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Tsukigane mon adorée

Tsukigane mon adorée : FB – 1626 – Manshon



Cette partie en Flashback va raconter une partie de l'histoire d'Ôda et plus principalement deux choses : la façon dont il a obtenu Tsukigane et également son retournement de veste et sortie de la mafia avec toutes les complications qui s'en suivent. Bonne lecture !


Mes phalanges fermées s’abattirent une énième fois sur le visage de cet homme, lui soustrayant une gerbe de sang et une plainte sourde. Une nouvelle fois. Encore. Et encore. A force de torturer mon opposant, une douleur de plus en plus intense me prenait et me lançait au niveau des mains. Mes os ne se cassaient pas à force d’expérience, mais la douleur de la peau qui se coince et s’arrache au contact puissant du crâne de l’adversaire demeurait elle intacte, à chaque bagarre. Toujours. Après une série de droite en pleine gueule, je relâchais de ma main gauche le veston de l’homme qui s’écroula en arrière, faute d’avoir assez de force pour rester debout. Vous savez désormais quel est mon travail, et ce depuis de bien trop nombreuses années maintenant. J’avais développé au sein de la mafia, une compétence bien spécifique pour casser des gueules. Je connaissais l’anatomie humaine. Je savais où frapper. Je savais comment frapper. Je savais faire mal. Je savais faire parler. Après tout, ça avait été l’objectif pour moi. Etant esclave depuis mon enfance, la seule façon pour moi d’obtenir des choses, avait été de me rendre indispensable pour l’homme qui m’utilisait. Au départ, j’avais dû attendre le moment propice pour intervenir et mériter son attention. Ensuite, ce fut au sein d’une bande que l’on m’avait attribué un rôle, comme de la chair à canon, destiné soit à faire gagner du temps, soit à gagner. Ce fut le cas. Puis je deviens alors l’un des gardes du corps de l’homme qui avait ma propriété. Enfin, je devins son « ombre » comme il aimait à m’appeler. C’est-à-dire l’homme que l’on envoyait pour régler les affaires du boss, et cela se faisait rarement sans gerbe de sang. Mais depuis que j’occupais ce poste, j’étais beaucoup mieux traité, je mangeais plus à ma faim. Cela m’avait-il rendu plus protecteur envers les autres esclaves. Naaaan. Vous imaginez bien que non ! Seul moi comptais. Avais-je compté sur les autres pour ainsi m’élever ? M’avait-on tendu la main ? Non.

L’homme s’écroulait donc lourdement sur le sol. Il tentait de se retourner sur le ventre avant de ramper comme pour échapper à son détracteur. C’était insignifiant, désolant et ne m’apportait aucune joie, ni aucune peine. Comme un ouvrier devait aller à l’usine tous les jours, je cassais des gueules, sans sentiments. Cet homme qui rampait comme une limace s’appelait Rodrick, c’était le chef d’un petit réseau d’espionnage à la solde de mon « propriétaire ». L’argent faisant tourner le monde, Rodrick avait accepté une certaine somme d’argent de la part d’un tiers afin de cacher des informations aux yeux de mon boss, mais forcément, un oiseau avait piaillé, cafté, qu’une somme d’argent était passée en douce de main en main pour taire certaines informations. Aujourd’hui, Rodrick devait payer la taxe, celle de la trahison. Non seulement il devrait dévoiler ce secret qu’il gardait, mais en plus, il allait payer en sang et en Berrys. Il avait essayé de détaler en me voyant arriver, mais c’était sans compter sur un entrainement plus que sévère de ma part pour réussir à faire des pointes de vitesse, chose qu’il n’avait pu faire avec son corps maigrelet. « Tu sais parfaitement ce qu’il veut savoir, alors épargne moi d’une soi-disant loyauté achetée de toute pièce et donne-moi les informations que je recherche. ». L’homme sur le ventre se fixa, réfléchissant sans le dissimuler à l’offre je venais de lui faire. Je n’avais aucune envie d’être là dans le vieux port, j’aurai préféré retourner auprès de Notre Dame du Crime qui m’avait vu naître, entendre sa belle et mélodieuse cloche sonner, tinter et faire rayonner mon âme damnée. Rodrick se remit alors à ramper en râlant d’agonie, visiblement pas décidé à me donner l’information. Je pris une grande inspiration, suivi d’un grand soupir de lassitude alors que je fouillais dans ma poche pour en sortir une friandise, une sucette goût fruit rouge que j’appréciais particulièrement. Directement collée à la paroi de ma joue gauche, j’avançais lentement vers Rodrick, décidé à tout de même avoir cette information. J’appuyais de mon pieds sa rotule sur le sol avant de l’attraper par les cheveux. Plantant mon regard océan dans le sien, je continuais. « Que va dire Sam-Sam ? ».

