Stage de formation

« Tèèèèèèè~renvuuuuuue !! » Beugla la vigie.

Comme la majorité des gens sur le navire, Rachel réagit instinctivement à l’annonce en traversant le pont pour s’approcher du bastingage et essayer de voir l’île de Dawn.

Cela faisait maintenant quelques jours que la jeune femme s’était engagée dans la Marine. Elle avait été des plus surprises quand elle avait appris que sa première affectation l’emmenait au QG d’East Blue. Elle avait bien demandé au recruteur qu’est-ce que c’était que ce bordel, mais il s’était contenté de marmonner de vagues excuses en grommelant dans sa barbe des imprécations où surnageant les mots « administration », « délirant » et « bande de boulets ». Rachel avait compati : déjà à l’époque de la Marine du Royaume d’XXXX, l’administration avait le chic pour mettre le bazar dans les trucs bien huilés, alors dans une organisation mondiale comme la Marine du GM…
Du reste, ça n’avait pas dérangé la jeune femme outre-mesure : elle avait rejoint la Marine pour protéger la veuve et l’orphelin des déprédations des pirates, alors si les gens d’East Blue avaient besoin d’aide, elle n’allait pas se faire prier.

Arrivé au QG local, elle avait eu le droit à une formation éclaire. En tant qu’ancienne caporale de la Marine du Royaume d’XXXX, la hiérarchie avait estimé qu’elle n’avait pas besoin de grand-chose d’autre avant d’être déployée sur le terrain. Un peu de blabla sur l’organisation de la Marine, la façon dont on y gérait les hommes et deux-trois doctrines d’engagement et le tour avait été joué : on lui avait confié une petite unité de cinq soldats encore en formation et mise sur le premier navire en partance pour l’île de Dawn en vue d’un « stage de formation en condition réelle ».
De ce qu’elle avait entendu dire pendant le trajet, ledit stage était surtout un tour de passe-passe administratif pour déployer temporairement des renforts sur l’île, la garnison locale étant bien trop débordée pour pouvoir tout gérer et avait constamment besoins de petites mains supplémentaires.

Le voyage avait duré deux jours. Rachel en avait profité pour faire connaissance avec son équipe, tous des matelots secondes classes. Il y avait Thierry, le beau parleur, bourreau des cœurs sûr de lui. La caporale était parvenue à lui tirer les vers du nez : le jeune homme s’était engagé dans la Marine pour éviter les foudres d’un mari cocufié. Il allait peut-être falloir le tenir à l’œil auprès de la gent féminine civile… Venait ensuite Taleh, un gros gaillard maladroit mais avec le cœur sur la main. Rachel n’était pas certaine qu’il soit capable de faire du mal à ne serait-ce qu’une mouche, mais espérait qu’il cache juste son jeu : il ne se serait quand même pas enrôlé dans la Marine tout en étant pacifiste, non ? Pavel était un ancien forgeron, mais il avait malencontreusement cramé son affaire, au sens propre. Les assurances lui avaient donné tort et il était donc ruiné. Il avait rejoint la Marine le temps de se refaire un pécule suffisant pour relancer son affaire. Quant à Adachi, il s’était engagé pour voir le monde et voyager. Comme il le disait : « c’était ça ou la piraterie, sauf que peut-être qu’un jour, j’aurais envie de rentrer chez moi et ça sera quand même vachement plus dur avec une prime sur la tête ! »
Bref, aucun d’entre eux n’avait d’expérience et tous sortaient tout juste de formation. Pour les compétences martiales, il ne fallait sûrement pas s’attendre à grand-chose, il faudrait donc compenser avec leurs points forts personnels.

Le navire s’approchait inexorablement de l’île. Bien que ce soit sa destination, il passa au large de Goa pour acheminer en premier lieu les renforts vers le village de Fushia. Rachel eût néanmoins tout le loisir de détailler la vaste ville depuis son point d’observation. Un véritable champ de ruines, de ce qu’on pouvait en distinguer depuis le pont du navire.

« Mon dieu, mais qu’est-ce qui s’est passé ici ? Murmura Rachel.
_ C’est parce qu’il y a eu une groooosse révolte y’a quelques années, signala une voix fluette tout près d’elle. Même qu’on dit qu’ils ont tout brûlé, là-bas derrière. »

Rachel tourna la tête pour contempler la gamine haute comme trois pommes tranquillement installée dans l’un des gréements : Eïna Nesterii, la cinquième larrone de son unité. Contrairement aux autres, la jeune femme n’avait pas encore eu vraiment l’occasion d’apprendre à la connaître : sitôt arrivée sur le navire, la petite était partie faire un tour dans les cordages. Les matelots réguliers du navire avaient grommelé gna-gna-gna, c’st pas un terrain de jeu, file-donc ailleurs gamine, mais l’aisance de la gabière avec les voiles, ainsi que sa bonne humeur inoxydable, les avaient rapidement fait s’enticher de cette nouvelle mascotte et plus personne ne les avait plus entendu se plaindre passée la première demi-journée. Du reste, Eïna n’avait pas remis souvent les pieds sur le pont, trop contente d’apprendre pleins de nouveaux trucs auprès des gabiers vétérans du navire.

En vrai, tous les matelots s’étaient vus mi-proposer, mi-imposer divers apprentissages liés au navire durant la traversée, selon le vieil adage qui veut qu’un vrai Marine sache tout ce qu’il y a à savoir sur la navigation. Ainsi, un contre-maître avait tenté d’apprendre à Rachel les différents types de nœuds marins, en pure perte : la jeune femme avait à grand-peine retenue deux-trois façons de boucler la corde, quant aux noms… une catastrophe. Les commandos de la marine d’XXXX étaient plus sélectionnés pour leur capacité à péter des gencives que pour leur sens de la navigation et Rachel n’y faisait malheureusement pas exception. Elle était d’ailleurs bien contente de retourner très bientôt sur le plancher des vaches.

« Te revoilà, toi, constata la caporale, en souriant. Je commençais à me dire qu’il allait falloir que je démâte le navire pour te faire redescendre…
_ Oh ? Vous l’auriez fait ? Pour de vrai ? Vrai de vrai ? L’interrogea Eïna avec de grands yeux.
_ Non, c’était une blague, convint Rachel. Et pas la peine de me vouvoyer.
_ Sûre ? Insista la fillette en lorgnant sur l’impressionnant gabarit de sa supérieure.
_ Sûre, affirma Rachel. Et quoi que tu sois en train d’imaginer, oublie ça, tu veux. Bon, puisque je t’ai enfin sous la main, on va enfin pouvoir parler.
_ Ben pourquoi faire ? » Esquiva Eïna en se laissant glisser tête en bas, toujours accrochée à son cordage.

Timidité ? Non, pas le genre, jugea la caporale. Peur ? Improbable, on parlait d’une gamine beaucoup trop jeune engagée dans la Marine et faisant le mariole quasiment la tête dans les nuages. Méfiance ? Aaaah… peut-être bien.

« Hé bien, pour mieux apprendre à se connaître, avança Rachel. D’après moi, c’est important d’en savoir plus sur les gens si tu veux leur faire confiance.
_ Alors moi aussi je peux poser des questions ? Voulut savoir Eïna, les yeux pétillants soudainement d’intérêt.
_ C’est le principe, oui, acquiesça la caporale. Mais j’ai déjà dit que j’aurais pas démâter le navire, pour de vrai.
_ Ok, alors je veux bien !
_ Super. Alors je commence : tu as quel âge ? Voulut savoir Rachel. Je veux dire réellement.
_ J’ai quatorze ans ! Répondit la fillette sans détour.
_ Oh. J’aurais dit moins, à première vue… Mais la Marine n’engage pas les enfants, objecta la caporale. Comment ça se fait ?
_ Ha ben c’est facile, rigola Eïna, j’ai dit au monsieur du bureau que j’avais seize ans. Parce que Raln m’a bien dit dire ça, sinon j’aurais été pas été prise, qu’il a dit.
_ Aussi simplement que ça ? Sérieux, mais ils vérifient rien, les recruteurs, en fait…
_ À moi ! À moi, sergent ? Ah non… Caporal ? Hésita la petite en tentant de se rappeler des histoires de grade. Chef ? Bidule ? Madame ! À moi, madame !
_ Rachel, rectifia la caporale. C’est mon nom.
_ Mais le type du QG, il nous a dit qu’on devait appeler les chefs par leur grade.
_ M’en fiche, asséna Rachel. Je préfère que tu m’appelles par mon prénom. Et que tu me tutoies, aussi.
_ Mais le type du QG… insista l’adolescente.
_ … n’aurait pas dit aussi un truc sur l’obéissance ? » Voulut savoir la caporale en souriant.

Eïna se redressa sur son cordage et plissa des yeux tout en dévisageant l’imposante albinos qui lui servait présentement de chef. Un grand sourire lui barra le visage alors qu’elle appréciait l’ironie du raisonnement.
Quant à Rachel, elle se contrefichait éperdument des règles de bienséances rigides de la Marine Régulière. En ancienne des commandos, l’esprit de corps lui importait bien davantage que les marques de respects révérencieuses : il était plus facile de diriger des soldats qui estimaient faire partie d’un tout, chef inclus, que des soldats qui vous considèrent au mieux comme un étranger, au pire comme un intrus. L’utilisation des prénoms et du tutoiement renforçait l’intégration et la sensation de faire partie d’un même groupe, uni et soudé. La clef de voûte d’une escouade efficace, d’après elle.

« Ok, d’accord, Rachel, s’exclama Eïna ravie. Alors à mon tour : t’es cheffe depuis longtemps ?
_ Ça dépend, avoua l’intéressée. J’ai été caporale dans les commandos d’assaut de la Marine d’XXXX pendant près de deux ans. Et puis, notre flotte a été dissoute au profit de la Marine Régulière. Au début, je leurs en ait beaucoup voulu, puis j’ai fini par comprendre qu’ils n’y étaient pour rien et qu’ils poursuivaient les mêmes idéaux que moi. Alors j’ai rejoint la Marine Régulière, il y a quelques jours seulement, d’ailleurs, et ils m’ont redonné le grade de caporal et me voilà.
_ Wahou. Bon, à ton tour ! Signala l’adolescente en commençant à tournoyer autour de l’axe de la corde, ses longs cheveux fouettant l’air dans son sillage.
_ Tu faisais quoi, avant ? Voulut savoir Rachel.
_ J’étais dans un cirque ! Répondit Eïna sans s’arrêter de tourbillonner. C’était le cirque de Raln, on avait des spectacles de lancer de couteaux, des équilibristes et des danses de lames et tout et tout ! Et moi, j’étais une équilibriste, je marchais sur des cordes à plus de quinze mètres de haut !
_ Ce qui explique soudainement bien des choses, constata la caporale en jetant un coup d’œil aux gréements. Quinze mètres !? Non mais en vrai, ç’a l’air super dangereux, en fait !
_ Mais pas du tout, c’était super drôle ! C’est mon tour ! »

Pendant que les deux filles discutaient tranquillement, le navire de la Marine avait fini de contourner Goa puis de longer la côte. Il arrivait maintenant près du ponton qui desservait la route vers Fushia. On pouvait l’apercevoir, au loin, à l’intérieur des terres. Mais ce qu’on pouvait surtout distinguer, c’était la mer de tentes qui se déployait tout autour. Rachel était abasourdie par le nombre de réfugiés que cela pouvait représenter.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? Souffla la jeune femme.
_ C’est les réfugiés, lui expliqua Eïna. Comme tout a brûlé à Goa, ils sont venus ici.
_ Mais je croyais que la révolte et l’incendie avait eu lieu y’a quelques années, s’étonna Rachel. Pourquoi ne pas avoir reconstruit ?
_ Ben parce qu’ils ont pas d’argent.
_ Et le Gouvernement Mondial ? Il peut bien faire quelque chose pour eux, s’entêta la caporale.
_ Il a pas d’argent non plus.
_ Alors la Marine : quitte à se ruiner sur des années pour ces camps, ç’aurait été plus simple d’engager l’argent pour la reconstruction.
_ Elle a pas d’argents non plus.
_ Et ces réfugiés ? Pourquoi est-ce qu’ils restent, alors, si la situation est inextricable ?
_ Ils ont pas d’argents non plus.
_ Je vais t’appeler "petit perroquet".
_ Hahaha, si tu fais ça, je te dirai Madame, alors ! »

Le navire accosta, Rachel rassembla sa petite unité et descendit à terre avec une partie des renforts, avant de remonter le chemin vers Fushia. Derrière eux, le bateau repartait vers Goa où il stationnerait avec la majeure partie des Marines.

