le costume de représentant de la loi pour celui de l'artisan. Ce sera l'occasion de remonter un peu dans l'estime des citadins pour la plupart peu conquis par notre présence. Leur montrer qu'il y a des hommes derrières les uniformes. Et ça fait pas de mal de temps à autre le travail manuel. Y'a pas mieux pour avoir la sensation d'être utile.

          Le jeune, qui répond au prénom de Loud, regagne sa place dans la file indienne. On s'est toisés un moment; l'a pas l'air d'un sale môme, pas plus que les autres qui gambadent librement, mais à cet âge là, les vices sont pas encore trop incrustés sur le visage de chacun. Avec un trop plein d'énergie comme le sien, il aurait pu finir dans ma section. Manque de pot, il a emprunté une autre voie.

          À côté de moi, un autre ado me dépasse dans un chuchotement. Je réagis pas sur le coup, trop occupé à prendre connaissance des détails que me dispense l'accompagnateur. Quand je prends conscience de la teneur de ses propos et me retourne, c'est déjà trop tard; il a disparu. Foutu merdeux. Ce genre de freluquets mériterait sa place en centre de redressement aux côtés de notre jeune fuyard. Pour le principe. Juste pour leur apprendre à marcher droit et à devenir des hommes. À respecter des valeurs. Mais aussi à défendre leurs convictions, à clamer haut et fort ce qu'ils ont à dire au lieu de couiner à la dérobée. Son apparition furtive ne m'a pas laissé l'opportunité de noter son visage. Dommage.

          Mon interlocuteur se rappelle à moi, surpris de me voir fixer le vide.


          Quelque chose ne va pas ?

          Il y a toujours quelque chose qui ne va pas.

          Moi, sourcils froncés, mine grave. Lui, sourire bête, enduit de gêne. Silence lourd. Le cerveau du bonhomme déconnecte. Je retiens un soupir.

          Quoi qu'il en soit, vous pouvez compter sur nous. Demain dès les premières heures du jour. Rendez-vous au chantier. Et évitez de perdre de vue vos jeunes d'ici là.

          Je déserte la place, encore un peu furieux après le plaisantin, mais surtout en train de repenser à ce qui vient de se produire. Pourquoi le gamin aurait-il voulu se faire la malle ? Il avait pas grand chose à espérer et beaucoup à craindre en représailles à priori. Curieux. Une question à tirer au clair demain. Par les temps qui courrent, cette attitude incohérente est ce qui ressemble le plus de près ou de loin à un semblant d'enquête à mener. Et c'est de ça que je me nourris. Alors on lèvera le voile là dessus.

          L'après midi porte à sa fin quand je rejoins une bonne partie des hommes dans un troquet quelconque. Occupés à des jeux de dés et de cartes tout en descendant une bière fraiche. Le tout dans une atmosphère détendue. Certains clients discutent même paisiblement avec les gars. Quand j'entre, on me salue; j'annonce aux troupes de quoi sera fait notre lendemain. La nouvelle est bien perçue par la taverne entière. Un grand-père accoudé au comptoir se propose même d'offrir une tournée pour fêter dignement l'évènement. Pourquoi pas. On n'est plus en service à cette heure, de toute façon.

          La bière se transforme en les bières, le houblon coule à flots, l'ambiance festive monte au gré de la nuit qui tombe. Les discussions vont bon train, chacun profite de la soirée. Jusqu'à atteindre vingt-deux heures environ. Jusqu'à ce qu'un homme me hèle puis m'attire vers un coin moins bruyant de la pièce. Je l'identifie comme un des gardiens en charge des gamins. Je tends l'oreille, il s'explique, voix hésitante.

          Nous...nous avons un problème, et nous espérions que vous pourriez nous aider à ...

          Allez au but.

          Le jeune de cet après-midi...Loud...il s'est échappé.

