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A bras le corps

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Précédemment : Casse-tête. Alrahyr émerge au beau milieu de la salle du rêve. Son corps est absent, seule sa tête est là. Il essaie de remettre de l’ordre dans son esprit et dans une suite de mots qui se répètent dans le désordre dans sa mémoire. Et alors qu’on l’emmène rencontrer le Docteur Buchenvald, tout se réaligne. Le docteur cherche à comprendre comment Alrahyr est parvenu à perdre deux fois le pouvoir de deux fruits du démon différents au cours de sa vie. Mais alors qu’Alrahyr explique le peu de choses dont il se souvient à ce sujet, le docteur le renvoie en salle du rêve à l'aide d'une drogue violente.

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Pour Buchenvald, rien ne presse. Il ne s’agirait pas de laisser un esprit sain demeurer dans sa prison, il est hors de question qu’Alrahyr ait le temps de réfléchir à un moyen de sortir d’ici. Il ne laissera pas son esprit tranquillement vagabonder dans les méandres de sa tête. Alors comme le but n’est pas d’aller vite, il avance à petits pas. De temps en temps il fait venir la tête d’Alrahyr en salle d’opération pour lui soutirer une ou deux informations qu’il note consciencieusement dans l’un de ses nombreux carnets. Un sérum spécial et l’esprit du détenu revient à la surface. Quelques questions posées, quelques réponses obtenues, et voilà qu’un deuxième sérum fait revenir l’esprit dans un état de légume.

Renvoi direct en salle du rêve.

Au bout d’un certain temps que ce maudit lieu empêche d’estimer, Alrahyr refait surface. Voilà sa tête à nouveau posée sur son piédestal au milieu de milliers d’autres caboches. Et le flash lumineux qui continue sa ronde incessante autour du monticule central de têtes. Et les haut-parleurs qui enchaînent à tue-tête des mots aléatoires, tantôt aigus tantôt graves, toujours bien trop fort.

Un calvaire absolu.

Pourquoi est-il là ? Oh merde, il le savait, il en est persuadé, mais là... Une histoire de fruit. Une pomme peut-être ? Il l’aurait perdue. Ou volée ? Pour se retrouver là ? C’est un peu fort peut-être. Ou alors non. Des mots, plein de mots résonnent dans son esprit mais il ne parvient pas à leur donner un sens. Un truc à creuser, une connaissance à retrouver, quelque chose de profond. Diantre, impossible de remettre le doigt dessus.

En parlant de doigt... Un picotement soudain le fait légèrement sortir de sa torpeur mentale, occultant par là même la lumière vive répétitive et les sons agaçants qui baignent la salle du rêve. Un picotement qu’il n’avait pas ressenti depuis bien longtemps. Quelque chose au bout milieu de l’index de sa main droite, sur la deuxième phalange. Comme deux choses dures qui se referment régulièrement sur sa peau, sans le blesser, juste pour attirer son attention. Des dents ? Non, il sentirait le souffle chaud de la bouche qui va souvent avec les dents. Des ongles peut-être ? Probablement. Deux pincements rapprochés, puis un seul, puis quatre. Une pause. Et à nouveau, le même motif. Deux, un, quatre.

Hallucine-t-il ? Comment peut-il sentir ses doigts alors même que seule sa tête est dans cette salle ? Et d’ailleurs, comment peut-il survivre avec uniquement sa tête ? S’il ressent ses doigts, peut-il les bouger ?

Oui ! Sans effort, sans difficulté, il parvient à plier l’ensemble de sa main droite ! Il n’a pas essayé jusque-là, étant incapable de prendre conscience de son corps, mais ces pincements l’ont sorti de son engourdissement et ont permis à son esprit de canaliser son attention sur lui-même plutôt que sur le spectacle éternel de sons et lumières qui se joue devant lui ! Referme-t-il réellement sa main ou est-ce une vue de l’esprit ? Qu’importe, désormais, il ressent son corps. Que ce soit en rêve ou en réalité, cela fait du bien au moral.

Là des orteils qu’il peut recroqueviller, ici un biceps qu’il arrive à contracter, de ce côté une jambe qu’il parvient à étendre et par là un torse qu’il arrive à courber. Son corps, il est là, il existe quelque part, et d’une manière ou d’une autre il est relié à sa tête et il peut le contrôler.

Mais... et ce pincement... Pourquoi un pincement si régulier et répétitif ?

Via plusieurs mouvements de la main droite, Alrahyr tente de comprendre son environnement. Ses doigts sont sur une surface plane. Il les fait courir à droite, à gauche. Ah ! Une autre main ! Oui, c’est la main dont les doigts pincent régulièrement les siens. Il continue à faire avancer ses doigts à l’aveugle et remonte la main de son “interlocuteur”. Le poignet, l’avant-bras, puis plus rien ! Pas de coude, juste le vide !

Saisi d’un doute, Alrahyr replie son poignet, son coude et son épaule, tout son bras droit dans un seul geste coordonné pour poser sa main sur son cœur. Mais son mouvement va plus loin que ce qui est physiologiquement possible. Il n’a pas de torse. Enfin, si, il a réussi à en ressentir les muscles, mais sa main ne peut pas l’atteindre. S’il est dans la même situation que son interlocuteur, sa main se balade seule avec son avant-bras. Mais sans rien d’autre.

