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Deux pour la prime d'un [PV avec Grimmjack]

À trop se complaire dans la passivité des jours heureux, du destin, on en était victime un jour ou l'autre. C'était arrivé à Arnold Jancler. Le destin, à lui, il lui était rentré dans la gueule sans même un avertissement de courtoisie.
Il avait été antiquaire le pauvre homme. Peut-être l'était-il toujours, d'ailleurs. En un sens du moins. Sa petite vie, minable à souhait, chiante à point ; juste comme il l'aimait, il l'avait crue toute tracée. Seulement, on ne commandait pas le destin ; on faisait avec chaque fois qu'il redistribuait les cartes. On faisait au mieux. Et les carrés d'as ne duraient jamais qu'un temps. Un temps aujourd'hui révolu pour Arnold Jancler. Révolu et soldé, maintenant hors de portée.

Une femme, des mouflets, une petite situation tranquille sur Dawn ; sa vie, mieux qu'un long fleuve tranquille, était pareille à Calm Belt. La quiétude de tous les instants, un ciel dégagé et une mer sans vague rythmaient une vie morne et paisible où le son de l'horloge égrainait les secondes écoulées jusqu'à la mort. Pour certains, le projet tenait de l'idylle ; Arnold comptait parmi ceux-là.
À voguer insouciant sur sa Calm Belt bien à lui, il en oubliait que sous la surface bien lisse d'une mer placide, un vivier de monstres marins lorgnait en silence sur toute proie potentielle. Ses monstres à lui, marins eux aussi, étaient venus un jour accoster à Fushia. Point de pèlerinage sentimental de leur part, on ne venait pas saluer le berceau Roi des Pirates, mais écouler une camelote mal acquise. L'antiquaire du coin, c'était encore lui le mieux désigné pour ce faire. Et il l'a fait son travail. Il l'a fait si bien accompli, leur a rapporté si gros à refourguer la quincaille, qu'il ne se trouva pas un boucanier dans l'équipage pour renoncer à l'idée d'en faire un partenaire. Le mot vogua à vitesse de corvette et se propagea dans les milieux initiés, dans les eaux croupies où y barbotait la flibuste. Le pavillon noir, un temps durant, se fit autrement plus présent dans les quais de Fushia.

Refuser les transactions pour ne pas s'associer à de mauvaises gens ? C'était à présent inconcevable. Arnold, malgré lui et parce que la piraterie portait à présent sur sa personne des espoirs de rente prospère, avait incarné le centre névralgique d'un réseau de marchandises volées. Il était devenu un «fourgue» comme cela se disait si bien ; il était devenue LE fourgue de tout forban que comptait East Blue.
Voilà que la Marine s'en mêle. Ça lui arrive. La flibuste - organisée en réseau - avaient pourtant graissé les pattes de qui de droit ; mais pas suffisamment. Et puisque le réseau devait tomber, car cela était inéluctable quand le Gouvernement Mondial sifflait la fin de la récré, il ne se trouva pas un pirate sur East Blue pour ne pas jeter le bâton merdeux entre les mains du seul homme innocent de l'histoire. Avec une prime de douze millions fraîchement tombée sur sa pomme, Arnold avait mis les bouts.

Douze millions pour un petit bonhomme dégarni et miro sans ses culs de bouteille: ça sentait l'aubaine pour qui avait du flair. Le berry, quand il était versé dispendieusement, attirait le chasseur de prime comme un seau d'hémoglobine enjaillait les squales.
En mouche-à-merde avisée, alléché qu'il était par le cri licencieux du billet de banque, Alegsis, déjà dans les parages, avait rappliqué illico. Les jambes encore en coton de trop avoir mouliné dans son pédalo, il ne s'était pas fait attendre. Pourtant homme de peu d'éducation - car trop stupide pour que le moindre enseignement lui fut du moindre secours - il savait être ponctuel quand les circonstances l'exigeaient. L'argent, quand on faisait pleuvoir assez, était apparemment porteur de vertus.

La piste était encore fraîche et il ne perdit pas de temps. Sans gêne de naissance, il était ainsi doté d'une affinité naturelle pour les interrogatoires sensibles. Beaucoup, à sa place, auraient eu bien des scrupules à déranger une femme seule et ses enfants, jetés qu'ils étaient dans la tourmente après que la loi et l'opprobre les aient accablés de mille anathèmes. La famille Jancler toute entière portait en effet le fardeau de son patriarche après que celui-ci ait disparu. La compassion aurait intimé tout homme à la réserve, mais la bêtise coutumière des effrontés les prévenait de telles intentions.

- Bonjour, bonjour madame Jancler ! ♪ Scandait-il tout guilleret alors qu'il martelait la porte du domicile de son poing énergique.

Les larmoiements de jeunes enfants perturbés par les événements ne l'attendrissait pas. D'ailleurs, Alegsis ne les entendait pas tant le bruissement des billets de banque lui léchaient l'oreille. Douze millions, c'était une somme. Une qui justifiait amplement qu'on étouffa la moindre obligeance.

- Ouvrez ! C'est la loterie du Gouvernement Mondial ! Vous avez gagné cent millions de berries ! Non je plaisante jerihihihi ! S'était-il aussitôt corrigé d'un rire aussi sincère que jovial. Je suis chasseur de prime, je viens pour... enfin... vous savez bien. Allez, ouvrez. Et oubliez pas le café.

Toujours commencer par une blague. Rien de tel pour détendre l'atmosphère ou bien passer pour le dernier des gougnafiers. Ce qu'était Alegs, au demeurant. Le fait est qu'il manquait cruellement de savoir-vivre et aimait à en faire étalage à son insu.

- Partez ! Hurla une voix stridente qu'on devinait appartenir à madame Jancler.

Ne considérant même pas qu'il puisse déranger - et pas qu'un peu - le chasseur fut stupéfait de la réaction de l'hôtesse de ces lieux. Le visage choqué, ébahi, presque scandalisé, il donnait l'impression que, des deux, c'était elle la sans-gêne.

- Mais enfin madame Jancler, rouspéta-t-il avec une sorte de bienveillance outrée tout en posant théâtralement ses deux poings sur les hanches, c'est pas des manières ça.

Oui. Alegsis Jubtion, avec un aplomb d'autant plus extraordinaire qu'il n'avait pas même le sentiment d'en faire usage, se permettait de reprendre la maîtresse de maison sur son éducation. Ne pas connaître l'animal aurait pu conduire à dire de lui qu'il avait du culot. Ce n'était cependant pas de l'outrance ; persuadé d'être dans son bon droit tant la moindre aptitude sociale lui faisait défaut, celui-ci se croyait sérieux en émettant de pareilles remontrances après pourtant s'être comporté comme il l'avait fait jusqu'à lors.

- Je suis venu de loin rien que pour vous voir, même que je je vous ai apporté des fleurs. Mentait-il tandis qu'il cueillait honteusement et à toute hâte dans le parterre de bégonias situé sous son nez.

- Partez ou j'appelle la Marine !

Surpris par cette nouvelle salve de refus, Alegs lâcha ses fleurs alors qu'il venait de tressaillir. Il était nerveux mais trop insouciant pour avoir réellement peur. Bien que la menace fut sérieuse et qu'un rien suffisait à ce que sa licence lui glissa des mains dès lors où les mouettes s'en seraient saisis, en bon crétin qu'il était, le chasseur de prime ne s'en inquiéta pas. En attestait le rire franc et spontané - limite enfantin - qui lui échappa dans l'instant qui suivit.

- Jerihihihihihihihihihi ! Elle va appeler la... prfFRrffF... la Marine ! Jerihihihihi !

- I... il n'y a pas de quoi rire, je vais vraiment le faire.

Quand il eut retrouvé son souffle, l'Épavien pencha la tête en avant, pour se gratter la nuque. Enfin il commençait à être gêné. Mais pas pour lui ; pour elle.

- C'est pas pour être vexant madame Jancler mais... la Marine... à l'heure actuelle. Elle est un peu occupée à chercher... vous savez... votre mari. Enfin je dis ça...

Il l'avait soufflée la pauvre. Et sans le vouloir. Suspectée à tort de complicité dans les crimes bien involontaires d'un mari qui avait voulu à tout prix préserver son épouse de ses malheurs, celle-ci n'était en effet pas tenue en odeur de sainteté auprès de l'État-Major local. Un coup d'escargophone, s'il partait de chez elle, pourrait sonner cent fois avant qu'on s'abaisse à y répondre.

- Mais vous inquiétez pas ! Poursuivit l'intrus d'un ton gaillard, jamais à cours de bourdes. Moi, je suis un type bien. Il se pointait alors la poitrine du pouce droit afin de mieux se désigner. Votre mari, je viens pas le chercher pour la justice, mais pour l'argent.

Immoral ? Alegsis ne l'était pas. Pas même à moitié. Amoral, en revanche, il l'était à en crever, n'ayant apparemment pas conscience de ce qui tenait à la décence ou aux bonnes mœurs. De lui, sa mère disait qu'il était «un garçon très nature», ce qui, en soi, constituait une remarquable périphrase pour ne pas avoir à dire qu'il était spectaculairement débile.
Bien que sa dernière phrase suffisait à elle seule à ce qu'on se détourna de lui à jamais, la dame aux bégonias, autrement moins vindicative, lui demanda d'une voix hésitante :

- V... vous ne travaillez pas avec la marine ?

- Moi ?! S'offusqua presque l'énergumène dans une de ses colères spontanées dont il avait le secret et qui lui disparaissait des méninges aussitôt expectorée dans un cri, Mais jamais de la vie ! Depuis tout petit déjà, mon père me disait toujours que j'étais trop bête MÊME pour entrer à la marine. C'est vous dire. Jerihihihihihihihihihihihihihihihihihi... Eh mais... attends une minute, ça veut dire qu'il m'insultait ?!

Laissé à ses souvenirs de jeunesse dont il était trop stupide pour en saisir l'aspect traumatique, Alegs émergea à nouveau quand la porte qui le séparait de son interlocutrice s'entrouvrit. Bien qu'elle ne laissa apparaître qu'une partie de son visage au travers, on voyait à ses cernes et ses yeux rougis qu'elle n'avait ni dormi ni eu les yeux secs depuis plusieurs jours déjà.
En proie qu'elle avait été à l'agressivité des marines venus l'interroger depuis trois jours, la confiance, avec l'institution, était résolument rompue. Son espoir... elle le fondait maintenant dans l'abruti chapeauté venu frapper à sa porte. Cela, seulement, situait  l'étendue de son désespoir.

- Vous... vous pourriez faire quelque chose pour lui ?

Ahuri, stoppé net, car ne sachant trop quoi répondre, Alegs répondit néanmoins, loupant ainsi avec brio une nouvelle occasion de la boucler.

