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[FB] Convocation non officielle [PV: Salem]

Bien obligée de reprendre mon poste après cette embardée, la jeune Charlie était repartie avec ses parents et l’évènement autour de l’énorme bâtiment nommé Léviathan suivait son cours sans la moindre anicroche. Il était même probable que la majorité du public ne se soit aperçu de rien et c’était tant mieux. Nous étions là pour assurer leur sécurité, pas pour attirer l’attention.
C’est donc encore les cheveux mouillés après ce risque de noyade et l’uniforme trempé au point que des gouttes s’échappaient régulièrement de mes coudes alors que je tenais mon fusil que mes bottes gémissaient à chaque pas, que je repris ma garde en espérant que tout cela ne soit dorénavant qu’une mauvaise aventure. Hélas la page refusa de se tourner.
Tout ceci, la poursuite d’une civile dans la ville – l’héritière de la famille Valentine qui plus est – puis la destruction d’un petit pont de corde, tout ça pour finir dans l’eau et frôler la mort, uniquement sauvée par celui qui avait justement causée cette course-poursuite. Tout ceci était remonté jusqu’aux oreilles de la personne pour qui existait toute cette célébration, le Colonel Fenyang.
Je ne le connaissais pas personnellement mais ses actes, notamment pour l’ile, en avait fait une personnalité célèbre et appréciée. Le « Sauveur de Shell » d’après certains. Un titre sacrément pompeux si vous voulez mon avis. Mais quoi qu’il en soit j’ignorais encore que les problèmes n’étaient pas terminés, bien plus occupée à faire de mon mieux pour me fondre dans la masse et me faire oublier malgré la flaque d’eau de plus en plus visible à mes pieds.

« Sergent Emerald, vous êtes convoquée par le Colonel. »

L’homme qui venait de parler c’était mon formateur, tout ce que je connaissais du milieu militaire et des différentes compétences martiales, tout venait de lui. Outre les gardes j’avais une immense estime de lui, un profond respect pour tout ce qu’il m’avait enseigner depuis mes premiers jours dans la Marine, et il le savait. Il devait respecter les ordres mais une convocation par un supérieur c’était très rarement pour une bonne nouvelle. Je le voyais serrer les mâchoires lorsque je passai devant lui.
Le fusil à l’épaule et la tête droite, je m’avançai encore trempée jusqu’à la porte du bureau de cet homme considéré comme un héros sur mon île natale. Je venais de frôler la mort, j’en portais encore les stigmates et c’est le cœur battant que je vins frapper trois coups secs d’un poing en métal contre le bois de la porte.
Je n’aurais pas dû quitter mon poste, c’était ma première faute. J’avais mit en danger les habitants avec la chute de ce pont, ma seconde faute. J’avais échouée à protéger cette gamine fuyarde, troisième erreur. En une seule journée cela faisait beaucoup.
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Sauf que la gamine avait bien dû attendre une bonne dizaine de minutes devant ma porte… Sans retour. Sans aucune réponse. Sans… Rien du tout. N’importe qui pèterait un câble dans cette situation en se pensant snobé, quelque chose comme ça. Sauf que non. Je ne la snobais pas. Le fait est que je n’étais tout simplement pas dans ce grand bureau qui était le mien, puisqu’il me fallait voir si tout était Ok sur le chantier et qu’il n’y avait pas plus de casses. Après quoi, j’avais fait un détour au marché de ville pour m’acheter des brioches farcies à la viande de roi des mers… Et bordel que c’était bon ! Hyper bon même ! Onctueux ! Il n’y avait qu’à voir comment je m’empiffrais en marchant jusqu’à la base pour le comprendre. Forcément, c’est en bouffant que je finis par débarquer dans le couloir qui donnait sur mon bureau, avant de voir une silhouette postée devant ma porte à m’attendre. Et là, je m’exclamai…

