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Dégringolade

Rappel du premier message :

Hmm...

Hmm... Ça en fait du bois mon gars.

Mon bateau est tombé dans un gros trou au milieu de la flotte. C'était génial, surtout quand il a commencé à lentement se dépiauter et que tout le monde dessus hurlait en levant les bras. Un toboggan d'adrénaline direction Enfer suivi d'un silence complet puis de radieuses ténèbres...
...
Joli ! Joli coin !
Si j'avais eu la tête remplie de bêtises j'aurais juré être tombé au paradis après avoir cané dans la descente mais eh non attention : cet endroit ressemble au néant mais il en est qu'un reflet, je le sais moi, pas folle la guêpe. C'est familier, acceuillant. Joli ! Calme. Mon cerveau vrombit, mes pensées vibrent et me gratouillent, j'ai des picotis picotas sous le crâne je sais pas si c'est le chant de mes commotions ou celui de l'excitation... Pourtant oh putain ce que c'est calme ! Ici ! Ouah.

Une forêt ! Une forêt dense, une grande cathédrale d'arbres enchêvetrés. Les murmures du bois. Ça croustille délicatement... Une jolie rivière dans laquelle la flotte semble arrêtée, la flotte semble désespérée et ce désespoir est brunâtre, les poissons qui l'habitaient se sont gavés de ce désespoir et d'une manière tout à fait charmante, il est impossible de déterminer si ce sont des arrêtes ramenées à la vie ou de la vraie chair poussée largement au-delà de ses limites ! J'en caresse un qui passe à ma portée, je lui souris. Ses écailles me restent entre les doigts.

Cui cui cui, y a aussi des oiseaux, cui cui cui les oiseaux ! Et des morceaux de bateaux bazardés dans le décor, je sais pas si c'est le mien, et des morceaux de gens bazardés dans le décor, je sais pas si c'est les miens...

Ce cadre est idéal, j'improvise une méditation : je ferme simplement les yeux, m'enferme dans mon esprit, puis je procède à une visite rapide de mes appartements chimériques installés dans le vide derrière l'univers. Malheureusement alors que je suis devant la porte d'entrée, un râle me tire par le col et me ramène à la réalité.

-M'sieuuur... Doppio... ?

Ben dis donc ?

Oui ?
-Ven-nez... Je suis là, der... d-derrière vous...

Je me retourne et quelle ne fut pas ma surprise : une pauvre âme en peine qui poireaute dans la salle d'attente du Néant ! C'est un de mes doppiosters, encastré dans un tronc ! Oui oui. Il a une planche dans le ventre, elle est plantée raide droite, je reconnais cette planche elle était sur le pont de mon fier vaisseau, je reconnais ses stries croûteuses en forme de balafres purulentes, un vrai capitaine connaît sur le bout des doigts chacune des planches de son navire.

Bah alors, on a bobo dans le bidou ?

Comment il s'appelle ce type déjà ?

-M'sieur D-Doppio... Wow... C'ét-tait une drôle de descente, j'ai...
Chhhht chht cht. Profite. Que ressens-tu, là-dedans ?

J'attrape la planche à deux mains et je touille dans ses tripes. Ça fait squitch squitch.

-WaaAaaAAaAH ! SI MAL ! CONT-TINUEZ M'SIEUR DOPPIO ! Q-Que...

Il s'est éteint, clic ! Un interrupteur que nous connaissons bien, nous autres amis de la désolation. En cas d'overdose de douleur il arrive que le corps se foute en veille pour en garder pour plus tard. Vue la quantité de ketchup répandue autour de sa viande, son plus tard à lui il le retrouvera dans le Néant. A plus, champion !

Je lui fais un clin d'oeil puis lui donne un coup de poing dans l'épaule, comme si j'étais son maxipote depuis toujours. Pas de réaction, dommage, il est claqué pour de bon le bonhomme, pas de pot. Bon.

J'ai perdu leurs traces. Y avait mes copinous, et Elizabeth, et les copinous d'Elizabeth. Ils peuvent pas être loin, il me tarde de les retrouver en vue d'établir un bilan du Fun généré cet après-midi puis nous organiserons un pique-nique festif et sanglant afin de correctement conclure la promenade.

