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Chute de Neige. Pluie de Souvenirs.

Tanuki, il y a deux ans.

La neige avait commencé à tomber dans l'après-midi. En fin de soirée, c'était un bien joli manteau neigeux qui s'était déposé sur le paysage de l'ile. Les plus hautes montagnes gagnaient en majesté colorée ainsi de blanc et les forêts semblaient beaucoup plus magiques, comme si l'on s'attendait à voir apparaître quelque créature de mythologie au détour d'un tronc d'arbre. Le village s'était, lui aussi, fait recouvert de la délicieuse neige pour le plus grand plaisir des enfants. On s'amusait gaiment alors que les mères de famille houspillaient leur progéniture contre les dangers des rhumes. Plus loin, les marines censés patrouiller grommelaient contre leurs conditions de travail qui n'allaient pas s'améliorer au cours des prochaines semaines. L'effet des premières neiges avait toujours quelque chose de magique. Le genre a annoncé la fin d'une époque bénie pour une autre magique.

À contre-courant des hommes rentrant chez eux, une petite silhouette s'éloignait de la ville d'un pas difficile. Malgré la neige, Pludbus n'hésitait pas à avancer. Il aurait préféré s'assoir au côté d'un bon feu en buvant une bonne bière plutôt que de marcher dans de pareilles conditions. Sauf que ce jour n'était pas ordinaire. C'était un bien maigre sacrifice que de faire cet effort. Emmitouflé dans une longue cape de fourrure, le vieil homme ne souffrait pas trop du froid ; le vent n'était pas encore fort même si l'on avait annoncé une tempête dans la nuit. Il n'aurait pas beaucoup de temps pour faire ce qu'il avait à faire. Revenir le lendemain était impossible ; les fortes chutes de neige auront rendu le chemin impraticable pour plusieurs jours. Son navire ne l'attendrait pas, il avait déjà eu assez de mal à venir ici en temps et en heure. La perspective de devoir rester ici pour un bon paquet de jours ne lui était pas agréable.

Après une heure d'une laborieuse marche, Pludbus termina enfin le trajet entre la ville de Tanuki et l'ancien cimetière de l'ile. Aussi grand que deux ponts de trois mats, le lieu avait deux fois l'âge de Pludbus. Presque à l'abandon, il paraissait sorti d'une autre époque. Une époque bien lointaine en vérité. Les hautes grilles de fers rongés par la rouille donnaient un aspect lugubre à ce lieu de repos éternel. La grille d'entrée était entrouverte. Pendant sur ses gonds, personne ne pensait à la faire réparer. En même temps, qui irait voler quelque chose ? L'endroit n'avait plus accueilli de pensionnaire depuis vingt ans. Un nouveau cimetière avait été créé non loin de la ville. L'éloignement de l'ancien avait été pour beaucoup dans son abandon. On ne pouvait reprocher cette légère fainéantise surtout lorsque plus beaucoup de monde n'avait de vrai proche à rendre visite.

Pludbus en avait à revoir. D'une main tremblotante de froid, il poussa la grille d'entrée et y passa son corps grelottant. Connaissant par cœur le chemin à suivre, il laissa vagabonder son regard sur les pierres tombales comme il l'avait fait les fois précédentes. Il reconnut quelques grands noms qui avaient marqué son enfance. Toutefois, la plupart des épitaphes étaient devenues illisibles. Pires que cela, certaines sépultures étaient à moitié détruite, la pierre ayant éclaté sous l'effet du froid des précédents hivers. Un arbre avait même été arraché à la terre et s'était effondré au sol, détruisant une rangée de tombes. Des cercueils à moitié ouverts étaient clairement visibles sous les gravats. Les ravages du temps avaient fait en sorte de réduire toute possibilité de tomber nez à nez avec un cadavre pourrissant.

Enfin, il parvint devant celle qu'il était venu chercher. Majestueuse et imposante, la sépulture prenait la place de trois emplacements normaux. Le marbre, autrefois grandiose, n'était plus que l'ombre de lui même. Malgré l'abandon des lieux, elle était toujours intacte. S'approchant sur le côté, Pludbus entreprit d'enlever la neige qui recouvrait l'épitaphe. Malgré le froid glacial qui s'insinua dans ses doigts, il n'abandonna pas sa tache et serra les dents. Une fois que les écritures furent visibles, il revint faire face au monument. Son regard s'arrêta sur les lettres manuscrites chargées de souvenirs. Le regard triste et perdu, Pludbus semblait bien loin de l'image qu'il avait en public. Il ressemblait réellement à un vieillard usé et triste, attendant son heure pour ne plus ressasser les souvenirs douloureux.
Dans un silence total, Pludbus murmura ces quelques mots d'une voix hachée ; une larme coula sur sa joue.