          Un sourire vient illuminer mon faciès. C'est la meilleure nouvelle depuis le début de cette mission. De l'action, enfin. Comme par un étrange magnétisme, les gars sentent le vent tourner. Quelques regards interrogateurs me fixent. On s'agite frénétiquement, on sourit. On n'ose espérer. Et pourtant.

          Kester, O'Lean, avec moi. Caporal, tâchez de garder le reste des hommes sobres toute la nuit. Il se pourrait qu'on fasse appel à vous.

          Le Caporal Cripel répond par un salut militaire impeccable et un sourire qui dévoile toutes ses dents. L'ensemble de la troupe se congratule. L'inaction leur pesait. Les deux matelots nommés se lèvent d'un bond, trop heureux de ce décrassage nocturne inattendu.

          Où est-ce qu'on va, mon Lieutenant ?

          Chasser l'oiseau de nuit.


          Spoiler:


          Dernière édition par Trinita le Jeu 16 Fév 2012 - 18:35, édité 1 fois
            J'accélère ma course jusqu'à toucher mes limites. Le regard vide, je slalome comme je peux entre les jambes adultes, heurtant ici et là certaines d'entre elles qui ont la mauvaise idée de de se mettre en travers de ma route, dans un mouvement incertain, digne du ballet soumis à une mise en scène hasardeuse. Vite. M'extirper de cette foule. Quitter cet amas de charognards. Saccadée, l'avancée n'est pas de tout repos, mais au bout de quelques instants, j'évite la dernière paire de guibolles d'un petit saut sur ma gauche. Ça y est. Enfin. Les mains sur les genoux, j'inspire à fond. Une bouffée d'air frais accueillie comme si j'en avais été privé tout au long de cette folle échappée. Sensation étrange. Peut être la même que celle ressentie par l'humain qui s'empiffre de son oxygène juste après avoir échappé à la noyade. La respiration haletante, je relève la tête. Mon regard balaye les docks sur toute leur largeur. Rien.

            -Hey, Heïon, bah alors t'étais où ?

            Cette voix. Mon visage retrouve une certaine contenance, mes joues reprennent des couleurs. Je me retourne. C'est bien Maïna qui s'extrait de l'attroupement en invectivant deux gaillards inconnus aux carrures démesurées, ultimes remparts qui obstruent le passage de mon amie. La scène est coquasse. Ces deux là n'ont pas dû souvent se faire enguirlander par une gamine de huit ans qui n'a pas froid aux yeux. En la laissant passer, ils s'attardent un instant sur moi avant de retourner à leurs affaires. Maïna me rejoint finalement et nous laissons nos pas nous guider au loin.

            -Alors t'as vu quelque chose toi ? Pasque moi rien du tout. Y avait trop de monde. J'ai bien mordu quelques mollets pour pouvoir passer mais les gens y z'avaient pas l'air content et y m'grondaient. J'comprends rien aux adultes moi...en tout cas pas de Loud à l'horizon...

            Sans doute ma mine désabusée, ma tête baissée et mon regard dans le vague lui avaient ils mis la puce à l'oreille parce qu'elle n'insista pas et changea rapidement de conversation.
            Maïna possède cette incroyable capacité de pouvoir lire dans le cœur des gens sans qu'il n'y ait besoin de mots. C'est aussi pour ça que je l'aime beaucoup. Avec elle, pas besoin de paroles inutiles, elle arrive à comprendre mes sentiments rien qu'en m'observant et elle sait toujours trouver la bonne attitude pour me faire passer à autre chose et me remonter le moral.
            M'observer. C'est justement ce qu'elle est en train de faire en ce moment. L'index d'une main sur la bouche, l'autre main se tapotant nerveusement la poitrine, de son air le plus sérieux elle me tourne autour, s'attardant un peu plus longtemps sur mon dos.


            -Dis donc la poiscaille, t'écoutes jamais les conseils de papa ?

            -Hein ?!??

            -Ton dos là...

            -Quoi mon dos ?

            -Bah regarde par toi même banane...

            -Ah pasque tu crois qu'c'est facile de s'regarder l'dos...

