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La voie du mendiant.



— Je t’ai trouvé ! Franchement, tu aurais au moins pu faire semblant de te cacher !
— Tu m’aurais trouvé encore plus vite, j’ai essayé d’innover.

_____Au milieu d’un capharnaüm produit par une bonne centaine de personnes toutes plus enthousiastes les unes que les autres, nous nous faufilons entre les chefs-d’œuvre et les tableaux pour rejoindre nos parents. Ils n’ont pas bougé ! Elle va durer combien de temps, comme ça, leur discussion ? Maman surprend mon regard et me fait une mimique compatissante, puis ses yeux bougent très vite : une fois vers la sortie, une fois vers son interlocuteur et une fois vers la grande horloge qui indique que ça va faire bientôt trois heures que nous sommes coincés dans ce salon prestigieux. Au début, c’était incroyablement intéressant. J’ai parcouru les différentes peintures et je peux dire que certaines sont vraiment magnifiques ! Il y en a qui jouent sur les couleurs, qui floutent légèrement les herbes pour donner l’impression qu’elles bougent, d’autres qui jouent sur les contrastes, le nombre, les émotions, la surprise, la superposition… Toutes les techniques sont représentées, dont au moins une dizaine que je ne connaissais pas. Curieuse, j’ai été parler aux différents artistes qui se sont fait une joie de m’exposer longuement leurs méthodes et leurs manifestes, puis ils m’ont irrémédiablement demandé de leur présenter mon père pour avoir une conversation plus fournie. Déçue, dédaignée et ayant fini par faire le tour de tout ce qu’il y avait à voir, j’ai décidé de passer le temps en jouant à cache-cache avec Liam.

_____Maman regarde de nouveau son interlocuteur puis, dès qu’elle en a l’occasion, elle me cherche du regard, je lui fais signe, elle me regarde droit dans les yeux, fixe de nouveau l’horloge, balaie le salon du regard puis porte discrètement la main à ses lèvres avant de reporter entièrement son attention à la conversation. Je guette une nouvelle manifestation de sa part mais elle ne semble plus remarquer ma présence, comme si je n’existais plus.

— Viens, Liam : on s’en va.
— Hein ? Mais on doit attendre les parents !
— Non, t’inquiète : ils en ont au moins pour deux heures. Maman m’a dit qu’on pouvait sortir, et puis de toute façon je suis grande tu sais ! Pas besoin d’attendre papa et maman.

_____À moins qu’elle m’ait donné rendez-vous au restaurant ? Hum, balayer le salon du regard, ça voulait dire quoi ? « Si vous ne nous retrouvez pas », j’imagine. Oui, ça doit être un truc comme ça. En tout cas elle vient de me dire de sortir, c’est sûr et certain ! Liam écoute mes explications avec attention et approuve mes déductions : nous sortons donc. Pfiou ! Comme ça fait du bien ! Dehors, les rues pavées de pierres rondelettes sont paisibles et doucement réchauffées par le Soleil du milieu d’après-midi. Les boutiques et les échoppes prospèrent, animées par des artisans qui rivalisent d’originalité et de virtuosité. Ici, un ébéniste, là un sculpteur de pierre, plus loin un tisseur, encore plus loin un souffleur de verre, sans parler de la grandiose et illustre école du regretté Musashi1. Il n’y a pas à dire : Honnoji, malgré sa petite taille et sa population réduite, peut très bien compter parmi les « villes de l’art », et ce n’est pas pour rien qu’elle a été choisie pour accueillir le quatre cent trente-huitième colloque de peintres des quatre mers. Nous continuons notre chemin jusqu’à sortir complètement de la ville. Passée la place centrale, les artisans qui ont pignon sur rue se font de plus en plus rares jusqu’à complètement disparaître. On voit encore quelques épiceries et des traiteurs de viande, des boulangeries, des restaurants et des hôtels puis uniquement des habitations. Arrivés en bordure de ville, les bâtiments se font moins nombreux, moins grands, moins bien entretenus. Certaines constructions en bois semblent dater du siècle dernier et font peine à voir.

_____Après avoir suivi le sentier sur quelques mètres, le pavage laisse place à de la simple terre qui continue jusqu’au port. Tout autour de nous, des champs à perte de vue qui ondulent paresseusement le long des collines, dessinant de subtiles nuances de vert et de jaune selon la nature, l’exposition au Soleil et le degré d’hydratation de ce qui y est cultivé. Parsemés de-ci de-là de minuscules cabanons qui sont en fait d’authentiques fermes voire des villages miniatures que la distance déforme et fait apparaître si petits, ces champs ne sont interrompus que par un semblant de montagne où l’agriculture est impossible à cause de la pente et de la trop forte présence de roches et de cailloux. Là, la nature a gardé ses droits et une forêt y verdoie tranquillement, à peine inquiétée par les quelques bûcherons, chasseurs et cueilleurs qui n’ont pas besoin de s’enfoncer bien loin pour trouver ce qu’ils veulent. C’est là que nous allons.

— Tout le monde était malade et on a été obligé de se vacciner, c’était horrible !

_____Liam et moi rattrapons le temps perdu. Depuis que je suis revenue sur Sirup il y a quelques semaines, je me suis bien ressourcée, j’ai pris des nouvelles de tout le monde, j’ai écouté les ragots et j’ai répété au moins cent-cinquante fois mes aventures, à chaque fois dans une version un peu plus courte. Liam a bien grandi : c’était à peine un gamin il y a deux ans mais maintenant c’est un homme, et en plus il est plus grand que moi ! C’est fou comme il a poussé vite. Il me raconte qu’il travaille chez l’oncle Osmont, en tant que conseiller politique s’il vous plait. J’avoue que je ne comprends pas trop comment quelqu’un d'aussi puissant pourrait avoir besoin d’un conseiller pour la politique, surtout quand ledit conseiller n’a que dix-sept ans : on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Mais je suppose qu’il rend juste service à son neveu en lui dévoilant les arcanes de ce qui sera son métier plus tard.

_____J’ai beaucoup d’admiration pour mon petit frère. Je le connais depuis toujours, on a fait les quatre cent coups ensemble ! Toujours brillant, toujours génial, il a l’esprit vif et plein de compréhension. C’est le côté calme et réfléchi de maman, alors que moi je suis le côté impulsif et rêveur de papa. Il évolue dans un monde totalement différent du mien, dans un monde de manoirs et de bureaucratie, où la procédure règne et où le papier gouverne. Franchement, ça me rend folle rien que d’y penser et je lui suis reconnaissante de ne pas rentrer dans les détails. Lui, ça le passionne et ça lui fait de la peine de ne pas tout dire à sa sœur alors je l’encourage, je lui pose des questions, j’essaie d’en savoir plus et j’essaie de comprendre. En parallèle, je lui raconte mes mésaventures et mon train de vie qui fait misérable à côté du sien, mais je n’insiste que sur les bons côtés : comment j’ai découvert le monde, parcouru les mers, secouru des réfugiés, rencontré des gens… Le temps passe et la nuit commence, nous rentrons. Où est-ce que maman a dit qu’il fallait la retrouver, déjà ?

_____Le lendemain, nous allons directement dans la forêt pendant que papa et maman continuent à faire littéralement la cour à la société des artistes. Tant de gens à rencontrer, de contrats à signer, de choses à échanger. Papa va prendre un disciple si j’ai bien compris, et en échange son père lui a donné un peu d’argent et un contact intéressant… mais ce n’est que le millionième de ce qu’il s’est décidé hier ! Oh là là, heureusement que maman n’a pas épousé un noble sinon elle devrait faire ça tous les jours. Quoi que, ce serait plutôt les artistes qui devraient lui faire la cour, et en soi ce n'est pas du tout la même chose !

_____Tout à coup, nous entendons du bruit, tchouip, tchouip ! Curieux, nous nous rapprochons de la source pour apercevoir un homme occupé à cueillir des baies qui ont poussé en hauteur, largement hors de portée malgré sa taille. Pour compenser, il saute. Oui, il saute, il bondit même. Il fléchit ses genoux, prend une courte inspiration et d’une impulsion parcourt les quelques mètres qui le séparent de ces fruits tant convoités.

Tchouip, fait-il sous le coup de l’effort.
_____

1. Dans l'univers de OPR, Musashi était l'héritier et le maître de l'école des trois sabres fondée par le très célèbre pirate Roronoa Zoro. Il décède dans un affrontement en 1625, laissant l'école des trois sabres sans maître. Lien vers la fiche d'île.



Dernière édition par Anatara le Mer 8 Avr 2020 - 10:57, édité 2 fois
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_____Incroyable, on dirait qu’il vole ! C’est un prodige, c’est de la magie ! Émerveillée, je me place à côté de lui, imite ses gestes, pousse un petit tchouip mais ne m’élève que de quelques centimètres pendant que lui, il continue, il décolle, comme arraché à la gravité, comme une fusée. C’est bluffant. Il atteint son apogée pile au niveau des fruits, en cueille une quinzaine et atterrit en souplesse pour tout poser délicatement dans un panier en osier à moitié rempli, puis continue jusqu’à ce qu’il déborde. Après ça, il s’arrête, nous fait face et nous regarde tour à tour droit dans les yeux, d’un air sérieux qui respire le mystère.

— Que faîtes-vous ici, jeunes gens ?

_____C’est un homme dans la force de l’âge qui accuse peut-être un ou deux cheveux blancs. Ses vêtements recouverts de taches de terre, de sang et de végétaux accrochés font outrage à sa barbe impeccable et son visage parfaitement entretenu ; mais qui prend la peine de bien s’habiller pour aller en forêt ? Fier, droit, grand et peu pudique de sa musculature impressionnante, il aborde un sourire bienveillant et rassurant qui a le don de détendre l’atmosphère.

— On marchait. Et vous cueillez des fruits j’image ? C’est super, comment faîtes-vous ça ?
— Eh bien, il suffit de sauter. Je suis le vieux Hanzo, à qui ai-je l’honneur ?
— Je m’appelle Anatara, et voici mon frère Liam.
— Enchanté, ce n’est pas souvent que l’on croise autre chose que des chasseurs, des bûcherons, des bêtes et des brigands dans cette forêt.
— Il y a des bêtes ?
— Oui, il y a des cerfs, des loups, des sangliers, des ours et… avez-vous déjà entendu parler du grand Zursha de Shimo ?
— Non, qu’est-ce que c’est ?
— Le Zursha est un animal rare qui ressemble de loin à un singe, mais la comparaison s’arrête là. C’est un vampire : il se nourrit en vidant ses victimes de leur sang. Serpents, hommes, lynx, aucun de ceux qui ont eu le malheur de le croiser n’a survécu pour s’en vanter. Il laisse des cadavres évidés, avec juste deux trous au niveau du cou : la marque de ses canines !
— Mais non ?! c’est dangereux alors !
— Ne vous en faîtes pas, il chasse généralement la nuit, pour surprendre ses victimes dans leur sommeil. Le jour, il se contente de manger des fruits, de faire la sieste et de pousser des cris ridicules pour marquer son territoire. Kwaa, kwaa, kwaa ! Si vous entendez ça, faîtes demi-tour. Vous n’avez pas envie de vous retrouver sur le territoire d’un Zursha.
— C’est bizarre qu’on n’en ait jamais entendu parler.
— Oui, en effet. Mais comme je l’ai dit peu de gens s’aventurent dans la forêt, alors ce n’est pas si surprenant. On en a beaucoup parlé lors de son apparition, il y a cinq ans.
— Il n’a pas toujours été là ?
— Non, les Zursha sont originaires du Nouveau Monde, il n’y a pas moyen qu’il soit né sur une petite île tranquille d’East Blue !
— Comment est-il arrivé, alors ?
— Nul ne le sait. Il aurait voyagé par bateau, en se cachant de l’équipage ? Impossible. Serait-il suffisamment intelligent pour voyager de lui-même ? Peut-être bien… mais le plus probable, c’est qu’un voyageur inconscient l’a emmené ici alors qu’il était encore bébé et inoffensif, et qu’il a commencé à faire des siennes quand il est devenu plus grand.
— Que s’est-il passé ?
— Eh bien, un chasseur est venu vérifier ses pièges à loups et s’est rendu compte qu’un animal avait actionné le mécanisme mais était parvenu à s’échapper.
— Le pauvre…
— Oui. Toujours est-il qu’il a suivi sa piste un peu trop loin et que, lorsqu’il a retrouvé cet élan blessé, il n’y avait plus que la peau et les os !
— Comment est-ce possible ?
— C’est dire à quel point les Zursha sont des animaux terrifiants ! Sans doute injectent-ils une sorte de liquide digestif dans le corps de leur proie pour le rendre tout liquide, et il n’y a plus qu’à aspirer.
— Ahhh, mais c’est horrible !
— Je ne te le fais pas dire ! Je détesterais avoir à mourir comme ça. Heureusement, tant que j’aurais mon épée sur moi, ça n’arrivera pas.
— Vous êtes épéiste, monsieur ?
— Oui, je suis maître épéiste, même ! J’ai mon propre dojo et je forme mes disciples à l’art des poignards volants.
— Ohhhh ! Vous lancez des poignards ou vous vous battez à l’épée ?
— Les deux. Le lancer de poignard n’est pas une technique très populaire, parce qu’on peut tomber à court de munitions et que ça prend du temps de tout ramasser. Mais grâce à la technique secrète que je n’enseigne qu’à mes meilleurs élèves, ceux qui ont fait leurs preuves après de nombreuses années de cours assidus, je peux contrôler la trajectoire de mes kunaïs et les ramener à moi sans aucune difficulté.
— Impossible ! Montrez, pour voir.

_____Il lance un poignard en direction d’un tronc d’arbre mais, au lieu de s’y ficher, le couteau de lancer suit une trajectoire légèrement oblique qui lui permet de contourner l’obstacle et de toucher l’arbre qui se situe juste derrière. Puis, d’un mouvement sec, il ramène l’arme à lui et elle vient tout naturellement se retrouver dans sa main, comme attirée par une force occulte et irrésistible ! Décidément, cet homme est un magicien ! Il contrôle la gravité. Liam, qui est resté silencieux jusque-là, n’a rien raté du spectacle et lui adresse un petit sourire, celui mi amusé mi dédaigneux. Je n’aime pas quand il fait ce sourire. Quant à moi…

— Waouh, j’y crois pas ! Refaites-le !
— Allons, ce n’est pas un spectacle mais un art martial. Un maître épéiste digne de ce nom ne fait pas étalage de ses talents pour la foire, de peur d’être pris pour un clown.
— Vous pourriez m’apprendre ?
— Ana, intervient Liam, ne te f…
— Bien sûr, mais pour cela il te faudra devenir ma disciple, et c’est un honneur que je ne fais qu’aux plus sages et aux plus méritants. De plus, tu devras te montrer digne et maîtriser les bases : comme je l’ai dit, cela peut prendre plusieurs années avant que je ne confie mes secrets à un élève.
— Oh…
— Mais n’hésite pas à passer me voir dans mon dojo, si besoin. Demande le dojo de maître Hanzo, tu ne devrais pas avoir de mal à le trouver : il n’y a que six écoles sur cette île.
— Oh, est-ce que ça veut dire que vous êtes célèbre ?
— Bien sûr. Toute l’île ne parle de moi que comme le vénérable maître Hanzo ! Sur ce, au plaisir les enfants. Ce fut agréable de faire votre connaissance. Nous nous reverrons au dojo !


Dernière édition par Anatara le Mer 8 Avr 2020 - 10:58, édité 3 fois
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— Tu es sûre que tu ne veux pas rentrer avec nous ?

_____Maman me presse délicatement les mains, comme pour me retenir. Me retenir, je le fais. Ne pas pleurer. Non, je ne suis pas sûre, j’aimerais passer plus de temps avec vous, profiter de ma famille, du confort de la maison qui n’a rien à voir avec celui d’un bateau, parler un peu plus avec Mélanie que je n’ai vue que quelques jours et prendre des nouvelles de tous les gens du village que je n’ai même pas eu l’occasion de revoir. Mais je suis déjà restée deux semaines sur Sirup et la mer m’appelle. Si je rentrais avec vous, je n’aurais pas le courage de vous quitter, pas le courage de prendre la mer à nouveau pour vous laisser derrière moi, vous et l’infinité de votre béate tendresse.

_____Alors je préfère rester là, me dire que je trouverai bien quelque-chose, gagner un peu d’argent et puis repartir. J’ai encore tellement d’îles à explorer, tellement de mondes à visiter, tellement de rencontres à faire ! Mais je vous promets, un jour je reviendrai, je ferai le tour des sept mers et je reviendrai ! Alors s’il te plaît maman, ne rends pas la chose si difficile… Elle hoche la tête devant mon explication silencieuse et m’embrasse avec un sourire bienveillant. Tu es grande maintenant. Tu dois voler de tes propres ailes. Oui, maman ! Je vous écrirai, promis ! Je les regarde s’éloigner en leur faisant de grands gestes de la main puis je reste immobile jusqu’à ce que leur bateau disparaisse à l’horizon… Qu’est-ce que j’ai fait, qu’est-ce que je vais faire ?

_____Il y a deux ans, j’ai quitté Sirup à bord d’un navire marchand. Travailler pour eux m’a permis de beaucoup voyager et de découvrir de nouveaux horizons mais je ne pouvais jamais vivre à mon rythme. À peine arrivée sur une nouvelle île, je devais déjà repartir et le peu de temps passé à terre était majoritairement consacré au travail. Je n’avais pas assez de temps pour voir les choses en profondeur, découvrir la vie et les spécificités de chaque endroit. Un jour, le capitaine a annoncé qu’il repartait sur North Blue, pour aller au chevet de sa mère malade, et il a dit que je ne devais pas venir. Ses raisons étaient multiples, mais je pense qu’en insistant un peu j’aurais pu le convaincre. Mais je ne l’ai pas fait. Je ne l’ai pas fait parce que je veux vivre à mon propre rythme, suivre mes propres exigences et passer le temps qu’il faut sur chaque île. Certes, je vais avoir plus de soucis financiers maintenant que je n’ai plus de travail mais j’ai quelques économies et de toute façon je trouverai un boulot, n’est-ce pas ?

— Vous êtes toute seule, mademoiselle ?

