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Œil pour Œil...



Œil pour Œil


Flashback 1628
✘ Quête La Loi du Talion ~ Partie 1




La lumière qui perçait au travers des fenêtres, le chant des oiseaux matinaux, les clapotis de l’eau sous les sauts des poissons, le sifflement du vent dans les cimes et les bruissements des feuilles. Je me réveillais, bien reposé, dans ma chambre de ma maison ambulante. Je grommelais en me relevant en position assise, les ecchymoses de mon dernier combat encore bien présentes. Il faut dire que ma course poursuite avait été éprouvante, particulièrement l’affrontement contre le Colonel Jimenez qui, aussi résistant que de l’acier, n’avait pas été simple à repousser. Mais, à présent, tout allait bien. Grâce aux bêtes sauvages de la forêt, les troupes de la Marine lancées à ma recherche avaient été tenues à distance suffisamment longtemps pour me permettre de déplacer la maison biscornue jusqu’à une autre plaine dissimulée. Plus enfoncé dans le Mont Corvo, j’avais trouvé cet endroit bucolique au bord d’un petit étang, habité par de nombreux poissons.

Je me levais en baillant, gagnant le bar du rez-de-chaussée pour me préparer mon café du matin avant de remonter jusqu’à la chambre d’ami au second étage qui donnait sur le balcon. Je pris place dans ma chaise longue, m’allumant une des rares cigarettes que je fumais quotidiennement. Depuis que j’avais commencé mon aventure dans cette maison biscornue sur le dos de Borat, c’était devenu mon rituel du matin. Et, à présent qu’il s’était joint à moi, le petit chat noir Morpheo me rejoignait tout les matins en se lovant près de moi. J’admirais le paysage, alternant entre ma tasse de café et les volutes de fumée de ma cigarette. Pour une fois, Borat ne s’était pas enterré, le coin étant plus tranquille que le dernier en termes de prédateurs. Et sa taille imposante suffisait à faire fuir les quelques curieux qui s’approchaient du point d’eau. Allongé, ses pattes sous lui, le Grand Roi Cochon ronflait bruyamment dans un sommeil profond. La veille, j’avais découvert une pommeraie non loin et avais offert à mon ami pachydermique un repas de roi. La digestion aidant, l’immense cochon était partit pour une longue sieste.

Momo quitta le confort de mes jambes pour bondir sur la rambarde, puis sur le toit jusqu’à descendre au pied de la maison grâce à son agilité féline remarquable. Le chat se frotta plusieurs fois contre la tête endormie de Borat puis, n’arrivant pas à réveiller son ami, il partit au bord de l’étang pour observer les poissons, aventurant parfois sa patte dans l’eau pour tenter de les attraper. De mon côté, je finissais ma cigarette et mon café, repartant dans la maison pour faire mes ablutions quotidiennes.

Cela faisait déjà trois jours depuis le vol de la charrette remplie d’alcool, et c’était aujourd’hui que j’étais censé retrouver Jack à son bar. Sa part de la marchandise était à l’extérieur de ma maison, placée sur des planches et recouverte d’une bâche. Le tavernier ne connaissant pas ma planque, je devais le retrouver dans la basse ville avant de le mener jusqu’ici pour qu’il puisse embarquer sa part du butin. J’enfilais alors mes vêtements décontractés habituels, mon sweat à capuche, un pantacourt cargo noir pourvu de nombreuses poches, des baskets et ma casquette. Je me savais recherché et, dans le cas où je serais reconnu, j’embarquais avec moi quelques objets peu encombrants mais fort pratique.

Je quittais alors la maison, descendant au sol en glissant sur l’oreille de Borat comme si c’était un toboggan, ce dernier grognant légèrement dans son sommeil. Le petit chat noir vint alors se planter devant moi, me fixant intensément de ses yeux jaunes sauvages.

~ Meoow ? ~ fit-il en s’approchant, posant une patte sur mon pied en levant son regard vers moi.

« Non mon pote, pas aujourd’hui. Restes ici avec Borat, t’es chargé de sa protection et de celle de la maison, ça marche ? » lui dis-je en m’accroupissant, caressant sa tête gentiment.

Morpheo me répondit en fermant doucement les yeux de contentement, me donnant apparemment l’autorisation de partir sans lui, de ce que je comprenais en tout cas. Quittant alors les abords de la clairière, je m’enfonçais dans la forêt, m’arrêtant toutes les deux minutes pour m’assurer que j’étais sur la bonne route. Je n’avais pas un très bon sens de l’orientation mais, heureusement pour moi, j’avais repéré les lieux ces derniers jours et je savais à peu près quelle direction suivre pour atteindre le Grey Terminal. Cependant, n’ayant pas pu marquer le chemin de peur d’être pisté trop facilement par mes poursuivants de la Marine, je me perdis plusieurs fois avant de retrouver le chemin. Au sein du Mont Corvo, j’étais relativement à l’abri, les soldats n’étant clairement pas les bienvenus, autant pour les animaux sauvages que pour les réfugiés de la Révolte de Goa de 1625.

À l’approche de l’orée du Grey Terminal, je dus me cacher en grimpant sur la branche d’un arbre, une patrouille de soldats ne passant pas très loin de là. Je ne savais pas s’ils me recherchaient ou si c’était là une simple patrouille de routine. De plus, je m’étais servis d’un bandana pour me camoufler lors de mon larcin trois jours plus tôt, mais je préférais être prudent. Ainsi, j’attendis perché sur ma branche à les observer passer puis s’éloigner avant d’en descendre. La distance était assez grande jusqu’à Goa et j’avais plus de chances de croiser des patrouilles en me déplaçant à pieds. Enfin, tout cela était surtout une excuse pour tester cet objet que j’avais dans ma poche.

« Ce marchand était louche de toute façon, à tout les coups ça fonctionne pas son truc. » me dis-je à moi-même en sortant l’objet d’une poche de mon pantacourt.

On aurait dit une toute petite flûte, ou bien un long sifflet métallique. Selon les dires du marchand louche que j’avais rencontré près d’une semaine plus tôt, c’était un appeau capable d’attirer tout animal dans les parages pouvant servir de monture. Rien que la description était étrange, attirer un animal en particulier j’aurais compris, mais là c’en était presque magique. Amenant l’instrument à mes lèvres, je me mis à souffler fort dedans, aucun son ne parvenant à mes oreilles hormis celui de mon propre souffle.

« Ouais, j’me disais aussi. » soufflais-je, déçu.

Mais la déception fut de courte durée, des bruits de sabots résonnants déjà parmi les arbres, se rapprochant de plus en plus de ma position. Je balayais les environs du regard avant de l’apercevoir.  Ses sabots avaient ralentis leur galop, l’animal approchant désormais calmement en m’observant fixement. De longs bois d’un noir profond formaient une large couronne sur le sommet et les côtés de sa tête, une fourrure épaisse blanche seulement interrompue d’un cerclage de fourrure noire qui partait de son poitrail en entourant son corps, de longues et fines pattes se terminant en sabots. Un cerf, ou une espèce cousine bien plus noble et élégante. L’animal s’approcha jusqu’à s’arrêter à un mètre, baissant légèrement la tête en continuant de me fixer, comme pour m’inviter à le caresser.





« Je...je peux ? » dis-je surpris, commençant à approcher ma main de sa tête en observant ses réactions.

Aucun mouvement de recul, j’en conclus qu’il était d’accord et posais alors ma main entre ses bois d’ébène. Le cerf frotta sa tête contre ma main et se tourna alors de côté en me faisant quelques signes de tête. J’hésitais, comprenant ses intentions, mais toujours sous le choc que l’appeau ait fonctionné. L’animal était assez grand, presque autant qu’un cheval, mais beaucoup plus élancé et moins large. Je craignais que mon poids soi trop lourd pour lui, mais il semblait insister. Ainsi, je montais finalement sur son dos, non sans quelques inquiétudes, et le cerf majestueux ne broncha pas d’un poil. Il se contenta de tourner la tête vers moi, attendant visiblement quelque chose.

« Tu veux savoir par où aller, c’est ça ? » demandais-je, pointant alors un doigt dans la direction de Goa. « En avant toute ! » m’exclamais-je alors, comme un aventurier en quête d’un trésor.

Sur ces mots, les sabots du cerf grattèrent le sol avant qu’il ne s’élance d’un bond dans la direction indiquée. Pas le moins du monde gêné par mon poids, il fonçait à toute vitesse, atteignant en un rien de temps les terres brûlées du Grey Terminal. La cendre mêlée à la terre se soulevait en un petit nuage sur le passage du cerf. Je m’étais fermement accroché à sa fourrure, secoué par la vitesse et les bonds de la monture. Nous traversions ainsi cette zone désertique, entre les gravats et les montagnes de déchets, les rayons du soleil se reflétant sur la tôle froissée, vestiges des bidonvilles qui étaient là autrefois. Je ne comprenais toujours pas pourquoi cette zone n’avait pas été déblayée en trois ans.

Dès que j’apercevais des patrouilles de soldats au loin, j’indiquais une nouvelle direction à la magnifique créature. Juste devant moi, les bois d’ébène, aussi pointus que des lames, bougeaient de haut en bas au rythme de la course du cervidé. C’était vraiment un animal extraordinaire, tant par sa beauté que par ses prouesses physiques. Malgré mon mètre quatre-vingt, l’animal ne ralentissait pas et continuait sa course inlassablement. Sa vitesse était également impressionnante, surpassant probablement celle d’un étalon entraîné à la course.

Finalement, nous arrivions en vue des murs de Goa, ces immenses remparts qui entouraient la ville, de près de trente mètres de haut. Arrêtant ma monture à distance des portes, au couvert d’une colline de gravats calcinés, je descendis de son dos pour venir lui faire face en lui grattant le dessous du menton, plantant mes yeux profondément dans les siens. Une lueur d’intelligence illumina son regard tandis que je lui souris.

« Désolé l’ami, mais nos chemins se séparent ici. » soufflais-je, un peu triste. « Ce trou à rat ne mérite pas une telle splendeur. » continuais-je sans arrêter mes caresses affectueuses. « Retournes dans la forêt, et n’aie pas peur si tu croises un cochon géant vert, il aura probablement plus peur que toi. »

Le cervidé se retourna alors après un dernier regard et repartit répéter la route que nous venions d’emprunter dans l’autre sens. L’observant s’en aller, je me détournais à mon tour pour prendre la direction des murs de la cité. Les portes étaient bien plus lourdement armées qu’à ma dernière visite, mis à part pour ma fuite lors de mon cambriolage où ils l’avaient barricadée, et cette présence plus importante avait sûrement un lien avec ce soir-là. Il faut dire que je n’avais pas fais dans la dentelle, j’avais explosé leur barrage et avais enfoncé leurs formations pour faire passer la charrette. Quoi qu’il en soit, passer par là était trop risqué, je ne voulais pas trop attirer l’attention et laisser la pression retomber pour qu’ils m’oublient et croient que j’avais quitté l’île.

