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La Couronne d'Émeraude de la reine Kalida (partie 1)



.     C’est un jeune homme brun et souriant. Ses longues mèches serpentent autour de ses oreilles et lui masquent les yeux, lui donnant un air sombre et inquiétant. Il porte un manteau beige noirci par les années ; ou plutôt un cuir foncé dont le marron a passé. Ses vêtements sont trop amples pour lui : il flotte dedans comme une apparition mystérieuse, fantôme sans voix venu d’un mauvais rêve. Car il ne parle pas. Il se contente de contempler avec intensité, d’inspecter, collant presque son nez aux petits objets qui étaient posés sur la table, les fixant de ses pupilles perçantes, brillantes comme deux étoiles perdues dans l’immensité de la nuit. Parfois, il se saisit d’un couteau, d’une boîte ou d’un porte-bonheur. C’est un geste à la fois fulgurant et fébrile, spontané mais timide ; un geste pur, figé dans sa fluidité, sa grandeur : il y a des gestes vrais et des gestes faux, des mouvements consentis et des mouvements voulus – ceux-là sont autres, hors du temps, hors de la volonté ; comme l’eau qui coule sous les ponts. Le garçon est mince, à peine plus grand que moi et ses petits gestes timorés le rendent attachant. Emmuré dans un fascinant mutisme, il ne me laisse entendre que les battements de ses paupières, les froissements de ses habits et les frémissements des arbres bercés par le vent. Depuis quelques minutes, il reste là, à détailler mes curiosités une à une, sans rien dire, sans même demander un prix, sans m’accorder un regard. Loin de m’agacer, ce comportement atypique attise ma curiosité et me pousse à prendre la parole pour briser le silence…

.     Le silence. Il n’existe que dans ma tête, qu’autour de lui car sa présence calme agit comme un bouclier opaque effaçant le vacarme ambiant. Le son des conversations, des annonces, des marchands qui négocient avec leurs clients, qui leur racontent chacun ses petites histoires et les on-dit locaux, tout ceci est filtré, éliminé par mon subconscient subjugué par l’aura mystérieuse de cet envoûtant personnage. Sans dire un mot, il agite une paire de chaussures devant moi, pose des billets sur la table et s’en va.

— Mais, vous ne les avez même pas essayées !

.     Elles sont noires et souples, faites dans un tissu de très bonne qualité qui a encore de longs jours devant lui. Sans rivaliser avec des pointures de marque, elles sont hyper-confortables avec une doublure de la semelle et un rembourrage printemps-hiver qui les rend aussi douillettes que des chaussons… Je comptais en tirer un bon prix. Il les a choisies parmi une impressionnante garde-robe qui réunit des vêtements en tous genre, tous neufs, tous de très bonne qualité, tous emprunts d’une certaine marque d’originalité, tous sauf cette paire de chaussures. Je ramasse machinalement les billets mais toute mon attention est dans sa démarche. Dans son dos ondulant au rythme de ses pas presque glissants qui le soulèvent calmement à intervalles réguliers, comme une plume, comme un bateau porté par les vagues, un oiseau s’élevant à chaque battement d’ailes. Après sa disparition, je fixe la ruelle où je l’ai perdu de vue pendant quelques minutes, toujours aussi insensible à mon entourage.

— Eh, mais c’est pas à toi ça !

.     Toute captivée par cet énigmatique personnage, je n’ai pas remarqué qu’un guignol est en train de fouiner dans les cageots de fruits et légumes… il a déjà vidé tout un étage ! Le saligaud. Je me précipite vers lui et l’empoigne par la veste avant qu’il ait le temps de s’enfuir et le secoue furieusement, comme pour faire tomber les fruits mûrs qu’il vient de faire disparaître.

— Voleur ! Rends-les moi !

.     Je ne suis pas aussi agressive, d’habitude. Mais là, c’est trop ! Ça fait quelques jours que je travaille dans ce bazar, quasiment seule à gérer les ventes, les conseils, les démonstrations et la sécurité du magasin. Les vols se multiplient et à chaque fois je suis tenue pour responsable parce que « tu pourrais très bien t’être servie dans la caisse et prétendre que les marchandises ont disparu ». Gnagnagna, margoulin ! En attendant je dois payer de ma poche et presque tout mon salaire y passe, je n’en peux plus ! Pourquoi est-ce qu’il n’embauche pas plus d’employés, il sait bien que je ne peux pas tout faire, non ? Des fois je me demande s’il ne le fait pas exprès pour booster artificiellement les ventes en encourageant les vols, et du coup c’est moi qui trinque. Mais non, voyons : personne n’est assez fourbe  pour faire ça, si ?

— Mais lâchez-moi, s’écrie-t-il, je n’ai rien fait !
— Je t’ai vu ! Qu’est-ce que tu as fait des fruits qui étaient sur cet étage ?!

.     Ce que je tiens dans mes mains, c’est un petit homme au physique bizarre. Son visage défiguré par les cicatrices et les protubérances n’est pas beau à voir, ses yeux sont désaxés, ses vêtements puent la pisse, l’alcool et la sueur et ses cheveux semblent avoir été arrachés par plaque. Et encore, je n’ai pas vu ce qu’il cache sous son manteau et je n’ai pas spécialement envie de savoir. Bref, le genre de « client » que tout marchand qui se respecte a envie de mettre dehors à coups de pieds dans le derrière dès qu’il en voit un. Moi, il me fait de la peine. J’ai mal pour lui, je ne sais pas quoi faire, mon empathie naturelle prend le dessus.

— Je les ai mangés, pardonnez-moi, j’avais faim !

.     Non, Anatara, ne te laisse pas amadouer, c’est un piège !  Sois forte, sois ferme et mets ta gentillesse de côté pour une fois. C’est vrai que ça m’est arrivé souvent de donner des fruits à des enfants, à des familles ou même à des mendiants. Mais cette fois ces fruits ne sont pas à moi et donner ce qui n’est pas à soi, c’est du vol ! Bon, peut-être que s’il avait demandé gentiment je lui aurais filé une pomme discrètos mais une étagère entière ?! Il se fout de moi ou quoi ?

— Ah, non hein ! Tu ne t’en sortiras pas comme ça. Rends-les-moi !
— Mais, je les ai mangés…
— Alors paie !
— Mais je n’ai pas d’argent !
— Et puis quoi encore ? Tu crois que tu peux te servir comme ça, t’accaparer le bien des autres sous prétexte que tu as faim ? Tu crois que tu mérites ces fruits plus que moi ? Moi aussi j’ai besoin de ces fruits tu sais ! C’est pas parce que tu en as envie que tu peux les prendre comme ça, tu dois me donner quelque chose en échange ! Rends-les moi sinon je te livre à la marine et tu finiras sur l’échafaud ! Je te préviens !!


.     En vérité, je ne peux pas abandonner mon bazar comme ça et il le sait très bien. Cependant, la perspective de l’échafaud semble l’avoir un peu refroidi parce qu’il se souvient soudainement de la double poche dans l’intérieur de son manteau dans laquelle il cache ses objets précieux. Sérieusement, à quel point est-ce qu’il est grand, ce manteau ? Comment est-ce qu’il a pu fourrer une étagère entière de fruits et légumes à l’intérieur ?
— Attends, dit-il, j’ai cette carte. Je suis sûr qu’elle va t’intéresser.

.     Entre ses doigts fébriles couverts de pustules et de furoncles, il brandit un bout de papier parcheminé. Si cette carte avait été un poisson, non seulement il n’aurait pas été frais mais là ce serait carrément un état de décomposition avancé : coupures, déchirures, parties effacées et trouées… Pourtant, la feuille est épaisse et semble de très bonne qualité. On voit qu’elle a subit plus d’une averse mais elle a survécu. Sans doute que ce type trimballe ce truc dans sa poche depuis des années, et qu’il a fini par oublier son existence… Franchement, ça m’a l’air louche.

— Qu’est-ce que c’est ?
— Une carte au trésor, la seule dans le genre. Elle mène tout droit au légendaire trésor de la reine Ladika !
— Jamais entendu parler.
— Tu ne connais pas ?! La reine Ladika, la reine de légende ! Sa fortune s’élèverait à plusieurs milliards de berries, et elle aurait tout laissé là-bas ! Franchement, si j’avais vingt ans – non, dix ans de moins, je serais déjà là-bas à rouler sur l’or et dilapider sa fortune… Mais regarde dans quel état je suis ! Je ne peux plus prendre la mer alors va, prends-là ! Suis les indications et trouve le trésor pour moi. Tu peux tout garder si tu veux, considère ça comme un paiement pour les fruits.
— Plusieurs milliards ?
— Oui, attends : je vais te raconter son histoire…

.     Bon, c’est ce qu’il a dit, mais en attendant sa carte est complètement illisible. Comme on se faisait face et que je ne suis pas forcément très forte en géographie je n’ai pas vraiment fait attention et j’ai pensé que c’était parce qu’elle était à l’envers. J’ai été complètement subjuguée par son discours et son histoire improvisée sur place. Quelle idiote je fais, franchement ! Je me suis encore fait avoir. Bon, j’imagine que je vais devoir la vendre ? On ne sait jamais, peut-être qu’il y a un code secret à déchiffrer que quelqu’un d’assez intelligent pourra vouloir l'acheter pour essayer ! En attendant, à part le fait qu’elle est légèrement en relief par endroits, je ne vois vraiment rien qui pourrait m’aider à la déchiffre… Voyons-voir, je lui mets quel prix ?


Dernière édition par Anatara le Lun 12 Aoû 2019 - 3:19, édité 5 fois
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Cher journal,

Est-ce que tu aimes le cache-cache ?
C'est une question rhétorique évidemment, je sais que tu aimes ça et pour cause: je ne compte plus le nombre de fois où j'ai dû te chercher parce que tu avais eu la bonne idée de te cacher dans une armoire, sur une étagère où tu n'étais pas censé être, derrière mon oreiller, sous une pile de vêtements, ou encore au fond du sac à main où je t'avais déjà cherché trois fois sans te trouver !
J'aime le cache cache au moins autant que toi, j'y suis même très douée ! Mon défaut c'est justement d'être trop forte à ce jeu, si bien qu'à la satisfaction d'avoir la meilleure cachette succède en général la frustration d'en avoir une beaucoup trop bonne et de me dire qu'on ne me trouvera jamais !

