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Mask Singer

Je suis dans une petite salle au fond d'un bar, servant pour les dernières retouches d'un artiste, avant de paraître sur scène pour faire le show. Et je fais justement le nécessaire pour me faire beau, devant un miroir. Pour de faux, cela va de soi. De un, je n'ai rien pour me maquiller, me repoudrer le nez, et compagnie. De deux, à quoi bon chercher après la beauté lorsqu'on est un homme-poisson super moche d'origine, et qui compte garder le visage au fond de sa capuche, de toute façon ?

Comment j'en suis arrivé là ? Mes nombreuses vadrouilles sur West Blue avaient fini par me faire débarquer sur une nouvelle île, le genre de gros caillou, tout ce qu'il y a de plus anodin. Et après plusieurs heures d'exploration du terrain, j'ai trouvé le moyen d'atterrir dans ce village qui proposait une annonce spéciale, dans les rues. En gros, "viens chanter chez nous pour la soirée, et tu seras récompensé".

Bien sûr, en ce qui me concerne, j'ai rapidement ignoré la proposition, surtout avec l'enfance horrible que j'ai vécue. Mais à force de croiser l'affiche sur les murs, je me suis dit :

_ Oh ! Et puis, pourquoi pas.

D'autant plus que les divers habitants qui l'ouvraient parfois ici et là sur le sujet, avaient réussi à me convaincre, d'une certaine manière. Le truc, ce n'était pas forcément de chanter à la perfection. Il fallait juste participer afin d'animer le spectacle organisé pour telle occasion. Pas trop regardants, les mecs, quoi ! Remplissage d'une futile case de formulaire, et la question est réglée.

Et puis, étant donné que je n'avais rien à faire ces jours-ci, on va dire que j'ai eu une bonne idée. Ca m'occuperait et ça me remplirait peut-être aussi les poches, le temps qu'une malencontreuse menace pirate surgisse dans le coin ou des proches environs. Par exemple, hein ! Evidemment, ne voyons pas le mal partout, certes, mais je suis un chasseur de primes avant tout. Alors si du vilain garnement devait roder plus ou moins loin de ma zone de travail, je serais évidemment prêt à lui filer le train.

Alors voilà ! Les dernières minutes d'attente s'écoulent, tandis que j'attends mon tour. Derrière la porte, je peux toujours entendre vaguement les prouesses du candidat qui me précède. De temps à autre, c'est la salle en folie qui gueule ou applaudit brièvement de joie. J'ignore ce qui a l'air de ressembler à du succès, mais le type doit vraiment savoir donner dans les belles paroles.

Ah oui ! Ce qui aurait pu me chiffonner au début, c'est qu'on ne nous avait pas prévenus qu'il n'y aurait pas d'instruments de musique pour accompagner la chanson. J'ai mis du temps à tilter avant de penser à m'inquiéter, pour ne rien vous cacher. Mais encore une fois, avoir déjà dû me prêter à cet exercice pendant mes jeunes années, je me suis résolu à dire que ce ne serait donc pas un problème insurmontable.

Enfin, l'instant T est sur le point de tomber. La tête de quelqu'un apparaît d'ailleurs aussitôt dans l'encadrement de porte, pour venir m'annoncer que je dois me grouiller de sortir, car c'est mon tour. Le temps d'une petite pause, histoire de remettre la scène en ordre, de laisser les spectateurs reprendre leur souffle ou commander une énième boisson... et hop ! Bobby Lapointe doit s'y coller !
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Le temps que je peaufine mes derniers pas dans le couloir, derrière un rideau, j'entends un speaker qui chauffe la salle, en leur expliquant que le prochain artiste va entrer dans la seconde, et qu'il ne faut pas hésiter à l'acclamer. Le mec a tellement bien calculé son coup, qu'il termine en criant mon nom au micro, pile poil quand j'écarte le rideau.