Ainsi, je me mis à longer le rempart en observant les prises possibles afin de l’escalader. J’avais pris avec moi ce petit outil en forme de coquillage qui s’accrochait à la ceinture, encore un de ces objets vendus par ce marchand étrange encapuchonné. Trouvant chaussure à mon pied, j’ajustais le cordial en visant le rempart à mi-hauteur. Appuyant sur l’arrière du coquillage, un filet d’algue gluante fut propulsé par l’extrémité du coquillage, volant à toute vitesse dans l’air avant de se coller contre le mur. Tirant vers l’arrière pour assurer la prise, le câble commença à se rembobiner en me tirant peu à peu vers lui, de plus en plus fort jusqu’à ce que mes pieds quittent le sol. Projeté en direction du point d’accroche, je dus tout de même poser mes pieds plus bas sur le mur jusqu’à l’atteindre, m’accrochant alors du bout des doigts à une prise formée par une pierre qui ressortait légèrement du reste du rempart. L’algue dépassant du dial fut détachée, laissant quelques centimètres d’algue collées au mur pendre dans le vide à côté de moi. Affirmant ma prise sur le mur, je trouvais plusieurs trous entre les pierres ou même quelques espaces libre pour grimper jusqu’à atteindre le sommet. D’ici, j’avais une vue imprenable sur la ville et la tristesse qu’inspirait l’allure de la basse-ville.

Monter fut plus compliqué que redescendre du rempart et, sans perdre plus de temps, je m’enfonçais dans les rues en ruines. Ma capuche relevée sur ma casquette, je suivais les ombres des quelques bâtiments encore intacts ou auxquels restait quelques murs toujours debout. Cette partie de Goa était à présent peu habitée, la plupart ayant choisis de s’installer dans le centre ou dans les anciennes bâtisses de la noblesse, laissées à disposition par le gouverneur Fenyang. Cependant, une partie des habitants était toujours attachée à cet endroit, et Jack en faisait partie. Malgré les propositions de déplacer son bouge, il aimait ces lieux et y avait vécu toute sa vie. Que ce soit par peur du changement ou par nostalgie, le tavernier trentenaire ne risquait pas de bouger de si tôt.

Au détour d’une ruelle, j’arrivais enfin sur la petite place délabrée où se trouvait le bar de mon complice. Enfin, c’est ce à quoi je m’étais attendus. Tout d’abord surpris, je m’avançais sur la place pour faire face à l’établissement, ou ce qu’il en restait pour être précis. Les cendres étaient encore chaudes, crépitantes au milieu des ruines de l’endroit dans lequel je m’étais bourré la gueule quelques jours plus tôt. Je n’étais pas le seul à m’être arrêté là, un petit groupe d’habitants du coin était amassé devant les ruines en discutant.

« Ils ont débarqués dans la nuit, criant et aboyant leurs ordres, apparemment Jack aurait commit un vol dans le centre ville à ce que j’ai compris. » dit alors un homme à ses voisins.

« C’est terrible, c’était le seul bar encore ouvert dans la basse ville. Et Jack a toujours été un gars gentil, je n’arrive pas à y croire. » répondit une jeune femme à l’air triste.

« Et qu’ont-ils fait de lui ? »

« La 236e l’a emmené, il a probablement être enfermé dans le bâtiment qui leur sert de base dans la haute-ville. » répondit alors un vieil homme, apparemment bien au courant de la situation.

Gardant mes distances avec la foule, je redescendais la visière de ma casquette placée vers l’avant pour couvrir mon visage. J’avais assez d’informations pour agir, et j’avais une vague idée du pourquoi du comment. À présent, il était temps d’agir, et de foutre le bordel à Goa. La journée s’annonçait chargée.

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Œil pour Œil


Flashback 1628
✘ Quête ~ Partie 1




J’arpentais les rues, remontant peu à peu la ville vers ses hauteurs. Autrefois symbole hiérarchique de la position sociale de la population, à présent c’était le centre qui concentrait la majorité du pouvoir. Quelques irréductibles habitants étaient encore présent dans la basse-ville, bien qu’ils se faisaient de plus en plus rare. Quant à la ville haute, les maisons les plus cossues étaient laissées à l’abandon pour la plupart, de peur de représailles peut-être. De plus, la 236e division de la Marine y avait élue domicile dans la plus grande propriété qui avait autrefois appartenu à un noble paraît-il. La prison où avait été enfermé Jack devait s’y trouver.

C’était là toutes les informations que je possédais, comme quoi taper la discussion à des petits vieux en manque d’attention devant les ruines du bar de Jack avait servit à quelque chose. Mais, ça restait maigre pour retrouver un type emprisonné. Qu’est-ce que je lui devais après tout ? Hormis sa part du casse qu’il avait orchestré et que j’avais exécuté quelques jours plus tôt. D’ailleurs, j’aurais pus me barrer, ne pas chercher à l’aider et continuer à vivre ma vie peinard. Cependant, ça m’emmerdait que ce type ait des problèmes à cause de moi, c’était la moindre des choses de lui donner un coup de main. Et puis, je m’étais pris d’affection pour lui, aussi saoul que j’étais.

La visière de ma casquette rabattue sur l’avant, je remontais discrètement la ville en empruntant de petites rues peu fréquentées. Je croisais plusieurs patrouilles de soldats, mon cœur accélérant à leur approche alors que je me demandais s’ils me reconnaîtraient. Lors de ma course-poursuite pour sortir de la ville quelques jours plus tôt, j’en avais croisé un grand nombre, et frappé tout autant de soldats qui pourraient me reconnaître. Je m’étais masqué d’un bandana ce jour-là, mais un déguisement si simple ne pouvait pas berner tout le monde, et des soldats auraient pu me reconnaître à la couleur de mes yeux ou de mes cheveux. Toutefois, j’eus la chance de ne pas être remarqué et continuais ainsi ma route jusqu’à la base de la 236e division.

La haute ville était moins peuplée et donc plus calme, même en journée. Ainsi, les patrouilles étaient réduites, dans cette partie là de la haute ville tout du moins. La majorité de leurs forces devaient se trouver dans le centre et dans leur base. J’espérais seulement que la partie prison, elle, n’était pas aussi lourdement gardée. Proche de la base en question, je gagnais les toits avec l’agilité d’un chat, bondissant de caisses empilées à des toits bas avant de grimper jusqu’au plus haut qui bordait la grande résidence. Une rue large longeait les remparts, n’offrant pas beaucoup de coins ombragés pour se faufiler discrètement. Les hauts murs étaient parcourus d’un chemin de ronde, ponctué de miradors dans lesquels des soldats étaient postés pour surveiller les environs. La sécurité semblait importante en ces lieux, sous les ordres du Colonel Jimenez que j’avais déjà affronté auparavant. Avec un peu de chance, nous aurions le droit au match retour.

Accroupi dans la pénombre, je passais de toits en toits à repérer les lieux, noter le nombre de gardes présents et leur rythme sur le chemin de ronde. Cependant, même depuis les toits, voir ce qui se trouvait derrière ces hauts murs était impossible. Et, même en calculant le moment parfait pour agir, grimper les remparts, esquiver les gardes et passer de l’autre côté, il restait la possibilité de se faire surprendre une fois l’obstacle franchit. Toutefois, j’avais la solution pour remédier à ce problème. Je trouvais un endroit discret entre deux toits, le dos contre un chien-assis, toujours accroupi à fouiller dans mes poches. Finalement je le trouvais et le sortais d’une des nombreuses poches de mon pantalon cargo. L’objet ressemblait à un petit insecte, une libellule pour être précis, accompagnée d’un petit boîtier. Ouvrant ce dernier, un écran s’alluma sur une partie tandis qu’un petit levier multidirectionnel se dépliait sur l’autre partie. Je plaçais alors la libellule dans ma paume ouverte avant d’appuyer sur un bouton à côté du levier qui permettait de piloter le petit insecte mécanique.

Bzzzzzzzz commença à vrombir le petit objet qui se mit à battre des ailes de plus en plus vite jusqu’à ce qu’elles soient à peine perceptibles. Bzzz Bzzz

La libellule se mit alors à monter dans les airs, quittant ma main pour s’élever au-dessus de moi de plus en plus haut. Maintenant l’objet en suspension, je voyais le dessus de ma casquette dans le petit écran qui retransmettait en direct les images filmées par le petit drone.

« Place au pilotage. » dis-je en affichant un sourire, légèrement éclairé par la lueur de l’écran, heureusement caché derrière le chien-assis d’une fenêtre.

Tenant délicatement le levier, je déplaçais l’insecte mécanique en direction des murs, à une dizaine de mètres. J’avais fais quelques essais après l’avoir troqué à ce marchand mystérieux. En effet, il avait suffit de payer quelques verres à l’étranger encapuchonné pour qu’il me refile son fourbis, des objets en pagaille tous plus étranges les uns que les autres. Mais, qui dans certaines situations s’avéraient particulièrement pratiques. Je pilotais ainsi le drone miniature au-dessus des murs, assez haut pour que le vrombissement puisse être confondu avec un véritable insecte. Ainsi, dans l’écran je pus observer l’arrière du mur afin de localiser les soldats présents de ce côté. En faisant tourner la libellule sur elle-même, je pus noter leur position et leurs mouvements de ronde. Je fis alors descendre l’insecte sur le toit d’un mirador, orienté de biais pour que la caméra filme une partie du chemin de ronde ainsi que l’arrière du mur. Je refermais alors le boîtier de contrôle que je rangeais dans une poche. Il était temps de passer à l’action, et j’avais encore quelques gadgets en stock pour m’assurer un passage discret et sécurisé.

Je redescendis du toit pour gagner une cour discrète et déserte de l’autre côté, à l’abri des regards des soldats et des patrouilles. Enfin, il fallait tout de même que je me dépêche. Je me remis à fouiller dans mes nombreuses poches, tâtonnant pour reconnaître les objets au toucher. Enfin, je sortis un objet enroulé dans une grande feuille de papier, ainsi qu’un crayon. Déroulant le papier, je dévoilais un escargot qui mangeait tranquillement plusieurs feuilles de salade rouge sans se soucier de ce qui l’entourait.

« Toujours aussi calme, hein graffiti-boy ? » lui dis-je en le grattant entre les yeux, ceux-ci se rétractant légèrement.

Je mis la feuille à plat et me mis à dessiner avec le crayon, en grandes lettres capitales, j’écrivis mon message puis posais l’escargot sur la feuille en lui montrant le message. L’escargraffiti me regarda un instant, clignant ses gros yeux avant de reporter son attention sur la feuille, se mettant à avancer dessus en bavant abondamment.

« C’est ça mon pote, prépares-moi un beau tag. » l’encourageais-je en levant les pouces avec enthousiasme.

Une fois sa tâche accomplie, je ramassais l’animal et la feuille que je replaçais dans une poche. Un petit rictus en coin, je regagnais les abords de la rue entourant la propriété, restant dans l’ombre d’une ruelle, caché derrière une pile de caisses. Je ressortis mon boîtier de commande de la libellule, la rallumant alors perchée sur son toit et l’écran de mon côté. Affichant l’image, j’observais les passages des soldats qui montaient la garde, attendant le bon moment en retenant le temps qu’il leur fallait pour passer et revenir. Avec tout ça en tête, je quittais enfin ma cachette pour m’avancer vers le mur d’enceinte, observant la hauteur de celui-ci d’environs cinq mètres de haut, une véritable forteresse.

