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Papa

Le soleil perce la brume matinale tandis que la Lépreuse vogue en direction de l'Asile avec comme escorte un navire de Frost. Accoudée au bastingage, j'ai du mal à me débarrasser de mes sombres pensées. Ma défaite face au Fléau, mon fils, Red, Lola ... tout ça se mélange dans mon esprit au point de faire une sombre mélasse.

"Tu rumines encore?"

La personne qui vient de me tirer de mes réflexions est une belle blonde au sourire bravache. Héphillia, ou Héfy pour ses intimes. Sa grande intelligence couplée à une empathie boostée au haki de l'observation lui permet de lire en moi comme dans un livre ouvert. Et puis, ça fait plus de dix ans qu'on se connait aussi. Alors je ne lui fait pas l'offense de prétendre le contraire et j'opine d'un hochement de tête. Je n'ai pas très envie d'en parler. Mettre des mots sur mes maux, je n'y suis pas encore prête. J'ai peur que ça donne aux épreuves que je traverse une réalité que je ne suis pas prête à affronter.

Du déni? Non, jamais je ne m'abaisserais à ça! Je parle plus d'une habile stratégie d'évitement de la réalité.

Comprenant que je ne suis pas d'humeur à bavarder, ma stratège décide donc d'aller à l'essentiel.

"Le laquais de Frost exige qu'on se ravitaille sur une petite île hivernale à quelques encablures d'ici." m'annonce-t-elle.

"Cette île là?" dis-je en pointant du doigt une tâche sombre dans le brouillard.

"Probablement."

Cette décision tombe inopinément bien à vrai dire. La veille on s'inquiétait du manque de vivres, un ravitaillement est donc le bienvenu. Cependant, je ne peux m'empêcher de penser : pourquoi cette île?

"Il n'a pas demandé à ce qu'on pille ces malheureux?"

"Non."

"Alors préviens le que je ne compte pas dépouiller ces gens, on achètera ce dont on a besoin."

"Je vais dire au timonier de changer de cap et transmettre ton message à notre chaperon."

La belle blonde s'éclipse tandis que je vais dans ma cabine m'habiller pour affronter le froid.
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Après avoir enfilé ma tenue d'hiver auto-chauffante gagnée lors du festival sur Tetsu Island, je regagne le pont pour superviser notre approche. La destination est une île hivernale de taille moyenne : une montagne au centre, des villages de pêcheurs en bord de mer. Ca me rappellerait une réplique miniature de Winter Island, pour pour que mes yeux de l'époque ne soient pas aveugles. Je découvre donc un paysage austère et blanc. Il y a bien ça et là des taches grises qui marquent des bâtisses et des vert sombre pour les forêts de conifères. Mais le décor reste quand même majoritairement blanc. Et ce ciel laiteux laisse choir de paresseux flocons comme de petites boules de coton.

Fort heureusement, je n'ai pas froid. Je remercie la douce chaleur que diffuse la doudoune, car, comme toutes les filles de South Blue, je supporte mal les températures basses. Ceci dit, ce n'est pas le frimas qui me serre le cœur. Comme souvent, Héfy sentant mon spleen, vient m'adresser la parole.

"Tu penses à Hakim?"

Encore une fois, la blonde tombe juste. Je pense à notre ancien camarade qui est mort dans une île hivernale comme celle-ci. Depuis lors, j'associe bien malgré moi la neige à ce douloureux moment. J'aimerais passer outre, mais je crains qu'il s'agisse d'une page de ma vie que je n'ai pas encore réussi à tourner. Qui sait, peut-être même que c'est moi qui refuse de passer à autre chose? Après tout, aussi pénible que ce souvenir soit, ce sont des instants précieux avec une personne que j'apprécias beaucoup. Les laisser derrière , ce serait comme le faire mourir une seconde fois. Je ne sais pas trop quoi répondre à mon amie. Je me tourne vers elle, et nos regards humides se croisent. On se comprend, on partage cette douleur, à quoi bon se perdre en vaines palabres? Elle se rapproche jusqu'à se tenir à ma gauche. Sa main droite passe dans mon dos et se pose sur mon épaule, puis délicatement, elle me serre contre elle. L'espace d'un instant, j'ai envie de m'abandonner dans ses bras, d'accepter cette souffrance et de pleurer un bon coup. Mais je n'y arrive pas. Tout ce que je peux faire c'est dire :

"Merci."