            -Bah oui...rolala, t'es trop nul toi...

            -Ah ouais ?!? Bah vas y toi, montre moi comment tu fais puisque t'es si forte...

            -D'accord...

            Un brin vexé, je la regarde, les bras croisés, se lancer dans toutes sortes d'acrobaties et autres pitreries visant à me prouver qu'elle est capable de regarder son dos. Les positions adoptées sont toutes plus originales les unes que les autres et la séance se termine par un éclat de rire commun lorsqu'elle retombe sur les fesses après une ultime tentative manquée. Y a pas à dire, avec Maïna je ne m'ennuie jamais.
            Elle se relève, une main derrière le crâne, la langue tirée, le sourire encore aux lèvres et armée de l'ironique mauvaise foi qui ne la quitte pas.


            -Alors, tu vois, c'est facile, hi hi hi...mais bon, comme toi t'es pas doué, t'as qu'à jeter un œil dans la vitrine de ce magasin là bas...

            Intrigué, je ne tarde pas à m’enquérir de ce qui tracasse tant Maïna. Ouch. L'arrière de ma toge. Déchiré. Sûrement en tombant devant l'autre type tout à l'heure, ou peut être je me suis accroché quelque part en heurtant les gens pendant ma course. Toujours est il que cette ouverture malencontreuse laisse maintenant s'échapper ma nageoire dorsale. Preuve, parmi d'autre bien dissimulées, de mon appartenance à la race des hommes poissons. Je comprends mieux l'inquiétude de Maïna. Quelques observateurs avisés pourraient l'avoir remarqué, ce qui n'est malheureusement jamais une bonne chose. Comme me le répète souvent papa, le monde des humains n'est pas encore aguerri à la tolérance. Ma camarade de jeu revient à la charge en me tendant son par dessus.

            -Tiens, mets ça Heïon, et fais un peu plus attention...qu'est c'que j'frais moi si y t'arrivais quelque chose...

            Son regard est doux, plein de compassion et empli de toute l'affection qu'elle me porte. Je rougie un peu en enfilant l'étoffe puis timidement.

            -Me...merci Maïna...

            -Bon aller, on fait la course ? Le premier arrivé chez Madame Suter...c'est le jour de ses tartes aux fraises...

            -Yeaaah, c'est parti, à trois...un, deux...

            Sans attendre le trois, me voilà déjà parti à toute allure. Derrière moi, Maïna a pris du retard lorsque je m'engouffre dans la première ruelle sur la droite.

            -Héééé...tricheur...attends un peu...

            Tandis que je continue droit devant, elle bifurque à mon opposé. Toujours le même désaccord quand aux chemins les plus courts pour se rendre à tel ou tel endroit. Pas moyen que je perde. La première part de tarte sera pour moi. Les pâtisseries de Madame Suter...les meilleures de toute l'île. Je fonce maintenant sans me retourner. Les rues sont désertes. A croire que tout le monde s'est passé le mot pour se rendre au port et faire comprendre à Loud qu'il n'est pas le bienvenu. Attention, bientôt je devrais tourner dans la rue du Tertre. Une épingle difficile à négocier si on arrive lancé à trop grande vitesse. Je ralentis un peu. Pas suffisamment. Une flaque d'huile provenant du garage à l'angle, fermé pour l'occasion, se trouve sur ma route. Trop tard. Je marche en plein dessus et le sol se dérobe sous mes pieds. Vlam. La chute est rude et je dérape jusqu'au mur mitoyen. Aïe aïe aïe.
            Le corps endolori, je me remet debout tant bien que mal en me frottant les côtes, les genoux ensanglantés. Mon regard est alors attirés par une petite boîte carré qui gît à terre. Je m'en saisis immédiatement. Dessus, une inscription.

