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A l'ombre des hommes ▬ Ft Serena.

J'ai ma hache en main, et j'frappe. Durement, elle cogne contre le bois qui s'ouvre en deux, comme une huître à un repas de famille. Mon boulot, celui que j'ai toujours fais officiellement, c'est bucheron. Rien d'autre. J'sais pas faire la cuisine et j'ai aucune envie d'apprendre, j'sais pas faire l'aubergiste non plus, j'ai pas la patience. J'ai aucune notion de commerce, ni sur la monnaie, ni sur le côté humain. Ce que j'sais faire en revanche, c'est frapper. Et frapper fort. Alors quand travailler pour les Tempiesta m'arrange plus, j'reviens sur les terres natales de ma femme, et je passe mes nerfs un peu trop à vif sur les denses forêts de l'archipel. L'érable rougeoyant, qui donne son nom à la "Forêt des flammèches", qui appartient exclusivement à mon beau père, est une denrée rare qui s'arrache à bon prix. Il l'a acheté à prix d'or, et l'exploite depuis quelques années pour soutenir son activité de négociant en vin, qui s'fait bouffer par une mondialisation toujours plus grandissante. Le GM prend du pouvoir, et en grandissant, écrase les petites gens sous sa bottes impitoyable.

C'est dans ce contexte qu'on s'est installé ici avec ma femme, et ma fille, comme d'autres avant nous, profitant d'une exode et d'une île au potentiel infini. Cela faisait longtemps que j'avais pas travailler sur des érables de cette taille, on dirait presque qu'ils ont un visage certains, avec leur troncs noueux et leur racines épaisses. Remarque, mon merlin -qui n'a rien d'enchanteur, peut aussi bien servir à travailler le bois, que des abattis.

Certains ont déjà subis le courroux de Judas, le pater pugilat, le lion de North, pourfendeur des plus ignobles criminels -encore pire qu'moi en tout cas, et des plus félons des hommes. J'suis pas un juge, ni un juré, mais par contre je suis l'exécuteur de la volonté du peuple. Généralement on vient m'voir en dernier recours, quand la situation l'exige, quand les autorités peuvent ou ne veulent rien faire. J'suis la dernière carte à abattre, car on ne fait pas plus radical que ma conduite. Et surtout, parce que j'suis aveugle et sourd à tout arguments de mes ennemis, pareil à la Justice morale, et a sa juste violence.

Tirant mon trophée découpé le matin même, j'approche de la ferme -plus une scierie d'ailleurs, qu'on nous a fournit pour continuer à vivre ici. Un petit lopin de terre, rien qu'à moi, sur lequel se dresse une maison de pierre, accolée à un atelier dans lequel je débite les planches, qui seront envoyées ensuite par bateau jusqu'à leur destinataire, leur nouveau propriétaire.

Une roue à aube plonge dans la petite mais puissante rivière qui avoisine la maison, et fait tourner une scie à bois, rien de plus qu'un disque de métal, aux crocs acérés, qui mord le bois et le découpe de manière régulière. Toujours mon trophée derrière moi, je pousse la porte de l'atelier. Et je me met à mon œuvre. J'suis bien ici, je suis tranquille. Pas de violence, pas de sang, pas de larmes ni de veuve à consoler. Même si des drames plus ordinaires s'y passe, l'archipel aux éveillés comble ce besoin de solitude et de tranquillité qui m'a prit quand j'ai vu le résultat de mes aventures.

Je l'en remercierai jamais assez pour ça, même si j'trouve dommage que la nature soit domestiquée par l'homme de manière aussi intensive, et que je trouve dommage de laisser l'homme l'envahir de manière aussi cavalière.

Une fois mon bois débité en tranche, façon gigot d'agneau, j'file déposer mon paquet au centre ville, qui s'trouve à deux kilomètres à peine de ma propriété.

Pas besoin d'te dire qu'il y'a quelques années, c'était pas pareil. Qu'on était encore plus isolés, mais qu'à force d'investissement et de temps et d'efforts d'une compagnie dont j'ai oublié l'nom, ma terre d'accueil sauvage, s'est transformée. Pas besoin de te dire que ça m'plait pas. Mais bon, le monde bouge, faut bien bouger avec lui. On reste quand même une poignée d'irréductible à respecter les traditions, et à ne pas déforester ou à pêcher de manière intensive. On essaye de préserver l'éco-système, de ménager notre peine, de pas trop puiser dans les ressources.