Mon amie à mes côtés, on regarde l'île grandir au fur et à mesure qu'on s'en approche. Tout d'un coup, un reflet dans l'eau nous interpelle. Des bas fonds! Immédiatement, je rejoins le barreur en utilisant le rokushiki et on évite de peu de s'échouer sur les brisants. On met deux chaloupes à la mer et on rejoint la côte à la rame. La population ne nous prépare pas un comité d'accueil, ils ont reconnu la Lépreuse et savent très bien pourquoi on est là. Enfin, je ne peux pas leur en vouloir : dans ce monde de fous, les pirates pillent et les petites gens souffrent. Ils n'ont aucun moyen de savoir que nous, on est pas comme ça, qu'on ne va pas les dépouiller. Afin de les rassurer, je débarque avec seulement cinq matelots. Mais, moi aussi, ma réputation me précède. Je vois bien le mouvement de recul des indigènes dès que je pose pied à terre alors, je choisis de m'éclipser au profit d'Héfy. La blonde n'est pas aussi effrayante que moi, avec une poignée d'hommes, elle arrive même à discuter avec les locaux. Moi, près des chaloupes, je l'observe du coin de l'œil, prête à intervenir au moindre mouvement suspect.

Fort heureusement, les villageois ont bien traité mon amie que je vois revenir vers moi, un sourire flamboyant aux lèvres. La mine rayonnante, elle m'annonce que non seulement elle a réussi à négocier un bon prix pour des conserves de légumes et une belle quantité de poisson fumé mais qu'en plus, elle est parvenue à convaincre ces braves gens d'accepter notre "protection" moyennant un apport régulier en victuailles. Je suis sidérée, elle est vraiment forte! Mon sourire fait écho au sien et on a vite fait d'organiser une chaîne humaine pour charger nos embarcations. Et alors qu'on avance main dans la main avec les locaux, un villageois a une attitude un peu étrange, j'ai mis un peu de temps à le remarquer, mais le pêcher semble déployer de grands efforts pour se soustraire à mon regard, alors, je n'insiste pas et je feins de ne pas les voir, lui et son petit manège.
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Finalement, les chaloupes sont chargées de victuailles et me voilà enfin prête à partir. Cependant, un homme m'a intriguée, alors, je décide de rester un peu et de tirer les choses au clair. J'essaie donc d'interroger les locaux qui se montrent un peu plus loquaces que tout à l'heure. J'apprends que cet homme s'appelle Grund et qu'il est arrivé ici il y a quelques mois avec femme et enfants. On me communique aussi son adresse alors, mue par ma curiosité, je me rends là ou cet individu habite.

Je quitte l'agitation du village et je chemine tranquillement vers ma destination. Il fait toujours froid! Et bien que mon haleine se transforme en buée dès qu'elle sort de ma bouche, je ne souffre pas du climat. Cette doudoune auto chauffante est une merveille! J'observe scrupuleusement les instructions des habitants et je suis un sentier de neige et de boue mélangées. Je marche encore quelques temps le long d'un sentier forestier et je finis par arriver. Il s'agit d'une maison de pierre avec une cheminée de laquelle s'échappe un panache de fumée. Tous les sens aux aguets, je soupçonne un piège, mais rien ne vient titiller mes oreilles. Et pourtant, quelque chose de familier se dégage, une odeur que j'ai l'impression de connaître et que pourtant, je n'arrive pas à identifier. C'est très étrange …

