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[1628] Saoul Marine (PV avec Hayase)

Ça arrivait une fois par trimestre environ et ça, sans généralement que qui que ce soit en fasse la demande. Le cataclysme, sur la garnison de Tequila Wolf, il tombait presque à heures fixes.
Le petit personnel, l'intendance ; les planqués, donc,  y'avait des jours où leur place, ils l'auraient troquée sans hésiter pour aller s'échauder à du révolutionnaire armé. Pas par ferveur ou par haine, mais parce qu'à bien y regarder, Charybde valait finalement mieux que Scylla.
« Scylla », c'était toutefois pas son nom, à la calamité qu'ils redoutaient tous. Non. Ce fléau ; ce boulet plutôt, on le nommait « Alegsis Jubtion » ; bien que d'autres périphrases, suintantes d'une vulgarité acrimonieuse, furent largement préférées à son nom lorsque venait l'instant de l'évoquer. Car de cet homme-là, on n'en parlait jamais par plaisir aussi, user de termes châtiés pour le désigner ne tombait jamais à propos. Personne en effet ne s'exclamait « Ah ! En voilà une belle tornade venue ravager ma maison ! ». Jamais. Ainsi, quand la casbah de la Cinquième division se trouvait remuée par la bête immonde - car il avait une vilaine bobine d'hippopotame, l'animal - le branle-bas de combat était à fleur de peau.

Il n'était pourtant pas méchant, Alegsis, mais il eut grandement gagné à le devenir pour que l'aversion qu'éprouvaient ses contemporains à son endroit fut ainsi mieux justifiée. Il avait ses manies. De celles qui exaspéraient, et jamais à moitié.

Ce n'était jamais silencieusement qu'il ruait dans les brancards l'idiot-ci. Toute forme de discrétion, quand elle se jetait sous ses pas, périssait sans grâce, piétinée et talonnée dans le vacarme et la cohue. Fidèle à ses habitudes - très mauvaises - de chasseur de primes en exercice, il avait fait irruption dans la caserne d'un violent coup de pied venu heurter les portes qui séparaient l'Ordre de l'Animal.
Alegsis Jubtion faisait son entrée dans les quartiers de la Cinquième Division.

- « Salut la compagnie ~ ! C’est pour un coup d’État. Non, je plaisante c’est juste moi. Elle est bonne, non ? Jeri-hi-hi ! »

Elle était même excellente ; à en mourir de rire. Ou à en mourir percé de plomb pour avoir menacé – par seul effet de gaudriole – des effectifs de Marine en exercice dont les nerfs étaient déjà passablement éprouvés par leur lutte incessante contre la révolution locale. Mais à tout prendre, à voir entrer ainsi l’énergumène d’un pas franc et dégourdi, le comité d’accueil mobilisé à la garnison aurait encore préféré une insurrection révolutionnaire. L'événement eut en effet été plus reposant pour leur santé mentale.
Chaque tristeste qui venait, Alegs se rendait à la garnison située la plus proche du QG d'East Blue - là où il n'avait pas ses accès - pour s'en aller faire la cueillette des nouvelles primes parues avant même que celles-ci furent parvenues à la presse et distribuées en conséquence. Dans un métier aussi concurrentiel - et quel métier - il faisait bon avoir une longueur d'avance sur les autres charognards de son espèce.

- « N'importe qui mais pas lui, psalmodiait déjà le malheureux collé à l'accueil pour ce jour. Des nuées de sauterelles, une tempête de neige ; même la fin du monde je prends, mais pas lui. »

L'accueil avait un rien de vexant, mais à trop s'y habituer, Alegs ne trouvait même pas prétexte à s'en formaliser, s'imaginant que c'était ainsi qu'étaient accueillis tous les visiteur dépourvus d'uniforme. Jamais il ne s'est demandé pourquoi même les esprits comptant parmi les moins superstitieux ressentaient le besoin compulsif de prier pour leur salut rien qu'à l'entrapercevoir. Eut-il compris que le problème venait de lui qu'il n'eut, de toute manière, pas eu les capacités cognitives pour se remettre en question. Il s'imaginait néanmoins que tous ces Marines qui le fuyaient lorsqu'il entrait étaient ravis de le voir, mais simplement trop occupés pour le lui faire savoir.
N'importe quel stipendié du Gouvernement Mondial, même le plus zélé, se serait damné pour une insurrection révolutionnaire en cet instant. Qu'un prétexte fut tout trouvé pour ne plus avoir à le souffrir dans les environs. Car la bête ne partait jamais rapidement après être entrée réclamer ses posters.

- « Alors ? Demanda-t-il gaillard et juvénile tandis qu'il posait ses mains sur le comptoir d'accueil. Ça s’évade un peu dans le coin ou pas ? Non ? Tant p… enfin tant mieux. Sans discrétion jamais, il grommela son dépit, fondant bon nombre de ses espoirs sur la capture d’une prime d’un resquilleur du bagne. Ils pourraient faire un effort ces imbéciles-là tout de même. »

Certaines fleurs ne s'épanouissaient qu'au sommet du lisier. Il fallait parfois un immense tas de merde pour que tout un biotope y grouille et y prospère. Les chasseurs de primes étaient de ces bestioles qui ne trouvaient leur essor que dans la crasse de ce monde. À faire bombance de la racaille quand on administrait un prix sur cette dernière, les chasseurs de primes trônaient au mieux bien en haut de leur chaîne alimentaire, celle-ci étant alors échafaudée sur la purulence rancie d'un corps social en décomposition. Chaque nouveau chasseur de primes qui arpentait les mers était une preuve de plus que le monde allait plus mal. Mais un de ces traqueurs comme celui qui avait déboulé, c'était plus qu'une preuve : c'était un symptôme. Un dont il fallait s'alarmer lorsqu'on posait les yeux dessus. Mais il fallait éviter que son regard croisa les deux grosses billes globuleuses qui lui faisaient office de mirettes, à Alegsis. Car c'était se l'infliger que de lui accorder de l'attention.
Aussi, le Marine chargé de l'accueil fut bien mal inspiré de lui adresser la parole, quand bien même le fit-il dans un souffle franchement exaspéré.

- « Qu’est-ce que tu veux, Alegsis ?... » Demandait-il blasé, miné d'avance par une discussion qui, entre eux, n'avait même pas commencée.

À Alegsis, on ne lui donnait jamais du « monsieur Jubtion ». La hiérarchie de la grande Mouette, pourtant, proscrivait toute forme de familiarité avec le moindre chasseur de primes qui passait. Cela, afin de ne pas être suspecté de connivence avec cette engeance qui, bien qu’elle gravitait parfois autour de la Marine, n’était cependant que tolérée dans leur aréopage lointain. Avec Alegs toutefois, le mépris et l’agacement aidant, la familiarité allait d’elle-même. Personne n’aurait d’ailleurs suspecté le moindre Marine de s’associer à un emmerdeur aussi notoire que l’était celui-ci. C’était une terreur Alegsis Jubtion, mais une qui évoquait plus volontiers la peur chez ses « alliés » que ses ennemis.

- « Moi ? Parut presque s’étonner l’indésirable. Rien que la paix dans le monde, la justice sociale, l’égalité entre les Hommes et… oh eh puis non. Se ravisa-t-il tout indolent qu’il était. À bien choisir, je préfère encore que tu me files les avis de recherche parus récemment. Tu m’as pris pour un couillon de révolutionnaire ou quoi ? Allez, hop hop hop ! Insistait-il en plus en frappant le comptoir du plat de la main. On se dépêche, je fais un métier sérieux, moi, j’ai pas de temps à perdre. » Exigeait-il enfin, pareil un gamin qui se plaisait drôlement à jouer un rôle d’adulte qu’il n’incarnerait jamais, pas même à moitié.

Le Marine, en le fusillant du regard à défaut d’être autorisé à le faire du mousquet, abattait la pile d’avis parus sur East Blue dans le mois puis, prit congé du lourdaud puéril venu lui pourrir la santé mentale comme il le faisait à rythme trimestriel. Se ruant sur les posters, avide de nouvelles rencontres, Alegs effeuillait aussitôt le répertoire des nouvelles tronches en vue dans le coin.
Plutôt que de prendre congé et se renseigner depuis son pédalo, il faisait sa lecture sur place. Et ce, bien qu'il fut un analphabète caractérisé. Le tout, sans évidemment priver les alentours de ses avis que chacun s'employa à ignorer d'ici à ce que l'énergumène ne déguerpisse.

Connais pas. Connais pas. Connais pas. Connais pas. Ah, ils ont enfin  fini par lui mettre une prime à celui-là. Connais pas. Connais pas. Connais pas. Connais p... OHLAVACHEJACKPOT ! Enfin… je veux dire Sa modeste exclamation ayant potentiellement eu un écho, il jeta des regards suspicieux autour de lui tandis que, dans l’assemblée, il était encore – et de loin - le plus suspect de tous les profils que l’on pouvait y croise. C... connais pas. Pas du tout même. Oulala, qu’est-ce que je le connais pas l’homme-là.. »

La maladresse s'agrégea à sa bourde alors qu'il commençait déjà à quitter les lieux à reculons, ses avis de recherche sous le bras après avoir soudainement cessé de les éplucher. Sauvé par le l'inconsidération flagrante des Marines pour sa personne ; ceux-ci, à ne pas vouloir qu'il les dérange, avaient ignoré jusqu'à son existence bien qu'il fut dans les environs. En sueur, à multiplier les rires faux et nerveux, Alegsis n'aurait su être plus suspect en cet instant que s'il l'avait décidé.

- « Bon bah… c’est pas tout ça. Faut que… que j’aille… enfin que j’y aille. Où exactement ? Personne ne lui avait demandé, tous occupés qu’ils furent à l’ignorer royalement d’ici à ce qu’il décampe. Qui sait ? Sûrement faire des trucs innocents et sans importance qui ne me conduiront ceeeeeertainement pas à une prime. Jeri-hi-hi-hi-hi-hi-hi-hi-hi-hi-hi… ! »

Il en était rendu à se frotter frénétiquement l’arrière du crâne que son chapeau ne recouvrait pas, et, à reculons, quittait la scène dans un rire si nerveux qu’il signait ses intentions de chasse. On n’y prêta cependant aucune importance, trop content de le voir déguerpir. Les soupirs de soulagement succédant à son départ, quand ils furent lâchés de concert, dégagèrent tant de carbone à eux seuls que toutes les plantes environnantes doublèrent de taille dans l’heure.

Son pirate, sur le poster, il l'avait vu et bien vu. Cela, il en était persuadé. Reluquer les gens suspects, Alegs, ça le connaissait. Ne le faisait-il d'ailleurs pas chaque matin lorsqu'il jetait un œil au miroir ?
C'est même en se dirigeant plus tôt vers la garnison locale qu'il avait décelé sa bobine. La piste était encore fraîche, et la fortune à son bout.


Dernière édition par Alegsis Jubtion le Mar 4 Avr 2023 - 13:16, édité 3 fois
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Saoul Marine
La discrimination, un terrible fléau qui gangrène notre monde. Des difformités physiques ou des troubles psychologiques, il n'en fallait pas plus pour être catégorisé anormal par la société. Mais la normalité au fond, qu'est-ce que c'est et qui l'a décidé ? Parce qu'on est beau physiquement, sans le moindre défaut et qu'on rentre dans les cases, on est qualifié comme conforme aux normes ?

En ce qui me concerne, je trouvais cette façon de penser, parfaitement ridicule. Qu'est-ce qui donne le droit aux gens de critiquer le physique de quelqu'un ? Ou de dire qu'un individu est bizarre, pour ne pas dire complètement fou avec beaucoup de mépris ? Toutes ces personnes dédaigneuses se croyant supérieures me dégoûtaient fortement. Je ne supportais pas de tels comportements. Il est vrai que... Je ne suis pas parfaite également, m'étant déjà fait quelques réflexions du même genre en croisant une personne, " différente "... Seulement, jamais je n'avais montré le mépris vis-à-vis d'eux.

Ces parias, comme beaucoup les appelaient, étaient parfois bien meilleurs que ceux qui les critiquaient dans leur dos. Cela me rappelle d'ailleurs une vieille histoire...

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[...]
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Cela se déroula quelques mois avant que je n'intègre les forces du Cipher Pol. L'Escadron de la 89ème avait des choses à régler sur l'île de Tequilla Wolf. La plus glaciale d'East Blue, connue pour son chantier interminable des Huit Ponts et pour sa prison si particulière qui emploie ses condamnés comme mains d'œuvres. Enfin... Je devrais plutôt dire comme esclaves... Cette île ne me plaisait pas beaucoup et encore moins maintenant que je connais quelqu'un qui s'y trouve. Mais bon, revenons en à cette histoire.

Alors que l'équipage s'apprêtait à débarquer sur l'île, il y avait une autre personne qui ne l'appréciait pas beaucoup, mais pas pour les mêmes raisons que moi.

- " Hors de question que je quitte le navire ! Si je sors, mes noix vont se transformer en marrons glacés ! " Braya l'Officier Tork Hans qui regardait l'épais manteau blanc qui tombait sur l'île.

- " Bah, mets un pantalon... " Intervint, Sy-ven d'une voix lasse.

- " JAMAIS ! "

- " Je... je vais rester avec Hans " Annonça soudainement Ma'isha, en regardant l'homme en slip.

- " Oh comme c'est étrange ! Les amoureux vont roucouler tranquillement pendant qu'on ne sera pas là " Balançais-je avant de ricaner en les imaginant batifoler.

- " Mais pas du tout ! " Hurla la jeune féline, devenant toute rouge. " On a... Enfin, j'ai plein de travail à faire ! Je comptais m'occuper de... "

" Mais oui, mais oui... Vu comment tu rougis, 'Sha, on va te croire sur parole ! " Lui coupais-je la parole, tout en lui tirant la langue, amusée.

Face à mes railleries, la jeune Minks me sauta dessus pour essayer de me faire ravaler mes paroles. Avec habilité et surtout beaucoup de chance, je réussis à éviter les coups de griffes et morsures. Je savais pertinemment que Ma'isha ne cherchait pas à me blesser grièvement, mais cela ne faisait pas grand bien de voir des griffes se planter dans sa chair... Cette jolie féline les avaient bien aiguisés en plus de ça... Malgré tout, cela ne m'empêcha pas de continuer à la charrier, courant en rond avec elle à mes trousses.

- " Bon, ça suffit toutes les deux ! On dirait de vraies gamines ! "

Tandis que tout le monde riaient autour de nous, Sy-ven tenta en vain de nous stopper. Seulement, aucune de nous deux ne l'écoutèrent, trop occupée à nous chamailler, comme des gamine en effet. Voyant qu'on ne l'écoutait pas pour la énième fois, l'Officier Levana poussa un long soupir de lassitude avant de passer une main sur son visage, complètement dépitée. La pauvre quand j'y repense... On lui en faisait vraiment voir de toutes les couleurs parfois.

Soudain, un raclement de gorge se fit entendre. Aussi rapidement que celui-ci arriva, le calme revint au sein de l'équipage. Plus personne ne riait et Ma'isha ainsi que moi cessions de nous chamailler en voyant l'Officier supérieur de notre régiment. Cet homme d'âge avancé inspirait un immense respect. Et c'est avec respect que nous nous mîmes tous au garde-à-vous, face à lui.

- " Ce n'est pas que vos enfantillages me déplaisent, mais on n'est pas ici en vacances. " Dit le Commodore avec autorité. " Les amoureux, je laisse le navire sous votre responsabilité. S'il arrive quelque chose, ça ira très mal pour vous.. " Leur jetant un regard noir. " Est-ce clair ? "

- " Oui, Commodore ! " Répondirent les deux officiers en cœur.

- " Sy-ven et Haya... "

- " Excusez-moi, Commodore. " Le coupa, Sy-ven, l'Officier en second. " J'aimerais profiter qu'on soit sur cette île, pour aller rendre visite à cette personne dont je vous ai parlé... "

- " Mmh... " Celui-ci regarda ma meilleure amie, tout en se caressant la barbe, semblant réfléchir à sa requête. " Très bien. Mais n'oublie pas ce que je t'ai dit Sy', il n'est pas toujours bon de renouer avec son passé. Quel qu'il soit. "

Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Qui Sy' connaissait-elle sur cette île ? De quel passé, Canone parlait-il ? Et surtout pourquoi, je ne savais rien de tout cela ?! Zut, c'était ma meilleure amie quand même... Malheureusement, alors que je me posais toutes ces questions auxquelles j'aurais tant voulu avoir de réponse, je fus rappelé à l'ordre par notre Officier supérieur.

- " Hayase, tu viens avec moi. "

- " Euh... moi ? " Lui demandais-je timidement.

- " Tu vois une autre Hayase quelque part peut-être ? " Me répondit-il en haussant un sourcil, tout en me toisant de toute sa hauteur.

- " Euh... Non, Commodore ! "

Mes joues, s'étaient empourprées, causées par la honte que je ressentais d'avoir posée une question aussi idiote. Mais il fallait me comprendre aussi. C'était la première fois que le Commodore Canone Raz me demandait de l'accompagner, seule, quelque part.

C'est donc sans attendre, que nous quittions le bateau, mon supérieur marchant devant moi à vive allure. J'avais beaucoup de mal à tenir la cadence avec mes petites jambes, me retrouvant à devoir presque courir, pour ne pas me faire distancer. Il faisait un froid de canard en plus de cela, m'obligeant à m'emmitoufler dans le manteau de la Marine que je portais. Comment les habitants de cette île pouvaient supporter un froid pareil ? L'habitude peut-être...

Au bout de quelques minutes de marche intensive, le lieu du rendez-vous du Commodore fut enfin plus qu'à quelques pas. Cet endroit n'était autre que la caserne du 5ème régiment de la Marine. À l'intérieur de celle-ci attendait le Colonel Rogue Paddington, soi-disant un vieil ami de mon supérieur. Peu importe qui était cet homme pour Canone, la seule chose que moi, je voyais, c'était que j'allais enfin pouvoir me mettre à l'abri de ce froid mordant.

Une fois à l'intérieur, profitant de la chaleur du bâtiment, le Commodore s'avança vers l'accueil avec moi toujours sur ses talons.

- " Commodore Canone Raz de la 89ème, je souhaiterais voir le Colonel. " Dit-il avec autorité à l'un des soldats s'y trouvant.

Seulement, celui-ci n'eut pas le temps de répondre qu'une voix se fit entendre dans notre dos.

- " Raz ! Espèce de vieux croulant ! Tu pointes enfin ta vieille carcasse jusque-là ! " Dit celle-ci avec énergie

Sur ces mots, le Commodore se retourna, hâtivement pour faire face à la personne qui lui adressait la parole. L'imitant, je m'aperçus qui s'agissait d'un homme chauve à la barbe bien garnie, dont le visage marqué par le temps, montré qu'il devait être de la même génération que mon supérieur. Sans me tromper, en voyant son uniforme, je compris qu'il devait s'agir de l'homme que venait voir ce dernier.

- "  Paddington, toujours aussi peu de cheveux sur le crâne à ce que je vois. " Lui dit-il avec un grand sourire sur le visage avant de lui serrer fermement la main.

Il était clair que les deux hommes semblaient très heureux de se revoir, affichant tous deux un sourire chaleureux l'un envers l'autre. Cette complicité entre ces deux Officiers avait quelque chose d'émouvant. Comme si ces deux amis ne s'étaient pas revu depuis des années. En même temps, cela faisait plus d'un an que je naviguais avec eux, et jamais nous avions mis les pieds sur cette île. C'était la vie que nous avions choisie et qui faisait que les retrouvailles avec nos proches étaient si belles.

Tandis que les deux hommes discutaient gaîment, quelque chose d'autres attira mon attention. A quelques mètres de nous, un homme avec un grand chapeau sur la tête et... Un pinceau ? Bref... Faisait un vacarme pas possible, tout en feuilletant des documents à l'accueil dont nous nous étions éloignés plus tôt. Intriguée, j'essayais tant bien que mal d'observer ce qu'il le mettait dans un tel état.

Malheureusement, alors que je m'apprêtais à résoudre ce mystère, je fus rappelé de nouveau à l'ordre par le Commodore.

- " Yorha ! Tu m'écoutes à la fin ! " Me dit-il avant de me mettre une petite pichenette de ses gros doigts sur mon front.

Bien que ne me faisant pas mal, ce geste me fit sursauter légèrement.

" Euh... oui ! " Tout en me massant le front.

- " J'ai des choses à voir en privé avec le Colonel. Tu vas m'attendre ici. D'accord ? " Plissant légèrement les yeux tout en me fixant durement, pour me faire comprendre que je n'avais pas intérêt à lui désobéir.

- " A vos ordres, monsieur ! " Lui répondis-je tout en me mettant au garde-à-vous, l'air légèrement craintif d'une petite fille.

- " Bien, brave petite. "

Sur ces mots, l'Officer Canone, m'offrir un sourire chaleureux avant de me tapoter gentiment le sommet du crâne. He oui.. Il était comme ça notre Commodore. Il pouvait sembler dur et froid, mais en fait, c'était un homme attentionné qui aimait beaucoup ses hommes.

Après ce petit geste d'affection à mon égard, celui-ci suivit le Colonel Rogue qui l'emmena dans son bureau. Quant à moi, me retrouvant seule, je reportais mon attention vers l'accueil pour voir si l'homme agité était toujours là. Ce qui ne fut malheureusement pas le cas... Légèrement déçue de ne pas avoir su ce qui avait été la source de tant d'animation, je décidais d'aller me renseigner auprès du soldat qui y travaillait.

- " Excusez-moi.. Qu'est-ce que voulait cet homme qui était là y'a quelques instants ? " Lui demandais-je, curieuse.

Ce dernier, me voyant lui poser cette question, poussa un long soupir avant de me détailler des pieds à la tête.

- " Si tu veux parler d'Alegsis, cet abruti est venu me faire chier comme à son habitude... " Me répondit-il, lâchant un nouveau soupir de lassitude tout en continuant de me reluquer.

La façon qu'il avait de parler de cet homme me choqua quelque peu. De quel droit, ce soldat de la Marine se permettait de parler d'un citoyen comme ça ? Et puis il avait quoi à me fixer comme ça ? J'avais quelque chose sur le visage ? Ou sur mon manteau ? J'avais fait tomber du jus de mandarine peut-être... ? Zut... Je n'espère pas... Sinon Sy-ven va encore me disputer.

Cependant, alors que je regardais discrètement mon manteau pour voir s'il y avait une tache, je compris que ce n'était pas ça qu'il regardait...