Les Marines traversèrent le camp des réfugiés. Celui-ci mettait la caporale mal à l’aise. L’endroit était sale, on trouvait des détritus un peu partout, les gens n’essayaient même plus de tenir les lieux à peu près propres. Sur leur chemin, les conversations baissaient d’un ton et les rabats des tentes se refermaient. Ici, la Marine n’était pas du tout vu comme une aide salvatrice. Pire, on entendait régulièrement des éclats de voix et des disputes. Rachel n’aimait pas ça : d’ordinaire, la Marine était considérée comme la garante de la Loi et l’Ordre, et les gens avaient tendance à faire attention en leur présence. Mais là où, ailleurs, cela se traduisait généralement par un silence quasi-absolue, ici, ce n’était pas le cas. Ce qui laissait présager de la violence latente qui devait régner quand les Marines n’étaient pas dans les parages.
Rachel n’aimait pas ce lieu, il y régnait quelque chose de malsain, une sensation poisseuse qui s’était abattu sur l’ensemble de la troupe et les prenaient aux tripes. Ils prenaient tous le spectacle désolant en pleine face. Tous, sauf visiblement Eïna. Soit que cela l’indiffère totalement, soit qu’elle ait déjà connu semblable misère au cours de ses pérégrinations. La caporale n’arrivait pas à décider laquelle de ces deux options étaient la pire pour la petite…

Les Marines dévièrent de la route menant à Fushia, passant par un large chemin entre les tentes de réfugiés. Le poste de commandement de la Marine n’était pas sis dans le village lui-même, afin d’éviter de provoquer des tensions inutiles avec des habitants déjà rendus à cran par la situation qu’ils vivaient. De l’extérieur, le poste de commandement ressemblait surtout à une petite enclave intégralement entourée par un mur de rondins de bois, comme les mottes des anciens temps. Cela donnait un aspect surréaliste à la scène, la mer de tentes des réfugiés faisant penser à quelques envahisseurs assiégeant la forteresse de la Marine.
Rachel fronça les sourcils, elle n’aimait pas ça : la Marine s’était effectivement enferrée dans une logique d’assiégés. Cela ne présageait rien de bon quant aux relations locales.

La caporale montra ses papiers aux plantons en faction devant l’entrée du mur et elle fut immédiatement orientée vers un local proche. Arrivée sur le pas de la porte, Rachel briefa sa troupe : on allait avoir affaire avec un gradé, donc personne ne devait oublier de saluer en entrant.

L’adjudant qui les attendait était un homme pâle et mince, nerveux, avec d’énormes cernes sous les yeux. La caporale se demanda à quel point ce type était surnommé et, par extension, à quel point la situation sur place était tendue. La traversée du campement de réfugiés lui avait laissé l’impression d’une grosse cocotte-minute à ébullition. Quelle niveau la pression avait-elle atteinte ? Et, plus important, y’avait-il seulement une soupape de sécurité ?
L’adjudant, du nom de Nikula, s’excusa de devoir les envoyer en mission avant même qu’ils aient eu le temps de s’installer, mais il devait parer à une situation urgente et il n’avait que les nouveaux stagiaires sous la main. La situation était grave : on était sans nouvelle de l’une des patrouilles de la Marine. Normalement, la patrouille était censée faire des rondes dans Fushia, boucler au travers du premier cercle des campements de réfugiés, et se signaler à chaque passage devant la porte de la palissade du poste de commandement. Sauf qu’elle n’était pas passée devant la porte depuis un bien trop long moment…
À demi-mots, l’adjudant laissa entendre qu’il craignait qu’il ne leurs soit arrivés quelque chose dans les campements. Il enverrait des unités les chercher dès qu’il pourrait se le permettre – manière subtile de signifier que si agression il y avait eu, ce n’était clairement pas des stagiaires qu’on allait envoyer vérifier – mais en attendant, il était primordial de déployer une unité de la Marine à Fushia. Les habitants devaient constater de visu que la Marine était là pour les protéger et ne les abandonneraient jamais en ces temps difficile. Faire de la figuration, ça, c’était bien dans les cordes des stagiaires. Par contre, l’unité ne reprenait pas le chemin de patrouille complet : interdiction de s’aventurer dans les campements loin des regards tant que la lumière n’aurait pas été faite sur la disparition de la patrouille ! Bref, on leur demandait juste de faire des aller-retours dans la rue principale, en somme.

Rachel opina et assura à l’adjudant que ce serait fait, avant de faire sortir son unité dehors. Par mesure de précaution, elle fit le point sur l’armement : tous les matelots disposaient d’un mousquet et d’un sabre d’abordage. Elle-même avait reçu un sabre et un pistolet. Bon point. Les fusils, c’est bien visible, ça impressionne et, avec ça, les habitants ne verraient pas de différence entre les vrais Marines et les stagiaires. Et si les choses devaient dégénérer… Hé bien, normalement, les stagiaires avaient tout de même reçu les bases du combat, non ? Sinon, en tant que seule vétérane et responsable du groupe, ce serait alors à elle d’assurer la protection de tous.
Enfin, avec un peu de chance, on en arriverait pas là…

La caporale guida sa petite troupe jusqu’au village de Fushia – tâche éminemment facile puisque la ville était on ne peut plus visible depuis les abords du centre de commandement. Mais en arrivant à proximité des premières maisons, Rachel fronça des sourcils. Quelque chose n’allait pas.
Les rues étaient vides.
Rien ni personne dehors à cette heure de la journée ?

La caporale commença à s’inquiéter. Ce qui s’était rendu responsable de la disparition de la patrouille aurait-il pu faire disparaître les habitants aussi ?

« C’est bizarre, y’a personne, fit remarquer Eïna.
_ Effectivement, acquiesça Rachel. Bon, changement de priorité : on doit d’abord s’assurer que les villageois aillent bien ! On pourrait se séparer en trois groupes de deux et ratisser rapidement le village. Quiconque détecte quoi que ce soit le hurle haut et fort pour alerter les autres. Ça vous va ?
_ Bien sûr, affirma Thierry de son ton charmeur.
_ Entendu, assura le pacifique Taleh.
_ Ça marche, abonda Pavel le forgeron.
_ Sûr ! Opina Adachi, impatient d’aller vagabonder.
_ … ne put rien dire Eïna puisqu’elle n’était visiblement plus là.
_ Mais, mais… ? Ouskelé ? » S’inquiéta vivement Rachel.

La caporale commençait déjà à se maudire intérieurement d’avoir été aussi inattentive. Quelque chose faisait disparaître les patrouilles, les habitants et maintenant ses propres hommes ! Et elle n’avait rien vu ! Elle était vraim…

« Elle est là-bas, chef ! Fit remarquer Taleh.
_ J’ai dit de m’appeler Rachel.
_ Ah oui, désolé, chef. Heu, Rachel. »

Et effectivement, comme le pointait du doigt le matelot pacifiste, Eïna était parti fureter en reconnaissance deux maisons plus loin, devant ce qui devait être la taverne locale, au vu de l’enseigne au-dessus de la porte. L’adolescente était en train de regarder ce qui se passait par un coin la fenêtre.
Alors que Rachel envisageait de se procurer un ballon de baudruche pour le lui attacher comme le font certains parents pour ne pas perdre leur gosse de vue sur un instant d’inattention, la petite se retourna vers ses camarades et leur fit de grands signes pour qu’ils s’approchent.
Bon, vu le tempérament extraverti de l’adolescente, si elle ne les appelait pas à cor et à cri, c’est qu’il se passait quelque chose dans la taverne dont elle ne voulait pas attirer l’attention. La caporale signala donc à ses hommes de s’approcher discrètement et en silence.

« Qu’est-ce qui se passe ? Chuchota la jeune femme en s’approchant de la petite.
_ Je crois que c’est la patrouille, Rachel. Ils font des bêtises ! Il faut agir, vite ! »

La caporale tenta du mieux qu’elle put de se couler vers le coin de la fenêtre pour jeter un rapide coup d’œil. Et fit de son mieux pour réprimer une brusque bouffée de colère à la vue du spectacle.

Ils étaient six. Un sergent, un caporal et cinq soldats. Le sergent était dos au comptoir, mi-accoudé, mi-affalé, un sourire goguenard sur le visage, une bouteille d’alcool à la main et son pistolet négligemment posé sur le zinc, près de sa main libre. Près de lui, de l’autre côté du comptoir, se tenait l’aubergiste, blanche comme un linge et visiblement terrifiée. Le caporal était assis sur une chaise, près du mur du fond, retenant de force de ses mains baladeuses l’une des serveuses assise sur ses genoux. Trois des soldats se tenaient au centre de la salle, rossant un serveur, se le faisant passer de l’un à l’autre comme s’ils jouaient à la passe à dix. Les deux derniers soldats gardaient un œil sur une dizaine de civils terrifiées, parqués dans un coin de la salle, à genoux, les mains sur la tête.
Des soudards. En train de trahir tout ce pour quoi la Marine luttait chaque jour.

Rachel laissa échapper sa rage sous la forme d’une longue expiration sifflante. Ce n’était pas le moment de perdre la tête et de faire n’importe quoi. Trop de gens avaient besoin qu’elle ait les idées claires. Les civils en détresse. Son escouade qui avait besoin d’être guidée. Et pis la patrouille de Marines, aussi, dans une certaine mesure.
Longue inspiration. Ça y est, elle s’était recentrée.

« Qu’est-ce qu’on fait, Rachel ? S’impatientait Eïna, visiblement nerveuse.
_ On va mettre fin à tout ça, bien sûr, affirma l’intéressée. Mais on doit essayer de limiter la casse. Écoutez-moi bien : pas de sabres, pas de mousquets. On est la Marine, on est pas là pour s’entre-tuer. Sans même parler du risque de balle perdue, en plus… Allez-y à mains nues si vous avez confiance, utilisez des chaises, des tabourets, des balais, ce qui vous tombera sous la main, mais rien de létal, bien compris ? »

Hochements de têtes affirmatifs.

