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Une rencontre fortuite [Flashback 1620] FT. Lydia

Widdershins
Ash

Où tout commence

Une rencontre fortuite[Flashback 1620]




Des bruissements d’écrous vissés, des martèlements sur des plaques de métal chauffées au rouge raisonnaient dans l’atelier de notre maître. Nous étions affairées toutes les deux à la construction d’une commande. Tandis qu’elle s’occupait des objets qui demandaient un détail particulier, nous nous chargions de la charpente métallique. Voilà dix ans que nous étions à son service. Au départ, elle nous avait donné des menus exercices à réaliser, histoire de nous tester dans nos connaissances. Mais désormais, en plus du savoir qu’elle nous transmettait, nous prenions une part conséquente dans son activité.

Mais nous allions devoir abandonner momentanément ce squelette d’invention, mon maître et nous attendons des pièces importantes par bateau marchand et elles doivent arriver dans l’heure. Notre ordre était donc d’aller les récupérer et de les ramener. Après avoir serré un dernier boulon, nous soufflâmes et essuyâmes notre front à l’aide d’un chiffon. Nous épongeâmes une tache d’huile sur nos mains et enlevions notre bleu de travail afin de prendre l’air à la suite de deux bonnes heures de boulot.

Le vent frais sur notre visage nous fit l’effet d’un renouveau. Bien, direction le port ! Voilà un moment que nous ne nous y étions pas rendue. Trop longtemps, nous réalisâmes. Cela nous manquait, mais entre les cours d’arts martiaux et les inventions avec le maître, nous ne trouvions plus le temps pour grand-chose. La ville était animée, le jour du marché battait son plein. Des chalands s’attardaient ça et là, attiré par les cris des commerçants ou simplement par curiosité.

Passant à côté d’un maraîcher, nous prîmes le temps de regarder son étale et finîmes par jeter notre dévolu sur quelques légumes pour le plat de ce soir. Sûrement du riz en garniture. Les mains dans les poches de notre veste, nous sifflotions pour accompagner la beauté du temps en appréciant l’instant.

Sur les docks, la vie maritime suivait son cours. Des matelots inspectaient leur bateau en préparation de la prochaine expédition, d’autres déchargeaient leur cargaison et puis il y avait les chalands qui se promenaient. Guignant sur l’horloge en peu plus loin, nous constatâmes qu’il nous restait un bon moment avant l’arrivée de nos effets mécaniques. Et si nous allions nous en jeter un petit pour patienter ? Suivant nos pas, ils nous guidèrent vers une taverne que nous connaissions bien. Le Violon Rieur, un nom plutôt intéressant en vérité parce qu’il n’y a plus de violon dans ce taudis depuis belle lurette.

En passant les portes, l’ambiance familière nous ramena une poignée d’années en arrière à l’époque où nous avions un peu plus d’amis à fréquenter. Quand la patronne nous avisa enfin, un large sourire naquit sur ses lèvres.

—Et ben ça, si on m’avait dit que tu viendrais. Regardez-moi ce que la houle nous amène là, plaisanta-t-elle abondamment en nous pointant du doigt pour nous faire devenir le centre de l’attention.

Beaucoup de têtes nous étaient inconnues, évidemment il devait s’agir de marins de passage, mais nous en remettions par trop.

— Attends, attends, ça ne fait pas non plus dix ans que nous n’avons pas foutus les pieds dans ton buis-buis, nous surenchérîmes, une joie apparente sur notre visage. Ou alors, nous étions tellement absorbée que nous n’avons pas vu le temps passé.
— Viens t’asseoir, andouille, à la place de raconter des bêtises. Qu’est-ce que je te sers ?

Alors que nous nous approchions du comptoir, nous fîmes des poignées de main et des saluts aux chaleureux qui nous reconnaissaient.

— Un Blueberry, un truc léger, nous avons encore du travail important.
— Et bien, quel sérieux, ton père doit être fier de toi, ton maître aussi.
— Nous faisons tout pour en tout cas. Nous lui avons fait la promesse il y a dix ans. Et nous n’avons qu’une parole.
— C’est tout à ton honneur. Bon en attendant, qu’est-ce qui t’amène ici. Ce n’est pas le vent si je comprends bien.
— Non, en effet. Nous devons récupérer une cargaison dans l’heure. Des pièces pour une commande passée auprès du maître.

