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Gros morceau

L’embarcation sur laquelle il se trouvait pouvait accueillir une dizaine de personnes, tout au plus. Celle-ci n’était pas faite pour de longs voyages, ne disposant pas du nécessaire permettant ce genre d’entreprise.Le sauvage avait atterri il y a peu sur une île non répertoriée. Si petite que l’on n'avait même pas pris la peine de l’apposer sur n’importe quelle carte, aussi insignifiante soit-elle.

Une île de pêcheurs, littéralement. Des habitations, un minuscule port et de gentils personnages tous aussi spécialisés les uns que les autres. C’était une sorte de communauté un peu reculée, tous se connaissaient et voulaient vivre tranquillement, loin des tendances violentes et mercantiles du monde au delà de la mer. Le clochard s’était une fois de plus échoué quelque part, tantôt dominé par son incompétence quant à la navigation. Ça, il ne savait pas le faire, ou plutôt qu’il n’a pas envie, ou qu’il est trop ivre. A vrai dire, les raisons pouvaient autant se montrer variées qu’ésotériques. Il en était toujours d’une excuse aussi farfelue l’une que l’autre, une fois l’éthanol bien trop présent dans le sang.

Mais ce bourru n’en a que faire. Tant qu’il trouvait son compte là où il se trouvait, tout allait bien. La sainte triade selon Merunes : “la gnôle, la bouffe et la castagne”. Apparemment, le sommeil c’est pour les faibles. Sauf quand la coque de noix manquait de s’éventrer contre une paroi quelconque. Là, tout de suite, on est fatigué, on se reposait juste les yeux… Fort heureusement, sa démarche voûtée et grivoise n’avait pas atteint les mœurs -souvent trouvés fébriles chez n’importe qui- des habitants de l’îlot.

Le sauvage demandait très rapidement des renseignements, que ce soit sur un moyen de repartir, ou de se divertir. Il trouva bien vite une raison de siéger encore un peu en ces lieux. Une menace. Une énorme menace. Et, dans ces cas là, on bombait bien la cage et tout l’entrain revenait.

Il s’avérait qu’une gigantesque créature marine avait depuis peu envahi le large de l’île. Un poulpe. Du jamais vu depuis très longtemps dans les environs, à en croire ces petites gens. Apparu depuis alors trois semaines environ, celui-ci siégeait à un endroit viscéral pour ce qui était de l’existence pérenne du peuple. Un endroit où les pêcheurs venaient déposer leurs filets, dans le respect de la faune aquatique et des cycles reproducteurs. “Un bon paquet d’mètres de haut !” selon les dires. “Des tentacules si grosses qu’il peut enrouler un navire et le fracasser dans l’une d’entre elle telle une brindille !”.

Les concernés par cette catastrophe étaient tous apeurés, les yeux brillants d’une lueur de terreur indéfectible. Quelques-uns n’étaient pas revenus du large, au moment de son apparition. Selon les informations, la bête était apparue presque du jour au lendemain. Et quelques malheureux n’avaient pu prédire une pareille horreur. Des pères de familles, des jeunes femmes curieuses d’en apprendre sur la chasse. Seul Gotie, jeune bricoleur ayant conçu un petit sous-marin avec les moyens du bord, avait pu se soustraire au démon pour conter le terrible spectacle auquel il avait assisté.

C’est autour d’une table, accompagné d’un copieux repas à base de crevettes, d’hareng et de merlan, le tout lentement fumé ensemble (la spécialité de l’endroit) qu’on avait raconté cette sordide histoire au clochard. Malgré son odeur, l’hygiène et la saleté qu’il pouvait laisser sur son passage, le tout lui avait été généreusement offert. Les villageois voyaient en lui une lueur d’espoir, même si quelques-uns présents à l'observer manger avaient abandonnés toute lutte pour ce qui était de résister à ses abominables effluves. Via quelques passes de force et d’habileté, les cœurs de ces manants du combat étaient conquis. Leurs prières avaient été entendues. Alors que leurs mines se mouvaient en une angoisse parfaitement explicite, attendant la décision de leur héros du moment, la sienne s'éclaircissait davantage. Il avait tout écouté, jusqu’à la dernière phrase, bien que semblant distrait par la vidange express de son écuelle.