- Bah écoutez... vous me donnez le Fruit du Temps, je remonte jusqu'à ce que votre mari ait pas fait le mariole et puis je le briefe. Hop, l'affaire est réglée ! Jerihihihihihihihihihihihihihihi. Stoppant net son rire pour reprendre son visage plat et grotesque, il se reprit immédiatement. Non, sérieusement, c'est mal barré pour votre gros.

Pouvait-on décemment dire d'un homme qui n'avait aucun goût qu'il manquait justement de bon goût ? Le fait est que cette énième boutade entama lourdement le moral de la pauvre épouse du fugitif. Se sentant mal de la voir si piteuse - car elle faisait pitié à voir du peu qu'on pouvait apercevoir d'elle derrière la porte - le chasseur de prime chercha toutefois à se rattraper. Et cela, sans avoir eu conscience d'avoir manqué de tact comme il n'aurait pu mieux le faire même s'il l'avait voulu.

- Et puis... les malheurs, énoncés depuis la bouche d'un réservoir à balourdises en série, n'en finissaient plus de pleuvoir, c'est pas pour vous inquiéter, mais si je me fie à ce qui est écrit dans les journaux, y'a des marines qui sont empêtrés dans l'affaire, là, à votre mari.

En réalité, il ne savait pas lire. Exception faite des chiffres sous les posters de primes, se faisant lire le nom par un passant. Pour ce qui tenait aux informations, les escargophones radio amoncelaient entre ses oreilles le gros de sa culture qui, il est vrai, ne pesait pas bien lourd.

- Alors, si c'est eux qui lui tombent dessus les premiers, l'est pas exclu qu'ils l'abattent en prétextant la légitime défense jerihihihihihihihihihihihihihi, pourquoi je rigole, moi ? C'est pas drôle !

Pour le coup, la quasi-veuve trembla de tout son long, tétanisée qu'elle était par la perspective ainsi formulée. Criminellement désinvolte comme pouvait l'être un animal innocent - et pas un qui fut très malin - Alegsis l'avait, malgré lui, jetée le dos au mur.

- Et si... et si c'est vous qui l'attrapiez ?

- Ah bah moi ! Reprit-il avec cette bonhomie franchement déplacée. Si j'avais touché à ses combines, je chasserais pas du pouilleux, je compterais mes rentes ! Enfin je...  pour le coup, il eut enfin conscience d'avoir fait une remarque déplacée. L'horloge cassée, ça se savait, donnait la bonne heure deux fois par jour. Ce que je veux dire, c'est que moi, j'ai rien contre lui personnellement. S'il se défend pas de trop, c'est en un seul morceau que je l'amène en prison.

Madame Jancler reprit des couleurs et ouvrit la porte en grand, accrochée fermement à ce filament d'espoir qu'il lui avait jeté sans même s'en rendre compte.

- Et s'il témoigne et qu'il donne le nom de ses complices, ils lui accorderont peut-être une repise de peine ?!

Un homme intelligent, avec un soupçon de sournoiserie en lui, l'aurait confortée dans cette opinion pour mieux se l'arranger, sentant bien qu'elle allait coopérer. Mais pas Alegs. Non pas qu'il fut particulièrement honnête, mais simplement trop stupide pour saisir l'aubaine. Aussi, presque blasé, en bon balourd, il haussa les épaules pour déclarer :

- Prrrrt, ce que j'en sais moi. Peut-être bien. Vous savez, moi, je suis là que pour la prime, alors une fois qu'il est livré...

Mais madame Jancler n'écoutait plus que ce qu'elle voulait entendre. Lui attrapant soudain les mains de ses quenottes fines et osseuses, tremblante comme une feuille morte, elle posa son regard de démente dans les grosses billes rondes de ce qu'elle tenait pour son sauveur et s'abandonna à lui sans réserve.

- Si... si je vous dis où il est... vous promettez que vous le protégerez ?

- Ouais, si vous voulez. Répliqua-t-il désinvolte comme s'il s'acquittait d'une formalité alors qu'elle lui offrait un Sésame pour douze millions de berries. Mais avant... est-ce que vous pourriez me laisser utiliser vos toilettes s'il vous plaît ? Parce que vous comprenez, je viens de loin en pédalo et... et faut que je fasse caca.

Et c'était en cet homme-ci que Lorie Jancler fondait ses espoirs. La déconvenue guettait au tournant, et d'un regard insistant.

***

- Salut Nono ! Entama gaiement et sans hostilité un chasseur de prime venu forcer d'un coup de pied la porte d'une chambre d'auberge clandestine. C'est la loterie du Gouvernement Mondial ! Devine qui vient de gagner douze millions de berries !
C'eeeeeeest-paaaaaaaas-toiiiiii ♪.


Elle avait lâché le morceau, sa rombière. Car les criminels aussi avaient leurs bonnes adresses ; leurs médecins d'abord, et leurs planques ensuite. Une chambre d'hôte louée officiellement à un couple avait été attribué à Arnold qui, tétanisé, voyait faire irruption un dingue dont il se serait bien passé. Mais après tout, il ne fallait pas nécessairement avoir une prime sur sa tête pour ne pas vouloir croiser Alegsis Jubtion. Le bon garçon, il est vrai, avait un tempérament qui indisposait toute entreprise sociale intentée en sa compagnie.

- Allez, entama le vandale avant de siffler le petit bonhomme rondouillard pour le faire agir au pas, mets tes chaussures. Direction la garnison.

Un peu lent à la détente, l'Épavien remarqua enfin une tache sur son panorama idyllique. Une grosse tache. Une bien noire qui faisait deux bon mètres. Dans cette petite chambre d'hôte miteuse, ils étaient trois ; quelqu'un l'avait devancé de peu, lui aussi sans doute très réceptif au chant séduisant des douze millions de berries.
Finalement plus offensé qu'il n'était surpris, Alegs porta à nouveau son regard sur le petit bonhomme, ce dernier étant pris entre le marteau et l'encule, assis sur son lit branlant à ne plus trop savoir sur quel pied danser.

- Enfin Arnold... gémit Alegsis tu me fais quand même pas des infidélités, dis ?

Sur cette réaction outrée, il se saisit lentement du pinceau géant logé dans son dos. Sa tête baissée un instant, sa vilaine bobine dissimulée derrière le bord de son chapeau incliné, avant de finalement sur une intonation quelque peu acariâtre :

- T'embêtes pas à faire les présentations, va.

Il leva la tête, son visage toujours aussi grossier, mais son regard autrement plus résolu et sévère.

- Monsieur allait justement partir.


Dernière édition par Alegsis Jubtion le Mar 14 Mar 2023 - 13:24, édité 2 fois
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Heureux hasard

Grimmjack continue son périple comme un chasseur de prime confirmé ! Enfin, plutôt comme un vagabond malchanceux ... Cela faisait quelques mois qu'il s'était lancé dans la chasse au prime et son compteur de capture tournait autour du ... Zéro. M'enfin bon, aujourd'hui, après avoir quémandé à un équipage de marin, il débarque au village de Fuschia. Peut être que les cieux allaient êtres plus cléments avec lui cette fois ...


Sans compter que j'étais un chasseur en carton, que cela faisait des semaines que je n'avais toujours pas attrapé mon premier captif, que j'étais pauvre et à la rue, la journée se profilait plutôt bien !
Le ciel était dégagé, quelques corbeaux tournaient autour de moi - toujours un bon signe ça -, le vent frais m'apaisait l'esprit. Bref, que du bonheur !

Les locaux par contre ... J'étais un peu plus mitigé. Comment dire ... Bah déjà, malgré que le petit village avait l'air paisible, à chaque personne que je saluais, celui ci partait en courant ou répondait à peine complètement apeuré. J'étais poli en plus, je souriais grandement et enlevais mon chapeau ! Comme ma maman m'avait si bien appris !
Et puis toutes ces tentes autour des habitations ... Je savais pas trop quoi en penser. Les gens ont le droit d'aimer les campings sauvages ... Mais la, il n'y avait rien de vraiment sauvage quoi ... Boarf, les uses et coutumes, c'était pas encore mon point fort. Je devais pas trop me prendre la tête avec ça. Après tout, qui suis-je pour juger ? Qu'un grand dadais recouvert de bandelettes, c'est tout !

Routine y oblige, dès que je débarquais sur une île ou dans une commune, je me baladais tranquillement en y faisant le tour ! J'adorai découvrir ! C'était la partie de mon aventure qui m'intéressait le plus ! Surtout car à part une série d'innombrables malheurs, il n'y avait rien de fameux à se mettre sous la dent ...
Une fois le petit tour fait, je m'arrêta devant un passant lui demandant de l'aide. A peine allais-je ouvrir la bouche qu'il commença, encore un autre, à s'enfuir totalement apeuré. De mon long bras je l'attrapa par le capuchon.

- Allons mon bon monsieur ! Ne vous précipitez pas comme ça, vous risquer de tomber ! Une mauvaise chute peut être très dangereuse vous savez ?

Une motte de terre, un cailloux et bim, l'accident arrive. Ils étaient vraiment bizarre ces locaux. En plus il commençait à trembler et greloter. La brise était sans doute trop fraiche pour lui.

- Qu ... Que ... Que me voulez vous ?!!
- Rien d'autre qu'une indication voyez vous. Je recherche un endroit pour dormir ... Vous comprenez, le genre d'endroit plutôt discret ?


Bah oui, les auberges tape-à-l'oeil, j'avais clairement pas les moyens. Je préférais plutôt un truc un peu piteux. Et puis à force, je m'y habituais presque, à vivre comme ça. La vie de vagabond (chasseur de prime super naze) endurcissait le corps et l'âme !
En tout cas, ce gentil passant me donna l'information avant de détaler au plus vite. Il avait pas bien comprit mon conseil sur courir et trébucher celui la ...

Bref, je me rendis à la destination fraichement pêchée : un paysan qui proposait des chambres d'hôte ! C'était cool ! Ca me changerait un peu des tavernes remplies d'ivrognes pour une fois.
La réaction du tenancier : exactement la même que tous les autres. Leur comportement devait fortement être ancré dans leur culture à priori. Il me donna la clef de la chambre et peina à m'indiquer sa position. J'avais pas tout compris en réalité. En tout cas sur la clef était gravé le chiffre "6" ... Ou "9". Je savais pas trop en fait ...
Prenant ma faux et mon baluchon je partie dans cette direction plutôt floue. J'allais bien trouver après tout, je n'étais pas plus bête qu'un autre !

Logiquement, la numéro six était la première des deux dans le couloir. Sans faire plus ample attention, j'ouvris la porte et débarqua avec panache.

- Oups ! Navré monsieur ! J'ai du me tromper de chambre ! Je m'en vais de ce pas ... Attendez, on se serait pas déjà vu quelque part ?

Alors que j'allais faire demi-tour, sa tête me disait quelque chose. Je l'avais déjà vu ce bonhomme biscornu.

- Eu ... Euh ... Non ! Enfin je veux dire ... Que ... Qu'un gentleman dans votre genre ... On s'en souvient ... Enfin ... Euh ... Sans vous offenser bien sur !

