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Défaillance

Essayant tant bien que mal de soulever ses paupières engluées dans une chassie épaisse, maladive, le jeune homme sentait ses forces le quitter. Ses papilles ne se révoltaient même plus au goût de sang, de terre et de vomi qui encombrait sa bouche entrouverte, laissant passer un filet de respiration sifflante, syncopée. Sous ses ongles noircis de crasse, Jaros cherchait à s'agripper au mur, se redresser au moins un peu, faisant fi de ses membres endoloris. *Putain d'incapable, t'es juste un putain d'incapable...* Ressassant avec une hargne qui, elle, ne faiblissait pas, le vagabond revoyait amèrement les événements qui l'avaient conduit ici, dans un caniveau du port de Luvneelpraad, blessé et affamé.

Une semaine, deux, peut-être même un mois, impossible pour lui de le dire; il se souvenait en revanche très bien de ce qui l'avait amené à prendre la mer depuis Manshon, cherchant à fuir la mafia de la ville et trouver du travail, au moins temporairement. Il se souvenait du trajet interminable jusqu'à South Blue, et son retour infructueux; des autres îles de North Blue sur lesquelles il avait accosté, l'estomac en compote. Tout comme il se souvenait d'avoir dû, après une échauffourée à la mine d'Inu Town, partir rapidement pour une autre île.

Encore une... Il semblait à Jaros que sa vie, depuis un an maintenant, n'avait été qu'une errance sans aucune satisfaction ni réussite. Une "fuite en avant", qui ironiquement ne l'avait pas fait avancer d'un pouce dans son existence. Toujours dans la même situation infamante, à survivre péniblement, pris en étau entre ses beaux petits idéaux et son incapacité à réellement en faire quelque chose.

Trouver de quoi manger, un coin où dormir, peut-être même avoir de quoi voir venir pour quelques jours, et c'était tout. Voilà à quoi il s'était condamné, avec sa fierté mal placée. Il aurait pu frayer avec les Familles et baigner dans un luxe éhonté, embrasser une carrière militaire et décrocher un poste confortable, voguer sur les mers du vaste monde, tant d'autres choses. Mais non; évidemment, non. Incapable de laisser Manshon vraiment derrière lui, incapable de faire un choix, le vagabond se retrouvait encore une fois à cette dangereuse lisière qui appelait tous ses sens au néant. Secoué par une quinte de toux qui ne voulait pas sortir, empâtée dans la bile âcre qui lui tapissait la gorge, Jaros murmura entre ses dents.

- Comment elle s'appelait déjà, cette putain de de bière...

Une quinte de toux manqua de le faire dégobiller un peu de bile glaireuse. En avoir le cœur net relevait de l'impossible dans sa situation, mais pour lui, tout était parti de cette foutue boisson qu'on lui avait offerte, dans la petite ville minière de Chom. Peu après être parti d'Inu Town, le jeune homme s'était senti pris d'une nausée monstrueuse. Nausée que sa tendance au mal de mer n'avait pu expliquer lorsque qu'il se mit à se vider de toute part. Rien de tel que d'avoir une diarrhée monstre sur un ferry de transport pour passer un bon trajet. Mais les choses auraient pu s'arrêter là, n'eut-ce été un léger souci.

Plus que de retourner à Manshon, le jeune homme s'arrangea finalement pour rester jusqu'à la prochaine destination du navire de transport. Relégué dans la cale une fois complètement vidé, à moitié déshydraté, il se blessa un doigt sans trop y faire attention, n'y pensa plus. Pas moyen de se remplir l'estomac efficacement, le vagabond se contentait de boire l'eau qu'on voulait bien lui concéder.

Et quelques jours plus tard, lorsque le ferry accosta à la pire province du Royaume de Luvneel, Jaros, terrassé par une fièvre brûlante, fut promptement jeté sur les quais, délesté de ses derniers berries. Il avait ce qui lui semblait être une infection générale particulièrement agressive, son corps à jeun constituant manifestement une aubaine pour la faune bactérienne.