Je sortis alors l’escargraffiti de ma poche pour le poser sur le mur. L’animal tourna ses gros yeux vers moi, parvenant curieusement à mimer la curiosité, je levais à nouveau les deux pouces pour l’encourager.

« Allez graffiti-boy ! Dépêches-toi on a pas le temps pour les questions. » chuchotais-je en le poussant sur la carapace pour le presser à se mettre à l’ouvrage.

Après avoir cligné lentement des yeux, il se mit sécréter un épais mucus rouge en avançant sur le mur, reproduisant ce que j’avais écris sur le papier plus tôt. En grandes lettres capitales, l’escargot se mit à écrire rapidement le message en moussant abondamment, il donnait l’impression de glisser sur le mur. Par intervalles réguliers j’observais les mouvements sur le chemin de ronde sur le petit écran dans ma main.

Soudain, un des soldats en garde apparut sur l’écran, visiblement en avance sur le rythme que j’avais noté plus tôt. Est-ce qu’il m’avait entendu ? Quoi qu’il en soit, il fallait que je me dépêche ou je serais repéré. Mais, alors que je récupérais l’escargraffiti qui avait finit son œuvre, je me rendis compte qu’il était déjà trop tard. Obligé de me coller dos au mur pour ne pas être repéré depuis le chemin de ronde, je n’avais pas le temps ou le garde dans le mirador dans un coin me repérerait d’ici quelques secondes. Le boîtier toujours en main, je fis décoller la libellule depuis son perchoir pour passer de l’autre côté du mur et redescendre au niveau du garde qui s’approchait, presque au-dessus de moi.

« Qu..c’est quoi ce bruit ? » commença le garde, audible à cette distance, je le voyais tourner sur lui-même sur l’écran du boîtier, avant qu’il ne voit enfin l’objet volant non-identifié. « Mais..c’est un insecte ? Allez ! Approches, petit-petit, viens sur mon doigt. » faisait-il en tendant sa main vers l’insecte mécanique que je maintenais à distance raisonnable pour ne pas être attrapé.

Je profitais que l’homme soit occupé pour traverser la rue et regagner les ruelles adjacentes, plus étroites et sombres. Faisant attention à ne pas être hors de portée l’insecte téléguidé, je le déplaçais à nouveau jusqu’au toit d’un mirador, disparaissant à la vue du garde qui parut déçu de ne pas l’avoir attrapé.

Je rangeais le boîtier et me faufilais discrètement de ruelles en ruelles, parallèles à celle qui bordait la base, assez proche pour les entendre. J’attendais leur réaction à mon tag et, en me rapprochant à nouveau de la rue qui m’intéressait, de l’autre côté du mirador sur lequel j’avais perché la libellule mécanique, je fus agréablement surpris.

« Eh ! Mais c’est quoi ça ?! » s’exclama la vigie dans le mirador, revenu du côté où il pouvait apercevoir le tag.

Dans un rouge vif muqueux qui brillait au soleil, en grandes lettres hautes de deux mètres, on pouvait lire :


MAZiNO



« Mais bordel, c’est quoi ça ? Masi...Mazine..Mazino, c’est quoi un mazino ? » continua le soldat, attirant l’attention des autres soldats dans le coin.

« De quoi tu parles, Ben ? » lui demanda un de ses collègues qui s’était arrêté au bas du mirador sur son chemin de ronde.

« Là ! Regardes-là ! Y a un petit con qui a taggé je sais pas trop quoi sur le mur avec de la peinture rouge ! »

« Hein ? C’est quoi ce...attends-moi là-haut, j’arrive. » répondit-il en disparaissant dans le mirador.

Leur attention détournée, je m’assurais que la voie était libre grâce à la libellule mécanique toujours posée en haut du mirador qui me servait de escargot-caméra de surveillance en la faisant pivoter d’un côté et de l’autre. Poussant sur mes jambes, je m’élançais à toute vitesse, enjambant les quelques mètres qui faisaient la largeur de la rue jusqu’à atteindre le bas du mur, d’un côté où plus personne ne le gardait ni ne l’observait. Un nouveau jouet en main, ou plutôt à la ceinture, j’orientais le cordial au-dessus de moi, tirant un long filet d’algue gluante qui vint s’attacher à cinq mètres au-dessus de moi, en haut du mur. Après une courte seconde, le câble-algue s’enroula dans le coquillage, je posais alors mes pieds sur la pierre du rempart, passant à l’horizontale alors que je montais rapidement. En quelques secondes, j’atteignis enfin mon but, roulant sur le chemin de ronde en restant accroupi, me tapissant au mieux derrière le petit muret qui bordait le chemin.

Je ne pouvais pas compter très longtemps sur la diversion du tag, ils enverraient probablement un ou deux gardes nettoyer, mais le reste des curieux retourneraient bientôt à leur place et occupations. Vérifiant une énième fois qu’il n’y avait aucun curieux pour me voir à l’aide de la libellule, j’enjambais le muret pour passer de l’autre côté, me tenant du bout des doigts avec le reste du corps dans le vide, les pieds contre le mur. Visant un espace dégagé entre plusieurs gros buissons et arbres, je lâchais le muret et me laissais tomber. Je me réceptionnais accroupi, me tapissant aussitôt dans les buissons, en faisant attention à ne pas les faire trop bruisser.

« Première étape, passer les murailles, c’est fait. » dis-je en souriant, mes yeux observant les alentours, caché dans les buissons.




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Œil pour Œil


Flashback 1628
✘ Quête ~ Partie 1




Tapis dans des buissons touffus, j’observais les gardes faire leur ronde, à l’abri des regards. M’assurant tout d’abord que personne ne pouvait me voir, je sortis à nouveau le boîtier de contrôle pour rallumer la libellule. Je la fis décoller de son perchoir pour la faire vadrouiller en cercle dans les trente mètres environnants. Il y avait des gardes tout les dix mètres, d’autres étaient en mouvement autour du grand bâtiment au centre du jardin verdoyant qui occupait la majeure partie du terrain. D’autres bâtiments plus petits étaient posés ici et là, et la prison que je recherchais devait en faire partie.

Le soleil était haut dans le ciel, il devait être proche de midi. Certains auraient pu penser qu’une infiltration en plein jour était risquée, mais c’était le moment où les gardes étaient le moins attentifs, ne s’attendant probablement qu’à des infiltrations ou attaques nocturnes. En journée, les soldats s’arrêtaient pendant leurs rondes pour discuter avec leurs collègues et, pendant ce temps, ils ne gardaient pas grand-chose. Ainsi, en surveillant les alentours à l’aide de ma libellule de surveillance, j’attendis le moment propice pour bouger. Un petit groupe de garde venait de passer à quelques mètres, le soldat derrière moi sur le chemin de ronde du rempart avait disparut sous le mirador. M’élançant hors du buisson, je traversais la distance qui me séparait d’un petit bâtiment, jusqu’à un mur derrière lequel je m’accroupis.

La petite maison faisait partie d’un ensemble de bâtiments similaires, placés côte à côte. Probablement des baraquements d’habitation pour les soldats, et c’était l’endroit idéal pour passer à la seconde phase de mon plan. S’infiltrer en plein jour était compliqué, mais si j’arrivais à me fondre parmi les soldats, la tâche serait plus simple. Repérant les lieux à l’aide de mon drone insecte, je me faufilais entre deux bâtiments, longeant les murs en tendant l’oreille. Arrivé avec succès devant les portes d’une baraque, je fis coulisser la porte pour entrer dans le bâtiment. Une grande pièce, un dortoir pour être précis où s’alignaient des dizaines de lits, seulement séparés de rideaux qui pouvaient entourer les chambres improvisées.

J’avançais pas à pas, silencieux à observer de tous côtés, attentif à chaque bruit. Derrière un des quelques rideaux complètement fermés, j’entendais plusieurs ronflements ou de bruits de personnes endormies. Faisant preuve de la plus grande discrétion, je m’approchais d’un lit au rideau ouvert à côté duquel se trouvait un casier. Chaque 'chambre' semblait en posséder, en plus d'une malle et d'assez d'espace pour avoir un minimum d'intimité. Le casier était verrouillé par un cadenas, enfin pour moi rien d’insurmontable. Accroupis devant le casier, je retirais un des petits piques qui me servaient de boucle d’oreille pour me mettre au travail. Toujours attentif à toute variation dans les ronflements des soldats voisins, je fis entrer la pointe du pique dans la serrure du cadenas, le faisant doucement jouer d’un côté puis de l’autre, remontant en entendant le mécanisme tourner avant de passer lentement la pointe du côté opposé tandis que le verrou se relâchait. Le cadenas s’ouvrit dans un très léger ‘clic’, qui suffit néanmoins à interrompre un des ronflements.

« Mgrlrrr kree heu hein ? Que... » fit une voix d’homme qui se réveille difficilement. « Eeeh hein ? Eh merde, j’suis en retard ! » continua-t-il en grommelant, accompagné du bruit de ses couvertures et draps qui se froissent.

Je l’entendis ouvrir son casier en continuant de grogner, apparemment le réveil était compliqué et le soldat avait dormit un peu trop longtemps. J’eus à peine le temps de me cacher maladroitement dans le lit sans un bruit que le soldat passait devant la chambre improvisée. Heureusement pour moi, il était trop pressé pour payer attention à ce qui l’entourait, il n’avait même pas terminé de s’habiller, sa veste à moitié enfilée. Les yeux entrouverts, j’observais le soldat sur le point de sortir du dortoir.

« Ah mince, mon sabre. » fit-il alors qu’il se retournait, il refit le chemin dans le sens inverse, mais s’arrêta devant la chambre où je me trouvais. « Bah alors, Nestor, tu fous quoi à dormir ? Toi aussi t’as trop profité de la générosité de Monsieur Theodorius hier ? » ricana-t-il en se rapprochant.

Mon visage était caché par la couverture enroulée autour de ma tête, voyant l’homme approcher sa main entre deux replis de couverture. Il finit par la poser sur mon épaule en la secouant comme pour me réveiller.

« Eh réveilles-toi mec, on est en retard et...que...t’es qui toi ? » fit-il alors que mes cheveux sortirent de sous la couverture.

Repoussant cette dernière, je la jetais sur la tête du soldat pour taire ses cris de surprise, enchaînant aussitôt d’un coup de poing au niveau de son visage, taisant aussitôt tout son qu’il produisait. J’attrapais son corps inconscient emmitouflé dans la couverture avant qu’il ne tombe, et le posais dans le lit. J’avais eus chaud, une seconde de plus et le type aurait alerté ses potes. M’assurant que les autres ronflaient toujours, j’ouvris le casier et attrapais une tenue de soldat pour m’en vêtir.

Une minute plus tard, j’étais à l’extérieur, mes vêtements noirs remplacés par ceux blancs et bleus des soldats de la Marine. Une casquette blanche avec écrit en gros et bleu Marine, au cas où le soldat l’oublierait. Une veste de la même couleur à fermeture latérale à la manière d’un cuistot et sans manche, avec un foulard noué au col et un pantalon bleus tous les deux. Le vêtement n’était pas parfaitement à ma taille, mais était à peine perceptible et je pourrais trouver une excuse bidon sans trop risquer d’attirer l’attention. Rabattant la visière vers l’avant, légèrement en bas pour couvrir le haut de mon visage, je me mis en marche.