- " Et sinon ma belle, qu'est-ce que je peux faire pour toi ? "

Son attitude avait complètement changé, celui-ci affichant un sourire qui se voulait charmeur... Ma belle... En l'entendant me parler ainsi, ce fut à mon tour de lâcher un petit soupir de lassitude. Encore un de ces dragueurs du dimanche, un peu lourdaud... Depuis mon départ de mon île natale, mon corps avait légèrement changé, ce que beaucoup d'hommes n'avaient pas manqué de voir... Avant, cela ne me dérangeait pas ou du moins, je n'y prêtais pas plus attention que cela, mais depuis que j'avais eu mes dix-huit ans et gagné un peu plus en maturité, je me rendais compte que cela pouvait vite devenir déplaisant.

Les filles de l'équipage, m'avaient déjà fait la réflexion, que déjà adolescente, je ne manquais pas de charme quand je les avais rejoints et que j'étais devenue belle comme un cœur en devenant adulte en presque deux ans. De plus il fallait que je m'attende à me faire lourdement draguer de plus en plus par des ahuris dont le cerveau semblait fondre à la vue des courbes d'une femme...

Sentant la colère monter en moi, je frappais d'un coup sec le comptoir de l'accueil du plat de ma main. Surpris par ce geste, le Marine sursauta légèrement avant de me regarder sans comprendre ce qui m'avait prit. Ne voulant pas le laisser se reprendre, j'enchaînais rapidement.

- " Alors pour commencer, je ne suis pas votre belle ! " Lui dis-je d'un ton cinglant, mes yeux lui envoyant des éclairs. " Ensuite, je vous ai posé une question et je veux une réponse ! Est-ce clair ou vous souhaitez que j'en réfère au Colonel et par la même occasion à mon supérieur ? "

- " Mais il ne faut pas le prendre comme ça ma be... "

Un autre coup sur le comptoir l'empêcha de finir son mot, tandis que je le fusillais du regard. S'il m'appelait encore une fois comme ça, il était fort probable qu'il ne pourrait plus rien dire avant un petit moment... Je m'imaginais déjà lui briser la mâchoire d'un coup de pied bien placé.

Quoi ?! Comment ça, il ne faut pas que je m'énerve comme ça ? J'aimerais bien vous y voir à ma place !

Par chance, cet idiot sembla enfin avoir compris le message, m'expliquant que cet homme était en réalité un chasseur de primes et qu'il était venu s'enquérir des nouvelles primes qui étaient tombé. Pendant qu'il me donnait enfin les informations que je voulais, ce dernier posa les avis de recherche devant moi, que je me mis à feuilleter tranquillement.

Tout d'un coup, une affiche attira mon attention et pas pour n'importe quelle raison... L'homme qui se trouvait sur la photo de celle-ci ne m'était clairement pas inconnu... Bien que celui-ci avait un peu changé, je reconnus le nom qui y était inscrit.

- " Hat Zeno... " Dis-je dans un souffle inaudible tout en fixant la photo avec effroi.

Cet homme était encore en vie... Et en plus de ça, il était devenu un pirate... Rien d'étonnant, il faut dire. Vu le sale type qu'il était à l'époque. Un fichu tortionnaire qui passait son temps à s'en prendre à moi et mes amis quand on était petit... Heureusement qu'à chaque fois qu'il m'embêtait, mon grand-frère était là pour me protéger.

Ça ne me plaisait pas du tout de le revoir, même en photo. Zeno avait fait tellement de mal dans le passé et il continuait à en faire... Il fallait que quelqu'un l'arrête... Et alors que je réfléchissais à cette éventualité, une idée me vint.

Sans attendre et sans prendre le temps de remercier le Marine, je sortis de la caserne, désobéissant ainsi au Commodore qui serait sûrement fou de rage en voyant que j'étais parti. Mais peu importe... Je voulais retrouver ce chasseur de primes et lui demander un service.

Une fois, dehors, il ne me fallu pas longtemps pour l'apercevoir, son grand pinceau dans le dos y aidant.

- " Hé ! Vous ! " Me mis-je à hurler à son encontre.



Dernière édition par Hayase Yorha le Dim 17 Mar 2024 - 11:34, édité 2 fois
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Les gars de la Marine, avaient parfois des tétines. Puis elles criaient aussi. Fort et grossièrement. Celle-là en tout cas, sortie en toute hâte du hall, avait huché le moche à peine celui-ci fut-il extrait des locaux la garnison. La situation, pour ce qu'elle avait d'anodine, aurait pu être d'une banalité confondante. C'était sans compter sur les éléments en présence ; c'était sans compter sur la bêtise proverbiale de celui-là même qu'elle apostrophait. Elle ne savait pas dans quoi elle s'embarquait, celle-là, en commettant l'imprudence manifeste de lui adresser la parole. Elle était jeune. Cette expérience traumatisante que serait une interaction prolongée avec Alegsis Jubtion la changerait peut-être à jamais, et pas nécessairement pour le meilleur.
Évidemment interpelé par le cri qu'on lui jetait, le chasseur de primes se retourna vers la demoiselle pour la gratifier de son air hébété et godiche qui caractérisait si bien le personnage de tout ce qu'il avait de stupide à faire valoir.
Il aurait pu comprendre que c'était à lui qu'elle s'adressait, la jeune Marine, après avoir vu que son regard était justement posé sur sa trogne. Même qu'il aurait dû le comprendre. Mais encore une fois, cet homme-là n’était pas n’importe quel homme : c’était Alegsis Jubtion.
À la regarder quelques seconde de sa tronche niaiseuse et sidérée par l’incompréhension, il saisit enfin de quoi il en retournait. Du moins, il crut le comprendre.

Il crut comprendre que cette jeune Mouette fraîchement sortie du nid cherchait à interpeler quelqu’un en particulier. C’était un bon début. La suite du raisonnement, comme toute forme de réflexion entreprise par l’artiste chasseur, laisserait cependant à désirer. Car ingénu au point d’en être débile, il se figurait que la demoiselle en uniforme avait appelé à elle un certain « Évou». Nom curieux au demeurant, mais peut-être celui d'un camarade à elle.  
Serviable du mieux qu’il pouvait - c’est-à-dire  bien mal, situé qu'il était aux pieds des escaliers de la garnison qu’il quittait à l’instant, Alegs se tourna vers la foule de passants qui déambulaient devant lui, ses deux mains en porte-voix, afin de se faire l'aimable relai de la Marine.

- « ÉVOU ! RAMÈNE-TOI ! » Scanda-t-il bien assez tôt et bien assez fort.

Si ce n’est les vagues regards fugaces et interloqués de quelques rares chalands ne se sentant pas concernés par l’injonction si fougueusement clamée, son oraison bruyante ne suscita aucune réaction. Il en fallait cependant bien plus pour décourager un idiot aussi spectaculaire que celui qui, dans l’allégresse et la véhémence, persistait dans le malentendu.

- « ÉVOU !!! TU VAS RAPPLIQUER, OUI ?! Y’A LA MARINE QUI T’APPELLE ET L'A PAS L’AIR COMMODE ! »

S’étant époumoné à vouloir rendre service, un brin exténué d’avoir lâché de pareils cris afin être entendu du plus grands nombre – car il tenait absolument à ce qu’Évou l’entende – Alegsis, maintenant crispé et les poings fermés, ses avant-bras repliés en avant, se trouvait déjà en position de fulminer. Sa mâchoire tordue pour lui donner une gueule torve, ses yeux gonflés par la rage, il ne pouvait qu’enrager de constater à quel point ses suppliques menaçantes tombaient dans l’oreille d’un sourd. Un sourd qui, pour commencer, n’existait même pas.

- « Le… Le vaurien !… Pour qui il se prend à m’ignorer ?! » Bisquait-il furieusement entre ses dents d’hippopotame.

De son dos, il se saisissait de l’immense pinceau dont il faisait habituellement un usage aussi artistique qu’il était martial. Les muscles gonflés sous sa tunique, il n’en était pas encore à avoir la bave aux lèvres, mais l’envie d’en découdre était à présent irrésistible.

Évou était allé trop loin.

- « TU CROIS QUE TU PEUX TE CACHER LONGTEMPS COMME ÇA, PENDARD ?! MOI JE VAIS TE LA CASSER TA MARGOULETTE ! ET SALEMENT ! »

C’était devenu une affaire de principe.
La recrue qui l’avait hélé, peut-être gênée pour lui, ou simplement usée d’attendre qu’il comprenne que ce fut lui qu’elle avait sollicité plus tôt, avait descendu les marches jusqu’à le rejoindre. Le phénomène l’alpagua aussitôt qu’elle fut à côté de lui.

- « Faut pas s’inquiéter, il nous échappera pas. Je suis chasseur de primes, des comme lui, j’en ai retrouvé des tas. Pas tant que ça en réalité. Évou n’a aucune chance, je le rapporterai mort ou vif ! » Assurait-il avec conviction.

Le moins que l’on pouvait dire d’Alegsis, c’est qu’il avait un tempérament volontaire et opiniâtre. Un tempérament qui eut pu être mis à si bon escient s’il n’avait pas été greffé à une cervelle aussi mal faite.
Avant qu’il ne s’en aille tabasser des innocents sur un malentendu grossier, il fallut impérativement que le quiproquo fut éclairci. Il en allait de la sécurité publique de Tequila Wolf.

- «Quoi ? Cligna deux fois des yeux Alegs quelque peu éberlué par ce qu’elle venait de lui faire remarquer. C’est moi que t'appelais ? »

Eut-il eu ce qu’il fallait de jugeote dans la caboche qu’Alegsis se serait senti bien bête à enfin réaliser ce qui, dès le départ, avait tenu de l’évidence même. Heureusement pour lui, sa stupidité ne connaissait aucune borne, le prémunissant naturellement contre toute forme de gêne.

- « Mais... je m’appelle pas Évou, enfin. Pensa t-il la corriger doctement. C’est Alegsis mon nom. Comble de l’impertinence - bien qu’elle fut involontaire - Alegsis articula ensuite comme s’il s’était adressé à la dernière des crétines. Aaaaaa – Leeeeeg - siiiiis. Vous êtes pas franchement malin, vous, à la Marine jeri-hi-hi. Mais c’est pas grave, hein. Reprit-il comme pour chercher à la rassurer avec sollicitude et bienveillance. Ça arrive à tout le monde de faire des erreurs. C’est comme ça que le métier rentre. »

Jamais imbécile fut aussi flamboyant qu’Alegsis Jubtion. Il n’y avait pas pire idiot que celui qui n’avait pas les moyens de comprendre qu’il en était un. Pour un peu, on eut pu croire que ses remarques tenaient parfois du sarcasme très bien déguisé, si ce n’est même de l’effronterie caractérisée. C’était alors lui suspecter des éclats d’intelligence qui, dans ses prunelles, ne scintillaient jamais. Insolent, il l’était présentement malgré lui. Et il n’en finissait pas de l’être tandis que, son pinceau en appui sur une épaule, il usa de sa main de libre pour tapoter le sommet du crâne de son interlocutrice. Avec bonhommie, bien qu’il venait de la traiter avec condescendance sans même en avoir conscience, il posa à Hayase cette question qui, peut-être, lui poserait des complexes pour le restant de ses jours.

- « Qu’est-ce que je peux faire pour toi mon petit bonhomme ? »

Tous ne fantasmaient pas sur elle depuis que la nature l'avait gâtée de ses attributs enchanteurs. Certains mâles étaient en effet si simplets qu’ils croyaient encore voir en elle un jeune garçon aux traits féminins. Ils étaient rares ceux-ci. Et c’était tant mieux pour l'humanité toute entière.
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Saoul Marine
L'être humain, a toujours cherché à contrôler tout ce qui l'entoure, voulant connaître à tout prix toutes les petites choses inexplicables de notre monde. Seulement, bien que certains passent leur vie à essayer de trouver des réponses à ces questions, il y a des fois des phénomènes qui resteront à jamais incompréhensibles, comme l'impression de déjà-vu ou bien la connections bien particulière entre deux jumeaux.

De mon côté, la chose que j'essayais de comprendre, ou plus exactement la personne, c'était ce chasseur de primes un peu spécial...

- " Mais... Qu'est-ce qui lui prend ? " Me questionnais-je moi-même, surpris par sa réaction.

Après l'avoir interpellé, celui-ci s'était mis à dire des trucs bizarres. Il hurlait à pleins poumons dans le vide comme quoi la Marine cherchée un certain Évou. Intriguée, je me mis à balayer la place du regard, m'attendant à voir débarquer cette fameuse personne. Seulement, personne ne vint et l'homme au pinceau continua de hurler, proliférant des menaces contre cette personne qui ne daignait pas se montrer.

- " Évou... Évou... " Me répétais-je plusieurs fois tout croisant les bras, cherchant une explication à tout cela. " É vou... Hé... vous ? "

Soudain, je réalisai ce qui s'était passé dans la tête de cet homme. En le comprenant, mes bras m'en tombèrent. Je n'arrivais pas à l'admettre et pourtant... Ce qui mettait tant en colère cet homme était un simple malentendu.

- " Faut pas s’inquiéter, il nous échappera pas. Je suis chasseur de primes, des comme lui, j’en ai retrouvé des tas. Pas tant que ça en réalité. Évou n’a aucune chance, je le rapporterai mort ou vif ! " Me dit-il soudainement, l'air sûr de lui.

- " Mon dieu qu'il est bête... " Me dis-je moi-même dans un souffle avant de plaquer une main sur ma bouche, effaré par ce que j'entendais.

Par pitié, dites moi que c'est une mauvaise blague et qu'il n'est pas sérieux. Comment pouvait-on se méprendre à ce point-là ? Même un enfant aurait compris à ce moment-là que je l'interpellais et pas que je cherchais une personne qui portait ce nom... Enfin, si on peut appeler ça un nom d'ailleurs... Ce personnage pourtant plus âgé que moi, semblait n'avoir aucune jugeote et le spectacle qu'il donnait été si pathétique... Je ressentais presque de la pitié pour lui, à se ridiculiser de la sorte. Il fallait que j'arrête ce massacre.

Bien décidé à intervenir, je franchis les quelques mètres qui nous séparèrent. Arrivé à sa hauteur, je me raclai la gorge avant de prendre la parole.

- " Euh... Excusez-moi monsieur, mais c'est à vous que je m'adressais tout à l'heure... " Lui dis-je gentiment, tout en affichant un faible sourire.

Sur ces mots, le chasseur de primes, me fixa un instant, l'air étonné avant de comprendre, comme si une petite lumière venait de s'éclairer dans son cerveau, que je parlais bien de lui.

Malheureusement, tandis que je pensais qu'on allait avoir enfin une conversation normale, je fus troublé par la suite des événements. Celui-ci, semblant me prendre pour une idiote, ne démordit pas au sujet de ce malentendu me signalant qu'il ne s'appelait pas Evou, mais Alegsis tout en insistant sur la prononciation de son prénom. Mais ce qui me perturba le plus, ce furent ses dernières paroles.

Alors qu'il me demanda enfin ce que je voulais, celui-ci utilisa un terme auquel je ne pensais jamais entendre de ma vie sur ma propre personne... Mon interlocuteur m'appela, " mon bonhomme "...

- " Mon quoi... ? " Me demandais-je à voix haute avant de rester bouche bée, les yeux grands ouverts, choqué par ce que je venais d'entendre sortir de sa bouche, alors que cela résonnait encore et encore dans ma tête.

Dites-moi que c'est un cauchemar et que je vais me réveiller. Cet homme, venait-il vraiment de me prendre pour un homme ? Était-il aveugle ou complètement idiot ? Voir peut-être les deux. C'était bien la première fois que je subissais un tel affront... Certes, je n'étais pas comme certaines femmes qui ont des ballons en guise de poitrine, mais quand même... Ça se voyait que j'étais du sexe féminin...

Tandis que le chasseur de primes me regardait avec son air ahuri, je sentais la colère monter en moi que je ne pus retenir, la déversant sur lui.

- " Je rêve où vous venez de me confondre avec un homme ! " Lui hurlais-je dessus, les yeux revolvers. " Je suis une femme sombre idiot ! UNE FEMME ! F.E.M.M.E " Lui épelais-je lettre par lettre pour que cet énergumène comprenne une fois pour toute son erreur.

La rage que je ressentais était telle qu'il me fallait me contrôler afin de ne pas le gifler. Bien qu'il le méritait amplement, je ne pouvais me permettre de me laisser aller ainsi à de telles violences... Je faisais quand même partie de la Marine et je n'avais pas le droit de m'en prendre gratuitement aux civiles, aussi idiots soient-ils. Si je faisais une chose pareille, ma désobéissance envers mon supérieur serait clairement le dernier cadet de mes soucis.

Pourtant, j'avais tellement envie de lui faire ravaler ses paroles. Ce qu'il m'avait dit était très vexant... On m'avait déjà prise pour une enfant à cause de mes formes très peu prononcées et ma petite taille, mais un garçon... Jamais. En plus de ça, j'étais déjà très complexé par cela, alors qu'un inconnu en rajoute une couche, c'était le pompon.

Les hommes de cette île, étaient-ils tous aussi débiles les uns que les autres ? Entre l'autre lourdaud qui m'avait ouvertement dragué tout à l'heure et maintenant, ce Alegsis qui me manquait de respect en me confondant avec un homme. Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre.

- " Vous savez quoi... " Tout en chiffonnant l'avis de recherche que j'avais en main. " ...laissez tomber ! " Lui dis-je d'une voix glacial avant de lui jeter la boulette de papier au visage.

Je perdais complètement mon temps avec lui. S'il n'était pas capable de différencier un homme d'une femme, comment pourrait-il me rendre service ? Traquer l'homme qui se figurait sur cette affiche serait sûrement mission impossible pour lui. Au final, je commençais à comprendre pourquoi le Marine de l'accueil semblait de ne pas porter le chasseur dans son cœur. Ce n'était qu'un idiot !

Continuant à fusiller le chasseur du regard, je décidai au bout de quelques secondes de faire demi-tour, retournant à la caserne. Sur le pas de la porte, je me retournais pour plonger une dernière fois mes yeux dans ceux d'Alegsis, qui semblaient vide de toute intelligence, avant que mes fines lèvres ne s'ouvrent à nouveau.

- " BAKA ! " Me mis-je à hurler une nouvelle fois vers lui avant de tirer la langue.


Dernière édition par Hayase Yorha le Dim 17 Mar 2024 - 11:34, édité 2 fois
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Ce fut une besogne bien ingrate que celle consistant à épeler le mot «Femme» à un analphabète patenté. Hayase, néanmoins, s’en était acquittée avec ferveur. Quelque peu courroucée toutefois que son interlocuteur ait manqué de tact et accessoirement de bon sens – c’était à Alegsis Jubtion qu’elle s’était adressée après tout – la petite demoiselle - car c’en était une, de demoiselle - se ravisa finalement, vexée qu’elle était, après avoir pourtant interpelé celui-là même à qui elle ne souhaitait maintenant ne plus adresser la parole. Effectivement, il n’y avait à présent plus aucun doute sur la question, à la voir agir ainsi : c’était bien d’une femme dont il s’agissait.
Pour conclure une rencontre malheureuse qu’elle regrettait sans doute amèrement d’avoir initiée, la jeune recrue avait outrepassé les normes espérées de la bienséance en dévoilant un organe dont on attendait qu’il ne soit jamais exhibé en public.

L’effrontée, en effet, lui avait tiré la langue.

L’uniforme, en principe, commandait une certaine rectitude. Aussi, traiter d’idiot le premier civil venu en lui tirant la langue constituait une infraction caractérisée. Fort heureusement pour elle, les canons de la politesse, jamais, n’avaient tonné dans les neurones de l’ahuri qui fut victime de l’incivilité outrecuidante. Celui-ci, en réponse, avait lui aussi tiré la langue en s’inclinant, les bras éloignés de son buste comme pour saluer, avant de s’exclamer à son tour :

- « Alegchis ! Enchantché. »

C’était en effet une tâche remarquablement ardue que de parler la langue entre ses dents, et il s’y étant néanmoins essayé.
Les codes sociaux, Alegs ne les avait pas tellement. Le reste non plus d’ailleurs. Aussi, pareil à un animal curieux qui découvrait un peu mieux le monde à chaque jour qui lui passait dessus, il pensait que ce comportement dont il avait été présentement témoin constituait une manière on ne peut plus coutumière de se présenter. La méprise n’en finissait pas de s’étoffer alors qu’après l’affaire « Évou », le chasseur de primes en était désormais rendu à croire que la jeune marine s’était présentée à lui sous le doux patronyme de « Baka ».
Se pensant malin – ce qui, en soi, démontrait à quel point il était abruti – Alegsis s’imaginait sincèrement qu’avec cette Marine-ci, il avait la cotte pour qu’elle chercha à se faire remarquer de lui avec tant d’entrain. Aussi escomptait-il bien en profiter.

- « Dis voir Baka, entamait-il avec la subtilité d’une chute de pierres alors qu’il s’approchait d’elle, vu que maintenant on est intimes, tu voudrais pas m’aider à le retrouver celui-ci ? »

Et, d'un coup d'un seul, il lui mit sous le nez l’avis de recherche incombant à sa proie. Du moins ce qu’il avait tenu comme tel.

L’avis de recherche:

- « Attends, non. Ça, c’est une Visio-Dial de ma sœur. Se rectifia-t-il sans apparemment éprouver la moindre gêne à avoir sur lui une photo aussi suspecte qu’équivoque. Elle fouille les épaves, y’a pas sot métier. Marmonnait-il pour occuper la conversation tandis qu’il cherchait maladroitement dans les affiches « Wanted » celles qui, pour l’heure, était la plus chère à son cœur. Par contre des requins, ça… y’en a. Ah, voilà ! »

Après avoir - par ces derniers mots fugaces et glissants - laissé entendre pourquoi la frangine était quelque peu carencée quant à ce qui se rapportait à la présence de ses membres, Alegsis finit enfin par extraire l'avis qu’il avait recherché si âprement.
Le sieur Jubtion devenait un peu plus douteux à chaque seconde qui passait. Et Hayase ne le connaissait que depuis cinq minutes à peine. Le concernant, le pire était à venir.
Le pire, on en dessina les prémices quand il lui mit sous le nez un portrait qui, à elle aussi, lui parut familier. Hat Zeno, pour ainsi dire, lui avait presque surgi à la gueule alors que, sans délicatesse aucune, le chasseur de primes plaquait presque l’avis contre son visage.