Sirotant le breuvage qu’elle nous avait servi, nous continuâmes à discuter avec entrain, les coudres contre le comptoir, avec plusieurs connaissances que nous n’avions plus revues depuis un moment. Nous soupirions d’aise. Il y a pire comme situation pour passer le temps, nous nous disions.

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Depuis la sortie des tonneaux qui leur avait servi de cachette afin de s’exfiltrer loin de leur massacre, Jamâl avait une allure de coq peu subtil. Il se pavanait presque, à sa manière silencieuse et ce malgré le manque de public.
Il sourit et elle en fit de même en retour, heureuse de simplement le percevoir si fier de lui. Leur mission, malgré sa grande difficulté, avait été un succès frisant le total. En grande partie grâce à lui et lui seul, chacun d’eux le savait. Pour une rare fois, elle ne pouvait pas non plus lui reprocher le moindre décès inutile. Tous ceux devenus moribonds grâce à leurs menottes entrainées l’avaient grandement mérité.

L’une de ses mains se porta soudainement vers sa joue. Le bout de deux de ses doigts vint par la suite doucement se faire picoter par la barbe naissante de son frère, essuyant paisiblement un micro résidu de tâche de sang mal effacée.
Sous le toucher tendre, l’air heureux s’effaça hélas du faciès aimé. Guère à cause du dit geste cependant.
« Ressers ton écharpe. » Dit-il avec un peu de mépris, le regard fixé sur celle qui finissait de le débarbouiller.
Elle hocha la tête. On doit voir mes bleus. Navrée d’avoir raté ce détail et terni involontairement la joie de son jumeau, la cipher pol obéit après une légère caresse de plus,

« Le bateau part dans trois heures, n’est-ce pas ? » S’enquit-il ensuite, une fois satisfait du résultat.
« Quatre. Nous sommes allés plus rapidement que prévu. » Lui rappela-t-elle doucement. Il suffit de si peu parfois pour faire re-pétiller tes yeux.
« Je t’y rejoindrai à l’heure. » Conclut-il.
D’une légère angoisse, courtement, son coeur à elle ne sut plus trop comment faire pour battre paisiblement. Se séparer ne faisait pas partie de leur plan initial, et leur rapport serait à faire plus tard. Ailleurs. Le fils Levi n’avait donc aucune raison d’ainsi se carapater.

« Tu es blessé.
_ Je ne compte pas provoquer de bagarre. » Gronda l’aîné des deux.
Loin d’être bête, le jeune homme savait très bien ce qui inquiétait sa soeur, même si les raisons qu’il lui prêtait n’étaient sans doute pas les bonnes.
Il ne parut en tout cas rien souhaiter spécifier d’autre ; pas même suite à sa proposition d’aide tendre. Comme d’habitude, elle s'apprêta donc à se résoudre à devoir le laisser partir sans réponse claire.

Tenir son monstre de jumeau en laisse - surtout constante - était impossible, elle le savait déjà. Cela faisait après tout vingt-sept ans qu’ils se côtoyaient. Au moins n’a-t-il pas l’air d’avoir de tracas pour marcher.
Le filer n’était pas une option possible dans son état à elle, et elle le regretta. Il aurait peut-être au moins été possible de…

« Souris. » Ordonna-t-il tout d’un coup vivement, la coupant dans ses pensées et ramenant mécaniquement sur leurs lèvres à tous deux un air affable.
Il fallut par contre une seconde de plus à ses oreilles distraites à elle, afin de déterminer le pourquoi de l’ordre gentillet.

