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Le Dragon et la Glace

Noir.

Le noir de l'enfermement, le noir de la solitude. Enfermée là, dans cette cale de navire sans accès à la lumière du jour, je ne vois rien.
Pire, je ne sens plus rien.
Enfin si, une seule et unique sensation me vient, m'enlace, me domine.

Le froid.

Nous ne sommes même pas encore arrivé à destination que déjà je souffre de tout mon être. De temps en temps, j'entends Raphael non loin de moi qui gémit, qui parfois hurle de rage. Mais rien ne change jamais, personne ne vient. Je crois même que personne n'entend.

Seuls.

Nous sommes seuls avec nous même. Seuls avec nos regrets, nos remords, et pour moi, mes souvenirs qui reviennent dans cette ambiance similaire à celle que j'ai déjà vécu. Je me souviens Stymphale, avant d'en être la reine. Je revois Lyana, ma tortionnaire aux cheveux aussi rouge que les miens.
Et je revois...

Non.

Non, je ne dois pas céder, je ne dois pas oublier. Oublier que tout ceci n'est que temporaire, que tout ceci fait parti du plan. Un plan qu'un idiot de révolutionnaire à mis en place. A l'heure actuelle, il est déjà entrain de me suivre de loin depuis son sous marin. Et lorsqu'on arrivera là bas, dans ce véritable enfer sur terre, il sera là et mettra rapidement fin à mes souffrances. Je dois avoir confiance, je me dois de me souvenir. Tout ceci est voulu, tout ceci est prévu.

L'espoir.

Il ne me reste que cela, l'espoir. L'espoir que tout ce passe comme prévu, que bientôt je reverrai la lueur du jour et ressentirai la chaleur du soleil. Que bientôt, mes chaines seront brisés et ce froid, neutralisé. Oui, je dois y croire, j'ai n'ai pas le choix, je n'ai plus que ça. Quoi qu'il arrive, en attendant, je survivrai, j'affronterai les épreuves, je surmonterai ma faiblesse. Et quoi qu'il arrive, j'ai confiance en Reyson, peu importe les risques, peu importe le danger, il me retrouvera, il me sauvera.

Blanc.

La lumière vient de pénétrer dans la cale du navire, dévoilant les murs blancs immaculé de cette petite prison de givre. Des pas lourds descendent les marches qui mène à notre étage. A côté de moi, Raphael, s'agite soudain, le pauvre est à bout de force. Il faut dire que nous n'avons rien mangé depuis notre départ de Little Garden. Je n'ose le regarder, je n'ose lui parler. Tout ce qui lui arrive est de sa faute, il n'aurait pas du intervenir, il n'aurait pas du être là.
Tout ce qui lui arrive est de Sa faute. J'essaie de m'en convaincre, je sais que c'est faux. Mais je garde un mince espoir pour lui, si je ne lui parle pas, peut être que la marine arrêtera de le traiter comme l'un de mes complices, comme l'un de mes amis.

Tu vas être contente Tahgel, j'ai réussi à faire exactement ce que tu m'as demandé : ton petit protéger va être logé dans le lieu le plus sécurisé de Jotunheim, tout comme toi, d'ailleurs.

Le vice Amiral Vasco se tient devant moi, fier comme un paon. Malgré le froid, malgré ma fatigue, mes blessures et ces menottes qui m'empêche d'être pleinement moi, je sens mon sang bouillonner dans mes veines.
Si seulement. Si seulement Raphael n'avait pas été là...

Te fous pas de moi Vasco ! Il ne mérite pas ça !

J'aurai voulu crier, mais le volume de ma voix ne suit pas. Et ce simple effort m'essouffle comme jamais. Mon cœur affaibli donne le maximum pour palpiter au rythme de ma colère et mon visage se crispe pour coller avec la rage que je ressens.

Mais je le sais très bien Tahgel, je ne fais qu’exhausser ton souhait.

Je voudrai me débattre, le frapper de toutes mes forces. Mais je n'arrive au mieux qu'à faire cliqueter à peine la chaîne qui retient mes mains en l'air, accrochée au plafond de ma cellule. Mais finalement, ma fatigue me rattrape, et ma tête se baisse, résignée devant un Vasco aux anges très vite rejoint par du personnel que nous n'avons pas encore eu le plaisir de rencontrer.

Je te présente tes nouveaux hôtes Tahgel, sois sûre qu'ils prendront bien soin de toi.