            <...Un cadeau pour l'abondance. Loud...>

            Comment ça ? Cette boîte appartient à Loud. Il l'a sûrement glissé dans ma poche en me croisant toute à l'heure. Je retiens ma respiration avant de l'ouvrir. Dedans, un papier. Je dois le déplier huit fois pour qu'enfin m'apparaisse ce qui est écrit dessus. Ou plutôt ce qui est dessiné. Un enchevêtrement de lignes qui, une fois auscultées avec un peu plus de recul, semblent représenter un dédale. Une croix est également inscrite au milieu du labyrinthe. Enfin, tout en bas, en minuscule, je peux lire "sous sol chapelle Fourtine." Oh ! Un trésor ? Mais non, à quoi je pense là moi. Ce nom là, chapelle Fourtine, ça me dit bien quelque chose pourtant. Ce ne serait pas la chapelle en reconstruction de l'autre côté de l'île ? Pas le temps d'y réfléchir plus longtemps que la seconde d'après je me retrouve enveloppé d'un voile sombre, comme si la nuit la plus noire s'était soudainement invitée de façon totalement inopinée. Mes pieds sont décollés du sol par une force qui n'a rien d'imaginaire et le voile se referme au dessous. Ou plutôt le sac, puisque c'est ainsi que je l'identifie. Que se passe t-il ? Je me débat de toutes mes forces en hurlant.


            -Qu'est c'que c'est ?!? Lâchez moi...

            Pour seule réponse, une voix rauque s'agace de l'autre côté du tissu.

            -Tu vas la fermer l'merlan ou j'te fais frire...

            Rien n'y fait, je continue à gesticuler dans tous les sens en criant, dans l'espoir que tout ceci cesse aussi vite que c'est arrivé. L'autre semble perdre patience et je me retrouve à planer dans les airs. Sensation étrange que de voler sans savoir où cela me mène. L'instant d'après je m'écrase violemment contre une paroi et retombe au sol, immobile, à demi conscient. Seuls quelques sons incohérents s'échappent encore de ma gorge.

            -J't'avais pourtant dit d'la fermer...mwahahaha...tu d'vrais nous rapporter un beau pactole toi...

            Une autre voix, plus posée, se fait entendre.

            -Aller Ganton, on s'barre d'ici, faudrait pas rameuter tout l'quartier...direction la chapelle...c'est là bas qu'on doit retrouver notre contact d'après Teddy sept fois...

            Ma vision se trouble. Je tente un mouvement désespéré mais une baffe s'abat sur l'arrière de mon crâne. Mon bras retombe. Je plonge lentement dans le néant en laissant derrière moi, sur le sol, la boîte de Loud et son contenu.
              Le reste de la journée de l'agent Red ressemble presque a de vrais vacances, un parasol sur une terrasse, une chaise longue, une longue vue, un mojito frais à portée de la main et les vêtements traditionnels du touriste de passage, short, sandales et chemise à fleurs. Ou en tout cas ça pourrait y ressembler si l'agent n'était pas trop occupé à ronger son frein en regardant la bande de jeunes délinquants et, déveine supplémentaire, la bande de marines qui a décidé de les surveiller.

              Le travail n'a pas commencé vite, visiblement ni les marines ni les mômes n'ont la moindre idée de ce qu'on doit faire au niveau menuiserie et maçonnerie pour remettre une église sur pieds. Ils se sont interrogés un moment sur la marche à suivre avant de finir par se décider pour le début le plus simple. D'abord déblayer les ruines, sortir les poutres effondrés, virer les tuiles et commencer à entasser les gravas à l'écart.
              Du haut de son perchoir et de sa non expertise totale en matière de travaux manuel, Red estime qu'ils auront fini de déblayer demain dans la matinée... Et qu'a partir de ce moment la découverte du trésor ne sera plus qu'une question d'heures, et que ce ne sera pas l'agent Red qui mettra la main dessus... Pas vraiment un programme idéal.

              Mais à part attendre la nuit pour tenter une approche furtive, l'agent n'a vraiment pas des masses d'idées de génie. Pas pour passer incognito et aller creuser discrètement au milieu de la dizaine de marines et de la vingtaine de mômes.
              Alors en attendant mieux il tue le temps en faisant le tour du périmètre à la jumelle. Les quelques passants qui matent le chantier, médisant probablement sur les délinquants de plus en plus jeune qu'on aurait jamais vu de leurs temps, les premières maisons, le port, la plage, les...