Lorsqu’ils passèrent à leur côté, de nouveaux marchands sur leur carriole purent s’amuser du couple de lanceurs de couteaux qui se chamaillaient presque. Aucun d’eux ne paraissait d’accord sur la route à suivre dans le but de rentrer au port, suite visiblement à une balade matinale.
Les autochtones gracieusement interpellés servirent donc rapidement de faux arbitres dans cette querelle sans prétention. Et l’on indiqua gaiment aux deux tourtereaux qui n’en étaient pas vers où se diriger, même s’ils ne l’ignoraient guère et se séparèrent peu de temps après.

***

« Maman ! Maman ! L’eau elle est toute rouge, comme mes mains ! »
Le boulet de canon excité qui passa à un cheveu d’elle n’avait que huit ans. Peut-être neuf. Ou sept en fait. Quelle importance ?
L’assassin l’évita comme on esquive un adulte maladroit : grâce à un pas indifférent sur le côté. Et son attention se porta ailleurs ; vers les coins qui lui paraissaient les plus sûrs en cas de véritable grabuge. - Jamâl lui manquait déjà.

C’était étrange, vers la fin d’une mission, de retrouver le monde extérieur et sa réalité si… paisible. Le tout sans pouvoir encore réellement redevenir Lydia. C’était un peu comme contempler la lumière du soleil en face. Le tout après avoir passé des heures dans une cave noircie par de sales ténèbres. Sauf, qu’en plus, il y avait la crainte d’avoir laissé des traces de ses méfaits et celle de ne plus être sûre de savoir encore se comporter en un être humain normal qui n’était pas soi.
Vivre intensivement un temps baignée de sang et de coups ne rappelait en effet guère comment faire pour dire “Bonjour” à autrui sans lui donner l’impression de vouloir le buter lui aussi. Ou quelle était la meilleure façon de sourire au gamin intenable bien qu’innocent qui venait de la dépasser.

D’habitude, la présence de son frère aidait à l’entreprise. Ce, malgré (ou plutôt grâce) au fait qu’il se montrait toujours plus grognon et arrogant qu’un volatile têtu. Enfin. Nonobstant les rôles qu’ils devaient ici et là endosser, certaines choses ne changeaient fort heureusement jamais.
Les constantes que représentaient l’individu insortable qu’était son jumeau chéri et son caractère ingrat lui remémoraient donc aisément ses responsabilités. Les manies qu’elle pensait avoir oublié revenaient vitesse grand V ; tout pour éviter qu’un petit rien ne dérape aux alentours de son adelphe adoré. Sauf qu’aujourd’hui, là, tout de suite, il n’était pas là. Et Lydia s’en retrouvait fort gentiment déboussolée.

« Mais maman ! » Geignit le gosse que les jupons maternels avaient récupéré en un seul morceau.
La mère, visiblement tendrement fâchée, frottait maintenant avec fermeté les paumes de son fils, désireuse d’y faire disparaître les traces de… sang ? qui les ornaient. Oh bord…

Non. Il n’y avait sans doute rien de grave. L’inquiétude passagère de la cipher pol se désagrégea prestement. Si l’enfant avait touché un cadavre, au milieu de cette petite foule joyeuse, quelqu’un se serait sans doute déjà mis à crier. Ou à s’affoler. N’est-ce pas ? On aurait assisté à un mouvement de masse dans un sens ou un autre, au minimum.
Par sécurité cependant, la jeune femme fit, en flânant faussement, le trajet inverse du gamin. L’oeil alerte, à peu de pas de là, elle trouva heureusement rapidement la cause des marques plus ou moins rougeâtres. La petite trace de doigts percevable dans le mélange sanglant témoignait en effet qu’elle était arrivée au bon endroit.

Un pêcheur du dimanche s’était simplement servi d’un des nombreux coins du quai pour vider ses prises, comme cela arrivait parfois. Entrailles et hémoglobine mal effacées tachetaient donc la pierre pâle et débordaient sur le côté qui dégringolait vers la mer.
Contrairement à ce qu’avait affirmé le moujingue, l’eau n’avait fort heureusement rien de rouge. Tout au plus, les minuscules lames mousseuses qui venaient lécher le mur prenaient-elles de manière éphémère un léger reflet dans les tons marrons. Fausse alerte. L’étendue bleue faisait aisément sa propre toilette.