Sans relever la tête, la porte de ma cellule s'ouvre et les chaines glissent à travers les différents anneaux de métal. Mes bras retombent, totalement engourdi par le froid et cette position que je maintien depuis trop longtemps déjà. D'un coup sec sur mes fers, l'on m'invite à marcher à la suite de ces hommes qui me tire vers la lumière du soleil.

Dans mon dos, d'autres hommes s'occupent de Raphael, le libérant lui aussi le temps du transfert.

Et tandis que je place un pied sur les marches blanches doucement chauffé par les rayons du soleil, je m'arrête un instant, profitant quelques secondes de sa chaleur bienfaisante. Devant moi, les soldats s'agitent et tirent plus fortement sur mes chaines, mais je ne bouge pas, je me revigore tant que je le peux encore.

Jusqu'à ce que Vasco s'en mêle et tire d'un coup sec, me faisant voler de quelques mètres dans les escaliers.

Cette fois, c'est la fin pour moi.

Reyson, Ragnar, sortez moi de là...


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Bleu.

Le blanc éclatant des lueurs du matin avait laissé place à des tons plus froids, à une ambiance glaciale. Si une accalmie les avait accueillies à leur arrivée dans l’enceinte de la prison, les grandes portes de métal givré n’avaient pas tardé à anéantir les espoirs naissants. En voyant cette immense forteresse de glace et de de malheurs, ce n’était pas tant son imprenabilité  ou son immensité qui frappait, que sa couleur bleue pâle. Des cimes où poussaient canons et équipements de défense, aux grands escaliers de glace qui serpentaient et se mêlaient aux galeries interminables, ce bleu terne et monotone qui semblait fait de larmes et de rancœurs gelées.

Silence.

Depuis son réveil Raphaël n’avait pas prononcé un mot. Le voyage depuis Little Garden avait duré plusieurs jours et plusieurs jours durant, il s’était enfermé dans le cloître du silence. Pour reprendre des forces malgré le froid mordant, pour s’apitoyer sur lui-même et sur les coups du sort qui ne semblaient jamais vouloir le lâcher. Parfois une pensée destructrice l’enrageait et il l’exorcisait dans un hurlement de rage. Mais pas un mot, pas une syllabe, il savait d’expérience que de simples suspicions pouvaient rendre quelqu’un coupable aux yeux de tout un système et Il n’avait pas eu le courage de perdre ses forces à argumenter sa cause perdue. Bien sûr, il y avait pensé régulièrement, il avait quelques contacts comme Myosotis de Ville ou Monsieur Moustache, son ancien patron, qui possédaient des liens avec le gouvernement mais…

Culpabilité.

Il avait eu le temps de penser, de réfléchir et de tourner le sujet dans tous les sens possibles. Il s’était montré bien bête d’intervenir. Quel pauvre rôle de héros avait-il essayé de remplir… Bien qu’il ne puisse s’empêcher de s’inquiéter pour ceux qu’il n’avait pas pu secourir, la pensée qui lui avait permis de s’accrocher était de savoir qu’ils étaient bien assez débrouillards pour s’en sortir sans lui.

Violence.

Ils le traînaient comme un moins que rien, sans le connaître réellement mais estimant en savoir bien assez. Il n’était pas mieux qu’un autre, pas pire non plus. Sa jambe douloureuse, gauche, le fit chuter plusieurs fois sur le sol verglacé et d’une secousse on l’obligeait à se relever.

Izya , elle, ne garda pas sa hargne en bouche, mais lui se contenta d’encaisser. Il ne broncha pas plus lorsqu’on les dépouilla, qu’on les lacéra et leur fit perdre le peu qu’il leur restait de dignité. Rincés à l’eau de mer glaciale, habillés avec des fripes de bagnards, encore moins chaude que ce qu’ils portaient sous les chaleurs tropicales de Little Garden, on leur prodigua le traitement des sous-homme et femme qu’ils devenaient.

Combattre.