- « Celui-là, faut que je le trouve pour les sous. Alegsis ne savait pas lire, mais il savait reconnaître les chiffres sous le poster. Il est dans le coin figure-toi. Lui glissa-t-il ensuite comme une confidence en jetant des regards autour d’eux. Si tu m’aides à le trouver, promis, je te file ta part. »

Elle était folle de lui, il le savait. Ou croyait-il le savoir dans les méandres de sa bêtise où y fourmillaient les malentendus depuis leur première interaction. Elle n’hésiterait pas à le seconder dans la chasse à l’homme sans en avertir la hiérarchie pensait-il. Et, en homme de peu d’éthique mais de beaucoup de fainéantise, Alegsis ne voyait pas d’un mauvais œil que la Marine travailla pour lui.

- « T’en dis quoi mon gars… Il avait à nouveau merdé mais, avec cette habileté qu’on lui connaissait, Alegs se rattrapa aussitôt, mon… mon… mon… mon gabot ? »

Le mieux qu’il pouvait – ce qui n’était jamais grand-chose – l’avait amené, dans une pirouette de dernière seconde, à la comparer à un poisson. Ce serait le surnom affectueux qu’il lui accorderait alors pour s’être si mal corrigé de cet énième bourde. Une bourde qui, à n’en point douter, en préfigurait encore un bon millier d’ici à ce qu’ils furent quitte de leurs aventures. Car aventures il y allait à en juger le regard acerbe avec lequel la jeune fille avait toisé le portrait qui lui fut tendu. Dire « Oui » à Alegsis, cependant, eut équivalu à mettre le doigts dans un engrenage de débilité dont, en bout de course, on ressortait passablement éprouvé. Jamais de sa vie elle n'avait pris de plus gros risque que de l'apostropher comme elle l'avait fait plus tôt.


Dernière édition par Alegsis Jubtion le Lun 3 Avr 2023 - 9:36, édité 2 fois
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Saoul Marine
La fuite est parfois la seule réponse possible que l'on peut choisir face à un quelconque danger qu'on ne peut affronter. Face à un volcan en éruption par exemple, jamais vous ne tenterez quoi que ce soit, sachant pertinemment que vous risquerez d'y laisser votre vie. A la place, vous chercherez à vous en éloigner le plus vite possible afin de vous mettre hors de portée de la lave.

Hé bien, dans mon cas, c'était exactement la même chose. Je ne me trouvais certes pas en face d'une mort certaine, mais face à une personne pouvant mettre ma santé mentale en péril. Cet énergumène qu'était Alegsis, n'avait vraiment pas les lumières allumaient à tous les étages. Celui-ci avait la fâcheuse tendance à me faire sortir de mes gonds et cela ne s'arrêta pas là.

Alors que j'aurai mieux fait d'écouter ma conscience qui m'incitait à retourner attendre le Commodore, bien au chaud dans la caserne, j'étais resté sur le pas de la porte à écouter ce malotru débiter d'autres âneries. Quelle grossière erreur de ma part... Une fois de plus, le chasseur de primes démontra le peu d'intelligence dont il semblait doté, prenant mon insulte comme une simple présentation de ma personne... Et si ce n'était que ça encore...

Bref, tandis qu'il m'insultait en me traitant encore comme un garçon, je ne fis pas attention à ses dernières paroles, lui arrachant l'avis de recherche des mains.

- " Vous êtes sûr de vous ? " Lui demandais-je sur la réserve. " Ce criminel se trouve vraiment sur cette île ? " Tout en pointant l'affiche du doigt que je tenais face à lui.

Cette confidence était assez étrange, pour ne pas dire farfelue. Qu'est-ce qu'un homme recherché ferait sur une île comme Tequilla Wolf ? Cette île était une vraie prison et il était complètement suicidaire pour quelqu'un ayant une prime sur la tête de venir y mettre les pieds. En pensant à ce détail et pas le moindre, je commençais à douter de la véracité de ses dires. Comment faire confiance à un homme aussi stupide ? Si ça se trouve, il est capable de confondre un écureuil avec éléphant... Comment ça, j'abuse ? Je n'en suis pas si sûre !

Pourtant, alors que je le fixais tout en me posant des questions sur sa fiabilité, je vis dans ses yeux, pareils à deux grosses billes, qu'il semblait vraiment sûr de lui.

- " J'accepte de vous aider. " Lâchais-je tout d'un coup sans détour. " Par contre, je me fiche bien de la prime, vous pouvez garder la totalité. La seule chose qui m'importe, c'est d'arrêter cet homme ! " Lui avouais-je, déterminée. " Mais avant ça, j'ai un truc à faire ! Attendez-moi ici, je reviens ! " Lui intimais-je avant de repartis vers la caserne, poussant de nouveau la porte pour y entrer.

- " J'ai un service à vous demander ! "

Surpris par mes paroles, l'homme de l'accueil à qui elles furent adressées, haussa un sourcil en me regardant.

- " Un service ? " Celui-ci lâcha un petit rire nerveux. " Compte-pas là-dessus ma petite ! Vu comment tu m'as parlé tout à l'heure, tu peux toujours courir pour que je t'aide. " Finit-il par me dire avec une pointe de haine dans la voix.

Pour rien vous cacher, je m'attendais à cette réponse. Mais... je n'étais pas venu sans un plan. C'était mal me connaître de croire que j'accepterai aussi facilement de baisser les bras face à un tel refus. Ce dragueur du dimanche n'était clairement pas prêt pour ce qui l'attendait. Oh que non, ni lui, ni personne d'ailleurs !

- " A l'aiiiiiiiiide ! " Me mis-je à hurler tout d'un coup, d'une voix paniqué.

En entendant ce cri que seul lui put entendre, ne l'ayant pas poussé trop haut, le Marine sursauta légèrement avant de me regarder les yeux écarquillés. Dans ceux-ci, je pouvais y voir un mélange de surprise et de peur... L'incompréhension la plus totale venait de s'emparer de lui.

- " Mais... mais qu'est-ce que tu fous bordel ?! " Me demanda-t-il, énervé tout en se levant brusquement de sa chaise. " Ca va pas de hurler comme ça, sombre idiote ! Tu te rends compte si on t'entendait ! "

Un sourire légèrement sadique étira mes jolies lèvres à ces mots. En voyant cette expression sur mon visage, cet homme eut un petit geste de recul, sous le choc de la révélation.

- " A... Attends... Tu déconnes là ? " Me demanda celui-ci tandis que son teint virait au blanc.

Hé non ! Vous ne vous trompez pas. J'étais bien en train de piéger ce soldat. Si ce gros lourdaud avait agi autrement lors de notre première conversation, je n'aurais pas fait cela. Mais... Il ne récoltait que ce qu'il avait semé et je n'avais aucune pitié à me servir de chantage pour avoir ce que je voulais.

- " Si tu refuses de me rendre ce service, je continue de hurler, ameutant tous les Marine de la caserne, dont nos deux supérieurs respectifs. " Lui annonçais-je en abandonnant le vouvoiement pour lui montrer que je ne rigolais pas. " Comment penses-tu qu'ils réagiront quand je leur dirai que tu as essayé d'abuser de moi ? "

- " Jamais ils ne te croiront... " Me répondit-il avant de rire nerveusement, une goutte de sueur roulant le long de sa tempe.

- " Oh, tu crois ? " Lui dis-je tout en haussant légèrement les épaules. " " Pourtant, je serai prête à parier qu'avec ta sale réputation de dragueur, que cela ne sera pas compliqué de leur faire avaler ça. "

- " Tu.. tu... " Balbutia le soldat sans réussir à trouver ses mots.

- " De plus, je suis encore très jeune et donc encore potentiellement très naïve aux yeux des autres. Cela n'étonnerai donc personne que je puisse me faire avoir par un homme plus âgé que moi... " Lui dis-je tout en prenant une moue faussement apeurée. " Le Commodore me connaissant bien, ne mettrait pas ma parole en doute et.... Il risquerait de te faire payer de t'en être pris à quelqu'un de son équipage. "

Tout au long de mon monologue, je vis mon interlocuteur se décomposer de plus en plus, comprenant que je ne plaisantais pas du tout. Quel pouvoir merveilleux que d'être une femme et pouvoir ainsi manipuler un homme, de quelconque façon. Cela, faisait-il de moi une personne monstrueuse ? Peut-être, mais à dire vrai, je me fichais bien de l'image que je pouvais donner à ce moment-là. Cet homme qui n'inspirait en moi que du dégoût ne méritait pas ma miséricorde. J'assouvissais juste une petite vengeance. Pour moi et toutes celles qui avaient eu à subir sa lourdeur.

- " Alors ? Est-ce que tu acceptes de m'aider oui ou non ? " Lui demandais-je froidement.

Malheureusement, celui-ci ne broncha pas, complètement paralysé par la peur, son corps pris de tremblement. Voyant qu'il ne répondait pas, j'entrouvris de nouveau la bouche, prenant une grande inspiration, me préparant à hurler plus fort, cette fois-ci. Comme je l'espérais, celui-ci réagit de nouveau, voyant ce que j'allais faire.

- " Attends... Attend... Pitié ne fait pas ça... " Dit-il d'une voix tremblotante. " J'accepte... "

Bingo ! Mon petit subterfuge avait marché à merveille. Je ne nierai pas que j'étais fière de moi en voyant le résultat. D'un, j'allais avoir ce que je voulais et de deux, j'avais réussi à briser cet homme. Le sourire sadique que j'abordais jusque-là laissa la place à un plus gaie, montrant la joie que je ressentais à cet instant.

- " Tu pourras dire à mon Commodore que j'ai été obligé de m'absenter ? S'il te plait. " Lui demandais-je d'une douce petite voix enfantine tout en lui souriant chaleureusement.

Sadique moi ? Non, juste une femme qui ne recule devant rien pour avoir ce qu'elle veut. Sans attendre de réponse à cette petite requête, sachant pertinemment qu'il le fera, je lui tournai le dos avant de rejoindre le chasseur de primes, le sourire aux lèvres.

- " Alors ! Où est-ce qu'on va ?! " Lui demandais-je joyeusement.


Dernière édition par Hayase Yorha le Dim 17 Mar 2024 - 11:34, édité 2 fois
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Alegsis, resté docilement « ici », sachant qu’il ne fallait jamais désobéir à un agent de la Marine, avait si bien obéi à la requête qu’il était demeuré, le temps de l’absence de sa comparse, dans l’exacte même position que lorsqu’elle l’avait quitté. Celui-ci était resté si littéralement immobile qu’il avait poussé le vice jusqu’à s’arrêter de respirer. Quand elle revînt à lui, Hayase le retrouva tout bleu, les pupilles révulsées, debout mais inconscient.

- « Qu’est-ce que c’est que… mais… il est complètement débile celui-ci ! » s’affola-t-elle alors qu’elle avait manqué de le tuer du bout du verbe et ce, sans même le savoir.

En recrue entraînée, elle prodigua immédiatement les premiers soins tels qu’on le lui avait enseigné… bien que remaniés à sa sauce. Hayase, ainsi, se saisît de l'imbécile par le col afin de le secouer vigoureusement ; que la pulpe lui redescende un peu dans les orteils. Une telle procédure médicale, menée avec une pareille maestria, fit progressivement émerger le malheureux sont les paupières étaient élevées à différents niveau. L’oxygène, à nouveau, irriguait ses bribes de cervelle.
Resté d’un pied dans le coltard après avoir été cliniquement mort durant onze secondes environ, sa vue s’éclaircissait à peine de son brusque retour d’Ad Patres. Quand la silhouette devant lui qui finissait seulement de le secouer vînt à prendre forme, il s’exclama, bien qu’encore alangui :

- « Oh… un chérubin. »

La claque qui succéda à sa première réplique d’outre-tombe le revigora aussitôt, il était revenu à lui d’un coup d’un seul. D’un coup de paume très exactement.

- « Un… un ange, je veux dire, un ange ! Reprit-il en se protégeant au mieux le visage de sa bienfaitrice qui le tenait encore fermement par le col. Féminin, l’ange, hein ! Oula, très féminin avec tout plein de féminitude qui lui ressort du décolleté même » complétait-il en levant un index doctement, comme ayant relevé un point pertinent afin de confirmer sa thèse.

Cette fois tenu pour vulgaire alors qu’il se démenait pour ne pas la contrarier, une autre soufflante fit irruption pour frapper cette même joue déjà empourprée de la première gifle.

- « Rhaaa ! Renaudait-il cette fois. Jamais content ! »

La main de la jeune fille, pour ce qu’elle avait de leste et d'implacable, se leva à nouveau alors que les yeux fixes de la demoiselle le transperçaient presque de toute la fureur qui en émanait.

- « C… ContenTEUH ! S’amenda une fois de plus Alegsis qui n’en était plus à une bourde près. Jamais ContenTEUH ; j’ai bien prononcé la lettre TEUH à la fin, hein. Assurait-il les yeux à moitié fermés, ses bras mollement dressés devant lui pour parer la prochaine sanction. Me tape pas où je deviens révolutionnaire. »

Se doutant sans doute pertinemment qu’elle ne tirerait rien de mieux de la bête, Hayase, après l’avoir presque décollé du sol à force de le tenir par le col, consentit finalement à le lâcher. Des sensations fortes, elle en avait déjà vécu de trop avec ce compère improbable… et ils n’étaient pour l’instant qu’aux escaliers séparant la garnison du reste de la faune humaine de Tequila Wolf. La journée serait longue, et peut-être ses nerfs lâcheraient avant que le soleil ne soit couché.

Avec une petite moue chagrine collée sur sa gueule, occupé qu’il était pour sa part à frotter sa joue endolorie, le chasseur de primes, après ce modeste désagrément, se ragaillardit subitement, étant apparemment déjà passé à autre chose.

- « Bon, Baka, où est-ce qu’on va ? » Demandait-il énergique et ingénu, ne se doutant pas qu’il avait à nouveau ébranlé la santé mentale de sa partenaire.

- « M… mais… sautillait la demoiselle, gonflée qu’elle fut soudain par un nouvel élan d’impétuosité que lui suggérait son abruti de binôme, c’est justement ce que je viens de te demander ! Et arrête de m’appeler Baka, baka! » Rajouta-t-elle en apportant à son interlocuteur une dose de confusion venue s’agglomérer au précédent quiproquo

Alegsis avait au moins eu l’excuse d’être mort durant un instant pour ne pas avoir entendu la question qu’elle lui avait adressée quelques instant plus tôt. Aurait-il toutefois été en pleine possession de ses moyens – c’est-à-dire de bien peu de choses – qu’il n’y aurait probablement pas pris garde non plus. C’était un garçon distrait, Alegsis. Nonchalant aussi. De trop. « De beaucoup » trop.  Assez en tout cas pour hausser les épaules en guise de réponse, franchement trop détendu pour cette chasse au pirate qu’ils tentaient d’organiser par tout moyen. Un auriculaire dans le nez, d’une mine d’où transpirait le je-m’en-foutisme caractérisé, il répondit enfin à la question qu’Hayase était initialement venue lui poser.

- « Eh. Commençait-il avec une désinvolture crasse. Comment veux-tu que je le sache ? Je suis pas de la confrérie de la Grande Mouette, moi. J’ai pas vos super-pouvoirs. »

- « On n’a pas de super-pouvoirs dans la Marine. » Répliqua la jeune fille entre ses dents serrées, usée qu’elle était déjà de soutenir une conversation aussi vaine avec un individu aussi stupide.

- « Et le Kaki alors ? Vous avez pas ça, le Kaki ? » Que lui avait dit Alegsis, s’imaginant l’avoir ainsi contredite intelligemment.

Il fallut peut-être à Hayase cinq seconde avant de seulement saisir de quoi il parlait. Hébétée à son tour, comme si l’idiotie devenait contagieuse à trop s’échauder à un camarade pareil, elle réalisa enfin de quoi il l’entretenait.

- « Le Ka… le Haki tu veux dire ? »

- « Non, le Haki c’est une couleur. Pensa la corriger Alegs avec une assurance désolante. Confonds pas tout. Non content d’avoir ainsi étalé son absence flagrante de connaissance, il persistait à faire le malin en soupirant d’un dédain mal placé garni d’un petit sourire rogue qui s’harmonisait si mal à son faciès abruti. Ce que vous pouvez manquer de culturité dans la Marine. »

Presque terrassée par la force pure de la jobardise, la jeune recrue, bien qu’elle eut toutes les raisons du monde de le faire, renonça néanmoins à le frapper à nouveau pour avoir été aussi débile. Non pas qu’elle fut devenue pacifiste, mais elle craignait, à le baffer chaque fois qu’une ânerie lui échappait, que ses paumes ne se mettent à saigner avant la fin de l’heure. Aussi prit-elle une profonde inspiration qui lui prit près d’une minute à occasionner afin de garder contenance sur elle-même. Il fallait au moins ça pour le supporter.

- « Le Haki sombe crétin, c’est seulement les très hauts-gradés qui le maîtrisent. Et faut en plus avoir le Haki de l’Observation pour pister quelqu’un comme on le veut. »

Mais l’idiot n’en démordait pas.

- « T’as peut-être le Kaki de l’observation nasal comme les chiens, attends voir. »

Elle n’eut pas le temps de comprendre ce qu’il entendait par là qu’il lui mis un linge contre les narines afin de le lui faire renifler. Chasseur de prime novice à l’époque, ignorant des choses d’un monde qu’il explorait à peine, Alegs était apparemment persuadé en ce temps-là que tous les Marines avaient des dons de chien pisteur.

- « Tiens, retrouve sa trace. » Asséna-t-il comme s’adressant à un clébard.

Puis, interloqué par ce qu’il lui avait tendu hâtivement, il mesura finalement son erreur. Une qui succédait à quelques milliards d’autres depuis leur rencontre.

- « Ah non, attends. Ça c’est mon pagne de rechange. Bah du coup, ça veut dire que t’as retrouvé ma trace jeri-hi-hi. »

Il lui avait tout fait, et il n’en était pourtant qu’à l’échauffement. Hayase allait finalement se faire violence en daignant finalement lui briser tous les os pour son odieuse incartade qu’il lui plaqua cette fois contre le visage l’avis de recherche de Zeno.
Légitimement, rendue exaspérée par la rudesse crétine de l’énergumène, Hayase balaya le poster d’un revers de la main qui, alors, fut emporté par le vent froid qui engouffrait l'île.

- « AH ! Sursauta Alegs mû qu’il était par le dépit et la trouille de perdre son précieux avis. Faut pas qu’on le perde, j’en ai pas d’autre ! »

Sans demander son avis à la dame, il l’avait agrippée au poignet pour la traîner derrière lui, dévalant le reste des escaliers à raison de cinq marches par foulée. À travers la foule et la misère, dans la neige, dans le froid et la grisaille, Alegsis arpentait plèbe et intempéries sans trop à y regarder autour de lui, à poursuivre un bout de papier que le vent n’en finissait pas d’entraîner plus loin. Autour de lui, le traqueur ne remarquait pas le caractère glacé – plus encore que la température – des environs. L’ignominie que recouvrait Tequila Wolf semblait entamer les murs gris de chaque bâtisse environnante, sans compter les visages mornes des hommes libres qui, lorsqu’ils n’étaient pas patibulaires, portaient sur eux une forme de désespoir en bandoulière.
Mais de tout cela, Alegsis, il s’en foutait bien : il voulait son poster ! Et il en avait bousculé du monde pour le retrouver jusqu’à plonger et s’en saisir, entraînant avec lui sa binôme qui s’écrasa au sol avec lui.

- « Je le tiens ! » S’estima-t-il heureux avant qu’une paire de mains venues de derrière lui se nouèrent soudainement autour de sa gorge. Celles-ci le compressaient si bien que la langue et les yeux lui ressortaient des orifices.

Au milieu de ses suppliques muets, alors qu’il étouffait à mort pour la deuxième fois cette heure-ci – et la journée n’était pas terminée – Alegsis pointa du doigt en direction de la périphérie, là où une silhouette esseulée évoluait d’un pas lent et discret. Là-bas, Hat Zéno y déambulait seul, mais pas sans but. Alegs comme Hayase en tombèrent des nues.

- « Peut-être qu’en fait, réalisa Alegsis la bouche grande ouverte dans une soudaine stupeur, sidéré par la découverte qu’il venait de faire, c’est moi que j’ai le Kaki de l’observation depuis le début. Oh la révélatioooooooon ! »

Il se prit cette fois un immense coup de poing dans la joue. Une mandale qui pesait le poids de toute la contrariété de sa partenaire qui avait quelques bonnes raisons de lui en vouloir.

- « Si t’avais eu le Haki de l’Observation, tu l’aurais vu venir celui-ci. »

Même sans Haki, chacun aurait pu voir – et de très loin – que le coup allait tôt ou tard lui atterrir en pleine gueule. Chaque action, chaque parole et chaque souffle qui échappait à cette redoutable machinerie à connerie perpétuelle qu’on appelait Alegsis Jubtion, en effet, n’appelait qu’à ce genre de réaction.
Focalisant son attention sur la proie qu’ils apercevaient à près de deux-cents mètres d'eux, Hayase usa des connaissances transmises par le Commodore avant que sa section ne fasse escale sur les côtes de Tequila Wolf.

- « On dirait qu’il se dirige vers les quartiers tenus en sous-main par les révolutionnaires… Qu’est-ce qu’il peut bien aller y faire ? »

Se relevant quant à lui de la neige dans laquelle il s’était écrasé après avoir amorti les phalanges de la belle, Alegs remit son chapeau, ne prêtant quant à lui aucune attention au pirate. Idiot au point d’en être mesquin malgré lui, il asséna, fier de lui :

- « En fait… je m’en rends compte mais... vous avez pas de pouvoirs à la Marine. De cette conclusion à laquelle il était péniblement parvenu par ses propres moyens, il en riait maintenant à gorge déployée, d’un rire franc et jovial. Vous êtes juste des nazes en uniforme jeri-hi-hi ! »

Il avait alors appris quelque chose sur la Marine en ce jour, découvrant sur le tard que tous parmi eux – et ça valait aussi pour lui – ne maîtrisaient pas le Haki. Puis, une réalisation en appelant une autre, Alegsis se crispa soudain, se frictionnant les bras pour aussitôt se mettre à claquer des dents.

