Je te tiens, tu me tiens, par la b...

Mon exploration de West Blue va m'amener où, cette fois-ci ? Je l'ignore encore. Ce dont je suis sûr, c'est que cette nouvelle journée redondante en mer, m'oblige à me rendre encore au même endroit, tôt ou tard. Enfin, plus tôt que prévu, aujourd'hui !
Je dois me presser d'aller aux toilettes, si je veux éviter de me faire dessus, ayant étrangement du mal à serrer les fesses. Alors, après avoir passé mon temps à tourner en rond, contempler longuement l'horizon, et surtout bouffer le dernier repas fait-maison qu'on m'avait apporté, il fallait bien que je vide tout ça.

Donc je me précipite jusqu'à la cabine appropriée, tout en bousculant un ou deux types qui ralentissent ma course. Et une fois à l'intérieur, quel soulagement de pouvoir s'installer, et pousser sur le trône ! A partir de là, pas besoin de rentrer plus dans les détails, n'est-ce pas ? Je suis assis, la marchandise est de sortie, ça fait du bruit, ça sent bientôt le moisi...
Bref, je passe un sale quart d'heure.

Et encore, ce n'est pas le pire ! Pendant tout ce temps,  je peux entendre crier derrière la porte. Les employés du bâteau qui me transportent pour de la future destination, se mettent à piailler très fort. Plus fort que d'habitude, en fait. Le genre de speech qui laisse penser qu'un incident inattendu, voire carrément indésirable, est en train de se produire.
Alors forcément, moi, cloîtré sur mon siège d'exception, je ne peux pas bouger. Je ne peux que les écouter se plaindre. Je crois d'ailleurs décrypter quelques bouts de phrases, parfois.

_ Merde ! On peut jamais être tranquille !

A mon tour, je râle aussi, quoi. Et si j'ai bien compris ce qui se cache derrière tout ce grabuge dehors, ça sent fort le méchant abordage des hors-la-loi, tout simplement ! Pfff...
De plus, des coups de feu ne tardent pas à me confirmer cette hypothèse.

Sur ce, je soupire une dernière fois avant de me décider à bouger ma rondelle. Je mets donc fin à ma pause spéciale élimination, je me nettoie tout ce qu'il faut, et je quitte enfin la pièce à toute vitesse.
Mais dès que je m'apprête à pointer le nez à l'extérieur, je stoppe net juste avant. En y réfléchissant à deux fois, je me dis que c'est peut-être mieux de se la jouer plutôt discret, au lieu de foncer dans le tas.

Alors je patiente quelques instants, le temps d'écouter ce qu'il se passe de l'autre côté... Quand tout à coup, la porte s'ouvre. Et comme ce n'est pas ma main qui a tourné la poignée, c'est forcément celle de quelqu'un d'autre !
Bingo ! Après une telle déduction logique, la silhouette d'un inconnu surgit pour me faire de l'ombre. Tous les deux, nous sommes surpris. Lui, plus que moi, car il ne s'attendait probablement pas à tomber si vite sur une autre personne à bord, encore en liberté.

Ni une ni deux, je le chope au col et, tirant d'un coup sec, l'emmène un étage plus bas. Puis, dès que la porte menant au pont se referme en claquant, ma cible se vautre salement au sol, en bas des marches. Crak ! Mort déjà, les vertèbres pétées !
Je ne sais pas si cet étrange imprévu compte attirer un autre curieux bientôt, alors je me dépêche de disparaître avec l'autre clampin, en le trainant dans une autre salle.

Quelques minutes plus tard, j'ai réussi à sortir de mon trou, et à me faufiler jusqu'à une autre cachette, à l'air libre. Une énorme caisse, tout ce qu'il y a de plus insolite. Je constate les dégâts, dans un premier temps. Le bilan est moche ! Tous les pauvres innocents avec qui je voyageais, n'ont visiblement pas survécu. En revanche, concernant tous les gens encore debouts et occupés, j'assiste sous peu à une scène assez... rigolote ? Ou euh... ridicule ?
A l'avant du bâteau, il y a deux autres grosses embarcations pirates stationnées, l'une à côté de l'autre, parallèlement. Et au milieu, dans le vide, une sorte de grosse planche en bois a été installée, en guise de passerelle.

Dessus, je comprends vite que les deux équilibristes en train de poireauter sur cette poutre, s'avèrent être les capitaines d'équipage. En gros, les encouragements de tous ces sbires m'aident à mieux décrypter leur petit jeu foireux mis en place.
Leur épreuve de pacotille consiste apparemment à savoir qui aura droit de fouiller et récupérer toutes les marchandises du bâteau. Pourquoi cette foutue règle, au lieu de se taper dessus, par exemple ? Ca, par contre, je l'ignore toujours.

Qui va gagner alors ? Suspense... Tout le monde est en haleine... Un, deux, trois, let's go ! Pour la chansonnette qui va avec, bien sûr !

_ Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette... Le premier qui tombera, ira faire trempette !