              Entre deux maisons l’œil exercé de Red vient de capter un truc intéressant. La bas, à quelques centaines de mètres de l'église en ruine un autre observateur est en train de mater le chantier. Un observateur qui a changé de vêtements mais dont les cheveux rasés révèlent qu'il y a encore peu il était au bagne avec les autres...

              *Loud évidemment, ce sale môme a réussi a se tirer et il fait comme moi, il attend le bon moment pour passer à l'offensive et mettre la main sur le pactole... Et... Qui sont ces types louches avec qui il traine...*

              Derrière Loud viennent d'émerger une poignée de types à l'allure débraillée et menaçantes de marins tendance pirate en vadrouille. Ils se tiennent trop dans l'ombre pour que Red puisse lire sur leurs lèvres d'ici, mais il n'a pas de mal à deviner ce qu'ils foutent probablement dans le coin. Le petit Loud a du s'attirer leurs services en échange d'une part. Mais il joue un jeu dangereux.... Très dangereux.

              Mais bon, ce n'est pas le probléme de l'agent Red qui décide d'appliquer une nouvelle fois une des nombreuses maximes du Cipher Pol, si tu ne sais pas quoi faire, attend que ça passe...

              Alors Red surveille, et il attend...



                C'est du coté de Loud que ça bouge en premier. Quel que soit le sujet de la discussion il partage visiblement le groupe. Loud s'énerve et engueule les gros bras qui commencent a le regarder un peu comme une bande de chiens materait un chat un poil trop suicidaire. Et Loud ne voit rien, surement trop persuadé de l'emprise qu'il a sur la bande de gros bras.

                Un des gros bras balance au sol le sac qu'il trimballe à l'épaule. Un sac fermé qui bouge tout seul. Trop gros pour un casse dalle ou un bestiau, trop léger pour un type. Un môme ?

                Loud sort un couteau et le déplie avec l'adresse du gamin des rues plus habitué a jouer du couteau que du ballon. Et d'un geste il balafre le bide du type le plus proche. Courageux mais pas très malin. Loud n'a pas le temps de réitérer que deux autres types le ceinturent avant de l'avoiner sévère à coup de beignes, jusqu’à ce que le troisième sorte une matraque et l'allonge pour le compte.

                Hm...

                Rien de neuf du coté des braves terrassiers de la marine, il est temps de se renseigner sur les concurrents les plus directs d'un peu plus prés.

                Red abandonne terrasse et Mojito et se glisse comme une ombre dans la direction du groupe de truands toujours en train de discuter. Une habileté acquise au cipher pol dont le secret n'est justement pas d'étre aussi invisible qu'un ninja, mais d’être tellement insignifiant qu'on ne vous différencie même pas du décor. Ce qui suivant le contexte, s’avère vachement plus pratique.

                -Alors ? Qu'est ce qu'on fait ?
                -Qu'est ce que tu veux qu'on fasse ? Avec la marine sur le coup c'est mort. Aucune chance de se glisser la bas en douce pour récup le magot. Moi je propose qu'on aille vendre le môme poisson et qu'on se tire.
                -Rah, ces marines font chier !
                -Ouaip c'est sur, mais je vois pas comment les virer.
                -Moi je sais. Réfléchissez les gars. Ils cherchent quoi les marines ?
                -Le trésor ?
                -Les pirates ?
                -Le One piece ?
                -Bandes de buses, ils cherchent le gars Loud qui s'est échappé. Et nous on l'a !
                -Ouais on l'a, et alors ? Nous on le cherche pas.
                -On planque le Loud quelque part, et on dit aux marines qu'il y est. Du coup ils vont renfermer les momes qui creusent et venir le chercher. Et pendant qu'ils le cherchent, nous on fonce a l'église piquer le magot, et on fout le camp ni vu ni connu pour aller vendre le môme poisson.
                -Ah ouais, bon plan.
                -Mais euh... Loud il va leur dire pour le magot non?
                -Les morts parlent pas. Alors Loud, scouic...
                -Héhé, ça c'est sur. Scouic scouic...