Coucou, Papa. Coucou, Maman.

Une photo sous verre ornait au centre de l'épitaphe. Elle montrait un couple autrefois vivant uni par l'amour et une fratrie d'enfants devenus marine. Les visages souriants de ses parents, Pludbus ne les avait pas vus depuis vingt-cinq ans. Encore aujourd'hui, ils lui manquaient. Le souvenir de fête de famille passée ensemble lui revenait, accentuant sa mélancolie. De tous ses frères, c'était lui le dernier. Il se pensait seul au monde. Plus de parents pour être fier de lui, plus de frères pour l'écouter ; il semblait bien fragile et pitoyable. L'homme qui avait atteint les plus hautes sphères de la marine pleurait en pensant à ses parents disparus. Il avait refusé catégoriquement que des marines le suivent dans son excursion. Il n'aimait pas qu'on le voie ainsi. Cela relevait du domaine privé. De plus, il était persuadé que les marines ne pourraient comprendre ce qu'il ressentait en cet instant. Il n'était pas que l'ex-Amiral en chef, il était aussi un homme qui n'aurait jamais pu être ainsi sans le soutien inébranlable de sa famille. Ce qu'il avait fait, c'était grâce à eux. Sans eux, il n'aurait jamais eu rien fait.

Sous la neige tombant sans discontinuité, Pludbus aurait pu rester des heures ainsi. La morsure du froid, la nuit plongeant l'ile dans l'obscurité, la tempête s'annonçant au loin ; rien n'aurait pu le faire bouger. Plongé dans un océan de souvenir qu'il ne partagerait jamais avec personne, Pludbus était bien là où il était. Il ne se rendit pas compte qu'il n'était plus seul dans le cimetière. La grille avait un peu grincé à son passage sans que cela ait eu un effet sur le vieil homme. Plutôt grande et élégante, la silhouette s'avança sans détour en direction de Pludbus. Enveloppé dans un long manteau d'une fourrure d'un blanc laiteux, on pouvait discerner de longs cheveux blonds sous un chapeau de dame. La femme vint se placer à côté de Pludbus plongé dans ses pensées. D'une voix douce digne d'une mère, elle le sortit de sa rêverie.


Papy Pludbus. Je me doutais bien que je vous trouverais ici.

Sursautant, l'interpellé leva la tête vers le visage de la femme. Un sourire paisible sur un visage maternel, Ermine était toujours aussi resplendissante. Sa petite nièce avait ce don pour paraître aussi chaleureuse qu'un soleil malgré la tempête. À quarante ans, elle en paraissait trente. La voir redonna un peu de chaleur dans le coeur glacé de Pludbus. Il n'avait plus de frères, ni de parents, mais il avait encore de la famille. Cette famille ne l'oubliait pas.
Un sourire triste sur le visage, le vieil homme gratifia sa petite nièce d'un bisou sur les deux joues alors qu'elle s'était accroupie pour lui faciliter la tâche. Pludbus prit un air renfrogné pour marquer sa désapprobation et Ermine éclata de son rire cristallin. Quelques minutes passèrent alors où Pludbus se remit à fixer la tombe de ses parents. Sa voisine resta silencieuse, comprenant parfaitement la dignité de l'instant. Puis, il sortit quelques fleurs de son sac qu'elle tenait à la main et les déposa sur la neige immaculée qui recouvrait la tombe. Pludbus fit de même ; il avait emporté quelques fleurs de la ville et avait subi les regards surpris des marines. Il n'en avait rien à faire, finalement. C'était sa vie, pas la leur.

Alors qu'il en avait fini de se recueillir et qu'il s'apprêtait à repartir, Ermine posa sa main sur son épaule. Son ton était toujours aussi doux.


Vous n'allez tout de même pas partir si vite ? Tout le monde est à la maison. Les enfants seront tellement heureux de vous revoir.

