Insomnie.

Une clope fourrée entre les dents, mains dans les poches de mon manteau, casquette bombée sur le crâne, je déambule dans les rues.
La cigarette se consume lentement, la fumée s'évapore au fur et à mesure, mes pas résonnent sur quelques mètres alentours.
Sombre est la nuit, y règne une atmosphère paisible et bienvenue, en contraste avec la bataille qui se trame dans ma cervelle.
Je suis sorti prendre l'air, m'aérer l'esprit. J'étouffais dans ma piaule, incapable de trouver le sommeil à presque trois heures du matin.
En proie à mes démons, torturé, agacé, lasse. Abandonné à mes addictions, qui me réconfortent, me rassurent, me protègent.
Ressasser le passé, les erreurs commises. Les blessures subies, celles attribuées. Les mauvaises actions, leurs conséquences, réfléchir à ce qui aurait pu être fait différemment.
Devenir fou. Creuser encore dans le trou qui me scie le cœur depuis tant de temps... Me grignote de l'intérieur, me pourri, consume ce qu'il reste de mon âme.
M'intoxiquer, pourra pas être pire que de me noyer dans l'alcool, ce que je fais aussi. Opium et rhum se mélangent et balaient tous mes soucis, mes angoisses...
Combien d'heures que je repassais en boucle la même merde nocive pour ma stabilité mentale ? Ce truc s'installe en vous comme un poison, et le remède est introuvable.
Fébrile, s'emparer de la bouteille et d'un verre pour le remplir et le foutre par terre, de l'alcool imbibant le bois de la table de chevet.
Injures à voix haute, insultes à voix basse, pour soi. Sa connerie. Sentir que le moment est venu de foutre les panards dehors et de respirer un coup.
Me voilà rendu aux pieds d'une église, poser mes miches sur un banc en pierres, la fraîcheur du matériel refroidissant immédiatement mes ardeurs, à commencer par mes fesses.
Tirer une latte de ma clope améliorée, poser un regard empli de désespoir sur les environs, à la recherche d'une lueur d'espoir.
Vide. Le parc en face du lieu religieux, tout comme ce qu'il y a l'intérieur de moi. Une profonde solitude et une tristesse amère.
Parfois, j'aimerai pouvoir pleurer. Mais je crois que j'ai tout versé il y a longtemps, quand j'étais mioche. Je suis asséché depuis.
Profond soupir, penche ma tête en arrière et lève les yeux au ciel. La plus belle chose que j'ai pu voir depuis des années. Un ciel étoilée.
Me vient cet air en tête, cette musique dont les paroles font écho en moi chaque fois que j'ai le malheur de les écouter.
Crevé d'essayer de combler ce vide, est-ce que j'ai besoin de plus ? Si dur de vivre si fort.. Je tombe.
Dans les bons moments, je suis assez stupide pour rêver de changements. Dans les mauvais, j'en arrive à me craindre.
Au bord du gouffre, à deux doigts de plonger. Il me faut plus grand-chose pour me jeter, sans espoir de remonter à la surface.
J'ai tellement envie de plonger, putain. Combien de fois j'y pense ? Ce serait si facile, mettre un terme à cette vie qui n'a fait que m’abîmer, encore et toujours.
L'impression que je ne gagnerai rien à m'acharner, que le destin a scellé mon sort depuis bien longtemps, je suis juste trop con pour me l'avouer.
Chercher des alternatives, des portes de sorties. Jusqu'à quand ? Et pourquoi ? Quand on voit le résultat, je perds espoir...
Je ferme les yeux, tente de chasser ses mauvaises pensées...
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Kage Berg, mes belles terres campagnardes, ces vastes étendues d'herbes, ce soleil chaleureux et cette douce brise.
Une petite baraque qui paie pas de mine vue de l'extérieure, la façade abîmée, le côté vieillot. A l'intérieur, c'est pas plus clinquant.
Ce qui claque par contre, c'est la grosse paluche bronzée du gaillard à l'intérieur. Un pauvre type qui trouve rien de mieux que de tabasser le petit dernier de la famille.
C'est pas son gosse, et encore moins son favoris. Esprit rebelle, il le sait, le petiot lui voue une haine sans borne, il supporte pas ce regard enragé et cet air provocateur.
Entre eux, ça ne colle pas, n'a jamais collé et ne collera jamais. Alors il le colle au mur de temps en temps, pour la forme.
En larmes, le mioche fini souvent, dans sa piaule, à pleurer à cause de ce connard contre lequel il ne peut rien...
Clairement, je n'ai pas réussi à me sortir de la tête ces pensées néfastes.
Je me redresse, pousse un soupir exaspéré, et me lève. Foule l'herbe de quelques enjambées, rejoins des installations pour enfants.
Toboggans, échelles de cordes, cheval à bascule, tourniquet. M'allonge sur le toboggan, doit me contorsionner un peu pour passer entièrement, ferme les yeux une seconde fois.
On recommence, seconde tentative.
Petit village de campagne, petite maisonnette à l'écart du centre-ville, un gars dans la vingtaine allongé sur un canapé, une fille contre lui, dans ses bras.
L'instant paraît doux, tendre, intime et pourtant nul visage radieux, apaisé, ou émerveillé par cet instant entre amoureux.
Des reproches ont fusées, des mots ont volés, blessants, vexants. Des comportements de gamins, mais deux fiertés en duel qui ne veulent rien lâcher.
On se pique, ressasse le passé et les erreurs commises, remettant les écarts sur le tapis, mordant dans l’ego de l'autre, qui se braque.
Discussion qui ne va nulle part, et qui pend fin brutalement, lorsque l'un ne veut plus adresser la parole à l'autre, agacé, en colère.
Irascibilité de plus en plus présente chez lui depuis quelques temps, pourissant leur relation, l'amenant à exploser soudainement, aveuglé.
Des mots durs, des insultes, des gestes violents et un comportement incontrôlé, impulsif et agressif, il s'en va.
Retour à la réalité, avec ce sentiment de vide toujours bien présent, plus accentué à présent qu'un nouveau flot d'émotions remonte.
Je suis venu ici pour respirer, me sortir la tête de l'eau, me dégager de mes démons, mes vices, mes craintes. Encore un putain d'échec.
Fatigué, piégé dans cette boucle sans fin, condamné à répéter les mêmes choses jusqu'à épuisement total du corps, je désespère.
Ma gorge sèche réclame sa dose de rhum, il va bien falloir que je bouge de toute façon, ça m'apporte rien de rester ici.
Je suis tellement déchiré que je viens de remarquer que ma clope s'est fait la malle depuis un bail déjà, j'ai plus rien en bouche.
J'ai le réflexe de regarder autour, des fois que je tomberai dessus par chance, sans grand succès. Claque un sourire amusé, si j'étais le genre à qui ça réussit, ça se saurait.
Mes mains viennent se fourrer dans mes poches, je repars vers chez moi, la démarche chancelante, la tête embrumée...
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