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Négociations politiques, ou l'art de l'embrouille mutuelle

Neilos regrettait déjà son caprice qui l’avait conduit à intégrer le Cipher Pol. Ou il avait mal lu le contrat de douze pages qu’il avait gratifié de sa signature. Il savait que les missions d’assassinat demeuraient l’apanage du CP9, pas qu’il s’en plaignait puisque tuer quelqu’un ne s’inscrivait pas dans ses projets, mais il ne s’attendait pas à une négociation politique de haute volée pour sa première grande sortie. Organiser une rencontre avec la dirigeante de l’entreprise Mutualisation des Moyens Maritimes des Marées de Monblanc, basée à Luvneel, pour la convaincre de fournir le Royaume-Archipel de Sanderr, situé sur la même mer, en ressources alimentaires comme matérielles, rien que ça.
Il ne connaissait même pas l’existence de ces pays jusqu’à la lecture de son ordre de mission par un bureaucrate blasé. North Blue, c’était loin d’Alabasta.

— Vous n’avez pas quelqu’un de plus qualifié que moi ? Vraiment, je vous jure, n’importe qui ?

Sascha, coordinateur du CP5 depuis plus de trente ans, haussa un sourcil, et réajusta ses lunettes qui glissaient le long de son nez d’aigle. Il avait vu défiler des agents dans son bureau, et fut premier spectateur de pléthore de réactions face à des ordres de mission, d’un rictus en coin à un éclat de rire en passant par le dégout incarné, mais celle-là, on ne la lui avait encore jamais faite.

—En tant que personnel du gouvernement mondial, vous devez être prêt à tout moment à rendre service aux intérêts supérieurs d’une nation reconnue, quelle qu’elle soit, dans le respect des valeurs fondamentales de notre société, récita d’un ton monocorde le quinquagénaire.
—Je suis d’accord avec vous, mais vous avez vu ma gueule ? Moi, négocier ? Seigneur, si je ne provoque pas un accident diplomatique, ça relèvera déjà du miracle. Puis ça devrait plus être du ressort des numéro un, les relations interétatiques, non ?
— Vous êtes un agent de catégorie III, non ?
— Oui, mais…
— Mais quoi ? Si ce statut vous appartient, c’est que vos compétences ont été reconnues à la hauteur. Si j’en crois votre dossier, vous avez un niveau décent en manipulation et une « capacité à se sortir de situations embarrassantes par des discours créatifs » ?
— Ce n’est pas beau dit comme ça.
—La question n’est pas là. Si cette mission vous a été assignée, c’est qu’il a été jugé que vos capacités y correspondent. Le royaume de Sanderr nous a offert sa confiance pour une opération cruciale dans le développement correct de son économie et de sa population, il est impératif de ne pas les décevoir.
— Bah justement, en m’envoyant, vous courrez ce risque.

Les traits nobles de Sascha se déformèrent sous l’effet de l’agacement. Lui qui tourmentait avec plaisir les fonctionnaires de terrain qui passaient dans ces couloirs, voilà que la pareille lui était rendue par un nouveau venu. Le pire ? Il ne saurait dire si le blond sabotait consciemment ses efforts de persuasion, ou si sa pénibilité était innée.

— Bon sang, vous êtes un infiltré révolutionnaire, pour vouloir saborder à ce point cette mission avant même qu’elle n’ait débutée !?
— Si je l’étais, vous vous doutez bien que je ne dirais rien.

Une soudaine volonté de meurtre brûla dans les veines et artères de Sascha, qu’il contint avec peine. Les hautes autorités n’apprécieraient pas de perdre un agent, quand les trahisons, désertions et retournements de veste demeuraient fréquents.
Alors il effectua un rapide exercice de respiration, pour retourner à son calme olympien habituel.

— Cet interlude est inutile, en réalité. Je vous annonce par principe le contenu de votre mission, mais sa réalisation, peu importe le résultat, ne demeure pas de votre ressort. Pour être clair avec vous, un refus total d’y prendre part équivaut à une haute trahison. Vous connaissez sans doute les châtiments pour ce crime…

Une main portée à la nuque lui répondit par l’affirmative. La pendaison n’appartenait probablement pas aux idéaux de carrière de Neilos.

— Enfin bref, vous contacterez madame Yägi, ou son secrétariat, afin d’organiser une rencontre. Comme indiqué sur la feuille située sous votre nez, vous vous présenterez comme Julian Aloïs, personnel du gouvernement mondial chargé d’amorcer des relations entre différents pays. Pas de commentaire, nous ne pouvons vous faire passer pour l’ambassadeur de Sanderr, et courir le risque que soit demandé un entretien avec lui ultérieurement. Vous avez une heure pour mémoriser toutes les informations inscrites, à la suite de quoi je ferais disparaître ce document. Vous embarquerez en direction de Luvneel dès qu’un entretien sera fixé. Au travail.


Le cerveau de Neilos surchauffait. Sa mémoire s’avérait certes brillante, mais le coordinateur lui avait fourni quantité d’information sur l’archipel dont il jouerait l’ambassadeur, de son histoire et sa composition ethnique à la couleur préférée du fils du frère de la cousine du cuisinier favori du roi, même s’il doutait de l’importance de cette dernière donnée. Et il s’estimait chanceux de ne pas avoir à y déposer les pieds ; il tenait en horreur le froid, le patin à glace et les troglodytes.