A quel point est-il découpé ?

Il réalise la même action avec le bras gauche. Même résultat. Puis il referme ses épaules pour permettre à l’intérieur de son coude, qui n’est pas solidaire de son avant-bras, de toucher ses côtes. Rien. Le vide, le néant. Ses bras sont aussi séparés du torse. Avant ou après les épaules, difficile à dire. Et les pieds ? Les jambes ? Alrahyr n’a jamais été très souple. Même en pliant sa cuisse il ne pourra pas espérer toucher sa fesse sans s’aider de ses bras. Ah, mais il peut rapprocher ses pieds ! Non. Il referme ses jambes mais ses genoux ne se touchent pas. Ses pieds non plus.

Il fait un état des lieux. Entre huit et dix morceaux de son corps sont éparpillés en plusieurs lieux. Tête, torse, bras gauche, bras droit, avant-bras et main gauche, avant-bras et main droite, jambe gauche et jambe droite. Huit. Et si les pieds sont désolidarisés de ses jambes, à l’instar de ces mains désolidarisées du haut de ses bras, cela porte la découpe à dix pièces.

Et, alors qu’il compte, la main inconnue grimpe sur son avant-bras droit et recommence à le pincer, toujours avec le même motif, mais cette fois-ci sur le dessus de sa propre main droite. Il sent que son interlocuteur s’accroche sur le dessus de son poignet à l’aide de ce qui semble être son pouce et son auriculaire. Et il utilise ses trois doigts restants pour pincer la peau lâche du dessus de la main d’Alrahyr.

Deux. Un. Quatre.

Répétitivement, inlassablement.

Mais, décidé à explorer les environs de sa main droite (commençons par-là, au moins il y a un voisin actif), Alrahyr décide d’ignorer temporairement ce parasite aggripé à son poignet, et fait courir ses doigts sur le sol pour découvrir les environs, telle une monture baladant un cavalier un tantinet agaçant.

Très rapidement, il rencontre d’autres mains. Que des mains droites avec leurs avant-bras. Des membres inertes, sans réaction aux sollicitations d’Alrahyr, qui se met pourtant à pincer tout ce qui ressemble à de la peau. Des dizaines, des centaines de mains, partout. Est-ce pour cela que ce parasite s’aggripe à lui, parce qu’il est le seul à réagir, à bouger ? A-t-il trouvé un compagnon de main ?

Prenant conscience de la situation, il ouvre les yeux, replongeant dans la réalité qui entoure sa tête. Toutes ces têtes... Et tous ces bras... Tout le monde est dans la même situation que lui. Tous sont découpés et éparpillés partout dans ce lieu. Les têtes ici, les mains droites ailleurs, et le reste des membres dans d’autres endroits, tous inconnus. Et pourtant, les corps restent connectés.

Soudain, Alrahyr perçoit du coin de l’œil un mouvement jusque-là passé inaperçu mais prenant tout son sens désormais. Une tête, placée quelques mètres plus loin, à moitié cachée par d’autres visages. Un homme qui cligne des yeux, comme pris d’une crise d’épilepsie. Il cligne sans cesse.

Répétitivement.

Deux fois.

Une fois.

Quatre fois.

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Une barbe brune foisonnante et une touffe de cheveux bouclés châtains témoignent du temps considérable que cette tête voisine a déjà passé ici. Ses sourcils broussailleux oscillent de concert avec ses paupières, découvrant par intermittence deux yeux marrons perdus dans le lointain.

Alrahyr en est convaincu, la main pinceuse et la tête clignotante ne font qu’un. Pourrait-il en être autrement ? Il scrute les alentours sans toutefois être capable de tourner son cou, faute d’en avoir un. Aucune tête ne bouge, aucune paupière ne vibre, aucun œil ne cligne. Rien. Personne. Sauf l’homme brun.

Sa main droite arrête là son exploration du lieu dans lequel elle est retenue. Elle gigote pour essayer de se défaire de son cavalier encore agrippé à son poignet, continuant inlassablement ses pincements à répétition. Mais rien n’y fait, son emprise est coriace et le débattement du poignet d’Alrahyr trop faible. Alors, d’une propulsion du pouce et de l’index au sol, il tente une bascule complète de son membre avec comme point d’appui son petit doigt.

Au premier essai, l’impulsion n’est pas assez forte et la bascule échoue. Au deuxième essai, il sent qu’il y est presque ! Au troisième essai, il arrive à une situation en équilibre sur le petit doigt, mais son cavalier se colle à lui et le fait retomber dans la position initiale. Hmm... Pour la quatrième tentative, Alrahyr feinte une nouvelle impulsion à laquelle l’autre main réagit immédiatement en s’agrippant de plus belle. Et profitant alors du rebond, il parvient à réaliser sa bascule et se retrouve paume vers le haut, au-dessus de son compagnon d’avant-bras qui continue tout de même ses petits pincements du bout des ongles.