- « Mhhhh ? Mais queschqu’il ya ? Tchu mattchendais djepuis lontchemgs ? »

Forcément, parler la bouche pleine, c’était pas ce qu’il y avait de mieux. Mais il fallait me comprendre quelque part : les spécialités culinaires de Shell étaient fabuleuses ! Je fondais toujours autant lorsque je passais par le marché. C’est là que je me fis la réflexion que j’étais bien luné de m’entrainer quasi toujours pour garder la forme, sans quoi je serai devenu obèse et pas qu’un peu. Avant donc ce que j’avais en bouche, je finis par m’arrêter aux côtés de la gamine que j’avais rejoint avant d’avoir une tronche surprise. « Oh ! T’es la meuf qui a gaffé aujourd’hui, non ? Pas d’bol, hein ? » Et là-dessus, je me mis à me marrer. Est-ce que j’étais décomplexé sur le sujet ? Clairement. Et c’était d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais insufflé plus de sérénité et bien plus d’humanité dans une base qui en manquait cruellement depuis un moment. D’ailleurs, je la reluquai de haut en bas sans trop de gêne, avant de lui souffler doucement :

- « Je suis ok pour les t-shirts mouillés dans la sphère privée, mais là, t’es pas présentable. Va donc te changer comme il faut et reviens me voir. Promis, cette fois-ci, je bouge pas de mon bureau. On aura tout le temps pour nous ! »

Suite à mes phrases à la fois taquines et apaisantes, je passai une main sur la tête de la gaffeuse pour l’ébouriffer plus que de raison. Gamine ? Ouais. Pour ma part, elle l’était vraiment. A vue d’œil, elle ne devait surement pas dépasser la vingtaine. Moi ? J’étais encore jeune (comme en témoignait le fait que j’étais torse nu avec seulement pour haut mon manteau de colonel sur les épaules), mais j’allais bientôt sur la quarantaine. Pas de quoi perdre mon côté bon enfant qui s’exprima également par le fait que sans même sans consentement, je lui fourrai dans la bouche une de mes bonnes brioches ! « Goute-moi ça, tu m’en diras des nouvelles quand tu reviendras ! » Que j’lui dis, avant d’ouvrir la porte de mon vaste bureau muni d’une superbe baie vitrée qui donnait une vue imprenable sur une partie de la base. Je rabattis la porte du bureau derrière-moi sans la fermer, pour qu’elle puisse entrer lorsqu’elle reviendrait avec un air plus présentable…

Et là, j’allai me poser derrière mon meuble avant de commencer à consulter mes dossiers du jour… Tout en continuant à bouffer !
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Alors j’attendis, poliment, patiemment, en silence. Les secondes passèrent sans qu’une réponse ne résonne de l’autre côté de la porte. Je frappai à nouveau au cas où il ne m’aurait guère entendue et malgré une hésitation très présente. Pourtant rien, toujours rien. Je regardai à droite, à gauche, personne. Fallait-il que j’entre ? L’idée me traversa l’esprit mais fut rapidement balayée par un souvenir de ma formation et les conséquences qui en avait découlées après avoir franchie une porte sans autorisation. Alors j’attendis. Les secondes se transformèrent rapidement en minutes puis en dizaine de minutes. Bien assez de temps pour que mon uniforme commence à sécher et que je puisse faire un point sur ma situation.

Finalement adossée contre le mur jouxtant la porte je me redressai bien vite en voyant débarquer le dit-Colonel. Je n’eus aucun mal à le reconnaitre, son visage était aussi connu que son nom, par contre je ne m’attendais pas à ce genre de comportement si loin de sa réputation. L’homme que beaucoup appelait héros arrivait torse nu avec une simple veste sur les épaules, tout abdos et pectoraux saillants, et les bras chargés de victuailles. Visiblement il revenait du marché et n’avait pas été mit au courant sur ma convocation. Etrange. Je ne fis pourtant aucun commentaire, plus choquée par le comportement de cet homme que ce qu’en disaient les rumeurs à son sujet. Il était parait-il honorable, brave, particulièrement intègre et charismatique. Pourtant j’avais devant les yeux un homme d’une quarantaine d’années ayant des centaines de soldats armés sous ses ordres et qui se comportait comme un enfant. Energique et avenant, trop avenant à mon goût, il m’intima l’ordre d’aller me changer et me collai soudainement dans le bec une épaisse brioche fourrée, avant d’entrer dans son bureau.