On a fait une grosse fête là-haut à l'étage avec ce type au scaphandre... mais quand on a voulu partir, le gros trou dans la mer a dit non. Moi, j'avais même l'impression qu'il m'appelait, je l'ai distinctement entendu : m'attendant depuis 3,5 millions d'années, 4 mois et 21 jours, ma présence ici le réjouissait et il comptait sur moi pour mettre fin à son supplice : le trou.

Bah voilà. Je suis dedans. Et du coup on fait quoi ? Ils sont où les autres...

JEAN-CLAUDE ?!

Il répond pas ? Attends...

Y A UN MEC MORT LA, TU PEUX LE BOUFFER !

...
Non s'il m'avait entendu il serait accouru la langue pendante et le regard brillant.
...
La forêt.
La forêt tu sais je l'ai jamais vue. Craig Kamina il savait ce que c'était qu'une forêt mais moi ? Tu veux que je dise quoi à tout ses arbres ? Je parle pas leur langue, je sais ni comment ils bouffent ni comment ils baisent, autant dire que ça limite fort les possibilités d'interactions. Avec le béton et le métal de Dead End tu pouvais discuter. Mais ici, rien n'a l'air vraiment vivant. L'air d'ici est démesurément pur et j'ai l'impression que mes poumons voient son intrusion d'un sale oeil.

Tu sais quoi ? Tourisme ! Je chercherai les copinous plus tard. La rivière agonise tranquillement, elle s'en tape complètement que l'océan s'effondre autour de lui. C'est une journée idéale pour... pour... nettoyer son coeur.

Le trou dans la mer a insisté pour qu'on se rencontre, rongé d'impatience ! Il m'attend de pied ferme, depuis hier ou depuis avant-hier selon la perspective, il m'attend depuis 3,5 millions d'années, 4 mois et 21 jours pour être précis.


Dernière édition par Doppio le Sam 21 Aoû 2021 - 19:38, édité 1 fois
  • https://www.onepiece-requiem.net/t10413-fiche-de-craig
Il s'était passé des choses. Des choses indescriptibles et même si j'essayais d'y trouver un sens, une logique, je n'y arriverais pas. Jusque là, j'étais restée sceptique, je n'avais cru qu'à un triste concours de circonstances, jamais je ne me serais dit que notre destin serait d'être là, au fond de l'océan, face à un monstre marin. Et quel monstre ! Jamais je n'avais vu un tel roi des mers. Sa morphologie laissait peut-être deviner son ancienneté : des millions d'années d'évolution, peut-être même des milliards, et presque autant de chaînons manquants pouvaient nous séparer de cette forme de vie. Impossible de trouver un ancêtre commun qui daterait de notre ère tellement la différence était frappante : de tels êtres devaient errer dans les seules ténèbres depuis le début du monde. Et encore, cela ne suffisait pas à tout expliquer.

Craig avait voulu jouer aux offrandes, tandis que je restais spectatrice de tout ce qui se déroulait autour de moi. Il avait manqué de finir en dessert après que la bestiole a tellement inspiré la peur chez toute l'assemblée que certains en étaient tombés raides morts, poissons comme humains. Étrangement, seuls Jean-Claude et moi ne semblions pas affectés, même si je sentais une force étrange faire pression sur mon crâne en acier, chercher à atteindre ma matière grise, à me parasiter. Ce devaient être les profondeurs, rien de plus ; il était normal qu'aussi bas, la pression cherche à nous écraser et nous fasse tourner la tête.

Silence en avait fait les frais, j'avais été obligée de la soutenir pour qu'elle ne s'écroule pas de tout son long durant la cérémonie. Lewis n'était pas dans un meilleur état : si ça continuait, ils risquaient tous les deux de finir comme Burton. Il fallait mettre un terme à tout cela, j'en avais trop vu.

« - Il est temps de mettre fin à tout ce cirque. Lewis... bouge toi ! » tonnai-je tout en fonçant sur l'agent et en lui décochant un coup de coude.

Pendant l'espace d'une seconde, tout s'arrêta. Personne ne s'était attendu à ce que l'un des invités se rebiffe, personne ne pensait cela possible. Je sentis tous les regards se braquer sur moi alors que je poursuivais ma route en direction du monstre. Il fallait bien que quelqu'un détourne l'attention du machin ; j'étais la seule à pouvoir agir et prévenir l'issue tragique de tout cela. Même Craig ne méritait pas de finir de cette façon... personne ne le méritait, en vérité.