- « Mais… mais la vache… ça caille ici en fait ! »

Il lui avait fallu quelques heures pour le réaliser. Le temps que l’information lui parvînt au cerveau après l’avoir longuement cherché.
Hayase Yorha, le plus délibérément du monde, s’était associée à ce personnage. Elle ne pourrait, à terme, que le regretter. Pour l’heure, ils avaient retrouvé la piste du boucanier. Ne restait qu’à la remonter pour découvrir de quoi il en retournait alors que celui-ci s’était à présent engouffré dans les quartiers les plus mal famés de Tequila Wolf ; là où l’on n’arrêtait pas les criminels sans risquer d’attiser l’ire populaire.
La chasse allait commencer, et elle nécessiterait un doigté tout particulier. Alegsis prenant part à l’équation, le tandem courait alors droit au drame. Mais il y courait d’un pas franc et résolu alors que tout deux espionnaient désormais celui-là même qu’ils poursuivaient jusque dans les pénates révolutionnaire.
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Saoul Marine
Cela vous arrive parfois de faire des choses que vous regrettez assez rapidement ? Ce genre de chose que vous savez que vous n'auriez jamais dû faire, sachant pertinemment que ça ne pouvait que vous attirer des ennuis ? Oui ? Vous voyez ce que je veux dire ? Hé bien, vous voyez dans quel genre de galère, je me retrouve dans ce cas...

Quelle idée stupide j'avais eu de suivre cet homme... De plus, il m'énervait de plus en plus avec le temps qui passe. Celui-ci me sortait tellement des yeux, que je m'étais surprise à le frapper plusieurs fois... Moi qui m'étais promis de ne jamais m'en prendre physiquement à un civil sans avoir une bonne raison. Et mon petit doigt me dit que ce ne seraient pas les derniers coups que le chasseur se prendrait. Mes pauvres mains qui allaient s'abîmer à force de le gifler.

- " Mais t'arrêtes de me coller comme ça... " Chuchotais-je à mon compagnon de fortune dont je sentais le souffle dans ma nuque. " Et retire ta main de là tout de suite, si tu ne veux pas que ce soit toi qui finisses les menottes aux poignets. "

- " Mais je me les pèle ! " Se plaignit celui-ci d'une voix qui porta un peu trop à mon goût, tout en restant blotti contre moi.

- " Je m'en fiche ! Puis baisse d'un ton, il va nous entendre... " Lui intimais-je tout en le repoussant, pour qu'il me lâche.

Quel pot de colle ce type... Cela faisait déjà plusieurs minutes que nous étions en train de filer notre cible et je n'en pouvais déjà plus. Plus on s'approchait du dénouement de cette histoire, plus je ressentais l'envie de faire demi-tour. Si seulement je ne souhaitais pas arrêter ce criminel à tout prix, c'est exactement ce que j'aurai fait. Retournant me mettre bien au chaud au sein de la caserne à attendre que le Commodore finisse son entrevue avec son vieil ami. J'aurai même pu inventer un prétexte de toute pièce pour mettre cet énervant Alegsis en cellule pour me venger des affronts qu'il m'avait fait subir.

Tiens... Ce n'est pas bête ça. Et si je faisais ça une fois cette capture terminée ? Cela ne serait que justice après tout. Avec toutes les horreurs qu'il avait proférées à mon encontre et envers le corps de la Marine, il y avait de quoi le mettre en cage sans problème. Oh et puis si ça ne suffisait pas, il ne serait pas compliqué de rajouter deux ou trois petites choses en plus. Cette idée me plaisait tellement, qu'un petit sourire discret se dessina au coin de mes lèvres.

En attendant, j'avais un plus gros poisson à arrêter. Ce Hat Zeno était ma priorité et je ne comptais pas le laisser filer, maintenant qu'il se trouvait juste là, à quelques mètres de moi. Cachée derrière un mur, à le getter, je m'apprêtais à passer à l'action quand soudain, je sentis de nouveau quelque chose contre moi... Enfin, plus exactement, l'énergumène qui m'accompagnait.

Celui-ci, frigorifié par le froid qu'il faisait, s'était de nouveau pelotonné à moi, cherchant à se réchauffer tout en regardant l'homme de l'avis de recherche.

- " Tu crois qu'il attend quelque chose ? " Me demanda cet idiot, sans gêne. " Peut-être qu'il attend un de ses potes avec une plus grosse prime sur sa tête ! Ça ferait encore plus de sous ! " Dit-il tout en affichant un air nié sur le visage.

Mais qu'il m'énerve ! Raaaaaah ! J'en avais trop marre de lui ! Marre, marre marre ! Qu'est-ce que j'en savais de ce qu'il attend ? Et puis... Il m'horripile à se coller à moi de la sorte, alors que je lui ai dit d'arrêter. Sa stupidité, n'a-t-elle donc aucune limite ? Civil ou non, j'en pouvais plus... J'avais l'impression que j'allais exploser, tellement je sentais mon sang bouillir à cause de lui.

Sous le coup de la colère, je repoussai sèchement le chasseur de primes avant de lui envoyer un puissant coup de pied dans le tibia gauche.

- " Je t'ai dit de me lâcher ! " Me mis-je à lui hurler dessus, ne pouvant plus contenir l'exaspération que je ressentais envers lui.

Sa réaction ne se fit pas attendre. A peine reçut-il ce châtiment, l'idiot de service poussa un râle de douleur avant de sautiller sur place tout en tenant sa cheville.

- " Mais tu es complètement folle ! Tu m'as fait super mal ! " Couina celui-ci tout en sautant sur place, une petite larme à l'œil à cause de la douleur.

Malheureusement, il ne fut pas le seul à idiot pour le coup... Je réalisai qu'en agissant de la sorte, je risquais de signaler notre présence... Le sachant parfaitement, je n'avais pas réussi à me contenir, ce qui fut une énorme incartade. Comprenant que j'avais fait une bêtise, je me retournai pour voir ce qu'il en était de notre cible. Sans grande surprise, celui-ci, ayant entendu le cri de douleur de mon comparse, avait pris ses jambes à son cou, détalant à tout rompe dans la rue.

- " Super ! À cause de toi, il va nous filer entre les doigts ! Tu sers vraiment à rien, baka ! " Lui hurlais-je avec colère tout en regardant le pirate s'enfuir.

Hors de question que ce dernier m'échappe. J'avais trop souffert jusque-là pour que ça se termine ainsi. Hâtivement, je pris mes deux yo-yos en main avant de les envoyer s'accrocher un peu plus loin de chaque côté de la rue. Une fois bien en place, je tirais de toutes mes forces sur chacun des câbles pour les tendre le plus possible avant de me propulser en avant. Tel un projectile tiré par une arme, je fendis les airs.

Seulement, il y avait quelque chose qui n'allait pas... Cela ne se passait pas comme cela devrait. Je trouvais que ma vitesse n'était pas la même. Moi qui avais pour habitude d'utiliser régulièrement cette aptitude pour me déplacer, je sentais bien que ce n'était pas normal. J'avais comme une impression de.... lourdeur. Comme si quelque chose me ralentissait... Comme si j'avais un poids accroché à moi...

Cherchant à savoir ce qui se passait, je jetais un furtif coup d'œil en arrière, me tordant le cou pour tenter de voir quelque chose.

- " Mais... Qu'est-ce que tu fais là, toi ?! " Me mis-je à hurler.

Tandis que je continuais ma course dans les airs, je me rendis enfin compte que je me traînais bien un boulet derrière moi, ralentissant ma vitesse de pointe. Accroché à ma cheville, se trouvait ce stupide Alegsis, qui, je ne sais comment avait réussi à me cramponner avant que je ne me catapulte en avant. Cet idiot n'avait pas fini de m'ennuyer... Il était tel un parasite qu'on n'arrive pas à se défaire.

De plus, à cause de lui, je ne pouvais plus me mouvoir comme je le souhaitais... Impossible donc d'éviter ce qui allait se passer.

- " Lâche moi, bakaaaaaaaaaaaa ! " Continuais-je de hurler tout en me débattant pour qu'il lâche prise.

Ne pouvant me réceptionner comme j'aurai voulu, l'impact inévitable avec le pirate se produisit... Avec violence, ce dernier se fit percuter par nous deux, l'envoyant s'écraser au sol dans un râle de douleur. Ce ne fut cependant pas le seul à en souffrir... Dans l'urgence de la situation, j'eus à peine le temps de placer mes bras devant moi, afin de me protéger du choc.

C'est sonné que je me relevais difficilement après la collision contre le dos de Hat Zeno, qui gisait par terre, inconscient.

- " Aie, aie, aie... Ma tête... " Me plaignais-je tout en me massant le sommet du crâne, grimaçant de douleur.

Je ne vous dis pas la migraine que je ressentais à ce moment-là... J'avais l'impression que mon ami Hans m'avait expliqué pendant des heures l'intérêt de se promener en slip... Les biens faits que cela procuré de se sentir ainsi plus à l'aise de ses mouvements... Oui, oui... j'ai déjà eu tout un court là-dessus Bah croyez-moi, ça fait aussi mal à la tête que de percuter un être humain à grande vitesse.

Toujours un peu sous le choc de l'impact, je sentais légèrement ma tête tourner, cherchant à retrouver mes esprits. Tandis que j'essayais de m'en remettre, je regardais autour de moi. Le pirate ne semblait plus du tout bouger... J'espère qu'on ne lui a pas brisé la colonne vertébrale. Quant à Alegsis, celui-ci était allongé dos au sol, ne semblant pas bouger également.

Seulement, à la différence du pirate que je détestais pourtant, je ne m'inquiétais pas de son état. A la place, je me précisais sur lui avant de me mettre à genoux à côté de lui et de l'agripper par le col.

- " T'as bien failli nous tuer avec tes bêtises sombre crétin ! " Lui hurlais-je dessus tout en le secouant comme un vieux prunier. " Tu ne pouvais pas rester sur place à m'attendre ?! Je l'aurai arrêté sans problème ! " Continuais-je de lui brailler dessus avant de lever la main prête à lui en décoller une.

En voyant celle-ci, prête à s'écraser lourdement sur sa joue, le chasseur de pirate, plaça ses bras devant son visage.

- " Arrêter de me taper... Sinon j'deviens révolutionnaire pour de bon, hein ! " Me dit-il tout en me fixant de ses grosses billes, à travers les ouvertures que laisser ses bras croisés devant sa vilaine tête.

Soudain, alors que je m'apprêtais à le gifler encore plus fort que tout à l'heure, pour le châtier d'avoir failli causer ma perte, une voix surgit de l'ombre.

- " On a parlé de révolutionnaire ? On a une nouvelle recrue qui veut rejoindre nos rangs les gars ! " Dit un homme qui s'avançait vers nous, les bras grands ouverts comme pour nous souhaiter la bienvenue.

Tout d'un coup, sortant de tous les côtés, de nombreux individus, qui ne m'inspiraient pas confiance, firent leur apparition, riant à la tirade de celui qui semblait être à leur tête.


Dernière édition par Hayase Yorha le Dim 17 Mar 2024 - 11:35, édité 2 fois
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Un uniforme bleu et blanc, dans les bonnes circonstances, ça vous valait la méfiance et même l’obséquiosité du péquin. Mais dans les faubourgs mités de Tequila Wolf, là où on se sentait une âme de révolté après trois gorgées de pousse-au-crime, l’uniforme, il prenait comme des airs de cible. Ce qui, pour les locaux, tombait rudement bien à en juger les mousquets que tous ou presque exhibaient sans trop de pudeur ou d’inquiétude. La Marine, elle avait ses accès où elle voulait ; même que c’était écrit dans les journaux. Et si, par mégarde, elle omettait d’envoyer des patrouilles dans certains quartiers qu'elle contrôlait officiellement, c’était parce qu’elle n’en voyait pas l’intérêt d’un point de vue tactique. Ou bien qu’elle crevait de trouille à l’idée de raboter ses effectifs sous la mitraille.
La révolution, là où elle ne prenait pas, laissait cependant subsister derrière elle des poches de résistance coriaces dont on ne se débarrassait pas aisément. À Arche Et-Demi, quartier sinistré à en juger la qualité des infrastructures laissées à l’abandon par les pouvoirs publics, les révoltés y subsistaient comme autant de minuscules tumeurs bénignes qui ne demandaient qu’à se confondre un jour en métastases. Et c’était avec une insouciance sans pareille que deux idiots – dont une affidé au Gouvernement Mondial – s’étaient jetés presque en sifflant le temps d’une filature bancale.

- « C’est toi ma mignonne qui voudrait nous rejoindre ? »

- « Pas du tout, tenta-t-elle de temporiser judicieusement alors qu’ils fourmillaient maintenant à raison d’une douzaine dans l'avenue, attirés qu’ils furent tous par l’agitation, c’est lui qui a dit ça pour plaisanter. »

Le chef de bande, révolutionnaire quand il ne dessaoulait pas de sa murge, jeta alors un regard pour le moins circonspect quant à ce qui se présentait devant lui.

- « Qui ça « lui » ? Je vois que toi, ici. T’es venue avec du renfort ? »

Le temps qu’elle avait consacré à se méfier de ces assaillants en devenir, Hayase l’avait détourné de son observation d’Alegsis. Une erreur fatale s’il en était, car il ne faisait jamais bon le quitter des yeux. Elle aussi dubitative de ce que lui avait rétorqué le caïd, la jeune recrue eut beau mirer à nouveau là où elle avait laissé son comparse un instant plus tôt, elle ne trouva à la place que la trace d’un corps allongé dans la neige sans rien au milieu. Notoirement vaillant bien qu’assez peu disposé à l’excès de zèle, Alegs avait en effet filé comme le dernier des gougnafiers, ne se privant pas d’abandonner le bâton merdeux entre les main de sa partenaire.
Alors qu’Hayase en était rendue, dépitée, à se demander comment son abruti de comparse avait pu décamper si vite presque sous son nez, la joyeuse bande n’en finissait pas de se rapprocher d’elle.

- « C’est pas pour être méchant, reprit le meneur, mais avec tes fripes comme les tiennes, ça va être coton de faire couleur locale. Si tu veux mon avis, poursuivait-il d’une ironie grinçante, je crois que ton infiltration est plutôt compromise. »

Le vilain sourire qui lui tordait la gueule présageait le pire. Pour elle, l’affaire virerait au mieux à la prise d’otage. Mais son supplice, elle ne l’endurerait cependant pas en solitaire.

- « Chef, regardez y’a des traces de pas qui partent d’à côté d’elle. »

Il avait eu beau cavaler à toute blinde après avoir anticipé le danger, Alegsis n’avait pas effacé l’incontestable témoignage de sa fuite honteuse ; celui-ci demeurant alors impitoyablement incrusté dans la neige.

- « Mince, grillé ! » Put-on esgourdir près du taudis le plus proche derrière lequel quelqu’un, manifestement, s’étant planqué toute honte bue.

Sautillant d’un pas chasse de sa planque d’infortune, le giboyeur d’hommes se fit connaître, dissimulant au mieux sa trouille derrière une bravade tapageuse.

- « Et en fait, je n’ai pas fui ! C’était une tactique de bluff pour vous prendre par surprise ! » Se justifia-t-il comme il pouvait, de longues gouttes de sueur ruisselant de son visage fautif.

-«  Surprenant, en effet. » Admit sarcastiquement le chef de meute resté de marbre devant la « tactique ».

- « Menteur. » Renchérit Hayase aussi calmement.

Émergeant pour sa part plus tardivement de là où on l'avait laissé, Hat Zeno se sortit la gueule de dans la neige, le visage engourdi par le froid. Lui aussi était venu se perdre au milieu du gourbi révolutionnaire ; à peu de choses près qu'il l’avait fait à dessein.
Apparemment de mèche, en tout cas de connivence, le plus gradé de la bande fit signe à l’un de ses hommes de s’occuper du blessé.

- « Emmène-le au cabanon où l’attendent les pontes. Ça fait une heure qu’ils poireautent. Ces conneries de pirates sont jamais foutus d’être ponctuels. »

Sans trop être à même de déterminer si l’intrigue se décantait ou devenait plus opaque, Hayase comprit que quelques amours douteux s’étaient noués entre un trafiquant maritime et la révolution locale. Le regard qui fut le sien ne passa pas inaperçu et, de ce fait, le révolté en chef la gratifia à nouveau de son petit rictus sournois.

- « T’aurais bien aimé savoir ce qu’il se trame par chez nous, hein ? Puis, effaçant soudain son petit rire glaçant pour recouvrer une mine comptant parmi les plus sévères, il reprit tout en la braquant de son arme, Dans une prochaine vie, peut-être. »

Quelle que fut la nature de cette rencontre, elle avait vocation à demeurer en huis-clos, loin des oreilles comptant parmi les plus indiscrètes. Aussi ne répugnait-on pas, pour la peine, à effacer quelques gêneurs encombrants. Uniforme de marine ou non ; rien ne devait traîner.
Disposé à l'homicide, le regard du révolutionnaire fut toutefois alerté par la charge intrépide et inconsciente du gogol que ses amis et lui avaient repérés de derrière son abri. Aussi le révolutionnaire bifurqua la pointe de son calibre en sa direction, bien que trop tard.

- « Brush Crush : Le Rire Jaune ! »

À l’assaillant armé, on lui avait soudain peinturluré en plein dessus. De quoi en principe faire fulminer son homme ; mais pas là.
Contre toute attente, bien qu’ainsi profané sans une once de respect d’un généreux coup de pinceau géant, le caïd, avec une grossière marque jaune peinte au beau milieu du torse, s’esclaffait désormais allègrement de son sort à ne plus pouvoir stopper les rires qui lui avaient pris soudainement gorge et lèvres.
Ayant pris soin pour sa part de rester proche devant lui, usant ainsi de son adversaire comme d’un bouclier humain face aux tirs éventuels de ses complices situés non loin derrière, Alegsis avait œuvré.

- « Chef, qu’est-ce qu’il vous arrive ?! »

- « Il lui arrive que si vous nous tirez dessus, il restera dans cet état à jamais ! Répliqua le chasseur de primes rendu plus scrupuleux dans ses offices. Vous feriez mieux de jeter de vos armes. »

Pour le coup, le bluff fut effectivement de circonstance quand, en réalité, le simple fait d’essuyer un morceau de son Colors Trap aurait suffi à rompre son « charme » hilarant.

- « HAAAAAAAAAAAAAHAHAHAHAHAAHAHA ! L’écoutez paaaAaAaAHAHAHAHAHAHAHAAH ! Ce mec c’est un rigoloOOOoOOoOhOhoHOHOHOO » se gondolait leur chef, rendu hilare au point de ne même plus pouvoir tenir son arme.

Le suppléant dans son geste, sa meute lâcha mousquets et fusils. Le révolutionnaire moyen avait ce défaut sur le pirate qu’il estimait de trop ses camarades. Assez parfois pour ne pas pouvoir se résoudre à les sacrifier au profit de la cause. La révolte, cette bande-ci, ils n’en étaient qu’à-demi, davantage par contrariété vis-à-vis de la situation de Tequila Wolf plutôt que par franche opposition au Gouvenement Mondial. Eux étaient bien loin d’égaler un valet de la révolution ou même un de ses sbires pour ce qui tenait à l’effort de guerre révolutionnaire. Ils étaient au mieux des miliciens indisciplinés dont l’affection qu’ils vouaient à leur chef leur fut alors préjudiciable.

- « Brush Crush : Le Rire Jaune ! » Entama à nouveau l’artiste, étalant dare-dare ses restes de peinture jaune en une myriade de marque du Color Traps sur chacun des bustes s’étant prêtés à l’assaut de son pinceau.

Tout juste bons désormais à se gausser en commun, le comité d’accueil révolutionnaire fut ainsi réduit à l’impuissance la plus absolue sans qu'une goutte de sang ne fut versée. Son « arme » originale maintenant en appui sur son épaule, Alegsis ne fanfaronna pas contrairement à ce qu’on put attendre de la bête. Avec cette tronche bien niaise qui lui collait au crâne, il se tourna vers sa comparse, ignorant royalement la scène dont il fut le démiurge incensé.

- « Bon ? On s’y remet ? »

Peut-être, n’avait-elle trop su s’il l’avait alors prise de haut avec insolence ou si sa nonchalance était à nouveau à blâmer. Le fait est que pour la première fois depuis qu’elle se le traînait aux basques, Alegs s’était enfin montré utile à quelque chose. Ce qui en soi constituait plus une surprise que la démonstration du Colors Trap.

- « T’inquiètes, assura l'idiot avec une confiance inébranlable, il suffit de suivre les traces pour le cueillir. Un jeu d’enfant que ça va être. »

Repéré du fait que la neige l’avait précédemment trahi, Alegsis avait au moins appris de ses erreurs afin de mettre ses enseignements à profit.
Cependant, même avec une piste fraîche sous le nez, celui-ci péchait par excès d’optimisme, apparemment inconscient du danger que suggérait leur présente situation. Quatre bras seraient de trop peu alors qu’ils s’étaient engouffrés à deux dans un guêpier révolutionnaire. La jeune Marine le suivit alors machinalement, usant pour sa part de son escargophone afin d’appeler des renforts sans trop toutefois se faire d’illusions.

- « Je m’en doutais… ils ont un escargo-brouilleur. » Soupira-t-elle en rangeant l’ustensile.

Puis, prêtant davantage d’attention au parcours qu’il lui faisait suivre, la demoiselle en uniforme ne put s’empêcher de remarquer l’évidence alors qu’ils étaient retournés sur leurs pas après avoir marché deux minutes.

- « Mais ! Bougre d’imbécile ! T’as quand même pas suivi tes propres traces ?! »

Hébété quoi qu’impavide, le pisteur se gratta l’arrière du crâne couvert par son chapeau en s’exclamant benoîtement :

- « Bah ? C’est pas comme ça qu’ils m’ont retrouvé tout à l’heure ? »

Les révolutionnaires, restés à se gondoler dans les environs, poussèrent un cri de concert venu relancer un rire plus ardent que le précédent. La bêtise d’Alegsis, couplée au Rire Jaune, les avait poussés à s’esclaffer avec plus d’entrain encore, usant de leur souffle jusqu’à leur faire perdre connaissance. Spectatrice désabusée de ce curieux phénomène, Hayase s'en retourna à son engueulade.

- « Triple buse ! Si c’est Zeno qu’on cherche, il faut qu’on suive les traces de Zeno, pas les tiennes. »

D’abord perplexe de ce qu’elle venait de lui dire, son partenaire dut réfléchir dix bonnes secondes avant que sa mâchoire s’ouvre en grand et que ses yeux ne s’écarquillent.

- « Oh mais oui ! C’est pas bête ça, tiens. »  Avait-il ajouté en frappant du tranchant de son poing droit dans sa paume gauche, marquant ainsi son illumination.