Grâce à ma reconnaissance effectuée plus tôt avec mon drone, j’avais pus repérer les chemins de rondes, ou les habitudes des soldats pour se déplacer dans le camp. La clé d’un bon déguisement n’était pas seulement dans l’apparence, mais également dans la manière de marcher, dans les habitudes, les saluts dans le cas des soldats. Marquer l’étiquette en croisant un supérieur, ce genre de choses que quelqu’un de non-initié à l’art militaire ne saurait pas. Enfin, à moins qu’il ne soit particulièrement observateur et guette tout ce qui l’entoure. Sans me vanter, je dirais que c’était mon cas.

Ainsi, je passais de longues minutes à explorer les lieux, d’un pas militaire cadencé imité des autres soldats dans le camp. Je ne me mêlais pas aux autres de peur d’être questionné, bien que j’avais déjà préparé un personnage pour ce soldat que j’incarnais. Pour le moment, j’observais, je notais dans ma tête toute information qui pourrait s’avérer utile, à la recherche d’un bâtiment qui ressemblerait à une prison. Et, finalement, je le trouvais, derrière le bâtiment principal au fond de la résidence. Un bâtiment carré, plus austère, affichant moins de couleur hormis un gris glaçant. Seuls trois soldats gardaient une double porte d’entrée en métal qui semblait lourde même à la distance où j’étais.

« Halte-là ! » s’exclama un des gardes, un type costaud à la mâchoire carrée, alors que je m’approchais la tête baissée. « Qu’est-ce qui t’amène la bleusaille ? »

« Première classe Jean Reno. » les saluais-je d’un salut militaire parfaitement exécuté, de mon point de vue en tout cas. « Le Colonel Jimenez m’a demandé d’être affecté à la garde des geôles. »

« Sérieux ? Merde, personne nous a prévenu. » fit alors un autre garde, bien moins protocolaire que son camarade qui m’avait rendu mon salut. « Je t’ai jamais vus dans le coin, t’es un nouveau ? »

« Oui, je viens d’être transféré depuis la 237e division, monsieur. » répétais-je le rôle auquel j’avais pensé pendant mon infiltration.

« Hahaha j’en étais sûr ! Allez décoinces-toi mon pote ! » s’exclama-t-il soudainement amical en me donnant une petite tape sur l’épaule. « On est tous passés par là dans cette division, le vieux Colonel fout les jetons mais quand on est entre nous on peut souffler, t’en fais pas.

« Ahaha d’accord, j’avais peur de devoir me tenir aussi droit toute la journée. » soufflais-je, feignant le soulagement en souriant, gêné. « Et, pour ce qui est de mon affectation ? »

« On est déjà complets pour garder la porte, on va te mettre aux geôles avec les collègues. » répondit le troisième qui n’avait pas fait un bruit jusque là. « Le plus simple c’est que je te montre, suis-moi. »

L’homme, un peu plus sérieux que son collègue qui prônait la relaxe, me tourna alors le dos pour se mettre à pousser un battant de la porte métallique qui grinça en s’ouvrant, aidé de ses camarades pour l'ouvrir. Le soldat disparut alors derrière la porte en m’invitant à le suivre, ce que je fis sans hésiter. C’était rêvé comme situation, moi qui pensais devoir jouer des poings et des pieds pour atteindre les geôles, voilà que j’avais même un guide pour m’y mener.





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Œil pour Œil


Flashback 1628
✘ Quête ~ Partie 1




La porte s’ouvrait sur un escalier en colimaçon, des marches qui tournaient dans une semi-pénombre seulement éclairée par quelques torches espacées de plusieurs mètres. L’espace était assez large pour que deux personnes utilisent l’escalier simultanément, mais cela restait restreint néanmoins. Faisant attention où je marchais, je suivais le soldat derrière lui, me demandant s’il ne serait pas plus simple de l’assommer maintenant.

« Alors comme ça t’étais à la 237e ? Pas trop dur ? » demanda-t-il en descendant l’escalier qui semblait interminable. « Gérer la basse-ville et le reste de l’île, ça doit pas être simple. »

« C’est sûr que ça paraît moins insalubre ici, pas facile d’avoir ses quartiers dans un quartier en ruines. » répondis-je machinalement en pensant à ce à quoi devait ressembler la base de la 237e dans la basse-ville.

« Tu vas voir, ici l’action c’est pas ce qui manque. » dit-il alors en riant grassement. « Rien que l’autre jour, un type complètement fou a volé une charrette remplie d’alcool et a dévalé toute la ville. Je peux te dire que c’était un véritable bordel, t’as dus en entendre parler.

« Ouais...des potes de la 237e y ont participé, tous n’en sont pas revenus... » soufflais-je, jouant le jeu.

« Mes condoléances mec, c’est pareil pour nous ici. Il paraîtrait même qu’il aurait tenu tête au Colonel en combat singulier, c’est pas des premières classes comme nous qui auraient pu faire quoi que ce soit. » fit-il, une tristesse audible dans la voix.

Nous descendîmes le reste des escaliers en silence, la pensée de ses compagnons perdus semblait l’avoir mit dans un état de mélancolie. L’escalier en colimaçon s’ouvrait sur un grand couloir, ponctué de quelques torches qui illuminaient les lieux d’une lumière tremblotante. Au milieu du couloir se trouvait une grille aux barreaux épais, gardée par deux hommes de chaque côté de la porte.

« Salut les gars, j’vous amène un petit nouveau qui va bosser avec vous à partir d’aujourd’hui. »

« Enchanté messieurs, Première Classe Jean Reno. » me présentais-je en les saluant. « J’ai été affecté ici sur ordre du Colonel Jimenez.

« Aaaah ça tombe bien on avait besoin de bras. Enchanté, soldat, je suis le sergent-chef Edmund en charge de ces geôles et de leurs habitants. Merci de nous l’avoir amené, première classe Gavrosh, vous pouvez retourner à votre poste. »

« Bien, monsieur. » fit-il en saluant son supérieur, me poussant légèrement dans le dos vers lui avant de tourner les talons.

Le sergent-chef m’ouvrit alors la porte dans un grincement sinistre, les gardes s’écartant pour nous laisser passer. D’un signe de tête, il m’ordonna de le suivre et nous nous mîmes à marcher dans le long couloir faiblement éclairé. Nous passions ainsi deux autres grilles similaires, toutes gardées par quatre soldats. Décidément, le colonel ne lésinait pas sur la sécurité dans sa prison. Edmund m’expliqua alors le fonctionnement de la prison, les tours de garde et les roulements entre les postes, le nombre de détenus provisoires ainsi que ceux en attente de jugement. Il y avait peu de résidents permanents, la plupart jugés à des peines longues ou lourdes étaient transportés par convoi tous les mois jusqu’aux prisons du gouvernement mondial.

Toutefois, il y avait certains mois comme celui-ci où les geôles étaient bondées, pas assez nombreuses pour accueillir tous les détenus dans des conditions décemment morales. Pendant ses explications, j’observais chaque recoin, chaque couloir et le visage de chaque soldat. Mais, j’étais suspicieux, bien que j’étais bon en déguisement tout cela se passait trop bien, à passer la sécurité aussi facilement. Ou peut-être étais-je simplement paranoïaque. Après tout, mon visage n’était pas connu de leurs services. À la limite, seul leur colonel saurait me reconnaître, c’était celui qui m’avait combattu au plus près et pendant le plus longtemps lors de mon dernier casse. Néanmoins, cela n’était pas suffisant à dissiper mes doutes, nous empruntions beaucoup trop de couloirs à mon goût.

Finalement, nous quittions enfin l’étroitesse et la semi-pénombre des couloirs pour entrer dans une pièce plus grande. Il y avait des tables, renversées pour la plupart, des bureaux et des chaises. Une pièce séparée par une grille affichait plusieurs écrans de surveillance de la prison. Mais, ce qui m’intrigua le plus, c’était la vingtaine de soldats armes à la main, se tenant derrière des barricades de fortune comme s’ils m’attendaient. Derrière-moi, le sergent-chef qui m’avait laissé entrer le premier dans la pièce, sortit son sabre et en plaça la pointe dans mon dos.

« Finit de rigoler maintenant, première classe Jean Reno. » fit-il sur un ton sarcastique, je pouvais deviner la naissance d’un sourire sans même le regarder. « Mets tes mains au-dessus de ta tête, bien en évidence, et n’essaie même pas de faire un geste brusque ou on te troue de balles. » m’ordonna-t-il sèchement.

« Trou de balle ? C’est pas très gentil ça, je vous croyais mieux éduqué chez la Marine. » ricanais-je alors en faisant tomber le masque, inutile à présent apparemment.

« Fermes ta gueule, ducon ! » intima-t-il agressivement en appuyant un peu plus son sabre dans mon dos qui traversa le tissu. « Ou je te transperce, crois-moi rien ne me ferait plus plaisir que ça. »

« Et qu’est-ce qui m’a trahit ? » demandais-je, curieux en tenant à l’œil les quatre hommes qui arrivaient de côté, calmement et lentement, l’un d’eux tenant de lourdes menottes.

« Plusieurs choses, faut dire que t’as pas fais dans la discrétion l’autre jour et que même habillé en soldat tes cheveux blancs et tes yeux rouges restent des traits reconnaissables. »

« Eh ! Mais c’est de l’albinophobie ça ! » m’exclamais-je, clairement moqueur.

« La ferme ! Le Colonel Jimenez nous a bien renseignés sur ta gueule, et maintenant on va pouvoir venger nos potes ! » s’écria-t-il, mes petites blagues semblant l’énerver de plus en plus.

Les quatre soldats autour n’étaient plus qu’à deux mètres, tendant leurs bras pour m’immobiliser, des gouttes de transpiration perlant de leurs fronts, venant mouiller leurs yeux aux regards hésitants.

« Vous allez venger quoi avec ces p’tites frappes ? Vos pauvres merdes de potes que j’ai écrasé comme des mouches ? » les insultais-je sans ménagement, ni pour eux ni pour la mémoire de leurs camarades que j’avais tué.

« Espèce d’enfoiré ! Comment oses-tu ! » s’écria alors le sergent-chef, s’abandonnant à la rage de la vengeance, ce voile qui vous rend aveugle.

Le moment était venu, les mains toujours levées tandis que l’homme derrière moi poussait sur son arme avec l’intention de me transpercer. La main d’un des soldats à ma gauche sur mon épaule, en croisant les jambes pour tourner sur moi-même dans sa direction, je profitais de la rotation pour attraper le pauvre soldat par le col et l’envoyer contre le sergent-chef derrière moi. Poussé par son propre subordonné, le sous-officier bascula légèrement, suffisament destabilisé pour ne pas réagir au coup de pied que je lui envoyais en plein visage. La tête de l’homme percuta violemment l’encadrement de la porte derrière lui, au point de laisser une trace sanglante sur le mur alors que son corps tombait au sol. Mon pied encore à terre pivotant sur lui-même, je revins face aux trois soldats qui s’étaient approchés tandis que j’entendais les fusils en arrière prêts à tirer. J’en frappais un d’un coup de poing, puis attrapais les deux autres pour les percuter l’un contre l’autre devant moi alors que les armes à feu crachaient leurs plombs.