_____Je me retourne en sursaut. En face de moi, deux hommes en uniforme bleu et blanc m’interpellent. L’un a une sorte de décoration, ou du moins un signe distinctif sur les épaules : des symboles triangulaires qui s’empilent. L’autre reste un peu en retrait. Ils portent tous deux une rapière à la ceinture ainsi qu’un petit fauchon. L’homme que j’identifie tout de suite comme étant le chef – par son assurance et son âge plus avancé, s’approche sans se presser, d’une démarche qui n’a rien de menaçant. Apparemment, je suis restée tellement longtemps sur le quai que j’éveille la suspicion de la milice locale.

— Oui, mes parents viennent de repartir.
— Vous habitez ici ?
— Euh, non.
— Vous êtes une touriste ? Vous résidez où ?
— Euh, non… euh, je ne sais pas… encore.
— Vous venez d’arriver ?
— Euh, oui… en quelques sortes ?
— Vous avez un permis de circuler ?
— Euh, pardon ?
— Si vous n’êtes ni touriste ni résidente, vous avez besoin d’un permis de circuler, ici.
— Euh, ah bon ?
— Oui, suivez-moi : on va vous en faire un.
— D’accord.

_____Bien que pas très bavards, les deux agents me guident poliment vers un petit bâtiment qui arbore les couleurs de la Marine et le logo du Gouvernement Mondial. Impressionnée, je me fais toute petite quand mon escorte salue les deux endormis qui montent la garde puis l’employé pas plus réveillé qui gère les papiers. Lui aussi porte le même uniforme, avec un signe légèrement différent sur son épaule. Vu comment le chef lui parle, je dirais qu’ils sont sur un pied d’égalité – ou du moins que ce n’est pas son subordonné. Il porte une barbe impeccable et un dégradé de poils qui joint ses deux sourcils de manière surprenante, ce qui lui donne une apparence sévère et fortement impressionnante. Houlà… j’espère que je ne vais pas me faire expulser de l’île, sinon je vais avoir l’air bête en retournant sur Sirup. Après avoir répondu à quelques questions procédurières, l’homme me demande, le plus sérieusement du monde :

— Vous avez un talent particulier ?
— Pardon ?
— Votre talent. C’est quoi ?
— Euh, mon talent ? Quel talent ?
— Pour obtenir votre permis de circuler, vous devez avoir un talent. Maîtriser un art, par exemple.
— Ah bon ? Euh… la danse, ça compte ?
— Oui, bien sûr, la danse…

_____Il écrit quelque chose sur un papier puis me regarde d’un air peu convaincu :

— Vous pouvez me faire une démonstration ?
— Euh, mais il n’y a pas de musique et…
— On a de la musique si vous voulez.
— Oui d’accord mais danser et composer sont deux choses différentes ! Je sais composer mais ça prend du temps, de la réflexion, de l’inspiration… Là je ne saurais pas faire, là !
— Bon, ça ira.

_____En fait j’ai déjà improvisé de nombreuses danses mais là je suis bien trop impressionnée : j’ai le trac, j’ai peur de ne pas être autorisée à rester sur l’île et c’est plus une excuse qu’une véritable explication. Il continue à remplir ce formulaire, le signe, y appose un tampon, me le tend, me regarde de nouveau avec cet air plein de méfiance puis se ravise :

— Vous savez faire autre chose que la danse ?
— Euh, oui ? Je sais chanter !
— Chantez-moi quelque chose.
— Là, maintenant ?
— Oui, s’il vous plaît.
— Bon. Hurm hurm. Lààlāãláálalàà… Une orange ♪ se balance ♪ sur un oranger ♫ ! Une fille ♪ sous les branches ♪ chante au vent léger ♫ : va vers mon amour ♪, jolie chanson ♪, jolie ballade ♫… fais sonner le jour ♪où il viendra ♭pour me donner… son nom !2
— C’est bon, c’est bon, merci.

_____Il finit de rajouter une mention sur la feuille puis me la tend d’un geste sec :

— Ceci est votre permis de circuler. Bienvenu sur Shimotsuki ! Bonne journée mademoiselle.
— Euh, merci ?

_____Puisque le fonctionnaire ne semble pas plus disposé à discuter, je m’éclipse le plus poliment possible, le document officiel bien à l’abri dans mon sac. Bien ! D’après lui, je suis une chanteuse-danseuse. Je suppose que je devrais rejoindre une comédie musicale avec de telles qualifications ! Hihi, j’esquisse quelques pas de danse, chante la suite de la chanson et repars toute légère commencer ma vie d’artiste.
_____

2. L'oranger, chanson populaire grecque que j'ai apprise en primaire :').


Dernière édition par Anatara le Mer 8 Avr 2020 - 10:59, édité 4 fois
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_____Pas si folle que ça, la vie d’artiste. Après avoir raté deux auditions où brandir passionnément mon certificat n’a manifestement pas suffi, j’ai obtenu un rôle dans une petite troupe de théâtre où j’ai été remerciée après deux représentations car la personne que je remplaçais s’est remise de la cuite qui l’avait mise hors service. De dépit, j’ai accepté un boulot de balayeuse dans un bar avant de me rendre compte que le salaire n’était pas suffisant pour payer l’auberge et la bouffe, alors j’ai démissionné et je me suis retrouvée complètement sans rien… Jusqu’à aujourd’hui. Parce qu’aujourd’hui, j’ai trouvé le panneau qui mène sur la route de la fortune et ce panneau, c’est un petit écriteau en bois avec marqué « École des poignards volants » avec en sous-titre « Maître Hanzo ». Ahh, mais ouii ! Maître Hanzo, je l’avais presque oublié ! Si c’est quelqu’un comme lui, il pourra m’aider, c’est sûr.

_____Prenant mon courage à deux mains, je suis un petit sentier sur plusieurs kilomètres, je gravis une petite colline, passe à travers des champs pour finalement me retrouver face à un petit hameau d’une quinzaine de maisons en pierre dont certaines sont en ruines et d’autres envahies par le lierre et la vigne. C’est irréel. L’endroit semble abandonné depuis des décennies comme l’atteste la végétation galopante, et mis à part un petit écureuil qui passe comme un éclair devant moi avant de disparaître dans les plantes grimpantes, poursuivi de près par un chat roux-gris fermement décidé à en faire son déjeuner, pas âme qui vive. Soudain, il me semble entendre de la musique, quelques notes portées par le vent. Je remonte jusqu’à l’origine du son et arrive face à une grande maison dont toute la façade sud est écroulée mais dont le toit, supporté par deux arbres dont les branches ont eu la bonne idée de pousser dans sa direction, semble encore tenir en place. À l’intérieur, quelqu’un récite une histoire haletante, accompagné au chant par des effets spéciaux et des hooooaaam bien placés. Parfois, au summum de l’action, le chanteur récite même des couplets épiques pour souligner la tension et le suspens. Au fond, un harpiste vient ajouter au tout des notes raffinées et savamment orchestrées.

— Et c’est ainsi que le grand Sachimoto le Brave, d’un seul coup de son épée au tranchant de Lune, ramena la paix et la prospérité sur tout East Blue.

_____Sur cette conclusion, le public reste rêveur quelques instants puis fournit un concert d’applaudissements. J’en profite pour faire irruption dans la pièce. Une vingtaine de personnes, regroupées au niveau du mur ouest, me portent une attention limitée. Habillées de légers tissus verts, gris ou noirs, avec par-dessus une veste en cuir de la même couleur, portant des foulards et des coiffes diverses, elles sont assises ou accroupies et me regardent d’un air indifférent. Hanzo, qui vient de finir son discours, m’accueille à bras ouverts :

— Anatara ! Je savais que tu finirais par venir ! Quel bon vent t’amène ?

_____À ce moment, je devrais peut-être me méfier, je devrais peut-être me dire que quelque chose ne va pas. Peut-être que la chaîne qui retient le harpiste attaché à son instrument et la tête de chien battu qu’il tire devraient me mettre la puce à l’oreille, ou peut-être que les reflets métalliques que j’aperçois sous les vestes de ceux qui les ont ostensiblement ouvertes devraient me sembler louches mais non, je m’avance, je vais à sa rencontre et je lui explique mon petit souci, je lui dis que j’ai besoin d’argent et d’un toit, et de manger aussi. Et c’est ainsi que je me retrouve à danser et faire des acrobaties dans des tissus fins, transparents et aériens pour l’accompagner dans ses récits héroïques.

_____Quelques jours plus tard, après avoir donné un spectacle, nous récoltons une modeste recette et nous dirigeons vers le hameau, toujours de ce pas pressé. L’aller-retour jusqu’à Honnoji nous prend facilement six heures, même à ce rythme soutenu, aussi ne nous y rendons-nous que deux fois par semaine, pour nous réapprovisionner en nourriture et denrées diverses. À vrai dire, je ne sais pas exactement ce que font les dix-neuf autres disciples pendant que nous quatre nous donnons en spectacle, car ils disparaissent toujours dès l’arrivée en ville et sont de retour bien avant nous. Cette fois-ci, le pas pressé de mon maître ne lui permet pas d’éviter un homme qui patrouille par ici :

— Hanzo, tu n’étais pas en train de mendier, tout à l’heure ?
— Iwamura, malgré ton influence et ton rôle prestigieux, je t’interdis de m’insulter !
— Je t’ai vu, Hanzo : tu donnais un spectacle à même la rue, et tu as demandé l’aumône à ces passants. Un vrai spectacle se doit de faire payer son entrée, et doit se dérouler dans une salle.
— Ah oui, et depuis quand ? Qu’insinuez-vous, au juste ?
— Me menacerais-tu, vieil homme ? Tu as perdu la raison ? Tu es un mendiant qui se fait passer pour un conteur, ne prends pas tes contes pour la réalité : tu n’as rien d’un maître épéiste.
Humpf. Allons-y, cet homme ne vaut pas la peine qu’on s’y intéresse.

_____Ignorant superbement l’importun et ses nombreuses imprécations, mon maître reprend calmement son chemin, non sans prononcer des noms d’oiseau et des insultes bien senties qui restent sur le bout de ses lèvres. L’un de ses disciples, scandalisé par l’humiliation que nous venons de subir, prend Hanzo à parti pour le pousser à réagir :

— Maître, il vous insulte et ce n’est pas la première fois ! Allez-vous laisser cet homme bafouer l’honneur de notre école ?
— Allons, cher disciple. Il est très facile d’insulter, mais très difficile de bafouer. Si un enfant se moque de ton style de combat, dois-tu le provoquer en duel pour autant ? Cet homme est tenu en haute estime parmi les gens de cette île. Il a une grande influence sur l'économie, la politique et il a même aidé de nombreuses fois à protéger ses concitoyens. Bien que tout cela ne soit qu'une façade pour masquer son ignoble personnalité, le toucher ne sera pas sans conséquences. Quoi qu’il arrive, cher disciple, ne laisse jamais ta colère prendre le dessus sur ta sagesse. Si je me rabaissais à humilier ce moins-que-rien, la réputation de notre école s’en trouverait encore plus salie que par ses insinuations. Laisse-le dire : la loi est de notre côté. S’il nous porte préjudice, nous ne nous laisserons pas faire mais pour l’instant, répondre à ses provocations serait le summum de l’humiliation.
— Mais maître, vous savez comme moi que c'est un yakuza ! Nous ne pouvons pas laisser les yakuzas faire leur loi ! Ce sont des criminels et des arrivistes !
— Il suffit, jeune homme. Nous n'avons pas de preuve. Et sache que les yakuzas manipulent une arme qui te dépasse : l’argent ! Comme je viens de le dire, ils participent à l’économie et l’équilibre de cette île et nous défendent même contre les menaces extérieures. Ils s’assurent que tout le monde vive paisiblement et maintiennent l’ordre… à leur façon, certes mais s’y attaquer pourrait mener à une nouvelle guerre3 qui serait tout sauf nécessaire. Tu n’étais pas là il y a trente ans : tu n’étais pas né ! Tu ne sais pas combien les criminels peuvent se révéler sanglants lorsqu’on les empêche de faire tourner leur petit business. Prends garde ! Cette île se remet à peine des stigmates de la guerre. Ne la mets pas en danger à cause de tes soi-disant idéaux de justice.

_____Penaud mais visiblement frustré que son maître ne corresponde pas à ses attentes, le disciple se mure dans un silence obstiné. Moi, je ne sais pas du tout de quoi parle Hanzo mais apparemment il y a eu une grosse guerre, il y a trente ans, et il en a fait partie. D’après ce que j’ai compris, les yakuzas se sont établis depuis quelques dizaines d’années, et leur influence s’est étendue à une vitesse folle. Dire qu’ils contrôlent toute l’île serait une exagération absurde mais ils en contrôlent certaines ficelles bien choisies, ce qui les rend particulièrement puissants. Après avoir médité sur la réponse du maître, je lui pose une question qui me passe soudain par la tête :

— Maître, m’apprendriez-vous l’art de l’épée ?

_____Cela fait deux ans que je parcours les mers et jusque-là je m’en suis plutôt bien sortie. Mais la vérité c’est que j’ai eu de la chance dans les bonnes et les mauvaises rencontres, et que j’ai pu m’en sortir facilement en agitant mon arme au hasard. J’ai d’ailleurs failli y passer plusieurs fois et je sais qu’il y a des pirates plus forts que les autres. Je sais que je ne m’en sortirai pas toujours aussi facilement. Alors maintenant que j’ai un vrai maître épéiste sous les yeux, autant en profiter pour essayer de m’améliorer !

— Anatara, comme je te l’ai déjà dit, je ne livre les arcanes secrets de mon art qu’à ceux qui se sont montrés dignes et qui m’ont fait preuve de fidélité et de dévouement durant de longues années. Vois-tu, Anatara…
— Maître, je ferai la cuisine et vous aurez des gâteaux et des pâtisseries tous les jours.
— …  il y a fort longtemps j’ai rencontré le légendaire Kurosawa Haichidero, l’homme qui sait tout et qui voit tout. Après avoir discuté, nous nous sommes mis d’accord pour échanger quelques-uns de nos secrets. Je lui ai montré une technique de l’école des poignards volants, et il fut capable de la reproduire assez rapidement. En échange, il m’a touché de sa main et m’a offert la bénédiction de l’œil du vigile, qui me permet de juger de la fidélité et du potentiel d’une personne d’un seul regard. Si j’ai pour habitude d’éduquer mes disciples pendant deux ans avant de commencer l’entraînement spécial, c’est parce que mon œil me prévient que leur fidélité n’est pas encore totalement acquise et qu’il serait trop dangereux de leur dévoiler mes secrets. Mais pour toi, Anatara, c’est différent. Je sais que tu es fidèle, vertueuse et que tu respecteras mon secret. De plus, tu as un potentiel pour l’art de l’épée que je n’ai jamais vu depuis que maître Haichidero m’a offert cet œil. Quand je t’ai trouvée dans cette forêt, je me suis dit que tu avais une grande destinée, et que ce serait un honneur de t’avoir pour disciple. C’est pourquoi j’accepte de faire une exception et que je vais commencer ton entraînement dès à présent. Retrouve-moi dans la grande salle avec une épée, je t’enseignerai les bases. Dès que tu te sentiras prête, rapporte-moi la tête d’un chat. Alors je saurai que tu voudras passer à l’étape supérieure.
_____
3. Le contexte de ce RP est très largement inspiré non seulement de la fiche d'île de Shimo mais aussi du complément proposé par Minos, bien que ce dernier ne soit pas encore validé. Lien vers la fiche.


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_____Le réfectoire nord, qui s’appelle ainsi car c’est là qu’est entreposé la nourriture et que les repas se déroulent, est un des trois bâtiments à être encore à peu près intacts. Son toit de chaume, notamment, semble flambant neuf car il est soigneusement entretenu par la clique de Hanzo. Comme tout le reste ici, ses murs sont en pierre et ses salles sont vides. Dans l’une d’entre elles, qui dispose d’une fenêtre sans vitre exposée sud-ouest, des prises invisibles permettent d’escalader le mur jusqu’au plafond. Là, un levier caché derrière une latte permet d’actionner un mécanisme qui ouvre une sorte de trappe, mais je n’ai jamais réussi à le faire car j’ai besoin de mes deux mains pour rester accrochée au mur avec ces prises minuscules qui frisent l’inexistant. En haut, paraît-il, se trouvait la cuisine et le garde-manger, entre autres choses d’ailleurs. Franchement, cuisiner dans le noir complet avec quelques centimètres de plafond et dans un environnement de paille et de chaume… c’est mission impossible, et ça explique amplement pourquoi l’école des poignards volants se contente d’onigiris, de ramens et autres plats qui cultivent le scorbut et les carences alimentaires.

_____Sous mon impulsion, la cuisine a été déplacée à l’air libre, ce qui implique de l’installer et de la désinstaller à chaque fois. Mais bon, une marmite, du feu, des ingrédients et une grille, c’est tout ce dont j’ai besoin ! Le premier soir, j’ai préparé des brochettes de saumon aux épices accompagnées de leur sauce et d’une salade de légumes, suivies d’un gratin de pâtes et d’un gâteau au yaourt. Après cela, tout le monde est soudainement devenu mon meilleur ami et j’ai notamment fait connaissance avec une jeune fille du nom de Nekono Atama. Blonde, elle a des yeux noirs et de séduisantes taches de rousseur, des mimiques timides et elle communique essentiellement par signes, ce qui rend la conversation déroutante au début. Elle m’a donné quelques astuces pour mieux assimiler les bases du combat à l’épée et m’a encouragée dans ma quête avec ferveur. « N’hésite pas à me demander », m’avait-elle répété.

_____Oui, bon. En attendant, je me retrouve ici, à agiter des bouts de saumon en amadouant « petit-petit-petit », ou à attendre que la petite souris daigne bien passer sous l’oreiller pour attirer son prédateur le chat. Ça fait plusieurs mois que j’ai commencé les cours avec Hanzo, et je peux dire que j’ai bien progressé. Je maîtrise parfaitement les bases et maintenant, il est temps de passer à l’étape suivante ! Attraper le chat. Il est mignon, certes, mais il est fourbe ce chat. Il ne s’approche pas à moins de dix mètres mais ça ne l’empêche pas de me chaparder mes achats dès que j’ai le dos tourné. Ce chat me fait travailler du chapeau, je lui arracherais bien la tête mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs : pour cela, il faut d’abord le chasser. Un soir, il m’a fait du charme en venant réclamer son morceau de poisson. J’ai chargé tête baissée mais il s’est échappé sans que je puisse ne serait-ce que le chatouiller. À la course, les esprits chagrins me diront que je n’ai pas mes chances de rattraper un chat. Mais, quitte à m’acharner, je finirai bien par le charcuter, ce chat.