Qu’est-ce qu’il venait de se passer ? C’était qui ce type ? Je recrachai aussitôt le met, hésitant à quoi en faire dans une telle situation. La porte mi-clause me dissimulait à son champ de vision. Je tournai finalement les talons, jetai la brioche dans la première poubelle disponible et revint peu après, séchée et dans un nouvel uniforme fraichement repassé.
Ravalant ma salive j’inspirai profondément et poussai la porte. Un pas, deux pas, puis talons joints le fusil à l’épaule et la main bien droite au niveau du sourcil avec le menton haut et le torse bombé.

« Lieutenante Lucy Emerald, Colonel. A vos ordres. »

Le salut militaire travaillé maintes et maintes fois, jour et nuit était à présent parfait. Et un soldat ne parle que lorsqu’on l’y autorise. Un soldat est avant tout une arme, un outil au service du gouvernement. C’est ce que j’avais appris et que je reproduisais avec fierté, malgré mes erreurs de la journée. Dans cet optique et espérant ne pas aggraver mon cas je pris soin de ne prendre aucune initiative, surtout sans être certaine que cela ne sera pas mal prit par cet homme excentrique.
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- « Lieutenante ? Vraiment ? »

Je tiquai. C’était la première fois que j’entendais parler de cette lieutenante. Si je ne pouvais évidemment pas connaitre personnellement tous les hommes sous mon commandement depuis un an maintenant, j’avais néanmoins pour habitude de faire connaissance avec la plupart des officiers subalternes et supérieurs des bases où j’officiais. De ce fait, la jeune Emerald qui se présentait devant moi ne me disait absolument rien… Ce qui était bizarre. Sourcil haussé pendant un moment, je finis par hausser mes épaules et par reprendre un peu de brioche en ouvrant un document qui relatait grossièrement l’incident qui s’était déroulé aujourd’hui. Rien à dire… Les gratte-papiers du coin savaient faire leur boulot. Pouvoir m’écrire tout un compte rendu en moins d’une heure, c’était une prouesse dont je ne serai jamais capable. C’est même à se demander si je n’aurai pas dû devenir commodore pour casser des gueules sur les mers, plutôt que d’être assigné à une base fixe et gérer la défense de toute une ville. Enfin… Trop tard pour penser à une reconversion… D’autant plus que j’étais bien ici. Très bien même…

- « Enfin bon ! Merci d’être venue. J’imagine que tu te doutes bien de ta présence dans mon bureau… Tu peux venir t’asseoir ici ! »

Pas du tout protocolaire pour un sou, je lui désignai un siège faisant face à mon bureau, pendant que je dégustais mes brioches. Pour ne rien arranger à ma posture, j’avais foutu mes pieds sur le meuble devant moi, ce qui me donnait un air encore plus décontracté. Si moult soldats avaient eu du mal avec mes manières au tout début de mon mandat, ils avaient tous fini par s’y habituer par la force des choses. Il faut dire qu’en plus d’être assez puissant pour un colonel, j’étais également très sympathique. Il y avait encore quelques personnes guindées et étriquées d’esprit, mais qu’importe : ce qui importait dans les rangs, c’était les résultats, les prouesses. L’éthique et tout ce qui ce qui avait attrait à l’étiquette venaient bien après. C’était la raison pour laquelle on pouvait voir des officiers fumer en pleine réunion, des officiers avec des tenues extravagantes etc. Un fait qui datait de très longtemps, si l’on en croyait les archives de la marine. Lors du siècle passé, le fameux colonel Smoker avait pour habitude de se paver torse-nu comme moi… Autant dire qu’en la matière, je n’étais pas un excentrique, mais encore fallait-il le savoir…

