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Boire un petit coup, c'est agréable

A ce moment-là, je suis en train de pisser non loin du drame. J'ai débarqué sur cette île, il y a quelques jours... Depuis, j'ai bien le droit de me promener où je veux, non ? Bah aujourd'hui, c'est en bordure, voilà tout !

Donc, revenons-en à nos moutons ! Je finis de me vider la vessie, lorsqu'un corps immobile et flottant sur le ventre se fait ramener sur la rive, par des vagues. Sans plus attendre, je me dépêche de régler la petite commission, je range mon joystick dans le futal, et je cours vers la victime inerte.
Quand j'arrive à son chevet, je le mets sur le dos. C'est un jeune adolescent, on dirait bien.

_ Hé ! Mec, réveille-toi ! lui dis-je, tout en lui administrant quelques claques gentilles.

Malheureusement, il ne répond pas. Je regarde alors un peu partout, rapidement, mais je ne trouve pas d'indice particulier qui pourrait me mettre sur la voie. A-t-il dû fuir un monstre marin ou des pirates, à la nage, par exemple ?

Je me rends compte, bien sûr aussi, qu'il ne respire plus. Du coup, je tente quand même le massage cardiaque, mais la manoeuvre s'avère vite inefficace. Déjà trop tard ? Ou juste pas doué ? Hmm...

_ Repose en paix, mec... conclus-je avec un long soupir de déception.

Après quoi, au lieu de le contempler en train de sécher comme du linge au soleil, je décide de l'embarquer sur mes épaules. Ce n'est pas le gros sac à patates pour autant, mais le saligaud décédé pèse son poids. Surtout si c'est un gringalet dans mon genre qui doit s'y coller.

Et en route ! Je compte retourner dans le plus proche village, afin de ramener le gamin à la population du coin. Peut-être que les parents de ce dernier habitent même là-bas. Dans tous les cas, la sale nouvelle que ça va être, dès que tout le monde découvrira ce pauvre garçon désormais sans vie.
Après une vingtaine de minutes, je vois enfin les premières maisons se dessiner devant moi. Punaise, le temps que ça m'a pris ! J'avais même pensé à courir un peu... justement pour ne pas trop trainer pendant le trajet. Ahem ahem !

Mais bon, ça ne m'a pas réussi, faut croire ! Au contraire, quand je déboule ensuite en plein centre, je suis complètement essoufflé, et je marche comme un vieux boiteux.
Des gens sont bien vite attirés par ce qui se passe, ils se mettent à piailler entre eux, posent des questions... avant que les premiers connaisseurs du quartier captent de qui il s'agit, une fois que j'ai allongé le cadavre sur un banc.

_ Faites quelque chose, grouillez-vous, allez ! je crie pour réveiller la foule, toujours coincée ou apeurée.

J'ai beau ensuite enchaîner en racontant l'endroit où j'ai trouvé l'adolescent, ces quichons préfèrent continuer de jouer les timides. Probablement la faute à ma capuche cachant mon visage, on va dire. A moins qu'ils seraient également intéressés par le bref épisode sur mon envie pressante ?
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Fiouuu ! Bon, après avoir insisté encore et encore, toutes ces têtes tristounes finissent par s'occuper de la sale besogne. Et comme le monde est petit, les parents se manifestent, tôt ou tard, eux aussi. A vrai dire, ils n'avaient plus de nouvelles de leur chéri. Alors, heureusement pour eux, de fil en aiguille, l'info leur a été transmise, et ils ont pu rappliquer dès qu'ils ont su.

Un peu plus tard, lorsque l'apaisement se fait un peu mieux ressentir dans les rues, je réussis à apprendre ce qui ne tourne pas rond sur ce bout de terre de East Blue. On n'a pas voulu me remercier plus que nécessaire, je leur pardonne... Mais puisque les gens ne se privent pas de discuter entre eux, plus encore pendant la marche blanche organisée ultérieurement, c'est comme ça que je me dis ensuite qu'il va falloir agir ! Sinon, ce genre d'incident est susceptible de se reproduire dans les prochains jours, et ainsi de suite.

Donc, si les adolescents de l'île meurent noyés ces temps-ci, ce serait à cause de la racaille du moment. En gros, un mec a des ambitions de devenir pirate, de parcourir Grand Line, de trouver des trésors, de piller des villages, d'affronter la Marine, et compagnie...
Bref, ce genre de rêve un peu trop démesuré pour son âge. Mais pour cela, il a besoin de se monter un équipage. Il les recrute donc, à condition que les candidats répondant à l'appel, sachent d'abord passer plusieurs tests. Et l'ultime épreuve, ce serait apparemment de rester le plus longtemps sous l'eau, en apnée.

Ca me rappelle une ancienne tendance, tout aussi étrange, qu'on pouvait lire dans les journaux, à l'époque. Le jeu du foulard, que ça s'appelait ! Le crétin qui s'y collait, devait s'étrangler avec tel morceau de tissu, et savoir tenir sa respiration le plus longtemps possible.
Manque de chance, s'il ne savait pas défaire le noeud pour se libérer ensuite, bah il crevait tout bonnement, pfff ! Rha, la jeunesse ! Oups... Cette maudite piraterie, je veux dire, cela va de soi.

