- LES SALAUDS !
Je savais que c'était une mauvaise idée de revenir sur cette île. C'est clairement pas le bon moment. Et en plus, il a fallu que j'aille à cet endroit en particulier. Non pas que ça soit si important mais...
Bon j'y ai quand même passé mon enfance : la chère demeure de mes défunts parents, aussi colorée et bruyante que dans mes souvenirs. Et c'est bien le problème !
- J'vous jure que j'vais les enc...
- S'il vous plaît, monsieur... Il y a des enfants ici !
Si mes parents sont morts - un peu par ma faute, certes - pourquoi y a-t-il ENCORE des feux d'artifice qui sortent par toutes les ouvertures de cette foutue maison ?! QUI a osé racheté la propriété ? Et surtout, quel est la sombre andouille qui l'a vendu à d'autres artificiers ? Si je le trouve, je jure d'inventer le bourrage-papier avant l'heure...
Je vais en faire des cauchemars, c'est certain.
- Et qu'est-ce que j'en ai à foutre ? Des années que j'suis pas rev'nu et qu'est-ce que j'vois ? Un truc horrible !
- Qu'est-ce qui est si horrible ?
- Honteux, j'vous l'dis... Honteux !
- Mais encore ?
- ... J'vais les tuer ! Je jure que j'vais l'faire !
L'homme en face de moi, accessoirement tenancier de l'auberge dans laquelle je noie mes tourments, pousse un long soupir. Comprenant qu'il n'obtiendra pas plus d'information de ma part, il s'en retourne à son semblant d'occupation et nettoie quelques verres propres. Mais au moment où il a l'audace de me tourner le dos :
- OH ! MON VERRE EST VIDE !
- Grmmf ! Tout de suite...
Serrant les dents, il me ressert un ruhm-raisin. Le troisième en deux minutes. S'il le souhaitait, il pourrait me demander de ralentir le rythme. Mais le client étant roi, il se retient. Avec un peu de chance, je pourrais même devenir un de ses meilleurs profits de la journée... Et de toute manière, mon regard lui indique que s'il a le malheur de dire un mot de trop, je casse la baraque. Littéralement.
J'observe la mixture en remuant le verre entre mes doigts, je tape du pied, je lâche des "Mmmh !" insupportables, bref j'essaie de me calmer et je commence à me recentrer sur les raisons de ma présence. Car pour une fois, ce n'est pas le travail qui m'amène. J'ai décidé de faire un tour du propriétaire.
Si je veux que cet endroit m'appartienne un jour, c'est la moindre des choses !
J'ai déjà observé les quelques changements dans la zone habitée, notamment mon ancien chez moi et le fameux Red Café. Il y a également cette tour étrange qui mènerait aux îles célestes via le passage de novembre. Par contre, rien n'a changé concernant la garnison : c'est toujours cet immonde travelo de Colonel Chouchou qui mène la barque.
Pour les attractions... Je prends le risque de faire confiance à leurs gérants. Ils savent ce qu'ils font et ce genre de plaisir ne m'intéresse pas. Mais si un jour je contrôle ce business, il faudra que je leur rende une petite visite...
Ce qui m'intéresse réellement, c'est de trouver Quelqu'un.
Attention pas quelqu'un : Quelqu'un. Pas n'importe qui. Pas une personne lambda, mais La Personne. Celle qui fait la différence. Celle qui, avec le soutien d'autres Personnes du même acabit, me permettra d'atteindre mon but avec plus de facilité.
J'ai besoin d'un contact utile. J'ai déjà rencontré des pirates, des mercenaires, des esclaves, des criminels en tout genre, des drogués, des contrebandiers et même l'équivalent d'un ministre ! Mais pour fonder un Royaume sur une île qui ne comporte pas de véritable gouvernement... Un autre type de soutien est nécessaire.
Je pourrai très bien demander à la "Grande Tante" de faire parvenir un message de ma part au Gouvernement Mondial, mais soyons sérieux deux minutes : qui prendra ça au sérieux ? On ne me connait ni d'Eve ni d'Adam, je vis sur Rokade et le simple fait de le savoir me rend coupable aux yeux de la loi. Il faut faire en sorte que ça se passe différemment...
Il faut que les gens croient qu'une hiérarchie est nécessaire. Que Suna Land a besoin d'un vrai chef pour fonctionner, et pas seulement un petit gouverneur mandaté par l'armée. Surtout qu'au final, ici, le pouvoir appartient aux commerçants : les marchands, les artificiers, les forains, les gérants des attractions et des bains... En somme presque tous les habitants permanents sont leur propre maître. Ce n'est pas une démocratie... C'est l'anarchie.