—Eh, monsieur Sascha ! J’ai fini !

L’interpellé émit un son étrange, à mi-chemin entre la surprise et l’approbation ; à peine la moitié du temps impartie était écoulée. Sa conscience professionnelle lui souffla de vérifier la mémorisation effective de l’agent, mais il l’ignora, à la recherche de tout moyen pour exfiltrer de son bureau le Don Quichotte.

— Bien. Maintenant, contactez le secrétariat de mademoiselle Yägi.
— C’est madame ou mademoiselle ?
— Pardon ?
— Tout à l’heure, zaviez dit madame Yägi, là c’est mademoiselle. J’aimerais bien éviter de gaffer trop vite.
—Dites-lui mademoiselle, se faire rajeunir séduit toujours.

L’escargophone se réveilla, sonna dans le vide à plusieurs reprises, puis ses paupières se chargèrent d’un lourd maquillage coloré, sa coquille se couvrit de dentelles, et d’épaisses boucles brunes vinrent couvrir son crâne.

— Bonjour, Daria, secrétariat de la Mutualisation, j’écoute.
—Bonjour mademoiselle…
—Madame.
— Pardonnez-moi, madame. Je suis Julian Aloïs, coordinateur diplomatique du gouvernement mondial pour les pays en expansion, je me permets de vous contacter au sujet du royaume-archipel de Sanderr...
— Du ?

Neilos roula des yeux, se remémora que les escargophones transmettaient les émotions des allocutaires, puis que les lunettes de soleil dont il ne se séparait jamais prenaient part intégrante dans les objets reproduits.

—Le royaume-archipel de Sanderr, un état membre du gouvernement mondial, situé sur North Blue. Nous souhaiterions rencontrer mademoiselle Yägi, afin d’envisager un accord pour le développement et le rayonnement de ces deux Etats.
—Mademoiselle Yägi est une femme très occupée…
— Je comprends bien, mais il s’agit d’une demande de la plus haute importance.
— Toutes les demandes sont importantes, si on écoutait chaque individu qui nous contacte.
—Ce que nous vous proposons ici, c’est une alliance avec l’un des royaumes de North Blue, en plein développement. Nous ne voulons pas vous forcer la main, bien évidemment, mais il nous semble cependant que cela se range assez haut dans la hiérarchie de l’intérêt.
—Je vais voir ce que je peux faire.

Par chance, elle raccrocha mal. Sascha et Neilos assistèrent donc à une comédie, l’image en moins, basée sur des cris et des échos, à la recherche de mademoiselle Yägi, ou, à défaut, de son agenda.
Un ange passa, et Daria reprit le combiné en main.

—Où vous situez-vous actuellement ?
—Euuuh…

Neilos observa Sascha effectuer de larges gestes. Pas d’inquiétude, il ne comptait tout de même pas répondre « Je suis à Marie-joie parce que Cipher Pol et on ne sait pas où me mettre ».

— Marie-joie. Il est plus simple pour mon unité de coordonner nos propositions diplomatiques d’ici.
— Comptez-vous emprunter le réseau Marijoan, afin de rejoindre Luvneel ?

*Non non, je vais faire trois fois le tour de Red Line, chercher le One Piece, pour débarquer dans ton coin paumé*.

— Vous me devancez. Bien évidemment.
—Mademoiselle Yägi vous recevra dès que vous vous présenterez.
—Elle ne vous a pas confié de date exacte ?
— Mademoiselle Yägi considère les formalités administratives comme une futilité et une perte de temps.
— Je vous remercie de la rapidité avec laquelle vous avez exaucé ma requête.
— C’est ça. Bonne journée.

Un instant de flottement, et Neilos se tourna vers le gratte-papier, frappé par une réalisation soudaine.

— Eh, je lui ai parlé du réseau Marijoan pour pas me griller, mais plus sérieusement, j'y vais comment là-bas ? On me prête un pédalo ?


Rin, pêcheur solitaire à ses heures perdues, et l’un des innombrables transporteurs du gouvernement mondial, dévisageait d’un œil circonspect l’agent qu’on lui avait imposé, direction Luvneel. Le quinquagénaire ne leur accordait guère d’attention, et ils savaient se faire oublier, mais celui-ci avait dû sécher les cours le jour où la notion de discrétion avait été abordée.
D’une pâleur cadavérique, le blondinet se cramponnait au bastingage comme si sa vie en dépendait, sans doute pour faire face aux violentes vagues, qui atteignaient une colossale hauteur d’un pied. De Tontatta. Une mer d’huile, en résumé.
Rin appréciait ces conditions de navigation reposantes, qui lui permettaient de détendre ses muscles assaillis par le poids des années.

—Eh, ça va p’tiot ?

Le blond acquiesça, puis déglutit bruyamment.

