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Passage à vide rural

Quelle poisse !

Zrosh coupait à travers champ d’un pas décidé, et même … excédé !

Dans sa dernière “méditation”, l’homme-seiche avait entendu les Rois des Mers lui chuchoter sa prochaine destination. “Au troisième couchant, l’engeance du bouc aux yeux rouges attendra dans le désert verdoyant de l’ouest”. Il n’avait su que faire de cette prédiction, mais il avait tout de même cherché à déterminer là où il devait se rendre.

L’ouest devait signifier West Blue. Mais il n’était pas navigateur ou même cartographe. Alors il s’était renseigné, notamment auprès de passants humains, humains qu’il exécrait au point de les appeler “noyés”. Si dans un premier temps, on lui avait répondu “l’Archipel vert”, on lui avait aussi parlé de Kage Berg. Si la première paraissait plus évidente, le début de la prédiction parlait d’un bouc. On lui avait répondu que Kage Berg était une île dont la ressource principale était l’élevage, mais surtout ceux de vaches et de moutons.
Tant pis, c’était sa plus grosse intuition : il s’était rendu sur Kage Berg.

Loin derrière lui, la voix d’un noyé de fermier remonta jusqu’à ses otolithes. Visiblement, il enrageait contre lui parce qu’en traversant à travers ses cultures, il les ravageait.
Son passage à vide et sa haine des races sans branchie l’incitaient au massacre, mais il n’en fit rien, si ce n’était un geste impoli du doigt avant de sauter par-dessus la barrière qui bordait le champ et de retourner sur un chemin.

Il lui fallait rester lucide, ne pas céder à ses bas instincts, mais encore plus que ça : il lui fallait prier ! Et vite ! Mais pour ça, il lui fallait du varechalm, une algue endémique à Calm Belt, dont certains membres du culte auquel il appartenait passaient leur vie à la risquer en s'aventurant dans les profondeurs de cette mer d’huile mortelle pour récolter la précieuse algue. Et son Algrécolteur dédié se faisait attendre !
Quand il avait prévenu son supérieur que sa dernière méditation psychotropique lui demandait de se rendre en West Blue, ce dernier lui avait avoué que sa prochaine livraison de varechalm allait prendre, du fait, plus de temps à lui être acheminée.

De plus, si Kage Berg était une île un peu trop tranquille mais accueillante, elle l’était surtout pour les autres humains. Lui, en tant qu’homme-poisson, était regardé avec curiosité au mieux, méfiance, ou dédain au pire par les campagnards qui n’avaient connu rien d’autre que leur vie de bouseux ! Ils n’avaient pas foncièrement tort, mais ses nerfs étaient déjà mis à rude épreuve et …


Mais oui ! C’est ça ! Une épreuve ! C’est une épreuve ! Les Rois de Mer me mettent à l’épreuve ! C’était si évident ! Alors pourquoi je m’énerve ?!


Il s’énervait car quand il arriva sur l’île, il s’aperçut bien vite qu’on ne lui avait pas menti : les élevages étaient surtout bovins et ovins. Il s’était renseigné auprès de ces stupides noyés pour savoir s’ils connaissaient un élevage caprin, et on lui avait répondu par la négative. Après tout, l’île comptait principalement des petits villages, et leurs habitants ne connaissaient que le leur et ceux voisins. La recherche s’annonçait difficile.

D’autant plus difficile, qu’il ressentait un besoin urgent de prier ! Et son Alhrécolteur qui se faisait attendre !

Il s’intima au calme.
Ses pensées tournaient en rond, à chaque tour elles bouillonnaient un peu plus. A chaque tour sa fureur montait d’un cran.

Une épreuve … C’est. Une. Épreuve !
Les Dieux veulent évaluer ta résilience ! Poséidon ne s’entoure pas de faibles. Et tu dois montrer que tu n’en es pas un !