Elle fit demi-tour, ne sachant toujours trop où aller. Attendre Jamâl en rêvassant et en profitant de l’air frais salé était une option presque acceptable. Sa couverture le ferait sans doute avec plaisir. Normalement. Ou peut-être pas.
En tant que Lydia, elle allait de son côté sans doute terriblement s’ennuyer au bout d’un moment, une fois ses pensées triées. Imaginer cinquante scénarios d’attaque et de défense du port n’occuperait pas non plus quatre heures. Tenter de deviner la vie de chaque passant de même.

Se décider à plus ou moins s’asseoir sur une bite d’amarrage, non loin de son point de départ, lui permit en tout cas de re-entendre le duo mère-fils qui causait un peu trop fort.
En réaction au mot « Manger », prononcé tout à coup par la voix innocente du plus jeune, son ventre à elle se mit à gargouiller.

Oh...

***

C’était, pour le coup, finalement une possibilité satisfaisante. Tout le monde avait besoin de se repaitre parfois, identité fausse ou pas. Le Violon Rieur avait, en plus, pile l’air d’être le genre de bouge que Kana, jeune lanceuse de couteaux en duo, pouvait se payer une fois de temps en temps.
Propret sans être magnifique, simple, l’endroit avait l’air sympathique. Et bien tenu : en témoignait le nombre de personnes disparates (quoique peu intrigantes) présentes lorsqu’elle en passa l’entrée. Regroupés par petits groupes plus ou moins bruyants ou en solitaire, ces inconnus paraissaient tous peu malheureux de se trouver là.

« La lourde. »
Grommela peu fort, mais à son attention, une voix au milieu du brouhaha ambiant.
Il fallut quelques courtes secondes à Lydia pour comprendre que ce n’était pas une insulte. Les propos suivants du grognon, insistant sur le fait que si on était dedans ce n’était pas pour être dehors, l’aidèrent aussi à entendre qu’on attendait d’elle qu’elle ferma mieux la porte qu’elle venait de passer.
Un hochement de tête le plus guilleret possible fut offert en guise d’excuse au vieux ronchon, suivi par l’acte demandé. D’après sa courte expérience, de grincheux gardiens de seuil presque jamais contents étaient sans doute présents sur chaque île existante. Et plus particulièrement, il en existerait un exemplaire dans toutes les tavernes du monde. Nota-t-elle en s’en amusant doucement.

Ignorant toute autre réclamation que pouvait avoir le chonchon, la demoiselle se chercha ensuite une place. Des jeunes en tenue de sortie, de moins jeunes en habit de travail, d’autres en fripes indéterminées, occupaient presque tous les bancs et tabourets disponibles.
Le gosse et sa mère, arrivés cinq minutes avant elle, s’étaient, eux, offerts le luxe de prendre deux sièges intéressants. Ils y dégustaient à présent un ragoût liquide qui avait l’air fort appétant. Du moins vu le regard radieux du petit, et les efforts démesurés de sa génitrice afin de retrousser ses manches à lui sans l’empêcher un instant de se servir de sa cuillère.

Elle les avait suivis. Ce n’était sans doute pas très sain, mais elle les avait traqués comme elle l’aurait fait pour une proie à éliminer. Sans aucune pensée meurtrière, bien entendu, mais tout de même. C’était dire à quel point elle n’avait su que faire exactement.
L’activité avait été aisée ; ni le chérubin ni la matriarche, malgré leur avance, n’étaient Jamâl. Et si ses multiples bleus auraient été un frein en temps normal, ils ne l’avaient pas tant importunée ici. Tout du mieux, ce pseudo pistage aurait-il pu être comparé à une séquence de lèche-vitrines peu intensive. Un truc à la limite du frustrant.

Comme de ne pas trouver, en un coup d’oeil à la ronde, un tabouret pas si mal placé disponible. Peut-être aurait-elle dû se contenter de se restaurer auprès d’un vendeur de douceurs ambulant...

