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Tragédie enfantine

Présent du passé



Quelques heures après mon arrivée sur l'île, n'ayant pas de mission pour le moment, j'ai décidé de me trouver un endroit où boire un coup pour passer le temps et j'espérais qu'un évènement perturbateur vienne alimenter ma journée. Je suis entré dans la première taverne que j'ai pu trouver, plutôt rustique dans son genre, mais silencieuse. Aussitôt entré, le patron, derrière son comptoir, haussa la voix pour m'accueillir tandis que je me dirigeais vers lui pour prendre commande.

- Bonjour étranger, qu'est-ce que vous désirez ?
- Salut mon vieux, une pinte de cola s'il vous plaît.
- Pas de rhum ? Pas de whisky ? Un gaillard comme vous ?
- J'vais pas aller dans les détails mais on peut dire que j'ai perdu mon œil à cause de l'alcool, depuis, j'ai arrêté. Vous qui êtes borgne, vous pourrez me comprendre, j'en suis certain.
- Et dieu sait que je vous comprend, perdre un œil n'arrive généralement pas au commun des mortels.
- C'est vous qui le dites.
- Très bien cher collègue, je vous apporte votre boisson, j'ai du cola dans la réserve.

Quelques dizaines de secondes plus tard, accoudé au bar, je me désaltérais avec un grand verre de cola à la main. Je me mis aussitôt à observer le liquide noir dans mon verre, qui pétillait, et le gérant comprit que je préférais d'abord avoir un moment avec moi-même. Certes, j'aurai pu lui demander quelques infos sur la ville, quelques nouvelles, quelques rumeurs. J'avais tout mon temps, je n'étais pas pressé. Je pris une première gorgée, et je commença à laisser divaguer mes pensées comme si mon taux fictif d'alcoolémie était un navire qui décidait de lui-même où aller. C'est là que ma mémoire absolue commença le travail, elle me permettais de n'omettre aucun détail, alors, je me remémorais la rencontre avec un gamin du quartier un peu plus tôt dans la journée. Il était à la plage lorsque le navire avait mouillé sur l'île, je l'avais remarqué de loin. Il semblait dans son coin, face à la mer, seul sous la pluie battante, alors je suis allé à sa rencontre.
    Passé  du passé

    Pas nécéssaire:

    Je me suis alors approché de lui, lentement, puis je me suis assis à côté. Au bout de cinq minutes de silence, ayant respecté et accompagné sa solitute, j'ai tourné la tête. Effectivement, il pleurait. Son regard se perdait vers l'horizon aqueux. Le temps était vraiment dégueulasse, on était tout deux trempés de la tête au pieds, mais on était ensemble, du moins, qu'elle que soit sa peine, je la partageais avec lui. Quelques instants plus tard je pris la parole, histoire de savoir.

    - Salut p'tit gars, pourquoi tu pleures ?
    - Je ne pleure pas, c'est juste qu'il pleut sur mon visage.

    Je leva alors la tête vers le ciel, effectivement, d'un certain point de vue il n'avait pas tort.

    - C'est une phrase d'adulte ça. Rien que pour ça je te respecte p'tit gars.

    Je lui donna un léger coup de poing dans l'épaule, pour le sortir de sa torpeur et pour lui faire comprendre qu'il fallait toujours avoir en soi une force inébranlable, car la vie n'est pas toute jolie. Je vis qu'il esquissa un bref sourire, il avait comprit. Quel que soit son jeune âge ce p'tit gars jouait déjà dans la cour des grands, mais ça je le découvrirai quelques minutes plus tard avec son talent. Pour le moment, il tourna la tête et je lui souris à mon tour et lui tendit alors ma main, pour le saluer comme il se doit. A la vue de ma main robotique il haussa les sourcils, stupéfait, et son regard parcourut lentement mes phalanges... Mon poignet... Mon avant-bras, puis mon coude, et il s'arrêta au niveau de mon épaule.

    - Toi aussi, tu as pleuré ?

    Je m'attendais pas à cette question, je pensais qu'il était étonné de savoir comment un tel bras, avec toutes ses minutieuses mécaniques et composants, pouvait fonctionner.