Il suffirait d'un rien pour que de l'ordre fragile naisse le chaos.
- Hé mon gars ! Hic ! T'sais que t'es... Oulah... Assis à ma place ? J'y suis - Hic ! - d'puis quinze ans. Alors t'vas... Gentiment aller ailleurs, hein ?
Je suis totalement immobile. Le patron, les autres clients, même le monde extérieur, tous ont fait silence au moment où le soulard m'a touché l'épaule.
Il n'a pas l'air méchant le bougre. Et il n'a pas l'air bien costaud non plus. Il aurait pu fermer sa gueule. Mais bon ça, passe encore... Il aurait pu éviter de me toucher avec sa main sale. Mais je peux me montrer conciliant, par respect pour l'établissement...
Sauf que là, il a renversé mon verre. Et ça bah...
- Désolé. Mais ça va pas le faire.
Une veine palpite sur mon front. Une autre apparaît sur mon bras droit alors que je me lève doucement de ma chaise. Déjà le tenancier sait que je vais faire une grosse connerie. Malheureusement il est trop tard pour m'en empêcher. Je l'aimais ce verre. J'ai commencé à m'y attacher... Je lui avais presque trouvé un nom d'ailleurs. Et il aurait eu un petit frère. Puis un autre. Le tout jusqu'à ce que je ne puisse plus aligner deux mots et que je vois triple. Et cet abruti là a tout gâché.
Il va goûter à l'accumulation de toute une journée de frustration. J'arme le poing et annonce la sentence :
- ESPECE DE FILS DE...
PAF !
Le Tyrant Punch l'a éjecté hors de la taverne. C'est sa tête qui est passée la première par la fenêtre près de l'entrée.
Et là, y a un bébé qui se met à chialer, des clients qui se lèvent, terrorisés pour certains, offusqués pour d'autres, une mère qui bouche les oreilles de sa fille et un gosse à la morve au nez qui lève le pouce dans ma direction avec un sourire benêt sur le visage.
Avec ces conneries, j'ai même plus envie de boire ! Et ça c'est grave !
Je savais que c'était une mauvaise idée de revenir sur cette île. C'est clairement pas le bon moment. Et en plus, il a fallu que j'aille à cet endroit en particulier. Non pas que ça soit si important mais...
Bon j'y ai quand même passé mon enfance : la chère demeure de mes défunts parents, aussi colorée et bruyante que dans mes souvenirs. Et c'est bien le problème !
- J'vous jure que j'vais les enc...
- S'il vous plaît, monsieur... Il y a des enfants ici !
Si mes parents sont morts - un peu par ma faute, certes - pourquoi y a-t-il ENCORE des feux d'artifice qui sortent par toutes les ouvertures de cette foutue maison ?! QUI a osé racheté la propriété ? Et surtout, quel est la sombre andouille qui l'a vendu à d'autres artificiers ? Si je le trouve, je jure d'inventer le bourrage-papier avant l'heure...
Je vais en faire des cauchemars, c'est certain.
- Et qu'est-ce que j'en ai à foutre ? Des années que j'suis pas rev'nu et qu'est-ce que j'vois ? Un truc horrible !
- Qu'est-ce qui est si horrible ?
- Honteux, j'vous l'dis... Honteux !
- Mais encore ?
- ... J'vais les tuer ! Je jure que j'vais l'faire !
L'homme en face de moi, accessoirement tenancier de l'auberge dans laquelle je noie mes tourments, pousse un long soupir. Comprenant qu'il n'obtiendra pas plus d'information de ma part, il s'en retourne à son semblant d'occupation et nettoie quelques verres propres. Mais au moment où il a l'audace de me tourner le dos :
- OH ! MON VERRE EST VIDE !
- Grmmf ! Tout de suite...
Serrant les dents, il me ressert un ruhm-raisin. Le troisième en deux minutes. S'il le souhaitait, il pourrait me demander de ralentir le rythme. Mais le client étant roi, il se retient. Avec un peu de chance, je pourrais même devenir un de ses meilleurs profits de la journée... Et de toute manière, mon regard lui indique que s'il a le malheur de dire un mot de trop, je casse la baraque. Littéralement.