« Le plan va être très simple : on entre, j’attire leur attention et irai me poster au bout de la salle, à l’opposé du comptoir. Vous quatre, vous restez près de la porte d’entrée. Eïna, tu profiteras de ta petite taille pour te mettre en position derrière le comptoir. Fait gaffe à ne pas te faire remarquer par les deux types en faction. Quand je crierai "commando", on passe à l’action : je chargerai de front, Eïna les prendra à revers, vous quatre, vous occuperez des deux types qui retiennent les civils puis vous assurerez leur protection. C’est clair ?
_ Ouais, on va se battre ! Affirma l’adolescente, visiblement révoltée du traitement des civils et désireuse de leur venir en aide.
_ Dans un premier temps, ouais, acquiesça Rachel en commençant à se glisser vers la porte sans passer devant la fenêtre.
_ Comment ça, "dans un premier temps" ? Voulut savoir Eïna.
_ Dans un premier temps, on neutralise les Marines pour protéger les civils. Dans un second temps, on s’occupe des civils pour racheter la Marine à leurs yeux. On ne peut pas se permettre qu’ils se détournent de nous, ici. Et dans un troisième temps, conclut la caporale en se relevant face à la porte, il faut comprendre ce qui a conduit cette unité à se comporter ainsi, sinon, ce genre de dérapage pourrait s’étendre au sein du peloton. Notre sauvetage ne servirait pas à grand-chose si ces crimes se reproduisent par la suite.
_ Ok, ça me va ! Assura l’adolescente.
_ Génial, y’a plus qu’à, alors… »

La jeune femme activa tout doucement la clenche de la porte. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle aurait littéralement enfoncé la porte d’un seul coup de pied, tant il est vrai que ce genre d’entrée, ça fait toujours son petit effet. Une entrée réussie, ça vous posait une situation, comme on le disait toujours chez les commandos. Mais bon, les tenanciers avaient déjà toutes les raisons du monde d’en vouloir à la Marine, alors on allait éviter d’y ajouter une porte défoncée, hein…

Une fois fait, la caporale ouvrit d’un coup la porte à la volée en beuglant qu’ils étaient la Marine et que personne ne bouge, même s’il lui fallait bien avouer que ça n’avait pas autant d’impact qu’escompté sans la porte qui explose en mille morceaux.

Les trois types qui molestaient le pauvre serveur s’interrompirent, interloqués. C’était toujours ça de pris. Le caporal raffermit son emprise sur la serveuse pour l’empêcher de filer. Ok, lui, il avait gagné sa tarte aux marrons dans les dents, décida Rachel. Quant au sergent, il ne fit mine de rien mais sa main s’était sensiblement rapprochée de son pistolet. Pas bon ça. Elle aurait peut-être du briefer Eïna pour qu’elle le lui choure en priorité. Tant pis… Ne restait plus qu’à espérer que l’adolescente y penserait toute seule. Et sinon… Sinon, Rachel savait qu’elle ferait la cible la plus tentante du groupe mais était confiante dans sa capacité à protéger ses points vitaux au moment du tir.
Ouais, plutôt confiante.
Enfin presque.
Non, mais Eïna avait de la jugeote, tout irait bien, essaya de se rassurer la caporale.

Phase une du plan, manœuvrer les gens tout en captant l’attention pour qu’Eïna puisse se faufiler. Donc, commencer par bien fixer le regard de tous.

« Arrêtez-cela tout de suite, Sergent ! Ordonna Rachel en le pointant du doigt. Comment osez-vous jeter l’opprobre sur la Marine par de tels comportements ! »

Nommer pour isoler. Cela marcha, constata la caporale avec satisfaction : le regard de ses hommes oscillait entre lui et elle. Ils se cantonneraient au rôle de spectateur, laissant à leur Sergent le soin de faire face aux attaques verbales de l’imposante nouvelle venue.

« Z’êtes qui vous, grommela le Sergent d’une voix pâteuse. C’est la commission disciplinaire qui vous envoie ?
_ Parfaitement ! Clama haut et fort Rachel quand bien même elle n’avait pas la moindre idée de ce dont pouvait bien parler le type. Vos actes déshonorants nous ont été rapportés ! Vous deviez bien savoir que la Marine ne resterait pas les bras ballants alors que des moutons noirs ternissent notre honneur ! »

Tout en débitant son laïus de sa voix la plus grondante et incisive, la caporale avait fait discrètement signe à Eïna d’attendre trente secondes, tandis qu’elle-même commençait à s’écarter de ses hommes pour se positionner en face du Sergent, à l’autre bout de la salle.
Le sergent se racla la gorge tandis que son cerveau surmontait les brumes d’alcool pour se remettre à bosser.

« Nan, j’y crois pas, décida le soudard. T’es qu’une caporale, ma grande, aucun risque que t’appartiennes à la commission. Et avec ta dégaine, je m’en souviendrais si je t’avais déjà vue. Si je devais deviner… Z’êtes rien que des stagiaires, pas vrai, hein ?
_ Flûte, grillée… Exact ! S’entêta Rachel, on est la prochaine génération de Marines et on ne va pas laisser des moins que rien dans votre genre salir notre idéal ! Nous allons vous forcer à mettre fin à ces comportements crapuleux, de gré ou de force ! »

Le défi flotta un instant dans la pièce, tandis que les six soudards la dévisageaient comme un genre d’extra-terrestre. Pendant ce temps, Eïna avait commencé à se faufiler, passant sous les tables, ses pieds nues lui permettant de ne faire aucun bruit intelligible.

« Écoute-moi bien, ma grande, mit en garde le Sergent. Des fois que t’aies pas bien compris, le gradé ici, c’est moi. Fais-moi chier et je ferai de ta vie ici un enfer. En cas de conflit, c’est ta parole contre la mienne, et crois-moi, la hiérarchie primera pour savoir qui a raison.
_ La différence de grade ne fera pas le poids face aux témoignages de tous ces civils ! Rétorqua Rachel avec conviction.
_ Pauv’idiote ! Y’en a pas un seul d’entre eux qui témoignera, ricana le soudard. Eux, ils sont raisonnables, ils veulent pas d’ennuis. Parce qu’ils savent que le premier qui parle, il lui arrivera de méchantes bricoles.
_ Comment peux-tu te prétendre un Marine et menacer les gens dont tu as la protection ! L’accusa la caporale.
_ On les protège contre ces satanés réfugiés, s’amusa le Sergent. S’il devait arriver quelque chose à ces villageois, ça ne pourrait qu’être de la faute des réfugiés, qui irait suspecter la Marine ? »

Eïna avait franchi la moitié de la distance mais arrivait au niveau le plus dangereux : elle allait devoir passer quasiment sous le nez des deux soudards qui gardaient les civils. Les tables la cacheraient globalement, mais elles n’étaient pas complètement collées les unes aux autres. Si les deux gars distinguaient quelque chose par les interstices entre les bords…
Petit signe en direction de sa cheffe : une diversion ne serait pas de refus. L’intéressée hocha la tête.

« Ça suffit ! » Tonna brusquement Rachel, tout en frappant brutalement le plateau d’une table du dos de son poids, provocant un boucan du diable.

L’astuce sonore fit sursauter une partie de la salle, tandis que tous dardaient un regard sur elle. L’être humain avait le réflexe de se tourner vers les gros bruits soudains, c’était plus fort que lui. Eïna en profita pour progresser au nez et à la barbe des deux soudards et mit le cap sur le comptoir.

« Je ne vous le demanderai qu’une seule fois, vociféra la jeune femme. Cessez immédiatement cette infamie ou nous vous soumettrons par la force !
_ Tout doux, caporal, intima le soudard. Je suis Sergent : au nom de cette Marine que tu défends tant, t’es censée m’obéir. Alors filez d’ici, faites comme si vous n’aviez jamais rien vu et tout le monde sera content. Après tout, l’insubordination est contraire au règlement, non ?
_ Le premier devoir d’un soldat est de refuser les ordres injustes ! »

Derrière le Sergent, la barmaid livide agita tout doucement la main en tremblant avant d'adresser à Rachel un signe, le pouce levé. Probablement un message de la part d’Eïna.

« C’est ton dernier mot ? Grogna le Sergent en se redressant.
_ Non, il m’en reste encore un ! » Signala la jeune femme en entrechoquant ses poings fermés.

La mise en place était terminée. Il n’y avait plus qu’à espérer que ça passe sans trop de casse…

« COMMANDO !! »

Et Rachel de charger tête baissée dans le tas.


Dernière édition par Rachel le Mar 27 Juil 2021 - 8:56, édité 1 fois (Raison : Relecture)
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Eïna vient tout juste d'arriver sur l'île de Goa, et comme toutes les îles qu'elle visite, elle a immédiatement eu envie de la découvrir ! Pendant que les autres matelots s'installaient dans la base, la gamine a discuté avec les habitants et visité l'île. Du coup, elle a un peu plus d'informations sur ce qui se passe dans les environs. Elle sait notamment que Fushia est un village peu fréquenté par la marine ces derniers temps, surtout parce que la criminalité se trouve dans le camp de réfugiés en fait. Elle sait aussi que le colonel qui dirige la garnison a une sacrée réputation parmi les civils.

Ça ne fait pas longtemps qu’elle a rejoint la marine, techniquement elle n’est toujours pas matelot, avant ça il faut qu’elle finisse sa formation de base de la marine et ça risque de prendre du temps parce que même si elle en a largement les capacités physiques. Elle n’a ni la maturité, ni l’obéissance nécessaire pour être une bonne soldate de la régulière. Mais elle apprendra à faire semblant petit à petit, de toute façon maintenant qu’elle a décidé qu’elle serait une marine ça va être difficile de lui faire changer d’avis.

Dans tous les cas sa mission pour aujourd’hui est plutôt simple : Suivre la caporal Rachel et éviter qu’elle fasse des bêtises. Eïna ne connaît pas très bien Rachel, mais même si c’est une supérieure qui prend le temps de connaître ses hommes, elle a l’air d’avoir sacrément confiance en ses propres capacités. Eïna espère juste que cette confiance n’est pas mal placée, en attendant elle va suivre les ordres de la caporal en essayant de pas trop faire de bêtises.

Quand Eïna a appris l’identité de la patrouille perdue il ne lui fallut vraiment beaucoup de réflexion pour partir chercher dans le bar de Fushia. Déjà, cette bande sont des alcooliques notoires, mais aussi le village de Fushia est un lieu empli de vie, c’est anormal de le trouver vide comme ça.

Eïna a du mal à comprendre la logique du comportement du sergent et de ses hommes, est-ce qu'ils pensent vraiment qu'ils vont pouvoir s'en tirer comme ça ? Qu'aucun villageois ne va directement aller voir Tommy Sauveur pour lui dire en détail ce qu'il vient de se passer aujourd'hui ? Le colonel a une sacrée réputation, et même s’il est désormais occupé à cause du camp de réfugiés, Eïna doute qu'il délaisse pour autant le village de Fushia qui est sous sa responsabilité depuis plusieurs années. Mais elle n'a pas non plus l'intention de se replier pour laisser les villageois se faire agresser par une bande de bully de bas étage. La caporale Rachel a l'air de les prendre très au sérieux, mais ce n'est pas du tout le cas d'Eïna. Ils sont trop cons pour être une réelle menace.

Du coup, elle profite de la distraction du caporal pour se faufiler derrière le bar, là-bas elle tombe nez à nez avec deux enfants paniqués. Ils doivent avoir autour de 8 ans, et au vu de la ressemblance, c’est un frère et sa sœur, peut-être les enfants du propriétaire ? Elle peut voir la peur dans leurs yeux lorsqu'ils remarquent qu'elle porte l'uniforme de la marine. Mais Eïna leur fait un grand sourire et pose  un doigt sur ses lèvres avant de dire doucement.