***

Finalement assise à un coin du bar, l’une des pires positions possibles à son goût, la cipher pol apaisait les affres de son ventre affamé. Le ragoût n’était pas franchement fameux, mais cela se mangeait. Le chef des cuisines familiales ferait sans nul doute une syncope si un tel met était cependant servi à leur table ; ça manquait d’épices fines, de poivre rare et de viande d’une telle qualité qu’elle fondait toute seule.
Mais vagabonder avec Jamâl avait appris à la riche descendante à ne pas trop faire la difficile. Un quignon de pain comblait, après tout, tout aussi bien la faim qu’un canard délicieusement laqué. Enfin. Généralement.

Même si elle ne vivait pas pour manger, les saveurs manquantes du plat lui remémoraient qu’elle était tout de même pressée de s’en aller d’ici. Pourquoi pas direction la maison.
Plus que trois heures et des broquilles. Se réconforta-t-elle doucement, en avalant une nouvelle bouchée. Plus que trois heures et ils seraient en route vers un ailleurs, avant de pouvoir prendre une pause bien méritée. Chez eux, si son jumeau le souhaitait.

Peut-être verra-t-on Ethan. Penser à son petit frère ramena comme parfois sur son visage un brin de tendresse, en plus de la fausse légère bonhomie déjà visible. Elle se retint de tapoter la poche sur son coeur, afin de vérifier un peu plus si le présent a acheté en ville, pour son amour de benjamin, était toujours en place.
Le petit bonhomme aux muscles surdéveloppés (taillé dans du bois) pesait assez son poids pour qu’elle soit déjà sûre qu’il n’avait point bougé depuis qu’elle l’y avait glissé.

***

La salle principale de la taverne était toujours fort animée lorsqu’elle termina son plat. Repoussant l’écuelle, la donzelle s’accouda sans trop de manières au bar après avoir vérifié que sa mise couvrait toujours bien ses marques.
Même si elle n’était pas installée contre un mur, ou à un endroit autre lui permettant de percevoir tous les présents d’un seul coup d'œil, au moins n’était-elle pas totalement dos à ces inconnus. Prenant l’excuse d’une rêvasserie liée à la digestion, elle tourna donc son menton confortablement posé dans leur direction, le temps de rasséréner davantage encore sa curiosité quant aux environs.

« Je suis désolée. » Faisait la matrone aubergiste à l’un de ses clients, accompagnant ses excuses de gestes amples. « Nous n’avons plus de coca. »
Une cuillère grinça dans un bol trop vide, vers la gauche.
« Maman, il… » La suite des paroles du gosse de tout à l’heure se firent brusquement inaudibles, bouffées par le bruit ambiant si le gamin ne s’était pas simplement guère mis à moins gueuler, obéissant à un ordre maternel muet.
Un jeune homme grimaçait en levant les mains, l’air désireux de repousser les dires de la personne en face de lui.
« … La dernière ? Il a bossé trois jours durant dans le noir complet. Cet idiot avait… » Une femme couverte de tâches de son échangeait des potins avec d’autres jeunes âmes. Elle paraissait rieuse, complètement détendue. Se penchait de temps en temps vers une de ses compagnes aux cheveux rouges. D’autres encore dialoguaient entre elles, plus loin. Des tabourets raclaient parfois le sol, indiquant sans doute des départs.
De son côté, la vieille bourrique ronchonneuse ne s’était pas encore éclipsée. Un panier posé sur la table, un peu sur le côté, indiquait pourtant qu’elle devait avoir à faire. Mais quelqu’un avait sorti un jeu d’osselets et l’homme s’y était laissé entraîner.
« Deux bières ? Je vais vous chercher ça dans un instant. Comment veux-tu… »

Vraiment, peu de risques que ce soit un repaire de brigands bien éduqués. Marmonna l’étrangère mentalement, peut-être un peu déçue de ce fait. Non qu’elle espérait une nouvelle bagarre ou que quelqu’un tenta de la maitriser par derrière, à présent qu’elle avait terminé de se sustenter. Elle n’était point en état pour combattre encore contre des spécialistes en arts martiaux dérangés.
Mais le lieu manquait de peps, nonobstant le nombre de tables occupées. Et de dangers, même à la limite du ridicule. Tout au plus risquait-elle ici, si elle ne se trompait pas, de prendre une chope mal tenue sur le pied. Ou encore d’assister à une petite dispute sans intérêt autour d’un jeu rempli de tricheries. On avait vu vachement mieux niveau distractions ou adrénaline possible. C’était calme et civilisé, quoi. Un poil toujours trop encore pour elle, malgré le haut niveau sonore qui régnait.