J'intervins au bon moment, me mettant entre l'un des innombrables tentacules et sa victime, le tranchant en deux, arrachant un cri de douleur à la bestiole qui n'avait visiblement pas l'habitude qu'on lui tienne tête. Impossible de voir où était réellement sa gueule, quand bien même son hurlement malmenait nos tympans, c'était comme s'il semblait émaner de partout et nulle part à la fois. Des ténèbres. Des abysses et des hommes-poissons qui les peuplaient.

Tout se passa alors incroyablement vite. C'était comme si la bataille couvait depuis notre arrivée, comme si j'avais mis le feu au poudres : les Marines furent les premiers à se rebeller, tirés de leur léthargie, insufflés d'un courage sans précédent. Malheureusement, leurs armes leur avaient été retirées et les autochtones possédaient tout un arsenal pour les repousser, en plus d'être innombrables. Coïncidence ou non, le barrage humain qui nous libérerait la voie jusqu'à la sortie ne tiendrait donc pas longtemps ; il fallait agir promptement avant de nous retrouver pris en étau.

Occupée à esquiver les appendices qui me ciblaient, je n'eus le temps de voir les évènements se dérouler que du coin de l’œil. Silence était partie prêter main fortes aux soldats ; elle sabrait comme une forcenée, découpant les chairs avec son glaive et écrasant les têtes avec son encensoir. Elle galvanisait les troupes et redonnait espoir en pointant la fragile constitution de l'ennemi. Mais plus les secondes défilaient et plus celui-ci grignotait les rangs alliés, parfois littéralement : les plus redoutables n'avaient pas que l'écume aux lèvres, mais aussi des lambeaux de chair et des filets d'hémoglobine... Après tout, nous avions osé offenser leur dieu au moment même où son audience flirtait avec la plénitude et cela, ils comptaient nous le faire payer cher. Je ne pus réprimer un frisson en pensant à l'univers des possibles, à toutes les tortures que ces bêtes là, inhumaines, pourraient infliger à leurs prisonniers.

De son côté, la bête continuait à gémir, à lâcher de longs cris gutturaux, aussi plaintifs que horrifiques. Cela seul suffisait à faire perdre leurs moyens à certains hommes et donner l'opportunité aux habitants des profondeurs de finir le boulot. Malgré tout, il y en avait un qui osait affronter sa peur, quand bien même il était blême et pratiquement sur le point de rendre l'âme. D'une certaine façon, j'avais eu raison de bousculer Lewis : il s'était pressé à ma suite et venait de récupérer Craig, luttant sur le chemin du retour, n'hésitant pas à utiliser l'art martial du Cipher Pol contre la poiscaille sur son chemin.

« - Vers la porte ! » hurlai-je d'entre deux vestiges de tentacules, incertaine d'être audible.

Celle-ci se fermait, ils supposaient que cela nous arrêterait ; ils avaient tort. D'un bond aérien, j'esquivai un nouveau coup de l'un des gigantesques bras, cette fois-ci l'écrasant et le broyant sous mon saut, pour me retrouver en un clin d’œil sur la trajectoire du portail à demi-ouvert. Tant qu'il n'était pas fermé, je supposais qu'il restait vulnérable... et j'avais raison. Mon poing s’abattit sur l'air meuble et fissura sa croute, enfonçant par à-coups ma cible et dégradant suffisamment les parois en pierre pour nous garantir le passage. Derrière, les ennemis qui affluaient furent tout simplement projetés dans la grotte, la plupart finirent brisés sur la roche. Proportionnellement, les pertes occasionnées étaient une broutille comparées à l'armée qui surgissait tout autour de nous. Non, pas le temps de se battre, quand bien même je pouvais balayer une vague d'adversaires grâce à mes pouvoirs : il fallait fuir.