                Un bon plan c'est sur, étonnamment bon même pour des types d'apparence aussi rusé et intellectuels que des sacs de ciment. Un plan que l'agent Red récupère immédiatement à son compte avec comme seule inconnue supplémentaire le moment de l'intervention. Sauver Loud ? Sauver le môme poisson ?

                Ou pas ?

                  Changement de décor. On quitte le village pour ce qui doit être une cabane de pécheurs abandonnée à la lisière d'une plage éloignée du village. De quoi remiser barque et filet quand la mer s'agite trop pour sortir. Et un endroit facile à squatter pour y tramer des plans louches ou y enfermer des gens qu'on ne veut pas voir libéré par hasard.

                  C'est la que les gros durs ont jeté Loud avant de finir l’après midi à s’alcooliser lourdement la gueule a l'alcool de palme. Après réflexion leur plan d'action s'articule en soirée. La ou les marines ayant déjà enfermés leurs mômes des rues pour la nuit seront plus enclins à bouger pour récupérer celui qu'ils ont perdu.

                  Les ombres s'allongent sur la plage et les hommes sortent de la torpeur engendré par l'alcool et la chaleur. On s'active mollement et celui qui joue maintenant les chefs distribue les rôles. Un qui part chercher les marines et leur dire qu'il a trouvé le fuyard, un qui reste ici pour liquider le môme Loud et prévenir les potes du retour de la marine, et les quatre autres qui chopent pelles et pioches et se préparent à aller déterrer le magot.

                  L'équipe se disperse. Et le perdant du lot se retrouve tout seul à contempler la mer en aiguisant sa lame. Se dit probablement que le condamné aimerait bien une dernière clope. N'en trouve qu'une et décide de se la fumer plutôt tout seul. Ne trouve pas de feu, s'énerve...

                  -Voila. (Gratte une allumette)
                  -Ah, merci (Aspire)
                  -De rien. C'est bien normal.
                  -Hé mais. Vous êtes qui ?
                  -Personne d'important.

                  La pointe d'acier qui vient d'apparaitre dans la main de l'agent Red frappe avant même que le type ne relâche sa première bouffée. Et quand la clope tombe de ses lèvres entrouvertes par la surprise, il est déjà mort. Laissant Red libre d'aller secouer à coup de pieds un Loud moins inconscient qu'il n'y parait.

                  -Hey gamin? Je sais que tu m'écoutes, inutile de faire semblant.
                  -Me tuez pas msieur ! Il faut m'aider ! Et je vous donne un trésor !
                  -Ah ouais ?
                  -Ouaip m'sieur, de l'or et tout. Mais faut sauver Heion !
                  -Heion ? C'est le môme poisson c'est ça ? C'est un de tes amis Loud ?
                  -Vous savez qui j'suis ?!
                  -Ouaip, je sais tout, et j'sais aussi pour le trésor.
                  -Faut aider Heion ms'ieur ! Faut l'aider et je vous aide à le trouver !
                  -Tiens, prend la pelle. Je te suis.


                    Le retour à l'église en évitant de croiser l'escouade de marines allant choper Loud n'étant qu'un prélude facile qui ne mérite pas un mot, Loud et  Red se retrouvent rapidement en planque à proximité du chantier. La, l'église en ruine et ses tas divers de débris et de matériaux de construction. La, le camp des jeunes délinquants, deux tentes de grosses toiles surement empruntés à un stock de la marine d'élite, une pour les mômes et une pour les gentils accompagnateurs. Et une sensation bizarre que Red a appris depuis longtemps à analyser, le sixième sens du CP qui lui signale que quelque chose ne va pas.