Un mouvement provenant de l’arrière-salle proche attira son attention, tandis qu’elle pesait les pours et les contres de filer se promener. Le tavernier tentait de se faire percevoir par l’oeil de sa dame affairée.
Les froufrous des jupons de cette dernière répondirent finalement à cette requête silencieux, et la matrone se rendit auprès de lui. On les vit disparaître dans les cuisines cachées, sans doute dans le but de régler une affaire d’intendance. Ou pas totalement.

***

Lorsqu’elle revint, seule et quelques minutes plus tard, l’hôtesse avait les lippes pâlottes sous son hâle naturel. Tenant entre ses mains calleuses deux pintes, elle les posa devant les hommes qui les avaient commandées avec un peu moins de grâce qu’habituellement.
À la voir se comporter si étrangement, certains habitués baissèrent temporairement un peu le son. L’un d’eux, une jeune femme, membre du petit groupe d’Ashlinn, passa prestement une commande à la volée. Peut-être afin de tenter de la distraire de son problème quelconque. Hélas, cela ne fonctionna guère.

« Nous n’avons plus de bière. » Dut en réponse déglutir à voix haute la maîtresse des lieux. « Et presque plus de vin non plus. »
Entre ça, l’absence de coca et la bouille de plus en plus défaite de la tavernière, quelque chose ne tournait clairement pas rond au Violon Rieur aujourd’hui. Et le silence fut, une seconde ou deux, presque parfait le temps que l’information soit comprise par tous ceux qui l’avaient écoutée.

***

« Vos boites ! »
Gronda le ronchon gardien de seuil bénévole. Sa voix, soudainement forte, ramena un semblant de calme au sein des groupes des autres clients inquiets, mécontents ou curieux. Les chalands s’étaient en effet tous ou presque remis à parler en même temps.
Quelques-uns continuèrent cependant à bavarder, ou à transmettre à leurs voisins bouchés le fait qu’il n’y avait plus rien d'intéressant à boire. Le vieux les invita à se taire aussi, en tapant sur la table de son panier. Les osselets devant lui en voletèrent.

A-t-il des briques dedans ? Gloussa une Lydia un peu intriguée. Le tracas rencontré par les aubergistes ne paraissait pas en être un dans son esprit. Les oublis de livraison devaient être monnaie cour…
« Mais n’aviez-vous pas reçu de nouveaux tonneaux hier ? » Un courageux adulte brava l’interdit de parler du vieillard. La tavernière sembla tituber, quand elle hocha la tête en retour. Ah. Bon. Finalement, elle n’avait rien songé.

On entendit à nouveau brièvement presque une des seules mouches de la salle tournoyer.
« … Maman, j’ai encore faim. Je peux avoir un gâteau.
_ Tout à l’heure, mon cœur.
_ Merian, tu vas chercher la marine. Juste au cas où. » Adjura finalement le vieux à voix haute.
« Cristie, si tu ne bouges pas ton derrière afin de laisser notre amie s’asseoir, tes oreilles vont devenir rouges. Et laissez-la respirer, bougres de couillons ! »

Il ne fallut pas longtemps aux deux nommés pour réagir aux injonctions. Mais ils ne furent malheureusement pas les seuls : un trio de jeunes garçons tenta de s’éclipser avec Merian. Le panier, ce menaçant panier, s'abattit alors une énième fois violemment sur la surface en bois qui normalement le soutenait.
Habitués aux mauvaises promesses qu’il représentait, les garçons s'assirent adonc sagement sur le champ. Personne d’autre que le premier appelé ne sortirait. Et ce tant que le seuil serait sous la houlette du ronchon prêt à chanter goguettes à quiconque s’y essayerait. Ce dernier y veillerait.