C’était sans autre renfort que celui-ci qu’Hayase allait s’embourber davantage dans la chienlit. De quoi la faire douter très sérieusemet de ses chances de survie. Cet épisode déplorable passé, ils enjambèrent les corps évanouis d’adversaires presque littéralement morts de rire afin de suivre ce qui avait été la démarche claudicante d’une proie encore éberluée de leur précédente attaque surprise. Involontaire, certes, mais surprise.

La porte du cabanon mentionné auparavant se trouvait alors plus en retrait des enchevêtrements de bauges dont ils avaient prudemment arpenté les ruelles. Les pas, sans surprise, y avaient menés. Il n’y avait qu’une entrée et donc une seule sortie. En recrue avisée, la matelote, accroupie devant l’entrée avec son imbécile de binôme, devisa un plan afin que tout deux profitèrent de l’effet de surprise.

- « Écoute, Alegs, ils sont quatre à l’intérieur avec Zeno. Je vais les attaquer par une des fenêtres latérales ; eux chercheront à s’enfuir par la porte. Tu les attendras pour les prendre à revers une fois que dans leur précipitation, les fuyards t’auront tous tourné le dos. T’as compris ? »

- « Six sur cinq ! » Scanda impétueusement le débile de service en brandissant fièrement son pouce droit.

Presque dévastée par l’étendue de la stupidité dont Alegsis venait de faire preuve en se montrant si peu discret, Hayase fut impuissante quand, aussitôt après, le glorieux chasseur de primes se redressa vivement et, d’un coup pied d’un seul, enfonça la porte du cabanon.
Alegsis n’aimait pas déroger à ses habitudes, aussi mauvaises fussent-elles. Aussi brailla-t-il déjà de tout son saoul à peine sa sale gueule fut-elle dévoilée aux hôtes de ces lieux. Ce fut une entrée remarquée que la sienne ; pas une qui fut remarquable cependant.

- « Terminus, minus ! Scanda-t-il après avoir longuement préparé sa réplique le temps de l’adresser à son gibier. Tu te rends sans faire d’hist…. Ohlavacheilssonttousarméspardondevousavoirdérangésaurevoiretbonnejournée. »

Sur cette exposition aussi tonitruante que soudaine, il avait ensuite refermé délicatement la porte après s’être incliné courtoisement. De là, sa complice et lui eurent à peine le temps de se jeter à terre que le plomb avait criblé la porte de part en part.
Étonnamment, Alegsis avait encore merdé dans les grandes largeurs.

Tandis que les salves n’en finissaient pas de cracher, faisant fuser copeaux de bois et verre brisé, il était là, à plat ventre, les mains sur la tête et les fesses relevées, à hurler à qui voulait l’entendre :

- « C’est pas moi ! Je voulais pas ! C’est la Marine qui m’a forcé ! »

- « Oh ! » Laissa échapper Hayase scandalisée avant de se remettre en position afin de mieux éviter balles et débris.

Il faudrait attendre qu’ils rechargent pour répliquer. Ou peut-être pour fuir. Car des coups de feu pareils, ainsi postillonnés en rafales, ne manquaient généralement pas d’interpeler le voisinage. Un voisinage ici réputé hostile aux féaux du Gouvernement Mondial en plus d'avoir le mauvais sens d'être bordéliquement armé.
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Dernière édition par Alegsis Jubtion le Ven 7 Avr 2023 - 14:13, édité 2 fois
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Saoul Marine
Lourdauds, pirates, révolutionnaires et idiots du village, Tequilla Wolf n'était clairement pas l'endroit idéal pour y passer des vacances... Ayant déjà un climat assez austère, cette île était peuplé de moins-que-rien. Je n'aimais clairement pas cet endroit et j'avais hâte de le quitter.

Malheureusement, cela s'avérait pour le moment, compliqué. Actuellement aux prises avec une bande de révolutionnaires, je ne savais pas si je m'en sortirais indemne. En temps normal, je ne m'inquiéterai pas face à de tels adversaires, m'étant déjà frotté à bien pire, mais la personne qui m'accompagnait n'était pas d'une grande aide. Pire, celle-ci était plutôt un handicap.

Alegsis était vraiment le plus grand idiot que j'avais vu... À cause de sa stupidité sans bornes, le plan que j'avais mis en place, n'avait même pas eu le temps de voir le jour. Ce crétin préférant foncer dans le tas, plutôt que de suivre mes consignes. J'avais pourtant l'impression d'avoir parlé assez intelligemment et d'avoir été clair. Peut-être avais-je utilisé des mots trop compliqués pour que son petit cerveau les comprenne.

J'étais épuisée mentalement à cause de lui et voilà que maintenant, on nous tirait dessus. Je ne voyais vraiment pas comment on allait nous en sortir... Est-ce que je devais me servir de cet écervelé comme bouclier, le temps de m'enfuir ? Après tout, c'était sa faute si on se retrouvait dans une telle situation. Autant qu'il serve à quelque chose et son sacrifice ne serait pas une grande perte.

- " Non... Je ne peux pas faire ça... "  Dis-je d'une voix faible tout en secouant la tête afin de chasser cette idée de mes pensées.

- " Pardon, tu as dit quelque chose ? " Me demanda, mon comparse qui se retrouvait toujours flanqué à plat ventre.

- " Je te parle pas à toi ! Boucle-la ! " Lui intimais-je avec colère, tandis que les balles continuant de fuser dans notre direction. " Tu n'es vraiment qu'un crétin ! "

Que faire ? Que faire ? Certes, Alegsis me sortait des yeux et je serai plus qu'heureuse d'enfin me débarrasser de lui. Seulement, ce n'était pas une raison pour le laisser mourir ainsi. Il ne fallait pas oublier, que j'étais membre de la Marine et que mon devoir était de protéger les innocents, aussi idiots soient-ils. Un plan, il me fallait en trouver un.

- " C'était quoi ce truc que tu leur a appliqué tout à l'heure ? "

- " Bah de la peinture. " Me répondit simplement le chasseur, comme si c'était une simple évidence.

- " Non mais ça, je m'en doute ! " Roulant des yeux, exaspérée par cet idiot. "  Mais y avait quoi dedans ? Pourquoi ils se sont soudain mis à rire ? "

Celui-ci me regarda de ses yeux vides d'expression avant de me sourire bêtement.

- " C'est un secret ! " Me dit-il avant de mettre un index devant sa bouche, l'air amusé.

Sa réponse eut pour réaction de me faire tiquer de l'œil. Quel sombre abruti à la fin. Il ne voyait pas que ce n'était pas le moment de faire des cachotteries ? On était dans le pétrin et lui, plutôt que de m'en dire plus sur cette aptitude, il préférait la garder pour lui... Finalement, peut-être que le sacrifice n'était pas une si mauvaise idée que ça. A y réfléchir sérieusement. Pour l'heure, ce sale gosse, ce qu'il était à mes yeux, méritait une punition.

Attrapant une pierre se trouvant tout juste à côté de moi, enfouie en partie sous la neige, je la lançais de toutes mes forces sur cet idiot qui la reçu sur la tête.

- " Mais ça fait mal, boudin ! " Chouina celui-ci avant de se masser le sommet du crâne à travers son chapeau.

En temps normal, j'aurai tout de suite réagi en l'entendant m'insulter de la sorte, mais quelque chose de plus important attirait mon attention. Tout d'un coup, plus aucun bruit de fusillade ne se fit entendre. Plus aucune balle ne percuta le mur derrière lequel j'étais caché.

Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que nos opposants étaient en train de recharger leurs armes. Une véritable aubaine qu'il ne fallait surtout pas laisser passer, s'agissant peut-être là de notre seule chance de répliquer.

Sans prendre le temps de me concerter avec l'autre débile, je sortis de ma cachette avant d'envoyer mes deux yo-yos cueillir deux révolutionnaires qui les reçurent en plein milieu du visage. Sur le coup, les deux hommes s'effondrèrent, complètement sonnés.

- " Wouah ! " S'extasia le chasseur, devant le succès de mon attaque.  

Ne prêtant aucune attention à lui, je ne perdis pas un instant, fondant sur l'adversaire le plus proche de moi. Profitant de l'effet de surprise que mon attaque avait eu et du fait qu'il n'avait pas fini de recharger son pistolet, je lui envoyais un puissant coup de pied sauté, dans le menton. A l'impact de celui-ci, le rebelle tomba lourdement au sol, inconscient. Cela en faisait déjà trois de moins. Il n'en restait plus que deux, qui se dépêchaient de remettre des munitions dans leur arme à feu.

Malheureusement pour eux, c'était déjà joué d'avance. Étant bien plus rapide qu'eux, je réussirai facilement à les mettre hors d'état de nuire, avant que l'un d'eux n'ait le temps de me tirer dessus. Enfin ça, c'est ce qui se serait passé dans le meilleur des mondes... Un monde où ce crétin d'Alegsis ne serait pas...

- " Oula ma jolie " Me héla une voix, qui me stoppa net dans mon élan. " Un geste de plus et la neige va se teinter du sang de ton ami. "

Tournant la tête dans la direction de la sortie, je vis sur le pas de la porte, une femme bien charpentée, tenir en joue le chasseur de primes qui me fixait d'un air ahuri. Quant à moi, je le regardais désabusé avant de lâcher un long soupir de lassitude devant tant d'incompétences.

- " C'est sa faute à elle, si on est là. Moi, j'étais contre. " Balança ce dernier sans s'étrangler.

- " Mais quel... "

Je ne finissais pas ma phrase, ne voulant pas me montrer vulgaire... Je suis une fille bien éduquée après tout... Mmmh... Bref... J'aurai dû l'abandonner ce sale traître. Me mettre ainsi tout ça sur le dos sans la moindre hésitation. Je n'arrivais pas à y croire. Il n'avait donc aucune fierté ? Enfin... Il faudrait déjà que son petit cerveau malade, sache ce que ce mot veut dire.

- " Tu n'aurais jamais dû te pointer ici et surtout pas dans cet accoutrement, ma jolie. " Me signala, la preneuse d'otage qui affichait un sourire malsain." On n'aime pas trop les gens comme toi dans le coin. "

Sur ces mots, elle fit signe aux deux derniers hommes encore debout dans le cabanon de s'approcher de moi.

- " On va bien s'occuper de toi, tu vas voir. " Me dit le plus fluet des deux, tout en s'approchant de moi, prêt à se servir de son arme qu'il me pointait dessus.

Je n'avais aucune idée de ce qu'il entendait par bien s'occuper de moi, mais il était hors de question que je reste ici pour le découvrir. Tant pis pour Alegsis, mais c'était ici que nos routes allées se séparer. Je n'avais aucune envie de mourir à cause de cet énergumène qui n'avait aucune honte à tout me balancer sur le dos pour espérer que les révolutionnaires le laissent tranquille. S'il s'en sort vivant, je le tuerai moi-même... Ne puis-je m'empêcher de penser tout en cherchant une idée pour réussir à me sortir de cette galère.

- " Promis, on ne va pas te faire de mal... Enfin, pas trop. " Ricana le deuxième homme dans le cabanon qui s'avançait également vers moi.

Une solution, vite, vite... Réfléchi Haya... Alors que je cherchais une issue, celle-ci, me vint toute seule quand l'homme fluet attrapa l'un de mes avant-bras. N'écoutant que mon instinct, je profitais de sa prise, pour lui tordre le poignet avant de lui envoyer un puissant coup de pied dans le ventre. L'attaque qui lui fut portée, le fit décoller du sol avant de l'envoyer tout droit sur Alegsis et sa ravisseuse qui s'écroulèrent au sol.

Surpris par ce que je venais de faire, le deuxième homme détourna son attention de moi, regardant sa bosse qui avait les fesses par terre. Profitant de l'occasion, je me jetais à travers une fenêtre, les bras en avant pour protéger mon visage des débris de verres. Me réceptionnant dans une roulade, je me mis à courir le plus vite possible pour m'éloigner de cet endroit, sous les coups de feux qui détonnèrent derrière moi.


Dernière édition par Hayase Yorha le Dim 17 Mar 2024 - 11:35, édité 2 fois
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Elle avait filé. Sans doute était-ce ce qu’il y avait de mieux à faire. Personne, après tout, ne savait qu’elle était ici si ce ne fut un partenaire bien encombrant dont elle avait souverainement – et ô combien judicieusement – décidé de lourder au beau milieu de la panade. Jamais trop il n’avait fier allure Alegsis, mais un mousquet collé sur sa tempe, avec en face deux révolutionnaires furieux, le nez en sang, qui se remettaient tout juste d’avoir trop joué au Yo-Yo, la situation se présentait pour le moins défavorablement.
En si bonne compagnie, le chasseur de primes, ses deux bras en l’air, se sentit quelque peu observé. Sans doute était-ce car cinq paires de mirettes s’étaient posées silencieusement sur lui, pour bon nombre assez écarquillées. On lui ourdissait des dessein à l’homme-là, et pas de ceux qui furent enviable.
Quelque peu indisposé par le silence pesant, Alegs, avec tout son sens rhétorique, s’essaya à une réplique, ne serait-ce que pour que la quiétude oppressante débarrassa le plancher un instant.

- Voilà, voilà. Avait-il trouvé à dire, un poil gêné à présent que les circonstances ne jouaient plus en sa faveur.

L’embout métallique du calibre, rendu plus glacial alors lorsqu’il fut mieux appuyé contre sa peau, tendait à indiquer qu’on exigeait quelque chose de lui.

- Rentre. Souffla aigrie celle qui avait été pour ce jour la plus compétente du lot.

- Vraiment ? Parut se surprendre son otage d’une pareille requête.

- Vraiment. Insista sèchement sa tutrice qui tirait son mandat de l’arme qu’elle tenait en main.

Presque irradiant d’une joie soudaine, brusquement ragaillardi malgré la mouise dans laquelle il trempait jusqu’au cou, Alegsis baissa les bras bien assez vite et prit congé de ses hôtes d’un pas gaillard et détendu. La joie fut néanmoins de courte durée alors qu’il sentit son col lui écraser la trachée tandis qu'on se saisissait à nouveau de lui. Par un effet de sidération qu’elle n’avait jamais éprouvé auparavant, la costaude l'avait à nouveau agrippé après qu’il lui ait échappé si bêtement.

- M… mais on peut savoir où tu comptes aller comme ça ?

Comme s’il n’eut rien à se reprocher, Alegsis se justifia sans complexe avec son sourire crétin si sûr de lui.

- « Bah. Commença-t-il avec ce petit ton chafouin qui laissait presque entendre que c’était son interlocutrice qui n’avait rien saisi à l’affaire. Tu m’as dit de rentrer ; du coup, je rentre chez moi. »

Estomaquée par l’incrédulité de sa prise, franchement soufflée par la nigauderie dont elle avait été témoin et victime, la révolutionnaire mit un temps avant de trouver les mots tant ceux-ci se ruaient par millions à travers sa gorge, compilant toutes les insultes qu’elle eut pu lui opposer pour sanctionner la présente idiotie.

- « PAS CHEZ TOI ! DANS LE CABANON ! RENTRE DANS LE CABANON ! » Lui avait-elle ainsi hurlé son visage presque plaqué contre celui de son imbécile d’otage.

- « Aaaah. » Laissa échapper nonchalamment l’imbécile qui, par cette modeste illumination, était apparemment très tranquille, ne semblant même pas mesurer la gravité de sa situation.

Puisque le pistolet collé maintenant tout contre ses lombaires le lui enjoignait, il franchissait la porte criblée de balle qu’il avait précédemment enfoncée. Homme de peu de tact et d’intelligence, il crut idoine de commenter :

- « Avec tous les trous qu’il y a là-dedans, j’aurais presque pu passer à travers, jeri-hi-hi-hi-hi ! »

À l’intérieur, on se regardait pantois, à se demander d’où pouvait sortir un animal aussi inconscient que celui qui faisait irruption dans leur sanctuaire, là où l’odeur du tabac imprégnait jusqu’à la moindre parcelle des lieux.

- « Orvenne, attache-moi ce con à une chaise. »

Orvenne, occupé à se remettre une mâchoire quelque peu endolorie après une fugace rencontre avec la gente marinière, fut bien inspiré de demander aussitôt :

- « Je le bâillonne aussi ? »

Il avait comme pressenti la nature profonde de l’animal qu’ils venaient de capturer.

- « Non. Surtout pas. Je veux que ses cris d’agonie attirent la fille. »

- « Quelle fille ? » Demanda benoîtement le captif, celui-ci n’ayant apparemment pas compris que c’était de lui dont il était fait mention quant aux allusions à la torture qui venait.

- « Ta complice. Parut s’énerver l’aîné dans la bicoque, déjà nerveusement éprouvé par la désinvolture de leur futur supplicié. Celle qui m’a pété le nez. Salope. »

- « C’est une nana ?! » Rétorqua abasourdi le complice, une mine stupide et effarée au beau milieu de la tronche.

- « Cherche pas à faire comme si tu la connaissais pas. De toute façon, elle ira pas loin. Interpelant son deuxième complice tandis que le premier attachait un Alegsis assis bien sagement sur sa chaise, le vieux ne laissa rien au hasard. Gloriant, appelle des gars à nous et dis leur de se placer à l’entrée d’Arche Et-Demi. Dis-leur aussi d’envoyer deux gars incognito venir guetter l’entrée de la garnison ; que s’il y a une petite matelote qui vient seule d’en direction de nos quartiers, de l’interpeler avant même qu’elle approche les marches. »

- « Tu crois qu’elle l’abandonnerait ? » parut s’étonner Gloriant alors qu’il saisissait le combiné de l’escargophone.

Leur chef posa un regard grave sur cet otage qui, bien qu’en très grave posture, paraissait folâtrer en silence avec ses constants airs d’imbécile heureux placardés sur la gueule.

- « À sa place c’est ce que je ferais. Sembla-t-il se murmurer à lui-même avant de revenir à lui. Magne-toi de les appeler. Marine ou pas, je veux pas de témoin, tant pis pour les risques. »

S’illustrant enfin, sachant qu’il était le fruit de la convoitise de ces deux olibrius venus les attaquer par surprise, Hat Zeno, posant son cul contre le rebord de la table avant d’y placer ses mains en appui, toisa l’encordé avec un sourire rogue.

- « Tu dois te demander ce que je fais ici, hein ? »

- « Prrrrt. Pas vraiment. », répliqua immédiatement son interlocuteur dans tout ce que sa désinvolture avait à exhiber ; celui-ci n'étant apparemment que peu concerné par tout ce qui n’avait aucun lien direct avec la prime qu’il guignait.

La bouche restée ouverte, ne s’étant pas attendu à cette réponse d’un idiot aussi à l’aise dans la tourmente, Zeno papillonna des cils cinq à six fois avant de retrouver contenance sur lui même. Vexé, mais tentant de ne rien laisser paraître malgré les tics sur son visage et une goutte de sueur lui lui roulait sur le front, le pirate s’alluma une cigarette les doigts tremblants, l’air de rien, bien que franchement éloquent quant à ce que la brimade involontaire avait produit chez lui.

- « À… à d’autres. Reprit-il, apparemment avide de fanfaronnade. En fait, si je suis ici, c’est pour vendre des armes que j’ai détournées à la rév… »

- « M’en fous. » Entama gaiement le chasseur de primes presque en chantonnant.

Sa bouille d’ahuri traduisait la sincérité flagrante et indéniable de son désintérêt pour ce qu’on lui disait. Passant outre le camouflet, franchement vexé mais immature, Hat Zeno força malgré tout la barrière de l’indifférence érigée par son interlocuteur en poursuivant malgré tout.

- « Je leur vends des armes. Et en échange ils… »

- « M’en fous ! M’en fous ! M’en fous ! » Insistait Alegsis avec une bonhomie pleine de fraîcheur pour ce qu’elle avait elle aussi d’immature et de juvénile.

Mais au jeu de l’immaturité, il faisait face à forte tête alors que le contrebandier ne supportait pas qu’on se désintéresse de son plan. Aussi haussait-il la voix pour couvrir le je-men-foutisme du prisonnier à grand buit.

- « ET EN ÉCHANGE, BAH ILS ME DONNENT DES PRISONNIERS ÉCHAPPÉS DU BAGNE POUR QUE JE LES AIDE À FUIR L’ÎLE MAIS EN FAIT JE LES VENDS COMME ESCLAVES ! EH OUAIS ! EH OUAIS ! »

- « M’EN FOUS ! M’EN FOUS ! » Persistait l’otage, ses paupières résolument fermées, cherchant à comprimer chaque organe de son crâne afin d’obscurcir jusqu’à son ouïe et ne pas avoir à l’écouter.

- « Mais vous allez la fermer vous deux ?! Vous voyez pas que je discute à l’escargophone ? »

Le vacarme de leur discussion avait été en effet tonitruant. Revenu à lui par la semonce de son partenaire d’affaires, Hat Zeno, haletant et en sueur, voyait dans quel état on pouvait se mettre à rentrer dans le jeu du plus spectaculaire abruti que comptait le règne hominidé.
Son coup de bigophone – ou de bigornophone, c’était selon – achevé, Gloriant s’approcha du pirate épuisé psychiquement afin de lui dire d’aller s’en griller une dehors. Prenant à son tour sa place à s'asseoir contre la table pour garder à l'œil leur appât. Il croisa les bras et l’observait alors comme la bête curieuse qu’il était.  

« Ce type sait qu’il va être torturé et il a l’air serein comme un bonze. Pas de doute… c’est un pro. »

Alegsis était un pro de la stupidité, il est vrai ; un quasi-médaillé d’or dans cette illustre discipline où la concurrence y était pourtant légion. S’il était en réalité aussi paisible, bien qu’à deux doigts qu’on le charcuta – la demoiselle étant partie chercher le matériel adéquat après que le plus vieux de la maisonnée le lui ait demandé – cela tenait au fait qu’il n’avait rien compris. Sans doute pensait-il que les « cris d’agonie » évoqués précédemment concernaient quelqu’un d’autre. Eut-il saisi quel traitement lui était réservé qu’il aurait hurlé comme un goret, des larmes plein yeux, d’ici à ce qu’on débuta le supplice. Il fallait qu’il hurle fort afin d’espérer attirer à eux sa complice en espérant que celle-ci le prenne en pitié. Mais pour l’heure, Alegs était décontracté, regardant partout autour de lui comme un benêt, car il ne pouvait rien faire d’autre dans une telle situation.