Lui, il était bien plus effrayé que les autres. M'enfin bon, je venais de débarquer dans sa chambre sans prévenir. Si ça se trouve il se tripotait juste avant ... Beurk, je fis une grimace à cette idée, puis détourna le pas et repris ma direction ...

- Minute papillon ! Je suis sur et certain de vous avoir déjà vu ... Hummm.

Je me rapprocha de lui, pliant mon corps et dressant mon visage à quelques centimètres du sien.

- Hmmmmmmmmmmmmmmmm.

Il en tomba à la renverse, comme s'il avait vu un démon. De mon côté je me grattais le crâne, espérant que ça réchauffe mes neurones.

- Ah ! Je crois savoir !

Je sortis une liasse de primes de la poche intérieure de mon manteau et commença à les éplucher minutieusement. Tiens donc ... Arnold Jancler ... 12 millions de berrys ... Je tendis l'affiche et la dressa à côté de ce gentil monsieur. Hmmmm. Il n'y avait aucun doute ! C'était bien lui ! Mon regard se transforma littéralement, empli d'étoiles dans les yeux. Je ne savais pas du tout ce qu'avait fait ce type, mais une chose était sûre : ma carrière allait enfin briller sous la gloire !

C'était sans compter l'interruption frauduleuse d'une tierce personne...

- Euh bah non, je comptais pas du tout partir ...

Il était bizarre celui la. Encore plus que le rondouillard Arnold. Et puis j'avais quasiment rien compris à son baratin. En plus il manquait fortement de classe et parlait comme un zingouingouin ! Mais qui lui avait appris les bonnes manières ?!
Je me retourna alors vers Arnold, totalement désemparé de la situation, pointant l'inconnu du pouce.

- C'est votre cousin ?

Il y avait un petit air de famille à vrai dire.
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La nature et ses merveilles, quand transposées à une situation humaine donnée, ne perdaient jamais en à-propos. Aussi, lorsque deux charognards plantaient les crocs dans une viande faisandée, ne restait à l'arrivée qu'un seul d'entre eux, finalement logé au milieu de deux carcasses. Implacable était l'ordre naturel, et tragique s'avérait celui-ci quand, au détour d'une chambre d'hôte insalubre, deux chasseurs de primes avaient le mauvais sens de convoiter la même tête d'affiche.

Il ne se trouvait que des naïfs pour croire que la monnaie n'avait qu'une valeur marchande. Il y avait, dans la moindre pièce de cent berries, la potentialité de la richesse : une perspective d'avenir. Tout être qui, de cette pièce, s'en emparait, privait son légitime possesseur de ce même avenir. Aussi ne badinait-on pas avec les sommes folles quand, d'avenir, on n'en avait déjà pas tellement à bourlinguer comme on le faisait de prime en prime pour vivre et survivre.
Les douze millions, Alegsis ne se voyait pas cracher dessus par courtoisie. La discussion, d'emblée, était proscrite entre les deux hommes. Il y avait une faux, il y avait un pinceau et, entre les deux, un homme dont l'alchimie du Gouvernement Mondial ferait un sac de billets. Un sac presque aussi copieux que l'embonpoint d'un antiquaire bien malheureux.
Des deux chasseurs de primes en lice, le grand couillon, bien qu'il eut devancé Alegs de quelques longueurs, fut apparemment le plus désarçonné par le présent contexte. L'effet de surprise étant encore frais, mieux valait agir promptement et sans hésitation.

- « Dans le mille ! Avait répondu le peintre guerrier dans un engouement qui lui ressemblait si bien. Je suis le cousin qui fait rire tout le monde aux repas de noce, vois plutôt, entamant alors aussitôt un tonitruant : Brush Crush : Le Rire Jaune ! »

Alegsis prit son adversaire au dépourvu quand, ce dernier, en ce qui le concernait, prit l'initiative apparemment avec humour. Du bout de son long pinceau, l'Épavien avait signé son crime du sceau du Colors Trap, celui-ci parafé à l'encre jaune. Le Rire Jaune, ainsi dessiné sur la torse de son prédecesseur, avait pour effet de faire rire quiconque était en proie à sa marque. L'emprise, toutefois, tournait court dès lors où cette marque se trouvait effacée, ne fut-ce qu'à demi ou même au quart. Profitant que le grand blessé - à en juger les bandages - se gondolait sans même que ce dernier ne sache trop savoir pourquoi, c'est avec une vivacité inouïe que le bon monsieur Jubtion se saisit de la main de sa proie pour l'entraîner avec lui dans sa soudaine ruée.

Les escaliers, ils les avaient dévalés quatre par quatre, Arnold trébuchant contre marches et murs tandis que son ravisseur le traînait dans sa course folle. Au grand type de la chambre, ils lui avaient mis ce qu'il fallait d'avance dans les dents pour le distancer. Du moins Alegsis le croyait-il. Car à déambuler qu'il était avec son perdreau, main dans la main, pareils à deux amants fougueux partis pour les îles, ceux-ci s'étaient retrouvés en ligne de mire de la fenêtre d'une chambre qu'ils venaient de quitter. À son concurrent, pour avoir eu le temps de le toiser quelques instants plus tôt, Alegs ne lui avait trouvé aucune arme à feu ; aussi se pensa-t-il hors de sa portée au prétexte que plusieurs dizaines de mètres les séparaient dorénavant.
Candides et illusoires furent ses prospectives. Car leur brève altercation, loin d'être terminée, n'avait pas même pris la peine de seulement commencer. Son adversaire, il l'apprendrait sous peu, avait en effet plus d'une corde à son arc.

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Bagarre pour les p'tits sous

Après un heureux hasard, Grimmjack fait une rencontre fortuite. Il se fait agressé par le cousin de la cible, ou un chasseur de prime ? En tout cas, il n'y comprenait plus rien !


- Nyhahahahahahaha ! Mais je ... Nyahahahahahah ! Qu'est-ce qu'il arrive ?! Nyahahahahahahahahaha !

J'étais plié en deux. Littéralement. Le cousin chasseur de prime d'Arnold m'avait attaqué ... Une attaque plus qu'atypique, il m'avait simplement peint une marque sur le corps et depuis ... Je me tordais de rire dans tous les sens, incapable de faire autre chose ! J'avais jamais autant rigoler de ma vie, j'en avais même mal à la mâchoire ! Et le sale moche, vicieux comme un poux - ou l'inverse j'ai un doute - en profita pour me tirer mon pactole sous le nez ! Pouf ! Dans une facilité déconcertante ! Je voyais en ce monsieur rondouillard un avenir radieux et l'aboutissement de plusieurs semaines de périples ! Enfin j'allais toucher des p'tits sous ! Je comptais pas lâcher le steak de si tôt !

En me tordant de rire sur le lit, j'effaçais la marque apposée sur mon torse. Mon fou rire s'arrêta net. Je me sentis comme libéré-délivré. La peinture de ce type ... Elle cachait un pouvoir ! Un fruit du démon ? M'en fou ! Le plus important, c'était la prime qui s'envolait sous mes yeux ! Et littéralement, la aussi ! Je les vis passé sous la fenêtre de la chambre d'hôte. Il était à une bonne dizaine de mètres. Parfait, c'était encore à ma portée. Je courus vers cette même fenêtre et la traversa dans un fracas de verre, tombant ainsi de l'étage.

- OOOOoouuuuuOOOOooouuuuOOOOh ! A Spidey MuuumyyyyyyYYYYY !

♪♫ L'épouventail,
L'épouventail,
Est un être bien de taille.
Dans ses bandes, il attend,
D'attraper les brigands.
Prends gaaaarde !
Car L'épouventail est la ! ♫♪

J'étais la, apaisée, en train de voler comme un petit oiseau, tiré par deux de mes bandages qui s'étaient accrochés à des cheminées voisines. Dans ma chute, je n'avais qu'une cible pour l'instant : le cousin moche comme un serpent. Pour l'instant c'était lui ma plus grande menace. Une vengeance purement égoïste ? Noooooon voyons, c'est pas mon genre ...

- The Hug of a Mummy !

L'atterrissage fut un brin plus bruyant et compliqué que l'envol. Dans un fracas pas possible, je tenta de saisir le cousin dans le dos pour un gros câlin plein d'amour et de bandelettes. On s'écroula tous les trois. Je ne savais pas si ma technique m'avait permis de l'entraver totalement ou partiellement mais quand je vis Arnold profiter de notre petite querelle pour s'enfuir je me releva net et le poursuivis.

Il courait vachement vite pour un petit gros. Quel était son secret ?! La peur ? L'adrénaline ? En tout cas, même avec mes grandes jambes, j'avais du mal à le rattraper ! Il se dirigeait vers la sortie du village.... Et bientôt nous finîmes dans le camping aux abords de Fuschia.

Raaah ! Je me prenais des toiles et des cordes à linges dans la tête dans ma course poursuite ! C'était vraiment mal fait leur camping ! Ils n'avaient pas pris en compte les hommes qui mesuraient plus de deux mètres ? Et puis ... C'était vachement sale ici ! Qui voudrait camper à côté d'un village dans un lieu si crade ? A ne rien y comprendre ! Ca ressemblait plus à un bidonville qu'a un vrai camping d'ailleurs ! Ils étaient farfelus ces locaux !

On traversa une bonne partie du campement avant que la course poursuite ne prenne fin. Le pauvre loustique avait emprunté un mauvais chemin et s'était retrouvé dans un cul de sac (de tentes, oui ...). Apeuré, il chercha une solution. Mais c'était trop tard. Mon ombre gigantesque (comparé à sa petite taille surtout) obscurcit ses chances de s'enfuir. Je me dressa face à lui, dégainant ma faux en l'air tel un Dieu de la mort, dégageant une aura sombre et un sourire carnassier. Petit petit petit ... Viens voir papa ... A moi la prime, la gloire et les flouuuuz !

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Comme un rat, il était fait le père Jancler. Des rues, y'en avait pourtant pas tellement à Fushia au milieu des tentes et autres abris de fortune, mais malgré tout, le petit gros était allé se loger dans une impasse. C'était peu commun comme situation, mais ces choses arrivaient parfois, comme là en l'occurrence. Désespéré, car c'était le bagne en bout de course sinon la corde, le traqué avait bien tenté une échappée - c'était de circonstance quand on cherchait à fuir. Alors, à tenter de gravir la toile d'une tente bien tendue, il y sera arrivé remarquablement haut. Pour un peu, il aurait pu passer de l'autre côté du tipi si, à son sommet une semelle ne s'était pas soudain abattue au beau milieu de sa gueule.

De derrière lui, il y avait le grand enturbanné, mais devant, en embuscade, il s'était trouvé Alegsis pour l'accueillir. Le subterfuge de son rival, s'il l'avait surpris plus tôt à jouer de ses bandelettes, ne l'avait cependant pas stoppé pour long. Probablement aussi stupéfait que le chasseur de prime qui l'avait cavalé, Arnold, tombé sur son postérieur, leva à nouveau le nez pour poser la seule question qui s'imposait en cet instant :

- C...comment il a fait pour nous rattraper aussi vite ?