- « Bon alors… Tu m’expliques ce que t’as foutu ? J’ai un rapport sous les yeux, mais j’aimerais entendre ta version des faits en détail… »

Et cette fois-ci, il eut un certain changement d’ambiance. Déjà dans ma voix qui était devenue bien plus rauque et bien plus grave, mais ensuite dans mon regard qui en disait long sur tout le sérieux que je pouvais avoir. Sans pour autant retirer mes pattes de mon bureau, c’est avachi comme un pacha dans mon fauteuil que je lui accordai toute mon attention, non sans m’emparer d’une bouteille d’eau dans les mains. Il y avait un temps pour être décontracté, très chill, faire le mariole… Et un autre pour être très sérieux, alerte à tout ce qui se passait et sévir s’il le fallait. Pour le moment, je n’avais prévu aucune sanction… Mais son sort dépendrait de comment elle me présenterait la chose et si elle éprouverait des remords ou non, des regrets ou pas du tout, avec les excuses à l’appui… Ou aucune. Bref, la lieutenante avait son sort entre les mains, tout simplement. C’est d’ailleurs à ce moment précis que je l’observai sous toutes ses coutures, tout en me faisant la réflexion qu’elle devait surement faire un tabac autour d’elle. Elle était peut-être pas aussi bien gaulée comme je les aimais, mais elle était assez belle pour surement en faire fondre plus d’un…

Salem plus jeune:
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A l’écoute de mon grade il parut surpris. Je restai impassible malgré une certaine interrogation également. Peut-être n’avait-il réellement jamais entendu parler de moi malgré ma présence dans ses subordonnés. Après tout je ne faisais rien pour sortir du lot ou paraitre absolument exceptionnelle, bien au contraire, et puis entre toutes les missions et l’administratif il avait certainement autre chose à penser.
Il m’invita à m’assoir, je regardai le siège proposé puis lui puis le siège avant de finalement me décider à poser mon postérieur d’acier, après tout il s’agissait peut-être d’un ordre déguisé en proposition afin de détendre l’atmosphère avant d’entrer dans le vif du sujet. Tactique classique de tout supérieur ne voulant pas paraitre trop sévère.
Les mains sur les genoux, le regard droit malgré un rythme cardiaque en accélération douce je restais silencieuse et patiente. C’est là qu’il me demanda ma version de l’histoire alors qu’il tenait au bout de ses doigts le rapport officiel. Je fus d’ailleurs très surprise que cela fut rédiger aussi vite. L’administration ne brillait pas par sa rapidité d’habitude.

« Alors hum … » Un rapide raclement de gorge fut nécessaire avant de reprendre convenablement alors que lui se mettait clairement à l’aise, les pieds sur le bureau et le torse saillant. « J’étais affectée à la sécurité de l’évènement, éviter les mouvements de foule et divers problèmes pouvant potentiellement gâcher les festivités. Le navire de la famille Valentine arriva avec beaucoup de retard, je leur demandai de jeter l’encre plus loin afin de ne pas gêner mais leur fille en profita pour fuguer. »

Marquant une très courte pause j’en profitai pour desserrer ce col trop étroit et étouffant avant de poursuivre.