Pludbus faillit refuser. Puis, il donna une réponse positive de la tête à sa petite nièce qui sourit à son tour. Elle lui prit la main dans la sienne et entreprit de le guider vers le reste de sa famille. Un peu plus loin, Pludbus savait que le coeur de nombreux Céldéborde battait d'une joie de vivre sans borne.
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La petite marche à travers la campagne enneigée se fit dans un silence gêné de ceux qui indiquent des retrouvailles après un temps beaucoup trop long pour être acceptables. Des deux, c'était Plud' qui était le plus indisposé. D'une certaine façon, c'était lui, le fautif. Il pouvait revenir beaucoup plus souvent. C'est ces désirs jamais inassouvis de vivre au milieu des marines qui l'empêchaient de se trouver auprès de sa famille. Le fait de ne pas avoir participé à faire grandir cette famille l'indisposait. Il se sentait inutile ; juste pour ce domaine. Il avait, toutefois, du mal à cacher qu'il appréciait chacune de ses rencontres riches en petits plaisirs de la vie. Ermine ne prononça aucun mot pendant ce trajet. Elle savait qu'avec le temps, les langues se délieraient. Chaque fois, c'était pareil. Chaque fois, Pludbus culpabilisait et, chaque fois, il oubliait cette gêne pour se concentrer aux autres. Même si ce n'était pas son grand-père, elle le connaissait bien. Plus que des mots, quelques sourires entendus suffirent.

Ils parvinrent donc à la demeure d'Ermine. La maison ressemblait à un chalet sous le manteau de neige qui s'était installé. Plutôt grande, elle avait pourtant du mal à abriter tous les Céldéborde. À l'époque de Plud' la famille était nombreuse. Il semblerait qu'il y ait dans les gênes de chaque membre cette envie frénétique de faire croitre la famille. Cela explique beaucoup de choses pour certaines lubies de Pludbus. Ainsi, la maison rayonnait de cette aura des maisons familiales chaleureuses et conviviales. Plus qu'une maison, c'est un véritable nid pour tout Céldéborde de passage. Il ne faut pas croire qu'ils sont tous comme Pludbus. Toutefois, le monde peut bien le détester, il sera toujours l'un des leurs. Histoire d'illustrer ce fait qui pourrait sembler étrange, plusieurs petites bouilles apparurent aux fenêtres de la demeure. Le visage rougi par la chaleur d'un feu de bois dont la fumée sortait par la cheminée, les petits Céldéborde font de grands signes de mains lorsqu'ils aperçoivent Ermine. Puis leurs sourires s'élargissent en découvrant la personne à ses côtés. Bien vite, ils disparaissent préparer l'accueil de leur papy. Une fois encore, Ermine sourit en imaginant ce qui allait se passer ; le marine Pludbus allait laisser place à Papy Pludbus.

Aussitôt qu'il ouvrit la porte, une dizaine d'enfants lui sautèrent dessus. Surpris, le vioc s'écroula tel un château de cartes et disparut bien vite sous les corps des petits Céldéborde.


Papy ! Papy ! Papy ! Papy !


Toute la demeure faisait écho aux petits piaillements annonçant la venue du plus ancien de la famille. Les retardataires parmi les plus jeunes couraient ou ramper vers la masse grouillante de corps afin de souhaiter la bienvenue à celui qu'ils ne voyaient que très rarement. Ermine laissa une minute aux enfants avant de permettre à Plud' de respirer. Légèrement bleu, il fit rire toute la ribambelle de gosses. Le premier fou rire de la soirée et surement pas le dernier. Pludbus était chez lui.
Lorsqu'il fut de nouveau sur pied, Plud' eut l'occasion d'entrer dans la salle à manger. C'était une trentaine de Céldéborde qui se trouvait là, dont une bonne moitié de jeunes. Tout le monde le fixait, l'acclamait, l'appeler Papy et le remercier de sa venue. L'intéressé était un peu gêné par ce déversement d'amour. Toutefois, le plus compliqué pour lui fut de reconnaître chacun des présents. Gare à ne pas se tromper ou à avoir oublié ! Le désappointement pouvait être terrible pour les blessés !