—Dis-moi…, c’tun peu délicat comme interrogation…

Rin ne connaissait pas l’affectation exacte de son passager, et n’avait pas envie de s’attirer des problèmes. Il avait craint, à l’embarquement, qu’il ne soit un dragon céleste, mais il lui manquait la caractéristique bulle d’air, la tenue éclatante de blancheur, et surtout, le mépris gravé sur le visage. Puis, le gamin avait l’air bien trop jeune pour être quelqu’un d’important, du genre à faire souffrir Rin et sa famille sur trois générations s’il lui déplaisait.

— T’aurais pas le mal de mer par hasard ?
— Le quoi ?

Cette réponse simple sembla perturber les entrailles du plus jeune, qui ôta ses lunettes, épongea la sueur qui dégoulinait de son front à l’aide de sa manche, et se lança dans une série de profondes inspirations.

— Je veux pas t’emmerder, mais tu m’as tout l’air de quelqu’un qui est souvent resté dans son pays, sans mettre de pied sur un bateau, pas vrai ? Pour ta gouverne, l’mal de mer c’est un truc assez courant. C’est fréquent chez les gars qui sont j’mais sur un bateau, quoiqu’y a des marines qui l’ont aussi. C’est pac’que ton cerveau assimile mal le décalage entre ton oreille interne, qui perçoit qu’t’es immobile, et tes yeux qui voient que ça bouge. Y a aussi la météo qui influe, mais là la mer est plus plate que qu’certaines femmes des bordels de Sabaody, donc…, t’juste pas fait pour la navigation.
—Et connaitriez-vous un remède ?
—Z’apprenez quoi au juste, les p’tits soldats du gouvernement ? C’est la base des bases ce genre d’trucs mon grand. J’ai presque du mal à croire qu’on ait pu t’expédier comme ça en mission sans v’rifier que tu pouvais résister à un trajet en bateau. Et encore, t’as du cul, si t’étais pas bureaucrate ou j’sais pas quoi, même un marin normal, c’pas par l’réseau marijoan q’tu passerais, mais par la route de tous les périls. Bien plus long, quoi. Y a que Calm Belt où les con’tions de navigation sont géniales, mais y a les monstr’s marins.
—Moquez-vous de moi et je vomis sur vos pompes.
— Ose, et j’te lance par d’ssus bord.
— Sais pas nager, vous aurez ma mort sur la conscience.

Le blond esquissa un sourire, que Rin lui rendit, découvrant son incisive manquante et sa voisine ébréchée.

— Y a pas de r'mède magique, ou j'lai pas encore trouvé, mais la règle des cinq F. Froid, Faim, Frousse, Fatigue, et soiF. Ouais j’sais, pour soif le f l’est à la fin, mais c’pas moi qui fait les codes. Vu ta couleur, j’vais pas te filer à bouffer ou à boire, pas envie que tu dégueules sur mon beau pont en pin tout neuf, froid, t’es dj’à bien couvert…, frousse, tu veux des brassards ? Ou qu’on t’mette une corde autour de l’taille si j’mais tu tombes à l’eau ?
—Non, j’ai déjà…

Sa phrase s’interrompit dans un gargouillis, et Rin détourna le regard par politesse, se concentrant sur ses ongles courts et ses mains noueuses brûlées par le soleil et des années à manier des cordes. Manquerait plus que le dégobillis du gouvernemental influence ses propres entrailles.

—Bon, j’vais t’filer de la flotte pour que tu te rinces la gueule, et sois gentil, va t’allonger près du mat. Le grand poteau en bois. Ouais, c’est con dit comme ça, mais c’est juste au-dessus du centre de gravité d’mon bateau, donc tu sentiras moins le roulis. Je préfère que tu restes un peu à l’air libre, si tu dois aller au renard de nouveau, ça m’arrangerait que ça soit dans la flotte.

Les jours s’écoulèrent, Neilos surmonta finalement son mal de mer, et assistait Rin dans ses sessions de pêche plus ou moins fructueuses. Souvent moins d’ailleurs, les filets remontaient vides, ou chargés de détritus. Rin insultait alors copieusement pirates, marines et civils qui « prennent la mer pour une poubelle en ayant eux-même des gueules de déchet », et faisait jurer sur son arbre généalogique à Neilos qu’il ne jetterait jamais rien à l’eau.
Le vieux loup de mer solitaire se surprit à apprécier la compagnie du moujingue. L’agent se différenciait de ceux qu’il avait précédemment accompagnés, ou c’était la durée du trajet qui lui jouait des tours. Il devait être dans les derniers de la classe, puisque les notions de discrétion, impassibilité et autres patiences passaient loin au-dessus de ses épis, quand ses prédécesseurs les incarnaient.
Rin se revoyait au même âge, un peu concon et agité. Quoiqu'il n’avait jamais aimé les lunettes de soleil et autres artefacts camouflant une partie du visage.

Le pêcheur aperçut la terre de Luvneel de sa longue-vue, et se tourna vers l’agent, occupé à démêler le jute du hallier.

— Terre en vue ! P’tiot, je peux te poser une quest’ion ?
—Vous venez de le faire.
— Joue pas sur les mots, p’tit con !
— Bwa je déconnais, allez-y.
— C’quoi ton blase ?