D'un sprint, je catapultai Lewis dans ma lancée et le séparai de ses hommes, d'ores et déjà condamnés, pour l'amener vers la sortie. Je n'oubliais pas Silence qui hoqueta de surprise lorsque mon bras passa autour de sa taille : elle était à bout de forces et c'est à peine si elle résista, un simple courant d'air aurait réussi à la faucher. En une enjambée, nous traversâmes le seuil côte à côte, le détective et moi, tous deux chargés de nos complices respectifs et précédés par Jean-Claude. Nous cinq contre le monde entier, car tous les autres avaient passé, passaient ou passeraient l'arme à gauche : c'était le seul moyen de se dire que nous n'étions pas responsables de ce baroud d'honneur.

Ce moment là marqua un stade de non retour, tandis que nous luttions pour nous dégager du campement, que je balayais l'ennemi devant moi et laissais les irréductibles au cannibale qui s'en donnait à cœur joie. Durant toute la durée de la course, aucun de nous n'osa regarder vers l'arrière, aucun de nous ne chercha à savoir si les membres flasques et cartilagineux de l'idole des abysses se rapprochaient à nouveau, si elle arrivait à passer la porte. Probablement pas, seuls les cris désarticulés des bêtes des profondeurs nous suivaient.

Passé le camp dressé par les poissons et les humains convertis, les tunnels n'étaient plus qu'un labyrinthe de pénombre. L'ennemi se raréfiait, mais d'autres difficultés nous attendaient en amont. La fatigue et les ténèbres commençaient à sérieusement nous peiner, freinant notre progression. L'inclinaison du sol à certains moments n'aidait pas non plus : si nous étions sûrs d'aller dans le bon sens, nous épuisions aussi notre souffle plus rapidement à crapahuter dans le noir, à quatre pattes, dans des boyaux étroits. J'étais particulièrement inquiète pour mon compagnon à bout de forces qui manqua plus d'une fois de chuter du haut d'une pente trop vertigineuse ou juste de s'effondrer à de multiples reprises. Tel que je le voyais, grâce à ma nyctalopie, il n'avait plus rien du fringuant écrivain Enzo Versace, mais ressemblait davantage à un clochard avec ses vêtements maculés de boue, découpés et troués de partout.

« - Encore un petit effort... on y est presque, » tentais-je de rassurer les troupes en saisissant un rocher et en l'utilisant comme tuteur pour atteindre le sommet de la paroi que nous étions en train d'escalader.

Je n'étais pas sûre du chemin que nous avions emprunté, toutefois nous n'avions pas trente-six solutions : il fallait continuer d'avancer. Les grattements et sifflements se poursuivaient dans notre dos, tel un rappel constant et incessant que nous étions poursuivis. Les murmures m'assaillaient, raison pour laquelle j'accordais une attention particulière au moindre rocher, à la moindre pierre sur notre chemin. Mon esprit était suffisamment occupée par l'ascension pour que des voix malignes parviennent à y pénétrer. Lewis, lui, prétendait ne rien entendre mais son teint blafard laissait comprendre que ça ne changeait rien à la finalité : les murmures s'insinuaient dans nos pensées et nous transformaient progressivement en larves, en bétail pour le monstre marin, que nous les entendions ou pas.

Voilà peut-être une demi-heure que nous rampions dans ces grottes lugubres et humides, à plusieurs milles de tout secours, toute civilisation. Inéluctablement, je ne pus m'empêcher d'imaginer le reste de mon équipage qui attendrait longuement mon retour, si jamais je devais rester bloquée ici. Que feraient-ils, que deviendraient-ils ? Probablement qu'Angelica reprendrait le flambeau, mais pour combien de temps... Toutes ces pensées, associées avec l'impression de ne pas progresser, d'être perdus, faillit me faire perdre les pédales et nécessita une pause le temps que je remette de l'ordre dans ma psyché. Puis la chance nous sourit, enfin.

C'était la salle aux écritures, celle où j'avais retrouvé l'agent en train de passer sa main sur les murs. Celle où Burton avait été lui-même pour la dernière fois. Cette fois-ci, aucun poisson dans les parages, toutefois nous pouvions êtes sûrs d'une chose grâce à cela : nous étions sur la bonne voie. Nous laissant une bonne minute pour récupérer notre souffle, j'avisais une par une les différentes sorties dans le but de reconnaître celle que nous avions empruntée pour venir. Tous les boyaux se ressemblaient, mais un détail majeur permettait de reconnaître le bon.