Mais tout l'monde est pas comme moi, comme nous.

Une fois mon paquet déposé dans l'entrepôt, je retourne boire un godet en ville. Et c'est là que notre aventure commence. Une étrangère à notre petite île de l'archipel, entre dans le bar, et tout les regard pointent dans sa direction. Accueil charmant, c'est Joe qui s'y colle et s'approche en reniflant, presque menaçant.


-  Tiens, tiens , tiens,  v'la pas une étrangère, qu'il fait en frottant sa moustache.  On aime pas trop les gars dans ton genre par ici ... Qu'il fait, lui tournant autours comme un requin d'un banc de poison lumineux, qui peuple les eaux de l'archipel. Y'en certains qui acquièce, en tout cas personne essaye de raisonner Joe. C'est pas l'genre du lascars que d'écouter autre chose que la loi du plus fort, et du plus tordu.

Pour l'instant je me mêle de mes ognons, mais s'agirait pas de créer de l'agitation, j'veux rester peinard  moi.
    -Okay ducon. Tu te calmes. Je suis chez moi. Je rentre sur l’îlot central demain. Je passe la nuit ici parce que j’ai déjà assez cavalé pour aujourd’hui. Alors tu te détends. Et tu baisses d’un ton.

    Là dessus, je me pose au comptoir, je commande une bière. Je suis lessivée, essorée, brassée et retournée par la marée. J’ai l’impression de m’être faite posée par elle et roulée deux trois fois comme un coquillage sur le sable. Quand j’ai donné ma démission, j’ai voulu pousser pour arriver sur l’archipel au plus vite, surtout pas zoner dans des rades pourris sur des coins douteux. Pas perdre mon objectif de vue. Pas perdre ce qui n’a fait que grandir en moi depuis mon premier passage. Cette envie dévorante de prendre un nouveau, un vrai départ, de commencer à vivre pour de vrai.
    Mais c’est bizarre ; première fois que j’aborde l’archipel par ce bout, c’est vrai. Mais de là à ce que…

    -Mais c’est que tu mordrais en plus. Vous avez vu ça les gars ?

    J’entends des rires autour de moi. On daigne quand même me servir ma mousse, bien fraîche. C’est déjà ça. Je reconnais l’odeur des houblons sauvages de l’île. Une fois, en marchant au hasard le long d’un ruisseau, j’étais tombée sur un massif en fleurs. Les cônes étaient longs comme ma main, et ils suintaient d’une résine épicée. Magnifique.
    En buvant, je retrouve d’un coup le calme de l’archipel, l’air énigmatique de la Sans-Nom, la beauté de tout ce qui y pousse, le plaisir des jours où l’heure n’a aucun sens.
    Bon. Je sens quand même qu’on me bourre du coude, qu’on commence à gentiment me postillonner après. On va pas se mentir, ça va vite mal se finir si ça dure. Mais par la grâce de la première gorgée, je tente une estocade à l’amiable.

    -Patron, remets le plein à tout le monde.

    Un léger silence se fait tandis que je compte mes sous, que je pose sur le comptoir. J’entends des trucs du style « ah, sympa ça », « merci m’dame », « en fait j’vous remets, vous étiez pas chez les gens du fleuve? », auxquels je réponds vite fait quand c’est nécessaire. Il reste bien trois connards qui se sentent complètement désarmés et qui hésitent sur la conduite à tenir. Mais je prends le parti de les ignorer. Elle est bonne cette mousse, putain.

    -Tu m’as collé la honte, là. T’es fière de toi ?

    Un bruit de tabouret à ma gauche. Toujours le même. Bon. Il doit être sacrément con celui là, pour s’acharner comme ça. Je réponds rien. Puis finalement, si.

    -Deux fois par semaine : potion de vigueur à base d’ashwaganda séché et broyé, de racine de ginseng, de gingembre frais, de bois de santal, de citron et de menthe. J’ai juste ?