Là-haut perché, pas mécontent qu'on s'ébaudisse de sa prouesse, Alegs, ses yeux fermés, la tête penchée en avant avec ce petit air fier étalé sur la face hideuse, déclara après avoir croisé les bras :

- Jerihihihihi, rien de plus simple. En fait, j'ai simplement eu à....

Une caillasse aussi dure que fulgurante lui rentra dans le front, l'amenant à perdre l'équilibre et à s'écraser gueule la première à côté de sa cible. N'eut-il pas eu le nez écrasé de naissance que l'affaire se serait alors soldée présentement.
Ça n'était pourtant pas le ténébreux à bandelettes qui l'avait contrarié dans ses espérances cette fois-ci, mais une petite masse d'hommes et de femmes en colère.

- Pour qui vous vous prenez à foutre le bordel dans notre campement ?!

La percée d'Arnold et Grimmjack fut en effet remarquée pour ce qu'elle avait eu de dévastatrice dans le paysage. Pour eux, tous ces obstacles, sur leur parcours, n'avaient été toiles et tissus encombrants, mais pour eux, ces bourgeois déchus de Fushia, ce ne fut rien moins que leurs habitations qu'on vînt déblayer. Ironie du sort, Alegsis, qui les avait pris à revers et n'avait pas touché à un torchon, fit les frais du premier gadin jeté. Le premier, en effet ; car une pluie de cailloux ne se fit pas attendre ensuite, tombant raide sur les chasseurs de prime et leur supplicié.
Il fallut s'en protéger, les esquiver au mieux ; les fuir même, afin que l'ire populaire se trouva loin derrière eux. Finalement hors de portée et hors de danger après avoir cavalé ce qu'il fallait pour œuvrer en ce sens, les chasseurs infortunés, alors qu'ils s'étaient enfin retournés pour confirmer que le lynchage n'était plus d'actualité les concernant, s'étaient retrouvés complices d'infortune dans leur retraite précipitée.
Encore à reprendre leur souffle - car c'était éprouvant d'échapper à la colère des gueux - Alegsis réagit bien tard alors qu'il compta les têtes de pipe pour n'en dénombrer que deux.

- Mais... s'indigna-t-il bien tardivement, sa bouille toute ahurie, qu'est-ce que t'as fait du petit ?

La question, il la lui avait posée comme s'il avait confié la responsabilité de la proie qu'ils s'étaient plus tôt disputés.

- Me dis pas que tu l'as paumé ?! Puis ne laissant pas même le temps de répondre à l'épouvantail, il plaça ses mains devant son visage, scandalisé de la tournure de l'affaire. Ah le boulet celui-ci ! Ah t'es... t'es vraiment un boulet ! Avait-il ajouté en le pointant cette fois du doigt.

Il tempêta, fit de grands gestes alors qu'il tournait en tond, théâtral, à accabler son malheureux confrère de mille reproches pour finalement conclure ses remontrances sur un magistral :

- T'as gagné ! J'abandonne ! Ses bras écartés soudain, il les laissa retomber le long du corps pour mieux souligner son dépit. J'espère que t'es content de toi. Ah mais vraiment... le boulet ! Le boulet, le boulet, le boulet.... et il continua ainsi encore longtemps alors qu'il disparaissait au loin, se séparant de son concurrent pour aller maugréer vers d'autres latitudes.

Arnold, maintenant mêlé à la populace en colère des sinistrés de Fushia, était mieux à l'abri que quand il se cachait plus tôt. Désigné comme un paria local avec le grand couillon qu'il quittait amèrement, ce serait hasardeux pour Alegsis que de se risquer à nouveau à pénétrer dans le camp. Qui s'y risquerait, cependant, pourrait, s'il était heureux dans son entreprise, rafler quelques douze millions de berries. Il suffisait pour ça de s'en donner la peine. Une peine qu'Alegs semblait cependant vouloir s'épargner, son front encore bien rouge de sa précédente incursion chez les loqueteux.
Il avait à présent disparu de la vue de son camarade de fuite, peut-être bien parti pour de nouvelles aventure. Peut-être.

Peut-être.
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Le boulet

Après une altercation avec ce qui semble être un confrère, Grimmjack se retrouve face à sa cible : Anolrd Jancler, un pauvre rondouillard dont le gouvernement à mis une prime sur sa tête. Alors qu'il pensait avoir tiré le gros lot, son concurrent revint tout faire foirer.


J'y étais presque. Enfin ! De toute évidence ce rondouillard d'Arnold semblait faible ! Je ne savais pas quel crime il avait commis pour être recherché par le gouvernement mais je m'en fichais un peu ! Tout ce que je voulais moi c'était la gloire, la fortune et faire ma place dans le cercle très fermé des chasseurs de prime à succès !

C'est ce que je me disais avant que mon satané confrère intervienne une nouvelle fois. Face à l'agressivité de son visage et ses manières peu respectueuses et conformes aux bonnes moeurs , les campeurs nous jetèrent la pierre ... Dans le sens littéraire du terme ! Il ne semblaient pas content qu'on soit la ... Cela ne pouvait pas être de ma faute, je n'avais rien fais et j'étais super gentil moi !

Alors qu'une salve de cailloux et d'ustensiles de tous les jours tombèrent sur nos têtes, la seule issue pour nous fut la fuite. Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvions tous les deux, seuls et essoufflés, hors de portée des campeurs en colère.

- Mais...qu'est-ce que t'as fait du petit ?

Le petit ? Quel petit ? ... Ah ! Anorld le rondouillard ! Bah il devait être la ... Ah non, il n'y était pas. Bah il était ou ? Aaaah ! Ce misérable en avait profité pour se carapater !
En plus ce malotru de comparse rejetait la faute sur moi ! Quel toupet !

- Hey oh ! Je vous rappelle monsieur jesaistoutjesuisleplusfort que si vous n'étiez pas interférer dans mes histoires je serai riche et glorieux ! C'est vous le problème ! Vous pourrissez naturellement la vie d'autrui, comme un virus ! C'est ça, vous êtes un virus !

Oula ... J'y étais aller fort. C'était rare que je tienne de tels propos. Mais ce bonhomme m'avait contrarié. Je croisais les bras d'une mine boudeuse tandis que lui s'éloignait, redondant ses mêmes âneries, jusqu'à perte de vue.
Boulet toi-même ! Gamin va !

Bon, maintenant je devais réfléchir à une autre solution. Arnold n'avait pas pu s'enfuir très loin. Le village n'étais pas très grand, la population qui le peuplait non plus, outre les campeurs qui avaient l'air d'être des gens à part. Peut-être quand me baladant j'allais glander des informations. Après tout, qui ne tente rien n'à rien.

***

J'errais dans les rues de Fuschia, à la recherche de potentiels indices. A vrai dire, je ne savais pas par ou commencer. Je ne savais pas vraiment chasser ... Pas même le lièvre. J'avais travaillé toute ma vie dans une exploitation agricole ... C'était peut-être pour ça que j'étais nul comme chasseur de prime et que je n'avais capturé aucune tête...
Un peu d'introspection, ça ne fait jamais de mal. Alors que j'étais assis sur un banc au milieu de la place du village, jambes croisées me gratouillant le menton en tentant de me mettre dans la peau d'un traqueur émérite, je vis une silhouette que je reconnaissais.

C'était le passant qui m'avait renseigné pour la chambre d'hôte ! A tous les coups, ce type vivait ici depuis très longtemps ! Tout comme le Jancler ! Il devait bien avoir quelques renseignements à me donner ... Quitte à extorquer toutes les informations qu'il disposait ... D'une manière ... Peu convenable héhé ...

- Hey ! Vous là-bas !
- Gyaaaah ! Vous, qu'est ce que vous me voulez encore ! Ne me faites pas de mal je vous en supplie !


Il avait tenté une nouvelle fois de fuir sous la vue imposante de mon giga charisme. Et je le chopa par le capuchon une nouvelle fois, l'empêchant ainsi de se tirer à toute vitesse.

- Vous le reconnaissez ce type ?! Lui pointant la fiche de recherche d'Arnold sous le nez.
- Non ! Je ne le connais pas ! Laissez moi partir maintenant ! S'il vous plait !
- Hummm ... Êtes vous bien sur ? Ce village est pas très grand et le bonhomme que je cherche y habite depuis longtemps ...
Lui dis-je, rapprochant mon visage au regard diabolique du sien.
- Monsieur, arrêtez s'il vous plait, vous me faites peur ! Me répondit-il, d'un air complètement apeuré. Et puis si j'étais Jancler, Je ne me cacherai pas dans Fuschia !

Tiens donc ? J'avais pris soin de caché le nom d'Arnold quand je lui avais montré la fiche. C'en était sur maintenant, ce gentil monsieur avait de quoi me donner à me mettre sous la dent. D'un sourire diabolique jusqu'aux oreilles, je le reposa sur le plancher des tâches avant de tapoter son épaule. Viens la mon moustique, on va parler deux minutes.

***

J'étais dans les bois à quelques rondes autour du village. Caché grossièrement derrière un buisson qui ne faisait que la moitié de ma taille, en face se trouvait une cabane isolée. D'après les dires du passant, c'était une potentielle cachette d'Arnold. Son grand père, chasseur reconnu de Fuschia, l'avait construite bien des années plus tôt.

Je défonça la porte fermée d'un maigre loquet en bois d'un coup de pied. Jackpot ! Le rondouillard était bel et bien la ! Et cette fois-ci, il n'avait vraiment aucune issue possible ! Les quatre murs empêchaient toute fuite et la seule fenêtre du cabanon était bien trop étroite pour que le gros bidon d'Arnold y passe ! S'il tenait vraiment à s'enfuir, il n'avait qu'à me passer sur le corps ! Et malgré qu'il soit distordu par la petitesse du plafond, cela n'allait pas être chose aisée pur lui !

- Nous revoilà monsieur Jancler ! Je vous ai cherché partout !
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Cette manie qu’avaient les chasseurs de prime à déverrouiller loquets et serrures en usant de leurs semelles était en soi une signature de leur passage. Ça leur arrivait de frapper, mais jamais à la porte. Le malheureux antiquaire, néanmoins, ne donnerait aucune raison à son poursuivant d’user de la force à son encontre. Échapper une fois aux charognard était une gageure, deux fois : un miracle. Le divin, toutefois ne semblait que bien peu disposé à s’impliquer dans l’affaire après qu’une silhouette aussi sinistre ait fait irruption dans l’embrasure de la porte.
Il était pas rassurant, Grimmjack, comme garçon. Encore moins comme chasseur de primes. Sa longue et maigre silhouette, quand on l’apercevait en contre-jour à étaler son ombre sur sa proie, elle faisait froid dans le dos. D’autant que des raisons de s’en inquiéter, Arnold en avait. Douze millions au bas mot.