Il y avait donc Ermine, qui abritait tout le monde avec son mari Barry. Il avait bien sûr reconnu leurs deux enfants. L'ainé, Nigel et la cadette, Shaka. Encore enfant, ils l'adoraient énormément. Ensuite, il y avait Lon et son épouse, Ely. Plus vieux que Ermine et Barry, ils avaient eu des jumeaux : Crabé et Gaulé. Allant sur leur treize ans, ils n'étaient pas très fut-fut, mais débordé d'énergie. Il y avait aussi les frères de Lon, Fred et Jorge. Le premier s'était marié à Rollins, une jolie rousse plutôt maligne comparée à son imbécile d'époux qui ne cessaient d'enchainer les bêtises avec son frère jumeau. Ils avaient trois enfants : Perov, Skite et Blindy, la petite dernière qui venait tout juste de marcher en accueillant Papy ; c'était un petit événement. Il y avait aussi Kubitu, leur chien. Plutôt mou, il dormait sous la chaise de son maitre ; tout le monde le considérait comme un Céldéborde. À côté de son jumeau, un sourire ravageur s'étalant sur son visage, Jorge ne cessait de faire du gringue à sa belle-soeur et sa propre femme, Fufuji, n'arrêtait pas de le vilipender. À côté, leurs deux garçons, Folker et Diter, ne cessaient de lorgner vers le verre de leur papounet. Dans un coin, tel un maitre parmi ce beau monde, Terry Waldemarre se faisait remarquer. C'était sa façon à lui de ne pas penser à la mort de son épouse survenue l'année qui précédait ce jour-là. Son jeune fils, Kenny, avait déjà la crinière de cheveu digne de son père et se comportait comme tel avec de vastes gestes plutôt inutiles et dangereux. Enfin, il y avait la petite soeur de la défunte, Fibrosa et son époux, Siroz Emplack, qui avait quelques soucis avec l'alcool. Heureusement, cela n'entachait pas ses relations avec la jeune Laenn et le dernier des Céldéborde, le petit Wilson.

Tout ce petit monde était satisfait d'être reconnu par l'ancêtre. Avant même de pouvoir dire quelque chose d'intéressant, Ermine sortit de la cuisine en compagnie de Fibrosa, amenant nombre de plat succulent. Les enfants crièrent de joies et se mirent à table, emportant Pludbus avec eux. La soirée n'allait pas être de tout repos.

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Le Plud' était solidement attablé devant une assiette copieusement garnie de quoi faire pâlir n'importe quel mess des officiers. Si Ermine avait été dans la marine, elle aurait surement fini cuisinière pour le Quartier Général de la marine. Or, rien ne la fit changer d'avis, pas même les nombreux marines de la famille et elle continua ainsi à tenir un petit restaurant assez réputé dans ce coin du monde. Ce soir-là, elle sortait le grand jeu. D'habitude, elle faisait plaisir à des inconnus. Cette fois, il s'agissait de combler les papilles de nombres de Céldéborde et les petits garnements n'étaient pas connus pour être fatigués tant qu'ils n’avaient pas le ventre bien rempli. En parlant d'enfants, ces derniers étaient à la base de la quasi-totalité du bruit. Ça s'interpellait, ça criait, ça mangeait bruyamment, ça s'exclamait de plaisir. Bref, ça s'amusait bien. Les adultes n'étaient pas forcément en reste. Ça mangeait comme des affamés. Sautant plus rapidement sur les mets délicats que les enfants, qui préféraient les plats plus communs, mais tout aussi excellents. Tout cela était copieusement arrosé de bons vins par un Terry qui avait fait main-basse sur les cubis. Jorge ne cessait de l'asticoter à propos de ce contrôle total alors que Siroz lorgnait tristement vers les bouteilles dorénavant inaccessibles ; sa femme veillait au grain.