Trois petits coups secs sur la porte, plus tard, j'attends qu'on m'invite. Je sais qu'il y a des gens ici puisqu'il y a de la fumée qui sort de a cheminée. Et pourtant, personne ne répond. J'ai l'impression que je fais peur aux occupants. J'hésite longuement, et finalement, je me décidé à retenter l'expérience. Je toque à nouveau délicatement sur le bois. Toujours pas de réponse. Je pourrais fracasser la porter et entrer, mais je ne souhaite pas effrayer les locataires. Et au moment où je me résous à frapper pour la troisième fois, une voix se fait entendre.

"Entrez." dit-elle sobrement.

Je ne me fais pas prier et j'abaisse la poignée et pousse la porte avant de pénétrer dans la masure. Au premier coup d'œil, je vois immédiatement que ceux qui vivent ici ne roulent pas sur l'or. Peu de décorations, des meubles abimés et des habits de seconde ou de troisième main, tout ça sent la misère à plein nez et pourtant, malgré tout ça, la pièce de vie est chaleureuse et bien ordonnée. Un petit coin cuisine sur ma droite, une table et des chaises sur ma gauche, au centre, un tapis rapiécé et au fond, dans l'âtre, crépite un feu. Et devant le foyer une famille se tient là, blottie les uns contre les autres. Un homme d'une cinquantaine d'années, la crinière poivre et sel, une barbe hirsute et un visage abîmé par la vie, un femme aux cheveux châtains qui doit avoir à peu près mon âge, jolie à sa façon, mais dont la beauté n'est absolument pas mise en valeur par sa tenue, couvre de ses bras un nouveau né qui semble dormir du sommeil du juste. Derrière les parents, trois petites frimousses m'observent avec le mélange de crainte et d'admiration que m'octroie ma réputation.

"Bonjour, Excusez moi de vous déranger, je n'ai pu m'empêcher de remarquer que vous me regardiez d'une manière assez étrange tout à l'heure."

Je rentre dans le vif du sujet, après tout, je souhaite juste des éclaircissements. Je n'ai pas envie d'effrayer ces malheureux plus longtemps que nécessaire. Grund me regarde, je réalise alors que ses yeux sont aussi bleus que les miens.

"Tu ressembles tellement à ta mère, Jeska."

Je ne suis pas surprise qu'il sache mon nom, après tout, ma renommée n'est plus à faire. Ce qui provoque ma stupéfaction c'est :

"Vous connaissiez ma mère?"

"Evidemment, puisque je suis ton père."
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Veuillez m'excuser cette vulgarité, mais : je suis sur le cul! Debout et sur mon séant à la fois, je suis incapable de bouger. Mon cerveau a bien compris l'information, mais je n'arrive toujours pas à l'assimiler. Une partie de moi rejette la nouvelle : c'est impossible, ça ne peut être vrai. Après tout, quand on y réfléchit bien, ce type, c'est juste personne. Un individu quelconque perdu au milieu de nulle part. Et ce serait mon géniteur? La bonne blague! Mais son odeur qui m'est familière sans que je n'arrive à me l'expliquer, et ses yeux qui sont le miroir des miens … ce ne seraient que des coïncidences? J'ai furieusement envie d'y croire, mais ce ne serait pas le premier à se faire passer pour qui il n'est pas afin de profiter d'une pirate naïve. Et moi, je ne suis plus une enfant, les contes de fées, c'est fini pour moi. J'ai besoin de plus que des mots pour accepter ce que Grund me dit.

"Et je suis sensée vous croire sur parole?" lancé-je un peu plus sèchement que je ne l'aurais voulu.

"Tu as une tâche de naissance dans le bas du dos, un peu au dessus de ta hanche droite. J'ai la même."