_____Bon, trêves de plaisanteries : je lui ai couru après, il s’est réfugié dans les champs, il m’a fait escalader des ruines et des arbres, jouer à cache-cache, remonter sa piste, ramper dans des ruisseaux, crapahuter dans des forêts et même escalader une falaise sur quelques mètres. Il m’a fait développer des compétences de furtivité que je n’aurais pas soupçonnées, il m’a obligée à l’observer méticuleusement pour en déduire ses habitudes et échafauder des plans mais, avec l’aide de trois de mes camarades, j’ai fini par l’attraper. Le problème, c’est qu’il s’est débattu furieusement. Ben oui, je n’allais pas lui couper la tête quand même, je ne suis pas un monstre ! Alors quitte à ramener sa petite bouille, autant ramener le corps entier, et puis ça fait plus de challenge. J’ai tenu bon, j’ai réussi à l’emmener jusqu’à la grande salle où j’ai vu Hanzo raconter son histoire sur Super-sachichaipuki, mais il n’était pas là. À ce moment, le chat a profité de ma surprise et de ma frustration pour me labourer les avant-bras, se contorsionner et repartir en miaulant furieusement. Pardon, le chat, je ne voulais pas te faire mal ni te faire peur, je voulais juste te rapporter au maître pour qu’il voie que j’ai réussi ! Si tu pouvais coopérer, aussi ! Ça irait mieux pour nous deux, nom d’un chameau ! Lassée d’agiter mes appâts pour un chat qui ne viendra pas et qui se souvient très bien de moi, je pense soudain à une idée aussi simple que stupide. Le chat, je te le jure : maître Hanzo m’a demandé de lui rapporter la tête d’un chat, et c’est exactement ce que je vais faire.


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— Maître, vous m’avez dit de vous ramener la tête d’un chat et c’est exactement ce que j’ai fait !
— Anatara, tu ne dois pas jouer sur les mots. Tu as parfaitement compris ce que je voulais dire par là alors ne fais pas l’imbécile, veux-tu ? Quand ton maître te confie une mission, tu dois l’exécuter avec la plus parfaite minutie. Tous mes disciples jusqu’à présent ont été capables de s’affranchir de cette épreuve, je ne vois pas pourquoi tu ferais exception.
— Mais maître, j’ai réussi ! J’ai rapporté le chat jusque dans cette pièce, mais vous n’y étiez pas !
— Anatara, capturer le chat n’était que la première partie. Dans la vie, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Parfois les autres ne sont pas au rendez-vous et tu dois trouver une solution alternative pour mener tes objectifs à bien. Ainsi, Anatara…
— Bon, je suppose que je vais arrêter de faire la cuisine alors…
— … je trouve que tu t’es très bien débrouillée. Certes, tu n’as pas réussi la mission mais tu t’es servie de ton ingéniosité et de tes connaissances sur tes camarades4 pour trouver une issue à ton problème. En ceci, je pense que tu as réussi ton épreuve mais la prochaine fois, tu ne t’en sortiras pas aussi facilement ! En plus, tu as parfaitement maîtrisé les bases. Je serai fier de t’avoir pour élève. Nekono, c’est toi qui lui as suggéré cette idée ?
— Non, maître, elle y a pensé toute seule.
— Tu seras de corvée de vaisselle cette semaine.
— Oui, maître.
— Mais, maître… ce n’est pas juste !
— Anatara, si tu veux être ma disciple, tu ne dois pas contester mon enseignement. Nekono savait ce qu’elle risquait en acceptant de t’aider. Maintenant, elle doit payer pour son amitié.

_____Mais non, ce n’est pas juste ! Elle n’a rien fait de mal, c’est moi qui devrais être punie, non ? Bon, je suppose que devoir s’occuper de la cuisine est déjà une punition en soi mais bon… Nekono est ma meilleure amie, ici. En fait, les autres sont un brin taciturnes voire muets. La plupart du temps, je ne sais même pas où ils sont et parfois, quand j’en vois un, il disparaît dès que je m’en approche. Bien sûr, ils ne m’évitent pas ouvertement : ils veulent juste se la jouer mystérieux. Par exemple, j’ai fait la connaissance de Yoshida et de Manaka, le jour et la nuit. Yoshida, c’est une fille très chouette. Sûre d’elle et débordante d’énergie, elle est toujours partante quand il s’agit de jouer ou de faire des concours en tout genre. Le problème, c’est qu’elle aime un peu trop gagner et que ça la rend parfois un peu désagréable. Je la reconnais parce que c’est la seule à porter des vêtements qui tirent sur le violet. Ce n’est pas un violet flashy-rose, mais un violet sombre et discret, vraiment le genre que porterait un mage noir démonique. Manaka, c’est un peu le contraire. Elle est timide et introvertie. Ça la rend très attachante quoi qu’un peu ennuyeuse. Je la reconnais à se gestuelle, et à la façon qu’elle a de porter tout le temps sa main à la bouche. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me rappelle quelqu’un…

_____Les seuls moments où je peux avoir des discussions construites avec tout le monde sont les repas du midi et du soir, mais ils s’habillent tous de la même façon et masquent leurs visages avec des foulards et des capuches ! Impossible de faire la différence, encore moins de retenir leurs prénoms ! J’ai essayé de les identifier avec leurs voix, au début, mais pour la plupart ils ne sont pas très bavards et quand ils parlent, c’est dans un murmure ; si bien que le ton de la voix n’est pas très différencié et qu’il faut tendre les oreilles pour les entendre. En plus, je me suis rendu compte que certains pouvaient modifier leur voix ! Ils m’ont fait quelques blagues à ce sujet, d’ailleurs, mais rien de bien méchant. Pour la plupart, ils n’aiment pas parler d’eux et restent très évasifs en ce qui concerne leur passé et leurs rêves, mais ça ne nous empêche pas d’avoir des conversations plus ou moins sérieuses sur tout et n’importe quoi.

_____Nekono, elle ne disparaît jamais quand j’essaie de l’approcher. Elle m’a expliqué que les autres étaient très sérieux et appliqués, et qu’il ne fallait pas leur en vouloir si les sujets de conversation ne dépassaient pas vraiment le programme de la semaine, les entraînements et des trucs comme ça. Moi, je trouve cette ambiance étrange et j’ai parfois l’impression de manger avec des inconnus cachottiers, voire d’être un peu exclue. D’un côté c’est très désagréable mais de l’autre ils restent bienveillants envers moi alors je me dis que ce n’est qu’une impression et que je me fais des idées. Il faut le temps de s’intégrer, peut-être ? En plus, je me dis qu’il doit y avoir un secret incroyable à découvrir si je reste avec eux. Comme les techniques secrètes des poignards volants, des passages secrets, des salles au trésor et tout ! Franchement, si je m’en allais maintenant, j’aurais l’impression de n’avoir exploré que la surface, de n’avoir vu que la partie immergée d’un immense et incroyable édifice sous-terrain. Je veux en savoir plus ! Heureusement, entre les entraînements quotidiens, les spectacles que l’on donne à Honnoji, les jeux du chat et de la souris et autres cache-cache de l’extrême, je n’ai pas le temps de m’ennuyer et je m’amuse comme une folle. En plus, le maître m’a indiqué la prochaine étape de mon apprentissage. Elle prend une forme un peu étrange mais il m’a dit que, si je voulais être sa disciple, je ne devais pas questionner son enseignement. Et puis, ramener la tête d’un chat c’était aussi une mission étrange, non ? Mais au final c'était un entraînement très fructueux, et j’ai beaucoup appris grâce à ça !

_____« Anatara, » m’a-t-il dit, « depuis que tu suis m’on enseignement, tu n’as pas cessé de faire des progrès. Ton art de l’épée s’approche de jour en jour de celui d’un grand maître et je n’aurai bientôt plus rien à t’apprendre de ce côté-ci. Y a-t-il eu un seul exercice qui ne te fût pas profitable ? Cesse donc de remettre en cause mon enseignement et fais ce que je te dis. Si je te dis que tu dois danser, tu dois danser. Si je te dis que tu dois chanter, tu dois chanter. Si je te  dis que tu dois attraper un chat, tu dois attraper un chat. Si je te dis que tu dois mendier, tu dois mendier. »

_____

4. D'après Google traduction, "tête d'un chat" se dit "Neko no atama" en japonais.


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_____Je porte un long kimono de soie rouge aux motifs à fleurs qui laisse une bonne partie de mon dos à la vue de tous, retenu par un obi5 orange noué en traîne. Mon maquillage me gratte la peau et des épingles tape-à-l’œil retiennent mes cheveux en chignon. Je joue du shamisen en chantant de joyeuses chansons d’amour, puis j’exécute une danse ponctuée de petits pas et de mouvements ondulatoires. Je salue sous les acclamations du public. C’est une petite salle de spectacle très sombre où les jeux d’ombres  et de lumières s’allient à la musique et aux bâtons d’encens pour créer une atmosphère psychédélique et envoûtante. Épuisée, je rejoins les coulisses où je pourrai me reposer en attendant la fin du spectacle, car après il me faudra également « enchanter les invités de ma seule présence », selon les termes du contrat.

— Fais attention, tu étais en retard sur la musique.

_____L'homme qui vient me parler est très grand avec des cheveux gris plutôt courts, des yeux bleus perçants et une carrure impressionnante. Très musclé, il donne toujours l’impression qu’il va m’écraser quand il avance vers moi avec cette démarche aérienne qui glisse sur le sol. Shijou Sanetsu, metteur en scène extrêmement sévère, gourmand et peu souriant. Il parle très vite, d’un ton sec et cassant.

_____Lorsqu’Hanzo m’a donné les détails de mon prochain exercice, j’ai d’abord pensé à une blague mais il m’a confirmé qu’il était sérieux. Je me suis donc dirigée vers un quartier d’Honnoji où, munie de l’accoutrement et du maquillage qu’il m’avait donné, je me suis produite en public pour « m’attirer la sympathie des foules ».

_____« Vois-tu, Anatara, tu ne dois jamais te rabaisser à mendier. Toute peine mérite salaire mais tout salaire réclame aussi sa peine. Un mendiant, qui ne vit que de la pitié qu’il inspire aux autres, est un parasite pour la société. Il gaspille son potentiel et son existence alors qu’il pourrait mettre à profit son corps et ses connaissances pour le bien des autres. Quand tu fais quelque chose pour de l’argent, tu dois toujours t’assurer qu’il s’agit d’un échange équitable. N’accepte jamais la charité, et si un jour quelqu’un venait à te donner quoi que ce soit sans rien demander en contrepartie, grave son visage dans ton esprit et assure-toi de le rembourser un jour. Un homme qui a des dettes n’est pas entièrement un homme. Ne franchis pas la ligne entre l’homme et la bête, ne te fais pas nourrir ni entretenir. Gagne ta vie, mérite ton pain. La voie du mendiant, c’est celle de celui qui échange des rêves et des instants magiques contre un bol de nouilles. Lorsque tu auras compris cela, reviens vers moi. Va donc dans le quartier Kinjion, et trouves-y ta voie. »

_____J’ai donc naïvement fait le chemin jusqu’à ce fameux quartier qui abrite les meilleurs artistes et je me suis confrontée à l’indifférence générale des passants, tout juste légèrement surpris de voir une geisha se balader sans escorte. Mendier, pas mendier, il est gentil Hanzo mais je n’avais rien compris à tout son charabia. Dans le doute, je me suis assise sur un banc et j’ai joué timidement d’abord puis de manière affirmée en y ajoutant la voix. Des badauds se sont rassemblés, croyant à une démarche publicitaire annonçant un imminent spectacle ou à une répétition publique. À la fin de la journée, je n’avais pas récolté  un seul berry. Mendier sans mendier est beaucoup plus dur que ce que l’on peut s’imaginer : personne ne va spontanément donner son argent sans qu’on lui ait demandé. Pour cela, il faut les toucher au cœur, les enchanter, les hypnotiser, les ravir. Les séduire pour que, d’eux-mêmes, ils décident de se séparer de leur bien. Ce n’est que là que l’on peut être sûr que l’échange a été « équitable » et que mon argent a bien été mérité. Plus facile à dire qu’à faire.

_____Le lendemain, alors que je m’efforçais à mettre de la puissance d’envoûtement dans ma représentation, un groupe de trois personnes habillées de noir et portant chacune un impressionnant katana dont la garde était décorée de motifs or en forme de dragon est venu me voir. Trois hommes fiers aux allures de maîtres de dojo, qui se tenaient bien droit et marchaient en se pavanant comme des coqs. Ils s’arrêtèrent devant moi et me regardèrent jouer et chanter en prenant bien soin de me bloquer l’horizon. Je ne voyais plus qu’eux, ces trois crâneurs qui souriaient jusqu’aux oreilles. Ils prirent la parole tous les trois en même temps :

— Eh, toi : tu es une geisha ?
— On a entendu parler de toi, c’est donc vrai que tu te donnes en spectacle dans la rue.
— Ne ressens-tu aucune honte ? Qui t’a donc formée ?

_____« Quoi qu’il arrive, ne révèle mon nom à personne », m’avait dit Hanzo. Je ne m’attendais pas à ce qu’on me pose cette question de sitôt. Les geishas sont formées dans des maisons qui leur attribuent par la suite du travail. Trouver une geisha qui travaille dans la rue, c’est donc inconcevable. À quoi s’attendait-il lorsqu’il m’a demandé de faire ça ?

— En effet, je suis geisha mais j’ai été chassée de ma maison suite à un différend avec son maître.

_____En soi, ce n’était pas vraiment faux : Hanzo m’avait littéralement mise à la porte en me demandant d’aller voir ailleurs s’il y était. J’évitai leur regard et je me remis à gratouiller mes cordes pour masquer mon trouble, mais apparemment ils avaient gobé tout cru mon mensonge effronté. De nouveau, ils parlèrent tous les trois à la fois.

— J’ai entendu parler de cette histoire. Tu es Miyake, n’est-ce pas ? Je croyais que tu avais quitté l’île.
— C’est fort regrettable. Tu as du talent.
— Voudrais-tu rejoindre une autre maison de geishas ?

_____Euh… non. À vrai dire, j’avais déjà passé suffisamment de temps sur Shimotsuki et il était temps de partir. J’aurais dû me rendre compte plus tôt que Hanzo se foutait de ma gueule. Un mélange subtil de mensonge et de vérité : c’était ainsi qu’il s’y prenait pour tromper ses disciples. Comme il me l’avait dit, Hanzo était bien un maître mendiant : il s’arrangeait pour que les gens lui donnent de l’argent et soient persuadés de le faire de leur propre chef ! Quel redoutable personnage… Mais moi, je n’avais que faire d’apprendre l’art de la mendicité : c’en était assez de toutes ces conneries ! Certes, je m’étais bien amusée à apprendre les bases de l’épée et jouer la geisha était une idée séduisante mais là, avec ces trois personnes en face de moi, il n’était plus question de jouer. J’allais refuser lorsque quelqu’un de très particulier attira mon attention.

_____Elle se trouvait au coin de la rue, à quelques mètres sur ma gauche. Une silhouette svelte et féline, vêtue de noir. Un pantalon noir, une ceinture grise en tissus, un kimono noir qui lui rentrait dans le pantalon et sur sa main le mot « poignard » était écrit à l’encre noire. Elle me montrait le dos de sa main, bien en évidence pour que je puisse le lire. Elle portait une pancarte qui masquait sa tête, avec dessiné dessus un visage humain. Le visage d’une jolie blonde avec de magnifiques taches de rousseur. Ses yeux noirs et pétillants semblaient me fixer dans un sourire qui respirait la fierté et l’encouragement. De sa main gauche, elle fit une courte série de gestes que seul le mois passé en sa compagnie me permit de comprendre.

— Mais, euh, je…
— Qu’est-ce que tu regardes ?, me demanda l'homme de droite.

_____Lorsque je tournai la tête de nouveau, la silhouette avait disparu. Est-ce que c’était Nekono ? « N’abandonne pas », m’avait-elle dit, et sa présence seule suffisait à me dire qu’ils ne m’avaient pas laissée tomber. Ma formation continuait et, comme d’habitude, les voies que choisissait mon maître étaient impénétrables. Qu’est-ce qu’ils attendaient de moi ? Pourquoi leur ai-je obéi ? La vérité c’est que j’ai trouvé ça particulièrement excitant et que je n’avais pas envie de décevoir Nekono. Abandonner, ça ne me ressemble pas : je fais toujours les choses jusqu’au bout, je vais toujours jusqu’à la fin du chemin, où qu’il mène. Je suis le genre de personne qui, quand elle voit un passage détourné ou semi-secret, une petite rue ou un sentier secondaire, l’emprunte juste pour voir où il mène. Là, j’ai découvert un des nombreux sentiers de la vie ; on m’a proposé d’être quelqu’un d’autre, de vivre la vie d’une autre et d’en tirer une expérience inoubliable. Je ne pouvais pas refuser ! Et c’est ainsi que je me suis retrouvée dans cette salle, à faire la conversation avec les nobles et les bourgeois après la fin du spectacle.
_____
5. Large ceinture de soie qui sert à fermer le kimono des geishas. Le nœud en traîne distingue les geishas jeunes et débutantes des geishas confirmées. Voir wikipédia pour plus d'infos passionnantes !


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_____L’un d’entre eux, un soi-disant guerrier bien dédaigneux, se vante sans vergogne de ses exploits militaires d’il y a trente ans. Il raconte, inlassable, ses innombrables aventures qui se résument toutes par « comment je me suis prélassé tranquillement en abusant de ma notoriété et en me faisant inviter à des salons et des réceptions où je n’ai rien apporté d’autre que ma grande gueule ». Apparemment, je ne suis pas la seule à penser cela car il relate une de ses nombreuses altercations avec quelqu’un qui l’aurait traité d’imposteur ; mot qui le qualifie bien, entre nous.

— Furieux, j’ai défié le maître Kisashi Karondo dans un duel à mort et, à l’issue d’un terrible affrontement qui fit trembler toute l’île de Gisvöm, je lui ai arraché son arme, le légendaire Shinda Yuken, un meitou !