Ah ouais, quand même ! On a touché le fond, là ! Les mecs viennent de fredonner une petite contine pour gosses, tandis que les deux chefs se pincent le menton poilu. Ces derniers se démerdent autant que possible pour tirer plus ou moins fort, dans un sens ou dans un autre, afin de faire pencher et faire chuter l'un ou l'autre à la mer !

Je me vois obligé de coller mes mains sur la bouche, si je ne veux pas pousser un cri intempestif. Sans déconner, c'est la vraie te-hon, cette sorte de coutume à la mords-moi-le-noeud !
Rhalala, ces maudits pirates... vas-y qu'ils peuvent se permettre d'ôter la vie à du simple civil qui n'a rien demandé ! Mais pour ne pas aller jusqu'à se faire la guerre entre eux, ils préfèrent monter un petit spectacle euh... moyennement divertissant ?

Un certain temps s'écoule, pendant que les deux débiles sur la planche continuent leur pauvre défi enfantin. En quelque sorte, c'est une chance pour moi, car les autres membres d'équipage ne peuvent pas venir se dégourdir les jambes sur le bâteau abordé. Il y a quand même leurs patrons respectifs qui s'affrontent ! Alors assister à la victoire de l'un ou l'autre, ça se respecte, j'en déduis. A tel point que personne ne s'est soucié de la disparition de l'un des leurs, on dirait. A moins qu'ils s'en foutent ?

Bon, non pas que je vais devoir me farcir trop de vilains lourdement armés dans chaque camp, mais comment courir après tous ces passagers qui ne sont pas sur le même bâteau, et leur faire la peau ? A part attendre que tel ou tel équipage se ramène, je ne vois pas d'autre solution... Et cela voudrait dire : laisser filer celui qui aura perdu au jeu, du coup.
Mouaip, tant pis, on va faire comme ça !

Je passe en revue toutes les armes que je me suis dégoté avant de sortir du sous-sol de l'engin... En gros, diverses lames dans la cuisine et le matériel du pirate, quoi. Ca devrait être suffisant. Et si jamais il devait m'en manquer, je me servirais sur les premiers adversaires éliminés, par exemple.
Ensuite, il n'y a plus qu'à prier pour qu'un des capitaines soit trop crevé pour s'éterniser plus longtemps dans sa position, et par la force des choses, n'a plus qu'à partir plonger en mer.
Et justement, la fin de leur combat pathétique s'annonce dans les prochaines minutes. Super ! Bobby va pouvoir faire son entrée !

Plouf ! Voilà, le joueur perdant dégringole de la passerelle et pique une tête dans l'eau. Parmi les spectateurs, il y a évidemment ceux qui sont contents d'avoir gagné, et les autres râleurs qui n'ont plus qu'à dégager de là bientôt, tête baissée.
L'équipage vainqueur sautille sur place, dit bravo à leur chef, et ne tarde donc pas à venir poser le pied sur le bâteau qu'ils méritent de piller. Quant aux autres, ils sont déçus bien sûr, mais ils comprennent la règle. En clair, si t'as perdu, tu reprends la route sans demander ton reste !

En ce qui me concerne, comme j'ai pensé à ramper sur le dos pour jouer au type déjà décédé, la troupe de voleurs ne me calcule pas au sol, en train de faire bronzette. Il ne me reste alors plus qu'à neutraliser tout ce petit monde, avec une facilité déconcertante... dès qu'ils ont tous posé les yeux ailleurs, ici ou là, près à fouiller et à se remplir les poches. Et surtout les mains.

_ Mouhahaha ! je beugle, trouvant la situation ultra marrante. Bande de noobs, va !

Surprise générale ! Ma voix horrible leur fait presque peur, dans un premier temps. Puis, le temps qu'ils scannent la zone, moi je descends le capitaine, resté légèrement en retrait, d'une balle dans la tête.

Rebelote alors ! Comme j'étais resté couché, les clampins sursautent, crient et pleurent tous en choeur, lorsqu'ils assistent à la mort de leur cher et tendre capitaine. De plus, ils ne savent plus trop où donner de la tête, à cause du puissant coup de feu qui vient de retentir.
Sur ce, Une fois que je suis redressé, ma petite taille et ma vitesse m'aident à règler facilement le compte des trois quarts des pirates. Le temps qu'ils se débarrassent de leurs charges, j'ai tôt fait de tirer d'autres plombs dans les sales tronches me faisant face.

Dès que le flingue est vide, quelques lancers de couteaux, direct dans le coeur ou la gorge, s'occupent de faire tomber les dernières cibles restantes, comme des dominos.

_ Ca, c'est pour avoir supprimé des innocents, je conclus, fier de mon acte de justicier. Et pour vous montrer aussi que la piraterie, ça se décide pas à la va-vite !

Bon, d'accord... ça devrait tout bonnement être interdit, à vrai dire. Mais quand je vois la jugeotte et le niveau des gaillards, c'est à se demander s'ils n'ont pas opté pour ce genre de boulot, après avoir simplement joué à pile ou face ! Ou une autre connerie basée sur la barbichette de Bidule ou Trucmuche !