Mon regard doit parler de lui même car l'homme se redresse et soulève son haut juste assez pour que je puisse voir la marque sombre au niveau de son rein droit : une demi-lune dans son premier quartier. L'espace d'un instant, je blêmis : peu de gens le savent, mais, j'ai la même. Alors oui, ça ne vaut pas un test de facteur de lignage mais cette fois, je suis plus disposée à le croire. Enfin, si mon cerveau n'a pas encore accepté la vérité, mon cœur, lui, l'a déjà fait. Mes yeux s'emplissent de larmes et je fais un pas en avant vers mon père, les bras écartés pour le serrer contre moi. J'ai un papa, une belle-mère, des frères et des sœurs, une famille! J'ai une famille! Sakazuki a un grand-père, des oncles et tantes! Avec mon papa, on a tant de choses à se dire, tant de temps à rattraper! J'avance encore vers les miens quand soudain, je réalise qu'ils ont reculé et qu'ils se serrent à présent encore plus les uns contre les autres. D'un sourire gêné, j'essaie de dissiper le malentendu.

"Il ne faut pas croire ce que disent les journaux, je suis très gentille."

"Jeska, tu devrais partir." bredouille mon paternel.

Je ne comprends pas. Je suis de la famille, pourquoi ne sont-ils pas contents de me voir? De faire ma connaissance? Moi, je le suis, alors …

"Pourquoi?" s'échappe de ma bouche, ma voix déchirée par l'émotion.

"On a beaucoup souffert par ta faute. Quand tu as trahi la Marine, le nom de Kamahlsson, notre nom, a été sali. Nos amis se sont retournés contre nous, on a été traités comme des moins que rien et persécutés. On a même dû fuir notre maison et changer de nom à cause de toi! On a vécu une vie de misère pendant que toi tu te vautrais dans la luxure et l'opulence. Je suis malade rien que de penser qu'on partage le même sang! J'ai enfanté un monstre et une putain!"

Je suis K.O debout. Je me doutais bien que mon père ne serait pas fier de moi, mais qu'il me haïsse à ce point, non. Ce que je leur ai fait traverser n'est pas comparable avec ce que moi j'ai subi!

"C'est vrai que passer un an à l'Asile c'était une sinécure." ironisé-je.

"De toutes façon, j'aurais dû te vendre au gouvernement comme ta mère."

Je n'en crois pas mes oreilles! A l'orphelinat, on m'avait toujours dit que maman était morte en me mettant au monde. Et là, j'apprends que mon père l'a vendue au gouvernement comme du bétail?

"Comment as-tu …"

"Ta mère n'arrêtait pas de se vanter de ses origines lunariennes! Quand j'ai appris que le gouvernement offrait une prime pour ne serait-ce qu'une information sur cette race disparue, j'ai attendu qu'elle accouche et j'ai saisi ma chance."

"Tu as vendu la mère de ton enfant pour de l'argent? Et c'est moi le monstre ici?"

Un regard sur les visages horrifiés de ma belle-mère ainsi que de ma fratrie et je comprends qu'ils n'étaient pas au courant des atrocités que Grund avait commises avant d'entrer dans leur vies.

"Cent millions, ce n'est pas rien!" se justifie-t-il. "Et si tes ailes avaient poussé avant que tu ne perdes la vue, je t'aurais vendue aussi."

Après que cette lie de l'humanité ait avoué avoir échangé ma mère contre de l'argent, ça ne me choque même plus qu'il ait envisage de se séparer de moi pour quelques Berrys de plus. Mais je viens d'apprendre quelque chose.

"Je n'étais pas aveugle de naissance?"

C'était ce que j'avais toujours cru, et pourtant, si ça avait été le cas, les pouvoirs du fruit de l'œuf ne m'auraient pas permis de recouvrer la vue. Je n'y avais jamais vraiment réfléchi, et maintenant, je suis sur le point d'obtenir des réponses. Mon père baisse les yeux.

"C'était un accident..."