Je saisis la lanterne qui gisait sur le sol, que nous avions abandonnée sur indication de notre guide à branchies, et grattai une des rares allumettes que j'avais emportées avec moi. Le feu prit aussitôt, répandant à la fois lumière, chaleur et espoir dans l'assemblée. C'était comme se retrouver dans un sanctuaire, comme une accalmie au milieu d'un champ de bataille.

Brandissant la lampe à naphte, j'indiquais le chemin. Jean-Claude avait beau avoir un mauvais sens de l'orientation, il le reconnût lui aussi et ne put s'empêcher d'étirer un sourire, un grand sourire rose et bleu qui me fit détourner le regard. Au même moment, comme si la chaleur de la flamme semblait éloigner la menace du prétendu dieu abyssal, Craig et Silence rouvrirent les yeux. L'homme-poisson marmonna même quelques mots avant de retomber dans le domaine des songes.

« - Allez, on avance ! Du nerf. »

La course contre la montre continuait. Tandis que nous nous reposions dans notre déroute, l'ennemi avait battu la campagne et se rapprochait dangereusement. Les voix résonnaient physiquement contre les parois et laissaient entendre que les barbares nous collaient au train. Comme nous quittions ce que Lewis appelait le « Musée », un flot continu d'hommes-poissons s'y déversait pour poursuivre dans notre direction. Ils savaient où nous étions, comme s'il n'existait qu'une issue à ce monde de cauchemars, ce qui me donna une idée.

La côte diminuait et la saturation en humidité qui faisait perler les moindres stalactites sur nos cheveux, déjà collés en nattes par la transpiration, semblait se résoudre. Une minute seulement après le changement de dénivelé, nous atteignîmes un embranchement que je ne connaissais que trop bien. Déjà, Jean-Claude se pressait dans le carrefour, ne sachant vers où aller. Il fit volte-face et me vit à demi-tournée vers le tunnel que l'on avait tenté de barricader avec une lueur de défi dans le regard.

« - J'ai une idée. »

À son tour, Lewis s'orienta dans ma direction. Les deux hommes ne comprenaient pas pourquoi on s'arrêtait, ils n'étaient plus vraiment en état de réfléchir. Je sentis le souffle de Sœur Silence chatouiller mon oreille droite, là où sa tête dodelinait jusqu'à présent au rythme de mes pas : elle s'était réveillée et elle avait saisi, elle aussi. Sans faire le moindre signe, elle se décolla et boitilla pour rejoindre les deux hommes qui s'impatientaient. Les voix s'approchaient dangereusement, des lueurs rouges apparaissaient par paires dans l'obscurité devant nous. La lampe siégeait à la croisée des chemins, éclairant mon dos tandis que je me mettais à l'entrée du boyau, les deux bras tendus pour toucher chaque paroi et y planter mes doigts... pour entailler la pierre en la griffant soudainement, jusqu'à croiser mes membres autour de mon buste.

La caverne toute entière trembla.

Des blocs de roche se mirent à pleuvoir tout autour de nous, mais ce fut la grotte par laquelle nous étions arrivés qui en pâtit le plus : devant moi, le plafond naturel s'effondra et j'eus la vision rassurante de dizaines, peut-être même des centaines de paires d'yeux découvrant que leur sort était scellé, qu'ils finiraient prisonnier sous des tonnes de gravats. Et je ne pus m'empêcher de savourer le moment, jusqu'à ce que la terre elle-même ne manque de venir m'ensevelir et que je ne sois contrainte de battre en retraite d'un bond vers l'embranchement pour me retrouver accroupie aux côtés de mes camarades.

« - Avec ça, ça m'étonnerait que l'on entende parler d'eux pendant un bon moment.

- Ouais. Mais on sait pas vers où aller. Et je t'avoue que je n'ai pas envie de découvrir qu'il existe une autre sortie à cet endroit. »

La nonne fit des signes, Jean-Claude traduisit :

« - Selon votre sublime amie, c'était la seule issue. Les voix se sont tues dès lors que la grotte a été bouchée. »

Mon premier réflexe fut un soupire de soulagement, au même titre que Lewis qui se montra bien moins expressif. Cependant je me repris rapidement, me rappelant que Sœur Silence n'avait pas été de très bon conseil dernièrement. Indirectement, elle avait mené deux des nôtres à la mort et devrait en payer le prix tôt ou tard. Malgré tout, mon empathie me confirma un silence agréable, sain... normal. Quelque soit la chose que nous avions semée, elle ne semblait plus avoir d'emprise sur nous. Les malades retrouvaient même des couleurs, comme si le drain qui siphonnait leur énergie vitale venait d'être coupé.