J'observe la mixture en remuant le verre entre mes doigts, je tape du pied, je lâche des "Mmmh !" insupportables, bref j'essaie de me calmer et je commence à me recentrer sur les raisons de ma présence. Car pour une fois, ce n'est pas le travail qui m'amène. J'ai décidé de faire un tour du propriétaire.
Si je veux que cet endroit m'appartienne un jour, c'est la moindre des choses !
J'ai déjà observé les quelques changements dans la zone habitée, notamment mon ancien chez moi et le fameux Red Café. Il y a également cette tour étrange qui mènerait aux îles célestes via le passage de novembre. Par contre, rien n'a changé concernant la garnison : c'est toujours cet immonde travelo de Colonel Chouchou qui mène la barque.
Pour les attractions... Je prends le risque de faire confiance à leurs gérants. Ils savent ce qu'ils font et ce genre de plaisir ne m'intéresse pas. Mais si un jour je contrôle ce business, il faudra que je leur rende une petite visite...
Ce qui m'intéresse réellement, c'est de trouver Quelqu'un.
Attention pas quelqu'un : Quelqu'un. Pas n'importe qui. Pas une personne lambda, mais La Personne. Celle qui fait la différence. Celle qui, avec le soutien d'autres Personnes du même acabit, me permettra d'atteindre mon but avec plus de facilité.
J'ai besoin d'un contact utile. J'ai déjà rencontré des pirates, des mercenaires, des esclaves, des criminels en tout genre, des drogués, des contrebandiers et même l'équivalent d'un ministre ! Mais pour fonder un Royaume sur une île qui ne comporte pas de véritable gouvernement... Un autre type de soutien est nécessaire.
Je pourrai très bien demander à la "Grande Tante" de faire parvenir un message de ma part au Gouvernement Mondial, mais soyons sérieux deux minutes : qui prendra ça au sérieux ? On ne me connait ni d'Eve ni d'Adam, je vis sur Rokade et le simple fait de le savoir me rend coupable aux yeux de la loi. Il faut faire en sorte que ça se passe différemment...
Il faut que les gens croient qu'une hiérarchie est nécessaire. Que Suna Land a besoin d'un vrai chef pour fonctionner, et pas seulement un petit gouverneur mandaté par l'armée. Surtout qu'au final, ici, le pouvoir appartient aux commerçants : les marchands, les artificiers, les forains, les gérants des attractions et des bains... En somme presque tous les habitants permanents sont leur propre maître. Ce n'est pas une démocratie... C'est l'anarchie.
Il suffirait d'un rien pour que de l'ordre fragile naisse le chaos.
- Hé mon gars ! Hic ! T'sais que t'es... Oulah... Assis à ma place ? J'y suis - Hic ! - d'puis quinze ans. Alors t'vas... Gentiment aller ailleurs, hein ?
Je suis totalement immobile. Le patron, les autres clients, même le monde extérieur, tous ont fait silence au moment où le soulard m'a touché l'épaule.
Il n'a pas l'air méchant le bougre. Et il n'a pas l'air bien costaud non plus. Il aurait pu fermer sa gueule. Mais bon ça, passe encore... Il aurait pu éviter de me toucher avec sa main sale. Mais je peux me montrer conciliant, par respect pour l'établissement...
Sauf que là, il a renversé mon verre. Et ça bah...
- Désolé. Mais ça va pas le faire.
Une veine palpite sur mon front. Une autre apparaît sur mon bras droit alors que je me lève doucement de ma chaise. Déjà le tenancier sait que je vais faire une grosse connerie. Malheureusement il est trop tard pour m'en empêcher. Je l'aimais ce verre. J'ai commencé à m'y attacher... Je lui avais presque trouvé un nom d'ailleurs. Et il aurait eu un petit frère. Puis un autre. Le tout jusqu'à ce que je ne puisse plus aligner deux mots et que je vois triple. Et cet abruti là a tout gâché.
Il va goûter à l'accumulation de toute une journée de frustration. J'arme le poing et annonce la sentence :
- ESPECE DE FILS DE...
PAF !
Le Tyrant Punch l'a éjecté hors de la taverne. C'est sa tête qui est passée la première par la fenêtre près de l'entrée.
Et là, y a un bébé qui se met à chialer, des clients qui se lèvent, terrorisés pour certains, offusqués pour d'autres, une mère qui bouche les oreilles de sa fille et un gosse à la morve au nez qui lève le pouce dans ma direction avec un sourire benêt sur le visage.
Avec ces conneries, j'ai même plus envie de boire ! Et ça c'est grave !