Diantre, ne comprendra-t-il jamais ? Comment intéragir avec lui s’il ne peut pas répondre ? Alrahyr s’acharne alors à gigoter dans tous les sens pour se séparer de son parasite. Et à force de remuer comme un beau diable il parvient enfin à se libérer !

Mais voilà une nouvelle difficulté. Où est passée cette main voyageuse ? Comment remettre la main dessus maintenant qu’il l’a envoyée valser ? Il ne peut ni la voir, ni l’entendre, ni la sentir, il ne peut que la toucher. Mais encore faut-il qu’il la rencontre à nouveau.

Dans la salle du rêve, là où sont regroupées les têtes, un léger grognement émane de l’homme brun. Alrahyr tente quelques sons pour attirer son attention, mais rien de subtil ne peut passer au-dessus du vacarme ambiant qui règne ici. Il faudra se contenter de la main.

Et où est cette foutue main ? Il cherche. Il fait courir ses doigts partout où il peut, tombant sur beaucoup d’autres membres inertes, toujours des mains, partout des mains, des salades de doigts à ne plus savoir qu’en faire. Il ne sait plus où donner de la tête. Son exploration dure depuis il-ne-sait-combien-de-temps.

Jusqu’au moment où la fameuse main atterrit directement sur son dos ! Enfin, sur le dos de sa propre main. Mais cette fois, Alrahyr réagit dans un habile mouvement de poignet, parvient à retourner son parasite et à le coincer entre son pouce et son auriculaire. Le voilà à sa merci ! Il peut maintenant le...

Pincer avec ses ongles. Pour lui faire comprendre qu’il a compris son message. Deux fois, une fois, quatre fois.

Dans la salle du rêve, le regard auparavant perdu dans le vague de l’homme brun se fige, paupières ouvertes, yeux écarquillés. Aussi vite que possible, Alrahyr intercepte ce regard surpris et le fixe comme s’il tentait de pénétrer son âme. L’homme a compris.

Immédiatement il se met à cligner des paupières à toute vitesse. Des mouvements courts, des longs, qu’il synchronise avec des pincements des ongles. Même motif dans les deux lieux, moins de chance d’en perdre des morceaux. Un langage ? Du morse ? Alrahyr pense reconnaître certaines lettres, oui, et même certains mots. Du morse. Non ! Alrahyr connaissait le morse, mais c’était il y a plusieurs années ! Cela ne lui a pas été utile depuis tellement de temps que pour se le remémorer, cela ne va pas être une mince affaire.

Remarquant le regard effrayé d’Alrahyr, l’homme brun change de stratégie. Lentement, il passe en revue certaines séquence.

Court, long. C’est la lettre A, Alrahyr la reconnaît. Facile
Long, court, court, court. Lettre B.
Long, court, long, court. Lettre C.

L’homme brun passe en revue l’alphabet ! Il permet à son interlocuteur de se le remémorer calmement ! Enfin, calmement... Il faut une concentration maximale dans cette salle du rêve où lumières et sons agressent les sens et l’esprit. Mais il en a vu d’autres. Il a déjà réussi à prendre conscience de son corps éparpillé, il peut bien parvenir à ré-assimiler le code morse !

Allons-y ! Long, court, court, lettre D. Court, lettre E. Court, court, long, court, lettre F.

Petit à petit, Alrahyr réapprend les séquences. Son professeur de circonstance boucle l’alphabet plusieurs fois pour que les suites deviennent plus logiques pour son élève.

- E-S-T-C-E-Q-L-E-T-L-T-E-M-S-O-N-S

Pas de ponctuation, espaces entre les mots difficiles à exprimer. Qu’importe, la langue est bien faite, il faudra s’en passer ! Sa demande n’est pas très claire. Est-ce qletltem sons ? A moins que ça ne soit pas un “L” mais un “U” ? Est-ce que tu tem sons ? Presque... Le “N” c’est pas ça, ça c’est plutôt un “R” ? Et du coup le “M” est plutôt un “N”. Est-ce que tu t’en sors ? Oui voilà c’est ça !

- A-P-E-U-P-R-E-S

Alrahyr peine énormément à formuler ces trois petits mots.

- O-K-O-N-V-A-C-O-N-T-I-N-U-E-R-A-T-R-A-V-A-I-L-L-E-R

Après un temps qui lui paraît être une éternité, il parvient à comprendre. Ok, on va continuer à travailler. Donc : nouvel exercice.

- T-R-O-U-V-E-L-A-L-E-T-T-R-E-Q-U-I-S-U-I-T

La lettre qui suit ? Ah oui, dans l’alphabet.

Long, long, court. Qu’est-ce que c’est ça déjà... Le G ? Oui c’est probable, alors après le G il y a le H. Court, court, court, cout. C’est ça ? Oui ! L’homme brun esquisse un sourire de satisfaction. Déjà parce qu’Alrahyr a réussi à comprendre l’exercice demandé, et ensuite parce qu’ils font tous les deux des progrès.