                    Après un signe de suivre et de rester collé à Loud, Red se glisse le long des tentes sans rencontrer personne. Visiblement les mômes dorment du sommeil du juste qu'on a fait trimer comme un bagnard toute la journée, et ne se réveillerait pas pour moins qu'un tremblement de terre. Mais de la a ne pas laisser de gardes...

                    Red tourne au coin de la tente et se retrouve soudain face a deux paires de bottes modèle militaire classique, dépassant de sous le double toit comme si leurs proprio avait oublié de bien les ranger pour la nuit. Sauf qu'ici, dans les bottes y'a quatre pieds, et qu'en suivant Red retrouve le binôme de marines de garde, tout raides, tout froid, tout morts, et la gorge grande ouverte d'une oreille a l'autre.

                    Une paire de cadavres qui transforment d'un coup la bande de truands à la petite semaine en meurtriers passible d'un aller simple à impel Down. Ce qui, Red en a l'habitude, les rend aussi nettement moins enclin au dialogue et beaucoup plus a la lutte jusqu’à la mort en cas de capture... Fâcheux. Très fâcheux...


                    Dans l'église un éclat de lumière. Une lampe bougée et mal camouflée. Des bruits sourds d'outils et de creusement. La bande est la, et elle bosse.

                    -Suis moi Loud. Et pas un bruit.

                    Loud ? Plus de Loud. Profitant de l'inspection des corps l'ado a foutu le camp, et doit déjà être en train de se jeter tête baissée à la rescousse de son pote. Le con !

                    Et il a pris un flingue !

                      Dans l’église en ruine, et profitant du gros boulot de déblaiement de la jeunesse délinquante, les truands ont rapidement repéré une dalle menant à la crypte. La zone ou se trouve le cercueil de pierre d'un inconnu quelconque et ou le vieux Freddy a censément planqué le magot.

                      Debout devant la dalle, les deux balaises du groupe enchainent les coups de barre à mines sur les jointures de pierre, fissurant inexorablement la dalle sous le regard avide des deux autres. Derrière eux, un tas d'outils divers attendent leur tour, jetés en vrac au milieu de grand sacs prêts à accueillir le butin. A l'écart des autres, posé contre le mur, un des sacs s'agite faiblement, probablement en poussant des petits cris qu'avec la distance Red n'entend pas. Et dans l'ombre un peu plus plus loin, se glissant comme un serpent sous les poutres noircis survivantes de l'incendie qui a démoli le coin, Loud, flingue en pogne et haine dans le regard, avance droit vers le groupe. Et trop loin pour rattraper le môme en silence, Red ne peut qu'assister impuissant à sa tentative aussi désespérée qu’inefficace pour délivrer son pote.

                      Loud sort de l'ombre comme dans les livres, braquant les truands d'une voix forte et leur ordonnant de libérer Heion ou de se faire truffer de plomb. Les hommes se figent, jaugent le mome, et réagissent en vieux routiers des bagarres de bar. Le plus proche jette sa pelle droit vers l'ado qui instinctivement se protège pour l'éviter au lieu de tirer et se voit immédiatement saisi par un autre qui le désarme en lui pétant le poignet juste avant que la balle de Red ne le cueille entre les deux yeux.

                      Instant de stupeur et tout le monde plonge au sol, trois hommes se dispersant vers des couverts salvateur, Loud filant vers le sac qu'il s'empresse d'ouvrir au couteau, libérant le môme poisson gris que Red se souvient vaguement avoir déjà croisé.

                      Bam Bam Bam, d'un tir bien placé Red troue un type de plus juste avant que deux balles trop proches de l'agent l'obligent à se planquer à son tour. Loud et Heion se relèvent pour filer vers la sortir mais ne l'atteignent jamais. Stoppés par le chef de la bande Loud encaisse un coup de poing qui l'envoie rouler dans la poussière pendant qu'Heion se retrouve plaqué contre son torse, bouclier parfait contre les balles venus de l'agent.