Là... c'est exactement pareil. Ça m'avait paru une bonne idée de me cacher en attendant que ma cible rentre chez elle. J'aurais alors pu bondir de l'armoire, m'exclamer "je te tiens, vile canaille !", et lui passer prestement les menottes ! Sauf que je n'ai pas pu résister à la tentation de retirer plusieurs étagères dans l'armoire, de me glisser derrière, puis de réinstaller les planches et les livres qui étaient posés dessus pour une dissimulation parfaite. Ça fait au moins deux heures que je me tiens dans cet espace étriqué, ma cible n'arrive toujours pas et la position accroupie commence à être sérieusement douloureuse !

J'ai perdu la notion du temps lorsque j'entends enfin la porte de la maison s'ouvrir et une personne rentrer. L'homme se déplace d'un pas tranquille, extrêmement fluide et discret ; il pose ses affaires dans un coin, et vaque à ses occupations en ignorant ma présence.
Enfin je peux sortir ! Je commence à soulever la première étagère, puis la seconde, et.... patatras ! Elle tombe en répandant tout son contenu avant de se coincer de travers dans l'emplacement de celle que je viens de retirer !
Il y a un silence pesant, puis une voix inquiète demande, à contrecœur semble-t-il:

"- Il... y a quelqu'un ?"

C'est le moment, journal, où une foule de réponses défilent dans ma tête mais où je n'arrive à en sélectionner aucune. C'est le chat ? Le chien ? Maaaaaow !? Non, il n'y a que les agents en carton qui essaient ce genre d'excuse. Le père noël ? Le... euh... je suis votre nouvelle voisine et je crois que je me suis perdue ? Non ? Tu ne m'aides vraiment pas journal !
Je finis par avouer d'une petite voix:

"- Je suis coincée dans l'armoire, vous pourriez venir m'aider ?"

Silence et stupéfaction de l'autre côté. J'ajoute donc, en articulant davantage.

"- L'étagère est tombée et je n'ai pas assez de place pour la retirer sans tout casser. Vous pourriez m'aider à sortir de là ?"

L'individu finit par se décider, ouvre l'armoire, et me trouve dans une situation que mon amour-propre m'interdit de te décrire, journal ! Avec son aide je réussis à m'extraire de là sans trop abîmer son beau meuble, je récupère mes chaussures à talons, ajuste mon tailleur, puis lui adresse un sourire de remerciement.

"- Heureusement que vous êtes venu ! J'ai des fourmis partout dans le corps !"

Mon sauveur est un jeune homme au visage passablement surpris -il y a de quoi- et au regard pénétrant. Ses longues mèches lui serpentent autour des oreilles et lui cachent en partie la figure en lui donnant un air moitié mystérieux moitié émo. Il a un je-ne-sais-quoi de fascinant, d'envoutant même... Il porte de magnifiques chaussures noires.
J'ignore royalement son interrogation polie, et sans me départir de mon sourire aimable je lui dis:

"- Merci de m'avoir aidée, j'ai passé un temps fou là-dedans ! Vous êtes mon sauveur, monsieur... ?"

C'est à son tour d'ignorer ma question et de lâcher:

"- Qu'est-ce que vous faites ici ?"

Chacun de ses mots a une résonance particulière, comme s'il ne brisait le silence qu'à contrecœur. Ses gestes également ont quelque chose d'inhabituel, d'artificiel. On dirait presque un esprit égaré dans cette maison. Je culpabilise un peu de le déranger comme ça.

"- C'est un peu compliqué mais je vais vous expliquer. Vous vous appelez bien Leprince D. Manchot ?"

La lueur intense de son regard disparaît en un instant, remplacée par une expression beaucoup plus dure.

"- Vous vous trompez, je ne le connais pas. Allez-vous-en, laissez-moi tranquille. Et arrêtez de rentrer dans les armoires des gens !"

Déjà le jeune homme pose sa main dans mon dos et me pousse vers la sortie. Et alors tout se passe en un instant: au même moment nous attaquons tous les deux, lui en dégainant un couteau et moi en lui assénant un splendide coup de pied retourné acrobatique dans les airs en plein sous la mandibule !
La lame me manque de plusieurs centimètres et je la fais tomber de la main de mon adversaire d'un coup bien asséné dans le plexus solaire. Je recule prestement pour l'empêcher de me saisir -ce qu'il ne fait pas, sonné comme il est par mes deux attaques-, reviens à la charge avec un méchant coup de talon en plein sur son pied, et profite de son déséquilibre pour le faire tomber au sol ! Le jeune homme crie, tente de se relever et rampe vers la sortie, mais j'ai vite fait de l'immobiliser avec une clé de bras et de le menotter.
Quoi que tu en dises journal, c'était épique. Et non, ce n'était absolument pas un déchainement de puissance inutile face à un adversaire beaucoup plus faible que moi ! Tu as vu comme il était mystérieux ? Il avait l'air très dangereux ! En plus il avait un couteau.

Le jeune homme me jette un regard terrible, du genre qui pourrait me pétrifier si les yeux savaient faire ça ! Après une hésitation, je retire mon chapeau et dans le doute je le lui pose sur le visage.

♦♦♦♦

Laissant mon prisonnier à ses ruminations, je commence une fouille méticuleuse de sa maison. J'ai déjà passé assez de temps dans son armoire pour savoir qu'il n'y cache rien de suspect, mais je prends mon temps pour inspecter sa cuisine, son salon, et sa chambre. Il y a quelques points clés à visiter lorsque l'on cherche des documents compromettants: d'abord les endroits les plus évidents, parce que tu n'imagines pas journal le nombre de personnes qui rangent simplement toutes les preuves qui suffiraient à les envoyer à Impel Down dans un classeur à l'intérieur de leur bureau ! J'y trouve bien quelques courriers qui montrent que j'ai affaire à un idéaliste enflammé, mais j'espérais mieux et je continue mes recherches.
Après le mobilier je passe aux doubles fonds et aux lattes amovibles dans le plancher. Et la... bingo, je mets la main sur sa réserve de chocolat ! Je déniche également quelques armes dissimulées, et puis enfin le Graal ! Le pied d'une de ses tables sonnait creux, et en le dévissant et en le retournant je fais tomber plusieurs rouleaux de papier qui sentent bon la preuve compromettante !

En parcourant les documents j'y trouve mon bonheur: factures pour des livraisons d'armes, plan de la base de la marine locale qui n'ont rien à faire chez un particulier, et encore un peu de courrier compromettant ! Mon cher journal, avec ça j'ai toutes les preuves que je voulais pour coincer cet activiste révolutionnaire et avec un peu de chance je pourrais remonter jusqu'à quelques-uns de ses complices !

Au milieu des plans de la base de la 16ème division, il y a un autre papier qui attire tout de suite mon attention. En temps normal je ne prête pas trop d'attention aux cartes de navigation vu que ce n'est pas trop mon domaine d'expertise, mais celle-ci a un aspect inhabituel par sa qualité et son épaisseur, et surtout elle ne ressemble à rien de ce que je connais. Il y a une inscription également: "Kalida traesorum maxima pecuniam, plena richessorum". Ce qu'elle représente n'a littéralement aucun sens ! Il faudra que je la fasse expertiser dès que possible, mais en attendant je la garde avec mes autres pièces à conviction.

♦♦♦♦

Cher journal,

Ce que j'aime le plus dans les missions, c'est quand elles sont terminées ! J'ai remis mon captif à la garnison locale, les documents saisis lors de ma fouille sont bien à l'abri avec moi en attendant d'être rapportés et archivés, et mon rapport est déjà rédigé. Mon navire ne part que demain ce qui me laisse une bonne journée pour visiter l'île de Cocoyashi !

J'ai troqué mon tailleur noir contre une robe estivale jaune et blanche, et, une mandarine en cours d'épluchage dans la main je flâne dans les rues de la petite ville portuaire. Après avoir pris le temps d'admirer les jolies petites maisons très typiques qui bordent la place principale, je fais le tour des boutiques dans l'espoir d'y dénicher un petit trésor ou un joli bibelot avant de rentrer.
Mais non journal, je ne vais pas encore dépenser tout mon salaire en bêtises sans intérêt qui vont prendre la poussière dans un carton parce que je n'ai aucun endroit où les ranger ! D'ailleurs je ne vois même pas à quoi tu fais référence ! Ma statue de sirène en bronze est très jolie quoi que tu en dises, et je la sors de son emballage pratiquement à chaque fois que rentre chez moi ! Quant à ma bouée en forme de requin avec un porte gobelet... je suis certaine qu'elle me resservira un jour !

Laissant mes pieds me guider j'entre dans une petite épicerie qui vend de tout, des fruits et légumes jusqu'aux petits ustensiles en tous genres. Après avoir rendu ses salutations à l'aimable vendeuse, je prends le temps d'inspecter les étals et finis par jeter mon dévolu sur une belle robe de plage ornée de motifs de fleurs de cerisier. Après quelques minutes de prospection hasardeuse, je me dirige ensuite vers le comptoir adresse un joli sourire à la vendeuse et lui demande:

"- Peut-être que vous pourriez m'aider ...? Auriez-vous quelques objets typiques de Cocoyashi à me proposer ? Quelque chose qui puisse faire office de souvenir de vacances vous voyez ? Et qui ne..."

Attends voir journal, c'est quoi ça sur son comptoir ? Cette carte... je jurerais que c'est la jumelle de celle que j'ai récupérée lors de ma perquisition hier ! C'est le même genre de papier épais, les mêmes motifs incomplets et incompréhensibles... Et la phrase pratiquement identique: "Kalida traesorum maxima pecuniam, montagna de fricus"
L'air de rien, je poursuis ma phrase en raccrochant le regard de mon interlocutrice:

"- ... soit pas des mandarines évidemment !"

Je fais mine d'inspecter son comptoir mais reviens bien vite à la carte. Trois cent mille berrys ?! Elle se fait plaisir la marchande dis-donc ! Mon chef va me faire les gros yeux si j'essaie de faire passer ça en frais de mission...
Après avoir commenté les quelques médaillons alignés sur sa devanture histoire de ne pas paraître trop vite intéressée, je désigne la carte:

"- C'est une jolie carte ! C'est rare de voir d'aussi belles imitations. Elle a une histoire particulière ?"

A première vue elle semble aussi indéchiffrable que celle que je possède. L'envie me démange de la sortir pour les comparer mais je voudrais être sûre de ne pas avoir affaire à un piège à touristes ! Si ça se trouve le jeune homme que j'ai arrêté hier tient la sienne du même endroit et il a juste payé une fortune pour un morceau de papier sans valeur !

"- Vous ne connaîtriez pas un certain Leprince D. Manchot par hasard ? Non ? Tant pis."