Lewis fut le premier à s'asseoir autour de la lanterne, épuisé. Si son corps semblait sur le point de se briser, l'éclat dans ses yeux revenait progressivement. Ses doigts jouaient entre les pages de son carnet, celui dans lequel il avait compilé la vie théorique de Doppio. Il ne lisait pas ses notes, le manuscrit semblait même lui donner des frissons, comme s'il s'agissait d'un talisman qui permettrait à la Chose de revenir parasiter son cerveau. Je le rejoignis en m'affalant et en croisant mes jambes devant le feu prisonnier, rejointe par Silence et Jean-Claude, ce-dernier tenant le corps inconscient de son chef dans ses bras.

« - Non, » répondis-je à la question qui fusa dans le crâne du cannibale, avant même qu'il la formalise oralement.

Celui-ci fit la moue et s'en tint simplement à dévorer le corps de l'homme-poisson des yeux.

Nous restâmes un quart d'heure, peut-être plus, avant que je ne décide de me lever la première, désireuse de ne pas prendre racines. Ce n'était pas que les souterrains me lassaient, mais quand même. Récupérant la lampe, j''avisai le chemin face à celui éboulé et ouvris la marche.

***

Nul ne sait combien de temps nous dérivâmes dans ces tunnels, continuant toujours à prendre les chemins en côte pour s'assurer de remonter vers la surface. L'appréhension que nous puissions encore nager en pleine démence et, en vérité, nous éloigner de la surface me hantait. Malgré tout, comme une fine lumière semblait progressivement émaner des parois qui devinrent cristallines, je savais que nous avions fait les bons choix. Rapidement, nous nous retrouvâmes dans le réseau de galeries où le vent soufflait abondamment. Ici, la noirceur s'effaçait définitivement des moindres recoins et rassurait les âmes. Malgré ce nouveau symbole d'espoir qui venait parfaire le tableau, plus personne ne pipait mot, chacun semblait encore affronter ses propres démons, particulièrement Craig qui surgissait de temps à autres de ses songes sans tenir le moindre propos cohérent. À l'écouter, il ne savait plus qui il était...

Puis, au détour d'une énième paroi de diamant, un rayon de soleil frappa mon visage, émanant d'un trou dans la roche au plafond. Nous avions visiblement suffisamment grimpé pour nous retrouver juste sous le sol ; de là, nous pouvions voir la « surface », le bout d'un arbre et derrière une sorte de montagne sur laquelle était juchée une hélice gigantesque qui tournoyait à une vitesse folle et semblait éloigner les flots au-dessus d'elle. Un premier élément de réponse au comment du pourquoi de l'endroit, mais aussi et surtout un signe de la civilisation. Lewis avait bien dit qu'il existait un village non ? Nous n'en étions peut-être pas loin.

Après quelques minutes de contemplation, à regarder le ciel artificiel au-dessus de nous à travers cette lucarne, nous nous remîmes en route. Plus nous avancions et plus les boyaux se faisaient larges, le réseau de tunnel laissant sa place à des cavernes plus vastes garnies de piliers naturels nés de la rencontre de stalagmites et de stalactites. Finalement, au loin, une sortie illuminait l'endroit tel un point blanc au milieu du gris bleuté environnant. La vision du paradis raviva la flamme de Jean-Claude qui s'élança à toute berzingue vers l'issue à notre calvaire. Il disparut dans la lumière, quelques instants avant que nous le rejoignons. Alors, à nos yeux qui n'étaient plus habitués à autre chose que les ténèbres souterraines, une surprise se dévoila : nos esprits engourdis s'étaient probablement imaginés que le village serait un repère de taudis et de dégénérés comme ceux que nous venions de quitter, il n'en était rien.

Sous nos yeux fleurissait, loin encore, la silhouette légèrement couverte par la brume d'une véritable ville, au milieu des montagnes et des forêts sous-marines.
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