                      -Je sais pas qui t'es mais tu lâches ton armes tout de suite !
                      -Ok. Ok t'as gagné. Je sors et je la lâche.

                      Ben voyons. S'il y a bien un truc que les instructeurs répètent bien aux agents. C'est que quel que soit la menace, on ne doit jamais lâcher son arme et se retrouver à la merci du preneur d'otage qui sera alors libre de tuer tout le monde. S'il tient tes amis, tire. S'il tient ta famille, tire. S'il tient tes mômes, tire. C'est la seule façon d'avoir une chance de les garder en vie...

                      -Non !

                      Sauf qu'évidemment. Loud n'est pas au courant des cours de l'agent Red. Et alors que l'arme de celui ci se redresse déjà pour un tir au jugé depuis la hanche droit dans le crane du preneur d'otage, Loud se redresse et se jette sur lui, lame au poing. Trop tard.

                      Trop tôt.

                      Bang !

                      Le temps se fige dans l'église. Le couteau couvert de sang de Loud tombe sur le sol. Puis Loud le rejoint, touché au milieu de la nuque par la balle de l'agent. Héion se libère d'une poigne soudain lâche pendant que le truand qui le tenait contemple le sang qui s'échappe a gros bouillon du trou que lui a fait le môme dans le bide, et que sa main ne suffit pas à retenir. Puis lui aussi tombe a genoux et s'effondre.

                      Le dernier homme ne fait que deux mètres hors de son trou avant que Red ne lui colle une balle dans le dos, finissant de gommer les truands de l'histoire avant de s'approcher des deux mômes. Celui qui se vide doucement de sa vie pendant que l'autre le pleure et le supplie de s'en tirer.

                      Sauvez le ! Faites quelque chose !
                      Y'a rien à faire. Il est déjà mort...
                      -Il disait... il disait... Un cadeau pour l'abondance et...
                      -...
                      -Vous l'avez tué !
                      Je l'ai tué.
                      Il était pas méchant ! Il voulait juste nous aider !
                      Je sais.
                      Vous savez ! Mais vous l'avez tué !

                      Le visage couvert de larmes et les mains couvertes de sang, le môme regarde red sans le voir, tout à a sa douleur et à sa colère. Et se relève soudain pour s'enfuir en pleurant dans le noir. Laissant l'agent seul avec une poignée de cadavres a quelques mètres a peine d'un soi disant magot.

                      Chouettes vacances...

                        Si j'ai bien compris. Vous dites que ces gens sont des esclavagistes et qu'ils avaient décidés de s'emparer des jeunes qui venaient rebâtir l'église. Et que c'est pour ça qu'ils ont tués les deux soldats ?
                        Ouaip.
                        Et que le jeune Loud a eu vent de leur projet et qu'il s'est évadé pour les en empêcher et qu'il est mort en essayant ?
                        Ouaip. Exactement.
                        Et ben... Quelle histoire... Qui aurait cru ça de lui...
                        Et c'est pas tout a fait fini monsieur le maire. Au vu des événements de la nuit, le gouvernement et la marine aimeraient faire un geste en mémoire de ceux qui sont mort ici.
                        Un geste ?
                        Un don plus précisément. Ouvrez les coffres.
                        Mon dieu ! Mais combien il y a ?
                        Suffisamment.
                        Suffisamment ? Mais pour faire quoi ?
                        Et bien. Au vu des circonstances, il me semble qu'a la place de l'église vous pourriez installer un foyer un peu plus accueillant pour offrir a des jeunes comme Loud la chance de revenir dans le droit chemin.
                        Oui oui, bonne idée.
                        Et puis un parc ? Un parc avec des jeux. Et une statue peut être ? Pour qu'on n'oublie pas.
                        Une statue ? Oui oui d'accord. Et euh. Comment vous voulez qu'on l'appelle ?
                        Le parc ? Hum... Vous avez un môme poisson dans le coin non? Demandez lui. Lui il saura.

                        Et envoyez moi un carton pour l’inauguration, je vous laisse ma carte.

                        Red. Agent Red.