« C’est pas très gentil pour vos potes ça ! » m’exclamais-je tandis que les deux corps étaient criblés de dizaines de balles malencontreusement, les tireurs ayant fait feu en pensant éviter leurs collègues.

Profitant qu’ils aient à recharger, j’attrapais les deux soldats agonisants pour les lancer par-dessus les tables retournées qui servaient de barricades aux tireurs. Je suivis mes projectiles humains pendant leur vol plané avant de bondir sur les soldats, assénant un violent coup de pied qui en repoussa quatre de tous côtés. Évitant un coup de sabre, j’envoyais un uppercut qui souleva un homme du sol, que je frappais à nouveau d’un coup de pied qui le propulsa en arrière en renversant ses camarades. D’un coup de coude en arrière, j’envoyais au tapis un second épéiste, ramenant mon poing vers l’avant en pleine tempe d’un autre.

C’était brutal, violent et sans aucune retenue, sentant les os se briser sous mes coups. Je n’aimais pas être surpris et leur attitude m’avait déplu, je ne faisais que considérer cela comme justice de me défendre ainsi. Projetant un énième soldat, il perdit son sabre des mains qui entama sa chute. Puis, d’un coup de pied circulaire je frappais le pommeau de l’arme qui fut propulsée droit sur le soldat qui fut empalé et transperça un autre avec la pointe qui dépassait de son dos. Dans un déchaînement de violence, la différence de force était claire et le combat fut bref, annihilant tout espoir de victoire chez les soldats qui se mirent à perdre en confiance. L’un d’eux tenta même de s’enfuir mais reçu un violent coup de pied en pleine gorge, l’envoyant au sol en se la tenant à deux mains, manquant de souffle momentanément. Enfin, il n’en resta plus qu’un encore debout, reculant en lâchant son sabre pour lever les mains devant lui.

« Pi...pitié, épargnez-moi, j’ai une femme et des gos...argh. » fit le soldat en tentant de négocier, interrompu dans sa phrase par mon front qui s’écrasait sur le sien, l’envoyant au sol avec de la mousse aux lèvres.

« Pas de pitié pour les canards boiteux ! » m’exclamais-je tout sourire en me dirigeant vers la porte du fond. « Bon, maintenant que ça c’est réglé, où sont ces saletés de cellules ? »




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Œil pour Œil


Flashback 1628
✘ Quête ~ Partie 1




Un silence, pesant, bien trop présent alors qu’il n’était qu’une absence de sons. Frappant, mais finalement interrompu par ces ‘plocs’, ces sons qui résonnaient dans le couloir, annonçant mon passage. Les gouttes carmines coulaient lentement le long de mes poings, humides et poisseux. J’étais entré en ces lieux avec l’intention d’être discret et encore une fois cela avait échoué. Et, à présent, mes mains étaient couvertes du sang des soldats que je venais d’écraser sauvagement. Toutefois, trop pris par la frénésie du combat, je n’avais pas remarqué la taillade de sabre qui faisait doucement saigner mon flanc, ainsi qu’une balle qui avait frôlée mon épaule en y laissant un sillon peu profond sanguinolent. Les blessures étaient superficielles, mais me mettaient le nez dans ma fâcheuse tendance à en oublier mon corps lors d’affrontements. Et de me retrouver ainsi couvert de blessures.

Le couloir était sombre, les torches plus espacées qu’auparavant, la lumière vacillant en léchant les murs de cette roche granuleuse gris sombre. Je pressais le pas, ne souhaitant pas que les renforts me tombent dessus avant d’avoir libéré Jack. J’avais noué le foulard de l’uniforme de soldat autour de ma bouche pour tenter de couvrir partiellement mon visage. J’atteignis alors une nouvelle porte que j’ouvris, m’attendant à devoir éclater quelques mouettes pour me frayer un passage, mais non. Une grande pièce, un peu mieux éclairée, dont le plafond en arc de cercle se terminait en de larges et nombreuses colonnes de pierre. Enfin, j’aperçus les geôles, taillées à même la pierre en de larges carrés pourvues d’épais barreaux. Des mains en sortirent, s’agitant frénétiquement dans l’air, accompagnées de gémissements.

« Aidez-nous ! S’il vous plaît ! » gémit l’un des prisonniers derrière des barreaux. « J’suis innocent, j’vous jure ! »

J’avançais calmement dans la pièce, pas à pas, silencieux, à observer chaque recoin de la grande salle. Toutefois, aucune lumière n’éclairait le fond, le baignant dans une ombre si épaisse que je n’y voyais rien. Mais, pour je ne sais quelle raison, je n’arrivais pas à détourner le regard, continuant de m’approcher prudemment. Trop concentré pour y prêter attention, je n’écoutais pas les lamentations et suppliques des prisonniers désespérés. Seul le brouhaha de leurs voix me parvenait, entre insultes et demandes, une cacophonie incohérente à mes oreilles. Je retirais la casquette de la Marine pour découvrir mon visage de l’ombre de la visière, mes yeux rouge sang toujours fixés sur le fond de la pièce.

Sur mon passage, les mains sortaient, tantôt pour me demander de l’aide ou tenter de m’attraper. D’un bref coup d’œil, je me rendis compte du nombre de prisonniers entassés dans les geôles, plutôt petites pourtant, à près de quinze par geôle, j’en avais compté quatre.

« Eh p’tit gars ! » fit une voix, perdue dans le brouhaha, mais reconnaissable. « Woh ! Fermez-la bande de glands ! » s’écria-t-il alors pour intimer le silence, sa grosse voix résonnant dans la grande pièce quasiment vide, hormis quelques tables et chaises. « C’est moi… continua-t-il, sortant du fond d’une des geôles jusqu’aux barreaux. Jack ! »

Le barman était là, face à moi, un grand sourire aux lèvres en m’apercevant, jouant de ses larges épaules pour pousser les autres prisonniers. Retournant toute mon attention vers mon ami d’un soir, je souris à mon tour, content de l’avoir enfin trouvé.

« Aaaah je t’ai enfin trouvé vieille branche !  Je pensais ne jamais trouver cette saleté de prison, c’est un bordel de labyrinthe leur truc... »

« Eh, mec, attends... » commença-t-il pour m’interrompre.

« J’espère qu’on va retrouver notre route dans ce bordel, attends j’vais te libér... » m’exclamais-je enthousiaste avant d’être interrompu.

Un choc brutal contre ma joue, si puissant qu’il me souleva de terre dans un vol plané avant de m’envoyer bouler de manière ridicule sur le sol, rebondissant sur plusieurs mètres sans comprendre ce qu’il s’était passé. Je finis ma course en roulade maladroite contre un des piliers de pierre, le dos accusant le coup en me faisant grommeler de douleur. La mâchoire douloureuse, je me relevais en m’aidant du pilier comme appui, tournant mon regard vers l’homme qui me faisait face. Des cheveux noirs parsemés de gris et de blanc, des sourcils broussailleux sous un entremêlement de rides du front aux yeux. Une moue renfrognée, affichant un air de dégoût qu’il semblait me porter.

« Je vous avais pourtant prévenus, voleur. » fit-il calmement, marchant à pas mesurés dans ma direction, ses bottes frappant le sol en résonnant dans la pièce. « La justice vainc toujours sur les petits criminels de votre espèce. cracha-t-il avec rage, sa défaite de notre dernière rencontre toujours en travers de la gorge.

« J’vois que t’es devenu plus fourbe, vieil homme. » ricanais-je en me massant ma joue engourdie. « Qu’en est-il de ton honneur de soldat ? Est-ce que j’aurais déteint sur toi ? »

« L’honneur ? C’est quelque chose que je réserve aux guerriers valeureux, mais de vils bandits dans ton genre ne le méritent pas ! » ragea-t-il en s’élançant sur moi.

Son puissant poing armé frappa le pilier de pierre derrière moi tandis que j’esquivais de côté. La roche éclata dans toutes les directions, détruisant la colonne sur le coup, démontrant une fois de plus la puissance du colonel. Ne s’arrêtant pas là, il avala la courte distance qui nous séparait pour se remettre à frapper. Enchaînant les coups de poings les uns après les autres, j’esquivais ou bloquais selon la situation, lui répondant simplement d’un grand sourire amusé.

« J’en viendrais presque à croire que le Grand Colonel Jimenez m’en veut pour une raison, qu’est-ce qui va pas papy ? T’as les boules de t’être fais rétamer la dernière fois ? » ricanais-je en le fixant droit dans les yeux.

Pour toute réponse, Jimenez ramena son bras en arrière, une posture similaire à une de mes techniques fétiches : la patate de forain. Imitant alors sa pose, à ma façon, enroulant également les hanches de côté en plaçant mon épaule en arrière ainsi que mon pied droit. Dans un même mouvement, nous ramenions nos poings vers l’avant, les confrontant alors que les phalanges se rencontraient. Une onde de choc souffla nos cheveux comme une brise forte, sentant les doigts craquer sous l’impact tandis que nous étions tous deux repoussés en arrière. Glissant sur le sol, nous nous retrouvions tous deux devant des barreaux de geôles à l’opposée l’une de l’autre.

« Je te comprends en même temps, t’as quoi cinquante, soixante piges ? » m’exclamais-je au travers de ce sourire narquois typique de mes tentatives de déconcentration. « Des décennies d’entraînement pour se faire battre par un gamin qui a à peine la moitié de ton âge, énervant n’est-ce pas ? »

Le colonel restait de marbre à mes provocations, bien conscient que c’était là une de mes spécialités de titiller la petite bête pour pousser mes adversaires à l’erreur. Mais, le vieil officier avait de l’expérience, il avait affronté des centaines de pirates et bandits par le passé, il n’en était pas à son premier petit insolent. Son regard observait la porte par laquelle j’étais arrivé par intermittences, comme s’il attendait que quelque chose ou quelqu’un en sorte.

« Je vois, tu attends des renforts, c’est ça ? »

« On ne peut rien vous cacher. J’avais prévus tout cela, enfermer le commanditaire pour appâter le voleur, bien que je n’étais pas sûr que vous soyez assez fidèle pour vous montrer ici. J’avais parié que vous partiriez la queue entre les jambes comme le lâche qu vous êtes. déclara-t-il, de la haine dans les yeux.

« Il semblerait que vous vous soyez trompé, tout comme ce piège minable. » m’exclamais-je en désignant les lieux de la main. « On enferme pas un loup parmi les moutons, ou il dévorera votre troupeau. » fis-je alors en affichant un sourire carnassier, faisant habilement allusion aux hommes du colonel, envoyés sous son ordre, morts de ma main.

Petit… !  

« Doucement, colonel, faudrait pas que vous nous claquiez dans les pattes, faut se ménager à c’t’âge ! » ricanais-je joyeusement en voyant la colère monter dans les yeux de l’officier.

Insolent ! s’écria-t-il alors en me fonçant dessus d’un pas lourd, tel un pachyderme qui charge.