Pludbus n'était pas en reste. Après un petit moment de timidité, il avait brisé la glace et se comportait un peu plus socialement. En même temps, lorsque la petite Blindy lui avait sauté sur les genoux sans crier garde, il avait failli s'effondrer de sa chaise, ce qui n'avait pas empêcher l'assistance de rires aux éclats. Il s'ensuivit une course-poursuite improvisée ou Blindy se fit pourchasser par un Pludbus légèrement remonté. Il cessa dès l'instant ou il se cogna la tête contre un pied de table, faisant trembler toute la structure, manquant de faire tomber quelques succulents plats. On ne gâchait pas la nourriture. Pludbus s'était arrêté, mais la petite Blindy ne cessa de lui tirer la langue en souriant pendant une bonne heure. Plud' l'ignora.
En revanche, il s'occupa des enfants à ses côtés. Il leur conta quelques péripéties lors de ses dernières années. Il broda un peu, évidemment, ce n'était pas forcément juste, mais on rit beaucoup et l'on mangea bien. L'énergie fantastique des petits Céldéborde semblait beaucoup plus faible quand ils écoutaient l'ancêtre. Les parents le laissèrent donc raconter ses fantasmes en sachant éperdument qu'elles devaient être force. Ce fut alors le moment pour les parents de se transformer en grands enfants.
Fred Jorge et Lon partirent dans un concours de nourriture, ingurgitant le plus possible. La gent féminine critiqua fortement cette activité qui ne mettait pas en lumière la qualité des plats sans pourtant se cacher à encourager leur conjoint telles des groupies frénétiques. Au milieu, Terry s'occupait du ravitaillement en alcool. Il semblait boire la moitié de ce qu'il distribuait ; il était devenu très rouge et se balançait de gauche à droite sur sa chaise. Pendant ce temps, Ermine continuait de distribuer plat sur plat ; elle semblait avoir préparé pour un régiment. Évidemment, elle connaissait les habitudes du régiment Céldéborde et « qualité » rimait avec « quantité ». Elle n'allait surement pas s'avouer vaincue face à cette ribambelle de gosiers assoiffée et d'estomac sans fond.

Deux bonnes heures suffirent à voir défiler la totalité des entrées, plats, fromages et dessert. La quasi-totalité fut engloutie jusqu'aux limites des capacités de la petite famille. On se caressait le ventre d'un air satisfait. Terry avait roulé sous la table depuis une demi-heure. Le vin accompagnant le fromage l'avait eu en traitre. Lon n'avait pas hésité longtemps à prendre la relève en tant que gardien des boissons. Lui aussi semblait être bien fait. Barry dormait, à moitié, sur sa chaise, de la bave coulant sur son menton. Il avait mangé plus que tout le monde ; c'est qu'il préférait avaler plutôt que déguster. Machin aussi était dans les pommes, mais c'était à cause de sa femme. Elle avait emprunté une poêle à Ermine afin de faire sonner les cloches à son mari qui commençait à divaguer à raconter toutes les histoires salaces de leur couple. Les chastes oreilles des enfants n'étaient pas loin. En plus, le vieux Pludbus s'était intéressé à ce sujet ô combien cher à son coeur. Les petits bouts d'chou avaient suffisamment à manger pour consommer toute leur énergie. Il faudrait une bonne heure pour qu'ils soient de nouveau opérationnels. Jusque-là, ils allaient végéter dans une salle à côté en compagnie de Barry et de Terry qui n'étaient plus bon à rien. Fufuji et Fibrosa se désignèrent pour surveiller tout ce beau petit monde. Lentement, la salle principale se vida. Ermine et Ely faisaient la navette entre cette salle et la cuisine, commençant déjà la fastidieuse tâche du lavage. Fred et Jorge s'étaient installés côte à côte en sirotant leur dernier verre. Rollins surveillait son mari pour qu'il n'en reprenne pas un autre. Pludbus s'était installé sur deux chaises laisser vides en bout de table. Il ne pouvait plus marcher tellement il avait mangé. Un silence repu s'installa, puis Fred le brisa, une main tendue vers l'ancêtre.


Alors, papy Plud', qu'est ce que t'as fait ces derniers temps ? On te voit plus trop et le journal ne relate plus tes exploits !

Sourire de Jorge. On s'amuse de tonton Plud', mais on continue à le respecter. L'intéressé se mit à raconter ses faits et gestes. D'abord difficilement, il prit cependant rapidement le rythme. Il passa tout en revue. Ses missions, la marine, les gens qu'il a rencontrés et bien évidemment, ces conquêtes, ou plutôt, son absence de conquête. Lorsque le sujet est évoqué, les sourires compatissants disparaissent, laissant place à des mous gènes. Rollins finit par dire ce que tout le monde pensait tout bas.


Mais, Tonton Plud', tu es vieux … tu n'as quasiment aucune chance de te marier. En plus, tu cherches toujours chez les jeunes ; elles ne voudront jamais vivre avec toi.


Malaise. La vérité est toujours dure à entendre. Plud resta un instant immobile, puis il s'enflamma.

Mais ! Mais ! Je veux avoir des enfants, moi ! Je veux pouvoir m'occuper de petits ! Je veux pouvoir être fier de mes enfants ! Je veux pouvoir les suivre dans leur vie ! C'est bien de suivre la vie de vous tous ! Mais c'est quelque chose qu'j'veux pouvoir faire ! De mes propres enfants !