Et maintenant, quoi ? Je me frotte les mains en admirant mon travail. Mais pour ce qui est de la suite du scénario, disons que je suis assez embêté. Plus aucun survivant dans le coin, alors plus aucun bougre susceptible de pouvoir me conduire vers une prochaîne île.
Je peux peut-être chercher après une petite barque ? Ici ou sur le bâteau pirate, je suppose que c'est le truc de secours qu'on garde toujours quelque part à bord. En tout cas, ce sera déjà du véhicule plus maniable à diriger sur les vagues.

_ Petit, petit, petit...

Allez hop ! Je me lance donc dans la quête d'un canot de sauvetage. Manque de bol, lorsque j'ai trouvé le gros lot dans les entrailles du bâteau pirate, il faut que je le remonte à la surface. Ca fait plus ou moins son poids, mais ce n'est pas non plus trop chiant à trainer.
En fait, le vrai problème qui se profile, c'est que le deuxième rafiot pirate a eu le temps de faire demi-tour jusqu'ici, depuis tout à l'heure ! Pour quelle raison ? Je n'en sais rien encore, mais ça fait chier quand même ! Je suis, en quelque sorte, pris de court lorsque je découvre ce revirement de situation.

_ Ils ont eu un remord ou quoi ? je plaisante, assez confus surtout.

Bref, je ne réfléchis pas, et je fonce vers la première échappatoire possible que je trouve : la mer ! Moi aussi, plouf ! Sauf que je n'ai pas perdu...

Comme je le disais précédemment, je n'ai pas perdu ! Au contraire, je baigne, donc je suis dans mon élément. Alors si un monstre marin ne ressent pas l'envie pressante de venir me couper un bras ou de m'avaler tout cru, je n'ai aucune raison de paniquer.
Sur ce, je me fais discret facilement en contrebas, tandis qu'au sommet, on ne se prive pas pour faire du boucan... que ce soit pour récolter divers stocks, ou vadrouiller dans tous les recoins des deux autres bâteaux délaissés et muets, à la recherche d'indices liés au massacre découvert.

Comme je garde souvent la tête hors de l'eau, puisque personne ne pense à zieuter par là, je réussis à réécrire leur histoire, à force d'écouter différents bouts de conversation. En résumé, un de leur pote manquant à l'appel, ils ont trouvé ça louche. Sans doute une manière pour ne pas admettre qu'ils l'avaient carrément oublié, mouarf !
Et mort de rire, quand je crois apprendre que, toujours selon eux, si tout ce tas de pirates a été éliminé à leur arrivée, ce serait forcément grâce à ce même collègue, resté sur place. Puisque leur capitaine avait perdu au jeu, le sbire aurait donc cherché à tuer en feuj le clan des vainqueurs, haha !
Sympa, la belle trahison entre eux, en fin de compte. Respecter la règle du jeu, mon cul !

Sur ce, je les laisse régler leurs petites affaires insignifiantes, et je m'éclipse pour aller me rendre au plus près de leur caravelle d'occasion. Mon nouveau plan vient de germer ! Je vais m'infiltrer incognito à bord, ce qui me permettra de voyager jusqu'à une prochaine île... à condition bien sûr, de ne pas rencontrer d'autres obstacles dans les prochains jours.
Ah mince, oui ! Et pour la bouffe ? Et l'entretien ? Euh... Peut-être que si je modifie quelques lignes de mon programme, il y a moyen de passer un meilleur séjour... Comme par exemple, attendre la nuit que tout le monde dorme, afin d'en exterminer le plus possible.

Vendu ! En plus, parmi cette série de meurtres, il me suffit d'épargner celui qui tient habituellement la barre. Je pense qu'en lui promettant la vie sauve, en échange d'un autre boulot plus légitime, c'est une négociation qui vaut son pesant d'or... Du moins, s'il a peur de mourir trop vite et trop jeune, cela va de soi. Enfin, je ne suis pas trop contrarié. J'ai pu constater leurs gueules de stagiaires sur le marché, un peu plus tôt.

Ainsi, une fois qu'il est l'heure de remettre les voiles pour ces gredins, ce n'est plus qu'une question de soleil qui se couche, et de porcinets qui se mettent à ronfler, avant de pouvoir inaugurer ce nouvel assaut en silence et dans l'obscurité.

_ Bonne nuit les enfants, je chuchote avec le sourire, dès que je pénètre dans le premier dortoir.

Ouf ! Par chance, dans le noir, je ne me trompe pas de guignol à trucider.

Moralité, tout est bien qui finit bien dans ce périple. J'entends par là... une prochaine destination finit par pointer le bout de son nez, dans l'horizon.
Et pour le navigateur ? Boarf, nous avons malheureusement croisé du navire de la Marine, au bout du chemin. J'en ai donc profité pour me présenter et leur expliquer mon aventure toute entière. Résultat, je suis sûr et certain qu'après ça, les soldats sauront gérer le cas de l'autre zouave.