Aveuglé par la rage, c’est tout ce que j’attendais, ne bougeant pas d’un pouce alors que Jimenez arrivait face à moi en levant ses poings destructeurs. Un sourire toujours en coin, j’évitais les premiers coups d’un côté puis de l’autre comme si je jouais avec lui, n’esquissant aucun geste pour parer, bloquer ou attaquer, me contentant d’éviter avec souplesse. Jusqu’à ce que mon dos rencontre les barreaux froids, attendant alors le coup de poing rageur de mon adversaire. Une nouvelle esquive, plus travaillée cette fois-ci, mes pieds s’enroulant pour me faire passer sur le côté en tournant sur moi-même tel un danseur, sentant le poing me frôler dans le mouvement. Les phalanges du colonel s’écrasèrent sur les barreaux qui grincèrent sous son coup. Comme si le métal gémissait sous une force trop importante. Je ne m’arrêtais pas là, tournant de plusieurs pas sur moi jusqu’à me retrouver presque derrière Jimenez, frappant du coude juste derrière son épaule, enfonçant encore plus son poing dans les barreaux qui s’étaient déformés, coinçant sa main momentanément. Ainsi bloqué, je me plaçais dans son dos pour le marteler de coups de poings, finissant d’un coup de genou dans les côtes qui le plaqua contre la grille. Les nombreux chocs commencèrent à fissurer la pierre là où les barreaux s’y inséraient, craquelant au fur et à mesure. Des mains sortirent alors de la geôle, s’agrippant au colonel, d’abord son bras qui était toujours coincé entre les barreaux, trois paires de mains le tenant en plusieurs endroits. D’autres se joignirent à eux à en lui tenant les jambes, le buste, le cou, toute partie attrapable l’était peu à peu, l’immobilisant contre les barreaux tandis qu’il se débattait comme un diable.

« Lâchez-moi, criminels ! » s’écria-t-il, hors de lui, le masque impassible du colonel enfin brisé.

« Jamais ! » lui répondit un prisonnier plaqué contre la grille, rouge de l’effort de retenir une telle force de la nature. « Toi le pâlot ! Libères-nous, on te sera utile j’te jure ! »

« Ouais, on lui pètera la gueule à lui et ses hommes ! » renchérit un autre.

« Nous, on est des pirates, on peut t’aider à buter de la mouette et se barrer d’ici, t’façon on y arrivera pas seuls ! » continua un autre type dans la geôle au fond de la pièce, son nez dépassant des barreaux.

Les voix s’élevèrent dans toute la prison, les prisonniers avançant leurs arguments dans une cacophonie assourdissante. Un fermier innocent, mais qui savait manier un sabre. Un brigand qui se vantait d’être imbattable malgré sa présence ici. Une femme proposant des services en échange de sa libération, maintenant que je ne le regretterais pas. Même un petit vieux visiblement sénile qui criait haut et fort que, malgré son âge avancé, il pouvait toujours frapper dans les couilles des soldats. Enfin, que des arguments recevables à mon goût.

« Poussez-vous. » dis-je simplement en faisant deux pas en arrière.

Les prisonniers eurent vite compris qu’il était mieux pour leur survie de lâcher le colonel encore coincé pour tous se tasser dans le fond de la cellule. Ramenant mon poing au niveau des mes côtes, je fis quelques pas brefs pour prendre un peu d’élan et délassait tout mon corps dans un déchaînement de puissance sous la forme d’un poing. Mais, pas n’importe quel poing.


PATATE
DE
FORAIN !!



Mon poing s’enfonça dans le dos du colonel, solide et résistant comme un roc, accompagné du gémissement du métal et du grincement des barreaux qui s’enfoncent dans la pierre. Les fissures s’agrandirent, s’étalant sur les murs telles des toiles d’araignées. Sous mes phalanges, je sentis deux côtes se briser alors que Jimenez crachait une gerbe de sang, poussé en avant alors que la grille cédait enfin. Séparés par les fissures, des blocs de pierre de taille moyenne s’écrasèrent sur lui en même temps que la grille tombait, comme sortie de ses gonds, dans un fracas métallique qui résonna longuement dans la grande pièce.

Au sol, Jimenez ne bougeait plus tandis que les prisonniers lui tombaient dessus, le rouant de coups de poings et de pieds vengeurs. Le colonel ne semblait pourtant pas être un tortionnaire ou une personne cruelle, et l’état de santé des prisonniers le prouvait bien. Toutefois, tous ces hommes et femmes, rongés par leur vie de captivité, renvoyaient toute leur frustration sur le premier symbole de leur enfermement qui leur tombait sous la main. De plus, diminué par mes assauts, le colonel perçu comme un puissant guerrier était à présent atteignable pour eux, une chance inespérée.

Les laissant à leur vengeance mal-placée, je m’équipais de mes deux piques d’oreilles dont je me servais comme crochet. Me dirigeant aussitôt vers la cellule où était enfermé Jack, je m’affairais à une approche plus propre pour ouvrir la serrure. Les deux piques enfoncés dans le mécanisme, je les tournais de haut en bas et sur les côtés dans un calme olympien, le barman me pressant de l’autre côté des barreaux.

« Allez mon gars ! Dépêches, les petites frappes vont pas tarder à débouler en nombre. » s’exclamait Jack en tapant sur les barreaux.

Sans répondre, je terminais de tourner mes crochets, accompagné d’un ‘clic’ caractéristique. La grille s’ouvrit dans un grincement victorieux, les prisonniers se précipitant à l’extérieur alors qu’un barman particulièrement heureux de me voir me prenait dans ses bras.

« Rahahaha merci mon gars ! Tu m’devais rien, t’aurais pus te barrer avec la came, mais t’es venus te foutre dans cette merde pour moi, toi tu vas devenir mon meilleur pote ! » exulta-t-il en me tapant mon dos douloureux de vives tapes amicales.

« C’est bon, c’est bon mon vieux, on se réjouira quand on boira une pinte loin d’ici. » lui répondis-je en défaisant l’étreinte en souriant.

« Ça méritera bien mon cocktail de la mort ! » s’exclama-t-il d’un clin d’œil.

En quelques minutes, j’eus crocheté les deux autres serrures des cellules restantes, libérant tous les prisonniers présents. Tous ne semblaient pas dignes de confiance, beaucoup se la joueraient probablement perso. Mais, jusqu’à ce que nous soyons sortis, nous avions besoin les uns des autres. Attrapant des chaises, des pieds de table, des barreaux tordus ou brisés, des tuyaux de métal ou tout ce qui pouvait servir d’arme, comme le sabre et le revolver à la ceinture du colonel. Les prisonniers s’équipaient avec ce qu’ils trouvaient, se préparant à l’assaut des soldats qui ne devaient plus être loin à présent. J’avais fais le tour de la base, de l’extérieur tout du moins, et je savais que leurs forces sur place n’excédaient pas les trois cent soldats, la plupart de ceux en service étaient en patrouille ou à leurs postes à d’autres endroits de la ville. Et, même au sein de leur base ils ne pouvaient pas décemment envoyer toutes leurs forces en un seul point et délaisser la sécurité protégeant de l’extérieur. En tout dans ce sous-sol miteux, nous étions une soixantaine à peu près, des brigands, des pirates, des criminels et des tueurs d’un côté, de l’autre de simple marchands, fermiers et citoyens malchanceux, qui avaient finis là par erreur ou pour une histoire d’ivresse sur la voie publique. Autant dire que tout le monde ici n’était pas là pour les mêmes peines, et que leur motivation au combat y était intimement liée. Toutefois, de visu je pouvais repérer les fortes têtes, ceux qui savaient se battre et sauraient se montrer utile dans cette fuite désespérée. Jack, à mes côtés, en faisait partie, un air d’assurance inébranlable dans le regard, frappant sa barre de fer que j’avais arraché pour lui dans sa main.

Derrière la porte à laquelle nous faisions face, les bruits de bottes se mirent à résonner, en nombre et pressés. En armes assurément, et eux ce n’étaient pas des barres de fer ou des pieds de table, l’affrontement ne serait pas simple. Alors que la porte devant nous s’ouvrait sur une flopée de soldats criant en levant leurs sabres, chargeant aussitôt sans défaillir. Derrière, alors que trois pauvres prisonniers s’acharnaient toujours dessus, le colonel Jimenez se releva. Il les repoussa comme si ça n’avait été que des insectes face à sa force, les trois hommes projetés contre les murs avec une violence remarquable.

« Fait chier ! » me lamentais-je alors que la mêlée générale débutait.





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Œil pour Œil


Flashback 1628
✘ Quête ~ Partie 1




Et le chaos débuta, les phalanges rencontrant la peau et martelant la chaire, les sabres tintant contre les barres d’acier, les pieds de chaises et de tables volant au-dessus de la mêlée pour venir frapper les tireurs à l’arrière. Une mêlée générale, où sang et sueur volaient, où les visages se crispaient sous la douleur, ne les arrêtant pas pour autant. En l’espace de quelques instants, la pièce s’était emplie de soldats, hurlants et déterminés à obtenir vengeance pour leurs camarades tombés au combat. Les pirates libérés étaient d’une efficacité remarquable, même à mains nues ou armés de planches et d’objets divers. Ils récupéraient les armes de leurs victimes et s’élançaient dans le combat avec une rage folle. Jack aussi montrait tous ses talents, frappant de son long barreau de fer, l’écrasant sur les visages des soldats, il récupéra un sabre et se mit à combattre à deux armes.

De mon côté, je jouais des coudes, faisant voler mes opposants à chaque coup, afin de rejoindre Jimenez qui s’avançait dangereusement dans la mêlée. De son côté aussi, les malheureux prisonniers sur son chemin étaient projetés contre les murs et les piliers du sous-sol. Et, enfin, le choc. Nos poings se retrouvant comme de vieux amis, suivis d’une onde de choc qui repoussa ceux autour de nous de quelques pas. Ce qui leur fit comprendre qu’il était plus avisé pour eux de s’éloigner de notre affrontement. Les coups de poings déferlaient entre nous mais, l’avantage pour moi c’est que je ne restais pas bloqué à mes mains comme seules armes. Interrompant sa posture d’un coup de pied droit en plein ventre, je me servis de cela comme appui pour bondir et relever mon autre jambe en un coup de genou qui le frappa sous le menton, l’envoyant s’écraser contre un pilier à trois mètres de là. J’en profitais pour me tourner vers les prisonniers derrière moi, aux prises avec les soldats, mais qui prenaient l’avantage petit à petit.

« Je retiens le colonel ici, vous défoncez-moi ces nazes de mouettes et continuez sans moi, y a un poste de garde un peu plus loin, y a plein d’armes et ce sera plus facile à défendre qu’ici ! » m’exclamais-je en espérant qu’ils m’aient entendus.

« Ça marche mon pote ! » répondit un Jack aux prises avec trois soldats, bloquant leurs lames de sa barre de fer avant de les faucher de son sabre de l’autre main. « Éclates ce vieux cul, il a fait son temps ! » ricana-t-il avant de se remettre au combat.

Le nombre de soldats présents dans la pièce s’amenuisait, ils reculaient peu à peu jusqu’à la porte, dépassés par les prisonniers qui se battaient comme des forcenés. Je m’élançais alors sur Jimenez, envoyant un coup de genou en profitant qu’il soit en train de se relever. Se figeant un instant sur place, je sentis la douleur vive dans mon genou alors qu’il le frappait en plein visage. Le colonel ne bougea pas d’un pouce sous l’attaque et contre-attaqua aussitôt en détendant sa rigidification avant de me cueillir aux côtes d’un violent coup de poing. Avec un seul pied au sol, je fut projeté de côté sans pouvoir me réceptionner, tournant sur moi-même en partant m’écraser contre un pilier, le détruisant partiellement à l’impact avec mon dos.