Alors, pendant plusieurs heures, les deux têtes et les deux mains s’échangent pincements et clins d’œil, le professeur faisant travailler son élève, l’élève suivant attentivement les nouveaux exercices proposés par son professeur. Quand il n’y a rien d’autre à faire et que le travail semble vital pour se sortir d’une mauvaise situation, l’esprit parvient à réaliser des prouesses incroyables en termes de concentration. Alrahyr arrive désormais à ressentir la ponctuation au travers des phrases. Les accents prennent leur place logique, les virgules rythment les séquences qui en ont besoin, les apostrophent s’intègrent d’elles-mêmes ! Les deux hommes peuvent communiquer, ils peuvent se parler.

- Super, tu fais des progrès !
- Merci pour ton aide surtout...
- Je m'appelle Puzen, et toi ?
- Alrahyr, mais dit plutôt Al, ça ira plus vite.
- Super Al, et toi, dit Pu, ce sera mieux aussi.

Puzen. Pu. Court, long, long, court pour le P, suivi de court, court long pour le U. Mais... Depuis tout ce temps... Les pincements depuis le début... c’était son nom, son diminutif, Pu ! Ça n’était pas deux fois, une fois, quatre fois ! C’était court, long, long, court, court, court, long ! Ce n’étaient pas des pauses entre les pincements mais des pincements longs !

Puzen essaie de communiquer en morse depuis le début, donnant son nom, espérant qu’on lui réponde. Pour quel idiot Alrahyr a-t-il bien pu passer en lui répondant la même chose... Normal que l’homme brun ait rapidement compris qu’il allait falloir lui ré-enseigner le code.

- Je te propose un truc, Al. On va commencer par regrouper par deux chacun de nos membres. Là on a déjà nos mains droites ensemble, faut faire pareil avec tout le reste. Ça te va ?
- Tu en comptes combien toi ?
- Joo

Joo ? Quoi ? Non non, Alrahyr a du mal comprendre !

- Pardon, combien ?
- Joo
- Hein ?
- Dix !
- D’accord, mais tu as dit quoi avant ?
- Dix mais en chiffres plutôt qu’en lettres, Joo !

Merde, en chiffres. Ils n’ont pas révisé les chiffres.

- Ok Al, on va se passer des chiffres tant pis.
- Oui il vaut mieux... Donc dix. Tu as réussi à voir que les pieds étaient séparés des jambes c’est ça ?
- Tout à fait, il m’a fallu du temps mais j’en ai eu à foison, j’ai pu étudier la question !
- Super. Avant qu’on commence, elles sont où toutes les parties de nos corps ?
- Aucune idée... J’ai vagabondé partout avec chacun de mes membres, je n’ai rien pu reconnaître. Difficile aussi de bouger avec des membres réduits, je comptais me greffer sur quelqu’un pour qu’on bosse à deux, mais personne ne réagissait, jusqu’à toi ! On va y arriver, mais il faut d’abord se retrouver. Prêt à explorer les différents lieux ? On commence par la main gauche.

C’est parti.

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La main gauche. Et l’avant-bras qui va avec bien entendu. Pour ça, rien de bien compliqué, ça prend juste du temps. Du temps, déjà parce que se déplacer en courant avec ses doigts ça n’a rien de facile, et ensuite parce qu’il faut avoir la chance de tomber sur l’autre. Rapidement, ils mettent au point une méthode pour leur faciliter les retrouvailles. Comme pour leur main droite, la pièce dans laquelle sont stockées leurs mains gauches est plus ou moins carrées. Plus ou moins, parce que les quatre murs droits, ça c’est bon, les angles droits, ce n’est pas évident mais l’idée est là, et la longueur des côtés c’est un estimatif qui ne tient pas compte des très nombreux tas de mains croisés en longeant les murs et qui prennent un sacré bout de temps à gravir en évitant de se décoller du mur.

L’idée est donc de longer les bords. Alrahyr a le mur qui glisse le long de son petit doigt, Puzen l’a du côté de son pouce. De cette manière, ils se croisent forcément à un moment dans une pièce aussi simple ! Même si, encore une fois, la difficulté réside dans l’escalade toujours plus ardue des agglomérats de membres inertes étalés absolument partout. Et pour se reconnaître, quelques pincements synchronisés avec les mains et les clignements des yeux et le tour est joué.

C'est quand même quelque chose d’étrange de chercher à se toucher les mains sans se voir et de se faire des clins d’œil épileptiques lorsqu’on pense s’être retrouvé. Encore plus bizarre, ce petit sourire que chacun esquisse lorsqu’ils joignent enfin leurs membres respectifs... Mais, l’esprit trop accaparé par cette situation où une extrême concentration est requise, Alrahyr parvient sans difficulté à écarter de ses pensées cet aspect malsain.

Ainsi, Puzen et lui ont réussi à retrouver leurs mains gauches respectives. Pas à pas, ils parviennent à joindre leurs pieds droits, puis gauches. D’ailleurs, fait très intéressant au sujet des pieds, ils arrivent à marcher presque normalement même détachés des jambes. On a souvent tendance à penser que ce sont les jambes qui permettent aux pieds de se soulever et d’avancer, mais la “magie” qui a permi à leurs membres d’être séparés semble permettre aux pieds de marcher seuls. Ils parcourent ainsi une trajectoire à peu près identique à celle qu’ils parcourraient en étant rattachés à un corps, sauf qu’ils la suivent de manière autonome. En d’autres termes, ils flottent dans l’air l’espace d’un instant. Tout le monde s’en fout, mais ça valait le coup de le faire remarquer.