- « Alors, ironisa Gloriant qui, les bras croisés, adressa un petit signe du menton en direction de son prisonnier pour l’interpeller, ça te fait quoi de jouer le rôle de la demoiselle en détresse en attendant que ta princesse charmante vienne te sauver ? »

Il y eut, dans l’assistance, des « warf warf » entre autres rires gras et complaisants pour se gausser du trait d’esprit. Inébranlable, mais moins souriant bien qu’avec toujours cette trogne bien niaise au beau milieu du visage, Alegsis le regarda quelque secondes avant de répondre.

- « Je peux savoir ce qui vous fait rire ? »

Ainsi formulée à voix haute, la réponse prit l'air d'une bravade, et tout le monde dans le cabanon posa les yeux sur lui, comme pour relever l’affront de cet otage indocile qui, par ces mots, semblait se rebeller.
Puis, avec une fraîcheur décapante ; avec la candeur des incrédules, Alegs ajouta fort à propos :

- « Vous pensez que les hommes peuvent pas être des demoiselles en détresse, c’est ça ? Ses grosses billes qui lui faisaient office de mirettes laissaient transparaître à travers son regard vide ce qu’on eut pu prendre pour quelque chose de franc et déterminé. Faut évoluer un peu, les gars. On est en 1628 je vous ferais dire. Pour des révolutionnaires, franchement, vous êtes bien rétrogrades. »

S’imaginant que citer une date constituait un argument – ce qui était effectivement le propre le propre des abrutis – il concluait alors sa courte diatribe par un soupire où dépit et mépris se mêlaient en harmonie.
Personne ne s’était attendu à se faire dire la morale par beaucoup plus idiot qu’eux. Et pourtant, c’était arrivé, les laissant tous pantois autour de lui. Qu’il connaissait le mot « rétrograde » était déjà impressionnant en soi, mais qu’il leur fasse en plus la leçon avait un rien d'admirable.
En vérité, Alegs ne pensait pas un traître mot de ce qu’il avait dit. Mais lui aussi vexé à son tour, car piqué au vif par la réflexion du ravisseur qui lui faisait face, il avait cherché au mieux à user d’une répartie qui puisse les blesser en retour. Le pire étant qu’il y était parvenu avec brio.

- « C’est vrai, ça, Gloriant, hésita son camarade, gêné par la réflexion qui fut faite et soucieux de donner une meilleure image de la cause, on t’a connu plus tolérant. »

La pression sociale révolutionnaire étant ce qu’elle est, l’otage s’arrogeait même en prime – et malgré lui – le plébiscite de ses geôliers. L’aîné de la bande vînt même à la rescousse.

- « On est peut-être amenés à faire des vilaines choses pour la cause, la cause avait bon dos et les lombaires chargés, mais la misogynie, c’est vraiment pas tolérable. »

Même le pirate, pourtant pas à sa place dans l’écurie révolutionnaire, y alla de son commentaire en revenant de sa brève excursion cigarette entreprise au dehors.

- « Ma mère était une femme, d'accord ?! » Pensa-t-il congru d’ajouter pour appuyer sa désapprobation de la misogyne dont il avait été témoin.

- « Mais… mais les gars, je faisais une blague. » Se défendit piètrement un homme mis en minorité d’opinion et donc, isolé.

Quand le sectarisme était de mise, avoir raison ne suffisait pas : il fallait appartenir à la majorité, quand bien même celle-ci eut-elle eu tort quant à ses idéaux. Ostracisé de la sorte, son chef lui fit savoir qu’il serait approprié qu’il aille se rafraîchir les idées afin de se laver la tête de toutes ses vilaines pensées malséantes. Par cette démonstration de vertu, l’aîné, comme les deux autres, espérait ainsi qu’on oublia qu’il avait ri à la réflexion qu’il affectait maintenant de réprouver du fait de la pression sociale.
Ce même chef de bande grisonnant fut alors le troisième à s’asseoir devant Alegsis, l’observant un instant tandis que ce dernier, pareil à un nourrisson incapable de concentration, regardait partout de sa bouille plate et ingrate.

- « Tu sais, ce qu’on s’apprête à te faire à toi et ta complice, on le fait pas de gaieté de cœur. Cherchait-il à se justifier auprès cet otage envers lequel il commençait à éprouver un début de syndrome de Stockholm à l’envers. Notre cause est juste. T’es pas d’ici, tu peux pas comprendre l’atrocité du bagne. Sache malgré tout qu'en dépit de tout ce qui nous oppose, soupirait-il presque véritablement désolé de la torture qu’il s’apprêtait à commettre quand sa camarade serait de retour, c’est pas personnel. » Il hésita un instant, puis se présenta à cet homme afin de faire de lui son égal, annonçant alors :

- « Je m’appelle Mica Évou. »

N’ayant écouté que d’une oreille distraite ce qu’on lui disait, bâillant durant la moitié du soliloque, Alegsis fut tenté d’y aller d’un nouveau « Je m’en fous », mais réagit avec deux de tension à quelques points cruciaux qui furent portés à sa connaissance. Il réagissait d’abord un brin paniqué :

- « Comment ça « ce qu’on s’apprête à te f... » mais il se ravisa soudainement, la bouche légèrement entrouverte, ses yeux inertes perdus droits devant lui dans le vide, encore plus hébété qu’il n’avait l’air au naturel. Attends… tu t’appelles comment ? »

- « Mica. Mica Évou. » Lui répondit son ravisseur sans trop voir le mal qu’il produisait ce faisant.

Le nom, à Alegsis, il lui disait comme quelque chose. Aussi le fredonna-t-il comme les paroles d’une chanson dont il cherchait à retrouver l’air.

- « Évou… Évou… répétait-il incertain et pensif – du moins dans la mesure de ses capacité cognitives – avant qu’il se braqua, soudainement tétanisé comme si la foudre lui avait jailli en-dedans. Tremblant peu à peu, virant au rouge, son sourire léger et béat se tordit progressivement en une moue hargneuse. Il était stimulé soudain par une profonde rage dont personne autour de lui ne devina d’où elle avait bien pu provenir. ÉVOUUUUUUU ! Fulminait-il la bouche comprimée entre ses joues gonflées par la bile, s’agitant sur une chaise chancelante qui manquait de peu de tomber à chacune de ses oscillations frénétiques. ÉÉÉÉÉÉVOUUUUUUUUUUUUUU ! » Tempêtait-t-il encore dans une fureur tonitruante et déchaînée.

Moins compatissant soudain, le vieux s’était redressé, mi-étonné, mi-terrifié par ce volcan d’homme qui avait jailli sans trop savoir comment ou pourquoi.

- « Mais… qu’est-ce qu’il lui arrive à ce débile ?.. s’interrogea-t-il légitimement devant un spectacle aussi grossier qu’incompréhensible. Tu... tu vas te calmer, oui ?! »

- « D’accord. » Réagit l’idiot, aussitôt tempéré par l’injonction, ayant même instantanément retrouvé sa gueule plate et apavide, comme si jamais la colère n’eut un instant esquissé le moindre signe sur son visage.

Éberlué – et il y avait de quoi – la bouche grande ouverte, le dénommé Évou, parce qu’il avait été malencontreusement nommé ainsi, avait fait les frais d’une colère dont il ne situait pas l’origine. Terrifié un instant par cette fureur tumultueuse et improbable, ses jambes avaient presque flanché sous lui. Orvenne le fit d’ailleurs sursauter en posant une main sur son épaule.

- « Va attendre dehors que Sibelle revienne, je m’occupe de le surveiller. »

Des surveillants, Alegsis en avait déjà éprouvé trois en moins d’une heure. Et jamais sans le vouloir, ce qui en disait long sur ses prouesses… ou sur sa bêtise proverbiale.

- « Un connard de chasseur de primes dans ton genre, débuta Orvenne alors qu’il prenait son tour de garde, ça vaut pas la peine qu’on lui dise pourquoi on fait ce qu’on fait. »

Et il avait franchement raison. Car déjà lui avait-il dit cela qu’Alegs sentit venir le « Je m’en fous » au bout de ses lèvres inexistantes.

- « La pureté révolutionnaire, c’est pour les puceaux et les idéalistes. Si on veut trancher net et dans le vif, faut être prêt à des concessions. C’est pour ça qu’on collabore avec Zeno, c’est pour ça qu’on est prêts à fermer les yeux sur l’esclavage d’une minorité des prisonniers si, à terme, on peut en sauver des millions d’autres, c’est pour ça que…. Eh ! Mais… t’endors pas fumier ! »

Vexé au premier tound, Orvenne adressa un violent coup de poing à la bête qui, plongée dans un sommeil profond à force d’être bercé par un laïus auquel il n’avait prêté aucune attention, grogna à mi-mot dans son sommeil :

- « ZzZZzzZ Maman, je peux avoir des tartines aux sardines ? ZzZZzzZZ »

Le deuxième coup, plus violent que le premier, le réveilla comme s’il fut tiré du lit par le réveil, ses yeux grands ouverts, le visage stupéfié.

- « Ah, je… que… articula-t-il bêtement avec une tête plus ahurie qu’à l’accoutumée avant de s’exclamer avec un soupçon de colère dans la voix et dans la vue, mais.. qu’est-ce que vous foutez chez moi ? Et où sont mes tartines ? Il s’agita une fois de plus sur sa chaise qui dodelinait dans un sens puis dans l’autre, rendu une fois de plus furibard sur un malentendu, ses pupilles soudain révulsées de rage. OÙ SONT MES TARTINES ?! »

Le troisième coup qui lui fut adressé, par Zeno cette fois, celui-ci venu lui coller une violente torgnole à l’arrière du crâne, le calma d’un coup comme précédemment, retrouvant ainsi sa composition désinvolte de toujours.

- « Ah oui. C’est vrai. Se ressaisissait-il alors que la mémoire lui étant revenue, pas inquiet pour un sou, insouciant au point même où ses ravisseurs se demandaient si, depuis qu’ils l’avaient attachés, celui-ci avait bien conscience d’être leur otage. Mais pour les tartines du coup ? Quémanda naïvement l’ahuri, comment ça se passe ? »

Un coup, il allait en recevoir un quatrième, mais au loin, malgré le vent qui, devant le triste cabanon, soufflait au point de balayer une neige virevoltante que l’on voyait même traverser une porte poinçonnée par la poudre et le plomb, un cri se fit entendre. Bien que diffus, celui-ci était cependant assez audible pour qu’on le comprenne.

- « La fille ! J’ai retrouvé la fille ! S’époumonait au loin Sibelle qui, dans sa quête d’instruments de torture, était tombée sur leur proie. Cela, à moins qu’elle se soit ruée vers elle sans savoir qu’un piège l’attendait. C’était à une Marine retorse à laquelle elle avait affaire après tout.

Portant à nouveau leur arme au poing, les quatre résidents du cabanon restaient alertes. Mica fit signe à ses deux camarades de participer à la traque tandis que Zeno et lui garderaient un œil et deux barillets sur leur otage.
Vigilants et l’air grave, les geôliers restants furent cependant décontenancés quand un crétin de leur entourage, assis sur la chaise à laquelle on l’avait noué, leur avait lâché, toujours très nature :

- « Ah enfin elle se pointe l’autre gourde. J’ai failli attendre ! Il fit ensuite un signe de tête à l’aîné des révolutionnaires avant de lui demander le plus sérieusement du monde. Vous pouvez lui dire que je suis ici siouplé ? C’est pour qu’elle me détache. »

Il ne se doutait de rien, l'animal-là, et n’en finissait d'ailleurs jamais de méduser tous ceux qui faisaient les frais de son aplomb, celui-ci étant sans cesse adressé avec autant de flegme malgré toute l’ânerie qu’il enrobait.


Dernière édition par Alegsis Jubtion le Ven 7 Avr 2023 - 14:18, édité 1 fois
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Saoul Marine
L'abandon est sûrement l'une des épreuves les plus dures à surmonter et que personne ne devrait un jour ressentir. Ce sentiment si cruel qui s'empare de nous après qu'une personne nous ai quitté, nous donnant l'impression d'être seul au monde. Une émotion que nombreuses personnes ont déjà ressenti au moins une fois dans sa vie. Que ce soit, un parent qui vous délaisse, un amant qui vous repousse ou bien un ami qui décède. L'abandon prend plusieurs formes, plus douloureuses les unes que les autres.

J'ai moi-même déjà connu cela sous plusieurs aspects... Et je sais à quel point cela peut faire souffrir. Je ne souhaite ceci à personne et c'est pour quoi, je pris la décision de ne pas abandonner Alegsis à son triste sort.

Oui, je sais très bien ce que vous devez être en train de vous dire. Pourquoi vouloir le sauver alors que cet empêcheur, de tourner en rond m'en avait fait voir de toutes les couleurs ? Certes, celui-ci méritait en effet une bonne leçon après tout ce qu'il m'avait fait subir, mais... Même si nous n'étions pas amis et que je ne le portais pas spécialement dans mon cœur, il n'était néanmoins pas mon ennemi. De ce fait, je ne pouvais me résoudre à le laisser aux mains des révolutionnaires qui, qui sait, peut-être avaient l'intention de le tuer.

Est-ce qu'il en aurait fait autant à ma place ? Peut-être que non. Je ne le connaissais pas après tout. Peu importe, moi, c'est ce que me dictait de faire ma conscience.

C'est ainsi, qu'alors que je m'enfuyais, loin de ce cabanon, où j'avais abandonné l'idiot du village, que je fis le choix de revenir sur mes pas. Est-ce que j'avais un plan ? Pas le moins du monde. Pourquoi ne pas aller chercher des renforts ? Vous vous posez vraiment la question... Le temps d'aller en chercher, il y avait de grandes chances, qu'on arrive trop tard et qu'on retrouve le corps du chasseur de primes, pendu à une corde, ou je ne sais quoi encore. Et, puis soyons réaliste. Vu comment cet idiot semblait peu apprécié par les soldats du régiment se trouvant sur cette île, et à juste raison, aucun ne se précipiterait pour lui venir en aide.

Il me fallait agir seule et peu importe les conséquences.

- " Ce débile à intérêt de m'être reconnaissant après ça ! " Me dis-je toute seule, sur le chemin de retour. " Sinon, je le frapperai tellement fort, qu'il en regrettera les révolutionnaires ! "

Enfin, je disais cela, mais fallait-il encore réussir à le sortir de là.

- " Ahah... Je ne suis pas prête de rentrer avant que le Commodore ne se rende compte de ma disparition... "

Réalisant cela, un petit frisson de peur me parcourut l'échine, me faisant légèrement trembler. Je savais pertinemment ce qui m'attendrait en rentrant à la caserne et je voyais déjà l'air grave que prendrait mon supérieur avant de me sermonner sévèrement. Cet homme, qui était comme un second père, pour tous les membres de l'équipage, serait fou de rage. Quant à moi, je n'aurai plus qu'à attendre que l'orage passe, avant de m'excuser, telle une enfant désobéissante.

Pour l'heure, il était venu le moment de réfléchir sérieusement à une solution qui ne me mènerait pas à une morte certaine. Je me mis donc à penser à ce que feraient mes amis dans un cas pareil. Hans...

- " Euh... Ouais, mais non en fait... " Ne puis-je me retenir de dire en imaginant ce que ferai le Vice-Lieutenant s'il était à ma place.

Celui-ci bien que plus intelligent qu'Alegsis n'en était pour autant pas plus fin... L'officier foncerait clairement tête baissée dans le tas avant de mettre d'énorme coups de batte à tous ceux qui croiseraient son chemin. Cela pourrait marcher, seulement, je n'avais pas sa puissance de frappe et risquais plus d'y laisser la vie en agissant de la sorte. Ma'isha n'était pas non plus le parfait exemple pour une telle situation... Quant à Sy-ven, bien qu'étant ma meilleure amie et ne voulant pas lui manquer de respect, je me doutais parfaitement qu'elle n'aurait pas agit sans l'accord du Commodore. Elle était comme ça...

- " Arrête de vouloir suivre l'exemple des autres, Haya. Tu es une adulte maintenant. Réfléchie à ce que toi, tu ferais. " Me sermonnais-je moi-même, agacée par mon propre manque d'initiative.

J'étais une véritable championne pour désobéir aux ordres direct de mes supérieurs et pour me mettre dans des histoires pas possibles. Mais pour ce qui était de trouver des solutions à ce genre de problème, je me reposais trop sur mes amis. Il était temps de s'émanciper de leur influence et de réfléchir par moi-même.  

Tandis que je cogitais à ce que j'allais faire, au détour d'un bâtiment, je tombai nez à nez avec deux révolutionnaires, un homme et une femme, armée jusqu'aux dents.

- " On te tient ! " Hurla la demoiselle à mon encontre tout en commençant à lever son arme dans ma direction. " Rends-toi, gar... "

Malheureusement, pour, elle, la révolutionnaire n'eut pas le temps de finir sa phrase, qu'elle reçue un de mes yo-yos en plein visage. Assommée sur le coup par le jouet en acier, elle tomba lourdement au sol, son arme lui échappant des mains. Quant à son comparse, voyant ce que j'avais fait à sa compagne, il eut un petit geste de recul, avant de se mettre à brailler dans ma direction toute sortes d'injures que des enfants ne devraient jamais entendre. Seulement, ce fut les dernières paroles qu'il put prononcer avant de rejoindre également le pays des rêves, recevant à son tour l'un de mes terribles jouets d'enfant en plein milieu du front.

- " Non mais oh... Ça suffit de m'insulter ! Y'a déjà l'autre crétin qui s'en donne à cœur joie, alors zut ! " Ronchonnais-je en fixant l'homme que j'avais mis hors d'état de nuire.

C'était vraiment simple comme bonjour de se débarrasser de ces révolutionnaires. Aucun ne semblait vraiment tailler pour se battre, à moins que je ne sois juste tomber que sur des incompétents. Quoi qu'il arrive, ce fut une véritable aubaine de tomber sur ces deux-là et encore plus que l'un d'eux soit une femme. En la regardant, une idée me vint à l'esprit. Enfin, plus exactement, en reluquant ses vêtements.

Non, ne vous m'éprenez pas, je ne comptais pas lui piquer ses vêtements parce qu'ils me plaisaient. Loin de là... Ils étaient tout miteux, mais feraient largement l'affaire pour l'usage dont je comptais en faire.

- " Désolée ma petite dame, mais vous risquez d'avoir un peu froid. " Affichant un sourire amusé qui juré un peu avec les excuses que j'avais fait.

Déshabillant rapidement la rebelle qui finit à moitié nue dans la neige, ce fut à mon tour d'ôter mes vêtements, dévoilant ma peau blanche et ma lingerie à toute personne qui serait en train de regarder par une des fenêtres qui nous entouraient.

- " Ooooh... fait froiiid.... " Me plaignais-je en claquant des dents avant de vite enfiler les vielles frusques de la belle au bois dormant.

Ce n'était pas tout à fait à la bonne taille, surtout au niveau de la poitrine où je flottais un peu dedans... Le premier qui fait un commentaire, je le frappe ! Mais, cela conviendrait parfaitement. En plus, cette tenue comportait une capuche que je pus rabattre sur ma tête, afin de cacher ma longue chevelure brune. Grâce à cela, j'allais pouvoir m'approcher discrètement de l'endroit où se trouvait Alegsis, afin de le tirer de cette galère.

Déguisée en rebelle, je repris ma route après avoir dissimulé le mieux que je pouvais mon uniforme et les deux corps inertes, derrière des tonneaux en bois.

- " Bon... Plus qu'à espérer que ça fonctionne. " Me motivais-je du mieux que je pus, ajustant la capuche sur ma tête pour être sûre qu'on ne puisse pas reconnaitre mon visage trop facilement.  

Approchant enfin du cabanon qui n'était pas loin de ma position, je vis un homme qui s'approchait de moi. Jouant la comédie jusqu'au bout, je fis mine de boiter légèrement dans sa direction.

- " Sibelle ! Ça va ? " S'enquit celui-ci tout en me regardant de haut en bas. " Où est, Rick ? "

- " Cette garce nous ait tombée dessus... Elle a assommé Rick et a réussi à se tirer avec mon arme... " Lui répondis-je tout en imitant au mieux la voix de cette Sibelle, pour qui il me prenait.

Il ne me restait plus qu'à croiser les doigts que ce subterfuge fonctionne et que cet homme me croit sur parole. Surtout, que je n'avais pas entendu bien longtemps la voix de cette femme pour qui je me faisais passer. L'imiter à la perfection n'était donc pas chose aisée. S'il me démasquait, ce déguisement ne servirait à rien et il me faudrait me débarrasser de lui avant qu'il n'alerte ses petits camarades.

Par chance, et peut-être dans le feu de l'action, le rebelle ne chercha pas à en savoir plus et parti dans la direction d'où je venais, me laissant seule sur place. Je n'en croyais pas mes yeux, ayant réussi à le berner. Ne perdant pas un instant et ne voulant surtout pas prendre le risque que celui-ci fasse demi-tour, se rendant compte qu'il avait été manipulé, je repris mon chemin.

En arrivant à quelques mètres de la porte, j'entendis la voix d'Alegsis qui se plaignait.

- " Bon, elle va se dépêcher de venir me sauver l'autre dinde ?! "

- " Mais tu vas la fermer à la fin ! " Hurla la voix d'un homme, présent à l'intérieur. " Tu nous fatigues, a l'ouvrir constamment ! Franchement, je serai elle, je ne perdrais pas mon temps à venir te sauver ! "

- " Tu ne peux pas comprendre Évou ! " Rétorqua le chasseur de primes avec véhémence. " Avec ta sale tête, tu ne dois pas savoir ce que sait d'être aimé. "

Un silence se fit entendre dans le cabanon avant que des rires y résonnent.

-  " Elle est bien bonne celle-là ! " Riant à gorge déployée, le dénommé Évou. " Toi et elle ? Tu déconnes, j'espère ! "

Comment ça, lui et moi ? Ne puis-je m'empêcher de me questionner tout en écoutant la conversation, cachée derrière l'un des murs.

- " Bah ouais mon gars ! Elle est folle de moi ! Jaloux ?! " Lâcha soudainement cet abruti avec ferveur.

En entendant cela, je faillis pénétrer dans le cabanon pour lui mettre de nouveau des paires de gifles pour lui faire ravaler ses paroles. Moi folle de lui ?! Mais qu'est-ce qu'il ne fallait pas entendre comme idioties ! Il m'aura vraiment tout fait ce débile. Heureusement, je parvins à me retenir, continuant d'écouter ce qui se disait.

De leur côté, les ravisseurs se mirent à rire de plus belle.

- " Folle de toi, mais bien sûr ! " Dit un des comparses d"Évou, s'étranglant de rire devant tant de stupidités.

- " Riez donc, vous allez voir ! " Bougonna, Alegsis.