Parce que oui, Zrosh faisait partie du Culte du Poséidon, une secte d’hommes-poissons racistes et même suprémacistes dont l’unique but était de retrouver l’Arme antique pour la guider, pour reprendre les rênes du pouvoir aux noyés et pour asseoir la domination des siens sur le monde entier.

Mais malgré ses réflexions, il se demandait à quoi pouvait rimer de crapahuter dans les herbes folles, si ce n’était à se faire bouffer les jambes par des insectes nuisibles telle que les tiques ou les moustiques ! Il n’y avait que les noyés pour tolérer ce genre de bestioles aussi fourbes, vampirisantes et moches qu’eux en plein milieu de leur Règne du Vide ! Déjà que sa peau flasque et visqueuse de mucus criait grâce à force de supporter ses vêtements, voilà qu’il lui infligeait un traitement désagréable qu’était le contact avec les herbes hautes ! Et cela faisait trois jours que cette activité était la seule qu’il pratiquait !

Habituellement, dans les grandes villes ou les chantiers navals, il se faisait passer pour un prêtre de la mer, une vieille mais surtout fausse coutume oubliée des Hommes-Poissons, bénissant les nouveaux navires ou priant pour les autres qui devaient effectuer une traversée difficile ! Il ne roulait pas sur l’or, mais il parvenait à en vivre ! Mais là ! Aucun habitant ou presque ne prenait la mer ! Et les marchands qui faisaient escale n’avaient pas besoin de ses services !

Zrosh était irrité, mais aussi affamé. Et en manque.

Rien n’allait.


C’est une épreuve. C’est une épreuve !


Sur ses mots, il continuait de tracer sa route. Quand soudain, enfin, le prochain village qu’il espérait se montra à l’horizon ! Et la mer aussi !

Le bouc allait attendre encore un peu plus. Il avait avant tout besoin de se jeter dans les infinités bleues puis noires ! Il avait besoin de ressentir les aquosités salées sourdre timidement au travers de ses vêtements avant d’envahir ses branchies !

Il avait besoin de retourner dans son milieu naturel. Cela lui ferait le plus grand bien !


Dernière édition par Zrosh Ryleh le Lun 29 Aoû 2022 - 22:23, édité 2 fois
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Une demi-heure plus tard, il s’était jeté dans la mer, tout habillé. Le sel marin imbiberait pendant encore quelques temps les fibres de ses vêtements, rendant supportable leur contact avec le mucus sécrété par sa peau visqueuse. Il l’imbiberait juste assez avant de les laisser sécher pour éviter qu’ils ne moisissent. Ses frusques n’avaient pas besoin de cela. Il avait précautionneusement fermé et enfoui son sac miteux dans le sable grossier de la plage qui bordait le village.

Il se laissait porter par le courant entre deux eaux, en tentant de faire abstraction de tout le reste. Il appréciait ce moment où il ne faisait qu’un avec son milieu naturel. Il lui semblait même regagner des forces !

Et puis … sa faim le rappela à l’ordre. Se prélasser était un mal nécessaire. Soigner la douleur psychologique l’était tout autant. S’il venait d’en soulager une bonne partie, il se rappela qu’il n’aurait rien eu contre une petite méditation. Ces deux appétits l’obligèrent à rouvrir les yeux et à reprendre ses recherches.

Par delà la surface de l’eau, même à quelques mètres de profondeur, le soleil parvenait encore à jusqu’à lui et il s’aperçut qu’il avait dépassé son zénith depuis bien longtemps. Depuis combien de temps s’était-il laissé aller dans cette transe ? Bien trop, visiblement.

Il regagna donc la plage, déterra ses affaires, s’assura qu’elles étaient intactes et au complet puis se dirigea vers le village. L’après-midi touchant largement à sa fin, les paysans rentraient chez eux non sans le regarder aussi suspicieusement qu’il les haïssait viscéralement.
Mais il n’en montra rien. Et puis de toute façon, personne ne lui offrirait l’hospitalité …

Les dogmes de son culte lui interdisait de consommer toute forme de vie provenant de la mer, donc il n’allait pas pêcher.