Le reste se perdait dans une brume confuse. Ses entrailles désespérément vides se confondaient dans le magma douloureux de l'inflammation généralisée. Son ouïe, altérée par la fièvre, agressait ses méninges de sons étranges et discordants. *Je vais quand même pas finir comme ça...* Avait-il marché ou rampé jusqu'où il se trouvait maintenant, y était-il depuis quelques heures, un jour, plusieurs ? Sa conscience brouillée l'incitait à croire que cela ne pouvait faire si longtemps, autrement il serait déjà mort de déshydratation.

Il n'avait même plus la force de d’enrager contre lui-même. Croyant entendre des pas proche de lui, Jaros se crispa, tenta encore une fois de se redresser. Sans succès. Ce n'était pas la première fois.

- Bordel...


Dernière édition par Jaros Hekomeny le Lun 3 Déc 2018 - 18:48, édité 1 fois
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Les bruits se rapprochaient. Ils devaient être plusieurs, aux oreilles malades de Jaros, au moins trois. Mobilisant ses forces fuyantes, il chercha encore une fois à se redresser, lever la tête et ouvrir ses yeux encroûtés; peine perdue. Son crâne était plus lourd que l'ancre du trois-mâts qui l'avait amené là, et ses globes oculaires lui faisaient l'effet de braises enfoncées dans ses orbites. Sans parler de la chassie collante et grumeleuse, agglomérée aux coins de ses paupières. Le monde tangua autour de lui quand il poussa un grognement sans grâce, entre ses dents.

- Ben ça, si c'est pas le destin !

Le jeune homme n'en entendit pas la moitié, mais la voix, tout déformée et fluctuante pour sa cervelle aux abois, lui parut tout de même d'une inquiétante familiarité. Le bruit des pas s'arrêta, continuant quelques secondes pour le vagabond, dans un écho halluciné. Ses membres tremblèrent, parvinrent enfin à le hisser un peu, il réussit à lever un peu la tête, au prix de la plainte lancinante des chairs de sa nuque endolorie, qui lui enserra le front d'un carcan douloureux.

Il ne le perçut pas, mais on s'esclaffa, juste devant lui. Il eut cependant une vive réaction lorsqu'il sentit quelque chose l'agripper au niveau des aisselles, et on se déroba instantanément. Puis il ne se passa plus rien, pendant ce qui parut, au vagabond aux abois, une éternité.

Puis d'un coup, il fut plaqué au mur avec une violence inattendue, les deux bras pris dans des étaux brûlants. Soulevé comme une vulgaire poupée de chiffon, Jaros eut le réflexe de baisser la tête, ce qui lui évita de frotter sauvagement contre les pierres. On lui souffla au visage une haleine lourde et humide, malsaine, bien qu'en l'état il ne pouvait le sentir.

Les doigts qui l'enserraient paraissaient traversés de quasi-convulsions, pulsant contre les membres amaigris du jeune homme dans des contractions sporadiques et nerveuses. D'autres bruits se firent entendre, sans qu'il soit possible au malade de les identifier ou les situer. Il vit que quelque chose se rapprochait dangereusement de lui, de son visage, et se cogna l’occiput contre le mur en cherchant à reculer.

Jaros eut la force de cracher un peu ce qu'il avait en bouche, dans une pitoyable tentative de rébellion; sans succès bien sûr, il ne provoqua qu'un rire qui grinça affreusement dans sa pauvre caboche. Puis quelque chose de doux se frotta à ses lèvres, ses joues, son menton, d'abord doucement puis avec énergie, réveillant la douleur de l'inflammation dans ses chairs.


- T'as encore la force de te débattre, mon chou ? T'es dans un sale état, pourtant.

La voix, bien trop forte et proche, lui écorcha les tympans, mais eut le mérite d'enfin lui donner la force d'ouvrir un œil en relevant à demi le visage. Ce qui ne lui servit pas plus que ça, tout engluée et flou de fièvre que sa vision était. Il ne distingua qu'une tache vague devant lui, rien de plus; pas même un visage. Apparemment son corps n'apprécia guère l'effort, et un voile noir tomba brutalement sur sa vision déjà bien handicapée; quelques secondes plus tard, et il sombra dans l'inconscience.  