Se cherchant à tour de bras dans les différentes pièces, ils retrouvent leurs jambes. A forces de grandes enjambées ils mettent la main sur leurs bras. Dépensant de l’huile de coude, ils parviennent à réunir leurs torses. Bref, après avoir pris le problème à bras le corps, ils mettent le doigt sur tous leurs membres éparpillés aux quatre coins de ce lieu si particulier.

- Pu, j’ai trouvé quelque chose de sympa, viens voir.
- Quel endroit ?
- Main droite.

Alrahyr emmène son compagnon quelques coudées plus loin pour lui faire part de sa dernière trouvaille.

- Tu sens la main inerte là ? Bon, remonte jusqu’à son poignet. Très bien, continue sur l’avant-bras, jusqu’au niveau où il devrait y avoir le coude.
- Eh mais...
- C’est ça ! En farfouillant tout à l’heure quand j’avais mis mon torse dans un coin et que tu continuais à avancer jusqu’à moi, j’ai fait dégringoler plusieurs bras. Et là, j’ai remarqué que certains s’étaient comme “collés” entre eux. J’ai testé, et en fait quand on pose un membre sur un autre, il se greffe par la zone où normalement il est relié à son propre corps. Là, sur ce que tu sens, j’ai assemblé le bout de l’avant-bras de l’un à l’intérieur de la paume de la main de l’autre.
- Et c’est collé solidement ?
- Assez oui, mais si on tire dessus ça se décroche assez bien. Faut tirer fort, mais ça se fait.
- Ça me donne une idée ton truc...

Puzen fait part à Alrahyr de ce qu’il compte faire. Pour commencer, ils se collent l’un à l’autre par le bout de l’avant-bras, telles deux queues de cerise, afin de pouvoir se déplacer plus facilement et attraper leur environnement plus aisément. Ensuite, ils assemblent entre eux un maximum de membres inertes. De quoi former une immense sphère maillée d’avant-bras, une structure en forme de boule qu’ils garnissent d’autant de membres supplémentaires que possible. Au bout de plusieurs heures, la sphère mesure plus d’une centaine de bras de diamètre. L’expérience qu’a Alrahyr de la construction, grâce à son travail de forge, permet au duo de concevoir une sphère relativement... sphérique. Si bien qu’elle tend à légèrement rouler toute seule à force d’y rajouter du poids.

L’idée de Pu ? Faire rouler la boule de bras d’un bout à l’autre de la pièce pour la fracasser contre un mur, sacrifiant des centaines de membres pour espérer faire sortir leurs mains droites de là.

- Prêt, Al ?
- Attend... Si on y arrive, il se passera quoi ? Je veux dire, si on casse le mur, ça va forcément alerter les gardes, ou les je-ne-sais-quoi qui nous retiennent ici non ? Sauf qu’une fois nos mains droites dehors, on fait quoi du reste de nos membres ? Ils ne nous laisseront pas faire ça plusieurs fois de suite.
- Alors il faut tous les faire en même temps. Dans toutes les pièces. Une boule pour chaque salle. Et on les envoie toutes en même temps, en espérant que ça fonctionne.
- Ça me va. Viens, on cale déjà cette sphère-là avec des bras pour éviter qu’elle ne se balade toute seule. On passe à la main gauche ?

Main gauche. Rien de bien compliqué, cela consiste à réaliser la même opération qu’avec la main droite. Les pieds par contre, c’est beaucoup plus ardu. C’est petit des pieds, alors la boule est dense mais ne pèse pas aussi lourd. Et puis, déplacer des pieds avec ses propres pieds, c’est difficile. Pour les jambes et les bras, la difficulté augmente encore. Et pour les torses, mais quel calvaire ! Vous n’imaginez pas à quel point il est difficile de bouger le torse de quelqu’un d’autre en s’aidant uniquement des courbettes qu’on peut réaliser avec le sien.

Et pour les têtes, impossible de bouger sans se faire remarquer. Le flash lumineux sur son rail, les haut-parleurs qui diffusent en boucle des mots sans aucun sens, c’est déjà quelque chose, mais les geôliers-chimères qui patrouillent autour des piédestaux, c’est une autre paire de manche. Ils n’ont pas pu repérer leur code morse transmis par clignement des yeux, mais ils ne peuvent guère faire mieux que cela.

Épuisés mais satisfaits de leurs œuvres, Puzen et Alrahyr prennent leur temps pour se préparer et synchroniser la mise en branle des boules de membres.

- Prêt ?
- Prêt.

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Ailleurs dans le Kapharnaüm.

Le docteur Buchenvald est pleine réunion, présidée par le directeur Schneidel et à laquelle une ribambelle de personnel administratif assiste. Il s’agit de la revue mensuelle des détenus, une réunion de plusieurs jours durant laquelle tous les prisonniers sont passés en revue par la direction. Enfin, tous les prisonniers... Tous ceux dont la conservation “intacte” présente un intérêt pour Schneidel. Ceux qu’il considère comme inutiles sont donnés en pâture au Docteur pour qu’il puisse s’amuser à sa guise à créer de nouvelles créatures toutes plus difformes les unes que les autres.