Puis, tandis que l'annonceur disparaît, j'ai droit alors à un tonnerre de salutations et d'applaudissements. Impressionnant, je dois bien avouer. Wouah ! Tout le monde est ultra ravi, excité, aux anges... Je n'ai même pas encore commencé à chanter, que je suis déjà tout émoustillé. Même quand j'étais gosse, je n'ai jamais ressenti pareille émotion. Et là, on a beau se trouver dans un simple bar, rempli d'une petite foule de villageois (tant qu'il y a de la place pour les caser, quoi !)... l'ambiance festive de concert ne manque pas de peser extrêmement fort.

Plusieurs longues secondes s'écoulent ensuite, et moi je ne sais pas trop comment me lancer. J'hésite, je fais des signes avec les mains, comme pour les encourager à garder leur esprit de folie. Mais bientôt, les spectateurs se taisent tous ensemble, car je n'ai toujours pas bronché. En hauteur, sur une sorte de balcon, je peux distinguer quelques têtes déçues qui se forment doucement.

Alors, let's go ! Rapidos je range mon trac, je pioche intérieurement dans mon répertoire de ziks apprises à l'église de mon patelin d'enfance, et j'arrose la salle avec mes superbes paroles, ou en tout cas, de ce que j'en ai retenu... Bah oui, ça date un peu quand même ! Résultat, le morceau est tout bonnement dégueulasse à écouter ! Le texte, en plus d'être vulgaire, ne rime carrément pas ! Ma voix de mioche explose la plupart des tympans des plus proches auditeurs ! Et bien vite, malgré mon mince gabarit de personne majeure pourtant, beaucoup d'entre eux ne comprennent pas comment quelqu'un comme moi puisse exister, ou même, a pu s'incruster dans ce show réservé à partir d'un certain âge !

_ Euh... désolé ? j'arrive à glisser difficilement, dès que la panique générale semble avoir baissé d'un ton.

A vrai dire, ça gueule toujours, mais pas pour me dire "bravo dude ! Continue comme ça !", évidemment. En fait, les gens hurlent et pleurent plutôt de douleur, tout en se pressant les oreilles avec les mains. J'imagine que ça doit siffler ou bourdonner grave dans tous ces crânes.

Même assis à leurs tables, on a l'impression qu'ils dansent comme des pingouins, et parfois même, ils se cognent l'un l'autre dessus. Quant au speaker, il ne tarde pas à se repointer, tout en essayant de gueuler plus fort, afin de calmer la foule, voire essayer de savoir ce qu'il se passe tout bonnement... sauf qu'il devine bien vite que c'est peine perdue.

_ Enfoiré ! me balance-t-il alors, en se retournant vers moi, très furieux.

Il cherche aussi à me taper avec son micro, dans la foulée. Mais j'esquive facilement, d'un pas de côté. J'essaie ensuite de tirer un grand sourire, en guise d'excuse... malheureusement, mon visage bien caché n'arrange rien.

_ Je suppose que je suis éliminé, du coup ? demandé-je surtout pour tenter d'apaiser les ardeurs de mon opposant.

Blagounette râtée, en somme.

_ Espèce de... reprend-t-il toujours sur un ton aussi sévère. Non mais t'as vu ce que t'as foutu ? Oser chanter une chanson paillarde !

Oups ! Ah ? D'accord... Moi qui pensais que le bonhomme aurait surtout quelque chose à me faire remarquer au sujet de ma voix aigüe, j'avoue que je suis surpris. A moins que son boulot qui le confronte souvent à du public en rut, l'a déjà rendu pratiquement sourd, concernant les notes un peu trop hautes... Enfin, tant mieux, c'est toujours ça de gagné.

Après quoi, comme le brouhaha monumental n'en finit plus de gronder, j'en déduis que le spectacle est bel et bien foutu. Bref, il touche à sa fin, quoi. Je me laisse encore une ou deux minutes à rester planté sur place, sans échanger plus avec le speaker. J'espère que tout ce ramdam créé finira tôt ou tard par se dissiper, sans trop y croire, en fin de compte. Puis je décide de me casser de cet endroit, en repassant discrètement derrière le rideau.