« Au cas où vous ne seriez pas au courant les scientifiques de cette famille sont à l’origine d’énormes progrès technologiques, moi-même je porte des pièces qu’ils ont inventés. » Expliquai-je en remuant les doigts sur mes genoux, le cliquetis du métal résonnant dans le petit bureau.
« Ne voulant pas que cette fugue pose plus de problème encore, je confiai mon poste au sergent Man et partis à la recherche de leur fille, qu’il a fallu ensuite convaincre de rejoindre les siens. N’étant pas coopérative cela prit bien plus de temps que prévu. Mais en fin de compte qu’elle finit par accepter après une longue discussion. Seulement sur le retour le pont encordé qui devait nous permettre de rentrer s’est rompu et nous sommes tombé à l’eau. J’ai protégée la civile des chocs avant le plongeon puis j’ai perdu connaissance alors que le courant nous emportait. A mon réveil nous étions sur le quai, saines et sauves malgré quelques blessures superficielles. »

J’espérais avoir été claire et concise, sans risquer de le perdre dans des détails sans importance.

« J’ai abandonnée mon poste pour secourir une famille et malgré tout leur fille a risqué la mort. J’ai failli à ma mission. Je reconnais mes fautes et en assumera toutes les conséquences que vous jugerez approprié. » Annonçai-je les yeux dans les yeux, les poings serrés et le cœur battant.

Tout acte a ses conséquences et il était important de savoir y faire face. C’était comme ça que j’avais grandi et que je voyais le monde à présent.
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- « Même si la conséquence serait ton licenciement pur et simple ? »

Après la fin de son résumé des évènements, je lui avais répondu du tac au tac, sans attendre. L’idée était de voir sa réaction, bien que je ne pensasse pas vraiment à la virer, oh que non ! J’étais loin d’être un supérieur retors et dans un sens, j’estimais que j’avais moi aussi fauté deux fois dans cette histoire. Ma première faute avait été d’avoir autorisé cet évènement et l’on ne m’y reprendrait plus, très clairement. La deuxième avait été de ne pas être sur place pour superviser le tout au moment même où l’évènement battait son plein. En effet, j’étais dans le lit d’une de mes nombreuses amantes. Ce n’est qu’après le drame qu’on m’avait contacté par escargophone et que j’avais filé sur les lieux pour voir s’il n’y avait pas plus de casses que ça, avant de faire un ricochet par le marché pour me prendre un peu de bouffe et revenir à la base. A bien des égards, j’avais moi aussi failli. Mais bien évidemment, motus et bouche cousue, heh.

Quel gradé serait assez fou pour se mettre en porte-à-faux ?

- « Après tout, ce serait la situation la plus facile pour moi. Te virer, faire un communiqué pour apaiser les tensions tant à l’interne qu’à l’externe et passer à autre chose… »

J’eus un sourire faussement mauvais. Je titillais la gamine pour voir ce qu’elle avait dans le ventre. A vrai dire, je ne détestais pas les marines avec un fort caractère ; même si évidemment, il y avait des limites à ne pas franchir avec moi en dépit de mon laxisme. A bien y réfléchir d’ailleurs, il est vrai que la plupart des officiers auraient surement choisi l’option de la radiation… Ou dans une moindre mesure, une rétrogradation sèche. Les idées pour lui mener la vie dure, c’était clairement pas ce qui manquait, d’autant plus qu’elle faisait une tête de victime qui poussait à la titiller un peu. « Ou alors, je pourrais profiter de toi comme la plupart de ces gros porcs d’officiers adeptes de la promotion canapé ! Après tout, t’es mignonne et t’es pas encore un tas de ferraille, nfufufu ! » Est-ce que je poussais le bouchon loin ? Un peu. D’ailleurs, j’attendis un peu que l’information passe pour ensuite effectuer un geste de la main comme pour lui dire que je n’irai pas jusque-là.