Je ne veux ni ne peux en entendre d'avantage. Je quitte cette maison avant que ma colère ne fasse fondre tous ces gens. Et bien que ça me soulagerais de tuer mon géniteur, sa nouvelle famille ne mérite pas ça. Et puis, maintenant cette île est un territoire allié. Quelle protectrice je serais si je me mettais à massacrer aveuglément des citoyens? Sur le chemin du retour, je ne peux m'empêcher de penser. Toute l'histoire de mon enfance n'est qu'un tissu de mensonges. Ma mère n'est pas morte en couche et mon père n'a pas été contraint, la mort dans l'âme, de me confier à un orphelinat. Non. Mon salaud de paternel a vendu ma mère et sa négligence m'a handicapée à vie. Et au lieu d'assumer, il m'a abandonnée comme on se débarrasse d'un poids mort. La pilule est amère et, nom d'une biscotte, qu'elle est difficile à avaler! J'ai bientôt trente ans et j'ai l'impression que personne ne m'a jamais véritablement aimée. J'ai beau être une pirate primée à plus d'un milliard de Berrys, j'ai du mal à encaisser la chose. Je sens que j'ai du mal à respirer, que je suffoque. Chaque pas m'est pénible, il faut que je m'arrête, que je reprenne mon souffle et mes esprits. Après tout, je ne peux pas me présenter comme ça devant l'équipage. De quoi j'aurais l'air, hein?
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Il me faut plusieurs minutes et un délestage de déjeuner pour me remettre de mes émotions. Je me sens misérable, j'ai beau jouir du prestige de commandant de flotte d'Empereur, un simple quidam d'une île quelconque arrive à me chambouler! Je suis pathétique. Cette escale me laisse un goût âcre en bouche, sans doute a cause de me reflux de tout à l'heure, mais je me remets quand même en route, le port n'est pas loin et je suis certaine que mes compagnons doivent s'inquiéter. C'est alors que je la vois, Hefy, la silhouette de l'ancienne noble est en train de se détacher de l'orée du sous-bois pour venir à ma rencontre. Elle ne me demande même pas si ça va, elle le sait sans doute déjà rien qu'à la tête que je dois faire, ou grâce à son Empathie. Mon amie pose juste sa main sur mon épaule et je leve mon visage couvert de larmes vers le sien.

"J'ai vomi…" dis-je sur un ton d'excuse.

J'entreprends ensuite de lui raconter l'entrevue avec mon p … mon géniteur. Face à mon amie, je ne m'essaie même pas de faire bonne figure et je fonds en larmes. Une fois que j'ai fini, elle me redresse le visage, sort un mouchoir de sa poche et essuie mon visage.

"Allez, viens." m'encourage-t-elle.

Je crois que mon cerveau est en mode pilotage automatique car j'obtempère sans rien dire. Je me contente de jouer mon propre rôle de pirate super balaise et je laisse mon équipage me ramener à bord de la Lépreuse. Une fois sur mon navire, je m'éclipse dans mes quartiers, je quitte mon manteau puis je me vautre dans mon lit et je m'enroule dans les couettes. Mais très vite, je réalise que j'ai froid malgré les couvertures. Alors je me lève et j'entreprends de me faire couler un bain bien chaud. Je me glisse dans la baignoire sans réaliser que je suis encore habillée. La vapeur à la surface de l'onde m'indique que l'eau doit être bouillante, mais je ne ressens rien, juste un froid glacé qui m'enserre la poitrine. L'espace d'un instant, je crois qu'il s'agit des séquelles de mon combat contre le Fléau, mais très vite je comprends que la rencontre avec Grund m'a blessé au plus profond de mon être.