Homme de peu d’audaces en dépit de la réputation qui lui avaient fait ses partenaires, il se serait bien essayé à passer à travers une fenêtre. Ce faisant, il savait qu’on l’aurait ensuite traîné jusqu’à la garnison avec une foultitude de bouts de verres dans le cul. Il s’en voulait d’être aussi faible, au point même qu’il en aurait chialé. Cette situation dans laquelle il se retrouvait, jamais il n’aurait cru la côtoyer un jour de près ou de loin. Une petite vie rangée, loin du tumulte et imbibée de monotonie ; il n’en demandait pas plus. Sans ces pirates venus lui forcer la main dans leurs recels, ces mêmes pirates qu’aucun chasseur de primes ne traquait par ailleurs, il serait paisiblement affairé à ses antiquités, dans la quiétude et le calme des jours qui passent, et où rien jamais ne se passe.

- Brush Crush : Pique Assaut !

De l’embrasure de cette porte à travers laquelle il avait fait irruption, le grand type valdingua dans le fracas le plus total pour s’écraser non loin de sa cible, se remettant presque aussitôt du coup en traître qui lui avait été administré. De derrière lui, avec sa vilaine bouille de crétin jovial, un visage qui leur était trop familier à tous le deux se profila à son tour.

- J’ai mentiiiiii ! Jerihihihihihi, fit savoir le giboyeur à pinceau pour annoncer son grand retour, en fait, expliquait-il en se pensant intelligent de le faire, j’avais pas abandonné. C’était une ruse ! Ingénieux, non ?

Non. Ça ne l’était pas. Pas même à moitié. La « ruse », pour minable qu’elle était, avait cependant fait l’affaire pour tromper la vigilance de son cher et estimé confrère. Un confrère qui, en cet instant, devait se sentir bien bête d’avoir mené un deuxième prétendant jusqu’à ce petit bonhomme que tout deux convoitaient si âprement. Jamais on ne s’était tant battu pour Arnold, mais ce dernier, en l’état, se lassait d’être ainsi désiré plus que de raison.

- Allez mon petit bonhomme, s’exclama gentiment Alegsis en tendant la main vers sa proie, viens avec moi, on va aller à la fête foraine, promis.

Se figurant maintenant en stratège né, jonglant de manigances en manigances, Alegs s’imaginait ainsi se garantir la docilité de sa cible en lui mentant aussi ouvertement. C’en était si outrecuidant qu’Arnold pensa légitimement qu’on se moquait de lui ; que son deuxième pisteur faisait alors preuve d’un sarcasme des plus cyniques à son endroit. Or, il n’en était rien, Alegsis faisait simplement étalage de sa stupidité coutumière, incapable d’exprimer quoi que ce soit d’autre même si sa vie en dépendait.

- Y’a… y’a pas de fête foraine à Fuschia. Le corrigea Arnold sans trop savoir pourquoi il lui avait répondu.

Se tenant dans l’embrasure de la porte, penché en avant, une main tendue tandis que l’autre tenait le pinceau géant avec lequel il avait frappé Grimmjack en estoc pour faire son entrée, Alegsis resta interdit durant un instant qui parut en durer plusieurs. Son visage était alors vide de toute expression, tout juste bon pour l'heure à exhiber sa tête de tanche.
Puis il se redressa, usa de sa main libre pour se gratter la nuque gêné et eut un modeste rire, toutefois exprimé de bon cœur.

- Ah. Bah… dans ce cas..., hésita-t-il avant de poursuivre le plus innocemment du monde, je suppose que je vais devoir t’emmener à la garnison alors, jerihihihi !

Cette candeur presque infantile avec laquelle il avait prononcé ces mots pourtant dépourvus de la moindre intention malveillante, paradoxalement, faisaient de lui une figure plus menaçante encore qu’il ne l’était vraiment. C’est sans mauvaise intention qu’il agissait comme il le faisait, et cela contribuait à le rendre parfois plus terrifiant que jamais.

Idiot au point de sous-estimer son rival, celui-ci était néanmoins bien présent dans le cabanon, ayant été finalement malmené plus violemment dans son estime que dans sa chair. Tout disposé à se disputer à nouveau le bifteck avec le moche, il était résolument debout, les bandelettes frétillantes à souhait.
À le deviner encore d’humeur martiale, Alegs, sa tête penchée en avant, ses yeux fermés, soupira théâtralement après avoir mis ses deux poings sur les hanches. Son adversaire, il le prenait bien à la légère.

- Enfin, Granbrûlé, parce qu’il lui avait en plus trouvé un nom à son concurrent, c’est pas raisonnable de me regarder comme tu le fais. Faut savoir un peu admettre la défaite dans la vie. Ralala, toute une éducation à refaire.

Puis, finalement moins enclin à sa nature gaguesque, le pinceau brandi en avant, sa posture maintenant toute désignée pour le combat, Alegsis considéra plus sérieusement la gêne que représentait son rival, s’imaginant toutefois assez présomptueux pour le mettre hors course. Ses prunelles maintenant devenues plus fines dans ses gros globes oculaires, un semblant de sérieux avait trouvé chez lui quelques accès.

Alegs Jubtion vs Grimmjack « Granbrûlé » : le deuxième round allait pouvoir commencer.
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2ème round

Grimmjack avait enfin retrouver le malheureux Arnold Jancler. Il s'était planqué dans un cabanon rustique hérité de son grand-paternel. Mais il devait le savoir maintenant : rien n'est acquis aisément dans ce monde.


Le pauvre rondouillard était apeuré. Après tout, je pouvais bien le comprendre. Pour je ne sais quelles raisons le Gouvernement lui avait attribué une prime sur sa tête - il avait s'en doute fait des choses pas nettes - et maintenant des chasseurs en étaient après lui. Moi j'avais rien contre ce type. Il ne représentait aucunement ce que je détestais. Je faisais simplement mon boulot ! Il fallait bien que je choppe une prime à un moment donné !
Et je voyais ma rencontre hasardeuse avec ce type comme un cadeau du ciel. Je n'allais pas le tuer, simplement le rendre à la garnison la plus proche. Ainsi mon avenir était assuré et partout on entendrait les exploits du Grand Grimmjack Chasseur de Primes réputé !

Cependant ... J'aurai du me douter de la tournure des évènements. Rien n'est acquis aisément dans ce monde. Et cette piqure de rappelle me fut douloureuse quand un estoc contondant me frappa violemment dans le dos, m'explosant ainsi dans des vieilles caisses poussiéreuses au fond de la cabane.

Grrrrr ... C'était ce maudit confrère !

- J’ai mentiiiiii ! Jerihihihihihi, en fait, j’avais pas abandonné. C’était une ruse ! Ingénieux, non ?

Je me tapa le crâne de la paume de la main. Maman ! Pourquoi j'étais si naïf ?! A réfléchir deux minutes ... Ca se sentait qu'il était louche comme mec ... Aaaah je m'en voulais de m'être fait berné si facilement ! Et ce laideron avait le don irréductible de me m'enquiquiner au plus haut point !

Il se croyait rusé en plus ! Même moi qui avait fait rapidement le tour de Fuschia savait qu'il n'y avait pas de fête foraine ici ! Ah moins que ... Je suis passé devant sans m'en rendre compte ... ? Non ! C'était surement encore une de ses sournoiseries ! J'allais pas tomber dans le panneau cette fois-ci !

- Enfin, Granbrûlé, c’est pas raisonnable de me regarder comme tu le fais. Faut savoir un peu admettre la défaite dans la vie. Ralala, toute une éducation à refaire.

Je me releva avec peine. Son coup avait été plutôt puissant certes mais pas assez pour me mettre hors-jeu. Ce qui m'embêtait le plus ... C'était la taille du plafond ! Et toutes cette poussière soulevée par le fracas ! J'étais à deux doigt d'éternuer et cette position à moitié tordue était plus qu'inconfortable !

- Toi, tu es ... Un virus ! Laid comme un poux et irritant au plus haut point ! Tu es la honte de notre faction ! Et ce pauvre rondouillard, la, c'est à moi !

Ce vilain collègue avait réussi à me faire perdre patience ! En plus d'être un nid à ennuis, ce qui m'énervait le plus était qu'il voulait voler au nez et à la barbe le dur fruit de mon investigation ! Je me devais de mettre mon honneur en jeu ! ... Comment ça je n'ai pas d'honneur ? J'étais un travailleur méritant moi !

Voyant qu'a ma réaction l'enquiquineur c'était mis en garde, j'imposais une nouvelle règle à notre traque commune.

- Tu sais quoi ! On va faire plus simple ! Celui qui gagne, il remporte Jancler ! Celui qui perd, il masse les pieds de l'autre toute une semaine !

C'était purement de la gaminerie à ce stade ... Mais ces durs voyages et périples passés avaient formés des durillons sur mes jolis petons. Alors l'idée m'était venu tout naturellement... Arnold, lui qui demandait aux cieux comment avait-il pu devenir la cible de toutes ces convoitises, semblait totalement désemparé, ne cherchant que le bon moment pour se tirer loin d'ici, fuyant ce vivier à embrouilles.

- Super-combo ! A Spidey Mummy X Mummy Kick = A Spidey Mummy Kick !

L'élocution de la technique était un peu longue certes mais qu'est ce que c'était classe ! La seule bonne chose chez ce poux-virus c'est qu'il m'inspirait beaucoup pour la bagarre.

Deux bandages s'agrippèrent aux parois du cabanon et me propulsèrent sur mon concurrent. De la, je l'invita fortement à dégager de ma vue en lui assenant un maxi kick dans le bidon. Qu'il l'ai paré ou non, le rival se fit valdinguer plusieurs mètres en arrière pour atterrir confortablement dans un énorme buisson. Avec un peu de chance, quelques ronces pouvaient lui écorcher les fesses.

Sans attendre je bondis sur lui prêt à en découdre. Je ne rigolais pas pour empêcher le pactole que représentait Arnold, et encore moins avec une semaine de massage de voutes plantaires offerte !

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« Paf » que ça a fait d’abord, « Gnourf » que ça a fait ensuite, pour finalement clôturer sur un « Boum » plus lointain. En trois temps, l’impact de deux pieds venus se loger comme la pointe d’une flèche au beau milieu d’un estomac, ça en a fait du bruit. Le seuil de la douleur avait été franchi, succédant de peu au seuil de la connerie de celui-là même qui fit les frais de la rétribution de son arrogance mal placée.

Ah non, décidément, il avait pas paré le coup, Alegsis. Ce n’est pas le temps qui lui avait fait défaut, mais l’incompréhension flagrante de ce qui s’était tramé devant lui. Avant que le coup ne lui arrache un « Gnourf » bien articulé pour ce qu’il avait à dire, il s’était demandé avec un sourire ahuri à quoi avaient bien pu servir ces bandelettes venues s’enrouler de part d’autre du cabanon. Il était ressorti moins bête de là où il était rentré. Il en était ressorti promptement et cul par-dessus tête, mais moins bête.