- « Inversons les rôles pendant un moment, gamine… »

Je repris une posture on ne peut plus sérieuse, avec le ton qui allait avec, bien entendu. En vérité, je ne lui ferai rien. Elle avait sauvé une civile au péril de sa vie et c’était quelque chose de louable. Le reste n’était qu’un malheureux concours de circonstances comme il pouvait en arriver de temps à autre. Le destin s’avérait parfois facétieux et j’étais très bien placé pour le savoir. Qui plus est, tout ce qu’elle m’avait raconté concordait avec le rapport que j’avais sous la main. Elle était d’autant plus à féliciter qu’elle n’avait pas cherché à me mentir. Tout simplement admirable. « Imaginons que ce soit toi la cheffe et moi le gaffeur dans la même situation. Qu’est-ce que tu m’aurais infligé comme sanctions ? Prends ton temps pour réfléchir. » Ma question avait été posé sans sourire, bien qu’elle m’amusât intérieurement. Il n’y avait d’ailleurs aucune mauvaise réponse. Plus que les sanctions, je cherchais surtout à cerner sa psyché et son management.

Après tout, si elle était déjà un officier, la prendre sous mon aile et la former un brin ne serait pas déconnant, non ?
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« Même si la conséquence serait ton licenciement pur et simple ? » Questionna le général du tac au tac.

Était-ce de la provocation ? Devais-je répondre ? Avec ce ton employé je ne parvenais pas à reconnaitre s’il s’agissait d’un test ou d’une blague. Dans le doute je préférai rester parfaitement stoïque et neutre malgré une certaine difficulté à dissimuler mes doutes. Peut-être les percevait-il car il enchaina en un sermon mêlé de menace, et je n’avais aucun argument à proposer pour me défendre. De toute manière je n’avais pas le droit de parler alors cela n’aurait rien changer. Je fixai le mur droit devant moi tel qu’on me l’avait toujours appris, attendant et encaissant les critiques sans broncher, comme tout bon soldat responsable digne de ce nom.

Cependant à son évocation d’une possibilité de viol – car c’était précisément ce qu’il décrivait – je le fixai lui d’un regard on-ne-peut-plus sérieux. Un regard provocateur, noir, qui le mettait au défi d’oser passer des paroles aux actes. J’avais beau être immensément loyale envers la Marine et le Gouvernement, principalement pour tout ce que leurs membres m’avaient appris et leur technologie grâce à laquelle j’étais encore en vie aujourd’hui. Cependant ma loyauté comportait malgré tout des limites à ne pas franchir.

Toujours muette je le laissai poursuivre son monologue sans plus le lâcher du regard, cherchant dans son comportement, ses mots, ses gestes, un quelconque indice annonçant son passage à l’acte. Il n’en fut rien. Au contraire presque, il voulait savoir quelle aurait été ma réaction si les rôles avaient été inversés. Une question bien difficile, le piège sautait aux yeux derrière une telle interrogation et il fallait faire attention à ne pas tomber dedans.
Prenant quelques secondes avant de m’exprimer je cherchais les mots juste à employer sans que cela ne paraisse trop lunaire :

« Et bien si les rôles étaient inversés, j’illustrais votre sens du devoir auprès de vos camarades, mais malgré tout avec une punition comme quelques des quarts de surveillance supplémentaires. Après tout un abandon de poste ne doit pas rester impuni, même pour une bonne action. » J’accompagnai mes dires d’un acquiescement du menton franc et assuré. « J’aurai dû demander l’autorisation à mon chef de patrouille avant, mais le temps manquait. La Marine est au service de la population et sous les ordres du gouvernement, la sécurité des habitants de Shell Town est une priorité, Général. »

Les mains droites le long du corps je m’inclinai respectueusement face à mon supérieur hiérarchique.

« Je vous présente mes excuses pour cet excès de zèle, malheureusement je ne peux vous promettre que cela n’arrivera plus. Je suis née sur cette ile, ses habitants sont ma famille et je veille toujours sur ma famille. »

Au moment de me redresser il pouvait voir la détermination et l’assurance dans mes yeux. Si pour sauver des gens il fallait désobéir aux ordres je n’hésiterais pas une seconde, quitte à assumer à mon retour.

« Puis-je vous demandez Général ce que vous auriez fait dans ma situation ? Seriez-vous resté à votre poste ? »
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