Nouveau silence gêné. Évidemment, tout le monde était conscient de la difficulté de ce qu'il demandait. C'est alors qu'Ermine entra chercher des plats. Alors qu'elle les regroupait, elle lança à la cantonade.


Bah, t'as qu'à les adopter ! Pas besoin de compagne pour ça !


Adopter ?! Mais c'pas pareil ! C'pas mes enfants !


Mais, tonton Plud', on a des enfants pas parce qu'ils sont de notre sang, ils le sont parce qu'on les aime comme tels et qu'on souhaite les protéger. Tu ne crois pas ?

À cela, Plud' ne trouva rien à redire. Ermine avait vu juste, là où ça faisait mal dans le raisonnement du vieux marine. Fred et Jorge enchainèrent de suite, appuyant les propos d'Ermine, mais l'idée s'était déjà insinuer dans son esprit. Rien ne pouvait y changer. Et pourquoi ? Ce n'était pas bête, mais, tant d'acharnement pour changer de projet, ce n'était pas une chose aisée pour Plud'. Il lui faudrait du temps pour que le concept se fasse. D'ici là, il allait s'acharner à nier l'évidence. Sans trop hésiter, il se mit à protester avec véhémence. La discussion tourna au vinaigre et le ton monta. Ermine souriait aux cuisines ; ça mettait une bonne animation. Le lendemain, ça serait oublié. Au bout de trente minutes d'une discussion enflammée, Plud' partit se coucher, suivi par une bonne partie de la maisonnée malgré le réveil énergétique des enfants. Les parents allaient devoir mettre une heure pour calmer tout ce petit monde. Pour l'ancêtre, il s'en fichait. Une fois au lit, il était bien décidé à y rester. Dans la chambre d'ami qu'on lui avait prêtée, les pensées se mêlaient et commençaient à murir. Et pourquoi pas ? Comme la neige qui tombait à l'extérieur, Plud' était tourmenté par un tourbillon d'idées, tels les flocons passant devant sa petite fenêtre, il n'avait plus beaucoup de visibilité.

La nuit portait conseil.


Dernière édition par Pludbus Céldèborde le Ven 27 Juil 2012 - 14:48, édité 1 fois
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Dans une chambre bercée par la tiédeur d'un chauffage au travers du sol, un ancêtre de la marine ruminait des pensées. Tendus dans le lit bien trop grand pour lui, ces yeux étaient fixés sur le bois du plafond. Ces yeux brillaient dans la légère obscurité ; le volet devant la petite fenêtre laissait passer de rares rayons de lumière lunaire, donnant une ambiance particulière à la pièce. Au travers des solides murs, la vie s'écoulait. Les cris rieurs des jeunes Pludbus étaient à peine recouverts par les ordres excédés de quelques adultes souhaitant ardemment rejoindre leur lit. Par les intonations des voix, le rythme des paroles, les mots employés, l'ancien s'imaginait presque la scène se dérouler devant ces yeux. Malgré ce qu'il pouvait dire, il les connaissait par cœur, ces gens de son sang. Les rires et les pleurs, il se les visionnait. Il pouvait presque imaginer les sourires et les grimaces de chacun, sans même les voir, rien que par les sons qu'il percevait. Il aurait bien voulu dormir, mais le bruit l'en empêchait. Dormir pour ne pas penser, dormir pour qu'il ne puisse pas se remettre en question. Bien trop longtemps, cela avait été le cas.

C'était comme s'il se réveillait d'un long sommeil. Une pause dans son existence ; une vie passait à vivre au sein de la marine sans jamais songer à ce qu'il souhaitait réellement, à viser des buts qui n'étaient plus forcément les siens. Car il se forçait. Trop vieux il était, enfin, c'est ce qu'il pensait. Pourquoi refaire son monde à cet âge ? Autant s'accrocher à des rêves magnifiques, mais dont on savait intérieurement qu'ils ne seraient à jamais que des rêves ; c'est à dire, qui ne se réaliserons jamais. Pludbus était fait ainsi. En temps normal, il prenait tant pour lui. C'était comme s'il était un autre dans la vraie vie. Il riait de tout, il vivait comme s'il allait mourir le lendemain. L'insouciance même, il ne reculait devant rien pour ce faire plaisir. Pour être le Pludbus qu'il souhaitait être. Mais était-ce le Pludbus qu'il était vraiment ?