Le coup avait eu de quoi s'avérait décisif. Le souffle manquant, les courbatures survenues d’avoir roulé dans le fracas de la chute occasionnée : il y en avait que ça pouvait indisposer. Mais le chasseur au pinceau, tout débile pouvait-il être, avait cependant des principes. L’un d’eux – le cent-treizième pour être exact – supposait de ne pas épargner les fétichistes des pieds. Grimmjack, en effet, avait dévoilé son jeu - et salement - en émettant à tout hasard des requêtes obscènes survenues depuis les tréfonds de ce qu’Alegsis avait deviné comme une lubricité morbide.
Y’aurait pas de concours qui tienne pour rafler la prime, encore moins de massages ; rien qu’un pinceau géant avec, à son bout, un artiste déterminé à en faire un sain usage.

Le furieux tout bandé, sans doute ivre de sa concupiscence maladive, lui avait ensuite sauté dessus après l’avoir extrait si vertement de la bicoque où tout deux s’étaient invités quelques instants auparavant. Sans trop avoir pris la peine d’évaluer le nouvel assaut qui lui venait en pleine gueule, Alegsis, à peine redressé, s’était lui aussi précipité sur son adversaire qu’il n’avait pas deviné si proche au moment de s’élancer dans sa direction.

Les deux, perdus l’un et l’autre dans une vive cavalcade, se retrouvèrent bien assez tôt à la médiane, celle-ci se dessinant au beau milieu de leurs crânes venus se heurter violemment.

- Ah l’andouille ! Le fils de mutin ! s’était exclamé l’artiste qui, tombé sur le cul après avoir rebondi depuis sa tête, se massait frénétiquement le front qu’il avait malencontreusement écrasé contre celui de son adversaire.

Ce n’était pas une rencontre au sommet qui se jouait ; plutôt une qui frayait avec les bas-fonds. Très bas, les fonds.

Mais puisqu’il fallait bien se ressaisir, l’Épavien se résigna bien vite à bondir depuis son séant pour se retrouver enfin debout. Chancelant certes, mais debout. Encore visiblement bien trop sonné pour tenter le corps-à-corps, il avisa au mieux, se rabattant sur une stratégie défensive de son cru.

- Brush Crush : Coup de Blues ! Brush Crush : Coup de Blues ! Brush Crush : Coup de Blues ! Brush Crush : Coup de Blues ! Brush Crush : Coup de… euh… ah oui... Blues !

De ces cercles occultes et curieux, ici peinturlurés en bleu, il en avait brossé cinq à même le sol autour de lui avant qu’il ne posa son pinceau en appui sur son épaule. Chaque Color Traps lui ayant jailli du pinceau mesurait ici un bon mètre de diamètre. Bien droit et fier de lui, le menton dressé et le sourire rogue, Alegs plastronnait maintenant d’une insolence d’autant plus outrancière qu’elle était crasse et mal à propos, surtout considérant le ridicule dont il s’était couvert jusque là.

- Jerihihi, on ne t’a... Oh la vache ma tête... on ne t’a jamais dit que la plume était plus forte que l’épée ?

Il succéda à sa fanfaronnade un long silence ébouriffé par la brise qui passa par là.

- Oui… bon... d’accord… t’as pas de sabre. Et techniquement… c’est pas une plume que je tiens, c’est un pinceau……... Mais il n’empêche que… euh… ta gueule ! Pleurait-il presque, enragé d’avoir loupé son effet sans même que son adversaire ait eu à professer le moindre mot pour le lui faire savoir.

Le plus triste, dans l’affaire, n’était pas tant la cuistrerie de son pédantisme d’alors, mais le fait qu’il ait adressé chacune de ses répliques à un arbuste de deux mètres situé non loin face à lui tandis qu'il avait tourné le dos à l'ennemi. Le coup à la tête, à n'en point douté, l’avait franchement secoué. Sa vue en finissait à peine de se troubler.

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Etrange pouvoir

Les hostilités étaient lances. Deux chasseurs de primes allaient s'affronter pour remporter le pactole !


La tension était à son comble, en tout cas, dans ma tête. On aurait pu accompagner mon assaut d'un orchestre jouant une symphonie épique tellement tout collait à merveille. Mais la réalité est bien souvent différente de ce qu'on s'imagine. Allez dire ça à mon front quand nos têtes, celle de mon confrère et la mienne, s'entrechoquèrent dans un son creux et linéaire, comme pour sonner le gong d'un début de combat.

Aie aie aie ... Ca résonnait fortement tout la haut ! Alors que nous nous frottions nos crânes respectifs comme si nous nettoyons une tâche tenace au chiffon, je me releva non sans peine. Cette impression d'avoir l'esprit dans un grand huit était vraiment pas agréable ! Le poux-virus ne semblait pas apprécier non plus, quand après avoir fais des tas de dessins bizarres sur le sol, s'adressa à un arbre plutôt qu'à moi ... A y penser, je ne savais pas si c'était le choc qui l'avait rendu idiot ou s'il l'était de naissance ... Après tout, personne n'est gâté de la même manière par Mère Nature ...

- Je suis la ducon !

Et j'avais pas dis mon dernier mot ! Alors que je retroussais les manches de mon veston, j'avançai d'un pas déterminé vers mon rival autoproclamé. J'avais fais en sorte de l'avertir car à la loyale, le sentiment de victoire était toujours plus agréable ! A vaincre sans gloire on triomphe sans périls ! Ou un truc comme ça !

Alors que j'allais mettre un pas en avant pour foutre une sacrée dérouillée à mon charmant collègue, un éclair instinctif m'arrêta net. Ces dessins bizarres sur le sol la ... Ils ressemblaient quand même vachement à celui qu'il m'avait collé sur le torse et qui me rendait mort de rire. Et puis ... Le poux-virus semblait m'attendre d'un air niais ... Non, il y avait bel et bien quelque chose qui clochait la dedans ...

Je me gratouillais le menton en observant la situation ... Hummm ... Je faisais surtout mine de réfléchir car après tout je ne connaissais toujours pas cette capacité bizarre que possédait mon ennemi du jour... Hummm... Hummmmmmmmmmmmmm ...
Euréka ! Il me fallait un cobaye pour explorer les limites de son pouvoir ! Je me retourna vers le cabanon et vis Arnold tentant de s'enfuir discrètement ... Raté ! J'avais une mission pour toi Monsieur Pasdchance !

- Vous comptiez déjà partir ? Venez la, j'ai une super expérience socioéducative à vous proposer monsieur Jancler !

Des bandelettes saisirent les jambes du fugitif et le trainèrent jusqu'à moi. Arnold était au bord des larmes. Trop de stresse pour ce pauvre type sans nul doute. Allons, allons ... Il faut rester fort mon brave bonhomme ! Et puis j'étais quasiment sur que mon expérience n'allait pas lui faire un grand bobo... Quasiment ...

Alors qu'il se débattait de toutes ses forces, je le posa doucement - tant bien que mal- sur un des sceaux apposés par mon adversaire. Sa réaction fut des plus ... Déconcertante.

- Ouinnnnnnnnn .... Pleura-t-il, genoux sur le sol, totalement abattu par sa situation. Snif, snif ... Ma femme va me quitter ... Je vais être emprisonner .... Je ne mérite que la mort .... Je veux me réincarner en langouste ... Ouiiiinnnnn ....

J'avais quand même un certain doute la dessus. Ce brave bonhomme était à deux doigt de la dépression avec tous les évènements de la journée... J'arrivais pas trop à distinguer si cette peinture l'avait achevé ou si au contraire il s'était achevé lui-même ... Hummm, dans tous les cas, valait mieux prévenir que guérir !

- Bizarre, bizarre ... Hummm ... De toute façon, je ne mettrai pas un pied sur tes dessins ! Déjà car même si c'est moche, on doit respecter l'oeuvre d'un artiste ! Et en plus, ça parait super louche ton truc la, ça sent le piège ! Du coup, Mummy Constrictor Snakes !

Mes bandages foncèrent tels des serpents sur l'enquiquineur de première. Leur cible : chacun de ses membres. Bientôt, il allait être tout enroulé comme un wrap ! Prêt à cuire à point !

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La bataille faisait rage, mais d'une rage molle partagée gauchement entre deux imbéciles. De cet affrontement, la réputation du chasseur de primes moyen ne ressortirait pas grandie.

- « Jerihihi ! Jubilait trop content de lui ce même couillon aux bras maintenant entravés par deux lanières qu'y s'y étaient nouées solidement. Contemple… MA PARADE ! »

La fanfaronnade tomba cette fois à propos quand l'Épavien joignit la promesse à sa griserie. Comme s'il n'eut été saisi que par deux poignes moites et fébriles, il avait - sans peine - extrait ses deux bras de l'étreinte venue les cordonner avec force. Les bras désormais levés, triomphal, on aperçut que l'avant-bras gauche fut tout enduit de jaune quand le droit resplendissait d'un rouge vif. De cette observation flagrante, on comprit bien vite qu'il avait lubrifié la peau de ses bras de toutes ses réserves de peinture à sa disposition et cela afin que les bandelettes ne trouvèrent aucune prise sur lui.
Fier de lui, l'artiste se rengorgea de plus belle alors qu'il croisait ses bras gluants de peinture. De sa morgue de crétin à qui l'on mourait d'envie de distribuer des baffes en série pour seulement s'afficher si crâneur, il rajouta :

- « N’oublie pas que je suis… rusé. »

Un tel rappel s'avérait en effet nécessaire en ce sens où qui le fréquentait pouvait douter de l'assertion à le voir agir comme il le faisait. Et pour de bonnes raisons d'ailleurs. Car ce qu’il avait accompli de « rusé » était en réalité d’une connerie ineffable. À présent privé de peinture, il venait en réalité de s'aliéner en quelques secondes de temps tout ce que son répertoire Colors Trap lui permettait d’accomplir. Alegs, ainsi, n’était plus cet habile artiste hypnotique usant d’un pinceau peu conventionnel pour manipuler le benêt à sa portée, mais rien qu'un calamiteux laideron tout juste bon maintenant à administrer des coups de balai.

- « Et dire que je me suis fait avoir par un crétin pareil ! Oh ce que je peux être nul ! Mais nul ! » n’en finissait pas de s’apitoyer sa proie qui, bien qu'encore manipulée par le Colors Trap sur lequel il était abattu à quatre pattes, n’en demeurait pas moins lucide des choses qui l’entoure.

Quelque peu furibond, en tout cas enragé d'être si crûment - et si justement - rabaissé, Alegsis en fut soudain rendu au point où son sens des priorités lui fit soudainement défaut. D'un coup de pied virulent et magistral, non sans avoir omis de montrer les dents tout vexé qu'il fut, Arnold fut dégagé sur vingt mètres par ce vilain qu'il avait si bien froissé.