Pris au dépourvu, le Don Quichotte. Il s’attendait à une question sur sa mission, son poste, ce qu’il comptait faire sur l’île, mais pas une considération « bassement matérielle ».

—Pardon ?
Ils m’ont dit que tu t’appelais Julian, à l’embarquement. Mais j’sais pas comment l’expliquer, pour moi t’as pas une gueule de Julian. J’suis pas con, t’sais, j’me doute bien que les noms qu’on m’donne sont pas ceux que vous portez. On sait jamais, si je comptais trahir, compléta Rin d’un ton amer.
— Neilos. Je m’appelle Neilos. Vous m’en excuserez, je ne peux pas vous donner mon nom de famille.
— Sérieux ? Neilos ?

Rin battit des paupières, puis se marra en se tenant le ventre, avant de s’appuyer contre le gouvernail. Neilos le contemplât d’un air circonspect, et intervint lorsque son aîné affleura l’apoplexie.

— Dites, vous savez que c’est vexant comme réaction ? C’est quoi le truc ? Si c’est pour me faire une vanne de type Neilos le nullos, j’ai déjà entendu ça, merci bien.
Mais nan, ânonna Rin entre deux éclats de rire, j’ai passé l’âge. C’est juste que Neilos, c’le nom d’une divinité fluviale, dans un roman qu’j’aime bien. J’sais pas si tes parents l’ont fait exprès, mais c’est quand même con de s’app’ler comme ça alors qu’on a le mal de mer et qu’on sait pas nager !
— Oh ça va, vous allez vous en remettre, grogna le concerné.
—Bah t’inquiètes, j’rigole. Allez, bon courage pour ta mission super secrète, Neilos.

Et le voilà débarqué au port de Norland. Première impression ?

—Eh beh, c’est pas la même que Rainbase.

Bravo Neilos pour cette analyse d’une finesse incommensurable. Etonnamment, une cité portuaire et une ville au cœur du désert ne se ressemblaient pas. L’animation régnait en maîtresse absolue : cris des marchands et des bateliers, navires qui se croisaient, leurs pavillons colorés battant au vent, un ivrogne avachi contre un mur qui poussait la chansonnette, et un bébé dans une poussette qui pleurait.
En observant d’un peu plus près certaines façades, on y retrouvait cependant les vestiges du violent affrontement entre un pirate et un sous-amiral, tous deux spécialisés dans les attaques tranchantes si l’on en croyait les incisions dans les briques.
Neilos marqua un temps d’arrêt, puis se dirigea vers un homme au hasard, un grand échalas aux cheveux bleus bouclés affairé à ramasser des billes.

— Bonjour monsieur, excusez-moi de vous déranger, je cherche le siège de la Mutualisation s’il vous plaît…

L’individu le détailla de haut en bas, Neilos eut la saisissante impression d’être un de ces poissons éventrés exposés sur un tas de glace, puis se décida à lui répondre. Le trentenaire pointa du doigt un point derrière l’agent, la manche de sa tunique glissa le long d’un bras musclé, dévoilant des tatouages floraux.

— Cheh, la mutualisation ? C’là-bas, au bout de la rue à droite, puis gauche, puis tout droit et vous y serez. Si vous vous perdez, demandez la rue Haylor-Dogak. Mais perdez pas votre temps si c’est un projet d’entreprise, c’te vieille aigrie de Yägi vous recalera.
— Merci beaucoup, bonne journée à vous.

Et il fila dans la direction indiquée. Le blond bataillait ferme avec l’envie de recourir à ses chaînes pour se hisser sur les toits et s’y déplacer. Les rues étaient surchargées de touristes, locaux, marchands ou pirates, et avancer à un rythme supérieur à celui d’une limace anesthésiée relevait de la prouesse métaphysique. Neilos battit frénétiquement des paupières lorsqu’un tapis volant passa au-dessus de sa tête, occupé par une personne armée. Mais qu’était-ce donc que ce pays ?

Puis il s’arrêta net devant l’endroit qui devait accueillir la Mutualisation. Principalement car il s’attendait à un bâtiment assez imposant, symbole de l’entreprise puissante dont son préavis de mission brossait le portrait. S’il se retrouva bien face à une belle bâtisse, son fronton indiquait en lettres capitales « HAYLOR-SANTA-BELGERAK-CONSULTING ».  Il était peut-être devenu illettré au cours des cinq dernières minutes, mais cela se distinguait de « Mutualisation des Moyens Maritimes des Marées de Monblanc ».
Il vérifia plusieurs fois le panneau d’indication des rues, comme si les inscriptions défraichies par le temps changeraient sous l’insistance de son regard, avant d’apercevoir une affiche en papier, qui lui ordonnait de prendre la troisième porte à droite pour accéder à sa cible.


— Mais c’est quoi ce bordel, maugréa-t-il en entrant.