- " Mais sombre abruti, tu ne savais même pas que... que c'était une nana tout à l'heure... Alors... alors, qu'est-ce que tu nous racontes comme connerie ! Tes... tes parents t'ont vraiment trop bercé près du mur. " Lui dit Évou, hilare.

Profitant de ce fou rire collectif, je pénétrais dans la maison, levant une main dont les doigts étaient affublés de bagues pour montrer que je n'étais pas une ennemie. En me voyant entrer, les hommes cessèrent immédiatement de rire avant de me braquer de leur arme. S'apercevant, que j'étais l'une d'entre eux, ils les baissèrent rapidement, sauf un.

- " Hé, Sibelle, écoute ça ! " Se remit à rire l'un des hommes du cabanon. " Cet... cet idiot croit que... " Seulement, il fut coupé dans son élan par le dénommé Évou.

- " T'es qui toi ? " Me demanda-t-il, tout en me gardant en joue avec son fusil.

- " Bah Mica, t'es con ou quoi ? " Intervint celui à qui il avait coupé la parole. " Tu vois bien que c'est Sibelle ! Sérieux, il déteint sur toi l'autre bouffon. " Se remit-il à rire, accompagné des autres.

- " Ah ouais ? Et depuis quand Sibelle porte des bagues, abruti. " Rétorqua Évou, le doigt sur la gâchette de son arme.

Et merde... J'avais encore des progrès à faire dans le déguisement.


Dernière édition par Hayase Yorha le Dim 17 Mar 2024 - 11:36, édité 2 fois
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- « Vous laissez pas berner les mecs ! C’est un Okama, ça crève les yeux ! Ne put s’empêcher de s’écrier le prisonnier avant de finalement plisser les yeux et de remarquer qu’il n’en était rien. À non, c’est juste Baka. Fausse alerte. »

La planche ainsi, avait été savonnée ce qu’il fallait pour qu’on y glisse et s’y effondre dans le fracas et la douleur. La bêtise d’un homme, lorsqu’elle atteignait un tel niveau de désinvolture, méritait – et de beaucoup – qu’on la sanctionne pénalement. L’idiotie, cependant, n’était pas retenue comme un crime mais un déplorable état de fait. Et ce malheureux état de fait, Hayase, par culpabilité, s’y était échaudée à nouveau. On eut pu croire qu’elle aimait ça, à sans cesse remettre un berry dans le Jukebox, mais la grimace crispée et agacée qui lui déformait désormais son joli petit minois tendait à indiquer qu’elle n’y prenait pas franchement plaisir. Alegs avait encore frappé, et c'était elle, une fois plus, qui avait reçu le coup. Même fermement attaché à une chaise comme il l'était, ce chasseur de primes bien persistait à être nocif pour tout ce qui l’entourait, et toujours à son corps défendant. Ce qui ne l’empêchait de bien le vivre du reste. Car heureux l'étaient les simples d’esprit c’est avec ce petit air inoffensif collé sur sa sale trogne qu’il continuait à regarder autour de lui pour tromper le temps, sans prêter la moindre attention à la scène houleuse qui s'occasionnait sur bâbord.

Maintenant repérée pour ce qu’elle n’était pas – car on n’improvisait pas un bonnet C avec deux piqûres de moustique sur le buste – la matelote infiltrée dut renoncer à la ruse pour lui substituer la brutalité sourde. Une qu’elle se serait faite un plaisir de déchaîner sur un certain otage de sa connaissance. Otage qui, perclus par les corde autant que par l’indolence qui le caractérisait si bien, avait levé la tête pour examiner la charpente le temps qu'elle se démena avec le comité d'accueil. Autour d'Alegs, il y avait comme du grabuge. Sévère le grabuge. L’assemblée remuait dans un tumulte féroce, le vacarme ambiant se confondant en râles de douleurs et autres cris de rage. Alegsis, lui, sans trouver motif à s’en soucier, observait benoîtement le plafond en y comptant les taches de suie. D’ici à ce que sa sauveuse, manquant de peu quelques billes de plomb crachée à bout portant, en finisse d’assommer les hôtes de son comparse, le chasseur de primes, des tâches de suie, en dénombra cent-vingt-sept. Puis, son office diligemment accompli, il bâilla avant d’hasarder son regard sur sa gauche, là où l’agitation frénétique semblait avoir connu une halte soudaine après que deux bruits sourds aient résonné contre le parquet miteux.

- « Tiens, qu’est-ce qu’ils font allongés par terre ces andouilles ? Puis, prêtant seulement attention à sa complice, il l’interpella comme s’il s’était agi de retrouvailles mondaines. Ah ! Baka ! Tu tombes bien. Vu que tu fais rien de spécial, tu pourrais pas me détacher ? »

À panteler comme elle le faisait, ayant eu maille à partir avec deux hommes armés au point même de frôler la mort dans sa castagne, la jeune Marine posa son regard sur le crétin qu’elle s’en était allée sauvée, le toisant avec davantage d’hostilité qu’elle n’avait pu le faire plus tôt en posant ses yeux sur ses précédents adversaires.

Jamais personne en ce bas n’avait pleinement accédé à la véritable définition de l’effronterie sans avoir eu l’occasion – et certainement pas le privilège – de partager un instant de complicité avec Alegsis Jubtion. Drôle de trublion que celui-ci qui, avec une indolence folle, échappait à la mort sans même saisir que celle-ci l’avait maintes fois prise en grippe.

La corde, Hayase, elle la dénoua finalement de ses doigts graciles, la mort dans l'âme. C’était ne pas être rancunière que de s’y résoudre. À moins qu’elle ne le détacha avec la ferme intention d’user de la corde pour la lui serrer ensuite autour du cou. Personne alors, n'aurait pu le lui reprocher.
Peut-être était-ce par strict sens du devoir, mais elle avait renoncé à abandonner son compère au triste sort qui lui était réservé. Et ce, bien que tous les arguments qui lui furent parvenus jusqu’alors l’intimaient à agir tout autrement. En vérité, c’eut été une tâche trop ardue que de porter elle-même Hat Zeno jusqu’aux quartiers de la garnison. Au fond, celle-ci avait finalement libéré Alegsis comme on aurait détaché une mule afin de lui faire porter ses excédents de bagages. Une mule qu’on savait ô combien disposée aux âneries.

À peine se retrouvait-il les bras libres, l’animal-ci, qu’il tapota complaisamment le sommet du crâne de la demoiselle comme quiconque l’aurait fait à l’intention d’un marmot ou d’un Golden Retriever.

- « Mais c’est qui la bonne Marine à son pépère, osa le chasseur de primes dans ses outrances insouciantes, c’est qui la bonne Marine ? Mais oui ! Mais oui ! C’est ma petite BakaaaAaAAaAARGH !!! »

Elle l’avait mordu. Et d'une belle force.
La défense, très franchement fut légitime. Pas un tribunal, en réalité, n’aurait pu décemment la condamner pour ça. À cette réaction qui lui laissa un souvenir impérissable de sa partenaire sur sa main endolorie, Alegsis détermina congrûment et judicieusement que sa gratification, telle qu’il l’accordé à sa jeune amie – pour qui le sentiment d’amitié n’était que très modérément réciproque – s’était avérée quelque peu déplacée. Sans-gêne et crétin qu’il était, il pensait sincèrement que sa caresse condescendante fut un geste idoine afin de faire montre de sa reconnaissance.
Une trace de morsure maintenant plantée dans la main, témoignage impérissable de l’amour que lui voulait son binôme,  Alegs s’était aussitôt ravisé comme si de rien n’avait jamais été.

En sifflotant un air qu’il tenait des rustauds ayant fait son éducation au Cimetière d’Épave, le giboyeur d’hommes, maintenant qu’il s’était soustrait à sa captivité, ramassa Zeno pour le porter sur son épaule avec la même délicatesse employée que s’il eut empoigné un sac de pommes de terre. Hayase, ne put s’empêcher de constater le petit air contrarié du portefaix qu’elle s’était désignée. Il fallait, pour cela, savoir lire à travers les grimaces qui tordaient dans un sens ou dans l’autre la vilaine bobine qu’elle avait à toiser.

- « Bah vas-y, te gêne pas, l’engueulait-il presque moins d’une minute après qu’elle l’ait arrachée à une mort certaine, laisse traîner ma prime par terre, je te dirai rien. »

C’était faire preuve d’un culot pour le moins outrecuidant que de la qualifier de sans-gêne ; mais il était coutumier du fait. Aussi, on s’accoutumait à ce qu’il fut hardi et insolent comme on se faisait à l’engourdissement une fois plongé dans le froid. Ce même froid qui s’engouffrait sinistrement dans le cabanon qu’ils s’apprêtaient maintenant à quitter sans qu’Alegsis, toutefois, n’en ait terminé avec ses reproches.
Celui-ci, alors qu’il époussetait le séant de sa capture, continuait à pester de tout ce qu’il avait de grotesque à exhaler.

- « Tu vas lui faire perdre de la valeur à l’abîmer comme ça, tu te rends vraiment pas compte. Et puis tiens, ajouta-t-il en se tournant vers elle, plus accusateur encore, tu veux que je te dise ? Elle ne voulait pas, ce qui ne l’empêcha pas de lui dire malgré tout. Tu mériterais que je te dénonce à tes supérieur pour qu’ils te mettent un blâme. Parfaitement ! »

La menace prodigua son petit effet en ce sens où la matelote resta bouche bée. Elle avait été sidérée à son tour par le culot et l’imbécilité stratosphérique d’un complice qui n’en finissait pas de présenter d’excellentes raisons de lui avoiner la gueule jusqu’à ce que celle-ci puisse enfin ressembler à quelque chose. Ainsi remerciée par son damoiseau en détresse, elle regrettait sans doute un plus amèrement sa décision d'être venue le rescourir à chaque seconde qui passait. À la voir aussi consternée devant sa singulière impudence, Alegsis rivalisa de prouesses en stupidité en croyant interpréter sa réaction comme synonyme d’une peur tétanisée. Se sentant coupable de la croire ainsi terrifiée par sa menace de la dénoncer – alors que tout ce qu’elle accomplît en ce jour fut prétexte aux médailles – il chercha à se rattraper maladroitement. Il avait bon fond, Alegsis. L’inconvénient étant que ce même fond était recouvert par une épaisse couche de stupidité qui, chaque fois qu’il cherchait à faire le bien autour de lui, s’achevait dans la dévastation la plus dramatique. Tant et si bien en tout cas qu’on eut préféré qu’il fasse le mal afin qu'il fut moins nocif.
Bienveillant, mais d’une maladresse qui confinait à la débilité furieuse, il pinça alors la joue de sa partenaire dont la mâchoire était restée décrochée devant l’insolente témérité dont elle était la victime en chaque instant.

- « T’inquiètes pas va, je dirai rien. »

Et pour ajouter de l’effronterie à l’impertinence crasse qu’il n’en finissait pas d’exposer le plus involontairement du monde, Alegs poussa même le vice jusqu’à lui adresser un clin d’œil complice. À ce stade de leurs retrouvailles, Hayase, pourtant très consciencieuse dans son devoir de protection des civils, considéra sérieusement la possibilité de l’homicide. Avec barbarie qui plus est.
À peine avait-il lâché la joue de sa camarade qu’il persista dans la hardiesse – et donc la bêtise – en annonçant, bruyant et impétueux :

- « Allez mon petit, c’est pas tout ça, mais il faut se rentrer ! Puis, regardant d’Est en Ouest, d’un regard aussi vide qu’il était circonspect, il ajouta à sa propre intention en se grattant le front avec l'envers de son pinceau géant. Par où qu’on est venu déjà ? »

Il avait neigé, et de beaucoup, depuis leur première excursion au cabanon. Leurs traces, depuis long, avaient disparues de dans la neige maintenant recouverte d’un manteau plus épais que l’était le précédent. Les flocons, à foison, s’obstinaient à virevolter et tomber lourdement tandis qu’au loin, un voile crépusculaire obscurcissait les taudis qu’ils devraient arpenter pour s’enfuir ; mais cette fois, avec une carcasse ronflante brinquebalée sur l’épaule de l’artiste-pitre. Lanternes et torches frétillaient déjà du haut des bas quartiers : on avait retrouvé le corps dénudé de Sibelle, laissée à poil dans la neige au point d’avoir des engelures aux tétons. Une manière sans doute pour Hayase de s’être vengée d’elle pour avoir eu le culot d’être mieux dotée qu’elle sur le plan strictement mammaire. Cela expliquait en tout cas qu’elle n’ait pas au moins cherché à cacher le corps inerte - mais bien en vie - de celle qu’elle avait délesté de ses frusques.
Cette découverte des révoltés d’Arche Et-Demi, ajoutée au tumulte qui, par deux fois en cette fraîche journée, avait environné le cabanon, avait ligué tout le quartier qui, lanterne au poing, s’agitait désormais comme un feu-follet au milieu d’un nid de frelons qu’on eut violemment ébranlé.

- « Y’a l’air d’avoir du monde là-bas, s’enthousiasmait Alegsis resté incrédule jusqu’à la fin, je vais aller leur demander le chem..AaaAAAaArgh ! Mais pourquoi tu me tires comme ça dans l’autre sens ? »

Se sentant comme responsable de cette vie qui n’en finissait pas de pourrir la sienne, la jeune Marine cherchait à préserver au mieux son complice de ses propres âneries ; ce qui, en l’état, n’était pas une mince affaire. Aussi chercha-t-elle à profiter que la nuitée naissante les camoufla opportunément dans un début de pénombre et cela, afin de s’éclipser au plus vite avant que ne déferle sur eux une foule en colère.

Ainsi baladé par une poigne vigoureusement nouée autour de son col pour mieux le traîner derrière elle, Alegs, toujours prompt à la méprise comme si sa cervelle fut incapable de la moindre forme de discernement, alors qu’il la constatait aussi entreprenante à son endroit, en vînt à se demander le plus sérieusement du monde :

- « Elle serait quand même pas vraiment folle de moi cette idiote-ci ? À tout les coups elle m’embarque chez elle. Eh, minute ! Chercha-t-il à la tempérer dans ce qu’il interprétait comme une extase amoureuse. Faut que je dépose ma prime à la garnison avant ! »

Se fourvoyer mieux que lui comme il le faisait si bien en chaque instant, ça n’était plus un art, mais une prouesse que peu en ce bas monde se sentaient de relever. Alegsis Jubtion n’était pas un homme : c’était l’incarnation même de la mort de toute forme de perspicacité. Un deuil avec lequel Hayase devrait encore composer un temps ; peut-être même jusqu’à sa mort si on en jugeait la hargne plébéienne qui, pas si loin derrière eux, se jetait au pas de course jusqu’au cabanon de toutes les convoitises. De là, il ne leur faudrait pas plus de deux sous de jugeote avant de les suivre à la trace.
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Saoul Marine
Cela n'en finirait donc jamais ? Le simple d'esprit était enfin hors de danger, Hat Zeno appréhendait et pourtant, nous nous retrouvions de nouveaux au milieu de gros problèmes. Comme si j'en avais pas eu assez...

- " Va peut-être falloir qu'on abandonne, Zeno, si on veut s'en sortir. " Expliquais-je au chasseur.

- " Mais t'es complètement folle ! Si je le laisse ici, c'est mon argent qui fout le camp avec lui. J'ai réussi à le capturer, je le garde ! " Me rétorqua celui-ci tout en me regardant, choqué, comme si je venais de manquer de respect à sa maman.

Réussi à le capturer hein... Mais bien sûr. Sans moi, cet arriéré serait encore aux mains des révolutionnaires... Enfin, je n'avais pas le temps de m'attarder sur ce genre de détail. Il fallait en priorité qu'on arrive à sortir de ce quartier qui ne faisait pas bon vivre, après ce qu'on avait fait.

Malheureusement, je ne voyais absolument pas comment m'y prendre, avec un idiot qui refusait d'obtempérer. À vrai dire, je ne pouvais nier le fait que moi aussi, je ne voulais pas, laisser ce criminel ici, souhaitant le voir finir en prison. En plus, après tout le mal que je m'étais donné... Non, en effet, cela serait une erreur.

- " Tu vois une idée pour nous sortir de là ? " Lui demandais-je incrédule, me doutant parfaitement que ce cornichon ne pût en avoir, avec un cerveau dont les neurones avaient dû fondre au soleil.

Prenant le temps à la réflexion, Alegsis, laissa tomber le pirate au sol et croisa les bras, prenant ce qui semblait être un air pensif... Je dis bien semblait. Car à la grimace que celui-ci faisait, il semblait plus souffrir en essayant de faire fonctionner ce qui lui servait de cervelle. Tout d'un coup, quelque chose ressemblant à une étincelle d'intelligence traversa son regard avant qu'il ne me pointe du doigt, le sourire aux lèvres.

- " Tu restes ici pour les retenir, pendant que moi, je rentre récupérer ma prime ! " Exprima ce dernier, hochant énergiquement de la tête, sûr de son idée.  

Ouais non... Cela devait juste être le reflet de la lune qui s'était reflété dans ses yeux. Ou je ne sais quoi encore.

- " Je n'oublierai pas ton sacrifice, Baka ! " Rajouta ce crétin qui affichait un sourire de remerciement avant de serrer mes mains dans les siennes.

Ce sourire se dissipa rapidement, laissant place à une vilaine grimace de douleur qui se dessina sur son visage. Recevant un coup de genou entre les jambes, le chasseur tomba au sol, une main sur ses parties intimes, gémissant de  souffrance.

- " Je t'ai déjà dit de ne pas me toucher. " Lui dis-je froidement, les mains posées sur les hanches. " Et puis arrête de m'appeler Baka, mon nom, c'est Hayase ! "

En lui disant mon nom, je me rendis tout d'un coup compte, que je ne m'étais même pas présenté à lui, depuis le début de cette histoire. Pas étonnant, que cet idiot en était resté me nommer de la sorte... Mais qu'est-ce que je raconte là ? Voilà que j'étais en train de trouver des excuses à ses âneries.

- " Vivement qu'on en termine... " Lâchais-je simplement dans un soupir avant de passer une main sur mon visage, épuisée par tout cela.

Oh que oui, j'avais tellement hâte de retourner à la caserne et peu importe la sanction que je devrais subir en raison de ma désobéissance. Cela faisait à peine quelques heures que j'avais fait la connaissance d'Alegsis et pourtant, je me sentais tellement éreinté... Mon état de fatigue était même pire que le jour où je m'étais retrouvé seule sur cette immonde île marécageuse qu'était l'Îlot Flottant. Si, si je vous assure. Ce n'était pas seulement un épuisement physique... Mais, surtout psychologique. Cet idiot avait un véritable don pour incommoder les gens A tel point, que j'étais prête à parier que même la plus solide personne, ne tiendrait pas longtemps face à lui. Il était un maître en la matière et personne ne pouvait l'égaler.

- " Bon, t'as fini de te tortiller ? " Le questionnais-je avec une petite note de mépris dans la voix, tandis que je le regardais gigoter, toujours en couinant. " J'ai peut-être une idée pour nous sortir de là. "

En entendant mes dires, Alegsis cessa tout d'un coup son cirque, s'asseyant rapidement en tailleur, à me regarder sans rien dire. Le voir réagir de la sorte, me fis avoir un petit geste de recul, surprise et en même temps légèrement inquiète. Je m'attendais à ce qu'il me sorte encore une énorme bêtise, plus grosse que lui. Seulement, après un petit temps de pause à le regarder, je vis que celui-ci me regardait, patiemment et dans le plus grand calme.

- " Euuh... " Dis-je complètement perplexe avant de me racler doucement la gorge. " Alors... Au vu de la situation, je ne vois qu'une seule chose à faire. Si on ne peut emprunter aucune ruelle sans tomber sur des révolutionnaires, autant passer par les toits. " Finis-je par lui dire tout en levant un doigt au ciel.

Rien, pas un bruit... Aucune réponse ne sortit de la bouche de ce déjanté. Celui-ci continuait de me fixer, assis dans la neige avec son regard toujours aussi vide. Je n'étais même pas sûre qu'il avait compris ce que je venais de lui dire... Qu'est-ce qu'il pouvait m'énerver.

- " Tu en penses quoi ? " Lui demandais-je agacée.

- " De quoi donc ? " Me répondit-il innocemment en penchant la tête sur le côté comme le ferai un petit chien à qui on s'adresse.

- " De mon plan, sombre débile ! " Lui hurlais-je folle de rage par tant de stupidité de sa part.

- " Oooooh ! " Lâcha celui-ci, ayant l'air d'avoir enfin réalisé. " Donc, moi, je passe par les toits, pendant que toi, tu te sacrifies. Pas bête ! J'aime l'idée ! " Objecta le simplet tout en applaudissant celle-ci.

Voyant de nouveau rouge devant cet énergumène plus idiot qu'une pierre, j'abattis mon poing sur le sommet de son crâne. Un nouveau râle de douleur échappa au chasseur qui se massa le sommet du crâne tout en se protégeant d'un bras, d'éventuels sanctions qui pourraient lui être destiné.

- " Personne ne va se sacrifier pauvre cloche ! " Lui déclarais-je, de plus en plus folle de rage. " Toi et moi, nous allons monter sur ce toit " Indiquant le toit le plus proche du doigt. " Et nous allons quitter ce quartier en passant par les airs ! Alors tu la fermes, tu prends Zeno avec toi et on y va ! MAINTENANT ! " Aboyais-je dans sa direction, tout en le fusillant du regard afin qu'il comprenne que je ne rigolais pas.

- " A vos ordres monsieur ! " Se contenta de me dire cet idiot qui me manquait encore de respect.

Ainsi, aidant cet incapable à grimper sur le toit, je lui prêtais main forte pour hisser à son tour notre prisonnier. Une fois en haut, Alegsis ne prit même pas la peine de me tendre la main, pour me donner un coup de main. Préférant attraper directement Zeno, qu'il mit sur son épaule avant de commencer à marcher sur la toiture. Mais bon, ce n'est pas comme si je m'étais attendu à une telle attention de sa part. Cela serait lui donner trop d'importance. De plus, je n'avais pas besoin de lui pour parvenir à grimper.

Me saisissant de mes précieux yo-yos, je m'apprêtais à m'en servir pour monter quand soudain, plusieurs hommes et femmes apparurent devant moi, armé d'armes blanches et d'armes à feu.

- " Ils sont là !!! " S'époumona l'un d'entre eux avant de pointer son arme sur moi.

- " COURS ! " Criais-je en direction de mon comparse avant de me propulser à mon tour sur le toit à l'aide de mes jouets.