- Mme Heemna, continuez je vous prie.
- Détenu n°4297891, Nayazul Lebathi. Pirate capturé et maintenu en vie car il serait soupçonné d’avoir réussi à développer un odorat extrêmement poussé par l’entraînement et aurait même développé une procédure spécifique à cet apprentissage. Avancement estimé par le Docteur dans l’obtention de ces informations : 80%.

Buchenvald prend le relais.

- Oui tout à fait ma chère, si le début a été difficile, je sens que je peux toucher au but. Dans ses délires il a commencé à me présenter la démarche qui me semble tout à fait viable.
- Merci Docteur. Dois-je ajouter quelque chose au dossier ?
- Non rien ne me semble pertinent pour le moment. Avez-vous bien l’indice de classement de mes notes à son sujet ?
- Document 4297891-N54, c’est bien cela ?
- Ah non non, ça ce sont les informations relatives à de précédents délires qui n’ont malheureusement pas conduit à des résultats concrets. La version qui nous intéresse porte le numéro N59.
- Merci, je note... Alors, détenu suivant... N°4297892, Vlalfakir Enpapiékraft. Euh non... Haha, excusez-moi, c’est difficile à prononcer ce truc ! Affranchyr Katresclaves ?
- Mme Heemna, je crois que c’est plutôt : Alméryt Katrebonebafe. Non ?
- Moi j’aurais plutôt dit : Alguitare Kapodastr.
- Il ne me semble pas, ça sonne plutôt comme : Atterrir Surletarmac !
- Et que pensez-vous de : Alrelou Pourlortograf ?
- Voilalvizir Kissesclaffe !
- Agadir Klosters Platz...
- Althyr Ktrlshift ?
- STOP !
- Glacvanille Karamelpistach ?

Le Directeur Schneidel foudroie du regard son équipe et principalement l’énergumène qui s’est amusé à en rajouter une couche.

- Mme Heemna, un peu de professionnalisme je vous prie. Reprendez.
- Je disais donc... Détenu n° 4297892, Al...rahyr... Kal...ter...sha...ft ? Oui, Alrahyr Kaltershaft donc. Pirate arrêté et maintenu en vie car il aurait perdu deux fois de suite les pouvoirs de deux fruits du démon différents. Méthode pour le moment inconnue, le Docteur creuse. Placé dans la liste prioritaire des travaux de recherche. Avancement communiqué : 90%. Des choses à ajouter au dossier ? Le dernier document de notes relatives aux informations obtenues que j’ai noté porte l’indice N-13.
- C’est bon pour moi. J’arrive presque au bout, il ne me manque que quelques séances je pense. Il ne semble pas prendre la mesure de l’importance de ces données pour nous, tant mieux ! Vous pouvez passer au détenu suivant.
- Alors... Détenu n° 4297893, Schjuwa Kino. Révolutionnaire capturé et maintenu en vie pour lui soustraire des informations concernant une base secrète. Passé par le Cipher Pol avant de venir ici, mais faute d’avoir obtenu ce qu’ils voulaient, ils ont voulu avoir recours à des méthodes différentes des leurs. Avancement indiqué : 30%.

Et la réunion continue ainsi de longues heures.

- Détenu n°4312948, Puzen Kemytiochop. Pirate, capturé et maintenu en vie pour sa prétendue puissance mentale lui permettant, selon les dires, de protéger son esprit aux agression externes et également de porter assistance au mental des personnes avec qui il entre en contact physique. Cette compétence n’était pas issue d’une capacité répertoriée, il a été demandé que nous l’examinions suivant nos protocoles spéciaux. Avancement : 10%. Docteur ?
- Oui, celui-là me donne pas mal de fil à retordre. J’ai commencé à travailler sur sa protection vis-à-vis des agressions externes. La raison principale de mes difficultés, c’est que je ne parviens pas vraiment à dire s’il se fiche de moi en me faisant croire que c’est un légume, ou si sa prétendue capacitée est une erreur et qu’il est réellement un légume. Je commence à pencher pour la deuxième option, alors j’essaie de me tourner plutôt vers l’autre partie de ses compétences : protéger les esprits des autres. Je commence tout juste, mais c’est un sujet difficile arrivé il y a peu de temps.

Le directeur prend alors la parole.

- Mmmh, Docteur, j’aimerais que vous placiez dans la liste prioritaire. Si cette “capacité” s’avère être réelle, l’exploiter nous permettrait à la fois de grands progrès dans les domaines du renseignement, mais également dans nos propres procédures ici, au Kapharnaüm. D’ailleurs, pourquoi n’a-t-il pas été confié au Cipher Pol ? Mme Heemna, des notes à ce sujet ?
- Oui, une circulaire de refus de prise en charge. Il y est indiqué que... attendez que je la récupère... Voilà. Il y est indiqué que, je cite “les rumeurs entourant l’éventuelle capacité possédée par le détenu susnommé ayant été invalidées par nos services, nous considérons que sa prise en charge serait un coût infondé et injustifié. Nous conseillons également par la présente à tout autre organisme de ne pas chercher plus loin et de le confier aux services juridiques appropriés afin que Justice Absolue soit rendue”.
- Certes... quoi qu’il en soit, ça ne nous coûte rien d’essayer à nous ! Et au pire, ce... Puzen ? Rejoindra les créations de notre cher Docteur ! Ha ! Bien, bon, je pense que nous avons bien avancé. M. Barim, nous allons faire une pause déjeuner, pourriez-vous nous faire venir les plateaux-repas je vous prie ?
- Tout de suite M. le Directeur.