Il en émergea lorsqu'il sentit contre ses dents un objet dur, et qu'un flot tiède lui inonda la bouche. Par réflexe, il ferma les yeux avec force, chercha à se dérober, sans grand succès. Il avala une partie de travers, cracha et toussa alors que l'intrusion s'arrêtait, momentanément seulement. Il avait à peine fini d'évacuer la bouillie, de sang, de terre et de bile diluée d'eau, qu'on lui en remettait une rasade forcée tout en lui tirant les cheveux, le forçant à relever la tête. Il déglutit une fois, deux fois, trouva la force de se débattre, ou du moins essayer. Cela eut au moins l'effet de retirer l'embout qu'on lui avait fichu de force en bouche.

Continuant à tousser, son estomac vide depuis trop longtemps soudain plein de liquide, il sentit que la régurgitation était imminente. On lui lâcha la tête, le maintenant tout de même redressé contre le mur, alors qu'il combattait la remontée affreusement amère dans sa gorge. Toutes ses pensées confuses se concentrèrent sur cette urgence physique à refouler. *Pas maintenant, bordel, pas maintenant...* Un haut-le-cœur violent le fit tressauter, puis son ventre se calma enfin, le laissant pantelant, inspirant et expirant rapidement par la bouche, les lèvres maculées de salive.

Jaros, la respiration revenue à un rythme plus stable, prit enfin conscience que quelque chose avait changé. La paroi sur laquelle il était appuyé était lisse,  la lumière, à travers ses paupières entrouvertes, était plus ténue, plus jaune également. Il n'eut cependant pas le temps de s'y appesantir, on lui attrapa le bas du visage d'une poigne de fer.
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- Pauvre petit, qui n'arrive même plus à boire comme un grand garçon...
- Lâch...*kofkof*Lâche moi.

Cet exploit de parole, en plus d'écorcher les cordes vocales de Jaros, fut accueilli par un rire toujours aussi affreux pour ses oreilles. Puis on lui frotta d'autorité les yeux avec ce qui lui sembla être un linge humide, lui maintenant toujours la tête immobile, serrant à lui en faire mal.

Indéniablement la fièvre du jeune homme avait baissé, mais il se trouvait encore dans un état plus que lamentable. Il sentait à peine ses membres, reprenait tout juste conscience de la position de son corps, l'inflammation le pétrissait encore de douleur, mais la colère agissait comme un stimulant pour ses perceptions altérées et vacillantes. Il trouva la force d'ouvrir les deux yeux, pour se retrouver nez à nez avec...

- Alors mon beau, tu me remets ?

Malgré sa vision encore floutée, il ne la reconnaissait que trop. *Je délire, c'est pas possible autrement...* Ces yeux d'un jaune acide, ce visage crânement coiffé d'un borsalino de travers, cette gorge nue et d'une blancheur impeccable, tranchant avec la veste de cuir luisant et clouté... Un attirail ridicule, qui en devenait alarmant couplé à l'énergie malsaine que la jeune femme exsudait par tous les pores de sa peau lisse.

C'était à cause de cette folle qu'il s'était retrouvé à crapahuter d'une île à l'autre. Ou peut-être grâce à elle; la mafieuse lui avait servi un avertissement aussi détestable et humiliant que salutaire, lorsqu'il l'avait croisé à Manshon. Reste qu'Amelia Manicelli était tout sauf une compagnie souhaitable, surtout dans un tel état de faiblesse. Le jeune homme se voyait déjà pris comme esclave pour être vendu, ou démembré, histoire de faire fructifier ses organes au marché noir. Jaros s'humecta les lèvres avant de répondre d'une voix blanche, qui manquait encore cruellement de fermeté.

- Qu'est-ce... Qu'est-ce qu'Amelia Manicelli me veut ?
- Mon mignon, tu penses vraiment que dans ton état c'est le plus urgent à dire ?
- Merci de m'éviter la déshydratation, oui... J'admets que je ne suis pas... vraiment en état de penser grand-chose.
- Pauvre petit. Ah ! Avant que j'oublie, je t'ai injecté un petit quelque chose, si tu te demandes pourquoi t'as ça au bras. Navrée pour les cordes d'ailleurs, un réflexe, tu comprends...

Il réalisa qu'en effet, ses jambes comme ses bras étaient ligotés; ne pas l'avoir ressenti plus tôt l'irrita, tant cela révélait de son affaiblissement général. Incapable de jeter de rapides coups d’œils, il dut se contenter de quelques regards obliques et laborieux. Une pièce sans fenêtres, au plafond bas, aux murs parsemés de taches d'humidité, éclairé par des lampes posées à même le sol. Lui-même se trouvait étendu sur le plancher, assez sommairement il fallait l'admettre; mais entre cela et le sol froid et crasseux de la rue, il y avait tout un monde. Mais être à la merci de cette malade...