Le froid les mordait, vampirisait leur énergie comme une liche, plus efficace que toutes les eaux du monde. Cette salle était plus réfrigérée que toutes les autres et bien qu’on lui enleva ses menottes en granit marin le temps de les déshabiller, de les humilier et de leur passer l'uniforme des prisonniers, la dragonne n’eut la force de se débattre que quelques secondes avant de s’écrouler par terre en position fœtale. Ils avaient bien trouvé sa faiblesse, le froid était pour elle un mortel ennemi qui ne lui laissait que peu d'espoirs de survie. On ignora Raphaël l’espace d’un instant et celui-ci pu jeter un coup d’œil aux environs, à la chapelle de glace qui les maintenait prisonnier, comme à leurs chaînes de granit qui reposaient mollement sur le sol, et à celles à peine plus ternes, d'acier simple, qui étaient accrochées à un gros crochet de bronze. Alors que sa peau lui donnait l'impression d'être arrachées par de grandes trombes d'eau, il remarqua que personne n'y faisait attention. Il n’avait pas encore perdu tout esprit combattif et avait vaguement essayé de retenir le chemin par lequel on les avait conduits.

Les forces de son corps étaient drainées. Il s’économisait pour faire fonctionner son cerveau et ce qu'il lui restait d'ingéniosité. Juste à temps.

On lui arracha alors les gants de soie qu’il n’avait pas enlevés de lui-même et on lui repassa ses menottes.

"Qu’est-ce que tu croies, qu’ils vont te tenir chauds ? " grogna l’un des gardiens cornus, sa mine patibulaire lui donnant des faux airs de  buffle sous acide.

Rouge.

Rouge, comme la chevelure de feu d’Izya qui perdait peu à peu de son éclat. Les flammes de sa crinière qui dansaient d’ordinaire sous les rayons solaire, se transformaient lentement en stalactites  sous l’effet du givre. Pourtant la flamme ne s’éteignait pas. À travers le dédale, à travers les couloirs innombrables dont il essayait vainement de retenir l’ordre, elle était son point de repère et il s’en remettait à elle pour ne pas sombrer.

Pas d’espoir d’être innocenté quand on était châtié sans avoir péché, pas d’espoir qu’on n’ouvrit la porte de sa cellule quand on le traînait à l’autre bout du monde et qu’on le plongeait dans ses abysses. Pas d’espoir, juste une lumière qui guidait son chemin. Cette lumière était rouge et dans l’aile la plus sécurisée de la prison, on la laissa enchaînée dans une cellule adjacente à la sienne.

Le voile tomba, on leur promit de très vite revenir vers eux et dans une dernière raillerie de Vasco, on les laissa de nouveau au silence.  

Une goutte de rhume se gela instantanément sur le visage de Raphaël qui agitait frénétiquement ses doigts et ses orteils pour ne pas les laisser engourdi quand enfin, les derniers échos de leurs geôliers s’éloignant au loin, il se décida :

"Pourquoi ? "

Absorbée dans ses pensées, la dragonne releva lentement la tête en ménageant un instant de calme. Une mèche sauvage pendait sur son front sur lequel se mêlait les rides de la furie, de l’espoir et de la résignation.

"Ca y est, tu as retrouvé l’usage de la parole machin ?
- Je suis désolé.
- Désolé de quoi ? Pourquoi quoi ?  Qu’est-ce que tu croyais franchement, qu’ils allaient t’écouter ? Que tu allais encore pouvoir sauver une demoiselle en détresse ? C’est une sale manie chez toi, prends en qu’à toi-même. "

Elle se détourna, ses émotions étaient dures à maîtriser et il comprenait bien pourquoi. À aucun moment elle ne se serait douté le trouver sur son chemin.

- Non. Je ne suis pas désolé de ne pas avoir réussi à te sauver. " reprit-il en laissant traîner ses mains sur le sol où une mince couche de neige se laissait modeler par la trace de ses doigts "Je suis désolé d’avoir pensé que tu avais besoin d’aide et d’avoir cru que tu t’étais faite capturer par ma faute.
- Qu’est-ce que tu me baragouines encore ?"

Il la regarda d’un air peiné, pour l’avoir déjà vu en colère, il avait fini par comprendre que la violence de ses reproches était feinte. Comme tout le reste.  

"Maintenant qu’on est tout seul…Tu vas me le dire enfin… ce qu’on fait là ? "


Dernière édition par Raphaël Andersen le Lun 13 Aoû 2018 - 12:30, édité 2 fois
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Mensonge.

Je ne peux pas le lui dire, même si ça serait plus simple pour lui d'entrevoir un avenir, d'entrevoir un espoir s'il savait. Mais je me souviens Impel, et je me souviens de ces gardiens qui voyaient tous nos fait et gestes.
Non, je ne peux rien lui dire.

Ce qu'on fait là hein...