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.     Je m’ennuie. La période de pointe est passée et ça fait au moins deux heures que pas un seul client ne s’est présenté. Pourquoi est-ce que je dois rester aussi tard, je suis gardienne de nuit ou quoi ? Je devrais être dehors, à prendre un bon repas ou à profiter de ce début de soirée. Des fois, je me dis que j’ai raté ma vocation avec mon métier de marchande. C’est une bonne excuse pour parcourir les mers et faire un peu de tourisme mais une bien trop grosse partie de mon temps passe derrière un comptoir ! J’aimerais vivre des aventures trépidantes, découvrir des secrets enfouis et oubliés, explorer des îles inconnues ! Pour la millième fois, mon regard s’attarde sur la soi-disant « carte au trésor ». Elle hante mes pensées. Depuis que je l’ai acquise, je n’ai qu’une envie : rassembler mes affaires et partir. Oui, mais pour aller où ? Le fil de mes pensées s’interrompt soudainement : une cliente ! Chouette, je vais enfin servir à quelque chose.

.     Elle entre dans le magasin avec une démarche de danseuse, sa robe claire se soulevant élégamment à chaque pas. Elle me rend mon sourire et inspecte les différentes marchandises, s’intéressant tout particulièrement aux vêtements. Cette fille, on peut dire qu’elle a du goût. Sa démarche noble, ses vêtements raffinés qui mettent en valeur sa peau blanche et ses longs cheveux blonds par de jolis motifs de la même couleur et ce si joli sourire en attestent largement. Derrière mon comptoir, j’hésite à venir lui proposer de l’aide mais l’exploration du bazar semble la rendre si contente que je n’ose pas briser la magie du moment. Finalement, elle vient à moi d’elle-même pour me demander conseil et c’est avec joie que je lui propose ce que ce magasin a de mieux à offrir : des figurines de marines à l’entraînement devenant des héros, de souris, des armes et uniformes en tout genre oh, ça ne l’intéresse pas la marine a priori ; je passe à autre chose. J’ai vu cette lueur étrange dans ses yeux quand j’ai prononcé le mot figurine, alors je tente d’aller dans cette direction.

— Regardez cette fée, c’est un accessoire mignon avec des détails minutieux. Indispensable pour qui veut un souvenir de Cocoyashi !

.     Taillée au millimètre dans de la céramique, elle mesure une quinzaine de centimètres. Pourtant, les plis de sa robe violette et translucide, les couleurs chaudes qu’elle aborde, les traits de son visage et l’exactitude de son expression enjouée, tout est réalisé à la perfection et je pense que ça tient littéralement du chef-d’œuvre, de l’exploit. Je n’ai absolument aucune idée de comment elle a été fabriquée, et c’est ce qui fait toute la magie de cette enchanteresse mystérieuse. Ma cliente marque un instant d’hésitation, est-ce qu’elle se retient d’acheter la figurine ? Si j’insistais un peu plus, elle la prendrait certainement mais apparemment ce n’est pas ce qu’elle cherche. Ses yeux d’un gris si mystérieux brillent intensément : il y a quelque chose qui l’intéresse sur ce comptoir.

— Oh, ces médailles ? Vous avez l’œil madame ! Peu de gens les connaissent ! Ce sont des reproductions de décorations remises aux agents les plus méritants de Cipher Pol ! Celle-ci, on la donne aux agents qui passent dans la première catégorie en signe de reconnaissance pour les services rendus. L’élite de l’élite !

.     Est-ce de la curiosité, de l’ambition ? Cette médaille a décidément provoqué quelque chose chez ma cliente, elle ne la laisse pas indifférente… Mais ce n’est pas ce qu’elle cherche. Qu’est-ce qui pourrait bien l’intéresser ? Cette carte ? Ma carte ? Comment ça c’est une imitation ? Elle est authentique ! Bien sûr qu’elle a une histoire : c’est une carte qui mène directement au trésor de la reine Ladika ! Elle fut la dernière souveraine d’une civilisation prospère qui a vécu bien avant le siècle oublié. On dit que son royaume était fait d’or, de miroirs et de bijoux et que sa capitale brillait de mille feux, même en pleine nuit ! Lorsque la guerre a éclaté, de grands bouleversements se sont opérés et sa civilisation aurait été rayée de la carte. Son ancienne capitale aurait été enfouie sous la végétation et n’attendrait plus que de courageux aventuriers viennent la délivrer de ses ronces et mettre au jour les fabuleux trésors qui s’y trouvent. Ladika elle-même aurait dessiné cette carte afin de pouvoir retrouver sa couronne d’émeraude, cachée quelque part dans l’immensité de l’océan. Rien qu’à elle, la couronne vaudrait au moins cent millions de berries ! Malheureusement, personne ne sait ce qui est advenu de l’île ni du royaume qu’elle abritait, car un siècle entier a été effacé des pages de l’histoire… Je conclus en précisant que cette carte semble illisible, mais qu’il existe sans doute un moyen de la déchiffrer. Ma cliente semble intéressée au plus haut point : aurais-je donc trouvé ce qu’elle cherche ? Mais il manque quelque chose, la suspicion se lit sur son visage.

— Vous ne connaîtriez pas un certain Leprince D. Manchot par hasard ?
— Non pourquoi, c’est un cartographe, un faussaire ?
— Non ? Tant pis.

.     Ben ça alors… elle cherche ce type, c’est pour ça qu’elle est venue ici ? Non, je pense que ça n’a rien à voir. Peut-être que ça lui est venu comme ça, tout d’un coup et qu’elle a tenté sa chance. Je brûle de savoir qui est cet inconnu mais ça ne me regarde pas. Que ce soit son petit ami qui l’a trompée en emportant son argent ou un homme à qui elle veut faire la peau parce qu’elle est en fait une parraine de la mafia et qu’il a fourré son nez là où il ne fallait pas, ça ne me regarde pas. Si elle a envie d’en parler elle m’en parlera mais sinon, ce n’est pas la peine d’insister.

— Hum, pourtant, il m’aurait semblé que…
— Pardon ?

.     Elle sort un rouleau de son sac, se rapproche du comptoir et le déroule. Curieuse, je jette un coup d’œil tout en gardant une distance respectueuse. Ma gestuelle contient une interrogation silencieuse, une demande d’autorisation implicite : je peux regarder ? Apparemment, ça ne la dérange pas car elle me laisse épier sans s’offusquer. C’est une carte ou du moins, ça y ressemble. En fait, elle est étrangement similaire à la mienne dans sa façon d’être incompréhensible, mais à vue de nez je dirais que ce n’est pas la même. Je fais de la place sur le comptoir pour qu’il soit possible d’y disposer les cartes côte à côte et non, ce ne sont pas les mêmes. Cela dit, les similitudes montrent qu’elles ont la même provenance : un faussaire très doué ou bien… les deux pièces d’un même puzzle.

— Il faut peut-être les superposer ?

.     Nous essayons mais peu importe comment nous tournons et retournons la carte de ma visiteuse, il n’y a rien qui correspond.

— Oh, regardez : cette partie-là, elle ressemble à cette partie-là.

.     En effet, ces deux parties semblent pouvoir s’emboîter ou se compléter mais nous avons beau essayer, ça ne marche pas. Quand le haut est en haut, la droite est à gauche et quand la droite est à droite le haut est en bas, mince alors ! Si seulement on pouvait les retourner tous les deux en même temps !

— Dîtes-moi : auriez-vous un miroir ?

.     Un miroir ? Bien sûr que j’ai un miroir ! J’ai tout ce que vous voulez ici. Vous le nommez, je vous l’apporte ! Tenez, prenez celui-ci par exemple : un magnifique miroir ovale qui mettra parfaitement en valeur votre coupe si fine et si délicate à chaque fois que vous passerez devant. Décoré somptueusement, son contour en or forme des motifs tropicaux : fruits exotiques, feuilles de palmier, défenses d’éléphants… le tout se marie étonnamment bien avec un goût raffiné. Comment ? Un plus petit ? Oui, bon, d’accord… j’ai compris. Nous plaçons le miroir contre une carte et l’autre carte sous le miroir. Ce n’est pas forcément pratique mais cette fois, ça colle ! Les deux cartes semblent se superposer ! Mais comment faire pour les rassembler ?

— Auriez-vous de l’encre ?
— Oui, bien sûr.

.     Je rapporte de l’encre et un papier transparent. Je n’ai pas de meilleure idée pour l’instant, mais décalquer deux fois nous permettra d’y voir plus clair… Seulement voilà : décalquer sur un miroir une carte aux détails si minutieux, c’est mission impossible ! En plus, l’encre n’est… l’encre ?

— Oh, c’est vrai ! Ma carte est légèrement en relief ! Peut-être qu’avec de l’encre on pourrait l’imprimer ?

.     Elle me fixe intensément, comme pour me demander si je suis sûre de moi. Ouais, c’est clair que si je me foire adieu la carte et adieu les berries. Bon, au pire ce ne sera pas la première fois que je devrai rembourser des fruits volés. Par contre, elle, elle semble plus hésitante. C’est vrai qu’elle n’a pas forcément envie de gâcher sa carte. Mais on peut imprimer sur la feuille transparente pour commencer ! Je fouille le bazar à la recherche d’une imprimante (puisque je vous dis que j’ai de tout !) et je trouve deux plaques en marbre qui feront parfaitement l’affaire. J’imbibe la première plaque d’encre et dépose délicatement la carte, bien à plat – enfin, dans la mesure où un bout de parchemin roulé déroulé plié corné déplié piétiné détrempé séché et chiffonné peut être mis à plat –avant de la retirer tout aussi délicatement. Bien. C’est plutôt pas mal. Munie d’un pinceau, je remets une couche d’encre sur les parties en relief qui ont été épargnées, prenant bien soin de ne pas déborder. Et oui, le sang d’un peintre coule dans mes veines ! Je dispose une feuille transparente sur un plan de travail en bois (prions pour qu’il ne soit pas taché par l’encre) et, munie de la deuxième plaque, imprime le relief de la carte sur la feuille transparente avant de la retirer fébrilement. Bon, ce n’est potentiellement pas comme ça qu’on se sert d’une imprimante, et maintenant que j’y pense la fonction première de ces plaques en marbre et de cette planche de bois n’est très certainement pas l’imprimerie mais passons. Mon père est peintre, pas imprimeur, on ne peut pas tout savoir. Je souffle sur l’encre pour qu’elle sèche un peu et appose enfin la feuille sur la carte de ma cliente. Cette fois-ci, une fois la bonne rotation trouvée, les deux dessins se superposent parfaitement… oui, bon, d’accord : approximativement. Les gradients d’altitudes, les dessins des vagues et des arbres, les montagnes… tout est lisible ! Pas de doute, il s’agit d’une île ! Et la petite couronne dessinée au-dessus de ce qui ressemble à un temple en pierre, c’est sûrement le trésor !