"Ssshhhtt. Je suis là pour taper les méchants marines, on n’est pas tous comme ça. Vos parents vous ont parlés du colonel non ?"  Les enfants hochent la tête. "Je vais aller ramener ces méchants au colonel."

Ça l'air de les avoir calmé, mais pendant qu'elle était en train de demander aux enfants ce qu'il c'est passé. Elle entend un gros "COMMANDO" qui vient de derrière elle. Ah oui, c'est le signal. Eïna saute par-dessus le comptoir et bondit en avant en utilisant le mur comme support pour se donner de l'élan. Elle a l'avantage de la surprise, donc il faut qu'elle s'occupe de l'ennemi le plus dangereux : le sergent. Dès que l'alerte est donnée, celui-ci attrape son pistolet et le pointe vers Rachel. Elle se prépare à intercepter la balle avec ses poings, mais Eïna n'a pas l'intention de laisser le sergent s'en tirer aussi facilement. Elle lui donne un gros coup de pied dans le dos qui le met à genoux au sol. Pas assez pour le mettre hors combat, mais normalement suffisant pour l'empêcher de tirer sur Rachel.

Pendant ce temps, les autres membres de l'unité Syracuse chargent vers leurs adversaires en hurlant, causent un moment de panique que ce soit parmi les civiles ou parmi les méchants marines. Au milieu du combat général qui commence, Eïna a une cible très claire en tête : Le caporal et la femme qu'il continue de maintenir entre ses griffes. L'un des 5 matelots ennemis jette une putain de chaise en direction d'Eïna, mais elle l'a vu venir donc elle saute en avant pour éviter de se la prendre en pleine face. La chaise continue sa trajectoire et fracasse une fenêtre, propulsant des fragments de verre un peu partout.

Autour d'elle, Eïna entend des cris, des bruits d'arme, des objets qui volent. Mais elle est concentrée sur sa cible : le caporal ennemi. Dès qu'elle arrive face à lui, elle lui dit :

"Laisse la dame tranquille ou je vais sortir mes couteaux !"

Le caporal éclate de rire en regardant la gamine.

"D'où tu sors la gamine ? Tu n'es même pas matelot n'est-ce pas ! Arrête de faire des conneries et obéit à ton supérieur. Va me chercher de la bière au stand pendant que je m'occupe de la caporale dissidente."

Lui dit-il tout en pointant du doigt Rachel. Eïna sort ses deux couteaux et fait un sourire à la femme qui est actuellement coincée parce que le caporal a passé son bras autour de son cou.

"Dernier avertissement..."

Le caporal finit par s'énerver.

"Vous vous prenez pour qui bordel ! On était parmi les premiers dans notre section de recrutement à Logue Town, on avait demandé à être envoyés sur Grand Line pour qu'on puisse faire nos preuves et devenir commandant. Au lieu de ça on se retrouve dans ce trou paumé à jouer les chaperons pour une bande de nobliaux dépossédés et de gueux malchanceux."

"J'en ai rien à faire de tout ça et c'est pareil pour les habitants. C'est une bonne chose que vous ne serez jamais gardés parce que le pouvoir n'est pas à être utilisé pour vos propres intérêts, le pouvoir est une responsabilité que vous utilisez pour servir ceux qui ne l'ont pas, c'tout."

Le caporal n'aime pas du tout se faire contredire par une gamine, mais c'est pas comme ci il a le temps de se lancer dans un débat, ils sont en train de se faire attaquer. Il pointe son sabre vers la serveuse qui crie de terreur en voyant la lame s'approcher de son ventre.

"C'est simple, c'est nous qui décidons de ce qui se passe ici, pas votre bande de bien pensants."

Eïna n'a pas trop le choix, elle recule de quelques pas pour éviter que la serveuse se fasse tuer. Toutefois, elle réfléchit, sa meilleure option est de provoquer le caporal pour qu'il essaye de l'attaquer. D'après ce qu'il a dit juste avant, il a l'air d'être sacrément confiant de ses capacités. Elle sait comment provoquer des réactions chez les gens, et normalement avec lui elle devrait pouvoir provoquer une réaction en s'attaquant à son estime de lui.

"Ok ok, je vous laisse. C'est vrai que vous avez pas d'autre solution pour combattre une gamine que de prendre en otage une femme qui a rien demandée. Nul doute qu'avec ce comportement vous auriez été parfaitement bien placé sur Grand Line, peut être même que vous auriez utilisé la même stratégie pour battre un empereur en menaçant son poisson rouge préféré."

Ce n'est pas la provocation la plus subtile qu'elle est jamais faite, mais c'était suffisamment condescendant pour que le caporal lève la main et essaye de trancher Eïna avec son sabre. C'est exactement ce que la gamine attendait, elle arrête le coup avec son couteau. Le coup est tellement fort qu'elle a mal au bras, mais elle profite de sa vitesse pour charger directement sur le caporal et lui donner un gros coup de tête au menton. Dans la confusion, il lâche la serveuse pendant un instant, et celle-ci en profite pour fuir immédiatement en sortant par la fenêtre qui a été cassée par la chaise.
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« COMMANDO ! »

Rachel chargea, le sergent attrapa son arme et là, la jeune femme réalisa qu’il était peut-être effectivement possible que le signe de main de la barmaid soit seulement un geste d’encouragement à son adresse, pour avoir pris le parti des habitants face au sergent, et n’avait donc absolument rien à voir avec un quelconque signal transmit par Eïna.
Elle avait agi trop tôt. La petite n’était pas en place. Et du coup, elle se retrouvait seule face à ce pistolet.
Ce qui était bigrement emmerdant, il lui fallait bien l’admettre.

Pour autant, l’imposante albinos décida de ne pas ralentir sa course. Un bras en protection pour protéger la gorge, un autre pour le crâne et ses points vitaux les plus vulnérables étaient protégés. Pour les autres… Hé bien, c’était le moment ou jamais de prouver qu’elle était aussi robuste qu’elle le paraissait.

Tandis que la caporale percutait le groupe des trois matelots soudards, au centre, les envoyant bouler comme s’ils ne pesaient rien, la petite silhouette d’Eïna jaillit de sous une table à droite et chargea le sergent avant qu’il ne puisse ajuster son tir. Saut aérien, coup de latte dans le dos et le sergent surpris se retrouva à genoux à terre, sans avoir eu le temps de comprendre. Eïna poursuivit immédiatement sa course vers le caporal ennemi. Le sergent tenta de se redresser sur ses pieds tout en ajustant l’imposante albinos qui le chargeait. Peine perdue.

D’un pas-chassé glissé, Rachel se décala de l’axe de tir, attrapa le poignet du type de sa main gauche et envoya un solide revers du poing droit dans sa mâchoire. Entre l’élan, sa masse et ses muscles, l’impact sonna méchamment le sergent. Mais l’imposante albinos n’en avait pas fini et poursuivit son mouvement tout en force pour éclater la tête de son adversaire sur le comptoir. Mâchoire brisée, le sergent se mit à voir trente-six chandelle. Il ne se relèverait pas de sitôt…

Sans perdre de temps, Rachel jeta un coup d’œil au miroir derrière le zinc pour prendre la mesure de la situation. Eïna, face au caporal, était en train de sortir ses couteaux. Rachel tiqua : elle avait pourtant bien précisé d’éviter les armes létales.
Flash-back a écrit:Écoutez-moi bien : pas de sabres, pas de mousquets.
Flûte. Techniquement, c’était vrai qu’elle n’avait pas précisé pour les couteaux… Bon, elle le saurait pour la prochaine fois.

Dans son dos, les trois gugusses qu’elle avait envoyé bouler était en train de se relever. Près du mur, ses quatre matelots à elle avaient pris à parti les deux soudards qui gardaient les civils. Ils avaient l’air de peiner un peu, mais ça devrait aller. Il faut dire que Taleh, fidèle à ses principes, ne prenait pas directement part au combat, jouant plutôt les boucliers humains entre les civils et les combattants pour éviter qu’un mauvais coup ne touche accidentellement un innocent. En conséquence, ses compagnons se retrouvaient à trois contre deux. Bah, ça restait une bonne initiative, décida Rachel.

Il lui incombait donc de s’occuper des trois soudards éparpillés au centre de la salle. L’imposante albinos se retourna derechef et fila d’un pas vif vers le premier d’entre eux, qui venait tout juste de se relever. Main sur l’épaule, demi-tour forcé, coup de boule. L’affaire était réglée. Les deux autres se regroupèrent et dégainèrent leurs sabres. Rachel se décala de quelques pas sur le côté pour ne pas être à équidistance de ses deux adversaires. Inutile de leur donner l’occasion de l’encercler si elle le pouvait.

Les deux types chargèrent. Du bout de pied, la jeune femme tira une chaise et l’envoya glisser dans les genoux du plus éloignés. Celui-ci se prit les pieds dedans et trébucha à terre. Le second abattait déjà son sabre sur la caporale. Un mouvement large, de haut en bas, comme s’il manipulait un vulgaire hachoir. Rachel se fendit en avant, sa main gauche empoignant la main armée de son adversaire et bloquant son mouvement. Son autre main jaillit pour attraper le col du Marine, et elle pivota brusquement, le faisait basculer violemment par-dessus son épaule pour l’écraser brutalement au sol. Un bon coup de talon dans le crâne et l’homme n’était plus une menace.

D’un coup d’œil, la caporale embrassa la salle du regard. Eïna était parvenue à délivrer l’otage du caporal et à lui coller un bon coup de boule au menton. Bien joué, ça le sonnerait aussi bien qu’un uppercut ! De leur côté, Pavel et Thierry avaient coincé l’un de leurs adversaires et ne tarderaient pas à en disposer. Seul en duel contre le sien, Adachi peinait davantage et venait de tomber à terre après une esquive des plus fantasques. Le soudard qu’il affrontait avança, levant bien haut son sabre d’abordage, avant de se faire déséquilibrer lorsqu’une chaise volante vint littéralement exploser contre son dos.
Rachel grimaça : elle avait agi d’instinct sans réfléchir, et maintenant, la Marine devait une chaise au propriétaire. Une de plus, vu qu’une autre avait volé tantôt dans la bagarre. Oui, celle-là même qui avait brisé la vitre. Ç’allait commencer à faire beaucoup sur l’ardoise de l’institution, à ce rythme…
Adachi profita de l’occasion pour ruer dans les jambes de son adversaire, le faisant tomber à terre et lâcher son arme. La lutte reprit de plus belle au sol.

Mouvement en périphérie. Le second soudard du milieu s’était relevé de sa chute et avait chargé l’imposante albinos, ponctuant son mouvement d’un vif coup d’estoc. La jeune femme bondit en arrière, mais l’homme la poursuivit dard-dard. Nouveau coup d’estoc. La caporale dévia l’attaque d’un revers du poing droit, s’entaillant le dos de la main au passage, mais se libérant dans le même mouvement une fenêtre de tir. Elle était sur l’extérieur du type, parallèle à son bras d’estoc. Sa main droite attrapa le poignet du soudard pour l’empêcher de filer. Frappe circulaire du coude gauche dans la pommette, enchaînant sur un coup de coude direct dans le nez qui émit un craquement écœurant. Rachel relâcha le poignet pour laisser l’homme reculer sous l’impact et avoir suffisamment de latitude pour déplier son bras gauche : revers du poing dans la mâchoire. La jeune femme suivit le recul de l’homme d’un pas de placement pour porter correctement son poids sur sa jambe d’appui et planta un direct du droit tout en puissance dans la face du soudard. Ce dernier s’effondra à terre, indubitablement KO.
La jeune femme ne put s’empêcher d’arborer un grand sourire satisfait. Ça faisait bien trois ans, mais elle commençait à retrouver ses sensations de combattante de première ligne. Et elle mesurait maintenant à quel point ça lui avait vraiment manqué.