Surtout, cette histoire d'injection insinua en lui une angoisse vivace. En l'état il aurait été incapable de dire si elle bluffait ou non; se demander ce qu'elle avait pu utiliser, n'en parlons même pas. Peut-être une drogue, mais si oui laquelle... Jaros avait entendu parler de produits aux effets aussi divers qu'inquiétants. Avant de complètement se laisser emporter par le stress et les spéculation horrifiées, le jeune homme s'astreignit à une respiration aussi lente et profonde que possible, cherchant à se concentrer sur sa situation présente uniquement.

Situation bien peu reluisante, indéniablement. Entravé, malade, en face d'une maniaque aux tendances violentes. Il était coincé, dos au mur, littéralement comme métaphoriquement. Il se força donc à la diplomatie, manœuvre assez risible certes, pitoyable même, mais c'était tout ce qui lui restait sous la main.

- Je ne pense pas être une grande menace, dans mon état, mis à part une possible contagion...
- Te bile pas pour moi, mon chou. Tu commences déjà à te sentir mieux, on dirait !

Une vérité que Jaros, trop occupé à retrouver un usage plus normal de ses sens, vivait plus qu'il ne le réalisait, jusqu'à ce qu'Amelia lui sorte cette réplique, suivie d'un affreux. Cela ne le rendit pas moins confus. *Elle m'aurait injecté un remède ?* Si elle ne bluffait pas, ce n'était pas plus rassurant que l'hypothèse d'une drogue. Quel intérêt avait-elle à le remettre en état, si ce n'est pour obtenir quelque chose de lui, d'une manière ou d'une autre; aucun, aux yeux du jeune homme. Restait à savoir quoi...

Comme pour mieux percevoir les interrogations angoissées de son captif, la jeune femme, les pupilles dilatées, se rapprocha encore, soufflant au visage de Jaros une haleine acide, à la chaleur alarmante, les narines frémissantes. Elle le regardait comme un chat devant un oiseau sur une branche basse, l'oeil nerveux, une lueur de folie au fond des yeux. Il s'efforça de ne pas réagir, mais dans sa position et son état, c'eut été du pareil au même.
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Quoique, peut-être pas tout à fait, car Amelia, après quelques secondes de cela, se fendit d'un éclat de rire d'une fraicheur incongrue. Puis elle s'assit carrément à coté de Jaros, jouant distraitement avec les liens qui maintenaient les bras du jeune homme entravés. Il ne put retenir un regard furibond, qui ne fit que stimuler son hilarité.

- Tu sais pourquoi je t'ai pas juste laissé dans ta merde, comme n'importe quel crève-la-faim ? Même ceux qui s'écrasent pas sont d'un ennui... Mais toi tu cherches à sauver ton petit honneur avec une candeur vraiment trop drôle !

Encore fiévreux, il sentit une bouffée de chaleur d'une autre nature, alors que ses joues pâlirent. La situation était ridicule. *C'est quoi cette merde...* Pas d'une manière qui la rendait plus légère ou moins alarmante, non, bien au contraire.

Il n'eut cependant pas le loisir de se demander ce qu'il devrait faire, quoi répliquer, car ils furent interrompu par l'entrée inopinée de ce qui ressemblait fort à un sbire des Manicelli, qui se fendit d'un raclement de gorge gêné. Chose qui, manifestement, ne plut guère à Amelia. S'écartant prestement de Jaros, elle sortit de la poche de son pantalon un couteau qu'elle lança avant même d'avoir fini de se retourner, épinglant le chapeau du pauvre bougre contre la porte. En furie, elle marcha vers lui en pestant d'un ton qui n'augurait rien de bon.

- J'ai pas l'habitude de me faire répéter. Monter la garde et ne pas entrer, c'est trop dur à piger pour toi ? T'as de la chance d'être nouveau, parce que la prochaine fois...