Quelques secondes après le léger scintillement aigu d’une petite sonnette dorée, des serveurs entrent en salle de réunion et distribuent à tout le personnel administratif leur collation du midi. Des petits toasts, sandwiches pour tous les goûts et tapas aux milles saveurs ornent rapidement la table de réunion.

- Bon appétit à tous !

Mais, à peine les premières bouchées enfournées, un grondement sourd se fait entendre, quelques chocs graves dans le lointain. Le sol se met à trembler, puis les murs et même le plafond. La salle toute entière commence à pencher, lentement mais sûrement. Les bouchées rondes dégringolent de leurs plateaux, les assiettes commencent à glisser, la moitié des chaises s’éloigne de la table tandis qu’en face, l’autre moitié cale le personnel à leur repas. Personnel qui, d’ailleurs, pousse des cris de surprise et tente de s’accrocher autant que faire se peut à la fameuse table centrale, heureusement ancrée au sol.

Une annonce retentit dans les haut-parleurs d’urgence.

- Le Kapharnaüm semble avoir heurté un objet non identifié et penche dangereusement. Restez confinés jusqu’à nouvel ordre pour votre propre sécurité. Je répète, le Kapharnaüm semble avoir heurté un objet non identifié et penche dangereusement. Restez confinés jusqu’à nouvel ordre pour votre propre sécurité.

Sauf que le phénomène s’amplifie et la pièce toute entière se retrouve sur le côté. Le haut-parleur reprend :

- Le Kapharnaüm est tombé sur le côté. Merci de demeurer là où vous êtes, des équipes de secours sont déployées pour venir vous prêter main forte. Les machinistes tentent de le relever. Je répète...

Ecrasé par son propre poids sur la tranche de la table, le Directeur Schneidel tire un escargophone de sa veste.

- Ici Schneidel, j’essaie de joindre le centre de sécurité, vous me recevez ?
- Dzzzzzzzzzzzzzzzzzzz
- Ici Schneidel, centre sécurité, vous me recevez ?
- Dzzzzzz Oui M. le Direczzzzzzzzzz zzzz’est brouillé mzzzzzz on va essayer !
- Avez-vous le visuel sur les salles de stockages ?
- Dzzzz Non Monszzzzzz, rien zzzzzur les salles de stzzzzge, depuis les coupes budgzzzzzzaires, on zzzzz dû y retirer lezzzzzz caméras !
- Merde, et la salle du rêve ? C’est la plus importante !
- Dzzz Oui, toutes lezzzzzzz tête zzzzzz amassées contre unzzzzzzz mur !
- Rien d’anormal à part ça ? Pas de mouvement ?
- Dzzzzz le rail avec le fzzzzzzzzzzlash est cassé etzzzzzzzzzzz ne diffzzzzzzzuse plus la lumière !
- Bon, si ça n’est que ça, ça va. Surveillez !
- Dzzz Bien M. zzzz Directeur ! Dzzzz Ah ! Attendzzzzzz ! Quelzzzzzose bzzzuge ! Comzzzzzz un zzzzzzzz de têtes ! Il est zzzzz train de Dzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz
- Centre sécurité ? Centre sécurité !
- Dzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

Glacé par la situation, Schneidel raccroche lentement son escargophone. La pièce s’est stabilisée, tournée d’un quart de tour, l’un de ses murs en guise de sol. La moitié du personnel est plaquée au mur-sol, tandis que les autres sont étalés comme le Directeur sur la tranche de la table dont les ancrages tiennent bon. Tous fixent leur responsable. Calmement, il continue.

- Buchenvald, allez en salle du rêve au plus vite. Nous avons une mutinerie. Les détenus n’en font qu’à leur tête.

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Ça ne s’est absolument pas passé comme Puzen ou Alrahyr auraient pu le prévoir.

Au lieu d’endommager les murs, les boules de membres construites dans les différentes salles ont fait basculer le lieu tout entier. Les fondations du bâtiment seraient-elles si faibles ? Ou la masse cumulée de tous les bras, jambes, torses, pieds, mains, est-elle si immense que cela ? Ou peut-être que ce lieu, cette prison, n’est pas correctement stabilisée au sol ? Ce serait étrange pour un lieu de détention...

Quoi qu’il en soit, les impacts plus ou moins synchronisé ont eu raison de l’équilibre du Kapharnaüm qui s’est renversé sur le flanc. En salle du rêve, les têtes sont toutes tombées de leurs piédestaux pour aller s’agglutiner dans un coin.