Rachel s’en retourna auprès du premier soudard, qui n’avait eu le droit qu’à un petit coup de boule et ne devrait pas tarder à s’en remettre. Effectivement, l’homme, toujours à terre, commençait à reprendre ses esprits, mais en apercevant les pieds de la caporale qui s’approchaient, écarta bien gentiment les bras pour faire signe que non, non, tout bien réfléchi, il n’avait aucune envie d’opposer la moindre résistance.

Coup d’œil au miroir : Pavel et Thierry avaient maîtrisé leur cible et aidait maintenant Adachi à en faire autant. Coup d’œil du côté d’Eïna, le caporal un peu sonné venait de lâcher son sabre en glapissant, une belle estafilade courant sur ses phalanges. Reculant devant l’adolescente, l’homme pris un instant pour zyeuter autour de lui, cherchant de l’aide du regard. C’est alors qu’il réalisa qu’il était le seul de son escouade encore debout.

« Je… Je me rends ! Annonça-t-il en levant bien haut les mains en l’air.
_ À la bonne heure ! Approuva Rachel. Très bien, tout le monde, je propose qu’on leur passe les menottes pendant qu’ils sont encore sonnés, on est jamais trop prudent. »

La troupe opina et se mit en devoir de menotter proprement l’escouade honnie. Rachel s’occupa en priorité du type à ses pieds, celui qui n’était pas du tout sonné, histoire d’éviter les mauvaises surprises, avant d’aller s’occuper du Sergent.

L’avantage de coffrer des Marines dans une zone où l’institution est déployée pour faire régner l’ordre, c’est que chacun d’entre eux est fourni avec sa propre paire de menottes. Ce qui soulagea Rachel, parce qu’elle et son escouade ne totalisaient que six paires de menottes pour sept types à appréhender. Ç’aurait fait des histoires, autrement…

La caporale était donc en train de boucler le sergent, lorsqu’un tintamarre retentit dans son dos, d’où surnageait notamment la voix de l’adolescente.

« Hé ! Mais arrêtez-ça, m’sieur ! C’est pas parce que c’est des méchants marines que vous avez le droit de faire ce que vous voulez ! »

Eïna s’était interposée entre le caporal menotté et un type véhément et passablement ensanglanté. Rachel reconnut le pauvre serveur qui s’était fait molester par les trois soudards. Il avait l’air un peu hystérique et carrément remonté, ponctuant ses tirades de larges gestes menaçants en direction du caporal, de sa main qui tenait un genre de grosse bûche. Non, pas une bûche. Plutôt un débris de la chaise. Voilà ce qui arrive quand on les explose sur le dos des malandrins sans réfléchir, s’en voulut la caporale.
Quoique, s’il n’y avait pas eu les débris, il se serait peut-être carrément rabattu sur un sabre d’abordage, alors ce n’était peut-être pas plus mal, en fin de compte.
Elle essaierait de présenter les choses comme ça, si jamais la hiérarchie lui demandait des comptes pour les dommages matériels.

En attendant, en tant que responsable de l’unité, il était du devoir de la jeune femme d’aller voir ce qui se passe. Elle rejoignit donc prestement Eïna, se plaçant elle aussi entre le type ensanglanté et le caporal, juste par précaution.

« Holà, holà ! Qu’est-ce qui se passe, ici ? Demanda l’imposante albinos.
_ C’est le monsieur, Rachel, expliqua l’adolescente. Il dit qu’il va péter la gueule au méchant caporal.
_ "Casser la figure". Attention à ton langage.
_ Hahaha, c’est pas le mien, c’est le sien ! J’ai dit qu’il peut pas pas taper un prisonnier mais il dit qu’il s’en fiche.
_ Heu… OK. Monsieur ? Je suis la caporale Rachel Syracuse, en charge de cette unité. Heu… À qui ai-je l’honneur ?
_ Hans, révéla le type énervé. Et puisque c’est vous la responsable, écartez-vous, vous et votre sous-fifre !
_ Ch’uis pas une sous-fifre ! S’exclama Eïna.
_ Je confirme, ch’uis contre avoir des sous-fifres. Hum, d’accord, Hans. Mais heu… Pourquoi ce monsieur ? Non, parce que bon, y’en a trois autres qui vous tabassaient carrément, hein, quand même, sans vouloir cafter…
_ Il a essayé de violer ma fiancée ! Explosa Hans.
_ Mais n’importe quoi ! Se défendit le caporal. J’ai jamais fait ça ! En plus, on faisait juste que s’amuser un peu m…
_ Stop ! L’interrompit Rachel en se retournant pour lui plaquer la main sur la bouche. À partir de maintenant, tu la boucles ou ça risque d’être moi qui va vouloir t’en coller une. » lui chuchota-t-elle.

La jeune femme ferma un instant les yeux. Sa fiancée. Bordel, ça s’annonçait mal. La caporale était bien placée pour savoir que la passion amoureuse était un moteur émotionnel absurdement puissant, qui avait tendance à s’emballer pour un rien, tout en se montrant singulièrement imperméable à la raison. Ça s’était d’ailleurs retourné contre elle plus souvent qu’à son tour…

Bon, y’avait sûrement un angle d’attaque, songea l’imposante albinos. Qu’est-ce qu’il lui avait dit, déjà, le Psy, sur ce sujet ?

Rachel n’eut pas le temps de retrouver une information utile, Eïna essayait d’attirer son attention de quelques coups de coudes dans les côtes.

« Rachel, c’est de pire en pire, tu devrais te retourner. »

La caporale pivota en étouffant un soupir désabusé. Sans blague, que ç’allait empirer…
Mais il lui fallut bien admettre qu’elle-même n’avait pas envisagé que ça puisse aller aussi loin.

Plusieurs civils s’étaient regroupés derrière Hans, scandant à cor et à cri que la Marine devait leur remettre le malandrin pour qu’ils s’en occupent eux-même, tandis qu’Hans clamait à qui voulait l’entendre que c’était bien typique de la Marine, ça, de soustraire les leurs à la justice.
Ok, c’était en train de méchamment dérapé.

La caporale aperçut ses quatre autres soldats qui essayaient de lui demander s’ils devaient faire quelque chose. La jeune femme leur indiqua d’un geste discret de rester en retrait. La dernière chose dont on avait besoin, c’était que la foule s’excite parce que toujours plus de Marines se mettaient en travers de leur chemin.
Tant qu’à faire, elle aurait aussi aimé pouvoir leur indiquer de mettre les autres soudards en sécurité, de ramasser tous les sabres pour éviter qu’un civil ne décide de s’armer et surtout, surtout, qu’ils retrouvent le pistolet du sergent parce que ce serait la misère si quelqu’un s’en servait. Oui mais voilà, les signes discrets ont très vite leur limite, niveau communication élaborée.

En face, la foule s’agitait dangereusement. Rachel constatait en direct le résultat de trois ans de pourrissement de la situation locale. Les gentils petits villageois de Fushia étaient présentement d’humeur à lyncher quelqu’un, ni plus ni moins. Quoique plutôt plus que moins en fait : d’ici à ce qu’ils décident de lyncher aussi ceux qui s’y opposeraient, il n’y avait qu’un pas. Peu importe la réalité des faits, le caporal faisait figure de bouc émissaire idéal et allait payer pour tous les autres, pour toute la rancœur, toutes les avanies et toutes les déceptions accumulées par Fushia depuis l’arrivée des réfugiés.
La clef serait Hans, songea la jeune femme. Il était le catalyseur, la voix, mais il était aussi et surtout le seul pour qui cette vengeance n’était pas qu’une simple explosion d’humeur : pour lui c’était personnel. Inutile d’espérer apaiser la foule tant que lui ne le serait pas.

Gérer la foule. Protéger le prisonnier. Calmer tout le monde.
Et pour faire face à ça, rien qu’elle et Eïna.

Les deux filles échangèrent un regard. Ça n’allait pas être de la tarte.
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Du coup, vu que le caporal s'est rendu en voyant que tous ses copains se sont fait neutraliser, Eïna passe rapidement derrière lui pour lui passer les menottes avant qu'il ne change d'avis. Sans surprise, le méchant jette un regard noir sur Eïna. C'est sûr que se faire menotter par une gamine, c’est pas bon pour l'égo. Elle fait non de la tête doucement.

"Quand vous sortirez de prison, j'espère que vous vous comporterez mieux."

Le visage du caporal s'assombrit encore plus, il n'avait pas imaginé se faire attraper. Alors se retrouver en prison en plus de ça ? Pour l'instant, il est dans le déni. Il est sûr qu’il pourra s’en sortir en expliquant sa version des faits. Après tout, c’est les autres qui sont en tort, lui il a juste fait ce qu’il pouvait pour reprendre ses droits.

"Je n'ai rien à me reprocher, ce que j'ai fait est la faute de ceux qui m'ont traités injustement."

Eïna hausse les yeux au ciel et pousse le caporal pour essayer de le faire sortir. Mais c'est à ce moment-là qu'elle voit le monsieur qui s'est fait tabasser regarder le caporal avec un regard meurtrier. Elle s'interpose entre les deux et évite de peu la catastrophe, pour l'instant. Rachel vient l'aider et elle essaye de discuter avec le monsieur, mais ça n'a pas l'air d'avoir trop fonctionné. Et désormais, ils se retrouvent à deux face à une petite foule en colère, qui risque de grandir rapidement quand les autres villageois vont apprendre ce qu'il s’est passé ici. Les rumeurs vont vite dans le coin, et quand la serveuse qui s'est fait agresser va aller raconter son histoire autour du village… Faudra s’attendre à une émeute.

Rachel a l'air de penser que la meilleure manière de régler ce problème est d'arrêter le fiancé en colère, mais Eïna n'est pas du tout d'accord. La colère et l'indignation, surtout légitime, ont tendance à se propager dans une foule comme une épidémie. La meilleure manière d'arrêter la propagation, c’est d'arrêter le leader, celui qui continue d'alimenter la colère. Sauf qu'ici, ils ne peuvent pas arrêter le leader vu que sa colère est plus que légitime. Du coup, du point de vue d'Eïna la meilleure solution est d'essayer de calmer et de disperser la foule, ça sera plus facile de parler avec le fiancé quand il sera seul. Et ça empêchera que la situation ne dégénère complètement. C’est un peu comme placer l’épidémie en quarantaine pour limiter sa propagation.

Eïna laisse Rachel s'occuper du serveur, elle se baisse et passe juste à côté de lui pour se placer entre le serveur et le reste de la foule. Pour commencer, elle essaye d'isoler le serveur du reste de la foule. Sans surprise, plusieurs personnes ne sont pas d'accord. Le serveur est occupé avec Rachel, mais un grand monsieur qui a l'air d'être un ami du serveur essaye de la bousculer.