    - Non. Je n'ai pas pleuré. Au contraire, j'étais content.
    - Content de perdre un bras ? Je ne te comprends pas.
    - Tu verras que dans la vie il y a des hauts, et des bas.
    - Ça je le comprend, je suis au fond du gouffre là.

    A ce moment-là, l'occasion était idéale pour lui demander pourquoi, mais nous discutions d'un sujet intéressant, entre adultes, alors je lui expliqua, pour commencer, ma façon de penser.

    - En général, quand je souffre, je suis heureux. J'ai appris qu'il faut des moments de douleur pour faire exister des moments de bonheur. Jusque-là, tu me suis ?
    - Je te suis, oui. C'est un joli point de vue... Mais c'est pas facile. La douleur que j'éprouve en ce moment est comme un poison qui me ronge de l'intérieur.
    - Dans la vie tu n'es jamais seul, il y aura toujours quelqu'un pour te donner l'antidote à ce poison. Regarde, aujourd'hui au lieu d'être infirme on m'a fait un bras sur mesure et je le préfère à mon bras d'origine.
    - Pour moi, ton bras c'est comme de la magie, ça me dépasse.
    - C'est pas de la magie, ça s'appelle la solidarité.
    - Mais a quoi sert la solidarité quand les personnes que tu aimes meurent ? Mon perroquet, il m'écoutait comme personne, mais il est mort et je n'ai plus d'amis.

    Finalement il m'a dit de lui-même ce qui le chagrinait tant. Petit à petit, pas à pas, on approfondissait le sujet. Nous étions deux galériens dans le même bateau, en pleine tempête, à ramer, ramer, ramer, mais à l'horizon se dessinait une île.

    - Je comprends ta peine, mais tu as faux sur un point. Dans la vie tu n'es jamais seul, regarde, je suis-là et tout à l'heure tu m'as souri, involontairement. Ta raison te fait croire des choses mais tu dois savoir écouter ton corps et ton coeur.
    - Mon coeur...

    Soudain il sortit de sa poche une feuille froissée, une feuille qu'il me tendit.

    - J'essaie d'écouter mon coeur, mais c'est dur, regarde ce que j'ai commencé à écrire.

    J'étais ravi, un climat de confiance s'installait entre nous. Il s'ouvrait à moi, ce petit gaillard n'était finalement pas qu'un livre fermé avec une serrure sophistiquée. Je pris le papier et dès cet instant, comme si le ciel nous respectait, une éclaircie naissait timidement. A première vue il s'agissait d'un début de poème, je le lus dans ma tête.


    Présentement dans mon coeur
    Il n'y a plus aucune chaleur
    Inondé par le malheur
    Il s'est éteint, j'en ai bien peur




    - C'est à chier.
    - Je sais bien, c'est trop triste.
    - Dans ce cas n'abandonne pas. Recommence.
    - Je ne peux pas, je n'arrive à écrire que quand je suis seul.
    - La solitude n'existe pas, ferme les yeux et vis le moment présent. Je vais t'aider. Tu es prêt ?
    - Oui chef.
    - Alors ferme les yeux et inspire doucement et profondément. Sens l'air frais entrer, passer dans ton nez et aller jusqu'à tes poumons.

    Il jouait le jeu. En bon élève il était très concentré, je continua de l'aider.

    - Maintenant ouvre la bouche et expire lentement, sens l'air chaud et doux faire tout le parcours inverse. Ensuite, tu te concentres sur ton corps, de la tête aux pieds. Tu prends conscience que tu es assis, relié à la terre, en vivant chaque sensation du moment présent.

    Je me tus alors, pendant qu'il continuait l'exercice et le temps sembla passer plus lentement, pour lui comme pour moi. Soudain il ouvrit les yeux, souriant, et sortit un stylo de sa poche. Je lui tendit alors la feuille qu'il m'avait confié et je lui dit un dernier conseil.

    - Ça, c'est de la méditation. Maintenant continue les yeux ouverts et laisse toi aller au gré de tes pensées.

    Il prit la feuille, la retourna, la posa sur sa cuisse comme support et il commença à écrire, en faisant parfois quelques pauses car méditer en étant dans l'action ce n'est pas toujours évident pour un novice. Une quinzaine de minutes plus tard, il me rendit la feuille en souriant à pleines dents.