- « Qu’est-ce que tu fous sur mes dessins toi d’abord, dégage ! »

Aussitôt son problème expédié, Alegsis reporta à nouveau son attention forcenée en direction du grand couillon venu lui chercher querelles pour douze millions de berries. Se voulant intimidant, il avança d'un pas résolu afin de mieux appuyer sa stature comminatoire. D'un souffle aussi volontaire qu'hardi, il invectivait son adversaire

- « Je vais te dire une bonne chose maintenant mon petit bonhomme, commençait-il fier-à-bras avant qu'il ne s’effondra à genoux, en larmes, les paumes soudain tournées vers le ciel, j’ai aucune chance de te bââââââtreuh ! Ouuuuhouhouhouhou… » se lamentait-il ensuite dans un sanglot des plus disgrâcieux.

Ce pas en avant, il l'avait commis droit dans un de ses pièges avant de retrouver sa position précédente comme si de rien n'était, ses larmes aussitôt séchées de la précédente disgrâce survenue un instant plus tôt.
Dans un de ces grands et rares moments de réflexion qui lui incombaient, l'artiste croisa les bras, pencha la tête sur le côté, et d'une mine aussi ahurie que dubitative, son sourire pincé tandis que ses yeux tremblants criaient en silence une certaine détresse, il en vînt à se poser des questions cruciales qui, pour l'heure, trouvaient même chez lui des accès existentielles.

- « Je viens quand même pas de me piéger tout seul, dis... Je suis tout de même pas aussi abruti. Si ? »

Impuissant, sa gueule placide figée dans une grimace inquiète, il observa en sus Arnold se tirer au loin tandis qu'en ce qui le concernait, Alegs demeurait effectivement encerclé de ses propres pièges, ceux-ci semés dans l’inconséquence qui le caractérisait si bien. Grimmjack, lui non plus, n'avait pas pu ne pas voir filer la cible qu'ils se disputaient tout deux depuis si longtemps. Pas plus qu'ils n'avaient pas pu ignorer la situation ridicule de son compétiteur.
À présent qu'il se savait piégé et, subodorant que le grand type momifié n'était pas dupe de la chose, Alegsis suait alors à grosses gouttes, redoutant légitimement que son rival partit seul à la poursuite du butin sur pattes et ne lui ravît le pactole sans même plus avoir à forcer faute d'une concurrence maintenant déficitaire.

- « Ne… n’y pense même pas… » se hasarda Alegs dans des balbutiements anxieux alors qu’il se savait franchement captif des événements qui l’accablaient. Événement malheureux qui, pour le plupart sinon tous, ne furent cependant que de son fait.
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Plus qu'un en course

Une nouvelle altercation entre Grimmjack et son rival eut lieu. Celle-ci permis au chasseur de prime d'en comprendre un peu plus sur l'étrange capacité de son adversaire. Sans oublier que cet idiot, bien qu'un brin enquiquineur, arrivait à se mettre tout seul des batons dans les roues...


- N'oublie pas que je suis ... Rusé.

Humm ... Fallait se le dire, ce type en avait peut-être plus dans le crâne qu'il le laissait paraitre. Le fait de s'enduire de peinture pour huiler ses membres et échapper à ma technique d'entrave ... Mince, j'avais honte de le penser mais c'était une sacrée idée de génie !

- Et dire que je me suis fait avoir par un crétin pareil ! Oh ce que je peux être nul ! Mais nul !

Je me demandais pourquoi il disait ça, le père Jancler ... Puis je compris à mon tour ... Je me tapa le front du plat de ma main. En réalité, c'était plus pour passer inaperçu vis à vis des autres car je venais seulement de capter - bien qu'un peu trop tard - que mon rival venait de perdre toute sa palette de contre-attaque d'un coup ...
Je retirais clairement ce que j'avais dis, c'était bel et bien une idée nullissime !

Piqué dans son égo, le poux-virus décrocha un méchant coup de pied au petit rondouillard ... Aie, j'aurai pas aimé être Arnold pour ce coup la.
Alors qu'il fit un pas en avant au plein milieu de sa phrase, notre cher enquiquineur de première tomba à genoux d'une subite dépression. Ce couillon s'était fait avoir par son propre piège...
Je ne pouvais cacher un petit rire moqueur à mon rival. Si le ridicule était un empire il en serait le boucher ! ... Ou un grade équivalent ! ... Ou un truc du genre ! Je n'avais plus vraiment l'expression en tête ...

Bref, c'était un moment fort amusant mais le captif venait clairement d'en profiter pour se faire la malle ! Après avoir vu la scène, je me retourna vers mon cher et tendre interlocuteur, brandissant un sourire jusqu'à la cime de mes oreilles.

- Ne… n’y pense même pas…
- Nyahahaha ! Ciao Bello ! Quand j'empocherai le pactole je te paierai volontier un coup ! Lui répondis-je tout en m'éloignant d'un revers de la main pour le narguer.

Je gambadais en sautillant tout en suivant le recherché. Je me sentais comme allégé d'un poids ! C'était dingue d'être si bien quand on savait que je n'avais plus ce boulet pour me ralentir dans ma quête ! Je me disais même que plus rien ne pouvait m'arrêter, alors autant laisser un peu d'avance à ce cher Jancler ... Puis cette belle forêt m'offrait, juste devant les yeux, un magnifique buisson rempli de mûres ! Je ne pouvais pas passer à côté de ça ! Un bon chasseur de prime se doit d'être énergique et les fruits sont une excellente source de vitamines !

De toute façon, j'avais déjà une petite idée de sa destination ... Nyahahaha !

***

En bordure de forêt il y avait la côte. Sur cette côte se trouvait un petit ponton. Accroché au ponton y était une petite barque. Sur cette barque il y avait Arnold Jancler, tentant désespérément de fuir le célèbre et grandiose chasseur de prime Grimmjack.
Il n'avait meme pas encore eut le temps de sortir les rames que je posa un pied sur l'embarcation, lapidant une bonne fois pour toute ses rêves d'échappatoire.

Comment je l'avais retrouver si simplement ? Ouvrez bien vos oreilles messieurs dames ... Vous vous rappeler du passant qui m'avait filé l'information du cabanon de chasse ? Bah, il m'avait aussi dis que le fut regretté père d'Arnold était un pêcheur émérite de poisson-chat ... Enfin ça c'était avant de périr en mer, bouffé tout cru par un légendaire monstre-marin qui habiterait ces eaux ... Mais bon, tout ça ce sont des contes pour gamins ! Moi je n'étais plus un gamin ! J'étais un chasseur de prime reconnu ! Enfin ... J'aspirai à l'être...

Pointant le bout de ma lame sous la gorge d'Arnold, arborant un visage si joyeux - effrayant pour lui - je lui tins à peu prêt ce langage.

- Et bonjour monsieur le fuyard ! Que vous êtes potelé ! Que vous êtes rondouillard ! Sans mentir, si votre bravoure se rapporte à votre poids lourd, vous êtes le fugitif le plus nul de Fuschia !

A ces mots, Arnold ne se sentait pas de joie.
Et pas du tout, d'ailleurs.
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- « Brush Crush : Pique Assaut ! »

Une voix stridente, une qu’on n’avait jamais envie d’entendre, encore moins maintenant, venait de retentir. Son adversaire, à Alegsis, le couplet lui disait plus ou moins quelque chose. Même que ça ne lui rappelait pas des souvenirs franchement grisants. Le temps de se remémorer la chanson, une tige de bois bien raide lui était rentrée dans le dos. Tout en bas. En-dessous des lombaires, pas bien loin du coccyx.



À parler franc, il s’était comme qui dirait mangé l’équivalent d’un manche à balai dans l’oignon. De quoi le faire bondir en tout cas à quelques mètres de distance. Un drôle de samaritain avait à nouveau fait irruption. Le même que précédemment.
Encore haletant de la cavalcade qui l’avait conduit à ce haut-fait martial, le héros se tourna ensuite vigoureusement vers le petit gros, hagard, pour lui déclamer avec une passion folle :

- « Vite, Arnold-kun ! Fuis avant qu’il ne t’attrape à nouveau ! »

Les yeux du sauveteur avaient les globes pleins de prunelles humides et expressives. Il s’y croyait, Alegs, dans son rôle de héros venu secourir la demoiselle en détresse. Cela, jusqu’à ce qu’un semblant d’intelligence s’anime par accident entre ses deux oreilles et qu’il comprît que, dans l’affaire, il était finalement aussi ravisseur que son rival.
Après que les deux se soient regardés dans les yeux, silencieux et circonspects, Alegsis retrouva son regard niaiseux alors qu’il se redressa, une main venue lui gratter la nuque, gêné de s’être ainsi laissé emporter dans son élan romantique.

- « Enfin… je veux dire... t’enfuis pas trop loin non plus. Vu qu’il faut que je t’attrape après. » S’était-il honteusement rattrapé le temps de laver sa précédente emphase.

La remarque tempéra chez lui ses aspirations héroïques le temps qu'il s'en retourna à ses premiers amours ; ceux qui gisaient là où il les avait projetés de son immense pinceau. Son compétiteur avait repris juste contenance sur lui même après le coup en lâche qu’on lui avait encore une fois administré.

- « Jerihihi ! Je suis témoin mon pauvre vieux, riait alors l’artiste en se tenant les côtes, je t’ai eu deux fois avec la même attaque. Non mais quel gros naze. »

Le revers de son pinceau, avant de le carrer là où il s’en était allé frapper en estoc, Alegsis en avait fait un usage idoine pour s'en servir comme d’une perche afin de franchir ses propres pièges. L’idée lui était venue tardivement, mais bien assez tôt pour que la piste de ses fuyards lui fut encore fraîche aux nasaux. Les traces de pas, les branches brisées dans la forêt ; en charognard persistant, Alegs avait eu le sentiment qu’on lui avait fléché le parcours. Fier de les avoir retrouvés à temps, il ne put évidemment s’empêcher de la ramener plus que nécessaire. Ses précédents faits d’armes ne l’avaient apparemment intimé à aucune humilité. Il fallait de toute manière avoir des dispositions à l’intelligence pour éprouver de la vergogne, ce contre quoi il était naturellement immunisé.

- « Vraiment, commençait-il presque professoral malgré son ridicule patent, t’es plus facile à pister qu’un…. se souvenant bien tard qu’il était un homme de peu d’imagination pour formuler les choses sérieuses, il avait entamé ses remontrances sans savoir où elles le mèneraient, qu’un… qu’un truc facile à pister. »

Il fanfaronnait, mais il fanfaronnait mal. Une telle démonstration de confiance chez lui n’était cependant jamais un bon signe. Ni pour lui, ni d'ailleurs pour ceux qui en faisaient les frais après avoir surmonté le cap de leur consternation. Sur ce petit ponton où ils s’étaient retrouvés, on y retrouvait des caisses brisées et même un tonneau usé. Un tonneau qu’Alegsis fit tourner sur son socle pour en révéler le sceau qu’il avait apposé : la marque du Colors Trap. Rouge était celui-ci, chose étonnant considérant que ses réserves de peinture lui avaient malencontreusement échappé à trop se montrer dispendieux pour la frime.