_____Misaki Bokkai, un noble quinquagénaire qui possède de grands domaines et une force militaire non négligeable. Il s’est révélé être un tacticien hors pair lors de la bataille de 1600, où ses mouvements de troupes et sa compréhension de la situation lui permirent de gagner un temps précieux et de sauver de nombreuses vies. Cette bataille, si j’ai bien compris ce qu’il nous a raconté, a été le théâtre d’un affrontement de grande envergure entre des pirates et les différents dojos qui faisaient déjà la force de l’île. Fort de quelques samouraïs et d’une poignée de guerriers, Bokkai avait mené plusieurs escarmouches qui déroutèrent les pirates le temps d’évacuer les civils. Ces nombreuses diversions donnèrent le temps à la Marine d’arriver, et au final la bataille fut gagnée par les forces de la justice. Après s’être aussi brillamment illustré, il a reçu quelques distinctions puis s’est reposé sur ses lauriers, comme beaucoup trop de nobles d’ailleurs.

_____Fier de sa nouvelle acquisition, il crie sur tous les toits qu’il possède un meitou et invite tous ses amis à une réception où il fera une petite démonstration. Humpf, qu’est-ce qu’il peut être prétentieux celui-là ! C’est vrai que son histoire de meitou m’émerveille et, en tant que marchande, je ne peux pas m’empêcher de m’intéresser à un objet aussi rare et précieux, surtout maintenant que j’ai eu une formation digne de ce nom au maniement de l’épée ! J’aimerais bien y jeter un coup d’œil, mais une demoiselle de mon statut n’est pas censée s’intéresser aux armes. J’écoute donc d’une oreille en lui manifestant une attention polie lorsqu’il semble regarder dans ma direction.

_____J’aime être geisha. Ça me change. Je suis chouchoutée voire courtisée et je jouis d’un niveau de vie très confortable. Les gens semblent se soucier de moi et me parlent poliment, je peux faire des rencontres intéressantes, écouter des histoires et fréquenter des endroits mirifiques. Ça me rend nostalgique, ça me rappelle les quelques fois où maman a donné ou m’a emmenée à une réception pour entretenir ses relations. Tout est si surfait, si fastueux ! C’est incroyable et intrigant, j’ai l’impression de naviguer dans un rêve et que la logique n’a plus de prises. Le seul souci, c’est que je dois parfois me coltiner des gens inintéressants qui me tiennent la jambe pendant toute la soirée, et là c’est vraiment le pire du pire ! Heureusement, mes compétences de cache-cache et de furtivité me permettent la plupart du temps d’échapper aux pires enquiquineurs, et je trouve ça presque amusant. Bien sûr, je ne peux pas m’empêcher d’avoir une pensée pour Liam à ce moment-là : est-ce là son quotidien, ou fait-il plutôt un travail de bureau ? Peut-être qu’il est dans l’autre camp et que lui, c’est plutôt le noble qui courtise les jolies filles… Argh, en voilà une pensée bien perturbante !

_____Trois jours plus tard, Misaki donne sa fameuse réception et j’y suis expressément invitée afin d’« égailler l’ambiance et participer à un spectacle d’escrime artistique ». Apparemment, je lui ai tapé dans l’œil ! Ça ne m’enchante pas plus que ça mais c’est l’occasion de voir un vrai meitou : je ne peux pas rater ça ! J’ai donc participé aux répétitions et appris mes répliques, quoi qu’il n’y avait pas grand-chose à faire de mon côté. (Je suis une jeune et ravissante courtisane désirée de tous, y compris du grand méchant très méchant et vraiment très fort et puissant, plus que le héros qui ne parvient pas à l’empêcher de m’enlever. Il doit donc s’entraîner pour se surpasser et devenir plus fort, ce afin de défier le kidnappeur qu’il pourra vaincre grâce à la puissance du scénario. Malheureusement, le méchant très méchant qui est vraiment trop méchant avait plus d’un tour dans son sac et, par un coup bas très éhonté, parvient à triompher une nouvelle fois du héros, à la surprise générale. Il lui révèle alors son plan maléfique à base d’alliances avec des pirates sanguinaires et de destruction du Gouvernement Mondial. Les amis du héros, qui ont tout entendu, parviennent à le sauver au dernier moment et, forts des informations obligeamment données par le méchant, ils parviennent à déjouer son plan et le combattent dans un ultime affrontement complètement épique où ils vainquent grâce à la puissance de l’amitié – ou de l’amour, ce n’est pas très clair. La courtisane, qui jusque-là n’avait jamais remarqué l’existence du héros, tombe follement amoureuse de son sauveur, accepte de l’épouser et lui fait cinq enfants. Fin.)


Dernière édition par Anatara le Jeu 5 Déc 2019 - 12:31, édité 3 fois
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_____Après le spectacle, je me fonds dans le décors où j'écoute poliment les conversations qui vont dans tous les sens et que je n'arrive pas du tout à suivre, je souris et je fais des courbettes quand je sens qu'on me regarde et qu'on s'adresse à moi et je passe d'un admirateur à l'autre en acceptant modestement les applaudissements et autres acclamations.

— Félicitations, bravo !
— Quel mirobolant spectacle !
— Avez-vous, vu, très cher ami : je vous avais bien dit qu’elle épouserait Richard !
— Vous aviez raison, excellence, je pensais qu’elle épouserait Gontran.

— Maintenant, si vous le permettez, j’aimerais vous montrer ce pourquoi vous êtes tous venus ! Une arme terrible à la réputation sans pareille ! Le Shinda Yuken !
— En avez-vous déjà entendu parler, monsieur le Marquis ?
— Non, mais comme vous le savez, je ne suis pas spécialiste des épées.
— Nous devrions demander au Samouraï Yasutoshi, il s’intéresse de près à tout ce qui sert à tuer.
— Cette épée est fabuleuse, voyez-vous les détails minutieux qui décorent sa garde ?
— Et son fourreau est une véritable œuvre d’art ! J’en ferais bien un objet de décoration. Je me demande si le Seigneur Bokkai voudrait bien me le céder.
— Vous imaginez, très cher ? Avoir un meitou pour décorer notre salon ?
— Oui, mon amie, ce serait en effet très prestigieux.
— Mon fils s’entraîne au dojo de Maître Chun ; voilà une arme qui lui conviendrait bien.
— Oh, comment va-t-il ? Cela fait au moins cinq ans que je n’ai pas eu l’occasion de le revoir.
— Il se porte comme un charme ! Nous l’avons fiancé à la délicieuse mademoiselle Shirayuki.
— Ce fer est d’apparence ordinaire, il est difficile de croire qu’il s’agit en fait d’un meitou.
— Vous plaisantez, n’est-ce pas ? Voyez comme elle est brillante, fine et radieuse ! Je trancherais une montagne si j’avais une telle arme !
— Le Seigneur Jurobei a raison : la beauté de cette lame est admirable.

— Dîtes-moi, samouraï, voudriez-vous l’essayer ?
— Allons, Seigneur, ce n’est pas un jouet, nous devrions faire attention.
— Je ne m’en fais pas, n’êtes-vous pas vous-même un grand épéiste. Vous faîtes partie des anciens disciples de Maître Musashi, si ma mémoire est exacte.
— Oui, Seigneur, c’est correct. Votre attention me flatte.
— Oh, vraiment ? Je l’ignorais.
— Le Hatamoto6 est quelqu’un d’intéressant.
— Mais il reste un Hatamoto, après tout.
— Très bien, je vais l’essayer, veuillez reculer, s’il vous plait.
— Waouh, c’est incroyable !
— Quelle extraordinaire performance.
— La lame est très légère, souple et bien équilibrée. Son tranchant est bien acéré.
— Vous voyez ? Cela n’a rien d’étonnant, pour un meitou.
— Qu’en dîtes-vous, Hatamoto ? Cette arme est-elle vraiment un meitou ou n’est-elle là que pour la frime ? Elle me semble tout ce qu’il y a de plus banal. Entre nous, je ne lui trouve rien d’exceptionnel.
— Seigneur Fudai, vous me faîtes honneur en m’adressant la parole. Je ne suis pas qualifié pour émettre ce genre de jugement et je peux vous avouer que ce n’est pas le genre de chose que l’on peut décider d’un coup d’œil. N’êtes-vous pas vous-mêmes plus qualifié que moi dans ce domaine ?
— Hélas, non. Bien que je sois investi d'une haute fonction au Marteau, je ne m’occupe que de la partie administrative et logistique : je n’ai rien d’un technicien.
— Ah, je vois. Je l'ignorais.
— On ne peut donc pas voir la différence à l’œil nu ? Voilà qui est décevant. Je pensais que les meitous étaient bien au-dessus des autres armes. Faut-il donc être épéiste pour voir la différence ?
— En effet, et pas n’importe quel épéiste, maître Fudai !

— Dîtes-moi, Seigneur Bokkai, pourriez-vous nous raconter l’histoire de cette épée ? Il se trouve qu’aucun d’entre nous ne connait sa légende.
— Bien sûr ! Cette épée a été forgée dans le Nouveau Monde, sur l’île de Mizushima, par un grand maître artisan dont le nom a été oublié depuis. Elle est passée de main en main jusqu’à se retrouver à la ceinture du grand Sachimoto le Brave, qui la fit connaître sous le nom de « lame au tranchant de la Lune ».
— Ah, oui, bien sûr ! Qui ne connait pas Sachimoto le Brave, sauveur d’East Blue ?
— Je croyais que c’était une légende !
— J’ai déjà entendu parler de Mizushima, n’est-ce pas l’une de ces nombreuses îles qui ont été détruites par le terrible Mannfred Teach ?
— Non, très cher : Sachimoto a bel et bien existé !
— Tout à fait, c’est une grande perte pour l’humanité que le savoir-faire de cette île ! J’espère que la Marine et le Gouvernement sauront empêcher de nouveaux massacres…
— Je pensais qu’il s’était donné la mort après avoir tué ses compagnons…
— C’est exact, Seigneur Sugita, mais son arme a été retrouvée. Du fait de son histoire, elle a été renommée Shinda Yuken, la lame des compagnons morts.
— Il est vrai ! Mais vous vous inquiétez pour rien, mon ami : nous sommes en sécurité, sur East Blue.
— Mais comment pouvons-nous savoir qu’il s’agit bien de la même épée ?
— À cette question, seul un authentique Maître Forgeron du Marteau peut apporter une réponse. Kisashi Karondo avait un certificat qui l’atteste. À sa mort, il a reconnu que je serai un digne possesseur de cette lame, et il m’a cédé ce certificat.
— C’est fascinant, pourrions-nous voir le certificat ?
— Mais bien entendu.
— Il a l’air authentique.
— C’est bien le sceau du Marteau, il est inaltérable.
— La calligraphie est d’une qualité remarquable !
— Seigneur Bokkai, ne vous offusquez pas de notre scepticisme, je vous prie. De vieux hommes tels que nous avons toujours du mal à apprendre de nouvelles choses sur le monde.
— Ne vous en faîtes pas, Seigneur Sugita, c’est tout naturel !

— Dîtes-moi, Miyake, que pensez-vous de Seigneur Bokkai ? Mademoiselle ? Vous m’entendez ?
— Oh, pardon ! J’étais subjuguée par cette épée, justement… je ne vous avais pas entendu, je vous prie de bien vouloir m’excuser, Seigneur.
— Allons, mademoiselle, je ne suis pas un seigneur et bien entendu que je vous pardonne : il y a tellement de personnalités importantes, ici ! Vous devez vous sentir intimidée.
— Oui, totalement. Mais je suis flattée de pouvoir participer à cette rencontre. Mais je vous reconnais : vous êtes le Hatamoto qui a fait cette petite démonstration, tout à l’heure.
— Exactement, je m’appelle Mojisuke Kitsuba, Hatamoto, pour vous servir.
— Vous êtes très modeste, monsieur, mais puisque vous êtes ici pour représenter le Shogun, cela ne fait-il pas de vous la personne la plus importante parmi nous ?
— Allons, je ne suis qu’un simple serviteur !
— Pour répondre à votre question, Seigneur Bokkai semble très fier de cette épée, et je suis contente pour lui.
— Lors de votre spectacle, je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que vous étiez véritablement amoureuse, et cela m’a brisé le cœur.
— Allons, ne soyez pas si désespéré : je ne faisais que jouer un rôle !
— Je vois, je me sens revivre ! Désiriez-vous dîner avec moi, ce soir ?
— Allons, je ne suis pas ce genre de personnes !
— Je vous conjure de pardonner mon audace, mademoiselle ! Je ne voulais pas vous offenser. Cependant, devant l’étendue de votre beauté, j’ai attrapé le vertige et j’en ai oublié ma retenue. Je vous prie de bien vouloir me croire lorsque je vous dis qu’il s’agit bien là d’un simple dîner, sans arrière-pensée et en toute simplicité ; ce afin de pouvoir faire plus ample connaissance.
— Très bien, monsieur Mojisuke, c’est avec plaisir que j’accepte votre invitation.
_____

6. Dans la noblesse japonaise, le Hatamoto est un serviteur du Shogun qui ne possède pas assez de terres pour être considéré au même titre que les autres samouraïs.


Dernière édition par Anatara le Mer 8 Avr 2020 - 11:08, édité 4 fois
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_____La demeure de mon hôte est raisonnablement luxueuse. Située à l’extérieur de la ville, dans une villa d’où l’on peut voir la mer, elle s’étend sur un peu moins d’un hectare. Elle contient cinq grands bâtiments à l’architecture raffinée qui possèdent terrasses et balcons, agrémentés de judicieux choix de fleurs qui me rendent délicieusement songeuse. Monsieur Mojisuke, après avoir longuement patienté le temps que je me démaquille, m’a accompagnée jusque chez lui et m’a montré sa modeste piscine et sa petite parcelle de forêt. Il m’a fait passer par son lac miniature personnel, avec des petits ponts et des nénuphars, pour finalement me montrer la table qui était dressée au milieu de ce merveilleux jardin. Tout est petit, dans ce jardin, tout est modéré. L’ombre des arbres sur la mousse des cailloux exprime la patine du temps et le chant des oiseaux rappelle la proximité avec la nature.

_____Alors que le dîner bat son plein, je remarque soudainement quelque chose d’anormal au niveau de l’étang. Une grenouille géante en peluche. « Crôa », fait-elle dans une parfaite imitation d’un croassement. Puis elle porte sa main palmée à sa bouche, comme pour se retenir de rire et, suivie d’un gros plouf !, elle disparaît dans l’eau. Surprise, je me redresse et inspecte les ondes de choc qui parcourent la surface, parfois percée de nuages de bulles. En m'approchant, je remarque qu'il y a des pétales de fleurs, des roseaux et enfin des cailloux lisses, ronds et plats, dont certains sont iridescents et s’habillent de couleurs fascinantes.

— Quelque chose vous dérange ?

_____Mon hôte, sans doute frustré que je me sois levée de table avec aussi peu de manières, me rejoint doucement. Faisant son possible pour ne pas perdre la face, il a la tête haute et semble imperturbable, comme si ce qu'il vient de se passer était prévu dans sa programmation.

— Euh, non… avez-vous des grenouilles, dans votre mare ?
— Oui, bien sûr. J’y place des fleurs réputées pour leurs odeurs, elles attirent les mouches et les moustiques, et mes grenouilles s’en occupent.
— N’avez-vous pas peur d’attirer ainsi des abeilles ?
— Ne vous en faîtes pas, les abeilles ne sont pas attirées par les mêmes senteurs. Et puis mes grenouilles ne sont pas assez bêtes pour s’y attaquer.
— Oh, je vois.

_____Un gros nuage de bulle perce à nouveau la surface. Quelle que soit la personne à l’intérieur de ce costume, elle est en train de se noyer ! Paniquée mais pas vraiment sûre de ne pas avoir halluciné, je suis comme paralysée par cet imprévu face auquel je ne sais pas comment réagir. Je fais mine de m’intéresser à cette étendue d’eau et je pose des questions sur ses dimensions, je demande si elle est reliée à une quelconque issue mais non : il s’agit d’une simple mare. Je prétends vouloir sonder sa profondeur et tâtonne les eaux à l’aide d’un bâton mais aucune trace du doudou à taille humaine. Aurais-je rêvé ? La grenouille ne peut pas avoir quitté la mare : je l’ai vue plonger de mes propres yeux et je n’ai pas cessé de surveiller l’étang depuis. Quoi qu’il arrive, la personne a plongé de son propre chef et j’espère pour elle qu’elle savait ce qu’elle faisait… D’ailleurs, en y repensant, il me semble que le geste qu’elle a fait juste avant de sauter m’était adressé, comme une sorte de clin d’œil en fait. Histoire de détourner la conversation, j’aborde le premier sujet qui me passe par la tête.

— Alors comme ça, le Shinda Yuken n’a rien d’exceptionnel, n’est-ce pas ?
— Bien au contraire : on aurait peut-être du mal à dire qu’il s’agit d’un meitou à première vue, mais c’en est bien un.
— Oh, vraiment ? Dîtes-moi, avant d’arriver sur East Blue, je n’avais jamais entendu parler de Sachimoto… est-ce une légende locale ?
— Oui, les exploits de Sachimoto sont largement exagérés, mais certains faits historiques montrent qu’il a bel et bien existé.
— Pensez-vous qu’il s’agit bien de son épée ?
— Oui, comme l’atteste le registre des armes d’exception. Mais vous m’avez l’air de beaucoup vous intéresser à cette histoire, soudainement ?
— C’est que ce n’est pas tous les jours que j’ai l’occasion de poser les yeux sur une arme d’une telle qualité.
— Oui, sa qualité est indubitablement remarquable. Puisque vous vous y intéressez tant, voudriez-vous que je vous accompagne au Marteau ? En tant que samouraï, je peux avoir accès au registre et vous pourrez le consulter par mon intermédiaire.
— Oh, je vous remercie infiniment et j’en serais ravie, mais je croyais que ce dîner était dépourvu d’arrière-pensées.
— Allons, mademoiselle, il n’y a rien de mal à vouloir consulter un vieux registre !

_____En vérité, je suis bien curieuse de découvrir les lames légendaires recensées par ce fameux catalogue. J’ai toujours aimé les histoires et ce n’est pas de refus que je me fais accompagner jusqu’au fameux Marteau. C’est juste que, en tant que geisha, il faut savoir se faire prier voyez-vous ? Et puis je ne voudrais pas que ce monsieur se fasse des idées. Après tout, il ne m’intéresse pas. Ce n’est pas qu’il n’est pas mon genre mais il est trop… maniéré. Il en fait trop, il essaie trop de m’impressionner. D’accord, je me sens flattée et importante mais ce n’est pas le genre de relation que je cherche. Je voudrais quelqu’un de plus… naturel, avec  qui je pourrais entretenir une relation plus équilibrée.