Et aujourd’hui, il se tenait sur un vieux navire, seul. Il était déjà prêt à se lancer corps et âme dans le combat. Éternel téméraire, il se rapprochait du dernier lieu d’apparition, quelques semaines auparavant. Et alors qu’il se tenait tranquillement sur le point le plus haut du bateau, il la voyait. L’ombre, immense. Elle était là. Le monstre allait surgir.

Le martial laissait alors, comme à son habitude lorsque l'excitation n'était plus contenue, un sourire hideux lui tordre les lèvres.


Dernière édition par Merunes le Ven 17 Avr 2020 - 8:41, édité 1 fois
    La silhouette de l’immense calamar se dessinait dans l’eau, peu à peu. Très serein, Merunes n’allait pas se laisser impressionner si facilement. Il le savait, les animaux, malgré leurs instincts, n’étaient pas foncièrement plus dangereux que les hommes. Originaire d’une contrée sauvage, l’Amerzone, et plus particulièrement ses marais, c’est presque si les humains y vivaient en infériorité numérique.

    Depuis tout jeune, il avait affronté bon nombre d’espèces, des plus insignifiantes aux plus dangereuses, le laissant parfois dans un sale état. Bien qu’elle pouvait se montrer impitoyable, la nature possédait ses automatismes, mais aussi ses failles. Cette fois, les choses allaient peut-être se passer différemment. Le Glaiseux savait très bien que sa proie possédait un plus gros cerveau, et par conséquent des aptitudes peut-être plus finaudes qu’un de ses congénères de taille classique comparé aux standards de son espèce.

    Folie, abnégation totale, profonde bêtise, énormément de paramètres entraient en compte pour ce qui était de qualifier la psyché du chasseur. Avant de partir seul, les habitants de l'îlot lui avaient chaudement recommandés diverses armes, outils en tout genre afin de possiblement l’aider dans sa traque. D’autres ne lui avaient à peine accordés ne serait-ce qu’un regard ou encouragement, déjà perdus à l’idée que le poulpe décime tout espoir de continuer leur paisible existence. Aucun problème pour ce sauvage qui laissait de la crasse partout sur son passage.

    Il tenait tout de même à y penser, mais sa priorité ultime n’était pas forcément la sécurité de ces personnes. Oui, c’est le combat qui lui tenait à cœur. Et ce toute sa vie, à l’écouter parler ou se comporter dès que l’occasion se profilait. Tout dans les bras, rien dans la tête. A peu de choses près. Il ne voulait pas s’enquiquiner de toutes les mondanités que la société pouvait proposer. On l’avait élevé comme un animal, et ses semblables lui paraissaient comme tel. Besoin primaire couplé à la culture du corps et des poings.

    Alors, certes, monsieur est analphabète. Il ne savait ni lire, ni écrire. Mais que nenni. Son intelligence, ou plutôt sa propension à utiliser les ressources externes, physiques et cérébrales se résumait à son évolution combative. Le guerrier avait emmagasiné bon nombre de techniques et astuces les plus saugrenues pour tout tourner à son avantage. Seule la victoire et les victorieux comptaient. S’il perdait, c’est qu’il n’avait rien appris. Et c’est sur ce fil que le crasseux était placé, en permanence.

    C’est ça qui lui donnait toujours la force de se confronter, d’aller de l’avant et foncer dans le tas quoiqu’il arrive. C’est comme ça qu’il vivait, qu’il se sentait vivant. La notion de difficulté n’était plus qu’une lointaine chimère pour son esprit étriqué. Il se mettait alors sur ses gambettes, au sommet du mât. L’ombre gigantesque venait de disparaître. Sa méthode paraissait claire. Passer sous le navire, et probablement s’enrouler autour pour le traîner dans les abysses.