Dernière édition par Anatara le Mar 6 Aoû 2019 - 4:39, édité 2 fois
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Cher journal,

Je suis tombée sur une vraie perle ! Je parle de la commerçante bien sûr, pas de la carte. Quoique de la carte aussi, car en m'associant avec la première j'ai pu percer à jour le mystère de la seconde ! A nous le trésor de la reine Ladika ! Euh... c'était Ladika ou Kalida ? Peu importe: à moi la "montagna de fricus" !
Tout excitée par ces dessins qui se révèlent avec la superposition du calque sur la carte, je ne retiens pas ma joie ni mon excitation, prenant la marchande par l'épaule et m'exclamant:

"- On a trouvé ! Ouiii !!"

L'idée du calque c'était du génie ! La marchande est vraiment vive et pleine de ressources, et j'ai eu de la chance de tomber sur elle. Je danserais bien de joie tellement je suis ravie, mais les agents du Cipher Pol ne font pas ça même quand ils ne sont pas en mission ! Enfin si certains le font, mais pas ceux qui ont un minimum de dignité.

Évidemment journal, tu aurais raison de penser que je dois tempérer un peu mon enthousiasme. J'ai beau savoir lire une carte, je n'y connais pas grand-chose en navigation: je devine bien que la nôtre indique quelques coordonnées sans doute très utiles quand on sait y faire, des courants maritimes, et un joli dessin de l'île où nous devons nous rendre -qui est relativement précis, lui-, mais je crains que mon expertise ne s'arrête là. De toute manière cette carte ne m'appartient pas vraiment: la première moitié est la propriété de la marchande et la seconde celle du Gouvernement Mondial. Avant de m'investir davantage dans cette histoire de trésor je vais devoir en informer mon supérieur et prendre mes instructions auprès de lui.

"- Dites, y a-t-il un endroit où je pourrais escargophoner tranquillement ? Je dois parler avec mon patron de ..." J'agite la main en direction des deux cartes "... tout ça."

Sur le conseil de la jeune femme je m'isole dehors dans une ruelle à l'arrière de la boutique. Je suis allé directement dehors, et ceux qui prétendront autrement n'en savent rien ils n’étaient pas là ! Après m'être assurée que personne ne me regardait j'utilise un élégant geppou pour monter sur le toit en quelques sautillements fluides et aériens. Une fois calée contre le rebord, à l'abri des regards, je sors mon superbe escargophone modèle Cipher Pol avec option communications cryptées et compartiment secret. Le mien me sert à ranger ma réserve d'élastiques à cheveux.

♦♦♦♦

"PULU PULU PULU... PULU PULU PULU..."

"KLONK"


"- Ici Tartianna -c'est mon nom de code pour la mission-, me recevez-vous monsieur Cheval-de-Minuit ?"

A peine ai-je commencé à parler dans mon escargophone que ma voix se fait plus mystérieuse, à la fois sensuelle et voilée. Une voix digne d'une véritable agent secret !
A l'autre bout du combiné je reconnais la voix de mon coordinateur, l'agent de rang supérieur chargé de superviser ma mission à distance, de répondre à mes besoins et de me donner les directives. Nom de code: Cheval-de-Minuit. Sauf que sa voix est ténue et brouillée, comme s'il avait décroché mais qu'il parlait à distance de son escargophone.

"- Haaa... haaaa..."
"- Monsieur Cheval-de-Minuit ?"
"- Haaan... Hannn..."

Un peu inquiète, je hausse le ton:

"- Monsieur Cheval-de-Minuit ? Chef ? Vous allez bien ?"
"- Haaa... oui, encore..."

Ma voix n'a plus rien de celle d'une espionne sensuelle:

"- Chef ? C'est Tartianna ! Vous savez... ?"
"- Haaa oui, ouiii ! Encore, vas-y encore... !"

Je deviens rouge comme une tomate ! Et ce n'est pas drôle journal, c'est même extrêmement gênant ! Je meurs d'envie de raccrocher mais j'insiste, il me faut bien mes instructions.

"- Chef ? CHEF ? Vous m'entendez ?! C'est Tart... c'est CA-RA-ME-LIE !"

Le bruit cesse à l'autre bout du combiné. Puis j'entends:

"- Gonzague, t'entends ? Il y a quelqu'un ?!"

Soulagée d'avoir enfin un peu attiré l'attention, j'insiste:

"- Oui il y a quelqu'un ! C'est l'ES-CAR-GO-PHONE !"
"- Merde, je crois que c'est l'escargophone."
"- Oui, c'est ce que j'ai dit !"

Nouveaux bruits désordonnés de l'autre côté, puis j'entends la voix de mon agent référent, l'air plutôt énervé mais proche du combiné au moins cette fois.

"- Oui ?! C'est pour quoi ?!"
"- Chef ? C'est Tart ... -eh puis zut !- c'est l'agent d'Izigny."
"- Caramélie ? Mais qu'est-ce que vous fichez ma petite, elle n'est pas finie votre mission ?"

Je sais bien qu'il croit être bienveillant en faisant ça, mais un jour cet homme ira en enfer pour m'appeler systématiquement "ma petite". Je sais bien qu'il a soixante ans et moi dix-huit mais ce n'est pas une raison !

"- Il y a du nouveau. Un des documents que j'ai trouvés chez le suspect s'est avéré être une carte au trésor. Je viens de la déchiffrer, et..."
"- Oui, oui. C'est très bien tout ça. Vous m'en parlerez dans votre rapport d'accord ? Et s'il vous plaît, ne m'appelez plus lorsque vous n'êtes pas en mission."

Je suis forcée de parler à toute vitesse de peur qu'il raccroche, ce qui est bien le pire moyen d'avoir l'air convaincante auprès de quelqu'un !

"- Mais justement chef, c'est important ! Il me faudrait un ordre de mission pour pouvoir réquisitionner la seconde partie de la carte qui appartient à une marchande, et me procurer un navire pour..."
"- Ecoutez Caramélie ma petite, vous savez combien de cartes au trésor il existe actuellement dans le monde ? Et sur ce nombre, combien sont en réalité des fausses ou bien des plans indiquant des trésors déjà déterrés depuis des années par des personnes bien plus dégourdies que vous ? Ah, l'époque ou Gold Roger, Tahar Tagel et Toji Chaispasquoi parcouraient le monde c'était clairement autre chose. On avait tout vu, tout fait... les plus grands moment de notre histoire... mais vous ne pouvez pas comprendre..."
"- ... "
"- C'était le temps où les pirates étaient des pirates, où les trésors étaient des trésors, et où on ne perdait pas notre temps au CP5 avec des missions sans intérêt !"

Oui, oui, c'était mieux avant... sauf que l'époque dont il parle était certainement moins bien que l'époque actuelle puisque je n'étais pas née ! Je me garde cependant bien de le contredire, pas folle non plus la Caramélie !

"- Et donc, pour mon ordre de mission ?"
"- Votre mission est terminée ma petite, mon rôle de coordinateur aussi. C'est justement pour ça que je suis actuellement chez mon masseur Alabastien et pas dans mon bureau en train d'attendre un de vos appels. Je passe un très bon moment, très reposant, et je ne désire être dérangé sous aucun prétexte."

J'ignore si c'est un mensonge cette histoire de masseur, mais ça me soulage et je veux y croire !

"- Si vous voulez chasser ce trésor faites donc, mais posez des RTT et je ne veux pas en entendre parler."
"- ... Entendu chef !"
"- N'oubliez pas de me faire parvenir le rapport de votre dernière mission."
"- Oui chef !"
"- Bonjour chez vous. Nous reprenons, Gonzague ?"

♦♦♦♦

Cher journal,

J'ignore si je suis un peu avancée avec cette conversation escargophonique ou pas du tout. Ce qu'il y a de bien avec le Cipher Pol normalement c'est qu'on ne se pose pas trop de questions: on a une mission, une ligne de conduite claire, et tout ce qu'on a à faire c'est de suivre un plan qui nous mène vers notre objectif. Là, je suis dans le flou complet ! Pire encore, sans ordre de mission ça va être compliqué pour obtenir un gentil équipage de la marine qui va me conduire sur l'île au trésor tout en me traitant comme une invitée de marque, tous frais payés !

Lorsque je retourne près du comptoir, la marchande peut voir à ma mine déçue que tout ne se déroule pas comme prévu. Je reste un moment pensive accoudée au comptoir, puis je lui dis:

"- Je vais vous prendre la robe. Ah, et la jolie figurine de fée aussi. Par contre pour la carte c'est un peu plus compliqué..."

J'ai un petit sourire désabusé, et je lui explique -dans les limites du cadre du secret professionnel-:

"- Je suis une fonctionnaire du gouvernement vous voyez ? Je pensais pouvoir faire organiser une expédition mais mes supérieurs ne sont pas très intéressés par une chasse au trésor."

Je prends mon porte-monnaie dans mon sac (je sais journal, je l'ouvre beaucoup trop souvent en ce moment...) et en sors quelques billets que je donne à la marchande.

"- Il n'y a donc plus que nous deux avec deux moitiés de carte..."

... Que je ne peux même pas lui réquisitionner. En plus, maintenant qu'elle a prouvé son intérêt j'imagine qu'elle ne voudra pas céder si facilement sa moitié ! Elle n'est pas bête cette marchande ! D'ailleurs... non, elle n'est pas bête du tout: elle est même plutôt dégourdie. Je me retrouve en elle par certains aspects de sa personnalité, son entrain, et elle est pleine de ressources au sens propre comme au figuré ! C'est en pensant à la manière dont nous avons si naturellement coopéré pour résoudre le mystère que la solution me vient: je n'aurais peut-être pas d'équipage fourni gratis par le CP mais je ne suis pas encore seule !

Nos regards se croisent. J'ignore si elle pense à la même chose que moi mais je me lance:

"- Dites, je vous trouve débrouillarde et intelligente, et je crois que vous êtes une personne honnête. Ça vous tente une chasse au trésor ?"

Je devine toutes les appréhensions qui se bousculent dans la tête de la marchande, c'est pourquoi j'ajoute:

"- Toutes seules nos moitiés de carte ne valent pas grand-chose, mais je suis sûre que ce n'est pas par hasard que nous nous sommes retrouvées toutes les deux au même endroit avec les deux parties de la solution. Si on partage tout ensemble on a toutes nos chances d'y arriver: on a bien réussi à déchiffrer l'énigme !"