- « Merci de m’avoir laissé des mûres au fait. Souriait-il un brin goguenard comme le débile simplet qu’il était. Quelque chose me dit que celles-ci, tu vas moins bien les digérer. »

Des mûres, même bien noires, prenaient en effet des teintes rougeâtres lorsqu'on les écrasait. Alegsis Jubtion n'avait ni vergogne ni intelligence, mais il avait de la ressource.
Tandis qu’au milieu de ce dernier duel dont les prémices finissaient de se dessiner, on s’échangeait des regards idiots, Arnold, lui, affrétait la barque de son aïeul, profitant que ses poursuivants furent aux prises l’un avec l’autre. Ce combat qui s’annonçait entre eux serait le troisième. Le troisième, et même le dernier à en juger la brise marine qui, dans son souffle, portait avec elle un vent de résolution. Une qui s’achèverait dans le sang et les larmes, ou peut-être sous l’auspice d’augures moins funestes. Les flots, aux abords, mollement, s’agitaient comme soulevés par une force environnante. Quelqu’un, à n’en point douter, ferait les frais de cette trépidante rivalité. Une rivalité dont on aurait pu croire qu’elle porterait vers une conclusion tragique, si tout ce qui s’était joué jusqu’à présent n’avait pas viré à la bouffonnade perpétuelle.

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Et si on devenait ami ?

Cette fois ci, Grimmjack y était presque ! En réalité, il se voyait déjà victorieux et couronné de gloire et d'argent ... Mais son rival n'avait pas dit son dernier mot.


Le retour du cheveu dans la soupe. Quand une étrange arme impacta le bas de mon dos ... Ou plutôt de mon petit fessier ... Je reconnu sous la douleur le tortionnaire de cet acte peu glorieux. En plus, il avait osé m'attaquer le popotin ! Je me sentais littéralement violé et déshonoré ! Raaaaah, c'était déjà la deuxième fois qu'il me faisait le même coup ! J'étais honteux d'être si crédule et niais parfois ! Ca m'apprendra à ne pas sur veiller mes arrières ...

Ce fichu rival ... Il me foutait la haine ! Il avait le don pour arriver au pire moment, au pire endroit et de la pire entrée possible ! Alors que je me grattais les fesses en me relevant, un rictus d'énervement apparut sous les bandelettes de mon visage.

- Encore toi ... Tu es plus difficile à se débarrasser qu'un tic pardi !

Un grognement accompagnait mes dires. C'était la goutte de trop ! Depuis le début de la journée, ce fichu inconnu n'avait cessé de me mettre des batons dans les roues ! Cette fois ci, je comptais bien en finir une bonne fois pour toute !

- Mummy Punch !

On était pas très loin l'un de l'autre. J'avais plus d'allonge que lui au corps à corps et toute la hargne et la frustration présentes en moi accompagnaient mon geste ! Il n'avait aucune chance de s'en sortir ! ... Alors pourquoi mon coup visa le socle en bois qu'il tenait dans sa main plutôt que sa tête de batracien ... ?

Il avait créé un de ses sceaux loufoques avec le reste de mûres que j'avais laissé dans la forêt ... J'étais consterné ... Consterné d'avouer que ce fichu gars avait un sacré paquet de ressources. Il brillait par son manque d'éducation, de compassion, sa laideur incestueuse et de sa sottise légendaire ... Mais dans ce dédale de bêtise, il y avait bel et bien un génie caché en lui. Bon, c'est vrai, il était super bien caché. Fallait gratter profond pour le faire ressortir ! Cependant, cela restait tout de même admirable...

Bref, de toute façon le socle sur lequel il avait paré mon attaque s'était brisé sous la puissance de mon super punch. Sans nul doute, ce type allait trouver une autre parade sortie de je-ne-sais-ou à mon prochain assaut. Sa capacité était encore trop floue pour moi. Je ne voyais pas vraiment de solutions viables.
Je croisa alors les bras, immobile face à lui. J'étais parti dans une réflexion plus qu'étonnante au vu des évènements précédents.

- Dis moi mon brave garçon ... Et si on devenait copain ... ?

Je me rendais pas encore compte de ce que je venais de prononcer ... Moi, faire ami-ami avec ce looser ?! Il avait du potentiel, c'était sur ... Mais ce type était tout de même détestable au plus haut point !

- Enfin je veux dire ... Au moins pour ce coup-ci ! On s'est querellé toute la journée et résultat des courses : aucun de nous deux n'a réussi à capturer un vieux rondouillard a la chevelure grisante ...

Dis comme ça, lui comme moi étions pathétique ... Nous nous étions tellement concentrés pour freiner l'autre qu'Arnold trouvait toujours une fenêtre ou s'échapper. Tôt ou tard il allait vraiment nous filer entre les pattes pour de bon !

- Après tout ... 12 million à deux, ça fait 6 chacun ... Comptais-je avec mes doigts devant lui, pour lui expliquer ce raisonnement mathématique de la manière la plus simple possible. Ce qui est non négligeable ! En plus, on est collègue après tout ! On devrait s'entre aider plutôt que de se pourrir la vie !

Et pour pourrir la mienne, ce type était fort, très fort.
Je lui tendais alors la main. Un serrage de pince et le marché allait être conclu, c'était comme ça qu'on traitait chez les adultes confirmés ! Oui, car les gamineries, je commençais légèrement à saturer ...

- Pour la peine, j'me présente ! Grimmjack ! Chasseur indépendant, et toi ?

C'était la manière la plus intelligente et douée de raison pour arriver à mes fins. Cependant, alors que j'avais proposé un pacte de paix avec mon enquiquineur de première, j'en avais carrément oublié Arnold, qui devait surement en profiter pour se faire la malle, comme d'habitude ...

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Son nom, au loustic qui se présentait, Alegsis n'y prêta pas la moindre attention. Peu au fait des convenances sociales, il retenait mieux les chiffres que les lettres. Surtout quand l'affaire grimpait dans les millions.

Le partage, voilà une saine valeur. Celle-ci, son adversaire l'avait alors brandie en étendard après que les avoines furent échangées si longtemps en pure perte. Un homme, ça savait se battre, mais un chasseur de primes... ça savait transiger. La profession eut-elle concerné des hommes de courage que ceux-ci auraient plus volontiers porté un uniforme blanc et bleu. L'un comme l'autre, ils étaient des rebuts de l'humanité, ils avaient même chacune une licence pour en attester. En s'agglomérant l'une sur l'autre, deux misérables fientes comptaient à présent œuvrer pour devenir un plus gros tas de merde.
Alors qu'une camaraderie naissante s'ébauchait entre eux, Alegs y alla de sa confidence pour cimenter leur amitié nouvelle. Un peu prostré, les joues empourprées avec, au milieu, un petit sourire gêné et chafouin d'où dépassait le bout de sa langue, il entrechoquait doucement l'extrémité de ses index, le regard fuyant pour enfin déclarer :

- « Pour tout t’avouer, j’y avais pensé à partager le magot... mais vu que je savais pas combien font douze millions divisés par deux, j’ai pas osé le proposer. Jeri-hi-hi. »

L'aveu - car c'en était un - faisait ainsi la preuve qu'Arnold, balloté entre l'un et l'autre comme un poisson mort que se seraient disputées deux mouettes acariâtres, avait finalement fait les frais de l’incapacité académique d’un crétin manifeste à savoir seulement user d’une division sommaire. C’était tragique. Mais pour les deux couillons qui se trouvaient du bon côté du manche, on y alla d'un rire complice pour se gausser du malentendu.
Ses mains désormais placées en porte-voix autour de sa bouche sans lèvres, l'illettré des chiffres s'égosilla en direction de sa proie, celle-ci ayant déjà rudement ramé pour échapper à un destin choisi par d'autres que lui?

- « C’est bon Nono ! Tu peux revenir ! Tout est arrangé ! » Avait-il bramé jovialement avec l'aplomb d'une insolence qui s'ignore.

Arnold, ainsi apostrophé, ne rama qu'avec davantage d'ardeur.

- « Il a pas entendu je pense. » Se renfrogna Alegsis d'une petite moue déçue, s'étant sincèrement imaginé que leur gibier aurait la décence de leur revenir.

Dans la grâce et l'indignité, d'un geste prompt et volontaire, l'artiste se débarrassa alors aussitôt de sa tunique pour ne garder sur lui qu'un pagne et un chapeau. Ça lui faisait de belles fesses et lui donnait joli tournure ; nonobstant le fait qu'il fut cependant grotesque au dernier degré.
D'une démarche saccadée et ridicule, il se pavanait en direction des flots pour impressionner son camarade, prêt à lui montrer quel remarquable nageur il était. Au loin, depuis sa barque, le malotru en fuite, alors qu'il voyait la bête approcher, lui cria :

- « Jamais vous m'attraperez ! Jamais ! »

Et il disait vrai. Plus vrai qu'il n'aurait voulu le croire ou même seulement l'espérer. Car, peut-être son cri avait-il joué dans son sort, mais à peine eut-il poussé sa gueulante libératrice qu'Arnold fut happé de sous lui avec son embarcation. Quelques clapotis d'abord, un « gloups » ensuite et l'antiquaire fut ainsi gobé par un poisson-chat immense que ni lui ni ses poursuivants n'avaient aperçu avant qu'il ne disparaisse aussitôt son gueuleton accompli.
Les deux malheureux, restés à quai, venaient de se faire enfler le butin qu'ils s'étaient si âprement disputés dans l'impuissance la plus absolue. Leur mâchoire inférieure, à l'un et à l'autre, était tombée aussi bas que leurs yeux s'étaient écarquillés de stupeur. Dépités et faits cocus par la faune marine, ils repartiraient d'où ils étaient venue une main devant et une autre derrière, mais avec la satisfaction, toutefois, d'avoir pu confirmer que le monstre marin de Fushia, finalement, n'avait pas été aussi légendaire qu'on s'était plu à le croire.

Déjà guéri du choc comme si rien de spectaculaire ne venait de se produire à l'instant, ayant même oblitéré de sa mémoire jusqu’à la preuve même de l’existence d’Arnold Jancler, Alegs, après un petit coup de poing espiègle porté contre le bras de son nouvel ami, annonça soudain, guilleret et bonhomme :

- « Bon, alors ? Tu me le payes ce verre ? »

La journée avait été longue et les deux chasseurs de primes, ainsi rendus broucouilles par la poiscaille environnante, n'auraient su faire l'économie d'un verre, ni même de plusieurs. Que ce fut pour célébrer le fait de s'être si bien fait baiser par un monstre marin, ou pour sceller une amitié fraîche de quelques instants, les prétextes à se récurer le fond du gosier, pour l'heure, ne manquaient pas.
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