    Merunes connaissait bien les propriétés collantes des ventouses de l'invertébré. Sans parler de sa peau lisse et de sa consistance spongieuse. Un réel barrage pour celui qui n'était pas préparé pour. Les coups contondants n’allaient servir à rien, sans parler du risque d’être lui-même enlacé et attiré dans les fonds maritimes. Le chasseur de primes avait déjà tout prévu pour exploiter les faiblesses de son adversaire.
    Premièrement, il avait liquéfié la crasse qui lui recouvrait le corps afin d’être insaisissable. Deuzio, de fins rasoirs avaient été placés sous ses ongles dans le but d'émincer l'animal tel un chef étoilé. Et pour finir, une grosse bobine de fil de fer aiguisée au possible. Strict minimum.

    La bête engageait alors le contact, frappant d’un premier coup de tentacule en plein sur le pont, tel un coup de marteau. Le tatoué savait pertinemment que le combat n’allait pas durer, n’étant pas dans son milieu naturel. Bien qu’il avait tout en main pour terrasser facilement l’énergumène, il ne lui fallait pas tomber à l’eau. Toutefois, malgré cette légère appréhension, la méthode restait claire et facilement manœuvrable. Dans la nature, lorsque deux animaux se confrontaient, le but premier était de s’impressionner afin de limiter de potentiels blessures graves, voire la mort.

    Mais lorsque la bataille n’était plus évitable, il subsistait encore “l’espoir” de faire suffisamment mal à l’autre afin de faire cesser le combat. C’était ça, montrer à la future réserve de brochettes qu’un morceau plus gros se tenait face à elle. Plongeant en piqué, il aperçoit l'espace d'un instant l’un des yeux lubriques du démon. Exécutant une pirouette avant dans l’air pour emmagasiner davantage d’énergie gravitationnelle, Merunes rabattait puissamment ses mains vers l’avant, provoquant deux profondes entailles dans l'appendice.

    Le bateau était déjà bien entamé par le coup lourd. Toujours sereine, la bête ne s’était pas encore montrée. Ses récepteurs sensoriels s’en trouvaient améliorés, du fait de son hypertrophie spectaculaire. Mais les avantages s’arrêtaient là. Elle était dangereuse pour l'écosystème, et non pour un guerrier aguerri.

    Prédisant un autre coup de tentacule dans son dos, tout se passait très vite. Merunes lançait un côté de la bobine en arrière, venant s’enrouler autour de ce qui restait du mât. Évitant le coup d’une formidable cabriole, il en profitait durant l’esquive pour subtilement enrouler le fil aiguisée autour de la seconde tentacule. L’arme était accrochée, il suffisait au combattant d’un mouvement sec de l’épaule et de la hanche pour la scier nette. 

    Une sorte de râle venait alors de résonner, juste sous ses pieds. L’épave commençait à doucement couler, à l’exception de certaines “plateformes” de fortune, s’étant formées dû à leur nature plate, flottantes. Éjectant une énorme quantité d’eau lors de son émergence, le chasseur pouvait enfin apercevoir son ennemi qui le toisait maintenant d'un regard des plus brûlants.

    La poiscaille s’était trouvée un adversaire. Ou plutôt, quelqu’un l’avait mise en rogne, avait perturbé son règne pittoresque. Heureux d’avoir provoqué une réaction, l’Amerzonien voulait maintenant sortir le grand jeu. Désormais en position quadrupède, les choses allaient se passer différemment. La tension était telle qu’on pouvait facilement penser que l'issue du combat était proche. Et, d’une simple phrase, la provocation n’était même plus devinable.

    -Salut, bébé.


    Dernière édition par Merunes le Ven 17 Avr 2020 - 8:54, édité 1 fois
      L’affront était intolérable pour la bestiole qui semblait pourvue d’un minimum de jugeote. Elle avait dès lors dressé tous ses bras, dont celui venant d’être fraîchement coupé. L’assaut qui suivait était terrible. Toutes ses tentacules partaient simultanément, manquant à chaque fois de percuter violemment son opposant. Les acrobaties étaient nombreuses, incessantes et les ouvertures paraissaient mine de rien quelques peu maigrichonnes.