Mon naturel optimiste revient très vite alors que je nous vois déjà fendant les eaux en direction de notre trésor, mettant à genoux la jungle indiquée sur la carte, perçant les derniers mystères de la reine Laki-Kalida, et mettant la main sur la fameuse "montagna de fricus" !

"- Si on met la main sur le trésor et si la reine Lakida est bien tout ce que vous m'avez raconté, on aura surement largement de quoi acheter plusieurs boutiques comme la vôtre !"

J'ai littéralement les yeux qui brillent d'enthousiasme ! J'ai moi-même un grand besoin d'argent, et crois-moi journal une famille noble mais désargentée qu'on doit aider c'est un gouffre financier ! Je sais que ça ne sera pas facile, qu'il y aura des frais, et que c'est une expédition qui demandera une préparation minutieuse, mais si je peux ne pas y aller toute seule ça change tout.

"- Ça vous tente de devenir... associées ?"

En même temps que je lui fais ma proposition, je la dévisage d'un regard intense tout en lui tendant la main. Puis, comme si je me souvenais d'un oubli, j'ajoute en lui souriant:

"- Moi c'est Caramélie ! Et vous ?"



Dernière édition par Caramélie le Mer 24 Juil 2019 - 16:24, édité 1 fois
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.     Euphorique et tremblante d’excitation, je dois me retenir de ne pas danser de joie.

— On a trouvé ! Ouiiii !

.     Nous échangeons des regards complices et nous félicitons mutuellement : oui, il y a de quoi être fières ! Seul bémol, la carte n’est pas encore totalement lisible : il y a encore des endroits flous voire complètement inexploitables. En fait, ses deux moitiés sont si abîmées que la superposition n’est pas parfaite et qu’il est impossible de lire certaines lignes correctement, ainsi que de nombreux endroits qui restent très flous d’ailleurs. C’est déjà un miracle que certaines parties soient encore lisibles. Cela dit, j’ai encore une solution : il suffit de les aplatir ! Avec deux fines couches de verre et une nouvelle impression plus méticuleuse, c’est un jeu d’enfant. Deux temps, trois mouvements, nous avons devant nous une nouvelle version bien plus réussie de la carte au trésor, presque parfaite pour tout dire. Je devrais peut-être me reconvertir dans l’imprimerie, finalement ? Aucun risque : je vais devenir chasseuse de trésors !

—  Dîtes, y a-t-il un endroit où je pourrais escargophoner tranquillement ? Je dois parler avec mon patron… de tout ça.

.     Son patron ? Quel patron, qui parle à son patron dans une situation pareille ? Peut-être qu’elle travaille dans une agence de chasseurs de trésors, et que c’est pour ça qu’elle a la deuxième moitié de la carte… Mais bon c’est le soir, son patron n’est sûrement pas au bureau.

— Oui, bien sûr ! Si vous voulez, je peux vous ouvrir la cale qui est derrière le comptoir. Il y fait un peu sombre mais ça devrait aller : vous avez des torches, en bas.

.     Joignant le geste à la parole, j’ouvre la trappe qui permet l’accès à un petit sous-sol où sont gardées certaines victuailles qui réclament du frais.  Il y a en ce moment de la viande et du fromage, mais d’après le boss on y stocke aussi des boissons en été. Elle s’approche timidement de la cale, jette un coup d’œil, fait un brusque mouvement de recul puis bégaie quelque chose comme quoi elle va aller dehors, finalement. Tiens, c’est bizarre, je n’avais pas remarqué qu’elle était aussi pâle… Elle a vu un fantôme ou quoi ? D’un geste, elle se précipite vers l’extérieur aussi rapidement que sa dignité lui permet et prend congé le plus poliment possible. Qu’est-ce qui a bien pu lui faire peur ? Je jette un coup d’œil par curiosité mais je ne vois rien à part des toiles d’araignées… amusant !

— Merci monsieur, au revoir !

.     Je salue le client qui repart avec ses victuailles et laisse vagabonder mes pensées quelques minutes. Tout ça va trop vite, on dirait un rêve éveillé. Bien sûr, déchiffrer la carte n’est que la première étape et il nous reste tellement de questions sans réponse mais… mais tout semble possible ! La jolie blonde revient en faisant la grimace : visiblement, elle n’a pas eu ce qu’elle voulait lors de son entretient escargophonique. Comme si de rien n’était, elle me présente enfin la robe qu’elle a trimballée sous son bras pendant tout ce temps et m’annonce qu’elle la prend, avec la fée en plus !

— Excellent choix madame ! Cette robe vous ira à ravir ! Vous avez besoin d’un sac ?

.     Tandis que je continue de jacasser sur son choix si judicieux, nous revenons irrémédiablement au sujet qui nous intéresse toutes les deux : la carte. Franchement, je suis toute excitée ! C’est une vraie carte en fait ! Quelle est cette île ? Je ne la connais pas et il n’y a aucune indication, mais peut-être que ces quelques lignes énigmatiques permettent de s’y rendre… ce sont des indications, des coordonnées ? Je mobilise les maigres connaissances de navigation que j’ai durement acquises après plus d’un an passé en mer mais rien n’y fait : ce n’est pas un système de coordonnées que je connais.

— Par contre pour la carte c'est un peu plus compliqué.

.     L’air un peu déçu, elle m’explique qu’elle travaille pour le gouvernement et que ses supérieurs viennent de lui refuser sa demande de moyens concernant la carte… Oh, c’était pour ça son petit coup d’escargot tout à l’heure ? Elle travaille pour le gouvernement ! Mais c’est un agent secret ou quoi ? Incroyable, cette femme est incroyable ! D’un grand sourire et des étoiles dans les yeux, je la supplie du regard. Si seulement je pouvais partir à l’aventure ! Si ça ne tenait qu’à moi, je prendrais cette carte et je partirais toute seule, mais le problème c’est que la moitié lui appartient techniquement. Et puis, je ne peux pas abandonner mon travail comme ça, je n’ai pas de moyen de transport ni assez d’argent pour financer une expédition… Ah, si seulement ! Mais il me faudrait recruter un équipage, louer un bateau… sans compter que je ne sais même pas où elle est, cette île !

— Il n’y a donc que nous deux avec nos deux moitiés de carte...

.     Non… Elle ne serait pas en train de penser à ce que je pense, par hasard ? Non, c’est trop beau je sais pas, je… Et puis c’est dangereux, on ne sait pas où l’on va se retrouver, je…

— Dîtes, je vous trouve débrouillarde et intelligente, et je crois que vous êtes une personne honnête. Ça vous tente une chasse au trésor ?

.     Je me retiens de lui sauter au cou : bien sûr que ça me tente ! Mon rêve devient réalité ! Elle a raison : ça ne peut pas être un hasard si l’on s’est rencontré comme ça, c’est forcément le destin. On forme une bonne équipe pas vrai ? J’avoue que j’ai un peu peur de partir comme ça, je déborde d’appréhension en fait. Mais si je suis avec un fonctionnaire du gouvernement ça devrait bien se passer non ? Et à nous le trésor ! Je serre sa main avec enthousiasme et je me présente à mon tour :

— Anatara, mais vous pouvez m’appeler Ana.

.     Nous discutons quelques temps et je lui exprime mes angoisses ; elle me rassure tant qu’elle peut et me dit qu’elle sait se battre, alors il n’y aura pas de danger. Et puis ça fait partie de l’aventure, non ? Ce ne serait pas drôle s’il suffisait de frapper à la porte d’à côté et de demander gentiment « Bonjour, on vient pour le trésor s’il vous plait. » Non, il faut qu’il y ait du danger, de l’inconnu ! du mystère ! Allons, revenons sur la carte. Surexcitées, nous ne voulons plus qu’une chose : savoir où est cette île mystérieuse. Les inscriptions qui étaient jusque-là maladroitement superposées sont désormais lisibles et indiquent « Kalida treso… » ah non, c’est pas là. Rien de bien mystérieux de ce côté, si ce n’est que la soi-disant reine Ladika s’appelle en fait Kalida, manifestement. Ah, voilà, c’est ici : une succession de chiffres et de lettres avec des virgules et des degrés… Peut-être que si on allait dans une bibliothèque, on pourrait en savoir plus. Et puis, même si on n’arrive pas à déchiffrer ces coordonnées, on a la forme de l’île, il ne devrait pas être difficile de l’identifier en comparant avec les îles que l’on connait ! Malheureusement, il n’y a rien qui se rapporte à la navigation dans mon bazar.

— Hum, je pense qu’on devrait aller à la bibliothèque pour essayer d’identifier l’île. J’en connais une où il y a des traités de navigation… anciens ?

.     Oui, une île sans bibliothèque bien fournie en traités de navigation, ça s’appelle une île déserte. Franchement Anatara, réfléchis avant de te la ramener ! Du coup j’ai rajouté le dernier mot mais j’en sais rien s’il y a des traités anciens ou pas, moi ! Je vais avoir l’air bête si on n’y trouve rien. Enfin tant pis, on verra bien… En route vers l’aventure !
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Cher journal,

Malgré l'heure déjà tardive, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que ma nouvelle associée et moi nous dépêchons de nous rendre à la bibliothèque locale. Bibliothèque, c'est un nom bien pompeux pour ce que je qualifierais plutôt de "réserve de livres du village". Elles me semblent bien loin nos bibliothèques de Goa ou d'Enies Lobby, véritables labyrinthes de papier, lorsque je pénètre dans ce bâtiment formant une seule grande pièce où des étagères dépareillées disputent toute la place disponible, laissant à peine de quoi disposer quelques tables et chaises.

Une gentille jeune femme joviale nous accueille à l'entrée. Elle nous répond en souriant qu'il n'y a pas de section dédiée aux livres anciens mais qu'elle possède de très bons ouvrages d'histoire ! Comme j'ai bien peur que chercher une reine d'autrefois en ne connaissant ni son île d'origine ni l'époque à laquelle elle a vécu ne soit une tâche insurmontable (en admettant même qu'ils aient des livres assez pointus pour mentionner son existence dans cette bibliothèque, mais chut je me tais, sinon on va encore dire que je suis dédaigneuse !) je laisse de côté cette piste pour le moment, et renseignées par la gentille bibliothécaire nous nous dirigeons plutôt vers la section "cartes maritimes et livres de navigation" qui occupe une place de choix dans le bâtiment. Elle nous informe cependant également que la bibliothèque va bientôt fermer, aussi nous mettons nous au travail sans perdre de temps.