La secrétaire qui le salua d’un bonjour devait être celle qui lui avait répondu par escargophone, esseulée derrière un bureau croulant sous les dossiers et les papiers rédigés en plusieurs langues, couverts de dessins et schémas. Le gastéropode ne lui rendait pas justice : s’il reconnaissait bien les abondantes boucles carmélites et le maquillage bigarré, les traits de son visage resplendissaient par leur douceur et leur symétrie.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t26310-neilos-fait-mumuse
  • https://www.onepiece-requiem.net/t26139-neilos-don-quichotte-ou-la-quiche-du-gouvernement-mondial
—Bonjour madame…
—Mademoiselle.
— Pardonnez-moi, mademoiselle. Je suis Julian Aloïs, vous m’aviez eu au téléphone il y a quelques semaines…
— Ah oui, c’est vous pour Sanderr ? Madame Yägi est actuellement disponible. Veuillez prendre les escaliers, et ça sera la première porte en face de vous. De toute façon, vous ne pouvez guère vous tromper, il n’y en a qu’une.
— Une seule ?

Daria, si sa mémoire ne le trahissait pas, rejeta une mèche de cheveux derrières son oreille, et soupira.

— Oui, je sais, vous n’êtes pas le premier à me faire la remarque ou à vous en étonner, et vous ne serez sûrement pas le dernier. La mutualisation est une entreprise spécialisée dans le commerce maritime, et mademoiselle Yägi apprécie l’efficacité ; ainsi, nous n’avons aucun bureau attitré, mais simplement cette partie que nous prête l’HSBC. Nous sommes encore à la recherche de locaux convenables, à vrai dire.
— Merci pour vos explications, puis je trouve ça sympa. Au moins, on ne risque pas de se perdre dans les couloirs.
—C’est sûr que comparé à Marie-joie, vous devez vous sentir à l’étroit.
—Oh, pour être honnête avec vous, c’est une catastrophe de travailler là-bas. Vous cherchez un papier spécifique, et vous vous retrouvez à faire cinq fois le tour des couloirs dans le sens des aiguilles d'une montre, monter trois étages, les redescendre, tout ça pour qu’au final on vous annonce que vous devez demander sa signature à quelqu’un qui est actuellement en vacances sur une île céleste.

Un éclat de voix brutal, qui provenait de l’étage, interrompit net la disgression de l’agent.

— Daria ! Il est là, oui ou non ?

L’expression de l’interpellée se contorsionna en une moue boudeuse, et, d’un geste, elle l’envoya monter.
Chaque marche de bois craquait bruyamment sous ses semelles, offrant au visiteur la charmante sensation d’être un condamné montant à l’échafaud. Neilos poussa la lourde porte d’acier, pour se retrouver dans une salle largement éclairée par des fenêtres occupant tout un pan du mur du fond, et gratifiant d’une vue imprenable sur la place centrale.

Mademoiselle Yägi était une belle femme, si l’on prenait en compte les critères de beauté classiques. De haute taille, une silhouette longiligne, ses longs cheveux blonds et lisses encadraient un visage de poupée, constellé de tâches de rousseurs.  
Mais ses yeux d’un gris acier, lame tranchante qui disséquait ceux qui osaient se présenter face à elle, coupait l’envie à tout individu sain d’esprit de la complimenter.

—Fermez la porte derrière vous, j’ai horreur des courants d’air.

Le blond s’exécuta, avant de se planter, raide comme un piquet, derrière l’imposante table en chêne massif.

— Bonjour mademoiselle…
— Madame.
— Madame, corrigea Neilos en se promettant d’étrangler Sascha et ses conseils idiots dès qu’il reposerait un pied à Marie-joie, Yägi, je suis
— Je le sais, tout ça, Aloïs. Pas la peine de m’emmerder avec vos disgressions apprises par cœur, venez-en aux faits.
—Le royaume de Sanderr souhaite négocier un accord avec votre société pour se pourvoir en grains, viandes et autres denrées alimentaires.
—Eh bien voilà, vous voyez quand vous voulez. C’est non.

Neilos résista au besoin urgent de lui lancer en pleine figure le pot à crayon. Il n’avait pas subi plusieurs semaines navigation pour être recalé au bout de trente secondes.

—J’aimerai tout de même vous expliquer un peu le projet…
— Non. Tu m’excuseras, je te tutoie par gain de temps, mais je ne peux pas prendre au sérieux cette demande.
—Je vous assure pourtant que nous sommes tout ce qu’il y a de plus sérieux.

Yägi se pencha sur son siège, posa un coude sur la desserte, et exhala longuement.

—Sérieux, tu dis ? Et pourtant, le gouvernement mondial m’envoie un morveux. Tu as quoi ? Vingt ans ? L’accent que je perçois dans ta voix m’indique que tu ne viens pas de North Blue, voire des Blues tout court. Tu manques d’assurance, ça se lit dans ta posture et dans tes mimiques. Ce n’est pas contre toi, mais je ne considère pas respectable de mandater un gamin qui ne connait de Sanderr que les informations présentes sur sa fiche d’île, et pour quelque chose qu’on me présente comme essentiel. J’ai bon ?