_____Après avoir laissé mon prétendant insister poliment, j’ai donc fini par accepter son offre, ce qui me permet de franchir les portes de ce célèbre bâtiment. C’est une sorte de temple rouge avec un toit traditionnel en tuiles noires, décoré de statues en pierre et d’impressionnantes pièces d’armure qui semblent monter la garde. L’entrée, totalement majestueuse, se fait par un double battant pourpre sur lequel sont dessinés de très recherchés motifs or. À l’intérieur, une grande cour en dalles grises au milieu d’un préau dont les colonnes à la fois simples et sophistiquées semblent exprimer une contradiction interne à la limite de la révélation philosophique. Au milieu, un simple bassin dans lequel une eau stagnante reflète le ciel. Nous le contournons pour rentrer dans le bâtiment où Mojisuke me guide dans les couloirs.

_____Dans une bibliothèque, il me sort un petit livre noir dans lequel sont recensées les armes qui firent et font les légendes. Je les regarde une par une et mon ami n’est pas avare en anecdotes et explications. De temps en temps, il s’étonne qu’une personne telle que moi s’intéresse à ce genre d’outils mais je réplique en lui disant que je n’aime pas la manière dont je suis sagement rangée dans la catégorie « telle que moi ». J’ai le droit de m’intéresser aux meitous même si je suis une fille, mince alors ! Ne voulant manifestement pas me vexer, mon noble Hatamoto n’insiste pas trop dans cette direction. Soudain, il me vient une envie pressante et je me confonds en excuse afin de m’éclipser en toute dignité. Une fois l’urgence réglée, je ressors tranquillement du petit coin et je croise un gros labrador noir qui tient dans sa gueule un long pinceau en bois.

— Arrêtez-le, me crie-t-on.

_____Dans un réflexe, je prends le toutou dans mes bras et son poursuivant, un jeune homme habillé d’une robe rouge à motifs noirs, court jusqu’à moi puis reprend péniblement sa respiration. Le chien, quant à lui, semble bien apprécier le câlin que je lui fais et remue la queue avec frénésie. Je le repose dès que le garçon a récupéré son pinceau. Un peu gêné, il prend la peine de m’expliquer la situation :

— Merci ! Depuis que le Maître a tenté de lui apprendre à faire ses besoins tout seul, il n’arrête pas de voler des choses et de les déposer dans la cuvette. C’est dangereux ! Imaginez qu’un objet important disparaisse ainsi dans la chasse d’eau ! Ce serait dramatique, n’est-ce pas ? Mais bien entendu, ce n’est jamais arrivé, Dieu soit loué.
— Oui-oui, bien sûr, fais plus attention à l’avenir.
— Merci encore !

_____Sur ces mots, cet étrange personnage repart comme il est venu. Je retourne donc auprès de mon samouraï qui semble vivement intéressé par cette anecdote, comme s’il venait de comprendre quelque chose. Mais nous n’entrons pas plus dans les détails et nous en revenons rapidement au catalogue des meitous. Effectivement, le Shinda Yuken est inscrit dans la liste comme étant l’épée au tranchant de Lune de Sachimoto. La seule chose à peu près surprenante, c’est que l’arme est inscrite comme étant perdue alors qu’elle a manifestement été retrouvée. Mon accompagnateur me rassure en m’apprenant que le registre n’est que rarement mis à jour, à l’occasion de l’enregistrement d’un nouveau meitou par exemple. L’image qui est représentée dans le répertoire ressemble comme deux gouttes d’eau à l’arme qu’il m’a été donné de voir plus tôt dans la journée. Pas de doute : c’est bien un meitou ! Il tiendrait son nom du fait que ledit Sachimoto, lors d’une nuit de pleine Lune, aurait été contraint de tuer ses anciens camarades qui avaient trahi le Shogun et menaçaient sérieusement de perturber l’équilibre de Shimotsuki. Bien que cet acte de bravoure soit digne d’éloge, il n’est fait mention nulle part d’un éventuel sauvetage de tout East Blue. Peut-être que ses compagnons avaient un plan machiavélique qu’ils auraient pu mener à bien s’ils n’avaient pas été arrêtés, qui sait ?

_____Le lendemain, alors que je profite d’un temps libre bien mérité, je suis prise à parti par trois personnes habillées de noir. Elles portent chacune un katana dont le fourreau est richement décoré de motifs d’or qui représentent un dragon. Oh, il me semble les avoir déjà vus quelque part, ceux-là !

— Dis-moi, Miyake, tu sembles t’intéresser de près aux histoires de meitous, d’après les rumeurs.


Dernière édition par Anatara le Jeu 5 Déc 2019 - 13:08, édité 2 fois
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— Euh, qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

_____Miyake, c’est le nom qu’ils m’ont attribué le jour de notre rencontre. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai pas osé leur dire que je ne m’appelais pas Miyake, sûrement parce que c’était bien pratique pour esquiver la question « quelle école t’a formée ? ». Malheureusement, le mensonge appelle au mensonge et il m’est désormais impossible de leur annoncer que je m’appelle en fait Anatara, ou alors je risque d’avoir de gros soucis. Pour l’instant, ça ne me dérange pas trop, je trouve ça plutôt amusant. J’ai l’impression d’être une sorte d’agent secrète infiltrée en tant que geisha pour une mission de la plus haute importance !

— Ta visite au Marteau, c’était pour quoi faire, exactement ?
— Euh, ben c’est Mojisuke qui m’a invitée, il m’a dit qu’il voulait me montrer le registre !
— Mojisuke, vraiment ? Que sais-tu de Mojisuke, au juste ?
— Euh, pas grand-chose… Il avait l’air de bien m’apprécier, c’est tout.
— Bon, si c’est Mojisuke, je suppose qu’il sait ce qu’il fait.
— À quoi pense-t-il ?
— T’a-t-il dit quelque chose à propos du Shinda Yuken ?

_____Bon sang mais qu’est-ce qu’ils sont perturbants à toujours parler tous les trois à la fois ! Je ne sais pas auquel je dois m’adresser quand je leur réponds, du coup !

— Hein ? Euh, c’est vrai qu’on en a parlé un peu mais on a surtout parlé de Kaguya, l’épée lunaire ! Vous saviez qu’elle a été forgée sur la Lune, par le Dieu Ener lui-même ? Moi je trouve ça incroyable. Oh, et on a aussi parlé de Respora, la mangeuse d’hommes ! Elle aurait été forgée dans les profondeurs abyssales ! Vous y croyez, vous ? Comment peut-on chauffer le fer à blanc sous la mer ? Moi ça me dépasse…
— C’est bon, c’est bon…
— Elle dit la vérité.
— Désolés de t’importuner, geisha.
— Il y a un problème avec les meitous ?
— Je croyais que tu ne t’y intéressais pas, dit celui du milieu.
— Ben, oui, forcément que je m’y intéresse un peu, ce n’est pas un crime que je sache ! Mais vous m’avez littéralement agressée en me demandant pourquoi je me suis rendue au Marteau, faut dire qu’il y a de quoi se poser des questions !
— Te pose pas trop de questions.
— Ce n’est pas ton problème.
— On s’occupe de ça. Le moins tu en sais, le mieux tu te portes.

_____Bon, bon, puisque c’est comme ça je m’en retourne à mes activités touristiques. Voyons voir, dans quel coin est-ce que je n’ai pas été ? Tiens, mais c’est une boutique de bonbons ! La Chourik’o bonbons, mais quel endroit  fantastique! L’enseigne du bâtiment porte une écriture enfantine et colorée, couronnée par une sucette en sucre d’orge dont les spirales rouges m’hypnotisent vers la porte d’entrée. À l’intérieur, des milliers de bonbons ! Il y en a des étagères entières, des sélections, des compositions, des bonbons exotiques ! Oh, mais quelle trouvaille ! Soucieuse de ne pas flinguer ma santé, je me retiens d’acheter un de chaque et je jette mon dévolu sur un berlingot du Royaume de Bliss, une délicieuse confiserie aux goûts multiples et prononcés. Après avoir longuement discuté avec Mme Gato, une charmante grand-mère avec qui j’ai partagé de nombreuses recettes de pâtisserie, j’ai été initiée à l’art de la composition des ballotins et j’ai même eu le droit à quelques conseils visant à créer mes propres bonbons ! Décidément, la vie est pleine de surprises ; j’ai vraiment bien fait de rester aussi longtemps sur Shimotsuki. À partir d’aujourd’hui, je reviendrai tous les jours car j’ai la ferme intention d’apprendre l’art de créer des friandises !


— Mademoiselle, votre costume vous va à ravir ! Et vous dansez merveilleusement bien !
— Mademoiselle, j’organise la semaine prochaine l’anniversaire des trente-cinq ans de mon entreprise de production de saké. Seriez-vous disponible pour y effectuer un spectacle ? Je vous dédommagerai, bien entendu.

_____Une fois encore, le spectacle a eu beaucoup de succès et de nombreux invités viennent me parler pour me féliciter. Je suis contente d’avoir fait plaisir à tous ces gens, vraiment ! J’apprécie énormément de faire ce métier et je crois que je commence à comprendre ce que disait Hanzo quand il parlait de « mériter son aumône ». Oui, parce que tous ces gens qui viennent me parler, ils me donnent des pourboires… Et pas n’importe quels pourboires : environs trois mille berries chacun ! Avec la trentaine d’invités, ça me fait tellement de berries que je n’arrive même plus à les compter sur mes doigts, et tout ça en une seule soirée ! Il n’y a pas à dire, être geisha c’est nettement plus lucratif qu’être marchande… je devrais peut-être penser à me reconvertir. Certes, les revenus dépendent de mes performances et si je ne suis invitée à aucun événement ou si les spectateurs ne m’apprécient pas, je peux en théorie ne gagner presque rien mais c’est pareil pour la condition de marchande indépendante : mes revenus dépendaient de mes ventes.

— Allez, venez, prenez place ! Versez-vous un verre. Très bien, à vous.
— À vous !
— Oh, vous avez débordé ! Buvez !
— Buvez !
— Cinq.
— Sabres d’arrêt.
— Non, le sept de cœur c’est la cours d’arrêt, pas le sabre d’arrêt.
— Pardon ? Ah, il est vrai, au temps pour moi. Buvons.
— Buvez.
— Le maître a bu, vous devez tous boire.
— Votre coéquipier a bu, vous devez boire !
— Ah bon ? Mais j’ai déjà bu à cause du maître.
— Eh bien, buvez deux fois !
— Oh, vous avez versé à côté : buvez !
— Buvez !

_____Après avoir vaincu tous mes adversaires au « jeu de cartes » (participer à ce genre de jeux fait partie du rôle des geishas, mais je dois avouer que ce n’est pas de refus !), j’aperçois quelqu’un que j’ai déjà croisé par deux fois. Ichioka Tadaka. Il est brin, avec des cheveux épais coiffés à l’aide d’un gel brillant qui les maintient sur le côté en toute circonstance. Son visage est imberbe et neutre, avec juste quelques cicatrices de rasage que l’on peut apercevoir si l’on regarde de très près. Ses yeux sont tellement bridés qu’ils semblent en permanence fermés, ce qui lui donne un air moqueur et insupportable. Sa voix est cassante, suffisante et autoritaire. Il me donne autant de considérations qu’à une marchandise et me parle d’un ton méprisant, voire menaçant.

— Dis-moi, gagnes-tu bien ta vie, en tant que geisha ?
— Oh oui, je m’enrichis bien vite !
— Sais-tu qu’avec moi, tu pourrais t’enrichir encore plus vite ?
— Pardon, qu’est-ce que vous voulez dire par là ?
— Tu devrais essayer de nouer cet obi devant toi, au lieu de derrière toi.
— Je ne vous permets pas ! Qu’est-ce que vous insinuez ?
— Allons, ne t’énerve pas. De nombreuses femmes comme toi sont venues chercher ma protection. Des femmes démunies, sans nom, sans histoire. Je leur offre un travail qu’elles prennent beaucoup de plaisir à effectuer. Grâce à moi, elles ont pu se refaire une vie et continuer leur chemin dans la haute société, faire table rase en quelques sortes. N’est-ce pas ce que tu veux, Miyake ?


Dernière édition par Anatara le Jeu 5 Déc 2019 - 13:29, édité 2 fois
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— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

_____Sans plus de procédures, je lui fausse compagnie et je viens me réfugier dans les bras du vieux Fudai Isao, un homme grincheux mais protecteur qui ne refuse jamais la présence de la gente féminine. Il m’explique qu’Ichioka est un yakuza qui s’occupe d’un juteux commerce de services nocturnes, un kyodai. Cela signifie qu’il n’est pas tout à fait en bas de la hiérarchie mais presque : il est ce que l’on appelle un « grand frère » dans le folklore… je ne devrais donc pas trop me faire voir à ses côtés, de peur que les gens se fassent de mauvaises idées. Lorsque je lui pose la question, le monsieur qui lui ressemble comme deux s’appelle Ichioka Ichida, c’est son aîné. Il a les cheveux noirs, coiffés de l’autre côté que son frangin, est légèrement plus petit et possède un grain de beauté sur la joue gauche. Mais à part ça, on dirait une copie conforme ! Lui, il gère l’industrie du divertissement. C’est lui qui m’a placée dans ma maison de geishas. Contrairement à son cadet, dont la voix semble rabaisser ses interlocuteurs, il parle d’une voix hautaine et distinguée, comme s’il voulait se montrer supérieur (ce qui revient au même, tout bien réfléchi). En ce moment, il est en pleine conversation avec un sombre inconnu à qui il se vante de sa dernière réussite :

— J’ai remporté le contrat pour la salle Roronnoa.
— Ah, vraiment ? Je croyais qu’elle appartenait aux Iwamura ?
— Non, pas vraiment. Elle appartenait à la collectivité ; c’est juste que le Shogun a simplement favorisé les Iwamura jusque-là… mais je lui ai proposé une offre encore plus avantageuse, et c’est moi qui l’ai remporté ! Wahahawa !
— Félicitations : la fortune te sourira.
— Merci, merci.

_____Le benjamin de la fratrie Ichioka se prénomme Sue. Il a les mêmes yeux et le même sourire prétentieux que ses deux frères mais son front est plus grand et ses cheveux plus longs et plus minces. Ils tirent sur le châtain et sont coiffés en arrière, ce qui agrandit encore plus son front, lui donne un air faussement intelligent et révèle un début de calvitie.  D’après le Seigneur Fudai, il s’occupe de trafics plus ou moins légaux incluant drogues, armes et enfants ; encore que pour ces derniers, il s’agit très certainement d’une rumeur visant à effrayer les moins sages de tous les garnements. Lui, il faut s'en rapprocher un peu pour entendre les propos qu'il échange avec un confident qui semble être son ami :

— Mais dîtes-moi, Ichioka, vos affaires vont au mieux ces derniers temps n’est-ce pas ?
— Oui, n’est-ce pas ? Bwouawouahaha !
— J’ai entendu dire que vous aviez ouvert un nouveau commerce, il y a quelques mois.
— Tout à fait. Nous vendons des sabres à l’export : des caisses entières d’armes de la meilleure facture quittent chaque jour le port de Logue Town pour être distribuées partout dans le monde. Mais nous disposons de notre propre échoppe, bien entendu.
— C’est étrange, car je me suis rendu à Logue Town dernièrement et je n’ai pas trouvé de magasin nouvellement ouvert qui propose des sabres de Shimotsuki… Vous ne feriez pas dans le blanchiment d’argent, par hasard ? Je vous tiens en haute estime, mais faîtes attention à ne pas être trop gourmand…
— Vous vous méprenez, mon ami : c’est parce que la boutique est basée sur une petite île annexe du nom de Gisvöm, et dont on n’entend que très rarement parler. Cela aurait été préférable de se baser directement sur Logue Town pour éviter un trajet de plus mais le prix du 7 y est tellement élevé du fait de la surabondance de commerces que j’ai préféré m’implanter juste à côté. De toute façon, ce n’est vraiment pas loin et les spécialistes savent venir nous chercher. Ce n’est qu’une question de réputation après tout.
— Hum, vraiment ? Il me semble avoir déjà entendu ce nom quelque part… vous avez sans doute raison, mes excuses.

_____Le père, Ichioka Tetsuya, est à la tête d’un casino très rentable et gère d’autres jeux de hasard ainsi que des paris sportifs et un tournoi d’arts martiaux. D’après mon interlocuteur, il ne s’est pas montré en public depuis très longtemps mais n’en reste pas moins extrêmement influant. En bref, ces trois-là sont relativement puissants et il vaut mieux ne pas avoir affaire à eux. Ce sont eux qui m’ont abordée pour la première fois alors que je jouais dans la rue, et qui m’ont appelée Miyake. Ces trois frères qui me sont tombés dessus le lendemain de ma visite au Marteau. Et maintenant, ils sont là, dans cette salle de réception où leur présence est plus que facultative. Est-ce qu’ils me surveillent ?

_____Tadaka a sous-entendu qu’il savait que je n’étais pas Miyake, et il me fait même du chantage pour que je devienne sa prostituée… dans quoi est-ce que je me suis fourrée, au juste ? Quelque chose ne tourne pas rond, quelque chose de grave. Et, pour une raison quelconque, j’ai la certitude viscérale que je suis au beau milieu d’un maelstrom  d’anomalies que je n’ai pas encore détectées. Préoccupée par mes inquiétudes et par un mauvais pressentiment qui se fait de plus en plus fort au fur et à mesure que la journée continue, je m’évertue à éviter les trois yakuzas et je suis bien incapable de pleinement profiter de mon après-midi. C’est décidé : ce soir, j’irai à la boutique de bonbons pour me changer les idées.
______

7. Le jō est une unité de mesure pour les surfaces valant à peu près 1,6562 m², ce qui correspond à la surface d'un tatami. Elle est couramment utilisée pour exprimer la surface d'une pièce.


Dernière édition par Anatara le Jeu 5 Déc 2019 - 14:08, édité 5 fois
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— J’ai toujours aimé les fraises, vous voyez ? Et cet homme, qui avait un ventre si délicieusement rebondi, avec ce haut rouge à petits points jaunes et ses cheveux verts en forme de feuilles, il m’a fait comme un coup de foudre. Je l’ai suivi quelques minutes, j’ai repéré son trajet quotidien mais, le jour où j’ai enfin trouvé le courage d’aller lui parler, il a pris la fuite en criant que je le harcelais ! Vous savez, je ne suis pas une harceleuse, c’est juste que je n’ai pas osé aller lui parler tout de suite et maintenant je ne peux même plus l’approcher ! C’est l’homme de ma vie, vous comprenez ? L’homme de ma vie, sniiiff.