Voilà en tout cas comment je m'engage dans cette voie. Pour de faux, on est bien d'accord ! J'arrive à déposer ma candidature de jeunot, prêt à en découdre avec le monde et l'ennemi. J'ai tous les atouts pour les convaincre. La petite carrure du stagiaire débutant, la voix de fillette qui en dit long aussi sur ma virilité, mais des qualités au combat qui présagent une place facilement dans le groupe.
Alors quand l'ultime épreuve me tombe dessus, j'ai pratiquement envie de me laisser faire. Quitte à devoir montrer un semblant de refus et de résistance évident, lorsque le gros bougre qui est chargé de me plonger la tête sous l'eau, oublie un peu de penser à me remonter à la surface, au bout d'un certain temps.
Je comprends mieux pourquoi il y a eu un sacré palmarès d'échecs, à ce moment-là. C'est à se demander si les mecs veulent vraiment du nouveau membre dans leurs rangs, mouarf !

Enfin, en ce qui me concerne, youpi ! Je réussis haut la main, je suis qualifié. Tous les autres sbires déjà recrutés, ainsi que leur chef, me félicitent, m'applaudissent, et chantent. Tout ça, tout ça !

_ Il est des noootres ! fredonne le gang, tous ensemble. Il a bu la tasse comme les auuutres ! C'est un piraaate ! Il est bienvenue dans l'équipaaage !

Ca ressemble à ça, les paroles, en gros. Ils ne se sont pas foulés, j'avoue. Juste un autre texte plus connu, retouché tout bêtement.
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Par contre, truc surprenant ! Les mecs n'ont jamais pensé une seule fois à me demander de baisser ma capuche. Wouah ! Ils en tiennent une sérieuse couche ou quoi ? A moins qu'ils s'en foutent de savoir qui peut bien se cacher là-dessous ?
Mouais bof, ils ne sont sans doute pas très malins... Même pour des vulgaires futurs pirates qui voudraient se faire un nom. Ca promet !

Il ne me reste alors bientôt plus qu'à annoncer la couleur. Je profite encore un peu de faire la fête avec eux, dans leur salle de réunion-resto improvisiée. Puis, dès que leur faculté à tenir droit n'est plus trop au max (pour cause de fatigue), j'estime que c'est le moment de dévoiler ma véritable identité et mon objectif premier.

_ Merci les potes, je fais en ricanant, après qu'on a tous partagé nos histoires.

Je me lève de ma chaise, le verre à la main, prêt à boire la dernière gorgée de jus de fruit restante. Mon public s'étonne brièvement de cette soudaine pose, mais ils croient très vite que je me prépare à dire quelque chose qui pourrait leur faire plaisir... voire, de solennel.
Leurs tronches de cake sont tout à coup impatientes, en train d'exprimer une certaine excitation. Si j'attendais quelques secondes encore, je suis persuadé qu'on pourrait même bientôt voir des gouttes de salive couler de leurs bouches.

_ Parce que les pirates sont tous des branleurs, je voudrais porter un toast...

Là, bien sûr, vous vous doutez bien que tout le monde se met à croasser, en même temps. Incompréhension totale activée !

Dans la seconde suivante, je suis déjà en train de vider mon fond de boisson... Et tout en exagérant le trait, ma tête se penche tellement en arrière, que j'arrive à contempler le plafond. Mais aussi et surtout, ma capuche glisse et laisse apparaître mon visage de monstre.

Deuxième méga surprise pour les spectateurs ! Découvrir une sale tronche d'homme-poisson, alors que les mecs pensaient cotoyer du banal être humain de leur âge... c'est le grand choc. Pire qu'une caméra cachée !
Plutôt que de les voir devenir encore plus colériques, je n'attends pas plus longtemps pour recracher aussitôt ce que j'étais en train d'ingurgiter, dans la bouille du capitaine.

_ Et glou, et glou, et glou ! Haha ! m'exclamé-je pour ajouter du vinaigre à ma blagounette déjà piquante.

Mon crachat de jus de fruit est tellement puissant que ma cible tombe de sa chaise, carrément à la renverse. J'avoue que je m'épate sur le coup. Technique d'homme-poisson ? Ou l'autre con a juste perdu l'équilibre, en voulant esquiver de la façon la plus nulle ? Mystère et boule de gomme !

Pendant ce temps, les autres glandus en ont profité pour sortir de table. Ils continuent d'aboyer des menaces et des insultes, mais j'ignore leurs pauvres déclarations. Car dans le feu de l'action, je préfère me concentrer sur l'assaut inévitable qu'ils veulent à tout prix lancer, en faisant jaillir leurs armes blanches de mauvaise qualité, probablement volées lors d'une braderie.
Il faut venger son patron, qui leur a promis richesses et merveilles, 'tention !
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Bref, comme je n'ai pas envie de finir en rondelles de saucisson, je dois me grouiller de riposter... et de m'éloigner de toutes ces lames.