Dans tous les hommes qui ont partagé ma vie, j'ai cherché un père de substitution. Et aucun d'entre eux n'a jamais été à la hauteur de cette version idéalisée de l'homme qui m'a donné la vie. Comment auraient ils pu? Cet être n'est qu'un mirage! Je me suis donnée à ces hommes parce que dans faire l'amour, il y a "amour", non? Tout ça pour quoi? Pour réaliser que je ne suis tombée que sur des profiteurs! Ah, ça pour me baiser, il y en avait du monde! Mais pour m'aimer, personne. J'ai envie de me laisser couler mes mes regrets me font flotter. Je regrette d'avoir repoussé Diego, c'est sans doute lui mon âme sœur, mais maintenant, il a une femme et des enfants. Il est passé à autre chose, au mieux. Au pire, il me déteste, comme tout le monde ici. Même Sakazuki, si je parviens à le sortir des griffes de Frost, il va me haïr aussi. Dans le fond, ce n'est qu'une question de temps avant que tout ceux qui ont une valeur à mes yeux me tournent le dos et s'en aillent. Wolfgang, Gaston, Héfy … eux aussi. J'ai grandi seule et sans amour, je mourrai seule et sans amour. Il faut bien que je me fasse une raison. Le pire c'est que de l'amour, j'en ai à revendre! Mais personne n'en veut.

Je me sens vide, creuse, morte à l'intérieur. A quoi bon continuer de vivre si c'est pour souffrir autant? Mon regard vagabonde sur le mobilier de la salle de bains et s'arrête sur mon rasoir. J'ai à peine le temps d'envisager la chose que la porte s'ouvre violemment et que Héphy déboule dans la pièce comme une furie.

"Alors ça, c'est hors de question!" tempête-t-elle.

"Mais personne ne m'aime!" chouiné-je.

"Moi je t'aime Jes'! Gaston et Wolf' aussi!"

"Pour l'instant …"

Et voilà que je me mange une gifle de la part de ma meilleure amie. Je n'ai pas vraiment eu mal, mais la claque a eu le mérite de me sortir de ma torpeur dépressive. Par contre, c'est la noble qui se frotte sa main endolorie, apparemment, j'ai le cuir épais!

"Tu as raison, si tu continues de ressembler à la pauvre fille que je vois, on va finir par se barrer! Red t'a plaquée et ton père ne t'aime pas. C'est dur à avaler, mais ressaisis-toi! Sakazuki compte sur toi! Tu ne vas pas le laisser au mains de Forst?"

Je me redresse d'un coup, avant de réaliser que je suis en train de glisser dans la baignoire. Et au lieu de tomber seule, d'un geste désespéré, je me cramponne à mon ami pour mieux l'entraîner dans ma chute. Un grand "splash!" plus tard, la blonde maugrée.

"Tu es irrécupérable, je me demande ce que tu ferais sans nous."

Je ne répond pas, nos regards se croisent et on éclate de rire, puis on sort de l'eau et on se sèche. Je prête quelques fripes à ma stratège et je m'allonge dans mon lit, cette histoire m'a épuisée mentalement, je ne tarde pas à m'endormir.

Quelques minutes plus tard, sur le pont de la Lépreuse, Héphillia rejoint Gaston et Wolfgang.

"Comment va-t-elle?" demande le bègue.

"Elle dort."

"Tu lui as donné les anti-dépresseurs?" s'enquiert le médecin.

La noble fait non de la tête.

"On fait quoi maintenant?"

"On lui fiche la paix, ça devrait aller."

"Tu as l'air soucieuse." constate Wolfgang.

"Oui, je crois que Frost est bien plus retors qu'on ne l'imaginait."

"C'est à dire?"

"Je crois qu'il a peur de Jes'. A Pearl Harbor, il est sans doute passé bien plus près de la défaite que nous ne l'imaginions. Je crains que ça le pousse à vouloir éliminer notre Jeska."

"On se doutait déjà que l'attaque de l'Asile était une mission suicide." pondère Gaston.

"Oui mais pas que … je ne crois pas que le laquais de Frost nous ait fait nous ravitailler ici sans raisons … je suis persuadée qu'il cherche à l'affaiblir."

"On va couvrir ses arrières."

Ils hochent tous la tête d'un air résolu.
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