A ce moment-là, à l'autre bout du couloir, j'aperçois un jeune homme à allure de beau gosse. Sans doute le chanteur suivant normalement prévu. Il me lance un regard menaçant, et me donne même un coup d'épaule, une fois que nous nous croisons. J'aurais pu riposter, mais je me dis que j'en ai assez fait pour aujourd'hui. Sur ce, il est donc plus sage d'encaisser le choc, et de se tailler sans en distribuer davantage.
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Une fois dehors, je patiente après je-ne-sais quoi. Une petite pluie est en train de tomber. Je soupire en baissant la tête, triste.

_  J'ai vraiment chanté si mal que ça ? me demandé-je, en écoutant les gouttes s'écraser sur le sol.

En sourdine, on peut encore entendre quelques râleurs qui protestent toujours à propos de ma prestation, à l'intérieur du bar. Je décide de m'éloigner parce que eux aussi ont, d'une certaine manière, le chic pour me casser les oreilles.

Comme il se fait tard, il n'y a plus grand monde dans les rues du coin. Je peux marcher donc tranquillement dans l'obscurité, mains dans les poches, sans qu'on vienne me perturber. Pas même un moustique, ou un quelconque chien errant ! Du moins, c'est ce que j'en ai conclu au fil de mes dizaines de mètres parcourus.

_ Tiens, tiens, tiens ! piaille une voix masculine et ironique, dans mon dos. Ce ne serait pas l'autre clown qui chante comme une grosse brelle, par hasard ?

Je m'arrête sur-le-champ, mais je ne me retourne pas tout de suite. Je préfère d'abord souffler d'ennui, car je devine déjà très bien le genre de situation qui pourrait se profiler dans les secondes à venir.

_ Tu croyais tout de même pas que tu allais pouvoir tracer ta route, sans réparer ta bourde ? reprend le guignol. Comme si de rien n'était ?

Par contre, dès que je lui fais enfin face, je découvre le sacré détail qui m'avait échappé. Le mec n'est pas seul ! De chaque côté, d'autres gaillards mécontents l'accompagnent, et attendent sagement les bras croisés... et mouillés.

_ Désolé encore une fois, tenté-je tout de même. Je ne recommencerai plus, promis.

J'ai l'air de jouer au plaisantin, avec une réplique pareille ? Peut-être. Qui plus est, au vu de leurs grimaces de colériques, il y a de fortes chances à parier pour que ma voix grinçante de fillette en bas âge soit considérée comme une nouvelle provocation. Imaginez ! La poiscaille s'est permise de chanter horriblement tout à l'heure, voilà à présent qu'elle récidive même pour du bavardage tout bête !

_ T'es vraiment qu'une pauvre enflure ! continue le leader des manifestants, les dents bien en avant.

Dans le noir, je ne les distingue pas clairement, mais je crois que j'ai affaire à d'autres chanteurs. Sinon c'est un groupe de spectateurs qui souhaite que je rembourse leurs billets d'entrée, en quelque sorte, je suppose.

Bon, d'accord ! Comment je dois procéder, sur ce ? Le ton un brin humoristique, ça ne marche pas... le ton solennel, ce sera sans doute pour aboutir à du même résultat foireux, de toute façon. Et puisque le mal est déjà fait, j'ai comme l'impression que chercher à les convaincre pourrait empirer les choses.

Enfin bref, j'essaie de leur expliquer que s'ils ne se privent pas d'élever la voix, des autres riverains sont capables de se fâcher... dérangés dans leur sommeil, par exemple. Mais à la place d'un semblant de compréhension de leur part, c'est une bouteille de bière vide que je me mange en pleine poire. Manque de clarté oblige, je n'ai pas su esquiver, ni même me protéger. Le projectile se brise plus loin dans la rue, après m'avoir ricoché dessus.

Résultat, moi je pousse aussitôt un cri strident, et je me dépêche d'aller me frotter le front endolori. Pendant ce temps, mes agresseurs, toujours légèrement à distance de leur cible, dégustent de nouveau des effets secondaires d'un tel hurlement foudroyant.
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_ Fait chier ! je grogne entre mes dents.

En effet, il y a de quoi râler. La petite bande de rebelles est en train de se plaindre, tout en s'enfonçant des doigts au plus profond de leurs oreilles, comme pour chercher à se les détartrer. Puis, dès qu'ils ont fini leur cinéma, j'ai droit à leur numéro de grands costauds. Chacun m'exhibe sa plus belle pose de bagarreur, prêt à en découdre.