_ Aaaaargh !!! je hurle de toutes mes forces, tandis que mon verre se brise.

Si si, c'est une attaque comme une autre. Je profite de ma voix ultra aigüe pour pousser mon plus beau cri de lopette ! Le rugissement est tellement criard et chaotique, que la foule a l'impression de recevoir un électrochoc de ouf, dans le crâne ! Un peu comme celui du bête bourdonnement de moustique importun, capable de t'effleurer pourtant à peine l'oreille... Tu ne t'y attends pas... tu sursautes... tu cries... et tu as parfois même ce réflexe de te recroqueviller pour ta défense !

Là, c'est un peu le même cinéma auquel j'ai droit. Dans le lot des faiblards, il y a même ceux qui vont lâcher leurs sabres, ou au contraire, griffer leurs voisins. Quant aux autres un peu plus résistants, ils ont simplement reculé d'un pas ou deux, et détourné le regard. Mais tous sont coupés du monde, ils n'entendent plus grand chose, leurs oreilles sifflent non-stop ! Si tu préfères, ils ont légèrement oublié que j'existais, l'espace d'un instant.
Suffisant pour moi, quoi. J'ai déjà grimpé sur la table, afin de piocher divers projectiles... notamment de la bouffe, dans un premier temps. Et je prends un malin plaisir à tout leur balancer dans les yeux, mouarf ! Le public ne voit bientôt plus trop clair, se trémousse, et couine pour l'occasion.

_ Allez ! On finit son repas, sinon ça va refroidir !

Par contre, c'est le capitaine qui s'est remis sur pied, depuis. Et l'enfoiré tire violemment sur la nappe de table. Comme je n'ai pas fait gaffe à ce petit détail, je ne peux que m'écrouler au sol... à mon tour.

_ Spice de poiscaille de merde ! me gronde-t-il, très vexé par mon précédent arrosage.

Enfin, pas de panique ! L'andouille vient aussi de balayer d'autres munitions gratuites pour mes petites mains de lanceur professionnel. Je n'ai plus qu'à me servir principalement dans les couverts, à présent.

Et hop ! Une roulade arrière plus tard, j'ai mis du bel écart entre moi et toute cette bande de jeunes crapules. Ma capuche aussi s'est remise en place. Sur ce, il ne me reste plus qu'à distribuer toutes ces pointes dans les corps adverses.
Les adolescents, d'abord hésitants, décident de foncer sitôt après que leur chef a balancé l'ordre de me faire la peau. Mais évidemment, si c'est pour courir à l'aveugle, croyant qu'une épée rassure son porteur inexpérimenté, c'est tombé sur un os.

Résultat, je plante tout le monde dans le thorax, sans remord. Et si jamais, le plus couillu d'entre eux réussit à lever son sabre, prêt à me trancher, moi j'ai déjà exécuté une jolie glissade de footballeur, entre ses jambes. Ainsi, il ne me reste plus qu'à neutraliser l'épéiste raté, d'un coup dans le dos... avec une fourchette.
Puis, pour mettre fin au cri de douleur de ma dernière victime, mon revers de main bien foudroyant dans sa nuque le projette à terre et l'assomme.

_ Qu'est-ce que tu dirais de laisser tranquille tous les gosses de cette île, maintenant ? je demande, les bras croisés, d'un ton très sérieux, au capitaine, seul rescapé de ce combat.

Tous ses sous-fifres respirent encore, hein. Ils sont juste entre la vie et la mort, avec l'idée cauchemardesque qu'un basique ustensile de cuisine peut les faire clamser à tout moment, si jamais ils s'amusaient à le retirer.
Je veux bien être parfois boucher comme papa. Mais bourreau, pas forcément en permanence.

Le pseudo pirate de pacotille tremble de tout son être, il claque des dents, il serre les poings et les fesses, ses yeux écarquillés sont sur le point d'exploser... Il se fige doucement mais sûrement... Il n'est pas loin de gagner à "un, deux, trois, soleil".
J'attends toujours sa réponse, mais je crois bien qu'il ne la formulera jamais. Pour alors mettre fin officiellement à mon travail, je ne tarde pas à lui en coller une gratuite pour l'endormir, tandis qu'il ne bronche toujours pas.

Ca me laisse le temps de les quitter des yeux un bon moment, pendant que je vais ensuite prévenir des habitants. Lorsque je leur explique que le gangster de la région ne fera plus souffrir les familles, ils sont heureux. Par contre, leur joie en prend un sacré coup, une fois qu'ils découvrent tous mes otages blessés, à l'agonie.

_ Désolé, c'était eux ou moi, je tente de les convaincre piteusement. Ils ont voulu s'en prendre à un chasseur de primes. Mais Bobby Lapointe a su gérer l'affaire.

Là encore, ces chiens regrettent de m'avoir remercié peut-être un peu trop vite. Même mes pouces levés n'arrangent rien.

Après quoi, je reste encore quelques jours sur l'île, afin de régler les derniers détails d'ici l'arrivée de la Marine, qui avait été prévenue au début de ma mission.
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