Touché, coulé, noyé, et l’habitant qui l’avait guidé avait parfaitement raison. Elle refusait net. Et le pire ? Il n’était pas à même de la contredire.
*Merde…, j’avais dit à Sascha que je ne sentais pas cette histoire. Mais je ne peux quand même pas retourner à Marie-joie comme ça. Cette mission n’implique pas que moi, y a un peuple qui attend qu’on lui tende la main. *
Alors, Neilos se redressa, épousseta machinalement sa chemise impeccable, et se racla la gorge. Foutu pour foutu, il allait jouer au bluff.

— Seriez-vous tout de même disposée à m’écouter ?
—Je n’aime pas perdre mon temps, je t’ai dit.
—Je vous jure que vous ne le perdrez pas.
— C’est ça. Enfin, je n’ai rien d’autre à faire, tu peux toujours essayer.
—Le Royaume-archipel de Sanderr a connu récemment un fort accroissement de sa population. En effet, des Hommes-poissons s’y sont installés avec l’accord du roi Ksernia.

Si Yägi arborait précédemment un air revêche, elle paraissait dégoutée par les derniers mots du jeune homme. Sourcils froncés et lèvres peintes en rouge tordues dans un arc de cercle disgracieux.

—De mieux en mieux. Espères-tu me convaincre de revenir sur mes positions en m’indiquant que cet accord bénéficierait en priorité à des non-humains ?
—C’est donc ainsi que vous raisonnez ?
— Tu es mal placé pour me faire la morale, gentil toutou du gouvernement mondial que tu es ! Dois-je te rappeler le positionnement officiel de tes supérieurs vis-à-vis de toutes les races qui ne sont pas Hommes ? Ou l’esclavage, encore permis sur certaines îles, et sur lequel les yeux se ferment ?
—Ce n’est pas de leur race que je vous parle, mais de leur nombre. Si vous réfléchissez d’un point de vue économique, plus la démographie croit, plus les besoins enflent. Ce sont des maths tout ce qu’il a de plus basique.
— Insolent !

Les jointures de Yägi blanchissaient tant son poing droit se crispait, et Neilos craignit qu’il ne voltige dans sa mâchoire. De la répugnance, elle glissa vers la colère, sans se départir d’une certaine élégance.

—As-tu seulement la moindre idée de comment j’en suis arrivée là…, de ce que j’ai pu endurer, de tout ce que j’ai sacrifié ?! De tous les mensonges que j’ai dû prononcer, des alliances que j’ai brisées ? Et tu me demandes, sur un coup de tête, de venir approvisionner un royaume dont la population est nombreuse mais incapable de subvenir à ses propres besoins ou d’expédier ici un ambassadeur digne de ce nom !
— Sauf votre respect, niveau traînage de casseroles, je vous écrase à plate couture, mais ce n’est pas le sujet. Si le royaume de Sanderr m’a chargé des négociations, c’est précisément au cas où cette situation se produirait, afin d’éviter que des ressentiments puissent exister entre vos deux pays et paralyser vos relations futures parce que vous jouissez d’une réputation de dragon et de femme insupportable !
—S’ils sont tous comme toi à Sanderr, je ne veux plus entendre parler d’eux !
—Mais puisque je vous dit que je ne suis pas de Sanderr !

Ils hurlèrent tous les deux. Puis, se dévisagèrent. Les épaules de Yägi tremblèrent, son menton s’inclina vers l’avant. Neilos fut le premier à s’esclaffer, suivi par la femme adulte, qui se maîtrisa diligemment.

—Mes aïeux, cela doit bien faire des années que l'on ne m'avait pas parlé ainsi. On n’a pas l’air idiots, tiens. Tu diras à ta hiérarchie de ne jamais faire de toi un vrai diplomate.
—Mais je le suis.
— Ne me prends pas pour une faible d’esprit, gamin. Un délégué aux relations internationales, ou le titre sous lequel tu t’es présenté, peu importe, ne se serait jamais emporté comme tu viens de le faire. C’est distrayant, tu me diras.
—C’est toujours non ?
— Je te l’ai déjà dit, à toi de me convaincre.

La voilà plus sereine. Même si Neilos doutait franchement de l’efficacité de sa manœuvre ; si Yägi avait eu un caractère différent, il aurait été jeté du bâtiment par des gorilles depuis longtemps, voire banni de l’île à tout jamais.

— Comme je vous l’ai dit, le royaume de Sanderr est en plein développement, et compte bien se faire une place sur North Blue, puis dans le Monde.
— Et je devrais aider quelqu’un qui va me faire concurrence ? Merci bien, je ne suis pas de celles qui aiment à se tirer dans les pieds.
—Pas de risque qu’ils veuillent rivaliser avec vous, leurs ressources naturelles sont bien différentes. Ils ont le facteur travail, vous avez le capital, en résumé.
—Je commerçais déjà que tu étais encore dans les testicules de ton père, nul besoin de m’expliquer des notions aussi triviales.
— Quel âge avez-vous ?
— Veux-tu donc que je te mette dehors ? Continue.

Le porteur de lunettes de soleil écarta les bras, dans un geste grandiloquent et probablement inadapté, mais l’exagération entrait dans ses spécialités.