_ Rha nan, jouez pas à ça, par pitié ! Je suis chasseur de primes, à vrai dire.

Mouais, bof... Je croyais bien faire en leur avouant tout. Manque de bol, au contraire ils préfèrent éclater de rire. Je comprends alors que les mecs sont vraiment obnubilés par leur idée de revanche. Ils sont plus nombreux, donc ils pensent déjà forcément remporter la victoire contre de la petite lopette solo.

Sur ce, le quart d'heure baston s'ouvre dans la seconde qui suit. J'ai juste eu le temps de me dire tant pis, avant de me retrouver assailli. Tous en choeur, tous en cercle, des coups de poings me foncent sur le nez. Sans poireauter davantage, je profite de ma taille réduite pour disparaître via la première issue de secours qui se présente : une paire de jambes plutôt bien écartée, quoi.

Voilà, le tour est joué, tatatam ! Tandis que mes boxeurs bornés se frappent l'un sur l'autre dans le feu de l'action, moi je suis derrière eux en train de les écouter se plaindre. Ils ont mal, saignent doucement ici et là, et m'insultent à pleins poumons, tout en se retournant vers leur proie glissante.

_ On va te crever, tu verras ! braille le plus énervé des bougres. Tu vas moins faire le mariole !

_ J'avais prévenu, dis-je avec le sourire.

Je ne pense pas qu'on puisse capter la légère joie sur mon visage, cachée sous ma capuche. Mais le ton employé veut tout dire, lui, de toute façon.

Après quoi, je ne veux pas leur donner l'occasion de récidiver illico, trop facilement. Alors, pendant que ma voix de bambin continue de vibrer dans leurs crânes, je m'élance aussitôt sur eux. Comme ils sont toujours quelque peu déboussolés, ma leçon du mâle qui a la plus grosse, a de quoi être, sans prétention, expéditive et concluante. En un rien de temps, tous ces clampins terminent avec ma signature fétiche : une jolie main griffue d'homme-poisson bien dosée... qui taillade l'ennemi du front jusqu'au menton !

J'ai beau être venu à bout de la menace, cette fois-ci, c'est eux qui me cassent les oreilles, pour la peine. A cause de la vilaine claque qu'ils se sont mangés, tout le monde ne résiste pas à la tentation d'exprimer son échec... en gueulant et en chialant, évidemment.

_ C'est plus clair maintenant ? je glisse entre deux bruyantes jérémiades intempestives.

Malheureusement, ils n'ont plus la force ou le courage de me répondre, et préfèrent m'ignorer. Et avec tout ça, leur collection de blessures ne sait plus s'arrêter de pisser le sang.

J'attends encore un peu, jusqu'à ce qu'ils finissent tous par s'écrouler au sol, l'un après l'autre. Trop usés et souffrants, j'en déduis. Lorsqu'ils ont d'ailleurs aussi arrêté de danser bizarrement, on n'entend bientôt plus que leur respiration. Même la pluie s'est dissipée, au fait !

Pas de panique, hein ! Ils ne sont pas morts. Je les ai juste blessés de manière significative, rien de plus. C'était eux ou moi. Et si baffer des débutants peut les faire réfléchir à l'avenir, au lieu d'ouvrir direct les hostilités à l'aveugle... Je me dis que j'ai fait quand même mon boulot. Qui sait, peut-être ne s'embarqueront-ils pas dans la voie de la piraterie, dorénavant !

Sur ce, pour clore ma petite expédition sur cette île, j'attends que le soleil du lendemain se lève avant de me décider à remettre les voiles. Bien sûr, à condition qu'un bâteau libre, en guise de taxi, veuille bien me supporter le temps d'un trajet.

Ainsi, dès que l'occasion s'est présentée, je crois que j'ai su convaincre le personnel à bord, malgré ma voix déjà horripilante.

_ Ne vous inquiétez pas, les amis ! Il n'y a aucune raison pour que je me mette à chanter, haha !

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