Ne sachant pas trop par où commencer, je sélectionne les ouvrages qui m'inspirent: Les îles d'East Blue, Guide touristique pour voyages dans les Blues à destination des Gentlemens, De Cartographiae Navigationae Super Facilae, et une série de grands rouleaux cartonnés abritant d'immenses cartes maritimes. J'aurais certainement eu plus de facilités en essayent de requérir l'aide de la base de la marine locale qui doit avoir toutes les cartes et les cartographes possibles, mais vu ma récente déconvenue escargophonique et mon absence d'ordre de mission je préfère m'abstenir.

Parcourir toutes ces cartes et ces ouvrages me fait rêver: c'est déjà un véritable voyage que de voir dessinées toutes ces îles perdues au milieu de rien, et qui pourtant abritent tant de villes et villages comme celui dans lequel je me trouve ! Je suis d'autant plus admirative des efforts du Gouvernement et de la Marine pour coordonner et protéger tout cet ensemble ! Et puis il suffit d'un rien pour m'amuser: il y a tellement d'îles au nom bizarre à travers les mers ! Rien que Cocoyashi. Quelle drôle d'idée d'appeler son île "Cocoyashi !". Je partage ma réflexion avec ma compagne qui travaille à côté de moi:

"- Entre nous, ce n'est pas carrément un drôle de nom d'île "Cocoyashi" ? Moi ça m'évoque les noix de coco en plus, pas les mandarines ! Pourquoi pas "Madarinashi" ? Est-ce que quelqu'un a un jour dit en débarquant ici il y a longtemps: "quelle belle île ! J'en prends possession au nom du roi et je la nomme: Cocoyashi !" !"

Bon, évidemment on passe surtout notre temps à chercher, à éplucher les livres et à échanger à voix basse. Vu que les nombreuses indications présentes sur la carte au trésor ne nous aident pas tant que ça, je laisse Anatara s'occuper de tout ce qui est coordonnées, courants maritimes ou je ne sais quoi et je m'occupe d'inspecter toutes les cartes d'îles que je trouve dans l'espoir d'en dénicher une qui ressemble au moins un petit peu, ou qui comporte des indications similaires à la nôtre. C'est une tâche ardue, surtout quand on sait que la principale méthode de cartographie consiste à faire le tour de l'île sur son petit bateau et à en dessiner les contours, donc pour peu que les cartographes aient des manières très différentes de travailler ou une vision très différente des choses, on peut vite se retrouver avec des résultats qui n'ont rien à voir entre eux !


Je suis un peu larguée comparée à ma nouvelle partenaire pour ce qui est de déchiffrer les cartes maritimes, et heureusement qu'elle est là car c'est elle qui finit par comprendre une information de taille: notre île ne se trouve pas sur East Blue comme je le supposais mais sur Grand Line !!!

Mon premier mouvement de joie à l'idée d'avoir enfin une piste ne fait pas long feu alors que toutes les complications que cela va entraîner me viennent à l'esprit. Le danger d'abord, parce que... la route de tous les périls, le nom parle de lui-même ! Ce courant est devenu le lieu de rendez-vous de tous les pirates en quête de gloire, des îles les plus absurdes et des soldats de la marine les plus tarés ! Pire, les conditions de navigation sont si chaotiques que les repères habituels ne servent à rien et que même les équipages les mieux préparés peuvent disparaître sans laisser de traces parce que le destin leur aura fait croiser la route d'une une tornade croisée avec un raz-de-marée et un essaim de tu-sais-quoi-à-huit-tentacules géants !
Et puis ensuite il y a les frais : réunir un petit équipage pour chasser le trésor dans la zone la plus tranquille des mers bleues c'est autre chose que de convaincre des gens de se lancer à l'aventure sur la voie la plus périlleuse et la plus mal famée du monde ! Mes prévisions se voient sérieusement chamboulées: il y a maintenant un gouffre entre mon projet de départ de faire financer une expédition par le Gouvernement en leur promettant monts et merveilles, et la situation actuelle où je risque bien d'avoir à dépenser une fortune pour chercher un trésor hypothétique !

Tu pourrais me faire remarquer journal, critique infatigable que tu es, (et ne t'avises pas de dire que c'est l'hôpital qui se moque de la charité quand je te qualifie comme ça !) que c'est un voyage que j'ai déjà fait à plusieurs reprises déjà et que je n'en suis pas à mon premier aller-retour entre les mers bleues et Enies Lobby. Évidemment tu aurais raison, mais n'oublies pas qu'habituellement je voyage dans des navires spécialement affrétés par la marine et qu'en général on emprunte la Calm Belt: cette fois je n'aurai pas les facilités que le GM offre à ses agents !

Je sens bien que l'information donne un coup au moral d'Anatara, et il y a de quoi ! Se lancer sur la route de tous les périls ce n'est pas un projet que l'on fait à la légère surtout quand on sait que la réputation de cette mer n'est pas usurpée !

La pauvre me fait de la peine... Chassant de ma tête mes propres soucis, je pose la main sur la sienne et lui adresse un regard bienveillant en lui disant d'une voix rassurante:

"- Je comprends que ça vous inquiète, c'est normal. On raconte plein de choses sur les périls de Grand Line et c'est vrai que c'est une aventure dangereuse qui nous y attend, mais on y trouve également plein d'îles et de royaumes civilisés, et de base gardées par la marine."

C'est sûr, il vaudrait mieux que notre trésor se trouve sur Alabasta plutôt que sur une des si nombreuses îles dont un capitaine pirate en manque d'originalité s'est autoproclamé roi ou reine, lesdites îles ressemblant le plus souvent à la décharge de Goa. Mais chut journal, on a pas besoin d'inquiéter Anatara pour rien !

"- De nos jours les voies sont de mieux en mieux praticables. De toute manière avant de commencer à faire des plans sur la comète le plus important c'est déjà de trouver dans quelle zone est située notre île pour savoir si on perd notre temps ou pas."

J'ajoute en souriant:

"- Bon et puis vous savez, contrairement à ce que les gens croient c'est assez facile de rentrer sur les mers bleues depuis grand Line. Les navires de la marine le font tout le temps ! Une fois qu'on aura le trésor je pourrais toujours te raccompagner sur East Blue."

Étonnamment, c'est peut-être cette dernière information qui la convainc le plus !

Tu trouves que je lui donne des indices gros comme une maison quant à mon appartenance au Cipher Pol ? Je ne vois vraiment pas lesquels journal ! Et puis même si je voulais vraiment lui cacher ma profession par sécurité, au pire qu'est-ce que ça changerait ? D'après ce qu'elle sait sur moi c'est bien plus logique qu'elle pense que je travaille dans un quelconque service de bureaucratie ; ou alors au CP2 qui sont de vulgaires collecteurs de fonds, bien loin des agents secrets si classieux que nous sommes au CP5 !
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.     Après avoir fermé boutique, nous nous dirigeons d’un pas décidé vers la bibliothèque. Les petites maisons se succèdent. Sur deux étages, elles sont de toutes les couleurs et offrent une ambiance de station balnéaire renforcée par les palmiers et la douceur de cette soirée hivernale. Mon esprit vagabonde, je regarde les lattes de bois et compte les taches de tanin et les nœuds qui font et défont leur beauté. Je me demande si ça n’aurait pas été mieux de les peindre en multicolore au lieu de tout faire en monochrome, j’imagine la chose et je trouve ça moche. Ça me fait sourire. Tout pour ne pas penser à ce qui m’attend dans un futur proche.

.     Dans la bibliothèque, nous réunissons d’abord tout un tas de livres qui pourraient être utiles puis nous feuilletons les tables des matières, parfois nous les ouvrons et lisons des passages entiers qui semblent prometteurs, et c’est dans un silence studieux, parfois entrecoupé d’envolées philosophiques sur l’origine du nom « Cocoyashi » entre autres choses, que nous épluchons les connaissances cartographiques et maritimes de l’île aux mandarines. Parfois, ma curiosité naturelle reprend le dessus et je me retrouve à lire des passages entiers qui n’ont strictement rien à voir. Je ne vous fais pas un dessin, mais le fonctionnement de la reproduction chez les baleines est quand même fascinant, non ? Nous progressons vite, et j’apprends rapidement à déchiffrer la carte des courants qui n’est ma foi pas bien mystérieuse… J’apprends beaucoup de choses en fait ! Ces courants… Ils ont l’air vachement violent quand même ! Je me demande où est-ce qu’une telle île peut bien se trouver… Je frissonne. Pas très sûre de moi, j’explique mon raisonnement à ma comparse et je conclus d’une phrase terrifiante :

— Je crois… Je crois que c’est sur Grand Line.

.     Grand Line ! La route de tous les périls, la mer où rien n’obéit à rien, où les saisons n’ont pas de prise, où les tempêtes se déchaînent au hasard et où sévissent les pires de tous les monstres marins ! Grand Line, sanglant champ de bataille pour les plus ambitieux et les plus puissants, là où les pirates les plus ignobles partent commettre les pires atrocités, là où même la Marine n’arrive pas à faire imposer la loi, là où seuls les plus courageux et les plus fous se rendent pour ne presque jamais revenir… Grand Line ! La ligne légendaire qui mène tout droit à Rough Tell où se trouve le plus grand des trésors. Grand Line, là où sont tous les plus grandes richesses et où nous attendent les aventures les plus trépidantes, le théâtre de toutes les histoires, Grand Line, qui abrite les îles célestes et les îles sous-marines, les îles-éléphants et les îles fantômes ! Quand l’enthousiasme se mêle à la peur, faut-il aller sur Grand Line ? J’en tremble d’appréhension, j’ai mal à la tête rien que d’y penser, j’ai peur ! Heureusement, je ne suis pas seule et ma partenaire est là pour me rassurer :

— … on y trouve également plein d'îles et de royaumes civilisés, et de bases gardées par la Marine. De nos jours les voies sont de mieux en mieux praticables. De toute manière avant de commencer à faire des plans sur la comète, le plus important c'est déjà de trouver dans quelle zone est située notre île pour savoir si on perd notre temps ou pas.

.     Oui, c’est vrai, une chose à la fois. C’est sûr que je ne me sens pas prête pour Grand Line, c’est une aventure tellement délirante en fait ! Mais il suffit d’aller récupérer un trésor sur une île bien précise, pas besoin de trouver le One Piece ! Je n’ai pas besoin de conquérir Grand Line, juste de me rendre sur une petite île. Alors la première chose à faire, c’est de trouver laquelle ! Avec un peu de chance, ce sera une île desservie par la Translinéenne ou le Train des Mers ! Oui, ce n’est peut-être pas si dangereux que ça tout compte fait…

— Bon et puis vous savez, contrairement à ce que les gens croient c'est assez facile de rentrer sur les mers bleues depuis Grand Line. Les navires de la marine le font tout le temps ! Une fois qu'on aura le trésor je pourrai toujours te raccompagner sur East Blue.