    Il est devenu tout blanc. J’ai juste. C’était bien un des clients de la Sans-Nom. Un de ceux qui participent à lui faire une réputation de cinglée pour cacher le fait que sans elle, sa virilité serait plus qu’un souvenir. Je souris méchamment.

    -Tu veux vraiment que j’affiche un peu plus tes problèmes de pavillon en berne devant tout le monde, ou tu écrases ?




    Je sais pas trop ce qui s’est passé sur les cinq secondes qui ont suivi. Il y a eu un bruit de baffe, une douleur dans ma joue. La seconde d’après j’étais sur lui, les mains brûlantes, en train de l’étrangler. J’ai repris ma raison juste à temps. Putain, je l’ai pas buté, ça va. Il a juste de grosses traînées qui tirent sur le rouge noirâtre autour du coup, et le nez pété. Je l’aide même à se relever, en contrôlant de justesse la chaleur de mon corps pour pas lui cramer la main. Je le colle sur une chaise avec un verre dans les pattes et je lève les mains, en signe de paix. Les réflexes de l’élite, bordel. Ça, plus mon naturel, je savais de base que c’était pas une bonne idée. Faut juste jamais me toucher comme ça, au dépourvu. Ça me fait réagir plus vite qu’un œil qui se ferme face à la lumière.

    -Je cherche pas les emmerdes.
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    J'te cache pas, j'me gausse dans mon coins. Cette façon de rabattre le caquet d'hommes plus idiots qu'elle, cette passion du verbe, cette envie de pas faire de compromis, de briller ailleurs que dans ses habitudes, c'est décidé ; J'aime son style et sa personnalité à celle là. Toute l'ambivalence de ses actes, mis en rapport avec ses paroles, n'fait que la rendre plus humaine. Plus concrète. Plus réelle. On a tous nos moments, et j'pense que quand on dépasse les bornes, faut que y'est quelqu'un qui mette le holà. Qui calme le jeu, qui vous donner d'autres perspectives. Alors malgré que la baston soit mon quotidien, on m'connait ici que comme Thomas Jefferson, le paisible bucheron venu d'ailleurs. Bien intégré, quasiment éveillé. Pris dans la folie des hommes, et par cette foutue machine qui vous broie ; La société.

    J'préfère vous laisser et aller faire l'amour à ma douce, sur ma peau d'ours, au coin d'un feu alimenté par mes propres soins. Sauf qu'aujourd'hui, j'ai un feeling différent. Et surtout, la main droite qui me chatouille, qui gigote, qui s'révolte. Elle veut faire des siennes, et aider cette mie là. Y'auras pas de pains qui voleront si je m'en mêle cependant. J'attrape mon merlin, mon outil d'travail. Et lentement, et surtout gentiment, je me lève, dévoilant mes deux mètres tandis que le chaos s'installe dans l'assemblée.

    Qu'on punisse cette donzelle qui n'a pas froid aux yeux -ni nulle part ailleurs m'est avis, qu'on lui montre ce qui se passe quand on s'en prend aux éveillés de souche. Elle n'est qu'une pièce rapportées, qu'un vaisseau qui transporte la volonté de l'autre folle. En tout cas c'est que j'comprends de ce qui s'dit. Moi ça m'plait pas trop.

    Alors j'me pose juste à côté d'elle, ma hache frappant le sol dans un bruit de tonnerre. J'regarde tout l'monde et tout l'monde me regarde. C'est un combat psychologique ; Qui de la grande brutasse, ou du petit gars de la campagne, aura le plus de volonté de vaincre. Les autres sont des suiveurs, le véritable problème vient du premier abrutis à avoir frapper. Tutututu. On frappe pas une femme. On peut la caresser, on peut lui faire l'amour, on peut même lui faire la misère, mais jamais avec ses poings, ses mains, faites pour leur faire du bien. Le mal gagne assez tout les jours pour que je m'en mêle.

    Les esprits se calment. J'suis dissuasif.

    - Appelle moi Thomas ...  dis donc, t'es une sacré donzelle mais j't ai jamais vu dans l'coin, j'ai cru comprendre que vous étiez de mèche avec une sorcière du coin... Lâche-t-il, simple déduction logique de la décoction qu'elle semble avoir préparé pour l'homme furieux, qui s'escrime à vouloir ambiancer ses petits copains.