"Reste pas sur le chemin petite ! Ces enfoirés l'ont cherché. S’ils avaient pas d'arme on les aurait tabassés nous-même."

Mais Eïna est plus forte qu'il ne le pensait, elle lève les bras et reste fermement sur le passage. Il a beau essayer de pousser, Eïna arrive à résister. Elle le regarde, lui et les autres civiles en essayant de garder une expression calme et souriante. Ce n’est pas avec de l’agressivité qu'elle va régler la situation. Au moins, les civiles n'en sont pas au stade où ils vont frapper une gamine parce qu'elle porte un uniforme bleu, c'est un bon début.

"On va s'occuper de la situation, vous z'inquiétez pas. On va directement les emmener dans le bureau du colonel, ça sera vite expédié."

Le colonel a une bonne réputation dans le village, Eïna a entendu parler de lui rapidement. Elle va donc exploiter ça jusqu'au bout pour régler la situation. Ce n'est pourtant pas suffisant, plusieurs autres avancent pour essayer de rejoindre le serveur. Ils prennent ses paroles pour des mensonges vides ou une excuse réciter de mémoire. Mais à chaque fois, Eïna se met sur leur chemin. Ils essayent de la repousser ou de la contourner, de lui faire comprendre que ça ne sert à rien, mais elle leur résiste avec une ténacité surprenante. Les villageois s'échangent quelques regards incrédules, ils ont du mal à comprendre comment une gamine arrive à retenir des adultes, ça n'a aucun sens. Certains commencent à s'impatienter et à bousculer la gamine avec plus de force que nécessaire, quitte à lui faire mal. Mais malgré la douleur, Eïna est têtue et continue de leur barrer le chemin. Jusqu'à ce qu'enfin une dame exaspérée finisse par essayer de revenir à la négociation.

"Pourquoi tu fais ça ? Est-ce que tu ne comprends vraiment pas la situation ? Si ces connards sont assez confiants pour nous attaquer ouvertement en plein jour comme ça, qu'est-ce que tu crois qu'il va se passer quand vous allez les amener à la base ?"

Eïna incline la tête sur le côté. Au moins, ils ont lancé la négociation. Plutôt que d'agir comme quelqu'un qui en sait plus qu'eux, il faut qu'elle fasse preuve de bonne foi et écoute ce qu'ils ont à dire.

"Hum... Ils vont se faire juger par le tribunal militaire, suspendre de leurs fonctions et envoyer purger leur peine dans le bagne de Whiperia ? Mais je crois que c'est pas la réponse que vous attendez."

L'innocence apparente d'Eïna arrête les villageois pendant un instant. Certains éclatent de rire, d'autres froncent les sourcils en se demandant si elle se fout royalement de leur gueule. Mais la plupart se disent qu'Eïna ne comprend juste pas la situation, qu'elle est trop innocente. Un monsieur qui a l'air d'avoir une cinquantaine d'années s'avance en poussant les villageois les plus en colère, il a l'air plus mature que les autres. Peut-être le propriétaire de l'établissement ? Si c’est le cas, alors il a pas intérêt à ce qu’une émeute commence dans son bar.

"Ce n'est pas contre toi petite, mais on sait ce qu'il va se passer quand ils iront dans votre base. La marine ne va pas vouloir faire tout un spectacle pour quelque chose comme ça, ils vont leur taper sur les doigts, mais pas pour leur crime, juste parce qu'ils ont donné du boulot à leur supérieur. Jamais les marines d'ici n'admettront leur erreur et ces enfoirés seront libre de se retourner contre nous après coup. Si on ne peut pas compter sur la justice, alors il faut l'appliquer nous même."

Eïna écoute le monsieur jusqu'au bout, puis hoche la tête.

"C'est sûr que si ça se passe comme ça, vous seriez en droit de les frapper." C'est cette phrase vraiment qui attire l'attention des villageois, ils n’auraient jamais cru qu'une marine prendrait leur camp. Rachel va peut être lui crier dessus à cause de cette phrase, mais Eïna sais ce qu'elle fait. "L'truc, c'est que moi je ne pense pas que ça se passera comme ça. Qu'est-ce qui vous fait dire que la marine d'ici est corrompue à ce point-là ? Nous, on vient d'arriver. On n'en sait pas autant que vous, s’il y a d'autres mauvais éléments dans le coin on prendra votre camp, pas le leur."

Il y a aussi quelque chose de plus subtil que peut-être personne ne remarquera, pendant la conversation, Eïna adopte petit à petit l'accent des villageois. Ce n'est pas comme si les habitants de Fushia avaient un gros accent très remarquable, juste une petite ressemblance subtile dans leur vocabulaire et le flot de leur parole. C'est ce qu'Eïna essaye d'imiter. Elle trouve que tu as plus tendance à écouter quelqu’un qui parle comme toi, même inconsciemment.

Petit à petit, les villageois essaient de traduire leur colère en arguments pour lui expliquer la situation. Ça les distrait temporairement de leur colère, mais ça pourrait aussi causer une explosion si Eïna gère mal son coup. Le vieux monsieur prend la parole une nouvelle fois après un instant de silence.

"Les marines nous ont prouvé à plusieurs reprises qu'on ne peut compter sur eux. Depuis la catastrophe à Goa et l'arrivée des réfugiés, les marines paisibles d'ici se sont fait remplacer dans les positions importantes par des inconnues qui n'en ont jamais rien à faire de notre village. Leur mission c'est de maîtriser le camp de réfugiés, de sauver la réputation du gouvernement. Alors ce qu'il ce passe dans notre village que personne ne connaît, tout le monde s'en fout. Il y a peu d'éléments vraiment mauvais, juste beaucoup de marines qui nous ignore et passe par le village pour faire la sieste sans faire leur travail."

Plusieurs villageois prennent également la parole tour à tour, mais dans la globalité c'est le vieux monsieur qui a le mieux résumer le ressentiment général. De ce qu'Eïna arrive à comprendre, le camp de réfugiés a causé beaucoup de problèmes pour le village, notamment parce que certains ne peuvent plus travailler et qu'ils doivent partager leur nourriture. À chaque villageois qui exprime son avis, Eïna hoche la tête et l'écoute jusqu'au bout sans rien dire. Quand il fini, plutôt que de contre argumenter elle ne répond que pour le remercier ou demander plus de précisions. Après quelques instants, Eïna finit par prendre la parole.

"C'est un problème en effet. Vous avez de bonnes raisons d'être mécontent du traitement que vous avez subi, le boulot de la marine c'est de protéger les civils avant tout. Toutefois, je continue de penser que vous attribuez de mauvaises intentions aux marines qui ne sont pas communes dans nos rangs. Ce que j'ai vu moi dans la base de la marine, c'est surtout beaucoup de soldats épuisés qui rentrent de longues patrouilles pour s'endormir comme des masses sur leur hamac. Y a pas vraiment de malveillance là-dedans." Plusieurs civiles essayent de l'interrompre mais elle lève les deux mains. "Voilà ce que je propose pour l'instant, on vous a aidé cette fois, n'est-ce pas ? Donc laissez nous le bénéfice du doute, je vais demander à Rachel, c'est ma chef, ce qu'elle pense de tout ça. On ne va rien vous imposer, j'espère juste que vous allez nous laisser une chance de rattraper les mauvaises actions de la marine. "

Il y a un long moment d'hésitation parmi les civiles, Eïna sourit et prend ça pour un oui. Elle se retourne pour revenir vers Rachel. Elle passe entre les jambes du serveur et vient à côté de la caporale pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille :

"Je pense qu'ils vont t'écouter maintenant, c'est le bon moment de faire un discours pour calmer la situation. Ils ont de bonnes raisons d'être mécontents, ils ont été ignorés par la marine vu que les copains sont surchargés avec le camp. Si on fait preuve de bonne foi, et qu'on leur promet de l'aide, ça devrait aider."

Dans le pire des cas, Eïna se dit qu'ils devraient les laisser donner un coup au sergent et caporal, ils l'ont cherchés après tout. Mais la gamine se dit que Rachel n'approuverait probablement pas cette méthode de diplomatie.
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Après un rapide échange de regard, les deux filles passèrent à l'action. Rachel décida de s'occuper du serveur, Hans, pendant qu'Eïna se positionna entre eux et la foule, dos au type, permettant ainsi de l'isoler. Une pointe d'inquiétude traversa la caporale : une personne seule face à la foule était déjà une gageure en temps normal, alors une adolescente haute comme trois pommes... Bon, dans cette position, il lui était possible de garder un œil sur la situation tout en s'occupant de Hans. Si quelque chose devait arriver, elle interviendrait. En attendant, il lui fallait faire confiance à sa subordonnée.

« Poussez-de vous de là, cet homme est à moi ! »

Hans, de retour à la charge, bien décidé à s'occuper du prisonnier à sa façon. La caporale ravala intérieurement un soupir. Elle avait rejoint la Marine pour protéger les civils des déprédations des gens mauvais. Elle n'avait jamais songé se retrouver dans une situation où il lui faudrait protéger des civils d'eux-mêmes. Non parce que bon, sa spécialité à elle, à la base, c'était les poings. Auparavant, pour la parlote, elle s'était toujours reposée sur Victor.
Pfff, jamais là quand on a besoin de lui !
...
Il lui manquait...

Stop, on se concentre ! Se morigéna la jeune femme. Cet imbécile aveugle lui rappelait trop elle-même il y a quelques années, la replongeant dans le passé. Pas le temps pour ça. Focus sur l’instant présent !

Présent où Hans essayait vainement de repousser Rachel, mais comme il s'en aperçut bien vite, sa puissance physique ne faisait franchement pas le poids face à la carrure imposante de la jeune femme. Il tenta alors de la contourner, mais d'un geste, la caporale tendit le bras pour poser la main sur l'épaule du serveur. Un geste tout en douceur, sans force ni pression, mais qui suffit à faire oublier sa manœuvre à Hans. Aucune agressivité n'émanait de l'imposante albinos et elle ne recherchait clairement pas la confrontation, mais son gabarit n'était pas du genre à passer inaperçu et Hans n'avait pas non plus spécialement envie de se frotter à elle. Surtout avec ce qu'elle avait mis tantôt aux autres soudards.
S'il voulait sa vengeance contre le prisonnier, il allait d'abord lui falloir pousser la caporale à lui céder le passage.

« Lâchez-moi, caporale ! Siffla Hans d'une voix menaçante. Vous, vous nous avez aidé, alors je n'ai aucune envie de vous faire du mal. Mais si vous persistez à protéger ce salaud, je vous jure que vous n'aurez que ce que vous mériterez !
_ Je regrette, répondit Rachel d'une voix douce, mais je ne peux pas vous laisser faire ça.
_ Pourquoi vous prenez sa défense !? S'insurgea le serveur avec véhémence. C'est un monstre ! Un immonde salopard ! On ne peut pas laisser les types comme lui s'en tirer ! JE ne le peux pas !
_ Son comportement est indéfendable, admit calmement la caporale, mais il est dorénavant mon prisonnier. Je ne peux pas vous laisser l'agresser.
_ Ha ! Vous êtes aussi hypocrite que tous les autres ! C’est clair que son comportement est indéfendable ! Alors laissez-moi lui coller la raclée qu'il mérite !
_ Non, je ne peux pas, répondit posément Rachel avec patience.
_ Laissez-moi passer où je vous en colle une ! Vous n'avez pas le droit de m'en empêcher ! Pas après ce qu'ils nous ont fait ! Il doit payer !
_ Pas comme ça, réfuta la jeune femme avec douceur et fermeté.
_ Laissez-moi passer, bon sang ! » Explosa Hans, excédé.