Dans le tumulte, les têtes se sont auto-greffées les unes aux autres par la naissance de leur cou, de la même manière que les deux compères avaient formé des boules de membres. Des enchevêtrements se sont formés et rapidement l’un des visages s’est hissé au-dessus des autres, poussé vers le haut pas une sorte de “cou” formé par d’autres têtes. Puzen, fixé au sommet de l’empilement, était parvenu à contrôler les esprits égarés de ceux qui avaient rejoint la greffe géante dans l’effondrement général, sans qu’ils en soient conscient.

Contrôlant leurs muscules faciaux et leurs mâchoires, il avait réussi à faire se mouvoir cet assemblage improbable. En deux minutes tout au plus, il avait rassemblé la quasi-totalité des têtes de la salle du rêve et avait formé une silhouette humanoïde de plusieurs mètres de haut. Durant l’assemblage, Alrahyr avait senti dans son esprit celui de Puzen qui parvenait à guider son système nerveux. C’était ainsi qu’il s’était débrouillé.

Désormais, l’humanoïde contrôlé par Puzen se dresse de tout son haut dans la salle du rêve. Et bien sûr, dans cette superstructure, la tête d’Alrahyr est placée en première ligne sur la pointe de l’une des phalanges principales de la main droite. Là où ça va cogner.

Un mécanisme sourd gronde tout autour de la salle. Des machineries se mettent en route et la pièce pivote dans l’autre sens, lentement, jusqu’à finalement retrouver son inclinaison initiale, le sol au sol, le plafond au plafond.

Le temps de ramasser les quelques morceaux perdus dans la manœuvre, le géant de têtes se retourne vers l’entrée de la salle pour assister à l’arrivée massive d’une multitude de gardes-chimères alertés par les caméras de surveillance.

- Al, tu m’entends ?

Cette fois pas de code morse, pas de voix, pas de clignements d’œil ou de pincement des ongles, juste une voix, une voix dans l’esprit d’Alrahyr.

- Puzen ?
- Ouais c’est moi. On va sortir d’ici mon vieux ! Prépare-toi, vu où t’es placé, j’espère que t’as la tête dure !

C’est le moins qu’on puisse dire. Le géant se précipite sur les gardes, arme son bras droit et le propulse à pleine vitesse dans le tas d’ennemis. Voyant s’approcher à toute vitesse le moment de l’impact, Alrahyr se protège par réflexe comme il a pu l’apprendre peu de temps avant son arrivée ici. Son crâne se recouvre d’une profonde couleur noire lui permettant à la fois de survivre au choc mais également d’engendrer plus de dégâts aux adversaires. Les chimères volent dans tous les sens sous les coups de l’humanoïde, balayées comme des mouches. Ses coups blessent les têtes autant que les armes des gardes, mais Puzen n’en a que faire. Il veut sortir d’ici.

Une fois les geôliers mis au tapis, le géant s’engouffre à quatre pattes dans le large couloir, faisant ici office d’étroit tunnel. Quelques mètres parcourus et déjà un sas de sécurité lui barre le chemin. Une large porte métallique. Mais à l’aide de plusieurs puissants coups de poing successifs, renforcés par Alrahyr, il l’enfonce et l’écarte de son passage.

Le Haki d’Alrahyr n’est pas parfait, surtout dans cet état, mais il a le mérite de faire l’affaire pour cette situation.

- Pu’, faut trouver nos corps !
- Je sais, on y va là.
- Tu connais l’endroit ?
- Non mais j’improvise, pas le choix !
- Et tu savais, pour mon Haki ?
- Pas du tout, on a juste eu de la chance.

De la chance... Puzen est prêt à sacrifier tout le monde pour se sauver. Alrahyr n’a pas plus le temps d’y réfléchir, mais un bref instant il se rend compte qu’il ferait la même chose pour s’évader de ce lieu infernal. Ce qu’il y vit est intenable pour son esprit.

Sans leur laisser le loisir de tergiverser, d’autres chimères font irruption dans le couloir. Mais cette fois, elles ne sont pas seules. Un homme les accompagne. Le Docteur Buchenvald.

Tenant un scalpel devant lui, pointé vers les détenus, il s’adresse au géant dominé par la tête de Puzen :

- Je suis un serviteur du Kapharnaüm, détenteur du Ope Ope. Votre esprit ne vous servira à rien, pirate Puzen. Repartez dans le rêve ! Vous ne passerez pas !

“Room”

Une zone intangible émerge du Docteur et s’agrandit instantanément, formant une enveloppe légèrement opaque autour de tout le groupe.

“Shambles”

Toutes les greffes se défont et les têtes dégringolent pour aller rouler partout dans le couloir.

- Anesthésiez ces abrutis. Et amenez-moi la tête de Puzen en salle d’opération. J’ai beaucoup d’informations à en tirer, je crois...

Pendant que ses subordonnés injectent à toutes les têtes plus ou moins réveillées un produit sorti de la blouse du Docteur, Buchenvald maintient sa “Room” pour éviter tout contrecoup inattendu. Alrahyr, à qui on injecte bien évidemment le tranquilisant spécial, voit petit à petit sa vue se troubler comme ses espoirs de sortir d’ici.

Tout cela... pour rien ?

Oui. Le Kapharnaüm ne porte pas ce nom pour rien. C’est le terrain de jeu du Ope Ope no Mi. Personne ne peut en sortir sans décision du Docteur.

Personne.

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