« La marine voudra p’tre vous parler. Pas bouger. » Grogna-t-il, les sourcils froncés.
Sans doute pas en vérité. Bailla Lydia. Si ce n’est qu’une simple erreur de livraison de produits différents. Ils seraient tous libérés au maximum cinq minutes après l’arrivée des soldats.

« Est-ce que nous avons été empoisonnés ? C’est pour ça que vous dites ne plus rien avoir ? » S’enquit finalement une petite voix angoissée jamais entendue jusque-là.
« Mais où tu vas chercher des inepties grosses comme toi ? » Pesta en retour le chevalier de ces dames et de ces lieux.
« Rends-toi plutôt utile. Et vous aussi, là, jeunes filles. » Rajouta-t-il, en désignant un potentiel groupe d’amies qui n’avait pas réellement pipé mot. C’était celui, un peu hétéroclite, de la demoiselle qui avait tenté d’obtenir une nouvelle bière. « Prenez les commandes et allez donc voir en cuisine si on y est. »

Il n’était pas véritablement question de renvoyer la gente féminine à la place que certains considéraient la sienne ; l’ancien ne mangeait pas de ce pain-là.
Il souhaitait juste, maladroitement, occuper les mains d’une partie des âmes pour lesquelles il pouvait s’inquiéter. Les empêcher de trop réfléchir en leur demandant des efforts physiques, le temps que la situation soit débloquée par plus experts que lui.

Mirant les premières donzelles obéir lentement aux nouveaux ordres du papi, la cipher pol résista à la tentation de se joindre directement à elles. Si visiter l’arrière-boutique pouvait s’avérer intéressant - cela occuperait un peu -, elle manquait visiblement d’informations pour entendre pourquoi certains tiraient une tête d’enterrement. Hors la meilleure manière de les obtenir était sans nul doute de continuer à laisser traîner ses oreilles.
Une fois encore, les erreurs de livraison n’étaient pas synonymes de morts imminentes, n’est-ce pas ? Et s’il y avait véritablement eu du poison, le début des symptômes se serait déjà montré, au moins chez les plus fragiles. Hors l’enfant du port - qui avait consommé un coca, si elle ne se trompait pas - se portait de visu comme un charme. À l’instar des plus âgés qui ne s’étaient sans nul doute pas contentés d’une boisson non alcoolisée.

La réponse à ses interrogations lui fut offerte sur un plateau, tandis que commençait réellement le ballet des serveuses d’un jour. Sous l’afflux de questions posées par des timbres doux, la pauvre aubergiste avoua finalement quelques détails de plus sur la situation.
« Tous les tonneaux ont… ont disparu, sans exception.
_ Même ceux que vous réserviez pour la marine et l’école de… ? Oh. Merde ! »

Finalement, on ne sera peut-être pas sortis de l’auberge à temps. Nota mentalement Lydia. Il allait en conséquence falloir trouver par où s’esquiver, juste au cas où. Hors de question que ce petit drame, qui ne la concernait point, puisse en effet la priver de la possibilité de profiter de son benjamin le plus longtemps possible. Ou de rejoindre Jamâl à l’heure. Celui-ci risquerait sinon de s’agacer un peu trop.
En attendant le départ par contre, une enquête du genre ne se refusait guère. C’était même pile ce qu’il lui fallait pour tenter de se distraire et se remettre parfaitement dans la peau de Kana. Sans se faire reconnaître. Surtout par des marins. Se défia-t-elle toute seule, comme pour se donner un autre but à atteindre, bien plus intéressant que de retrouver les biens perdus, car personnel.

Un coup d’oeil de plus fut jeté aux membres du groupe de la fille aux cheveux rouges qui s’activaient encore dans la salle. Nonchalamment, elle se laissa glisser hors de son tabouret alors qu’un autre de ces personnels non qualifiés sortait des parties privées les bras chargés.

« Laissez-moi vous aider. » L’enjoignit-elle doucement en tendant ses mains, l’air presque de rien. « Pour quelle table c’est ? »
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