Il ne restait plus que les bêtes des noyés fermiers. De plus, il pourrait faire d’une pierre deux coups en sacrifiant l’animal au nom des Roi des Mers. Il prélèverait juste assez de viande pour lui, et jetterait le reste à la mer après une petite cérémonie !

Oui, c’était décidé, il allait faire ça !

Il s’éloigna donc du village et tel un loup, il se mit à rôder près des pâturages un peu plus loin. Malheureusement pour lui, beaucoup de troupeaux étaient rentrés aux étables près des fermes habitées. Quelques prés avaient bien de petites constructions dans lesquelles les bêtes étaient massées, mais s’approcher d’elles serait risqué : elles se mettraient à mugir, à beugler, à meugler, et leurs propriétaires seraient alertés de sa présence. Ce à quoi ils viendraient s’en enquérir une arme au poing. Il pourrait très bien écraser ces êtres inférieurs, mais il voulait se faire discret. Du moins, ne pas faire de vague, même s’il rêvait que la mer engloutît ces maudites terres.

Le soleil allait atteindre l’horizon. Il fallait qu’il se dépêchât. Les couleurs commençaient à disparaître au profit d’un camaïeu très sombre mais les formes persistaient encore.



Et puis … Au loin, juste derrière la colline, un bêlement retentit. Un bêlement contrarié, presque furieux s’il n’était pas intimidé. D’autres, visiblement écartés de quelques mètres, lui répondirent d’un ton moqueur.

Zrosh coupa à travers le bosquet d’un pas décidé. La fraîcheur de la soirée commençait à s’installer mais il quitta tout de même son pardessus et sa couleur pour faire sécher son pagne.

Arrivé au dernier buisson, il déposa délicatement ses affaires au sol et plissa les yeux en tentant de scruter par delà la barrière du pré. S’il devait frapper, autant être libre de ses mouvements et discret. Aussi, il tira au clair sa dague rituelle.

Il distingua d’abord une masse, un troupeau blanc, réuni dans une autre masse, mais angulaire celle-ci, leur étable de fortune. Il lui fallut quelques secondes de plus pour discerner une autre présence, isolée à gauche, qui se découpait à peine du décor. Une petite chèvre noire ! Il comprit aussitôt ce qu’il avait entendu quelques minutes auparavant : le racisme sévissait même au sein du règne caprin ! Elle aussi voulait s’inviter dans la masse pour profiter de la chaleur de ses frères et sœurs !
S’il eut un instant de peine pour elle, il se dit qu’il ne ferait qu’abréger ses souffrances.

Oui ! Elle ferait parfaitement l’affaire !

Et puis ses yeux commencèrent à le piquer. Il les ferma et s’ébroua, comme si cela allait chasser la fine poussière qui pensait s’être logée sur sa cornée. Mais quelques secondes encore plus tard, l’effet revint. Il en conclut qu’il avait trop tenté de détailler ce qu’il voyait. Il fallait bien avouer qu’il avait passé nombre d’années dans les pires bauges à apprendre à lire les ponéglyphes à la seule lueur d’une bougie téméraire pour ne pas attirer l’attention.

Le repos allait être de mise, mais pas le ventre vide. Il pouvait assouvir un de ses appétits, il n’allait certainement pas se gêner !

Alors discrètement, mais en allongeant le pas, il s’approcha du champ où se reposaient les chèvres …
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Sauf que.

Sauf que quelques foulées plus tard, la “poussière” revint une nouvelle fois. Et à cette espèce de sentiment écoeurant -un mélange de couleurs trop criardes qu’il pouvait goûter du fond de la gorge- qui semblait jaillir de son cerveau pour couler jusqu’à son cœur, il comprit.