Quel abruti je pouvais faire ! J’aurai bien évidement dû commencer par là. En à peine quelques secondes après avoir menacé le fiston adoré de Rodrick, il m’avait donné l’information que j’étais venu chercher. Je relâchais ma prise et le laissais donc se carapater avec difficulté. Le regardant s’éloignant tout en croquant dans ma sucette, j’admirais les fruits d’un travail bien fait. A plusieurs reprises je m’étais rendu compte que seulement deux choses dirigeaient ce monde. Vous pensez peut-être aux politiques, à la puissance, aux femmes ou autres sornettes, mais vous avez tort sur toute la ligne. Ce qui dirige le monde, ce sont le savoir et l’argent. En ayant l’un et l’autre, l’on pouvait rapidement devenir le maître du monde. Comment pensez-vous que la mafia réussissait à perdurer sur Manshon ? Ils ont le pouvoir acquis grâce à l’argent par lequel ils payaient : le silence des uns, le service des autres, leur armée et une très grosse quantité d’armes. Le savoir, ils l’achetaient aussi avec l’argent, via les réseaux d’espionnage comme celui de Rodrick. Je ne faisais pas exception, j’étais l’un des gars de cette « armée » dont je suis en train de vous parler. Mon propriétaire utilise ma force et me paye en fonction. Bien qu’esclave, je n’en avais que le titre. Après je n’avais pas vraiment essayé de me dérober et de me comporter comme un quidam égal à égal, comme un simple mercenaire. Car j’étais bien trop sage pour essayer de me mettre la mafia à dos. J’en mourrais. J’étais fort, mais pas autant. Etais-je heureux au service de ce Ripio ? Bien sûr que non ! J’avais du mal à me remettre de mes blessures qu’il m’envoyait déjà au casse-pipe, je finirais bien par y passer un jour. Surtout que mes missions devenaient de plus en plus difficiles. Pouvais-je me plaindre, râler, démissionner, fuir ? Non. La mort m’attendait. Je devais attendre le moment propice. Ripio ne faisait pas partie des Sept familles qui contrôlaient Manshon, mais il était un petit de l’une des familles, qui le laissait faire en échange d’informations et de Berrys, vous vous en doutez.

« Clochard ! Tu fous quoi là ? ». Je sursautais de surprise alors perdu dans mes pensées et mes explications. Ce salopard de Crooks venait d’apparaître derrière moi. Me penchant un peu en avant, je frappais plusieurs fois sur ma poitrine pour recracher le bout de sucette que je venais d’avaler de travers, de surprise. Clochard était mon nom pour la mafia, pour les hommes de Ripio et pour Ripio lui-même. Pourquoi ? A cause du son que je faisais en me déplaçant. J’avais aux oreilles des petites boucles qui tintaient doucement et à ma ceinture une plus grande qui faisait tout de même un son mélodieux. Oui, j’étais, je suis et je resterai toujours passionné par les cloches et le son magistrale qu’elles produisent. Mon surnom n’était en rien gage de mon hygiène, quoi que. Crooks lui avait été surnommé comme ça à cause de la taille magistrale de ses pieds. Tellement grand qu’il ne trouvait pas de chaussures à sa taille. Il était obligé de les fabriquer lui-même. Finalement, c’était qui le clochard ? Crooks ne ressemblait pas à grand-chose : un gros, grand, gras avec une gueule cassée et des pieds trop grands. Je détestais ce type, il était malgré son imposante stature d’une légèreté incroyable. Fin bagarreur, pieds agile, il représentait pour moi la plus grande menace du crew de mon boss. Ripio voulait absolument que l’on travaille ensemble « mains dans la main » comme il aime le dire, mais lui et moi, c’est blanc et noir. Je suis petit et bruyant, il est grand et discret. Je suis beau et fort. Il est laid et fort aussi. Quelle plaie ! En me retournant, je vis alors sa vieille face d’ahurie avec un grand sourire, chercher à savoir ce que j’étais en train de faire. En vérité, il voulait simplement que je lui donne l’information pour la ramener à Ripio comme un chien ramène son os à son maître. « Tu n’as pas autre chose à foutre que de m’épier Crooks ? » Lâchais-je de dégoût. Ce salopard m’avait fait cracher ma dernière sucette. J’allais être de mauvaise humeur c’est certain, surtout qu’il désirait absolument m’accompagner, me titillant tout le chemin pour que je lui donne l’information.

Ce qu’il avait le don de me taper sur le système ce « pieds plats ». Cela faisait une bonne heure que je marchais en compagnie du gros qui ne cessait de me tourner autour. Il répétait sans cesse que je devais lui dire sinon Ripio ne serait pas content que ce ne soit pas lui qui lui annonce. Les sourcils froncés, concentré sur le tintement de mes boucles d’oreilles, je mis ma main sur la poignée de la porte du bureau de mon boss avant de me faire propulser sur le côté. Crooks était rouge, il était en train de s’énerver. C’était très important pour lui que ce soit lui qui ramène l’information au mafieux. Bien que je n’en avais pas grand-chose à faire de lui dire moi-même, je prenais un malin plaisir de voir que Crooks se rongeait le frein de ne pas avoir l’information. Voir ce visage rougit de colère était tellement jouissif que j’émis un large sourire, avec un petit clin d’œil avant de finalement entrer dans le bureau, toujours avec gras double sur mes talons. Il faisait sombre dans ce bureau qui ressemblait plus à un salon. Ce lieu puait le luxe, pourtant dans les quartiers défavorisés de Manshon, Ripio ne se refusait rien. L’ambiance était très Yakuza des temps modernes, avec de lourdes touches de rouge et de noir, de la fumée très légère qui se diffusait dans la pièce. Un simple signe de main du petit mafieux et nous avancions avec Crooks qui lui cependant ne s’arrêtait pas devant le bureau, mais passait lentement derrière, se postant à la droite de Ripio. Les deux étaient très proches, bien plus proche qu’avec moi. Ils se tutoyaient alors qu’il avait déjà refusé que je le fasse. Ripio savait, qu’un jour ou l’autre, je retournerais ma veste. Je le voyais dans son regard, je le voyais aux tâches qu’il m’assignait. Crooks était bien plus loyale que moi. Ce chien.

« Alors Clochard, as-tu l’information que je t’ai demandée. »
« Vous ai-je déjà déçu ? »
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