D'un geste brusque de la main, le serveur repoussa le bras de Rachel. Celle-ci tenta de le ramener mais Hans se mit à agiter nerveusement sa massue improvisée en tous sens pour l'en dissuader. La caporale ne laissa pas passer cette opportunité et bloqua vivement l'arme du dos de sa main tailladée. La blessure, qui avait commencé à se coaguler, se rouvrit sous l'impact, éclaboussant les deux protagonistes de quelques gouttelettes écarlates, tandis qu'un mince filet de sang se remettait à couler de l'entaille, glissant le long de l'arme jusqu'à atteindre les doigts crispés de Hans, lui-même devenu livide : ce n'était pas du tout ce qu'il avait voulu.
Il existe deux comportement types lorsqu'on blesse quelqu'un involontairement : la culpabilité, inspiré par le regret de ses actes, ou bien la colère, en se convaincant qu'in fine, l'autre l'avait quand même bien cherché.
Et le meilleur moyen de favoriser l'émergence de l'un est de couper l'herbe sous les pieds de l'autre. Ce à quoi s'employa derechef Rachel en profitant du trouble momentané de son interlocuteur.

« Ce n'est rien, affirma la jeune femme d'un ton rassurant, ponctué d'un sourire amical. C'est une blessure récoltée contre les soudards, vous n'y êtes absolument pour rien. Un simple coup de malchance, ça arrive...
_ Mais... Je... Je... bafouilla Hans, indécis.
_ Non, non, ne vous en faites pas, je vous dis, appuya Rachel. Lorsque je suis rentré dans ce bar, après avoir vu ces gens qui vous maltraitaient, j'étais résolue à vous venir en aide à tout prix, quand bien même il m'aurait fallu me vider de mon sang pour ça. Pas la peine de vous excuser !
_ Je... Hum... Désolé, regretta le serveur, gêné d'avoir blessé ceux qui les avaient aidés. J'voulais pas...
_ Pas de soucis, assura la jeune femme. Car vous savez ce qui a changé maintenant qu'on a capturé les soudards ?
_ Heu... non ?
_ Rien, asséna la jeune femme, toujours sourire. Peu m'importe les blessures qu'il m'en coûtera, je ne peux pas vous laisser faire quelque chose d'aussi stupide et vain qu'agresser cet homme. Je suis toujours résolue à tous vous protéger, quand bien même ce soit de vous-même. »

Hans baissa son arme, ses bras se mettant à pendre, inertes, le long de son corps, des émotions contradictoires agitant son visage, reflet du trouble intérieur qu'il était en train de vivre. Il s'accrochait désespérément à sa vengeance, de toute ses forces, mais il s'en voulait terriblement d'avoir blessé la caporale qui était venu à leur secours. Et qui entendait continuer à le faire. Au fond de lui-même, il savait que ce qu'il entendait faire était mal, raison pour laquelle il n'en voulait pas réellement à la jeune femme pour la résistance qu'elle lui opposait. Mais, tapis au fond de son âme, il avait malgré tout ce besoin impérieux de vengeance qui le tenaillait, l'empêchait de reculer, d'abandonner.
Haine ? Peur ? Dépit ? Rachel n'était sûre de rien, elle ne le connaissait pas et n'arrivait pas à lire son visage troublé. Mais elle avait malheureusement un dernier atout dans sa manche.

« Comment s'appelle votre fiancée ? Demanda-t-elle avec douceur au serveur.
_ Heu... Je... Pardon ? Hésita Hans en papillonnant des yeux, tiré brusquement de ses tourments intérieurs.
_ Votre fiancée ? Répéta gentiment Rachel. Comment s'appelle-t-elle ?
_ Héléna, répondit le serveur. Mais... pourquoi ?
_ Héléna, c'est un joli nom, assura la jeune femme. Et où est-elle, là, maintenant ?
_ Heu... je...
_ Ne devriez-vous pas être auprès d'elle, pour la rassurer ? Insista Rachel avec une impitoyable douceur. Pourquoi êtes-vous ici ?
_ Je... Je... »

Héléna. Le sésame. Hans était éperdument amoureux, c'était absolument évident depuis le début. Elle était au cœur de ses pensées, constituait le centre de gravité autour duquel orbitait chacun de ses actes. En la remettait au centre du jeu, en pointant le manquement d'Hans auprès de sa bien-aimée, Rachel espérait générer une pulsion supérieure au besoin impérieux de vengeance du serveur.
Visiblement, cela semblait fonctionner. Le regard d'Hans ne cessait de sauter de Rachel au prisonnier et vice-versa. Sa main se contractait fébrilement autour de sa massue. Le jeune homme était livide, les yeux écarquillés, tremblant sous la puissance de deux impulsions aussi profondes et violentes que contradictoires. Rachel se fit la réflexion qu'elle jouait peut-être bien un jeu dangereux avec le serveur : si la vengeance l'emportait, la culpabilité qu'elle avait fait naître à propos de son absence auprès d'Héléna risquait fort de se transformer en carburant pour son explosion de violence. La jeune femme décida malgré tout de rester confiante. Après tout, il n'y avait aucune raison qu'Hans soit réellement différent d'elle-même. C'était un chemin familier pour la jeune femme, elle était déjà passé par là... Et à l'époque, elle aurait bien eu besoin de quelqu'un pour l'aiguiller dans la bonne direction.

« Vous.... Vous ne comprenez pas, parvint finalement à articuler laborieusement Hans. Je veux lui faire payer... non... Je DOIS le faire !
_ Foutaise, réfuta fermement Rachel, ce que vous voulez faire n'est pas ce que savez devoir faire.
_ Ce que...
_ Ce que vous voulez, c'est la vengeance. Noyer votre frustration et votre impuissance dans la rage pour ne plus penser à rien. Pourtant, ce à quoi vous devriez penser, c'est à Héléna, lui rappela-t-elle avec douceur. À vous. À vous deux, ensemble. À votre avenir.
_ Mais... hésita piteusement le serveur.
_ Si vous agressiez un Marine, vous ne pourriez échapper à une condamnation, lui expliqua la jeune femme. Ou à une vie de fugitif, ce qui reviendrait au même. Même en admettant qu'Héléna vous attende toutes ces années, êtes-vous prêt à les sacrifier ? À sacrifier ces années communes ? À la sacrifier, elle ? Pour quelque chose d'aussi stupide et futile ?
_ Je... Je veux...
_ Ne vous laissez pas aveugler par vos pulsions, insista doucement et fermement Rachel. Parce que, croyez-moi, il n'y a rien qui vous attende au bout de ce chemin. Rien que la solitude et les regrets. »

Ce fut le déclic, visible à la crispation de la mâchoire, aux tremblements des yeux, à la façon dont sa tête s'inclina légèrement. L'espace d'un instant, d'un instant horrible, Hans venait d'envisager les conséquences de son acte. Une vie sans sa bien-aimée. Elle et lui, séparés à tout jamais par les événements. Une éventualité qu'il aurait voulu ne jamais envisager. La compréhension d'à quel point il avait été à deux doigts de la perdre. De la perdre de son propre fait.
Hans lâcha finalement son arme et s'abrita le visage derrière ses mains, gémissant tout doucement. Là, c'était fini, sa colère s'était brisée. La peur de perdre Héléna avait tout balayé, ne laissant qu'un jeune homme émotionnellement épuisé et physiquement vidé par une journée bien trop riche en événements éprouvants.

« Vous avez fait le bon choix, affirma la jeune femme, compatissante, tout en lui tapotant affectueusement l'épaule. Tout ira bien, maintenant. »

Solitude et regrets. Rachel ne put empêcher l'image de Victor de flotter un instant dans son esprit.

Un mouvement à son autre bras la ramena à la réalité. C'était Eïna qui s'était faufilée jusqu'à elle et souhaitait lui dire quelque chose. La caporale s'agenouilla pour que la petite adolescente puisse lui chuchoter un truc à l'oreille.

« Je pense qu'ils vont t'écouter maintenant, lui apprit Eïna. C'est le bon moment de faire un discours pour calmer la situation. Ils ont de bonnes raisons d'être mécontents, ils ont été ignorés par la marine vu que les copains sont surchargés avec le camp. Si on fait preuve de bonne foi, et qu'on leur promet de l'aide, ça devrait aider. »

Ils ? Qui ça, i... Oh merde ! La foule ! Rachel s'en voulut : elle s'était tellement concentrée sur Hans qu'elle en avait oublié le reste et laissé se débrouiller seule l'adolescente face à une foule enragée et assoiffée de sang. Bon, à tout le moins, Eïna s'en était visiblement tirée comme une cheffe et les avait calmés et rendus plus réceptifs à...
Minute ? Un discours ? Elle ? Encore de la parlote ??
L'albinos se renfrogna. C'est qu'elle n'avait pas du tout signé pour ce genre de connerie, en fait !

« Un discours ? Vraiment ?
_ Sinon, on peut aussi les laisser tapoter le sergent et le caporal pour se calmer, proposa Eïna en haussant les épaules. Ils l'ont bien mérité, après tout.
_ Aha, très drôle.
_ Ouais, j'm'en doutais...
_ On est la Marine, on ne laisse pas molester sans réagir des gens sans défense ! Affirma Rachel.
_ Ouais, sûr... opina Eïna.
_ Vachement convaincante, hein... Bon, je m'en occupe. Dans tous les cas, bien joué, Eïna, t'as assuré. »

Rachel se releva et entreprit de s'écarter un peu, laissant Hans et le caporal prisonnier aux bons soins d'Eïna. Elle marcha tranquillement, avec assurance et sans se presser. Une petite astuce de mise en place qui lui permettait gagner du temps et mettre en ordre ses idées avant de se lancer.

Qu'est-ce qu'elle pouvait dire à ces gens ? Non, plus exactement, qu'est-ce qu'ils attendaient d'elle ? Elle n'était que caporale, bon sang, ce n'est pas comme si elle avait le moindre pouvoir de décision ! Leur promettre de l'aide ? En quoi ça ne serait rien d'autre qu'une promesse creuse ? Tout au plus pouvait-elle leur promettre de faire remonter l'info, mais au-delà de ça... Mais ces gens pouvaient-ils s'en satisfaire ? Probablement pas, en fait...

Les pas de la caporale lui avait permis de se retrouver face à la foule, dos au comptoir. Plus d'échappatoire et elle n'avait toujours aucune idée de ce qu'elle allait bien pouvoir leur raconter...
Restait plus que l'improvisation.
Bon sang, qu'est-ce que Victor aurait bien pu leur dire, à sa place ?

Tous les regards étaient rivés sur elle. L'avantage de son imposante carrure, c'est qu'elle n'avait pas besoin de se ridiculiser à monter sur une table ou sur le zinc : tout le monde la voyait très bien de là où ils étaient. Rapide passage en détail de la foule. Beaucoup trop de visages reflétant beaucoup trop d'émotions pour qu'elle parvienne à saisir l'état d'esprit général. Tous suspendus à ses lèvres. Impossible de tergiverser davantage…
Rachel se racla une ultime fois et se lança.