.     Oh, vraiment ? Je m’étais toujours imaginé le départ pour Grand Line comme un voyage sans retour… Après tout la navigation sur cette route obéit à des règles si particulières qu’il est difficile de faire demi-tour, sans parler de l’infranchissable Calm Belt… Mais avec les différentes compagnies de transport, c’est vrai que c’est facile de revenir de Grand Line en fait : il suffit d’avoir de l’argent ! En plus, elle travaille pour le gouvernement, est-ce que ça veut dire que la Marine acceptera de nous raccompagner ? Ce ne sont pas des taxis, non plus… Qui est-elle, au juste, pour me faire ce genre de proposition ? Elle est haut-placée ou quoi ? J’avoue que je suis curieuse, mais peut-être qu’elle n’a pas envie que j’en sache trop non plus. Je la dévisage comme si elle venait de changer d’apparence mais non, c’est toujours la même. Les mêmes cheveux blonds et les mêmes yeux gris pétillants d’impatience et d’exaltation, le même teint pâle aussi pur que les premières neiges, le même sourire chaleureux appuyé par un rouge à lèvres mordant. Alors je me replonge dans nos études, toute pensive, avec en tête tant de questions sans réponse quand soudain :

— Oh, regarde ! L’archipel aux éveillés !

.     Elle me fixe d’abord puis examine la carte que je lui montre, elle ne comprend pas tout de suite. Oui, quoi l’archipel aux éveillés doit-elle se demander mais je pointe du doigt une île parmi les douze de la carte, les yeux brillant d’excitation ; je soutiens son regard incrédule et m’apprête à faire face à ses doutes.

— Certes, c’est une île que l’on cherche et pas un archipel mais c’est exactement la même ! D’accord le contour des îles sur les cartes est approximatif mais quand même : ça ne peut pas être une coïncidence. Peut-être que Kalissa n’a pas dessiné les autres îles parce que ça ne lui servait à rien ! Après tout elle voulait juste retrouver ses biens, non ? Pourquoi se serait-elle embêtée avec des détails ? Pour faciliter la tâche aux chasseurs de trésor ? Pas moyen ! En plus c’était il y a quoi ? Huit cent ans, neuf cent ans ? C’était il y super longtemps ! Si ça se trouve les autres îles n’existaient pas ! Mais si, regarde !

.     Mince, c’était où déjà ? Je fouille la pile de livres que nous avons rangés en vrac ; l’un d’entre eux détient cette information, j’en suis sûre !

— Tiens, c’est là : Il y a écrit que l’archipel est d’origine volcanique, mais on ne sait pas de quand datent les îles respectives… ce n’est pas si absurde que ça, si ?

.     Cette fois, je ne peux pas contenir mon agitation. Il faut que je saute sur place ! L’archipel aux éveillés, c’est la toute première étape de la cinquième voie de Grand Line, c’est une des îles les plus accessibles ! Elle est même desservie par la Translinéenne ! On peut faire l’aller-retour depuis Logue Town en toute sécurité ! Franchement, ça ne pouvait pas tomber mieux, quelle chance ! ça doit être un signe ! Oui, si c’est la toute première île, y aller et revenir ne devrait pas poser de problème, je n’ai aucune raison de ne pas essayer. D’accord, le voyage va me coûter une blinde et il y a le risque de ne rien trouver une fois là-bas mais qu’importe : je ne peux pas ne pas y aller. L’aventure me tend les bras alors pas moyen de refuser ! Si je ne saisis pas cette occasion, je vais le regretter toute ma vie et je ne pourrai plus me regarder dans le miroir. Je vais vieillir sur East Blue et passer le restant de mes jours derrière un comptoir à attendre les clients, ah non-non-non ! À partir de maintenant, je ne suis plus marchande : je suis chasseuse de trésor !

.     Mine de rien, ma partenaire aussi a l’air soulagée, elle aussi… et partante ! Elle a beau m’avoir rassurée, je suis sûre que la route des périls n’est pas un terrain de jeu pour elle ; mais maintenant qu’on sait qu’il faut aller sur l’archipel aux éveillés, tout le brouillard de guerre se dissipe. Nous voyons clair à présent, et nous savons exactement ce que nous devons faire. Bon, il faut peut-être qu’on discute encore un peu pour régler quelques détails mais on pourrait même partir d’ici demain si on s’organise bien ! Aller tope-là ma sœur, on va sur Grand Line ! Cela dit, la bibliothèque de Cocoyashi n’est pas forcément le meilleur endroit pour arroser notre découverte : et si on allait boire un coup au Madrine ? Il paraît qu’ils servent les meilleurs jus de mandarine de Cocoyashi !


Dernière édition par Anatara le Mar 6 Aoû 2019 - 2:24, édité 1 fois
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Cher journal,

Le soir tombe sur les rues de la petite ville d'East Blue. Les lumières s'allument au bord des maisons et les rues se remplissent d'habitants qui rentrent des vergers ou du port après leur journée de travail. Une délicieuse odeur de cuisine flotte dans l'air et malgré mon peu d'attrait pour la cuisine campagnarde je dois avouer qu'elles me mettent en appétit On sous-estime beaucoup le charme des petits villages ruraux mais tu aurais dû voir ça journal: tous ces gens à la vie simple, travailleurs de la terre ou de la mer, ces maisons rurales, sobres mais très typiques, tout cela possède un charme unique ! En plus il règne ici un je-ne-sais-quoi, une atmosphère réjouie, mais cette impression vient peut-être juste de moi ?

Anatara m'a conduite à la terrasse d'un petit établissement où elle semble avoir ses habitudes, et je dois avouer que je jus de mandarines de Cocoyashi n'a pas usurpé sa réputation ! Je ne voudrais pas avoir l'air d'une morfale donc je prends mon temps en sirotant par petites gorgées mon troisième verre tout en observant le spectacle de la rue qui s'offre à nous.

L'ambiance est à la fête pour nous deux: nous sommes des aventurières, des chasseuses de trésors, et nous avons trouvé notre destination ! Nous allons sur la route de tous les périls journal, et ça ne me fait même pas peur !
Je regretterai surement mon grain de folie demain lorsque toutes les difficultés de la réalité me rattraperont, et sans doute qu'à la première déconvenue tu t'empresseras de me faire remarquer que tu m'avais prévenue que c'était imprudent de me lancer à l'aventure avec une inconnue, mais ce soir ça n'a aucune importance ! Et puis tu verras journal, je l'aurai ce trésor !

Sans nous en rendre compte Anatara et moi sommes passées au tutoiement. Ce n'est pas plus mal, ce sera même beaucoup plus agréable comme ça ! On se fait peu d'amis dans une profession comme la mienne, et entretenir avec quelqu'un des rapports différents de celui de collègues agents, sbires, et supérieurs hiérarchiques me fait l'effet d'une bouffée d'air frais ! Les efforts faits ensemble avec les cartes, l'aventure à venir, et pour entériner tout ça quelques verres de jus de fruit ont fait le reste !

♦♦♦♦

Profitant d'être bien installées et bien servies, nous en profitons pour lier un peu plus connaissance. Je lui présente la version officielle de qui est "Caramélie d'Isigny", tel que le croient par exemple ma famille et leurs amis, nos proches, et globalement tous ceux qui connaissent mon existence hors du Cipher Pol. Elle n'est pas si loin de la vérité, j'y omets juste certains détails et j'arrondis les angles pour en exclure tout ce qui commence par "Ciph" et qui finit par "Pol".

"- Je suis née à Goa. Mes parents y ont vécu jusqu'aux affreux événements qui y sont survenus il y a quelques années, et comme beaucoup d'aristocrates ils ont préféré quitter le royaume pour s'exiler à Saint Urea. Ils voulaient que je fasse une carrière militaire, pour rapporter un peu d'honneur et d'argent à la famille, mais oh là là, je suis bien contente d'avoir quitté cette voie ! J'ai eu la chance d'avoir une opportunité de travailler dans l'organisme gouvernemental et administratif. C'est moins prestigieux c'est certain, mais je préfère nettement cette vie là. En plus je voyage beaucoup !"

Je me laisse volontiers aller à quelques détails sur mon ancienne vie de famille, comment sont mes parents, et quels projets "Caramélie d'isigny" a pour l'avenir. Compte tenu de la situation sociale de mon associée j'évite juste d'avoir le mauvais goût de trop évoquer tout ce qui touche au train de vie et à ses choses là, qui pourraient la mettre mal à l'aise ou creuser l'écart entre nous. Je m'intéresse d'ailleurs beaucoup à elle aussi, l'interrogeant sur son parcours et y découvrant avec plaisir une personne aussi intéressante que je l'avais pressenti:

"- Tu n'es pas née à Cocoyashi n'est ce pas ? Tu es une aventurière, ça se voit de toute façon ! Raconte-moi, comment est-ce que tu es arrivée ici ? Tu as visité des îles incroyables ?!"

Puis, au fil de la discussion, nous finissons par amener sur la table (au sens propre comme au figuré) le sujet de la préparation de notre expédition. Une fois nos verres et tout le reste débarrassés (on va éviter les accidents stupides, hein ! Crois le ou non, les agents du CP qui doivent demander un nouvel ordre de mission parce que le leur a rencontré le contenu d'une tasse de café c'est déjà arrivé !), j'ai étalé devant nous une carte complète de l'archipel des éveillés et une autre, plus générale, représentant East Blue avec Logue Town et Reverse Mountain.
Au départ je pensais qu'on aurait besoin de s'acheter les services d'un navire et d'un équipage pour la navigation, le transport, et les recherches sur place et tout et tout. C'est ce qui fait le plus grimper les frais de ce genre d'expédition mais justement journal, on en aura surement pas besoin ! !!

"- Je crois qu'on est d'accord toutes les deux pour emprunter la Translinéenne jusqu'à l'archipel. Si on le fait on devrait pouvoir se rendre sur place pour un prix raisonnable et pratiquement sans danger ! Il ne nous restera plus qu'à louer une petite barque ou un voilier pour nous rendre sur notre île, peut-être aussi engager un ou deux serviteurs pour porter le matériel et faire les grosses œuvres, et on devrait s'en tirer avec un investissement de départ pas trop élevé pour toutes les deux !"