_____La jeune fille pleurniche sur mes épaules et je la console du mieux que je peux, à grands renforts de câlins et de patpat.

— Oui, c’est ça, c’est bien, pleure un petit peu, ça ira mieux après.
— Eh bien, Ana, je crois que tu as découvert une recette détonante !

_____Désabusée, j’acquiesce à la remarque amusée de madame Gâto. Oui, on dirait que ça pousse les gens à dire ce qu’ils ont sur le cœur. Heureusement pour moi qui vois passer beaucoup trop d’inconnus depuis le début de la soirée, tous n’ont pas pour autant trouvé le courage de délier leur langue. J’ai eu le droit à l’histoire émouvante d’une pauvre petite fille de quinze ans qui a perdu son chat, son fidèle et mignon compagnon qui veillait sur elle depuis le jour de sa naissance. Je lui ai expliqué que les chats vivaient moins longtemps que les humains et qu’il était mort heureux, emmitouflé dans ses bras mais ça n’a pas vraiment été pour la consoler. Désolée, j’ai pleuré avec elle et j’ai fait de mon mieux pour la réconforter en la prenant dans mes bras. Je lui ai dit que les chats avaient neuf vies et qu’il s’était sûrement réincarné quelque part, où il vivait une vie bien confortable de pacha. Ensuite, la meilleure chose que j’ai trouvée à faire a été de me taire et de laisser le temps faire son travail.

_____Comment j’en suis arrivée là ? Après mon dernier spectacle et la réception qu’il s’est ensuivi, madame Gato a continué ses leçons de confection de friandises et m’a même proposé d’essayer mes propres recettes. En mélangeant des ingrédients à l’intuition, j’ai eu plus ou moins de succès mais j’ai fini par aboutir sur cette miraculeuse dragée acidulée et fruitée qui possède manifestement une propriété étonnante. Malheureusement, je n’ai pas noté toutes les étapes et je suis bien incapable de dire comment je m’y suis prise. Les clients de ce soir seront donc les seuls à profiter de cette séance de catharsis gratuite.

— Vous savez, je suis artisan, moi ! Je travaille le bois.
— Oui, c’est bien monsieur.
— Je fais des sculptures finement détaillées, et je prends même des commandes de hauts fonctionnaires et de personnalités importantes.
— Vous pouvez être fier de vous.
— Oui, mademoiselle : fier ! D’ailleurs, c’est moi qui ai fait la décoration de la plupart des maisons, ici. Les portes, les devantures, et même les toitures. Toutes les résidences des plus riches et des plus raffinés ont été faites par moi-même ! Moi et mes apprentis.
— Ah, vraiment ?
— Oui, s’il vous plait ! Je suis un grand artisan, n’est-ce pas ? Je mérite ma place au centre d’Honnoji, n’est-ce pas ?
— Quelqu’un vous a-t-il dit le contraire ?
— Oui, ce sont ces yakuzas ! Ils veulent que je quitte la ville. Ils prétendent que je ne fais pas assez de chiffre d’affaire et menacent de laisser ma place à un orfèvre…
— Oh, je suis désolée… les affaires vont mal ?
— Très mal. J’ai beaucoup de concurrence dans le domaine de la sculpture. Aujourd’hui, même les luthiers font des petites statuettes pour gonfler leurs ventes, mais moi je fais du travail de précision vous comprenez ? Je suis le seul à faire ça. Pourtant, il y a de moins en moins de monde que ça intéresse…
— Allons, je suis sûre que votre savoir-faire peut intéresser des gens…
— Bien sûr ! Tenez, pas plus tard que le mois dernier, j’ai reçu une commande du Maître Forgeron lui-même.
— Ah, vous voyez ?
— Oui, cela m’a demandé un vrai travail ! Une rigueur à toute épreuve, une minutie micrométrique ! Ils m’ont donné un modèle fin et précis, que j’ai dû suivre à la lettre, étape par étape pour y parvenir. Ah, ce n’était pas facile, non : la moindre erreur et le Marteau ne pouvait plus tamponner ses certifications. Je ne sais pas à quoi ça lui sert mais ça avait l’air important, pour eux. Ils m’ont choisi parce que je suis le meilleur, vous m’entendez ? Le meilleur !
— Oui, je vois. C’est bien, c’est bien.

_____Pffiou, quelle dure journée ! Au moins, je me suis sentie utile : applaudie, acclamée, j’ai apporté mon lot de bonheur à la ville le jour et, à l’aide du pouvoir des friandises, j’ai aidé les gens à surmonter leurs difficultés le soir. Parfois, c’est mieux de ne pas garder pour soi ce qu’on a sur le cœur. Il faut tout laisser sortir, parler, évacuer. Ce n’est pas ça qui va régler le problème mais au moins pleurer un bon coup permet de se sentir mieux, et après on peut aller de l’avant, se poser les bonnes questions, attaquer les choses de front. Certes, à la fin de la journée je n’étais plus très attentive et j’ai plus fait office de défouloir émotionnel que de cellule d’aide psychologique mais qu’est-ce que j’y peux ? La psychologie, ce n’est pas mon métier et j’ai fait ce que j’ai pu pour aider les gens de mon empathie naturelle. Mais au bout d’un moment, le sac s’est rempli et tout ce qui est venu après lui a coulé dessus sans entrer à l’intérieur. Allez, je me prends un repas rapide, une douche et tout de suite au lit !

_____Le lendemain, j’ai craqué. Le surplus d’émotions, de honte, d’imposture et de culpabilité a eu raison de ma peur et de ma pudeur. J’ai tout avoué.

— Miyake, tu ne travailles pas assez, les autres geish…
— Je ne m’appelle pas Miyake. Je suis Anatara. Pardon, je vous ai menti.

_____La personne qui se trouve devant moi s'appelle Okasan8. Elle-même geisha, elle est de vingt ans mon aînée et c'est elle qui gère plus ou moins les affaires de la maison. Affublée d'une robe blanche et noire qui lui donne une apparence sévère et autoritaire, elle est d'un tempérament inégal qui varie aléatoirement du cassant au maternel. En ce moment, elle est dans une période maman-poule qui couve ses petits protégés, et c'est avec une bienveillance à la limite de l'exaspérant qu'elle m'est tombée dessus pour me conseiller de m'entraîner d'avantage.

— … Pardon ? Mais… pourquoi ?
— Je suis une étrangère, je viens de Sirup et je cherchais un métier. Hanzo m’a donné des affaires et m’a dit d’aller dans ce quartier en me faisant passer pour une geisha… Puis il y a eu ces trois yakuzas, et…
— Hanzo ?? Tu as bien dit Hanzo ?
— Oui, le maître épéiste ! Il m’a hébergée pendant un moment et j’ai dû faire la cuisine en échange.
— Hum, je vois. Et… il ne t’a rien dit d’autre ?
— Ah… euh…

_____Oui, il m’a dit un truc du genre « quoi qu’il arrive, ne parle surtout pas de moi ». Oups.
_____

8. Okasan est le nom donné traditionnellement à la patronne d'une maison de geisha, il signifie "mère" en japonais.


Dernière édition par Anatara le Mer 8 Avr 2020 - 11:11, édité 3 fois
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_____Le visage d'Okasan est passé de la bienveillance à l'incompréhension puis à la surprise mais est revenu bien vite à la bienveillance... avec un petit soupçon de sens des affaires, sans doute.

— Oui ? Tu peux tout me dire tu sais ?
— Non, enfin, si : il m’a fait un discours sur l’art de mendier et il m’a interdit de parler de lui… Je ne comprends pas !
— Oui, je suppose qu’il voulait juste t’aider. Bon, ce n’est pas grave. Tu as largement fait tes preuves : nous avons déjà deux mécènes qui nous ont fait des propositions pour un spectacle. Si tu veux, tu peux rester parmi nous et nous t’offrirons une formation de geisha. On aura juste à leur dire que Miyake est ton nom scène et puis c’est tout.
— C’est tout ?
— Oui, c’est tout. C’est juste un nom, il n’y a pas de quoi en faire un plat. C’est normal pour une geisha d’avoir un nom de scène, tu sais.
— Mais… je vous ai menti.
— Oui, et tu as eu raison sinon on ne t’aurait jamais prise. Tu nous as forcés à te donner une chance, alors maintenant saisis-la.
— Merci.
— Par contre, tu vas faire demi-tour et tu vas aller commencer ta formation… tout de suite ! Je te vois venir à partir faire je-ne-sais quoi en ville, là. Sois plus sérieuse si tu veux rester parmi nous.
— Oui, je ferai plus d’efforts. Vous pouvez compter sur moi !

_____Au bout d’une semaine, j’ai complété ma formation intensive et je suis désormais une geisha à part entière, et mon nom commence tout doucement à percer dans le monde du spectacle. Je dis désormais à tout le monde que Miyake est mon nom de scène mais que je m’appelle Anatara, ça me soulage un peu la conscience. J’ai encore donné un spectacle mais Okasan ne veut pas faire de moi une privilégiée alors je n’ai eu le droit qu’à un petit rôle tertiaire (c’est encore plus que secondaire) aux côtés d’autres geishas en formation qui n’ont d’ailleurs rien à m’envier. En fait, je pense qu’une grande partie de mon succès est dû à mon manque de formation – et donc à mon comportement atypique – et à mon type, à savoir mes cheveux roux et mes yeux verts, particularités qu’on ne retrouve pas souvent chez les gens du pays.



_____Les trente-cinq ans de l’industrie Sa & Ke se sont remarquablement bien déroulés. Les frères Dorinku, qui organisaient l’événement, ont réservé une salle de fête en bordure de ville. Ils l’ont décorée de couronnes de fleurs (de riz), de grandes bouteilles (vides) avec de nombreuses inscriptions et souhaits de bonheur dessus et de nappes blanches (au début) qui recouvraient sobrement les tables montées sur tréteaux. Après avoir fait un interminable discours qui commençait et finissait par des remerciements, ils ont servi quelques amuse-bouches et rempli nos verres (d’eau) le temps que les musiciens fassent leur entrée. Après une série de spectacles dont le scénario tournait toujours autour du saké, j’ai été invitée à participer à des jeux à boire et à faire quelques démonstrations de danse et de chant supplémentaires. L’une d’entre elles, particulièrement osée, a provoqué des sifflements à la limite entre l’admiration et l’offuscation ; mais heureusement pour ma réputation, j’étais loin d’être la plus bourrée ! Après avoir été remerciée, je me suis traînée à l’extérieur en espérant pouvoir rentrer à la maison sans faire de mauvaises rencontres. La nuit était déjà tombée mais la Lune était pleine et les différentes lanternes qui éclairaient les rues offraient suffisamment de lumière pour me mettre en confiance. C’est ainsi que, au bout de la rue, j’ai pu reconnaître une personne aux cheveux épais et coiffés sur le côté. Elle me tournait le dos. Grande, elle se tenait bien droite, avec un dangereux katana qui se pavanait à sa ceinture.

Hic.

_____Je m’arrête net, les mains sur la bouche. Il ne m’a peut-être pas vue. Je me réfugie dans une rue latérale pour échapper à son regard et un petit coup d’œil m’indique qu’il me tourne toujours le dos. Il se met alors à marcher en sifflotant mains dans les poches. Embrumée par les alcools, je suis donc ce mauvais garçon et telle une farandole, nous semblons entre les maisons – moi, agent du Cipher Pol et lui la révolution9. Je le suis en dehors de la ville, guidée par la trace de ses pas, son sifflotement est fébrile, je peux le suivre sans compas.

_____Au bout de quelques heures, nous arrivons dans un hameau reculé qui fait face au ressac. « La retraite de la grisaille du matin », indique un panneau que j’ai toutes les difficultés du monde à lire. Il fait sombre, il fait froid, il fait nuit, il n’y a pas d’étoile mais la mer reflète la Lune qui reflète le Soleil et c’est magnifique. Les quelques maisons des pêcheurs qui vivent ici se dessinent au pied des falaises, point d’entrée sur un autre monde. Là, des inconnus dorment paisiblement et rêvent de sirènes, de grosses prises et de la fête du village qui aura lieu un jour. Ils rêvent de partir, parfois. Partir pour connaître d’autres immensités bleutées, d’autres vies. Et partout où ils iront, la mer sera là pour les nourrir. Je scrute encore quelques instants pour essayer de deviner à quoi ressemble l’endroit en plein jour mais un bruit de frottement attire mon attention.

_____Ah, oui. J’ai suivi quelqu’un jusqu’ici, mais qu’importe ? Autant aller dans ce hameau : les maisons y sont belles et les odeurs accueillantes. J’entends un claquement, plusieurs claquements, en fait. Répétés. D’où viennent-ils ? Les échos ne me facilitant pas la tâche, je m’engage entre les habitations. Balcons fleuris, potagers, filets de pêche qui sèchent, canoés et pagaies. Je m’imagine une vie tranquille, loin de tout, loin du monde, avec la pêche et la culture de betteraves pour seul quotidien et l’appel de la mer pour seul horizon. Une nouvelle série de bruits métalliques, étouffée dans le lointain, attire mon attention. Cette fois, j’ai le temps d’en identifier la source avant que le son ne se répercute dans tous les sens, semblant alors venir de partout et de nulle part à la fois. Je longe le bord de mer sur plusieurs centaines de mètres puis je trouve un escalier qui s’enfonce dans les profondeurs de la roche. Devrais-je y aller ?
_____

9. Cette formulation étrange est une référence à un poème de Guillaume Apollinaire que l'on peut retrouver dans le recueil Alcools. Elle a été minutieusement choisie pour souligner l'état d'ébriété du personnage ;p. Pour la culture, la poésie en question s'appelle "La Chanson du mal-aimé" et commence par les deux strophes suivantes :
Un soir de demi-brume à Londres
Un voyou qui ressemblait à
Mon amour vint à ma rencontre
Et le regard qu'il me jeta
Me fit baisser les yeux de honte

Je suivis ce mauvais garçon
Qui sifflotait mains dans les poches
Nous semblions entre les maisons
Onde ouverte de la Mer Rouge
Lui les Hébreux moi Pharaon


Dernière édition par Anatara le Jeu 5 Déc 2019 - 14:44, édité 2 fois
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_____Par curiosité, je descends maladroitement les marches et m’engage dans une fente qui me permet de me faufiler dans les entrailles de la montagne. Il fait noir comme dans un four, et j’hésite à faire demi-tour de peur de rester coincée comme une pignouf. Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire mais maman emploie ce mot, parfois, surtout quand je fais des bêtises qui viennent à bout de son incommensurable patience. Bref, typiquement dans ce genre de situation. Au bout d’un moment, le passage se fait moins étroit et une lumière blafarde parvient à mes yeux. Je débouche dans un endroit très surprenant qui ressemble plus à un souterrain aménagé qu’à une caverne ou une grotte. Éclairée par de nombreuses rangées de torches, la pièce est pavée de dalles plates en pierres grises et possède un plafond muni d’un lustre qui n’émet malheureusement aucune lumière. Sur le sol, de nombreux établis contiennent des outils en tous genres, minutieusement rangés et ordonnés. Pinces, tenailles, marteaux, charbon, bois, huiles, récipients… On y trouve aussi des pièces de métal de toutes les formes et quelques épées.

_____Sur ma gauche, au pied d’un foyer se trouvent quelques cendres qui n’ont pas été nettoyées, vestiges d’un feu récent. Ce foyer semble d’ailleurs bien curieux car son ouverture est minuscule, encore plus petite que pour un four. Un énorme soufflet lui est relié, ce qui subodore l’hypothèse du fourneau. Je ne sais pas à quoi il sert, mais ce n’est pas pour le chauffage ! Sur le côté, je remarque un bec de versement qui débouche sur une matrice de lames, et je vois d’autres matrices qui prennent d’autres formes rangées non loin de là. Au centre de la pièce se trouve une enclume.

_____Alors que je poursuis mon exploration de l’endroit, j’entends un lointain ruissellement qui semble venir de la droite. En effet, le côté d’où je viens n’est pas muré, et on peut voir que la roche est légèrement humide, ce qui n’est pas si étonnant vu la proximité de la mer. Dans l’interstice entre le mur et la roche, j’aperçois quelque chose qu’il me semble avoir déjà vu quelque part. Un caillou, parfaitement lisse et ovale, est coincé à hauteur de genou. Il brille d’un arc-en-ciel de couleurs, avec des dominances de bleu et de rouge. À ce moment-là, le bruit d’un sabre qu’on dégaine manque de me tuer d’une crise cardiaque.

— Nous avons vérifié, dit la voix. Miyake a bien quitté l’île.
— Alors maintenant dis-nous : qui es-tu ? Qu’est-ce que tu sais ?
— Qui t’a envoyée ? Parle !

_____L’un est derrière moi, il me bloque l’étroit passage par lequel je suis arrivée. Les deux autres sont devant, ils bloquent la seule autre issue de la pièce, une ouverture sans porte qui débouche sur ce qui semble être un interminable couloir, éclairé tout du long par de grands flambeaux. Les jeux d’ombres sur leurs visages rendent les trois frères encore plus effrayants et plus orgueilleux qu’à l’accoutumée. Ils ont tous les trois dégainé leur katana et, revenant d’une fête où j’ai trop bu de saké, je ne suis bien évidemment pas armée. Même Steeve (mon couteau-pistolet), qui d’habitude ne me quitte jamais, reste bien sagement dans mon sac depuis que je suis devenue geisha.

— Mais, euh, de quoi… vous parlez ?
— Arrête de jouer l’innocente !
— Tu ne trompes personne !

_____Encore une fois, ils parlent tous les trois en même temps et c’est d’autant plus perturbant qu’ils sont placés de part et d’autre de moi, si bien que j’ai du mal à ranger les mots dans le bon sens et à comprendre la signification de chaque phrase. Pendant que je suis occupée à trier toutes ces informations qui me parviennent dans le désordre, l’un d’entre eux en rajoute une couche :

— Tu nous espionnes. Sinon, pourquoi m’aurais-tu suivi ?
— Euh, c’est parce que… hic ! Je trouvais ça… amusant, hic.

_____Mince, mon hoquet est revenu, je dois vraiment avoir l’air bête. Malheureusement, il le prend mal et réagit plutôt violemment :

— Tu te fous de moi ! On va te butter !
— Attends, attends. On trouvera bien un moyen de la faire parler.
— Te fous pas de nous !
— Mais… puisque je vous dis… que je… n’ai… ne sais pas… de quoi… vous parlez !
— Elle est bourrée.
— Qu’est-ce que tu attends, va l’attraper !
— J’y vais, ne la laissez pas s’échapper !