    - Tu es sûr que tu ne veux pas garder ça pour toi, grand gaillard ?
    - Non, c'est le fruit de ton enseignement, dis-moi ton avis.



    Une douce et permanente brise me caresse la joue
    Pendant que mon regard adouci se perd dans les remous
    A quelques pas, si proche, des vagues s'échouent
    Chère mer qui avance sans cesse, tu cherches à aller où ?

    Sur ton passage tu englobes des rochers entiers
    Laissant l'eau se déverser sur la pierre comme si elle pleurait
    Est-ce un message de désespoir que tu cherches à faire passer
    C'est le premier tête à tête entre nous et tu as l'air si déchaînée

    Mais comment te remercier de me vider ainsi l'esprit
    Devant ton immensité aqueuse à perte de vue
    Tu noies mes pensées et je redécouvre la vie
    J'ai bien fait de venir te trouver, moi qui était perdu

    Voilà que je parle au paysage
    Des vagues et je divague seul face à aucun visage
    Tu m'as écoutée et maintenant que tu m'a fait tourner la page
    Tu ne recules face à aucun obstacle alors j'en garderai cette image

    Finalement
    Tu montres sur les rochers de belles cascades
    Fièrement
    Je puiserai ma force en cette seule camarade

    Loki, fils de Lucius.



    - Alors ?
    - Je savais que tu était un gars talentueux.
    - Merci m'sieur l'robot.
    - Alors comme ça tu t'appelles Loki ?
    - Oui, et toi ?
    - Raven. Raven Volfpack pour te servir.
      Présent du passé

      - Monsieur Volfpack ?

      Le patron tapa dans ses mains et brisa au passage le grand silence qui régnait dans sa taverne, ce qui me sortit de mes profondes pensées.

      - Comment connaissez vous mon nom ?
      - Oh tu sais, la ville est petite, tout se sait plus ou moins rapidement. Je sais que tu as aidé le p'tit Loki à faire son deuil.
      - Oh, je pensais justement à lui ! Vous le connaissez ?
      - Je connais son père, Lucius. C'est un brave pêcheur qui aime bien venir boire un petit vin rouge chaque soir, un habitué.
      - Je vois. Et vous, vous êtes ?
      - Samuel Sabaton, mais vieux borgne ça me va aussi.
      - Enchanté vieux borgne. Combien je vous dois pour le verre ?
      - Le verre ?
      - Oui, de cola.
      - Hahaha ! Tu n'as rien remarqué ? Tu était tellement dans tes pensées que tu n'as pas remarqué que je te remplissait à chaque fois le verre. Mon vieux, tu t'es sifflé toute la bouteille !

      Il me la pointa du doigt et effectivement, à côté de mon verre, sur le comptoir, se trouvait une bouteille d'un demi-litre complètement vide.

      - Décidément, je ne m'améliore pas avec l'âge. Du coup, ça fait combien pour la bouteille ?
      - Rien du tout ! Je te l'offre. Entres borgnes on a des choses à se raconter, on est plus ou moins liés, alors je sais que tu seras un client fidèle qui reviendra.
      - C'est très généreux de ta part Samuel. Merci.
      - Avec grand plaisir ! Tu désires autre chose ?
      - Non ça ira, je vais aller promener et faire courir mon chien.
      - Quel chien ?
      - Je l'ai laissé à l'entrée, avec la pluie qu'il y a eu il a les pattes pleines de boue alors je ne voulais pas qu'il salisse le sol.
      - Mais mon brave, c'est pas grave, c'est aussi mon boulot de faire le ménage. La prochaine fois n'hésites pas, vous êtes les bienvenus, il aura droit à sa gamelle d'eau.
      - Merci beaucoup, à plus tard camarade.

      Je salua ce brave homme en me demandant comment il avait perdu son œil, mais j'aurai bien d'autres occasions de converser avec lui. Je sortis alors de la taverne et je retrouva, fidèle au poste, Dédé, qui s'était couché devant la porte d'entrée. Je siffla un coup et il leva l'oreille, me vit, puis aboya un coup. Nous nous mîmes à marcher, le temps s'étant amélioré, c'était le moment idéal pour se balader en ville à la recherche d'une occupation, qui sait ce que le destin nous réservera ?