Sous les coups de feux, je rejoignis Alegsis qui courait déjà vers notre salut.

Je ne sais par quel miracle, nous réussissions à nous enfuir et à échapper à nos assaillants, rejoignant enfin la caserne, essoufflés par un tel effort. Il en avait fallu de peu pour que nous n'y arrivions à cause de cet idiot qui avait bien failli tout faire rater. Pendant notre fuite, celui-ci avait à plusieurs reprises manqué de tomber des toits, ratant de peu ses réceptions en sautant des uns aux autres. Mais par chance, nous étions de retour sur le lieu de notre rencontre.

- " On a réussi ! T'as vu ! Mon plan à fonctionné à merveille ! " Vociféra le chasseur en exprimant sa joie.

- " Mais bien sûr... " Lui répondis-je en roulant des yeux tout en retrouvant mon souffle.

En temps normal, je lui aurai hurlé dessus pour s'être ainsi accaparé mon idée, mais j'étais bien trop contente d'être enfin de retour pour y prête la moindre attention.

- " Bon... Et si on allait récupérer ta prime ? " Lui émis-je tout en avançant vers le bâtiment où j'avais hâte de me reposer.

- " C'est parti, à moi l'argent et la gloire ! "

Un long soupir de lassitude s'échappa de ma bouche entrouverte en l'entendant dire cela. Enfin, j'allais être débarrassé de lui... Ce n'était pas trop tôt. Il me tardait de retrouver le calme et de ne plus entendre sa voix insupportable.

Alors que je passais la porte en pensant à la tranquillité qui m'attendait, une grosse voix grave m'accueillit en hurlant avant que quelque chose ne me soulève du sol par le col.

- " Yorha !!!!! "

- " Oh... Coucou, Commodore. Je suis rentré... " Lui signifiais-je d'une petite voix d'enfant, tout en affichant mon air le plus tendre, avec un sourire chaleureux.

- " Coucou ? Je vais t'en faire voir des coucous, crois moi, ma petite ! " Me réprimanda le vieux soldat, l'air tout aussi en colère que soulager de me revoir. " Je t'avais pourtant dit de ne pas bouger ! Est-ce que tu vas écouter un jour, sale gamine ?! "

- " Pardon... " Lui dis-je tristement en baissant les yeux.

Cela eut l'effet escompté, le Commodore restant muet devant ma petite bouille pleine de remords. Je pouvais voir dans ses yeux, qu'il ne s'avait plus comment réagir face à cette petite fille aux yeux larmoyant pour qui je me faisais passer.

Soudainement, le Commodore lâcha prise, me laissant retomber sur mes pieds tout en bougonnant.

- " On réglera ça sur le navire ! Tu ne perds rien pour attendre, jeune fille ! " M'avertit mon supérieur, le regard noir. " J'ai encore quelques bricoles à voir avec le Colonel, alors tu restes là ! " Pointant fermement le sol de la caserne du doigt. " Si jamais tu cherches de nouveau à me désobéir, j'en serai informé immédiatement. " M'indiquant d'un signe de tête, le Marine de l'accueil qui souriait, satisfait de me voir dans cette situation. " EST-CE CLAIR ?! "

- " Oui... Oui, Commodore ! " Lui répondis-je au garde-à-vous, légèrement tremblotante de peur.

Sur ces dernières paroles, le Commodore Canone jeta un regard, intrigué vers Alegsis, le regardant de haut en bas.

- " Salut le vieux ! T'es le père de, Baka ?! " Lui demanda cet abruti sans détour et avec le plus grand manque de respect dont il était passé maître.

En le voyant s'adresser ainsi à Canone Raz, je restais bouche bée devant tant d'impertinence. Quant à son interlocuteur, celui-ci resta silencieux, continuant de le fixer, impassible. Juste ciel, nous assistions peut-être aux dernières paroles d'un homme libre et peut-être même encore en vie... Là, je ne pouvais plus rien pour le sauver. Il avait lui-même creusé sa propre tombe en s'adressant ainsi à un haut gradé de la Marine.

Cependant, alors que je voyais déjà le Commodore au pire, lui arracher la tête pour le faire taire, celui-ci se mit à rire. La tirade du chasseur de primes semblait amuser mon supérieur. Surprise par cette réaction, une fois de plus, j'assistais à cette scène, la bouche grande ouverte, stupéfaite par tout cela.

- " Tu me plais bien, petit ! " Annonça le vieux Marine avant de poser lourdement une main sur l'épaule d'Alegsis qui trébucha légèrement sous le coup.

Puis, le Commodore reparti se renfermer dans le bureau, le sourire aux lèvres.


Dernière édition par Hayase Yorha le Dim 17 Mar 2024 - 11:36, édité 2 fois
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La paluche venue s’abattre sur l’épaule du giboyeur manqua de faire que celui-ci croula sous l’accolade. À défaut d’esprit sain, Alegsis pouvait se targuer d’une carrure athlétique et d’une force physique qui transcendait de pas mal les capacités humaines moyennes. Et pourtant, quand le battoir du commodore y avait été d’une tape franche et amicale, Alegs avait presque aussitôt titubé, un de ses genoux ayant même manqué de flancher, comme si un monde tout entier lui était tombé sur l’éclanche. De quoi ébranler son homme.

- Quoi que… bafouilla-t-il d’abord, tout chancelant d’ici à ce qu’il se retrouva ses appuis.

Avec ce même regard de bestiole torpide qui s’obstinait à vouloir comprendre ce qui venait de lui arriver sans trop jamais à y parvenir, il resta un instant debout, sa bouche légèrement entrouverte, quelque part sonné bien qu’en pleine possession de ses moyens. Puis, après que l’officier se soit engouffré jusqu’à ses pénates, le chasseur de primes, alors, réalisa bien tard ce qu’il lui était arrivé. Il crut pouvoir en tout cas analyser le phénomène en usant d’une sagacité qui lui était propre.

- Non mais… qu’est-ce que c’est que ce maroufle-là encore ?! Cabrait-il déjà de toute son intempérance en sautillant presque sur place tant l’effervescence le remuait en-dedans. Non seulement il m’agresse et il me fait des avances, mais en plus, il enguirlande ma nana. Ah mais... ça va pas se passer comme ça.

Parti comme un âne élancé dans une ruade irréfrénable, il retroussa ses manches, filant tête la première pour s’en aller dérouiller un commodore. Qu’il fut parvenu à vivre si longtemps, cet homme-ci, en dépit de l’atrophie de cet organe qui lui roulait entre les deux oreilles chaque fois qu’il penchait la tête, alors, tenait d’un miracle si ostensible que même les incroyants n’auraient pu le contester.
Déjà affairée pour sa part à le retenir, usant de toutes ses forces en plaquant ses deux mains sur le chapeau d’un idiot qui s’en allait en guerre littéralement tête la première, Hayase n’en finissait pas de faire des heures supplémentaires pour maintenir l’ordre. Empêcher qu’Alegsis se fasse constamment annihiler par le revers cinglant de sa propre bêtise était un travail à plein temps. Il s’en fallait d’un simple clignement de paupière pour qu’un drame advînt dès lors où celui-ci échappait à la vigilance de ses malheureux bienfaiteurs durant un bref instant. Sa stupidité, pour ce qu’elle avait de perpétuelle et d’indomptable, requérait en effet une attention toute particulière portée à son attention.

- T’en as assez fait pour aujourd’hui je crois ! Protestait-elle en usant de toutes ses forces pour contenir l’irrésistible cavalcade du plus flamboyant des ânes. Et qui est-ce que t’appelles ta nana, andouille !

À celle-là, Alegsis lui faisait une réputation telle qu’elle ne serait pas mécontente de quitter Tequila Wolf sous peu. Il ne faisait pas bon d'être seulement supputé de complicité avec un individu pareil. Non pas qu’il avait mauvaise réputation au regard de la loi – quoi que sa propension à enfoncer des portes à coup de pied était dit-on légendaire – mais car personne ne pouvait souhaiter raisonnablement être amalgamé d’une quelconque manière que ce fut à un idiot d’une pareille engeance.

Sa charge ainsi tempérée, toujours prompt à passer du coq à l’âne, l’artiste-pitre oublia aussitôt sa précédente altercation avec le commodore pour en revenir à l’essentiel. Accoudé soudain au comptoir de l’accueil derrière lequel le matelot n’avait pas bougé depuis la matinée, Alegs frappa du plat de la main afin d’apostropher l’intendance.

- Oh là, Aubergiste ! Entonnait-il alors fougueusement. Allez me préparer mes dix millions, j’ai comme une prime à rafler Jeri-hi-hi.

Droit comme un « i », un regard plus froid que la neige qu’avaient quitté le duo ayant récemment fait irruption dans la garnison pour leur grand retour, le Marine interpellé, sans même dissimuler un seul ersatz de la lassitude qui l’imprégnait alors, prit une très profonde inspiration, ferma les yeux puis, la mort dans l’âme, se résigna à devoir répondre à ce qui se présentait à lui comme le plus éminent déclencheur de crise de nerfs que le monde ait jamais porté en son sein.

- Pour la dernière fois Alegsis, je suis pas aub… oh eh puis à quoi bon il écoute jamais rien. Et je peux savoir où est le criminel capturé ? Se ravisa-t-il finalement.

La question avait pour mérite d’être remarquablement fondée. Sûr de lui, comme l’étaient par ailleurs tous les abrutis, Alegsis répondit avec une fierté outrecuidante :

- Mais juste là. À mes pieds.

Et pour faire la démonstration de ses dires, il pointa de sa main ouverte en direction de sa proie afin de prouver à quel point il fut dans le vrai. À peu de choses près, cependant, qu’à ses pieds, on ne trouva qu’un marbre bruni sans que rien n’y fut étalé dessus.
Légitimement frappé par instant de circonspection qui s’imposait dans de pareilles circonstances, figé tout contre le comptoir sur lequel il y avait posé son avant-bras, Alegsis prit connaissance de l’état de fait dans un recueillement silencieux et gêné tandis qui la sueur lui coulait à flot le long d’un visage rendu livide. Avec en plus un sourire resté placardé sur la trogne, sa bouche alors aussi tremblante que les prunelles qui lui sautillaient dans son regard ahuri, son visage, ainsi pétrifié, était resté bloqué ainsi durant de longues et implacables secondes d’ici à ce que le chasseur de primes accepta de reconnaître l’évidence pour ce qu’elle avait présentement d’inexorable.
Ses mains brusquement plaquées de part et d’autre de son visage avec, au centre, une vilaine bouille épouvantée de tout ce qu’elle avait de plus grotesque à exposer, il apparaissait tel qu’il se devait de paraître dans un contexte qui se prêtait si bellement à une telle réaction.

- Ohpuréelavachejel’aioubliésuruntoit ! Bavait-il alors qu’il bramait dans les larmes et la turpitude que lui suggéraient l’instant présent.

Une telle posture, en dépit de ce qu’elle avait de frustre et de malgracieuse fut néanmoins communicative. Rendue peu ou prou au même stade, à s’en griffer les tempes et à se mordre la langue de dépit, Hayase n’avait pas soupçonné que les ennuis puissent se poursuivre passée leur escapade de la journée. Surmenée, conduite aux confins de l’hystérie clinique, elle se lamentait d’avoir été la plus idiote des deux pour avoir fait confiance à ce qu’elle savait être le plus illustre crétin de toutes les mers du globe.

- T’as pas fait ça ?! T’as pas fait ça dit ?! Tu vas quand même pas me forcer à te tuer ?! Nooooooooon ! Poursuivait-elle dans des sanglots venus ponctuer une journée nerveusement éprouvante.

Resté pour sa part inerte et impassible derrière son comptoir, le Marine à l'accueil s’essaya à une incursion au milieu de leurs jérémiades. Son intervention fut entamée sur un ton si faux qu’on ne pouvait que se douter de sa parfaite insincérité.

- Oh non enfin, ne le tuez pas, ce serait si dommage, oh non…… Puis, plus discrètement, après avoir regardé à droite et à gauche de deux coups d’œil furtifs, il renchérit discrètetn, vous voulez que je vous prête mon mousquet ?

La remarque était heureusement tombée dans l’oreille d’un sourd car, de ce mousquet, la jeune matelote aurait vraisemblablement pu s’en saisir afin d’en faire un usage des plus idoine. Au beau milieu du hall de la garnison, on n’en finissait pas de s'étaler dans la contrition tandis que le personnel y jetait des furtifs regards interloqués sans trop toutefois y prendre garde.

- Oh la bourde ! Oh la bourde ! Oh la bourde ! Paniquait le giboyeur d'hommes jusqu’à faire trisser des larmes en fontaines depuis ses gros yeux tandis qu'un surplus lacrymal lui coulait abondamment des narines.

Tout face à lui, à se contrir au diapason de son crétin de partenaire, Hayase lui répondait à chaudes larmes dans un même état, comme en écho :

- C’est pas possible ! C’est pas possible ! C’est pas possible un débike pareil !

- Oh la bourde ! Oh la bourde ! Oh la b… ah non. Se calma subitement Alegsis, son visage impeccablement remis à neuf sans qu’une larme y figura à présent. Le plus calmement du monde, avec une tête rendue soudain sereine et impavide, il pointa du doigt en direction des plantes d’ornement situées non loin de l’entrée. Je l’ai laissé là en fait.

Le corps de Zeno, abandonné derrière un yucca, y avait été jeté négligemment en boule, laissé-là, les pupilles révulsées, contorsionné cul par-dessus tête. Avec un petit air chafouin et innocent, Alegs se frotta l’arrière du crâne en tirant la langue comme on le faisait pour mieux illustrer un « oups » singulier.

- Sombre crétin ! Avait aussitôt dessaoulé de ses pleurs sa complice, ne manquant pas de lui administrer un violent coup de poing sur le crâne venu lui écraser son chapeau ; chapeau qu’elle lui aurait fait bouffer tant l’ascenseur émotionnel avait vacillé rapidement dans sa poitrine.

Une larme au coin de l’œil – car elle l'avait frappé fort – mais avec cette même tronche amorphe qu’il affichait en permanence, Alegsis avait étalé le pirate assommé sur le comptoir à la grande consternation du Marine qui s’était trouvé derrière.

- C’est pas comme ça qu’on procède. Normalement on le menotte et on l’emmène en…. Courage, c’est bientôt fini. Passant outre une débilité notoire qu’il ne pourrait de toute manière pas guérir, le chargé d’accueil, suppléé par deux confrères venus pour transporter la prise, rompit enfin de son air impassible et constamment désenchanté pour prendre une posture étonnée. Ma parole, qu’est-ce que vous lui avez mis ! Il s’est donc tant défendu que ça pour que vous nous le rameniez dans cet état ?

Par acquis de conscience, on procéda à plusieurs vérifications pour s’assurer convenablement qu’il s’agissait de Hat Zeno en comparant sa tête bouffie et saignante d’où coulait une écume d’entre les lèvres à son portrait affiché sur la prime.
Gêné aux entournures, ses pupilles glissant dans le coin supérieur droit de leur orbite, quelques gouttes de sueur perlant sur son visage, Alegsis simula au mieux l’innocence. Il est vrai que, dans sa désinvolture manifeste, il avait laissé tombé son captif au moment de descendre du dernier toit sur lequel Hayase et lui s’étaient perchés.
Cependant très doué pour noyer le poisson, il joua bien mal la comédie, fronçant les sourcils en direction de sa partenaire sans qu’il ne parut crédible pour autant tellement sa tronche suintait la culpabilité. Usant d’outrance et d’impudence à foison, deux des tares qu’il exhibait si naturellement sans jamais avoir à forcer, il s’en allait accabler la jeune fille pour avoir cabossé leur prise du jour bien que se sachant évidemment fautif.

- Ça, tu vois Bakayase, il s’était persuadé que « Baka » avait été le prénom et « Hayase » le nom de famille, c’est parce que tu l’as laissé traîner par terre tout à l’heure. La sermonnait-il alors avec une outrecuidance rare. Ah je te l’avais dit. Hein que je lui avais dit ? Poursuivit-il en cherchant l’appui du préposé à l’accueil.

- Alegsis, j’étais pas avec vous.

Abîmé ou pas, une capture était une capture aussitôt l’authentification établie. Une authentification ici rendue laborieuse par les quelques malfaçons sur la gueule du gibier, mais une qui fut néanmoins menée à son terme.
D’ici à ce que les dix millions de la prime furent accordés – car il avait fallu fouiller dans les tréfonds de la garnison pour les faire compter et recompter par quelques myriades d’officiers supérieurs comme le prévoyait la procédure, Hayase s’était vue notifier par son supérieur que l’heure du départ pour elle et l’équipage approchait. Jamais l’appel du devoir ne lui avait paru si reposant.
Aussi, l’un et l’autre désormais en partance, les complices du jour quittèrent côte-à-côte les murs épais de la caserne pour s’en aller descendre ces longs escaliers couverts de neige sur lesquels ils avaient précédemment conclu leur entente.

- Il est pas commode ton commo… enfin ton chef. Ne trouva rien de mieux à dire le crétin chapeauté avant d’ajouter. T’es sûre que tu veux pas que j’aille le corriger ?

Connaissant l’animal à force de s’être essayé à le dompter, Hayase ne relevait plus ses exubérances, ne sachant que trop bien que cela l’encourageait dans la surenchère. Aussi ne répondit-elle pas à la précédente remarque.
Par cette énième démonstration d’intempérance, Alegsis, sans trop se l’avouer et encore moins à elle, reconnaissait que sa compère lui manquerait après que tout deux aient passé ensemble une journée si trépidante.

- Ah oui, au fait !

Le cœur d’Hayase manqua un bond si ce n’est deux à l’entendre jaboter ainsi à nouveau. Chez l’animal-là, chaque prise de parole, quand elle était aussi enjouée et intempestive, précédait un désastre dont elle ne se sentait pas de faire les frais.

- Je t’ai dit que je te donnerai une part si on capturait Zeno.

- Oui, mais je t’ai dit que j’en voulais pas. T’as pas écouté, hein ?

Intègre et davantage motivée par son sens du devoir qu’un intéressement pécuniaire, elle avait été sincère dans son refus jusqu’à se voir finalement remettre entre les mains sa part qui lui avait été forcée entre les pognes. Elle regarda alors le tribut qu’on lui remettait, silencieuse. Quelque part située qu’elle était entre la contemplation et l’atterrement.

- Voilà ta part. Souriait gentiment le chasseur de primes pareil à un petit animal qui attendait qu’on le félicite pour ses tours.

Il lui avait effectivement remis une part. Une part de tarte au flan qu’il était allé acheter tandis qu’elle avait été aux prises avec son commodore lorsque celui-ci l’avertissait que leur départ serait pour bientôt.
Cette charmante intention que fut alors la sienne, formulée avec l’adresse qu’on lui connaissait, prenait alors des airs de provocation ostensible. Une provocation qui, bien qu'involontaire était néanmoins patente dès lors où l'on posait les yeux dessus.
Elle était restée là, sur une marche, avec sa part de tarte au flan entre les mains, la pâtisserie lui ayant atterri dessus comme la juste conclusion d’une journée éreintante.

- Dévore pas tout d’un coup, galopine. Ajoutait-il alors qu’il avançait, levant sa main libre dans un adieu qu’il voulait fugace pour ne pas en souffrir.

Ayant ainsi poursuivi son chemin, Alegsis, trouvé au pied des escaliers, ayant en main une mallette où les liasses rebondissaient à force qu’il la secoua, sentit soudain contre lui deux pointes d’acier dont il n’était que trop familier à force de s’y être éprouvé constamment dans sa carrière tumultueuse. On venait de lui poser tout contre l’abdomen deux cylindres de mousquets chargés.
Devant lui, il se trouvait deux garçons à la mine patibulaire qui empestaient la révolution à plein nez¹. Ces deux partisans que, plus tôt, le camarade Évou avait demandé à ce qu’ils furent postés là en espérant que ceux-ci puissent intercepter Hayase si elle parvenait à s’enfuir.

Assez loquaces pour comprendre, à les avoir vu elle et son abruti de compagnie, déambuler depuis Arche Et-Demi avec Hat Zeno comme bagage, ils avaient compris que quelque chose avait comme qui dirait merdouillé par chez eux. Usant de la ligne escargophonique non brouillée pour présenter leur rapport, on leur ordonna de rafler la prime à celui-là même qui l’avait gagnée à la sueur du front de sa complice.

- On va prendre ta mallette, elle a l’air un peu lourde.

- Non, franchement ça va. Chercha à filouter Alegsis.

Le percuteur du mousquet, dans un bruit métallique annonciateur de malheurs, se rétracta sur l’arme de ses deux agresseurs qui, collés à lui, très discrètement, avaient pu y plaquer leur arme sans que qui que ce soit dans la foule aux alentours ne les remarqua.
Dans un soupir résigné, désinvolte là encore, Alegsis abdiqua docilement sa prise à des prédateurs venus le prendre de cours.

- Et t’avise pas de nous suivre, on a un camarade qui te braque au loin avec un fusil. Compte jusqu’à une minute et après, reprends ta route loin d’ici. TRÈS loin d’ici.

Bluff que cela. Mais Alegs ne s’était pas senti de prendre un risque inconsidéré en niant la potentialité que la menace fut véritable.
Sans esclandre – pour ne surtout pas attirer l’attention – les deux révolutionnaires disparurent bien assez vite dans la marée humaine de la grand-place des quartiers libres de Tequila Wolf.
D’un pas lent, d’un pas lourd même, Alegsis, une fois la minute écoulée, gravit à nouveau les marches pour s’en aller retrouver Hayase qui avait commencé à boulotter sa part.

- Tu m’en laisses un bout, dis ?

La journée avait été longue et s’achevait maintenant que la nuit précoce d’une île hivernale en finissait de s’abattre sur Tequila Wolf. Leur escale en ce jour, Hayase comme lui s’en souviendraient chaque fois qu’ils rumineraient un souvenir amer de leur périple sur place. L’une partirait avec le sentiment du devoir accompli quoi que très éprouvée par un stress psychique jamais ressenti auparavant, l’autre, quant à lui, décamperait sur son pédalo la larme au coin de l’œil. Les deux cependant quitteraient Tequila Wolf en ayant acquis l’un et l’autre une amitié singulière qui les lierait l'un à l'autre pour jamais.


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¹. Si vous ne savez pas ce que sent un révolutionnaire, demandez à Sigurd Dogaku.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t25733-fiche-technique-de-alegs
  • https://www.onepiece-requiem.net/t25723-alegsis-jubtion