    Dommage pour lui, dommage pour moi, ma carrure semble faire l'affaire pour calmer des ardeurs mal placés, et éviter le bataille rangée. Comme un remerciement, le tenancier dépose une grosse choppe devant moi. Et une plus petite devant la donzelle.

    Devant une chopine, tu peux te faire des copines. Et devant Chopin ?

    - Moi j'me demande pourquoi quelqu'un comme toi, a fait pour en arriver là. L'archipel c'est pas vraiment la destination de cartes postales qui donne envie. Enfin, c'que j'en dis moi ...
    Que j'fais dans le calme brouhaha d'une taverne qu'est passée à autre chose.
      -Merci du coup de main.

      Je bois encore une gorgée, dans la nouvelle choppe. La précédente a volé quand je me suis retournée, après avoir mangé la baffe de l’autre connard. Pas de reproche venus de l’autre côté du comptoir. Okay, je suis avec une figure locale on dirait. Moi à sa place, je l’aurais eu mauvaise. L’autre doit le dissuader d’aller chercher plus loin. Comme ça me met bien, je glisse une pièce en plus sur le comptoir. Pour la casse. Le mec me sourit presque. Autour de nous, l’air devient progressivement moins épais. Y’a bien encore Machin-au-canon-fondu qui cherche du soutien, mais je sens que la dérouillée l’a pas mal refroidi (ce qui est quand même vachement ironique quand on y pense), et qu’il reprendra pas d’initiative seul. D’ailleurs, une porte claque. Coup d’œil en arrière. Il s’est barré. Les autres sont repassés sur leurs cartes, leur tarot, leurs pendules, leurs histoires, leurs dominos, leurs balles de jonglage. Je retrouve quand même un peu l’ambiance spéciale des Eveillés. On trouve bien la même faune à tavernes qu’ailleurs, mais avec des centres d’intérêt plus colorés, plus variés, plus inattendus.

      -Je me suis plantée d’île. Ça fait un moment que c’est plus ou moins chez moi, l’archipel. Mais pas partout. J’avais pas bien saisi que c’était pas la même ambiance ici qu’ailleurs.

      Ou ailleurs qu’ici. En vrai, j’en sais rien. J’ai bien fait une ou deux livraisons en canoë pour la Sans-Nom, mais je suis le plus souvent restée sur son île à elle, peut-être là où les gens sont plus du genre à aimer vivre avec une chaman cinglée dans leur voisinage qu’à côté d’une troupe de vieux solides plus grégaires que des clebs et plus fermés qu’un officier de l’élite. Je sais que j’exagère. Que je suis sûrement mal tombée, épreuve du cosmos, tout ça.

      -Elle est pour moi au fait.

      Petit réflexe qui se rallume sous la fatigue. Le mec est un grand gaillard qui a une tronche à pouvoir chercher quelque chose de plus qu’un moment de reconnaissance purement formel. Une tronche qui me rappelle quelque chose d’ailleurs, quelque chose de vaguement primé, mais je m’en tape ; c’était bon pour ma vie d’avant, et je suis la mieux placée du monde pour savoir que tout ce qui brille n’est pas d’or, et que tout ce qui suinte n’est pas chiasse. Par contre, pas de ça entre nous. Pas envie. Plus envie. Depuis un moment.

      -Je suis partie un moment, mais je suis revenue. Je bosse avec celle que certains aiment bien appeler La Folle, parce qu’ils sont trop cons pour reconnaître ce qu’elle leur apporte. On s’entend bien, les deux.

      Façon de dire : « je suis associée à une puissance de l’île ; faut pas m’emmerder », mais aussi façon de dire « je suis légitime à casser les dents à ceux qui se croient tellement plus éveillés que moi qu’ils viennent faire chier gratos », et aussi « je serais amenée à connaître tes petits secrets si tu en as tôt ou tard ; autant jouer franco avec moi ». Je me décide à m’affaler un peu plus sur le comptoir, à commander un truc à bouffer. Plus d’une journée que j’ai pas dormi, le dernier repas date aussi. Besoin de me poser. Et pour l’instant, le grand, c’est bien qu’il soit là. C’est une garantie de paix. Je lui fais une place au comptoir.

      -J’ai oublié, moi c’est Serena.
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