« Mesdames, messieurs, avant toute chose, sachez que je comprends votre colère. Elle est légitime. Il y a trois ans, lorsqu'il vous a fallu accueillir les réfugiés autour de votre village, on vous a dit que ce serait temporaire. Oui, ces gens constituaient une gêne, oui, ils constituaient un poids. Mais vous avez acceptez de faire cet effort de solidarité par générosité, par bonté d'âme, par humanité ! Mais que s'est-il passé, après ? Cette situation provisoire, cet état transitoire, s'est installé pour durer. Ces réfugiés ont été installés ici puis oubliés. Vos efforts n'ont pas été récompensés ! Votre générosité a été exploitée ! »

Vifs mouvements d'assentiments ci et là. Aux yeux de la foule, la caporale avait parfaitement résumé la situation. De son côté, Rachel était plus ambivalente : afficher explicitement de l'empathie lui semblait nécessaire pour capter l'attention de la foule, mais les conforter dans leur ressentiment n'était probablement pas l'idée du siècle non plus.

« Vous avez parfaitement raison d'être en colère ! Mais contre qui ? Les responsables sont aussi nombreux qu'insaisissables ! Où était le Gouvernement Mondial, ces trois dernières années ? Qu'a-t-il fait après avoir relocalisé les réfugiés à Fushia ? Où est l'aide promise ? Où sont les fonds pour la reconstruction ? Le Gouvernement s'est défaussé de ses responsabilités sur vous, il a laissé sciemment pourrir la situation depuis tout ce temps !
« Et qu'en est-il de la Révolution ? N'est-ce pas eux qui sont à l'origine de tout ce merdier ? Où sont-ils alors que les réfugiés souffrent depuis trois ans ? Qu'ont-ils fait pour vous aider à supporter cette situation ? Pourquoi ne les voit-on jamais que combattre et détruire, pourquoi n'y-t-il plus personne lorsqu'il s'agit d'aider et de réparer ? Ces soi-disant défenseurs du peuple n'ont apporté que violence et ruine sur votre île !
« Et la république de Goa ? N'est-elle pas censée être la capitale de cette île ? N'est-ce pas la ville d'origine des réfugiés ? Pourquoi n'est-elle encore qu'à l'état de ruine ? Pourquoi ne prend-t-elle pas soin de ces habitants réfugiés ici ? En trois ans, rien ne s'est passé, rien n'a avancé ! Goa se satisfait de vous avoir envoyé un surplus de population et s'en lave les mains ! »

La foule ponctuait chaque envolée de cris d'adhésions, des poings se levaient, les esprits s'échauffaient. Eïna d'un côté de la pièce, le reste de la troupe de l'autre, les Marines dévisageaient leur caporale avec de grands yeux. La jeune femme n'avait pas le temps d'essayer de deviner ce qu'ils pensaient mais elle se doutait qu'ils devaient la prendre pour une folle. Elle avait tout de l'agitateur en herbe, là, pour le coup.
Mais Rachel avait une stratégie. En tout cas, un plan. Plutôt une idée ? Ou disons, un concept... Une intuition, à tout le moins. Bon, d'accord, en fait, elle improvisait totalement et n'était pas certaine de la direction qu'était en train de prendre son discours, mais elle cherchait à mettre en place un effet en particulier. Et pour ça, elle avait besoin de chauffer un peu la foule.
Rétrospectivement, c'est vrai qu'elle était peut-être en train de jouer avec le feu, à les réveiller comme ça. Si ça dérapait...
Bah, trop tard pour reculer.

« Et qui est resté à vos côtés tout ce temps ? Qui était là avant même les réfugiés et se soucie de Fushia pour ce qu'elle est et non comme d'un simple point sur une carte ? Qui connaît chacun d'entre vous et s'est juré de tout faire pour vous venir en aide ? Le Colonel Sauveur ! Parmi tous ceux qui vous ont fait défaut, celui qui ne vous a jamais laissé tomber, c'est le Colonel ! Le seul qui se préoccupe de la situation, le seul qui se décarcasse pour trouver des solutions, le seul qui soit resté fidèle à ses fonctions, c'est le Colonel ! Qui a pris en charge l'installation des réfugiés ? Qui fait de son mieux pour vous protéger ? Qui se démène pour tenter d'améliorer les choses ? C'est le Colonel ! »

L'espace d'un instant, les gens avait marqué un temps d'arrêt, avant de reprendre avec une bienveillante véhémence le nom du Colonel à chaque ponctuation du discours de Rachel. En un tournemain, elle venait de prendre la foule à contre-pied, transformant leur colère latente en une explosion de soutien pour le héros local, le seul dont ni la confiance ni la loyauté ne pouvait être remis en cause à leurs yeux.
Bam ! Effet cathartique ! La jeune femme était fière d'elle pour le coup. C'était LE truc qu'elle avait retenu de ses thérapies. Elle se demanda brièvement ce qu'en aurait pensé le Psy.
Il lui aurait sûrement pointé que quand on est persuadé de n'avoir qu'un marteau en main, on s'attache forcément à tout voir comme un clou.
Maieuuuh...
Bon, c'était pas le tout, mais qu'est-ce qu'elle en faisait de son effet, là, maintenant, hein ?

« Oui, les choses ne sont pas parfaites ! Mais le Colonel se décarcasse nuit et jour pour faire au mieux et repousser les limites de l'impossible ! Regardez-moi ! Regardez ma troupe ! En vérité, nous ne sommes même pas des Marines ! Pas officiellement, tout du moins : nous ne sommes encore que des stagiaires ! Parfaitement ! Mais c'est le moyen qu'à trouver le Colonel pour tenter de palier au sous-effectif de ses troupes ! Car ne vous y trompez pas, la garnison de Fushia est bien trop sous-dimensionnée pour faire face à l'afflux de réfugiés. Mais ce n'est pas le genre de chose qui arrête le Colonel. Et encore moins la Marine. Des solutions sont trouvées, des réponses sont inventées, dans un seul et unique but ! Assurez votre sécurité ! Alléger la charge qui pèse sur vos épaules ! Être à vos côtés dans les épreuves que vous traversez ! Oui, les choses ne sont pas parfaites ! Nous ne pouvons être partout à la fois ! Et, hélas, des moutons noirs se glissent parfois parmi nous pour en profiter ! Mais avec votre aide, avec votre support, nous ferons face, ensemble ! Car dites-vous bien que jamais, JAMAIS la Marine ne vous abandonnera ! »

Explosion de cris de joie, où surnageaient les mots "Marine" et "Colonel Sauveur". Amalgame plutôt bien mené, de l'avis des spectateurs – Eïna et le reste de la troupe –, Rachel était parvenue à étendre la sympathie des habitants pour le Colonel jusqu'à la Marine. Mais comment enfoncer le clou ? Quelle allait être la conclusion ?
Rachel se posait très exactement les mêmes questions. Elle débitait ses propos comme ils lui venaient et n'avait plus aucun plan. La panique commençait tout doucement à monter. Bordel, une conclusion, trouver quelque chose, vite.

« Jamais nous ne vous abandonnerons, parce qu'on est la Marine ! Nous avons juré de tous vous protéger, parce qu'on est la Marine ! Quelques soit les épreuves et les défis qui vous attendent, nous les relèverons à vos côtés, PARCE QU'ON EST LA MARINE ! Nous n'aurons de cesse de vous aider jusqu'à ce que la situation s'améliore, PARCE QU'ON EST LA MARINE ! Nous nous démènerons sans compter pour que les choses reviennent à la normale, PARCE QU'ON EST LA MARINE ! VOUS POURREZ TOUJOURS AVOIR CONFIANCE EN NOUS, PARCE QU'ON EST LA MARINE ! » Conclut Rachel, poing levé bien haut.

Tout au long de sa diatribe, la foule n'avait cesser de scander PARCE QU'ON EST LA MARINE avec elle. La dernière salve ne fit pas exception. Ensuite de quoi vint un blanc pendant, au moins, un bon demi-battement de cœur. Une éternité pour la pauvre caporale, seule face à la foule, le poing toujours levé, se sentant désespérément stupide et ridicule. C'était tout sauf une conclusion, ça. L'angoisse germa dans son esprit. Elle avait tout flanqué par terre, hein ? Hein, qu'elle avait tout fait lamentablement foirer ?
Heureusement, avant que Rachel ne décide de se recroqueviller sur place pour aller se cacher dans le trou de souris le plus proche, un petit applaudissement résonna timidement dans l'air. C'était Eïna, qui s'était savamment positionnée derrière le public pour jouer les chauffeuses de salle – parce que quitte à manipuler une foule, autant faire les choses jusqu’au bout, de son avis. Et effectivement, d'autres personnes dans la masse lui emboîtèrent immédiatement le pas et les acclamations balbutiantes se transformèrent bien vite en une véritable ovation, la foule acclamant en chœurs la Marine, laissant échapper des sifflements de joie et applaudissant à tout rompre la jeune femme.

Comme à son habitude, une fois à court d’arguments, Rachel avait tout misé sur le volume sonore en désespoir de cause. Mais avec succès, pour une fois : la foule avait été particulièrement réceptive à la force de conviction et à la sincérité de la jeune femme. Il était paru évident à tous qu’à ses yeux, ce n’était pas seulement des mots : la caporale y croyait dur comme fer, de toutes ses forces, de toute son âme. Touchés à un niveau viscéral, les gens avait décidé d’y croire aussi. De croire en elle. De croire à cet idéal.

De son côté, la caporale se força à faire bonne figure tandis qu'elle poussait intérieurement un immense soupir de soulagement. À tout le moins, c'était passé. En plus, ça ne s'était pas fini en fiasco. L'un dans l'autre, elle estimait qu'elle s'en sortait plutôt bien, pour le coup. La situation la laissait néanmoins perplexe et dubitative : non, parce qu'en vrai, rien n'avait changé entre avant et après le discours, si on analysait rationnellement les choses, hein… Et pourtant, pour la foule, il y avait bien eu un avant et un après. Rachel songea qu'il lui faudrait bien analyser tout ça pour essayer d’en démêler le pourquoi du comment.

La caporale repoussa bien vite ces pensées car elle se retrouvait présentement cernée par une foule enthousiaste venue la féliciter. Cela lui prit un certain temps pour s'en extraire, Rachel se sentant obligée d'échanger quelques mots avec presque chaque personne qui l'accostait, promettant ici de remonter les problèmes des villageois au Colonel, assurant là que les soudards seraient sévèrement punis. Mais finalement, elle put s'en sortir et rejoindre sa troupe qui l'attendait près de la porte avec tous les prisonniers.

« Hé, Rachel, commença Thierry, ton discours, il...
_ Non mais désolée, je ne veux pas le savoir. Pas le moment, là. Du tout. Le coupa gentiment mais fermement la jeune femme, encore trop mal à l'aise d’avoir joué les apprentis sorcières pour vouloir en parler. Dépêchons-nous plutôt de nous éloigner d'ici et de ramener les soudards au poste, vous voulez ? Pis faut que je fasse très vite un rapport à l'adjudant pour le prévenir de la situation, en plus.
_ Bien sûr, affirma Eïna d'un air espiègle. On va le faire, PARCE QU'ON EST LA MARINE !
_ Aha très drôle, grommela Rachel sous les rires hilares de ses compagnons. Moquez-vous... La prochaine fois, c'est vous qui vous y collerez, hein...
_ Hahaha, aucun risque, on est pas cheffe, nous !
_ Maieuuh... »
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