_____Tiens, c’est marrant, ça bouge.

— Tu ne m’attraperas pas-euh, na-na-nère !
— Arrête de jouer !
— Hééé, tu… triches ! Tu as utilisé… hic, ton arme, ça ne… compte pas.
— Elle est sérieuse ?
— Tiens, prends-toi ça !
— Aïeuh !

_____Son coup d’épée m’a touchée au bras de plein fouet, me propulsant contre un bidon d’huile. Le choc me coupe le souffle et mon hoquet disparaît sur le champ. Heureusement, il m’a frappée du côté non tranchant de la lame, sans quoi je serais devenue manchote. Voire morte. Parce qu’un katana, entre les mains de la mauvaise personne, ça peut facilement couper quelqu’un en deux. Tout bien réfléchi, je trouve la situation beaucoup moins drôle et beaucoup plus sérieuse. Je suis donc dans cette salle souterraine et sans issue, avec un yakuza qui veut m’attraper et deux autres qui m’interdisent tout espoir de fuite. Bien. Ah, et je suis totalement sobre, aussi. J’essaie de raisonner, j’essaie de réfléchir mais le simple fait de résister à la douce euphorie prodiguée par la boisson et l’irrépressible envie de dormir qui va avec me consomme toutes mes capacités neuronales.

_____Je saute pour éviter une nouvelle attaque au sabre, fais une galipette avant pour échapper à ses bras, poursuis sur deux ou trois petites pirouettes et cours autour de la forge pour lui échapper. Il l’enjambe, me saute dessus mais je le repousse de mon pied. Il revient à la charge de plus belle, enchaîne une série de mouvements tape-à-l’œil qui me donnent le tournis, feinte, contre-feinte, s’attaque à mes jambes pour me déséquilibrer puis conclut sur un puissant et très appuyé coup à l’estomac qui me fait rendre mon dîner et un bout de mon déjeuner. Beurp. À l’odeur pestilentielle du vomi se mêle une charmante odeur d’alcool, et j’ai de fait les idées plus claires.

— Ça suffit, ne la sous-estime pas : ce n’est pas une simple geisha.
— Coupe-lui les jambes, elle arrêtera de sauter partout.
— Oui, et on a de quoi cautériser la plaie.

_____Ah non, hein ! Pas mes pauvres jambes si belles et innocentes ! J’en ai besoin, moi ! Se battant désormais sérieusement, le trafiquant (que je reconnais à ses cheveux coiffés en arrière, je crois qu’il s’appelle Sue, de mémoire) enchaîne des mouvements rapides qui visent essentiellement mes appuis, mais parfois également mes bras lorsque ceux-ci s’éloignent trop de mon torse. Il abat son arme en diagonale et je l’esquive en me contorsionnant sur le côté, il fait l’autre diagonale et je me penche de l’autre côté, il saute, il tente de me prendre à revers, lance une attaque circulaire au niveau de mon torse mais je sais qu’il vise en fait mes jambes alors je saute à pieds joints pour effectuer une rapide montée de genoux, comme à l’échauffement. Profitant que je sois encore dans les airs, il enchaîne à la vitesse de l’éclair sur une deuxième attaque ; je ne pourrai pas l’esquiver !

_____En dernier recours, je pare son coup en apposant la plante de mes pieds sur sa main forte, ce qui me déséquilibre au-delà du rattrapable et je me retrouve projetée à l’autre bout de la pièce. Ouch. Alors que je m’aide de mes bras pour me relever, ma main touche un instrument long et métallique. Un tisonnier ! Ah-ah ! Munie de ma nouvelle arme, je bloque in extremis la frappe suivante, me relève et enclenche la contre-attaque.


Dernière édition par Anatara le Mer 8 Avr 2020 - 11:12, édité 3 fois
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_____Malheureusement, son arme est bien plus longue que la mienne et il garde un avantage non négligeable. Je ne peux que défendre, et j’ai même besoin de mes deux mains pour stopper ses coups qui se font de plus en plus lourds et de plus en plus destructeurs. J’esquive le plus possible, afin de limiter les risques de me faire couper un doigt… le tisonnier n’a pas de garde, et mon adversaire l’a bien compris : maintenant, à chaque fois que je décide de me protéger plutôt que d’éviter, il fait aussitôt glisser le tranchant sur mon bout de fer, dans une direction ou dans l’autre, menaçant de me m’alléger d’un doigt voire de la main !

_____Je tente de contre-attaquer, je vais de l’avant, je me sers que mon bâton de fer comme d’une masse, je le frappe mais lui aussi sait esquiver et contrer ! Chacun de mes assauts m’expose à une réplique mortelle, et je me fais de plus en plus timide. Il est rapide, bien plus que moi, en fait. Si seulement je n’étais pas en robe de geisha, aussi ! Bon, penser à la solution. Mon malheureux bout de ferraille ne fait pas le poids face à sa lame de presque un mètre de long, un mètre cinquante si l’on compte la poignée. Il me faut autre chose ! Tout en esquivant le coup suivant, je fais tourner mes méninges à plein régime et je me souviens subitement avoir vu des épées quelques part. Mince, c’était où, déjà ?

_____Afin de pouvoir balayer la pièce du regard sans quitter mon ennemi des yeux, je tente de lui tourner autour mais il me bloque la voie par une pluie d’attaques. Je saute en arrière et j’en profite pour hasarder un regard sur ma droite – le foyer et les matrices de moulages ; pas là. Je me relance alors dans la mêlée et je repère brièvement une ouverture ! Sans réfléchir, je longe son arme pour le frapper à la poitrine avec la pointe – pas très acérée, j’en conviens, de la mienne. Hélas, c’était un piège ! Il se saisit de mon poignet et abat son arme de toutes ses forces.


_____À ce moment, mon corps bouge de lui-même. J’ai simplement retiré ma main, emportant la sienne avec la mienne. Développant une force insoupçonnée, la totalité des muscles de ma jambe gauche, de mon bassin, de mon abdomen, de mon torse, de mon bras et même de mon avant-bras n’ont aucun mal à triompher de ses simples biceps. Son coup de katana ne s’arrête pas pour autant. Vision d’horreur.

Ouaaargh !
— Petit frère ! Qu’est-ce qu’il se passe ?
— Arrête de plaisanter, petit frère, t’es pas drôle.

_____Mais le petit frère ne plaisante pas. Je reste immobile, ne sachant que faire. La vue de cette mutilation me retourne l’estomac. J’ai mal pour lui, je suis tellement désolée ! Tout cela est de ma faute, c’est un incroyable malentendu mais maintenant que le mal est fait, on ne pourra plus retourner en arrière… quoi que.

— Vite, il faut lui faire un garrot ! Apportez des bandages, il perd son sang.
— Ne me touche pas !

_____Dans le doute, je ramasse l’arme qu’il a lâchée sur le coup de la douleur et je presse sa lame contre son cou.

— C’est votre frère, non ? Vous voulez le sauver, n’est-ce pas ? Bouge pas, toi !

_____Ses deux frangins hochent la tête et celui qui gardait la sortie vers le couloir de flammes s’y engouffre en courant. Malheureusement, le principal concerné n’est pas de cet avis et tente de m’asséner un poing qui manque cruellement de puissance. Je l’invite poliment à s’aligner sur l’horizontale en le frappant de toutes mes forces du plat de l’épée. Comme son frère semble vouloir émettre une protestation, je pose la pointe de la lame sur la pomme d’Adam de ma victime et je lui intime de ne pas bouger puis de me donner son arme, ce qu’il accepte de faire sans discuter. Je lui dis alors de se retourner et de rester bien sagement immobile et j’entreprends de défaire mon obi.

_____L’obi des geishas est un looooong tissu qui sert à refermer leur kimono à l’aide d’un nœud super-compliqué. L’enlever et le mettre est un interminable et fastidieux exercice qui nécessite généralement l’aide de quelqu’un, mais je ne peux pas me permettre de faire confiance au frère cheveux-sur-la-gauche (le brun). Quelqu’un m’a donné son prénom à un moment mais impossible de savoir si c’était Tadaka ou Ichida. Hum, si : de mémoire le cadet est brun et l’aîné a les cheveux noirs donc ça doit être Tadaka ! Bref, on s’en fout ! Toujours est-il que ce qui me sert de ceinture est suffisamment long pour pouvoir être amputé d’un bon morceau et servir de garrot sans pour autant perdre sa fonctionnalité originale. Une fois un généreux bout de tissu découpé, je mobilise mes connaissances de premiers secours pour lui faire un nœud des plus efficaces qui arrête aussitôt le saignement.

_____Bien. Maintenant, je vais pouvoir me rhabiller. Ah, et tant que j’y suis, j’en profite pour me faire un ourlet sommaire qui raccourcit suffisamment ma robe pour ne plus me prendre les pieds dedans. Certes, je n’ai pas de nécessaire de couture sous la main mais par contre j’ai un katana ! C’est pareil. Oui, quoi ? Ah, oui, les priorités. La personne qui est en train de me claquer entre les doigts. Oui, c’est vrai, j’avais oublié. Mais techniquement il y a son frère qui est parti en courant donc il doit certainement être en train d’amener de quoi s’occuper de lui, non ? En attendant, je m’adresse à Tadaka pour lui réclamer plus d’explications sur leur soudaine hostilité :

— Bon, sérieusement : c’est quoi votre problème ? Pourquoi vous vouliez me couper les jambes ? Vous êtes fous ou quoi ? Tout ça ne serait pas arrivé si vous n’aviez pas pété les plombs !

_____Mon interlocuteur me tourne le dos et semble bouillir de rage. Il se retourne, ce qui ne me dérange pas plus que ça puisque j’ai fini ma petite séance de relooking. Il fait quelques pas vers moi, que je juge menaçants. Il a toujours cette démarche fière, ses épaules bien droites, sa tête qui me regarde de haut… Comment peut-il rester aussi altier en de telles circonstances ? Histoire de freiner sa marche impériale, je tapote la gorge de mon otage avec le tranchant de la lame, provoquant une coupure aussi bénigne qu’accidentelle. Il s’arrête aussitôt, il est si rouge qu’il semble sur le point d’exploser ; je vois qu’il se retient de parler, car s’il parle ce sera sans doute des flopées de jurons qui sortiront de sa bouche. Une veine palpite furieusement sur sa tempe.

— Tu joues encore les innocentes ? Ce n’est pas la peine de bluffer, à ce stade. Ta couverture est fichue.
— Quelle couverture ? C’est une robe ! Et je l’ai découpée pour sauver ton frère je te rappelle.
— Tu en connais, des geishas capables de battre un yakuza armé d’un katana avec un simple bout de ferraille ?
— Euh, ben, euh… mais je suis vraiment geisha ! J’ai reçu une formation et tout.
— Je n’en doute pas. J’ai vu tes performances. C’est ça qui m’épate le plus. C’est ça qui nous a trompés, aussi.
— Tu ne serais pas en train de te rapprocher discrètement, par hasard ? Recule !
— Écarte-toi !

_____Le troisième frère fait irruption dans la salle avec une armoire blanche sur roulettes. Les portes de l’armoire sont mal fermées et déversent seringues, liquides en tout genre, compresses, pansements et cotons. Il sort d’abord un sérum translucide qu’il applique sur une gaze et tapote minutieusement toute la surface de la plaie. Il réitère l’opération avec un autre tissu et de l’autre côté de la plaie. Puis, le plus simplement du monde, il appose une sorte de pâte blanche sur le moignon et recolle la main par-dessus.


Dernière édition par Anatara le Mer 8 Avr 2020 - 11:13, édité 3 fois
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— Tiens-moi ça, me dit-il.
— Euh, d’accord.

_____Il sort alors une aiguille et un fil qu’il désinfecte d’un coup de pulvérisateur et entreprend de recoudre tout autour de la coupure. Il fait plusieurs tours, et je suis bien contente que le patient soit inconscient parce que ça doit faire vachement mal. Une fois son manège effectué, il lui fait boire de l’eau (enfin en tout cas ça y ressemble mais en fait je ne sais pas trop ce que c’est), pose un rouleau de tissu entre ses dents et entreprends de défaire le garrot.

— Euh, mais… et l’hémorragie ?

_____Effectivement, dès que le nœud est desserré, du sang coule abondamment de l’avant-bras sectionné du benjamin.

— Ne t’en fais pas, on va mettre un pansement dit l’aîné en joignant le geste à la parole.

_____Mais il est sérieux ? Bon, je suppose qu’il sait ce qu’il fait. Après tout ce cirque, il tire son frère par les épaules et disparaît de nouveau dans le couloir, nous léguant l’étrange armoire à pharmacie qui n’a pas fini de déverser son contenu par terre. Désabusée, je hausse les épaules et je m’assois sur l’enclume, sans pour autant lâcher le katana que j’ai si durement gagné. Après une minute de silence, Tadaka se rapproche un peu pour entamer la conversation.

— Est-ce Oyabun qui t’envoie ?
— Non, c’est qui ?
— C’est le boss de notre groupe.
— Votre groupe ? Vous n’êtes pas que trois, plus votre père ?
— Non, il y a tout le reste de la famille. Les grands-frères, les petits frères, les lieutenants, les comptables, les conseillers juridiques, les bureaucrates et notre grand chef.

_____À chaque nouvelle personne citée, il s’avance un petit peu plus. Mais tous les trois pas, j’agite mon katana et ça le fait de nouveau reculer.

— Ben dis-donc, elle est grande votre famille. Je n’en avais jamais entendu parler avant.
— C’est normal, on est des yakuzas. On aime être discrets.
— Ah. Mais c’est pas illégal d’être yakuza ?
— Pas ici. Écoute, je ne sais pas ce qui me retient de t’arracher la gorge. Tout de suite !
— J’ai un katana.

_____Devant cette remarque pleine de bon sens, Tadaka perd un peu de sa fierté et marque un semblant d’hésitation. Certain d’avoir l’avantage du terrain, il cherche à gagner du temps et prononce des menaces stériles du genre « tu n’as pas idée d’où est-ce que tu as fourré les pieds, gnagnagnan », ou encore « toute la famille en aura après toi, scrogneugneuh ». J’essaie de lui poser quelques questions mais ce n’est apparemment pas l’heure des confessions. Bon, pour l’instant j’ai l’avantage du katana mais le troisième larron peut très bien appeler des renforts et quelque chose me dit que couper la main de son frère adoré n’était pas la meilleure chose à faire pour lui faire passer l’idée de m’alléger de mes jambes… bon, techniquement il s’est coupé la main tout seul, en plus ce n’est pas si grave puisqu’on l’a recollée. Mais n’empêche que je ferais mieux de ne pas rester ici, dans ce quasi cul-de-sac dont la seule issue est un passage hyper étroit et profondément obscur qui mène à un escalier qui pourrait très facilement s’avérer mortel en cas de chute de flèches.

_____Je ramasse donc le deuxième katana et, tout en ignorant superbement les cris et les menaces qui m’interdisent de le faire, je m’engage dans ce curieux couloir. Il y a de puissants flambeaux de chaque côté, tous les quatre pas environs, ce qui rend le passage très chaud et lumineux. Il continue sur au moins quatre cent pas, avec une pente nette assez fatigante à gravir. Une fois arrivée au bout, je débouche sur une salle terriblement sombre par rapport à la luminosité du couloir. Le temps que mes yeux se réadaptent à l’obscurité, de nombreuses ombres me sautent dessus.

— C’est elle !
— Non, c’est pas moi !

_____Après cette lamentable tentative de plaidoirie, j’opte pour une retraite tactique dans le couloir où les flammes jouent en ma faveur en aveuglant mes assaillants. Ils sont trois, en plus d’Ichida qui a toujours son katana. Ne sachant pas trop comment me servir de deux sabres à la fois, je décide d’en jeter un derrière les flammes et j’empoigne l’autre à deux mains. Bien. On va voir ce que vaut l’enseignement de Hanzo contre des professionnels du crime !


Dernière édition par Anatara le Jeu 5 Déc 2019 - 15:20, édité 2 fois
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_____En quelques pas bien ajustés, j’esquive la première attaque sans difficulté et réplique d’un coup de coude. Mon agresseur, une fille en tenue de soirée rose qui porte un bonnet de nuit avec des oreilles de lapin, fait un pas de trop sur le côté et renverse un flambeau qui provoque une petite explosion de chaleur et des gerbes de flamme qui viennent mettre le feu à son pyjama. Paniquée, la femme se déshabille et s’enfuit en courant pour éviter d’exposer sa nudité trop longtemps.

_____Mon deuxième adversaire est un homme qui porte un caleçon qui laisse entrevoir sa "virilité" en érection. Il est tellement distrait et amusé par ce qui vient juste de se passer qu’il en a oublié de terminer son attaque. Je lui mets un coup de pied dans l’entre-jambe et découpe son seul vêtement en deux temps, trois mouvements de katana, ce qui a le don de lui faire imiter sa prédécesseure.

_____Mon troisième adversaire est plus sérieux, c’est une fille qui porte des habits noir et blanc, qui font directement penser à un panda. Bon, d’accord : avec la capuche repliée que je n’ai pas vue tout de suite, c’est un panda. D’ailleurs, comme tout panda qui se respecte, elle se bat avec des nunchakus en bambou qu’elle fait tournoyer dangereusement pour m’attaquer en rythme. Le combat s’avère des plus dangereux. Peu de gens le savent, mais les pandas-guerriers sont les êtres les plus puissants de notre univers. Leur pouvoir serait sans limite et ils pourraient même inverser le ciel et la terre d’un seul coup de museau. Je me prépare du mieux que je peux.

_____J’ai beaucoup de mal à lutter avec mon katana : si je pare une attaque d’un côté, la chaîne s’enroule autour de mon arme et ça devient très difficile d’éviter ou de bloquer de l’autre côté. Je suis obligée de me débattre furieusement pour dégager ma lame de cette mauvaise passe et je m’explose à subir de nombreux coups, tous plus douloureux les uns que les autres. Heureusement, son arme n’est pas létale sinon je serais déjà morte plusieurs fois !

_____Si j’esquive un coup, mon geste me rend complètement vulnérable face au suivant, et des fois elle attaque avec ses deux côtés simultanément pour anticiper mes mouvements. Mon seul avantage réside dans la différence de portée entre nos deux armes, et du coup je peux assez facilement la tenir à distance. Malgré cela, j’ai les lèvres tuméfiées et une grosse bosse sur la tête. Le combat s’annonce mal.