Il comprit que ce n’était pas une poussière, ni la fatigue oculaire.
Il comprit que c’était une paillette, et qu’elle serait suivie de plein d’autres.
Il comprit qu’il allait être frappé par un retour d’acide, conséquence et effet indésirable de ses méditations psychotropiques à base de varechalm.
Il comprit qu’il ne pourrait rien y faire. Pourtant, il s’éloigna de quelques pas vifs. En vain, mais il n’en avait plus rien à faire puisqu’il venait de décrocher le ticket doré pour le merveilleux pays magique !

Comme un gamin, ou un ressort comprimé, il se mit à trembler tout en se tassant sur lui-même, accroupi, son derrière touchant presque le sol. Puis la pression se relâcha soudainement et il exulta sa joie et son trop-plein d’énergie dans un sourire béat et naïf.


Où j’en étais ? … Hm … Ah mais ouiiiii~ ! La chèèèèvre~ !


Il franchit la barrière du pré sous les bêlements mi-inquiets, mi-menaçant des caprins blancs. Noiraude -parce que tel était le nom que lui avait donné son propriétaire- se demandait encore ce qu’il se passait. Quand les premières s’aperçurent qu’il n’en avait pas après elles, elles se calmèrent mais se délectèrent du spectacle. Parfois, l’une d’entre elles émettait un bêlement moqueur.

Zrosh attrapa Noiraude par la peau du dos. Elle bêla son interrogation et sa surprise, et Zrosh tourna sa tête vers elle.

— Et dire que je voulais te sacrifieeeer~ ! Mais t’es si joliiiiie~ !

Il la posa délicatement, elle tenta de fuir mais il la rattrapa … en lui pinçant une joue, plus l’autre.

— Gouzi gouzi ! Gouzi gouzi !

Il lui parlait bêtement comme certains adultes gagas s’adressaient à un enfant, tout en remuant ses joues au rythme de ses “gouzi gouzi”. Les commères caprines riaient désormais à bêlements déployés. Noiraude, peu satisfaite par cette attention dont elle ne voulait pas, et peu encline à se laisser faire, manifesta son mécontentement en se dégageant de son emprise et lui mordit la main avant de le regarder droit dans les yeux avec un air de défi.

— Hahahaïe ! Mais je ne suis pas de l’herbe, … euh …

Elle était dépitée : rien n’y faisait.

Le ton de l’Homme-Seiche était absurdement naïf et puéril. Il s’accroupit à côté de elle, perdu dans ses pensées -certainement folles et incohérentes. A mesure qu’elle tentait de lui échapper, il la rattrapait. A l’horizon, le soleil rougissait. Il allait bientôt se coucher.

— Rath ! Rath, la chèvre joufflue ! Voilà ! Maintenant, tu t’appelles Rath !

Nouvelle tentative, nouvel échec. Une nouvelle session de “gouzi gouzi” débuta.

— Gouzi gouzi ! Gouzi gouzi ! Gouzi gou-quoi ?!

Alors qu’il passait son temps à la malmener, le soleil flamboyant de rouge se refléta dans les yeux de Rath.

Ce Zrosh ignorait pourquoi, mais il savait qu’elle était l'Élue !

La récréation touchait à sa fin, mais d’autres ailleurs merveilleux l’attendaient, il en était persuadé ! Alors il décida de l’embarquer avec lui, et pour cela, il la déposa sur son épaule.

Résignée, Noiraude -ou plutôt désormais Rath- abandonna l’idée de se faire la belle. Un peu comme si, parias de leur société, ils se comprenaient. Parfois, elle essayait de l’encorner ou de grignoter ses affaires, mais dans cet état, cela faisait rire le fanatique en manque.
Au retour à son état normal, la surprise allait être grande ! Mais ça aussi, l’ignorait.

Bien que …


Bien qu’il savait qu’ “Au troisième couchant, l’engeance du bouc aux yeux rouges [l’attendait] dans le désert verdoyant de l’ouest”.
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