Terrorisé, le mafieux n'osait plus bouger, lâcha tout de même une sorte de petit cri avorté aigu lorsque la lame, juste au dessus de son crâne, fut délogée en faisant grincer le bois. Amelia rythma ses derniers mots du mouvement du couteau sous le gros nez de son planton, qui semblait, en cet instant, terriblement regretter de n'avoir finalement pas opté pour une carrière plus tranquille. Avec son ventre replet et son air bovin, il ressemblait à une vache un peu trop prêt de l'abattoir.

- Je viserai pas aussi haut. Capiche ?
- Ou... Oui madame, mes excuses, c'est juste que... que votre père a...
- Quoi, "queque" ? Qu'est-ce qu'il a, mon père ? Accouche, ma grosse.
- Il... Enfin, je... Il voudrait vous parler, l'escargophone est... Tu l'as pas mangé j'espère, hein ? Bon, reste là alors. Un peu de patience, mon mignon, papounet me demande !

La dernière partie fut adressée à Jaros, alors que, se retournant brièvement, elle lui jeta un regard plein de malice avant de pousser sans ménagement son subordonné, claquant brutalement la porte derrière elle. Le petit tête à être qui suivit entre le jeune homme et le gros type serré dans son costume fut particulièrement paisible.

Silencieux et stoïque, le mafieux ne s'était pas rapproché, se contentant de lui jeter quelques coups d’œils de temps à autre. Le jeune homme eut donc tout le loisir de mariner dans la fange mentale que constituait l'évaluation de sa situation. Fange, car il restait trop faible pour avoir une réflexion bien élaborée, se retrouvant incapable de voir la moindre échappatoire. Ses pensées restaient toujours aussi confuses, le devenaient même de plus en plus, depuis quelques minutes. *Elle m'aurait donné autre chose ? Ou c'est juste la fatigue ? Oh, bordel...*

Pour le vagabond, il était maintenant clair qu'on lui avait donné une forme de remède. Ses douleurs s'estompaient, et il lui semblait que la fièvre, sans pour autant disparaître, avait continué de baisser. *N'empêche, elle aurait pu me filer n'importe quoi d'autre, surtout un sédatif...* Peut-être s'imaginait-il des choses, surinterprétant simplement. Peut-être pas. Dans tous les cas, il devait savoir ce qu'on allait faire de lui, mais comment ? Un grand bruit coupa brutalement ses interrogations muettes

Manquant de faire sortir de ses gonds le pauvre amas de planches, Amelia rentra enfin, l'air courroucé. D'un sérieux professionnel à toute épreuve, le garde sursauta, brutalement sorti de la contemplation distraite du plafond. Jusque là négligemment appuyé contre le mur, il se redressa avec un petit temps de retard, écopant d'une œillade noire. Tout ce déroulement parut comme flottant à Jaros; comme s'ils ne touchaient pas vraiment le sol, rebondissaient mollement telle des méduses dans le courant.

- Pas moyen de faire ce qu'on veut tranquillement, tu te rends compte, mon chou ? La famille, toujours la famille... M'enfin bon !

Tout commençait à chavirer, à présent. Même les sons se distordaient, d'une façon bien différente de celle qu'il avait pu expérimenter jusque là. Cherchant à se redresser, le jeune homme n'y parvint pas. Se rapprochant à grands pas de lui, Amelia semblait amusée et vaguement contrarie tout à la fois. La conscience du vagabond s'estompait, cependant. Il eut à peine le temps de prononcer quelques mots d'une voix pâteuse.

- Bordel, mais qu'est-ce que...
- Merde, ça fait déjà effet ? Hé, réveille toi ! Réveille toi ! veille toi ! Réveile toi...
- Oh, gamin !

Jaros sursauta avant qu'une nouvelle gifle lui claque contre la joue. Instinctivement, il agrippa son agresseur, s'apprêtant à le tirer au sol. Puis, alors qu'il toussait une eau amère et salée, il regarda frénétiquement autour de lui, prit soudain conscience d'où il se trouvait. Les mouettes, le bruit des quais, les entrepôts... Ils les connaissaient bien. Le marin qui le tenait par le col fut bien surpris alors que, prêt à en découdre, le jeune homme qu'il avait repêché le lâcha soudain, pour lui demander d'un air confus, ruisselant encore des pieds à la tête :

- Vous avez une idée de comment je me suis retrouvé ici ?

Ils étaient au port de Manshon.
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