—Le royaume de Luvneel n’entretient plus que des relations distendues avec le gouvernement mondial. Rendez-vous compte, vous, le royaume du légendaire Norland, le plus grand territoire des mers, êtes relégués à un simple rôle de figuration, mis au placard ! A l’inverse, le royaume de Sanderr a longtemps été ignoré, considéré comme un bout de terre gelée sans importance, mais compte bien commencer à peser dans la balance de l’équilibre mondial. C’est pour ça que vous devez vous lier avec eux, en réalité. En alliant leur force de travail, leur population florissante et si diverse, un éden d’harmonie en réalité, quel souverain du monde permettrait à des hommes-poissons de s’installer sur son territoire ainsi ? Et vos grandes capacités de production, vous ne pourrez plus être ignorés et vus comme deux îles perdues. Comme annoncé tout à l’heure, ce serait un échange de bons procédés, votre production alimentaire contre l’appui d’un Etat voué à finir au-devant de la scène. Vous m’avez qualifié de chien du gouvernement, mais je connais mes supérieurs, je les vois valoriser les pays de Grand Line au détriment des Blues, alors que certains pays de Grand Line n’ont que du sable pour ressource naturelle. Voir deux royaumes aux passés si opposés fonctionner main dans la main les motivera à vous prendre au sérieux de nouveau. Puis, imaginez la reconnaissance dont vous et votre société bénéficierez aux yeux de la famille royale, quand vous aurez fait redorer leur blason tout en aidant au développement d’une autre nation ? Je ne connais pas les procédures locales, mais dans mes yeux de simple civil, ça vaut au moins de vrais bureaux, mais surtout, une réputation qui dépassera les frontières de Luvneel, de North Blue, pour résonner jusqu’au Nouveau Monde !

La blonde s’entêtait dans le silence, et la contemplation de ses ongles courts, et manucurés, sur lesquels se dessinaient des navires.

—Tu es un beau parleur, je me dois de te reconnaître cette qualité. Mais aussi d’un optimisme qui confine à l’idiotie.
—J’ai de qui tenir.
— Comment peux-tu m’assurer que le royaume de Sanderr se développera si j’accepte de lui fournir de la viande, des graines et autres ressources ? Ne risque-t-il pas de péricliter, déchiré par les conflits internes, ou ses habitants de devenir feignants ?
— J'ai envie de dire qu’il ne s’agirait pas de votre problème.
—Dès lors que mes produits sont envoyés à un endroit, toute incertitude, doute ou ennui s’inscrit dans mes préoccupations.
— Le paiement a lieu avant envoi, non ?
—Une partie pour l’expédition, et l’autre à la réception, oui.
—Bah voilà, ce n’est plus votre responsabilité, ce qu’ils fabriquent avec la marchandise.
— Et ma conscience professionnelle ?
—Faites-leur confiance. J’ai vu dans les yeux de monsieur Erwolf, le conseiller royal qui a posé cette demande entre les mains du gouvernement mondial, mais aussi dans ceux de la délégation qui l’accompagnait une détermination sans faille. La population de Sanderr veut faire rayonner son royaume, mais elle a besoin de vous pour cela.
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— Je ne sais que te répondre, à vrai dire. Mon âme me suggère de t’écouter, d’accepter l’offre et de « laisser le destin se charger du reste » comme dirait un auteur de romans à l’eau de rose, mais mon esprit commercial m’ordonne de te botter les fesses et de me débarrasser de toi par la sortie la plus proche, à savoir ma baie vitrée.
— C’est un choix que je ne peux pas faire à votre place, madame. Mais vous aurez sur la conscience la souffrance de la Nation de Sanderr tout entière.
— Quand je disais que tu ne pouvais être représentant de quoi que ce soit avec ce bagout ! Alors, qu’es-tu donc ? Un soldat de la Marine, un révolutionnaire infiltré, un citoyen ordinaire d’un royaume quelconque envoyé en punition ?
— Vous vous éloignez du sujet, là…
—Je mène cette conversation comme je l’entend, ce sont mon rendement, mes biens et mes frégates qui entrent en jeu.
—M’enfin bon, je suis réellement employé par le gouvernement mondial pour aider aux relations interétatiques. Je débute, c’est pour ça que mes méthodes sont inhabituelles.
—Ce n’est vraiment pas le premier terme qui me viendrait à l’esprit. Tu es grossier, prompt à l’emportement, et ton argumentation est franchement bancale et redondante. Honnêtement, je ne sais pas qui s’est chargé de ta formation, mais il ou elle a bâclé son travail.
—Eeh !
— Laisse-moi finir avant de protester ! Cependant, j’y trouve une certaine fraicheur. Je ne saurais dire si c’est agréable ou non, mais je suis habituée aux courbettes et à être prise avec des pincettes car on a peur de me froisser et de mes réactions. Comme si je pouvais mener à sa perte quelqu’un ! Tu as raison, je jouis d’une mauvaise réputation, à raison ou à tort, je m’en moque. Je n’ai jamais échoué.