      Le crasseux courait de long en large de ce qui restait de l’embarcation, sautant même sur des petites planches de bois avec l’habileté d’un matou pour rebondir immédiatement. L’heure n’était pas à la contre-attaque, mais plutôt à la tempérance. Il lui fallait se rapprocher, encore et encore. Le but était de terrasser l’animal d’un seul coup, et il s’en sentait parfaitement capable. La tête, là où tous les organes vitaux se rassemblaient. C’était là qu’il comptait frapper avec toute sa hargne.

      Trancher les tentacules pouvait se révéler efficace, mais bien trop long. Il ne fallait pas non plus gâcher la chance de rencontrer le spécimen qui, pris de panique, pouvait très bien envoyer une immense nuée d’encre et semer Merunes en se propulsant sous l’eau. Là, la bête était juste en rogne, et le sauvage savait que cet état d’esprit laissait place à bon nombre d’erreurs.

      Il en avait payé les frais sur Poiscaille, n’arrivant pas à se calmer face aux provocations de la mafia, qui lui avait valu de passer une journée des plus mémorables. Mais c’était déjà loin pour lui. Après une énième tentative d’esquive, la marge de manœuvre du va-nu-pieds s’était bien trop resserrée, à son insu. En effet, une huitaine de bras contre seulement deux jambes, sans parler de la différence de taille conséquente allait tôt ou tard virer à l’avantage du plus imposant. Un violent balayage le projetait contre un mur où il s’encastrait sur un bon mètre.

      Il commençait à sentir l’eau s’infiltrer dangereusement dans la carcasse. Le coup l’avait littéralement assommé, et lui fallait un temps pour se remettre et sortir du coltard. Mais à peine dégagé de la boisaille, il se sentait alors saisi, enlacé. Ce qu’il redoutait le plus venait justement d’arriver. Le poulpe l’avait attrapé.

      L’animal tentaculaire le levait alors, pour l’amener au niveau de ses yeux. Il voulait voir celui qui avait osé venir le déranger. Merunes trouvait presque, l’espace de quelques instants, que son opposant fronçait les sourcils, littéralement excédé par tant de virulence. Mais l'invertébré n’avait aucunement connaissance des capacités de ce petit homme, qui commençait alors à se libérer lentement de ses ventouses. L’action s’était déroulé en un éclair.

      A nouveau maître de ses moyens, le Glaiseux se positionnait sur l’appendice et lâchait une nuée de fins rasoirs, tous encastrés sous ses ongles en direction des yeux de l’abomination. Les projectiles étaient tellement fins qu’il ne put contrer une attaque aussi sournoise. Et une nuée de petits couteaux venaient lui lacérer brutalement les lorgnons. La bête eut un mouvement complètement archaïque de recul, faisant retomber au passage le fameux puant.

      L’occasion était là ! C'était maintenant qu'il fallait porter un coup létal. La solution était toute trouvée pour l’originaire d’Amerzone. La souche du mât subsistait encore, étrangement attachée comme une ruine après le passage d’une bombe. D’un coup de pied, il la détachait de la planche sur laquelle il se trouvait. Tout le navire était réduit en miettes, à l’état de quelques piètres radeaux qui ballotaient sous les remous causés par l’état de fureur du calamar.

      Merunes lançait l’ébauche de bûche pointue dans les airs, au niveau de la tête de la bestiole. Profitant de coups aussi désordonnés les uns que les autres, il poursuivait une course folle, sautant de bras en bras pour enfin prendre un ultime appui sur le front du poulpe. Il finissait par récupérer son arme de fortune en plein vol et, tourbillonnant à la vitesse de l’éclair, le guerrier devenait une foreuse humaine l’espace de quelques secondes. Cela avait pour effet de traverser l’animal de haut en bas, déchirant brutalement tous ses organes internes.

      C’en était terminé. L’action des nerfs faisait gigoter encore quelques instants le monstre pour ne devenir plus qu’une masse visqueuse et inerte. La victoire revenait à Merunes, qui pensait tout de même à un moment finir dans un estomac de calamar. Bien que la raison n’était pas tout à fait sûre si l’énormité pouvait digérer cet homme dégoulinant de saleté.