J'ai un sourire malicieux:

"- On sera les premières aventurières de l'histoire à faire une chasse au trésor en transports en commun !"

C'est un peu la solution de la pauvreté je dois l'avouer, et certainement pas la plus rapide, la plus élégante, mais c'est la moins chère et une des rares qui nous garantisse d'arriver à destination sans eternal pose ! En puis entre le prix d'un billet pour le voyage et celui de la location d'un navire et son équipage il n'y a pas de comparaison possible ... !

"- Par contre ça veut dire qu'on ne pourra engager personne avant d'arriver dans l'archipel: avec la Translinéenne qui fait payer ses billets un demi-million de berrys par personne ça nous coûterait beaucoup trop cher. Et nos bagages seront assez limités."

Ça me navre: a-t-on déjà vu une noble voyager sans serviteur ?! Quel dommage que je n'aie pas pu obtenir un ou deux sbires pour ma mission ! J'espère que je ne croiserai personne qui me connaît...

Pour ce qui est des bagages, l'avantage c'est que le Cipher Pol m'a formée à la dure donc si je me résigne à délaisser un peu de confort il ne me faudra que peu de choses, et j'ai plus ou moins complète en tête la liste de tout ce qui est indispensable (oui je sais journal, c'est la même fille qui te dit qu'il lui en faut peu mais qu'un serviteur ne serait pas de refus... c'est une question de standing et de respect de soi, c'est la base pourtant mais un journal en papier ne peut pas comprendre ça...). Un autre gros atout que nous avons c'est que nous devrions pouvoir trouver la plupart de nos ustensiles -matériel de cuisine, machettes, cordes, lampes, nécessaire à feu, couvertures, moustiquaires, et j'en passe- dans le magasin d'Anatara à pas trop cher. Et hop, encore un moyen de réduire un peu les frais d'expédition !
Tout cela m'oblige malgré tout à aborder un autre point:

"- Je compte bien nous rembourser largement avec le trésor mais je dois tout de même savoir: as-tu un peu d'argent de côté ? Tu penses pouvoir investir quel genre de somme ?"

Si elle n'a pas un sou j'avancerai les frais moi-même bien sûr, mais si je la laisse donner un chiffre la première c'est surtout pour ne pas faire de maladresses: j'ignore si avec mes dix-sept millions de berrys actuellement possédés je passe pour une personne riche auprès des citoyens moyens (que ce soit clair journal, par rapport à mon rang social je suis une miséreuse !) ou si ça va.
Si je me ne trompe pas et si on s'en sort bien, j'espère qu'on pourra s'en tirer avec moins d'un million de berrys de frais chacune en comptant le voyage, tout le matériel et la nourriture, le monde et l'embarcation à se procurer sur place, et quelques broutilles annexes qui ne feront pas tâche au milieu de mes dépenses habituelles. Sans compter tout ce que je pourrais faire passer en tant que frais de ma précédente mission, comme le bateau pour repartir de Cocoyashi, la jolie robe que j'ai achetée tout à l'heure (indispensable je te dis ! Bah oui, je ne vais quand même pas faire mes missions toute nue ! D'ailleurs je vais voir si je ne peux pas acheter d'autres vêtements avec ce système avant de partir), et globalement tout ce qui peut avoir l'air crédible dans une note de frais (par expérience la crème solaire ça passe, alors pourquoi pas les figurines de fée ?).
  • https://www.onepiece-requiem.net/t21492-l-envers-du-journal#2313
  • https://www.onepiece-requiem.net/t21479-caramelie-la-critiqueuse

   — Oh, parle-moi de Saint-Urea !

.     Je l’écoute religieusement pendant qu’elle me fait le récit de sa vie fascinante et je ne cache pas mon admiration incrédule devant son rapport au matériel et à tout ce qui touche à l’argent. Elle vient d’une famille vachement riche apparemment ! Moi aussi je viens d’une famille noble, enfin seulement ma mère : mon père est un artiste. Ça a posé des problèmes au début mais mes grands-parents n’étaient pas dans le délire de la consanguinité donc ils ont fini par accepter. Nous devons travailler dur pour gagner nos vies, et ça nous a forcé à voyager beaucoup. C’est peut-être comme ça que j’ai nourri l’envie de visiter le monde : le petit village de Sirup ne me suffisait pas ! Je lui parle longuement de mes parents ainsi que de mon petit frère, Liam, je lui vends du rêve sur les talents de mon père en plaçant quelques blagues sur la qualité indiscutable de sa poésie (nous ne lui avons toujours pas avoué). Je lui explique comment j’ai pris la mer en m’incrustant littéralement dans un équipage constitué pour moitié d’amis de mon père, puis que j’ai graduellement appris à m’émanciper jusqu’à aujourd’hui où je voyage seule. Je lui fais la liste de toutes les îles que j’ai visitées (presque tout East Blue en fait !) et je ne suis pas avare d’anecdotes et de mésaventures. Nous en avons même quelques fous rires !

   — J’ai beaucoup été sur Goa, et c’est vrai que ce n’était pas toujours très beau à voir. Mais je me souviendrai toujours de comment tout le monde était soudé dans la reconstruction, et regardait tous ensemble dans la même direction pour réaliser un rêve commun. J’ai trouvé ça vraiment beau et admirable : c’est la force de l’humanité !

.     Après avoir bavardé une bonne partie de la soirée, il me semble que nous nous connaissons depuis toujours et je peux dire que le den-den passe bien entre nous. De fil en aiguille, nous en revenons aux choses sérieuses en abordant le problème économique :

   — Je compte bien nous rembourser largement avec le trésor mais je dois tout de même savoir : as-tu un peu d’argent de côté ? Tu penses pouvoir investir quel genre de somme ?

.     Effectivement, un aller-retour de Logue Town à l’archipel aux éveillés coûtera la modique somme d’un million quatre-cent mille berries, somme que je ne peux pas sortir de ma poche même si je rassemble toutes mes économies et que je revends tous mes objets de valeur. Mais cela fait longtemps que je caresse l’idée de former mon propre équipage pour devenir une marchande autonome. Jusque-là, j’ai enchaîné les petits boulots et j’ai fait très (peu) attention à mes dépenses (couvertes par l’argent laissée par mes parents, il sera regretté), ce qui fait que j’ai un peu plus d’un million de berries en réserve.

   — Je peux payer le voyage aller et même participer aux autres dépenses dans la mesure du raisonnable, mais pour le retour il faudra trouver le trésor.

.     Je ne lui donne pas de chiffre parce que je me sens un peu ridicule avec mes pitoyables économies. D’après ce qu’elle m’a dit, elle n’a pas l’air de dépenser des millions tous les jours mais ne vient-elle pas de sous-entendre qu’elle peut m’avancer le voyage ? Ce qui signifierait qu’un million n’est pas grand-chose à ses yeux… et c’est tout ce que j’ai ! Pour moi, ce voyage signifie beaucoup, et la perspective de me retrouver coincée sur Grand Line me laisse hésitante, je baisse le regard. Et s’il n’y avait pas de trésor ? On pourrait s’être trompé d’île, ou peut-être que la carte est bidon aussi ! Et d’autres que nous se sont peut-être déjà servis, aussi ! Après tout, l’archipel aux éveillés est si facile d’accès que le contraire serait même étonnant ! Vous imaginez ? Un cinquième de tous ceux qui sont partis sur Grand Line est passé par là ! Vingt pour cent ! ça doit faire beaucoup trop de personnes !

   — Ne t’en fais pas, je te ramènerai sur East Blue quoi qu’il arrive.
   — C’est vrai ?

.     Je la regarde droit de les yeux et ça m’arrache des larmes de joie. Je lui saute dans les bras, manquant de renverser la table au passage : « Merci ! ». Je suis si rassurée ! Au fond, je ne voulais pas abandonner, je voulais y croire, je voulais me donner une chance d’y aller malgré le danger, la peur intestine de ne jamais revenir. Mais là, le pire qui puisse arriver c’est que j’y laisse toutes mes économies mais l’argent, c’est fait pour être dépensé que diable ! Et l’argent, ce n’est pas la vie, la vie, c’est de partir à l’aventure dans une île inconnu sur la route de tous les périls avec une mystérieuse jeune femme que j’ai rencontrée hier ! Alors de côté mon indécision et en avant les El Dorados.








   — Tu t’en vas, Anatara ? Je peux augmenter ton salaire si c’est ça qui te pose problème. Ça fait deux semaines que tu travailles pour moi et tu as largement fait tes preuves. Je t’offre vingt pour cent si tu veux !
   — Non monsieur, je vous remercie mais je dois partir. Je voudrais toucher mon salaire s’il vous plait.
   — Ça va de soi ! Tiens, pour deux semaines ça te fait cent mille, ça te va ?
   — Bien sûr, je vous remercie d’avoir pris soin de moi, monsieur.
   — Adieu, et n’hésite pas à repasser par ici au besoin !
   — Prenez soin de vous, monsieur !

.     Ça y est, c’est fait. C’est la fin d’une incroyable aventure qui aura duré deux ans. Et le début d’une autre, aussi. Mes affaires sont prêtes, mon sac est fait, mes adieux aussi et les derniers détails réglés. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve mais tout sera sans doute très différent. Je pars pour Grand Line. Rien que d’y penser, j’en ai des tournis, je n’arrive pas à y croire, ça doit être un rêve mais non, je suis bien réveillée ! Qu’est-ce qui m’attend, là-bas ? Des mauvaises surprises, c’est sûr. Du stress, de la sueur et de la peur sans aucun doute, des pirates, des voleurs et des jaloux, c’est certain. Et un trésor, peut-être. Mais je vais surtout connaître un nouvel océan, découvrir de nouvelles îles ! Là-bas, la faune et la flore seront fabuleuses, le climat suivra des règles qui n’existent que dans les légendes et je vais observer une toute nouvelle façon de naviguer. La richesse, elle ne se trouve pas que dans les pièces d’or, mais aussi dans tout ce que le voyage peut apporter, dans les mauvais moments comme dans les bons qu’il disait. Après un dernier regard pour Cocoyashi, j’embarque avec Caramélie direction Logue Town. Nous nous sourions, nous nous apprêtons à vivre ce qui jusque-là n’était que des songes dans la tête des enfants. Il y aura des obstacles, il y aura des imprévus. Nous devrons sûrement nous battre et peut-être que je ne reviendrai pas. Mais nous sommes confiantes. Nous pouvons y arriver. Nous partons pour Grand Line.
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