*Et en plus elle est modeste !*

— Bah vous n’échouerez pas, et vous pouvez ouvrir cette route commerciale avec Sanderr.
— Et voilà que tu me forces la main de nouveau ! Ce n’est pas une façon de négocier ça, et encore moins de parler à une dame, en as-tu seulement conscience ?
— Zavez dit que j’étais nul là-dedans, puis on s’en fout de la forme au final. Le truc, c’est qu’on a des gens qui attendent désespérément d’avoir à bouffer parce que malgré tous leurs efforts, leurs cultures ne prennent pas bien et ne suffisent pas. La diplomatie ne devrait même pas entrer en jeu, c'est de l'humanisme là, pas de la négoce.
— Cela me rappelle les idéaux révolutionnaires. Je crois bien que tu es dans la mauvaise branche, mon grand…, mais soit. J’accepte la demande.
— Je comprends…, attendez, quoi ?
— Enfin, es-tu donc frappé d’une surdité sélective ? Je me lance dans cet accord, j’adhère à l’idée, et je suis prête à envoyer des produits sur Sanderr. Cependant, il faudra que l’on me fasse parvenir les besoins exacts du pays, afin d’éviter toute perte de temps.
— Euh…
— Si tu es aussi bon négociant commercial que politique, je suis au regret de t’annoncer que je préfèrerais encore en charger un gamin des rues plutôt que toi. Ne te vexe pas, chaque individu possède ses propres talents, et je suis sûr que tu découvriras un jour ton domaine de prédilection, et brilleras dedans.

Yägi scanna du regard, de haut en bas le jeune agent, puis tapa du poing sur la table.

— Bon, dehors ! J’ai des appels à passer !
— Excusez-moi, vous pouvez signer ce petit papier selon lequel vous êtes d’accord ?
— Qu’est-ce donc ?
— Ma hiérarchie veut une preuve de l’exécution correcte de ce qu’on me demande de faire. Pour éviter les mauvaises surprises.

Une plume jaillit d’un tiroir, et la signature de la commerçante décora le bas du papier, lignes fluides et courbes parfaites, fruit d’années d’expérience et de répétitions.

— Merci beaucoup !
— De rien, allez, dégage ! Ta couleur de cheveux perturbe la luminosité ambiante.
— Il n’est même pas dix-se…
— De-hors !

Neilos quitta précipitamment la pièce et dévala les escaliers, pas assez vite pour éviter la rencontre entre l’arrière de son crâne et l’encrier.

— Madame Yägi, un peu de sobriété envers le substantiel  ! C’est moi qui dois nettoyer les marches ensuite ! s’exclama Daria. Oh, vous êtes encore vivant ? Je suppose que l’entretien s’est bien passé.
— On peut dire ça, oui.
— Parfait.

Quelques échanges de banalité, des salutations polies, et Neilos sortit du bâtiment, filant vers le port à la recherche de la navette la plus proche pour l’emmener loin d’ici. Et il grimaça intérieurement lorsqu’on lui tendit un sac prévu pour recueillir le contenu des estomacs fragiles.


Sascha observa l’épaisse pile sommairement agrafée s’abattre sur son bureau, au bout de laquelle se trouvait une blondasse avec un sourire fier. Tiens, la bleusaille n’avait pas provoqué de catastrophe pour sa première mission en solitaire, et il venait de perdre mille berries pariés avec ses collègues. Son instinct s’émoussait avec le temps, il supposa.

— Alors ?
— Alors y a tout qu’est rédigé là-dedans.
— J’attends un rapide résumé oral de la situation finale avant de me plonger dans les disgressions écrites, conformément au protocole.
— Oh la prise de tête. Bon, en gros, je pense qu’elle m’a vu venir à quinze îles, j’ai raconté n’importe quoi, j’ai dû m’énerver et répéter trente-deux fois la même chose, mais c’est bon, elle est d’accord pour la route commerciale, et va voir avec Sanderr de quoi ils ont besoin exactement.

Sascha resta interdit. En-dehors de l’imprécision et du vocabulaire inadapté, le contenu même de la synthèse l’interpellait. Comment ça, échauffement verbal et redite ? La définition de négociation passait loin au-dessus de la tête du plus jeune, il ne voyait aucune autre solution possible.

— Et vous n’avez pas pensé à stationner un peu sur Luvneel pour vous assurer de la mise en place effective de la route commerciale ?
— Ma mission c’était de créer un accord, pas de vérifier qu’il marche bien. Ils sont grands, ils peuvent gérer entre eux, puis je n’y connais rien en commerce donc.

Le quinquagénaire ne retint pas le profond soupir de désespoir, cette fois-ci.
Habitué aux excès de zèle, rares étaient les agents du Cipher Pol qui se contentaient de coller à l’intitulé de leur ordre de mission. Lui saluait les prises d’initiative qui ne se soldaient pas par des échecs cuisants, mais force était de constater que le flegme de son subordonné s’étendait aussi à son travail. Il n'avait que peu d'ambition au niveau d'escalade des grades, et cela se ressentait cruellement. Sans compter les milliers de manquement aux règlements que son existence causait, du langage à l'attitude face au travail, en passant par les expressions faciales et la discrétion...



— Mais qui est l’imbécile qui a accepté de le recruter ? Qui a été menacé ? A-t-il kidnappé les enfants du directeur ? renauda-t-il sans s’adresser à personne en particulier, une fois l’agent disparu de son bureau.
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