Comme pour se venger de ma lâcheté, l’officier de la Marine me chargea alors que je me relevais, me frappant violemment d’un coup d’épaule que je bloquais in-extremis en croisant mes bras devant moi. Le choc fut trop brutal pour l’encaisser sans bouger et je fus à nouveau projeté en arrière, roulant dans la geôle dont j’avais préalablement dégondé la grille. Je crachais une gerbe de sang, relevant les yeux sur la silhouette massive du colonel qui était déjà face à moi. Levant un poing menaçant, il l’abattit alors que je roulais de côté, tentant un fauchage des jambes qui se heurta de nouveau au renforcement défensif du soldat expérimenté. Me servant de ce coup comme appui, la pointe du pied au sol bloqué contre sa cheville, j’envoyais mon autre jambe vers l’arrière, la montant grâce à une souplesse digne d’un acrobate jusqu’à son visage sur lequel j’abattis un pied à plat. Mais, toujours aussi solide, le colonel ne moufta pas, profitant du moment de flottement pour me coller une nouvelle droite dans les côtes une fois de plus.

« Rends-toi, criminel ! » crachait-il de rage en m’attrapant par le col pour me plaquer contre le mur de la cellule, m’étranglant en plaçant son autre main sur ma gorge. « Quand est-ce que vous comprendrez qu’il n’y a que deux finalités à vos vies de hors-la-loi ?! La prison ou la mort ! » les yeux injectés de sang, le colonel semblait avoir passé un cap dans la haine qu’il me vouait, j’avais tué bon nombre de ses hommes, pour certains sous ses yeux, je m’étais moqué de lui et l’avais rabaissé.

Blessé dans sa fierté, ayant fragilisé cet égo pourtant si solide, il appuyait sur ma gorge avec cette lueur dans les yeux qui vous montre que la personne est prête à aller jusqu’au bout. Je sentais l’air se raréfier dans mes poumons, mes forces commençant à se dissiper. De plusieurs coups dans ses bras, je tentais de me dégager, mais le colonel avait à nouveau activé sa technique de renforcement physique, tous ses muscles figés dans cette contraction aussi solide qu’un mur d’acier. Je frappais, encore et encore, abandonnant l’idée de faire bouger ses bras pour viser le visage, la mâchoire, le nez, les tempes, sans que cela n’aboutisse. Finalement, dans un coup porté par l’énergie du désespoir, je frappais d’un coup de poing puissant en plein dans sa pomme d’adam. Son corps se détendit soudainement, sa prise se relâchant et me laissant retomber au sol, accroupis. Jimenez titubait en arrière en se tenant la gorge, son souffle momentanément coupé.

« Tu manques pas d’air, colonel. » ricanais-je en reprenant ma respiration.

Je m’élançais en avant tel un chat qui bondit, passant à l’horizontale avant de placer mes mains au sol, effectuer une courte roulade puis détendre les jambes alors que j’arrivais devant l’officier, ou plutôt dessous. Les deux pieds joints furent propulsés en direction de ses bras noués autour de sa gorge, poussés par mes mains au sol, les repoussant vers le haut avec sa tête, son corps plié vers l’arrière.



ROLL’N’ROCK




Je plaçais la pointe de mon pied sur son épaule pour me soulever au-dessus de lui, partant dans un mouvement de rotation, délassant une jambe pour frapper l’arrière de sa tête, le pliant vers l’avant. J’atterris derrière lui, tournant à nouveau sur moi-même, sur l’axe vertical ce coup-ci, fauchant l’air d’un coup de pied arrière qui le cueillit aux côtes, le projetant à son tour, hors de la cellule. Son corps roula sur le sol, il cracha du sang qui le suivit dans sa roulade, s’étalant par terre. Je le suivis, serrant les poings, bien décidé à les écraser jusqu’à ce que le colonel ne bouge plus. D’un bref coup d’œil, je remarquais que les prisonniers encore debout avaient quittés la pièce et s’étaient dirigés dans les couloirs pour gagner le poste de garde.

Mais, pour le moment, j’avais déjà fort à m’occuper, et sans perdre une minute je fonçais une fois de plus sur Jimenez, au sol dos à un pilier. Il se relevait alors que j’arrivais sur lui, envoyant un fauchage de la jambe visant son buste tandis qu’il levait les bras devant lui pour se protéger, son corps se rigidifiant juste au moment de l’impact. Toutefois, sa carapace musculaire disparut aussitôt, il en profita pour envoyer un coup de poing que je parais en plaçant mon bras de côté. Légèrement repoussé, le colonel put se relever convenablement pour reprendre sa posture de boxeur et enchaîner de coups de poings. Cependant, ils étaient plus lents qu’auparavant, le vieux bougre commençait à fatiguer visiblement. Me pliant en laissant passer une droite au-dessus de ma tête, frôlant mes cheveux, je remontais avec un uppercut qu’il bloqua du coude, repoussant son bras au-dessus de sa tête. Profitant de l’ouverture, j’écrasais mon poing sous son aisselle, le déstabilisant de quelques pas en arrière, son visage se tordant de douleur. Son dos revint au contact du pilier, ses bras revenant devant lui alors que mon poing s’écrasait, sentant qu’il utilisait une fois de plus sa technique fétiche, mais l’effet se dissipa aussitôt et, au coup suivant, je ne ressentis plus de résistance. Je l’enchaînais ainsi sans discontinuer, il parvint à maintenir sa rigidification aux premières attaques, mais épuisé, mes coups percèrent finalement ses défenses.

« Manges ça enfoiré ! » m’écriais-je en ramenant mon épaule en arrière, vrillant la partie supérieure de mon corps et plaçant un pied en arrière qui me propulsa en déroulant l’attaque tel un ressort qui se détend, le poing filant dans l’air en sifflant.


PATATE
DE
FORAIN!!



Mon coup fétiche, une mandale bien préparée est une mandale efficace. Et niveau efficacité, ce coup de poing avait déjà fait ses preuves. Mon poing, porté par un élan important et toute la force dont j’étais capable, s’écrasa sur les avants-bras relevés du colonel Jimenez, brisant ses os et repoussant ses bras, mon poing continuant sa route en s’enfonçant dans son poitrail. Dans le dos de l’officier, le pilier de pierre se fissura et se brisa sous la puissance de l’attaque. Le corps du colonel s’écrasa parmi les gravats, des pierres lui tombant dessus tandis que le plafond se mettait à gronder. Fragilisé par les nombreux assauts, le plafond large soutenu par de multiples piliers s’était parsemé de fissures qui s’agrandissaient en faisant tomber de petites pierres. Je bondis de quelques pirouettes arrières digne d’un gymnaste, en roues arrières parfaitement effectuées.

Grondant tel un tremblement de terre, le plafond s’effondra dans un éboulement tonitruant. Les pierres s’écrasèrent sur un colonel au sol, déjà à moitié inconscient qui eût à peine le temps de lever ses bras au-dessus de lui avant que de grosses roches viennent l’enterrer. J’avais l’impression que l’histoire se répétait, l’ayant déjà enterré sous une montagne de déchets, tôles et débris durant notre combat au Grey Terminal. Enfin, ce coup-ci, je n’étais pas certain qu’il s’en relève.

« La voilà, ma justice. » crachais-je, accompagnant le geste à la parole en crachant un glaviot ensanglanté par terre.

Je me détournais alors, ayant toujours une évasion à accomplir et des évadés à aider dans leur lutte acharnée pour la liberté. Mais, à peine j’eus tourné le dos que j’entendis de nouveaux éboulements derrière moi. D’un regard ahuris, je me tournais vers l’endroit où était enterré Jimenez. Témoin de la scène, je ne pus qu’être impressionné par la combativité de l’homme. Il était parvenu à repousser quelques roches épaisses qui le recouvraient, sortant la partie supérieure de son corps. Toutefois, ses jambes et un de ses bras étaient toujours écrasés par de gros rochers, probablement broyés sous leur poids.

« Laisse tomber vieux, t’es même pas en état de sortir de là. » dis-je doucement, ne souhaitant pas éterniser ce combat.

« Pourquoi est-ce que tu ne m’achèves pas ? » tenta-t-il de hurler d’une voix éraillée, fatiguée, faible.

« Je pensais l’avoir fait, mais te voilà respirant encore, si tu dois en vouloir à quelqu’un c’est à toi pour t’être protégé alors que tu demandes la mort. » fis-je dans un souffle, reprenant la direction de la porte. « Allez, bonne nuit vieil homme. »

Et je quittais la pièce, fier de moi en arborant un grand sourire aux lèvres. Cet affrontement marquait une fois pour toutes ma supériorité sur le colonel, et il devait en être conscient à présent. Je l’avais épargné et ça, ça lui resterait en travers de la gorge. Son honneur, sa fierté bafouée et réduite à peau de chagrin sous la puissance de mes poings. Néanmoins, il m’avait laissé quelques hématomes sérieux qui me tiraient des grimaces de souffrance à chaque pas. Mais, luttant contre la douleur et serrant les dents, j’avançais en direction de la salle des gardes où devaient se trouver les détenus en fuite.






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Œil pour Œil


Flashback 1628
✘ Quête ~ Partie 1




Le poste de garde était jonché de corps, de prisonniers comme de soldats, plus des derniers. Le sang couvrait la pièce du sol au plafond, le combat avait dû être féroce mais, les détenus n’étaient déjà plus là. Ils étaient plus efficaces que ce à quoi je m’étais attendus, probablement les pirates dont l’équipage entier semblait s’être fait capturer. Jack aussi était plus fort que ce à quoi je m’étais attendus. Certes, pour le propriétaire d’une taverne, il fallait savoir jouer des muscles pour sortir les clients un peu trop éméchés, mais je l’avais vus maîtriser plusieurs soldats en même temps. Et ça, tous les barmans n’en étaient pas capables.

Suivant les couloirs, les bruits de la bataille me parvinrent finalement. Après quelques virages, j’arrivais finalement derrière la troupe de détenus en fuite qui bataillaient comme ils pouvaient dans l’espace réduit. Tout sourire, je pris mon élan pour parcourir la distance qui me séparait de la foule.

« Chaud devant les bébés ! » m’exclamais-je en courant, m’attirant le regard de ceux à l’arrière qui paniquèrent en se collant aux murs.

Je bondis, prenant appui sur l’épaule d’un type puis sur le mur, parvenant à enchaîner trois pas en étant presque à l’horizontale. Mais trois furent suffisants, me menant à l’avant de la troupe, tournoyant sur moi-même avant d’écraser le visage d’un soldat de mon pied. J’atterris en lui piétinant le visage au sol, prenant aussitôt appui dessus dans un craquement, repartant dans une vrille verticale en frappant les trois soldats suivant qui occupaient la largeur du couloir. Poussés en arrière, ils firent trébucher la ligne juste derrière eux.