— Attendez, je vous dis que ce n’est pas moi ! Je n’ai rien fait !

_____Sans prêter attention à mes protestations, mon adversaire enchaîne de nombreuses attaques aussi impressionnantes que mortelles. Je suis obligée de mobiliser toutes mes connaissances récemment acquises pour faire face ; je bouge intelligemment, j’abats mon sabre, j’enchaîne sur une remontée en diagonale puis j’abats à nouveau. Je dessine un arc de cercle, je renverse un nouveau flambeau mais elle saute en arrière, indemne. Rapidement, nous arrivons à une impasse, aucun n’arrivant à gagner l’avantage sur l’autre. Je gagne parfois du terrain mais alors elle se replie dans l’ombre où l’un des trois frères m’attend à n’en pas douter, et je n’ose pas vraiment la poursuivre de peur de me retrouver seule face à deux adversaires. Mais réciproquement, elle a beau me faire reculer avec ses nunchakus, je regagne assez facilement tout le terrain perdu en quelques coups bien ajustés.

_____Nous combattons sur un pied d’égalité et, au fur et à mesure que notre combat fait d’esquives, de feintes et de contre-attaques s’éternise, il fait de plus en plus sombre parce que les porteurs de lumières sont pulvérisés l’un après l’autre par nos soins.

_____Après avoir esquivé un énième coup de nunchaku dans un mouvement de contorsion impossible, je décide de couper le problème à sa source. Je me concentre, je guette le bon moment, je travaille ma respiration, visualise le geste dans ma tête, rate une occasion, réessaie, échoue une première fois puis, d’un puissant revers, tranche net ce qui sert de garde à mon ennemie. Celle-ci ne semble pas plus perturbée que ça et elle réplique en abattant sa deuxième arme. Cette fois-ci, je tranche la partie mobile de son arme et elle se retrouve avec un bout de bambou de quinze centimètres dans une main et une chaîne dans l’autre. Qu’à cela ne tienne : elle tente de recycler son arme en fouet mais la longueur n’est pas suffisante pour me faire mal : j’encaisse simplement le choc en me protégeant le visage de mon avant-bras et je réplique en la cognant très fort avec mon katana. Quelques coups plus tard, elle finit par se retrouver au tapis, assommée.

_____Il fait sombre, à présent. Suffisamment pour que l’obscurité de la salle du bout du couloir ne soit plus un handicap. Je m’y engage sur mes gardes, consciente qu’il y reste encore un adversaire, et sans doute le plus dangereux d’entre tous : Ichida, l’aîné ! Je bloque son attaque surprise in extremis et le repousse de toutes mes forces, je donne quelques frappes de grande ampleur et il est obligé de sauter en arrière, se baisser, virevolter. Il saute sur une colonne de marbre, rebondit, disparaît quelque part dans l’obscurité puis resurgit de nulle-part, me sautant dessus depuis ce qui semble être une décoration du mur, une excroissance en pierre ou que sais-je encore.

_____Son arme est lourde et impitoyable, je peine à la bloquer complètement. La pointe de mon arme se brise sur le sol, créant un deuxième point d’appui qui me permet de tenir. Le tranchant de son épée glisse contre le plat de la mienne et je profite qu’il n’ait pas encore eu le temps de se rétablir de sa propre chute pour initier une contre-attaque. Un premier pas de valse et je lui présente mon flanc, bras tendus. Il se redresse. Un deuxième pas ramène mon deuxième pied près du premier, et mes genoux se fléchissent. Il s’apprête à frapper de nouveau. Un troisième pas et nos deux attaques fusent simultanément dans une danse mortelle.

_____Je longe ses bras puis son torse, mon arme dessinant un croissant de lune du sol au plafond. Il se dérobe en se contorsionnant vers l’arrière tout en poursuivant son geste qui pulvérise le vide où je me trouvais à l’instant. Du sang gicle ; je l’ai coupé de la hanche à l’épaule mais il s’est débrouillé pour ne pas avoir de blessure profonde. Nous nous jugeons du regard. J’étudie ses gestes, les tremblements de son torse qui tente tant bien que mal de résister à la douleur, ses pieds qui se replacent tout doucement, qui glissent sur le sol et nous qui faisons quelques pas, nous déplaçant en cercle. Il est en sueur, ses mains sont moites et il semble avoir du mal à tenir son arme. Il tremble. Soudain, ses yeux s’écarquillent ! Il va passer à l’attaque.

— Maintenant !, s’écrie-t-il en se lançant sur moi.


Dernière édition par Anatara le Jeu 5 Déc 2019 - 15:31, édité 1 fois
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_____Quoi, maintenant ? À qui il parle ? Et là, je fais une erreur de débutante. Je le quitte des yeux pour regarder derrière moi. J’aurais pu sauter sur le côté et me mettre dos au mur, me protéger de mon arme et m’en sortir à très bon compte mais non, il fallait que je regarde. Tadaka, armé du katana que j’ai lancé dans les flammes un peu plus tôt, flammes que j’ai eu la bonne idée de renverser histoire qu’il puisse bien voir son arme gisant derrière, me fonce dessus, pointe en avant. Simultanément, son grand frère fait balancer tout le haut de son corps, comme un mineur qui mobiliserait toute son énergie pour frapper le sol de sa pioche.

_____Alors j’ai le réflexe. D’une pirouette, je tournoie sur moi-même et d’un coup de paume, je dévie la lame de Takada, le bouscule, lui passe derrière et le laisse continuer sa course jusqu’à son frère qui lui-même ne semble pas capable de stopper sa propre attaque. Pour encourager la fratrie à se faire un câlin, je pousse le cadet d’une tape entre les omoplates. L’un rabat son sabre vers le sol pour éviter d’embrocher son propre sang et l’autre dévie son attaque au dernier moment, rasant les murs. Le premier fait un impressionnant saut à la perche avec sabre dans un décollage incontrôlé et il se retrouve aplatit sur le sol dans une position douteuse, avec son aîné entre les cuisses.

_____J’en profite pour m’emparer d’une des deux seules torches qui éclairent la salle et je me précipite au hasard à travers une ouverture ovale qui se situe sur ma gauche. Cul-de-sac. Il s’agit manifestement d’un bureau, avec une étagère et beaucoup de feuilles dessus. Il y a une plume dans son encrier et quelques bouquins, mais la faible luminosité ne me permet pas d’en savoir plus. Je m’apprête à faire demi-tour mais Takada me barre la route : je suis prise au piège.

— Sors de là ! Tout de suite.
— Euh, j’aimerais bien mais tu me bloques le passage.
— Fais pas la maline ! Éloigne-toi de ce bureau.
— Tu veux dire… ce bureau ?
— Non !

_____J’approche dangereusement ma torche du bois du meuble, lequel me semble parfaitement inflammable. Paniqué, le yakuza se précipite sur moi et me force à reculer d’une attaque verticale qui sectionne le bout de ma torche, lequel tombe et me confirme ce dont mes pieds m’avaient déjà informé : le sol est fait d’un dallage de grosses pierres rondes. Dans la foulée, deux mouvements qui manquent bien de me couper en rondelles. Je réplique par des frappes puissantes et précises, et je pulvérise une armoire au passage, ce qui semble désespérer mon adversaire au plus haut point. À ce moment-là, il se passe simultanément deux choses : le bout de ma torche atteint le sol, au niveau du pied du bureau, et Ichida fait irruption dans la pièce avec la deuxième torche, criant des choses inintelligibles et faisant de grands gestes paniqués.

_____Trop tard. Une feuille qui était tombée sur le sol prend feu, menaçant provoquer un incendie. Pour y remédier, Tadaka ampute le bureau d’un de ses pieds, ce qui empêche le feu de se propager. Profitant de ce moment d’inattention, je shoote dans le mobilier déjà déséquilibré pour le faire tomber, renversant son précieux contenu un peu partout dans la pièce. Comme je m’y attendais, les deux frères se précipitent pour contenir maladroitement l’hémorragie de papiers. J’entends quelque chose tomber et rebondir par terre, ce qui monopolise leur attention. J’en profite pour essayer de les contourner : il me suffira d’un ou deux coups d’épées pour me dégager la voie !

_____Hélas, je trébuche sur ce fameux truc qui s’avère être capable de rouler ! Je cours dessus quelques instants pour garder l’équilibre, comme un acrobate sur un ballon mais c’est peine perdue : je me casse la figure, et j’entends l’objet rebondir sur le mur, le mur, le mur, le plafond, le sol et puis plus rien. Ouch. Bonne nouvelle, les frères semblent avoir été hypnotisés par ce qu’il vient de se passer et il ne leur est pas venu à l’esprit qu’ils avaient une occasion en or de me passer au fil de l’épée. Mauvaise nouvelle : tout compte fait, je retire ce que j’ai dit.

_____J’effectue un roulé-boulé qui me sauve tout juste, je me relève d’un bond, me contorsionne pour éviter une deuxième attaque des plus meurtrières et je ferraille de plus belle, consciente que l’heure de la rigolade est terminée. Cette fois, ils ne cherchent plus « simplement » à me couper les jambes : ils veulent me tuer. Leurs attaques deviennent soudainement plus redoutables, plus synchronisées, plus cohérentes, comme si le rouage bien huilé de leur coopération fraternelle s’était enfin remis en marche. Et moi qui ai mis le doigt dans l’engrenage, j’ai bien intérêt à le retirer.

_____Au cours d’une série d’estafilades et autres réjouissances, je parviens à les tenir à distance du mieux que je peux. Je cours, je saute, je feinte, je crie. Le fait que l’un d’entre eux porte une torche et l’obscurité relative jouent en ma faveur. Je les vois, mais ils ne me voient pas aussi bien. J’enjambe le bureau, je piétine les écrits, je renverse une fiole d’encre, je glisse sur une pierre qui se met étonnamment à tourner. Non, je n’ai pas rêvé : elle a bien tourné sur elle-même, sur un axe horizontal. Un petit bruit sec m’indique que les péripéties de l’objet mystérieux ne sont pas encore tout à fait terminées, mais qu’importe. D’un coup bien placé, je brise la garde du premier frère (à cause de l’obscurité je ne sais plus qui est qui). J’enchaîne sur une petite galipette qui me prémunie de la contre-attaque du deuxième et je me retrouve derrière lui. Je lui pique les fesses, ce qui provoque un cri de protestation et de surprise.

_____D’une balayette, j’en amène un au sol et me bats à armes égales avec le second, mais l’autre se relève et je dois me replier ! Heureusement, mon petit manège m’a libéré le chemin vers la sortie et je débouche dans la pièce… plongée dans le noir complet. Tant pis, j’ai pas peur du noir. Enfin, si, mais c’est un secret et entre le noir et les katanas, je préfère encore le noir.


_____Après quelques petits pas précipités durant lesquels j’ai utilisé mon sabre en guise de béquille avec ma main gauche brandie devant ma tête recroquevillée pour éviter tout cognement impromptu, je repère immédiatement ce qui semble être des escaliers. Très bien ! La lumière ! Ils se rapprochent. J’y vois à peu près correctement, suffisamment pour monter les marches à une vitesse raisonnable mais ils déboulent derrière moi. Au bout d’un moment, j’aperçois une lueur : je suis arrivée en haut.

_____Le palier est très grand, éclairé par six torches. Décidément, non seulement ce bâtiment est immense mais en plus quelqu’un s’est amusé à allumer toutes les lumières. N’ayant pas trop le temps de me lancer dans des considérations métaphysiques, j’évalue les différentes options. Sur ma gauche, la rambarde longe le mur et se perd dans les ténèbres. Le ma droite, la même chose, en symétrique. Devant moi, une armoire sans porte où sont rangés de nombreux manteaux. Je remarque que le sol est décoré d’une jolie mosaïque qui forme des sortes de losanges rouges sur fond jaune. Le temps de décider si je dois partir à gauche ou à droite, mes poursuivants m’ont déjà rattrapée.


Dernière édition par Anatara le Mer 8 Avr 2020 - 11:13, édité 2 fois
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_____Nous engageons le combat sur le palier, les deux frères me bloquant chacun une issue. Heureusement, je peux voir ce que fait celui qui est derrière moi grâce à son ombre qui s’étire et qui bouge au rythme de ses mouvements. Mes réflexes sont à leur paroxysme. À leur nombre, j’oppose une force brute et presque sauvage, ainsi que ma vitesse et ma souplesse. Je tourne sur moi-même, je feinte, j’avance de trois pas, j’attaque, en fais reculer un, me retourne et pare le coup qui vient, me dérobe, tente de contourner l’autre mais je dois sauter au sol pour éviter son attaque, je bondis, je vole, je suis à la fois à gauche et à droite, je suis partout, je suis un ouragan.

_____Je tourne, je tourne je tourne et je suis sûre de voir leurs cheveux remuer sous l’effet du vent que ça provoque. Malheureusement, l’un deux parvient à anticiper mon prochain mouvement et me fais un coup bas : un croche-pattes ! Je me ramasse de tout du long, la tête dans les chaussures qui se trouvent au plus bas de la penderie. Pour ne pas finir coupée en deux, je me retourne rapidement et me recroqueville à l’intérieur, me faisant une place entre une gabardine et une vareuse. Je dois reculer encore précipitamment en rampant en arrière, de manière à ne pas finir en brochette et, étonnamment, je ne touche pas le fond : je bascule en arrière.

_____Vivante, je suis vivante ! Je n’arrive pas à y croire. Je me tâte pour vérifier que je suis encore en un seul morceau, je me relève et je tâtonne autour de moi pour me repérer. L’armoire est toujours là mais aucune trace de mes ennemis. Il semblerait que je sois passée de l’autre côté. Je bats des paupières et je plisse les yeux mais rien n’y fait, ça va être tout noir.

— Ta gueule !

_____Les frères concluent leur dispute et surgissent à leur tour de l’armoire dans une gerbe de feu des plus impressionnantes. Apparemment, le porteur de torche (je ne sais plus si c’est l’aîné ou le cadet et ils se ressemblent tellement que je serais bien incapable de le dire ; une histoire de grain de beauté sur la joue et de frange à gauche ou à droite) est parvenu à ne pas mettre le feu à l’armoire, ce qui en soi est un exploit. La lumière me brûle la rétine, aussi dois-je détourner le regard. Sans plus de cérémonie, ils me foncent dessus et je profite du peu de luminosité qu’ils ont la gentillesse de m’apporter pour filer à la révo.

_____Fort heureusement pour moi, ce côté-ci de l’armoire est beaucoup plus raisonnable en termes de surface, et j’ai vite fait de retrouver la sortie, guidée par le cri-cri des insectes, la sensation de l’air frais et la pâle lueur de la Lune. Je débouche sur un jardin plutôt joli, assez typique du coin avec sa petite mare et ses mini-ponts. À ce moment-là, j’ai la désagréable impression d’avoir oublié quelque chose, mais impossible de savoir quoi ! Tant pis, il me faut filer ! D’ailleurs, pourquoi ils ne m’ont pas poursuivie ?

Aaaaaaaah !
Hiiiiiiiii !
Yiiiiiiiiiiiiy !!

_____Une araignée géante, un peu plus grosse que moi, est suspendue au plafond. Les deux gugusses sont pris dans la toile qu’elle a tissée à la sortie et tentent de se dépatouiller en criant leur frustration. Quand est-ce qu’elle a fait ça ? Elle a une grosse tête verte avec une pointe grise et deux yeux globuleux qui font penser à des billes. L’arrière de son corps est énorme, violet, sombre, comme le manteau de quelque adepte du mal, et, à l’arrière de son corps, je vois un petit pic qui reflète la lumière de l’astre nocturne. Elle a huit longues pattes recourbées, non : quatre. Les quatre autres sont plus petites et sont d’ailleurs les seules à bouger : deux à l’avant et deux à l’arrière. L’araignée crie, parce qu’elle a pris feu et son cri est globalement, définitivement, indubitablement… humain. Suraigu, celui d’une petite fille terrifiée. J’ai déjà entendu ça quelque part, dans un spectacle de danse. Il n’y a pas si longtemps, les costumes des danseurs étaient hautement inflammables et comme on s’éclaire à la bougie, ça donne ça.

_____L’araignée s’enfuit, debout sur ses deux pattes arrières et on entend un gros plouf. En attendant, les deux gugusses sont toujours pris dans sa toile, et ils ne semblent pas près de pouvoir s’en dépatouiller. Dans le doute, je les convaincs qu’il est l’heure de dormir et je leur confisque leurs armes, opération pas si difficile que ça puisque ce que j’ai pris pour une toile d'araignée est en fait de simple fils ultrafins qui les maintiennent ligotés. En particulier, ils ne sont pas collants.


_____Je m’éloigne de la propriété, la lumière de la Lune étant amplement suffisante pour me permettre de me déplacer. Progressivement, la pression retombe, la peur disparaît et laisse place à la fatigue. Mes paupières sont lourdes et j’ai sommeil, sommeil, sommeil… Il me faut rentrer chez moi, mais il y a facilement deux heures de marche, à ce rythme. J’ai mal, mes jambes me font horriblement souffrir : j’ai trop poussé dessus. Je sens de terribles courbatures qui risquent de me paralyser pour de bon et je ne sais pas si j’aurai la force de me traîner jusqu’à la maison. Je m’assoie tous les cinquante pas pour faire une pause et soulager mes mollets et mes pieds mais la douleur ne diminue pas, oh là là… J’aimerais m’endormir là mais je risque d’attraper froid, ici, je… j’entends un bruissement. Quelqu’un m’observe.

— Montrez-vous !

_____Je dégaine maladroitement l’un de mes trois katanas et je me mets en garde, ce qui pousse mes jambes au supplice. Non. J’ai fait tout ce chemin, ce n’est pas pour mourir piétinée par un sanglier ! Mais ce n’est pas un sanglier qui surgit des buissons. C’est un homme grand, fier et richement vêtu. Il porte une arme à sa ceinture et un sourire éclatant. Il me montre ses deux mains vides en gage de paix, et je me détends quelque peu. Il fait nuit, et je ne le vois pas parfaitement mais il me semble l’avoir déjà vu quelque part.

— Tu as fait du bon boulot, Anatara, dit une voix derrière lui.
— Maître Hanzo ? Qu’est-ce que… pourquoi vous êtes ici ?


Dernière édition par Anatara le Mer 8 Avr 2020 - 11:14, édité 2 fois
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