Depuis bien trop longtemps, il s'était forgé l'image que le monde connaissait. On le lui avait demandé. Il fallait un marine responsable et totalement occupé par sa fonction. C'est ce qu'il avait été, avec un certain succès. Peut-être n'aurait-il pas dû faire un trait sur la famille. Car aujourd'hui, c'est ce qu'il regrettait le plus. Bien trop tard, il s'était rendu compte de son erreur, mais l'âge l'avait alors emprisonné dans cette même erreur. Il connaissait le regret, il le vivait en permanence. Comme une sorte de douleur pas plus grande qu'une piqure au fond de lui même. Lancinante, elle lui rappelait sans cesse son erreur.
Mais les erreurs pouvaient toujours être réglées un jour. Pourquoi n'avait-il pas pris les bonnes solutions ? La peur, sans doute. Peur d'une inconnue bien trop imprévisible pour pouvoir la maitriser. Ça en était risible. L'homme qui avait été au plus haut de la marine avait peur de la paternité. Plus que cela, c'était l'appréhension de décevoir ; ce rêve qu'il avait, s'il était amené à le décevoir par son incompétence, comment réagirait-il ? Ce n'était bien trop grave pour être pris à la légère. Ainsi, continuer dans une une voie sans issue était comme une échappatoire sans en être une. Chercher un salut pour la bonne conscience en sachant que ça en serait presque impossible. Non, il y avait bien une autre chose qui l'avait décidé à faire une nouvelle fois cette erreur. Encore une fois, c'était la peur, mais la peur de rester seul, de n'avoir aucun cœur sur lequel se soutenir. Un amour pour fonder une famille, ce qu'il rêvait ! Ses expériences lui avaient montré que ça lui était impossible. Pourquoi s'entêtait ? Toujours cette peur.

Et la vie avait continué ainsi. Une vie bloquée dans le même rêve impossible, se forçant à porter des œillères pour se laisser croire qu'on avait raison. Cela faisait toute la fragilité de Pludbus Céldéborde.

Cette maison avait le formidable pouvoir de forcer ces locataires à se remettre en question. Déjà, Pludbus avait ressassé tout cela. Chaque fois, il avait résisté à la douleur de la vérité en préférant s'emmitoufler de ses mensonges. Cette fois encore, il était au bord du gouffre. Ses fausses vérités se fendillaient. Quelques mots suffisaient toujours pour rester éternellement dans les mémoires. Les longs discours n'étaient bons à rien. Seuls les mots du coeur pouvaient accomplir les plus belles choses. Le silence s'était installé dans la maison. Pludbus pouvait s'endormir et chasser à nouveau les tourments de ses rêves. La porte s'ouvrit. Quelqu'un entra après un bref instant d'hésitation. L'ancêtre fit mine de dormir et ferma ses yeux fatigués. Aux sons des pas, il reconnut la jeune Laenn. À peine assez grande pour avoir la tête au dessus du lit, elle posa sa petite main froide sur celle du vieillard. De sa petite voix d'enfant, elle prononça quelques mots.


Merci Papy d'être là.


Puis elle s'en alla de son pas d'enfant. Fibrosa passa devant la porte et la referma, amenant la jeune Laenn à son lit. Dans la chambre toujours aussi obscure, les mots se suffisaient. Dans un silence devenu absolu, un vieil homme sanglota, amèrement comme jamais il ne l'avait jamais fait auparavant.


Le lendemain apporta son lot de soleil et de joie. L'aurore était à peine levée que Pludbus s'en allait déjà. Il ne put éviter Ermine qui était décidément là à n'importe quel moment. Leurs regards se croisèrent brièvement. Quelques mots furent échangés. Puis ce fut le départ. Aucun au revoir, aucun adieu. C'était ainsi qu'était Pludbus Céldéborde. Sur le formidable manteau neigeux, il s'éloigna d'un pas alourdi par les âges. Décidément, revoir la famille était toujours aussi riche en enseignement. Dans un recoin de sa tête, l'homme se promit de revenir. Voir les enfants grandir, leur raconter des histoires, leur parler tout simplement, c'était peut-être essentiellement là, le bonheur qu'il souhaitait.
Le temps nous le dira. Un jour ou l'autre. Le temps nous le dira.
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