« Salut p’tit gars ! » s’exclama Jack qui gravit la petite pile des deux rangées de soldats tombés au sol, leur piétinant le visage dans le processus. « Je savais que tu lui mettrais une pilée au vieux colonel ! »

« Je l’ai laissé sous un tas de gravats, ça lui laissera le temps de réfléchir au vieux. » ricanais-je en envoyant un nouveau coup de pied en pleine tête d’un soldat.

Les pirates nous rattrapèrent, grimpant à leur tour sur les pauvres soldats qui se faisaient piétiner, bondissant depuis la pile en levant leurs sabres en criant. Celui qui semblait être leur chef était à leur tête, maniant un sabre dans une main et un revolver dans l’autre, tirant et tranchant avec précision. Ses hommes n’étaient pas mauvais non plus, et l’équipage en soi semblait intégralement composé de pirates sanguinaires et cruels qui, dans ce genre de situation, s’avéraient plutôt utiles. Il y avait toujours les prisonniers qui n’étaient pas habitués au combat, les peines courtes qui avaient probablement l’impression d’être pris dans un combat qui n’était pas le leur. Ils se battaient tout de même, ou se défendaient pour être précis, tendant hésitant leurs sabres tels des novices, ce qu’ils étaient assurément.

« Yayayaya plantez-leur le cul, taillez dans le lard ! Ce soir, on se baigne dans du sang de mouette ! » s’écria le chef des pirates, levant son sabre en encourageant ses hommes qui lui répondirent en criant à leur tour.

« Ouuuuuuuaaaaaaaaiiiiiiissssss !!! »

Remontés à bloc, les pirates se jetaient sur les soldats, les frappaient de leurs lames ou trouaient leur cervelle de balles de revolver. Ils ne faisaient pas dans la dentelle, de sacrés barbares. Moi, j’avais l’excuse de frapper à mains nues, parfois mes adversaires mourraient et, d’autres fois ils survivaient, je laissais le destin faire son œuvre en quelques sortes.

D’un énième coup de poing, je cueillis un soldat inexpérimenté en plein visage, celui-ci se tordant bizarrement, l’homme étant projeté en arrière en faisant tomber bon nombre de ses camarades. C’était là l’avantage de combattre dans un endroit restreint comme celui-ci, dès qu’un des deux camps prenait le dessus c’était bien plus simple de maintenir sa supériorité en les faisant tomber les uns sur les autres. Peu à peu, nous les repoussions, les obligeant à reculer pour tenter de se servir de leurs fusils, mais nous étions déjà sur eux, repoussant les canons vers le haut pour minimiser nos pertes, d’autres derrière nous faisant passer leurs lames sous nos bras relevés pour transpercer ceux qui nous faisaient face. Repoussés mètres après mètres, les soldats se retrouvèrent dos au mur, s’entassant contre des grilles que ceux derrière n’osaient pas ouvrir en nous voyant approcher. Ils sortirent leurs fusils et firent feu sans se soucier de leurs alliés. La peur se lisait sur leurs visages crispés, tremblant bien trop pour viser correctement. Sans trop de heurts, nous nous cachions contre nos ennemis devant nous, leur bloquant les mains et les pieds pour qu’ils ne puissent pas esquiver les balles. S’en servant comme boucliers humains, nous repoussions nos poids morts une fois la première salve passée.

« C’est tout ce que vous avez ? » m’exclamais-je en affichant un grand sourire radieux.

M’élançant avec mes camarades de fuite contre la grille après s’être débarassé des soldats restants de notre côté, nous frappions le fer de toutes nos forces. En prenant mon élan, j’enfonçais alors la grille, la sortant de ses gonds d’un coup d’épaule, et la faisant tomber sur les tireurs derrière par la même occasion. Les cris des soldats résonnaient dans le couloir tandis que nous les piétinions en marchant sur la grille.

Les cris, la sueur, le sang, le combat semblait interminable et répétitif. Dans la pénombre des couloirs où les torches s’éteignaient sous le poids des coups, nous luttions pour un but que je poursuivais depuis toujours : la liberté. Sans le commandement de leur colonel, les soldats étaient désorganisés, s’empêtrant d’eux-même dans ce bourbier qu’étaient les couloirs de la prison. Leurs tentatives de barrages de balles, une stratégie simpliste et facile à prévoir dans cet espace, étaient toutes suivies de cuisants échecs.

Notre nombre avait quasiment diminué de moitié depuis le début, les marchands et ‘petites peines’ s’étant cachés dans un coin en abandonnant notre cause. Je ne pouvais pas leur en vouloir, mais considérais tout de même leur responsabilité dans la mort de ceux qui s’étaient battus. Cela pouvait sembler hypocrite, et ça l’était probablement, c’était moi qui les avais libérés après tout, et qui portais le plus gros poids de la responsabilité sur mes épaules. Mais, j’avais déjà assez vus de sang et de morts pour ne plus autant ressentir la culpabilité, appelez ça de l’égoïsme, moi j’appellais ça la survie.

Enfin, l’escalier en colimaçon s’annonçait, libre de tout adversaire. Les soldats n’avaient pas fais le poids, mais nous étions à présent peu nombreux, et probablement que l’absence de soldats sur la fin du parcours n’annonçait rien de bon. Je ralentissais légèrement le pas, levant un bras pour bloquer Jack et laisser nos compagnons d’infortune passer devant. Le barman m’observa, un air interloqué sur le visage alors que je faisais non de la tête, attendant que tous les détenus en fuite nous aient passés pour prendre la parole.

« C’est là où notre collaboration avec ces gens se termine, Jack. » dis-je doucement en le regardant droit dans les yeux, grave.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? Faut encore qu’on se barre de la base, on va pas y arriver sans eux. s’exclama-t-il un peu trop fort à mon goût, me faisant jeter un regard à l’escalier en colimaçon pour m’assurer que personne ne nous écoutait.

« Il n’y avait pas de soldats sur toute la fin du couloir, l’escalier aurait pourtant pu faire un poste de tir en hauteur pour nous allumer les uns après les autres, enfin ça aurait probablement échoué. »

« J’le sais bien tout ça, viens-en au fait ! » commença-t-il à s’impatienter.

« Ils nous attendent dehors. » dis-je en marquant une courte pause devant le visage de Jack qui se décomposait.

« Tu comptes quand même pas…. »

« Si, c’est exactement ce à quoi tu penses. Écoutes, ils sont probablement nombreux et bien armés et, même si ces pirates sont balèzes, ça va être une boucherie. dis-je calmement, bien que ce que je proposais était horrible. « Il y a un temps pour foncer dans le tas, et c’est clairement pas celui-là. »

Après quelques hésitations, Jack hocha finalement la tête, me suivant alors que je remontais l’escalier en colimaçon. En haut des marches, les forbans poussaient les lourdes portes métalliques de l’entrée, à plusieurs sur chaque battant. La porte grinça jusqu’à ce que les portes s’ouvrent, faisant soudainement entrer le soleil en nous aveuglant l’espace d’un instant. Une lumière blanche, éblouissante et nimbant l’ensemble de ma vision. Et, accompagnant la lumière, le son vint, ou les détonations pour être exact.

Je ne pus y assister de visu mais, après coup, marchant parmi les corps, je m’aperçus du massacre que l’on pourrait qualifier mon œuvre. À défaut de n’avoir sauvé que Jack, je les avais tous libérés, et pour le même résultat. Enfin, presque, les pirates survivants s’élançaient déjà sur les soldats qui nous avaient attendus avec un beau comité d’accueil. De nombreuses lignes de soldats, fusils braqués vers nous, rechargeant bruyamment à l’unisson suite à leur première salve. Une autre ligne sortait de derrière les tireurs, s’élançant à la rencontre de la vingtaine de pirates et brigands qui criaient en levant leurs armes dans leur course.

Jack et moi sortions plus tranquillement, ayant opté pour une sortie plus discrète, quitte à abandonner ces criminels à eux-même. La loi de la jungle bébé. Dès que nous eûmes passés les portes, nous longions le mur tandis que le combat faisait rage quelques dizaines de mètres plus loin. À pas feutrés, nous commencions à nous éloigner de l’agitation en suivant les ombres du bâtiment et de la végétation ambiante, mais les soldats étaient trop nombreux pour que nous ne soyons pas repérés. Ainsi, un groupe d’une trentaine d’hommes nous prirent pour cible. Toutefois, les combats de la journée ayant déjà bien entamés mes forces, sentant que j’aurais défaillis si je m’étais arrêté, nous nous mîmes à courir comme des dératés. Les balles fusaient derrière nous, nous frôlant en nous laissant quelques belles estafilades sanglantes, s’ajoutant aux nombreuses blessures qui parsemaient nos corps fatigués. Cependant, le temps du repos n’était pas venu et, comme poussé par un second souffle, je fonçais droit vers une porte annexe du rempart, plus petite et gardée de quelques soldats qui s’élancèrent vers nous. Sans ralentir ma course, je me pliais en arrière pour éviter les deux sabres qui filaient à deux centimètres de mon nez, remontant en attrapant le visage des deux sabreurs pour les écraser au sol violemment.

Je n’arrêtais pas ma course pour autant, suivis de près par Jack, zigzaguant pour éviter au mieux les tirs maladroits des soldats derrière nous. Plaçant mon épaule droit vers l’avant, je chargeais dans la porte, abandonnant toute finesse pour tout reposer sur la force pure et brute. Le bois éclata sous l’assaut, se fissurant et éclatant en envoyant des échardes et bouts de bois tout autour. Certaines fines échardes se fichant dans mes bras et mon visage, les retirant brièvement en ressortant de l’autre côté. Les deux gardes qui s’y trouvaient furent écrasés par les monceaux de porte, sans espoir de réagir.

Une balle vint se ficher à l’arrière de mon épaule, n’occasionnant que peu de dommages heureusement mais une vive douleur. Jack, passant à côté de moi, m’attrapa par les côtes en m’entraînant dans sa course.

« Allez ! Dépêches-toi, ils sont pas loin derrière. s’exclama-t-il, me réveillant de la torpeur induite par la blessure que je venais de subir. « J’connais cette ville comme ma poche, suis moi de près et on sera hors d’ici en moins de deux.

« J’te fais confiance mon vieux. » répondis-je faiblement, relâché de son bras je reprenais la course par moi-même.

Même blessés, nous restions plus rapides que les soldats qui nous suivaient, et plus malins. Tandis que le soleil descendait en étendant les ombres des bâtiments de la ville haute, nous nous y réfugions discrètement au détour d’une ruelle, entre deux piles de caisses à l’arrière d’une auberge. Les bottes des soldats martelant le sol jusqu’à s’évanouir au fil de leurs pas. Nous sortîmes de notre cachette, prenant une direction différente des soldats qui se contentaient de dévaler l’axe principal en espérant nous y apercevoir.

Le barman expérimenté me guida de ruelles en ruelles jusqu’à une cour intérieure à l’abri des regards. Jack se mit alors à déplacer une pile de grosses caisses pour dévoiler un passage dérobé dans le rempart qui entourait la ville. Ainsi, nous pûmes nous enfuir en toute discrétion en passant par le Grey Terminal alors que celui-ci s’activait de nombreux soldats mis au courant de ce qu’il s’était passé à la base de la 236e. Le soleil disparaissait à l’horizon, étendant des ombres dont nous nous servions comme manteau pour disparaître dans la jeune nuit.





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