Je lutte pour garder mes dernières forces encore vive, je nourris ma colère qui fait battre mon cœur et l'empêche encore de subir l'assaut du froid. Alors je pense à Ragnar, qui n'a pas été fichu de me respecter, je pense au gouvernement qui a tué mon père, Géralt Sélindé, je pense à Tahar qui vogue maintenant dans les eaux du nouveau monde à la botte d'un empereur.
Et je le regarde lui. Raphaël. Je le regarde et plus que son visage, je vois mon impuissance. J'aurai du réussir à lui éviter cela. J'aurai du retarder le plan.
J'aurai du...

On attend, il ne nous reste plus que ça désormais.
Ah.

Peu à peu, la résignation prend le dessus sur ma colère. Et le froid vient faire ses ravages sur mon corps engourdi. En désespoir de cause, je referme mes ailes d'ange sur mon dos et enroule mes cheveux autour de mon cou avant de me replier complètement sur moi même en position fœtale, assise dans ce coin de notre cellule sur la banquette de glace.  

Et on attend quoi au juste ?

Mes pensées rejoignent Reyson. J'avais promis de le suivre qu'importe les difficultés, et finalement, il m'a faite mentir. Plan de merde, idée de merde. Je ne voulais pas cela, je ne voulais pas être là. Et maintenant... Maintenant c'est trop tard, et dans ma chute, je l'ai entraîné, lui, pauvre civil innocent. Mais le pire d'en tout ça, c'est que Vasco était vraiment fort, et peut être même aurait-il pu m'arrêter si je m'étais réellement donné à fond pour ma survie. Et la dehors, je ne doute pas que d'autres soldats attendent, aussi fort que lui.
Alors, malgré ma confiance en Reyson, le doute m'envahie. Y arriveront-ils ? Avons nous seulement encore un espoir ?
Ce plan était-il voué à l'échec depuis le début ?

On attend la mort. Ou un miracle. Mais les miracles sont rares. Et j'en ai déjà vécu un à Impel. Je doute que le destin me soit favorable une seconde fois.

Un mensonge, oui. Mais un mensonge auquel je crois à moitié.

Et cette fois, ma colère est définitivement retombée. Dans un dernier effort de volonté, je retiens mes larmes qui menacent de couler, qui menacent de geler. Le froid fait son office sur mon corps qui vire petit à petit au bleu tandis que mon cœur ralenti doucement. Dans mon coin recroquevillée, je m'affale sur le mur et replie ma tête vers mes mains. Des frissons me parcourent, dernier effort instinctif de mon corps pour lutter.

La mort risque de venir plus vite que je l'avais prévu.

Aurai-je encore menti en jurant à Reyson que je resterai en vie ?


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"N’importe quoi. "

Déni.

Le vert frissonna. De sa propre audace mais surtout de la température extrême à laquelle leur chambre luxueuse les maintenait. Pas assez pour leur faire perdre toute vitalité, le froid était entretenu à la limite du danger et de l’inconfort pour rendre les captifs prisonnier de leur propre corps. Raphaël ne sentait déjà plus ni son nez, ni ses oreilles, mais il avait la sensation d’être à tout instant traversé par des aiguilles de fraîcheur.

La violence et la torture ne lui étaient pas étrangères. Cette année avait commencé dans la crasse, la sueur et le sang qu’il avait versé sur Rhétalia. Mais celle de ne jamais pouvoir se sentir à l’aise, le tourment de ne jamais pouvoir dormir sans craindre que le froid ne vous emporte dans votre sommeil… Cela ne faisait même pas une journée qu’il était là mais déjà il avait peur.

Il devait se raccrocher à quelque chose, à quelqu’un. Et dans le cas présent c’était Izya, et la solide pensée qu’elle s’était laissé enfermer pour de bonnes raisons.

"Ce n’est pas la peine de me mentir… J’ai fini par réaliser que tu n’étais pas là par hasard. Qu’est-ce que c’était que toute cette-
- Hmpf. "

La tête dans les épaules, elle ne lui avait pas accordé un regard, mais l’avait interrompu d’une toux très nette. Lentement, une main repliée sur sa joue et l’autre traînant sur sa tempe, elle indiqua avec nonchalance les murs du couloir de l’index.

Raphaël vit ce qu’elle pointait et finit par comprendre. Bien dissimulées dans l’ombre des coins de mur de glace dont elles avaient la couleur, de drôles de limaces glissaient le long de ces derniers, un appareil technologique vissé sur leur corps. Ces créatures, probablement cousines du froid des Escargophone, semblaient assurer leur surveillance.

Il déglutit. L’idée qu’il avait eu un peu plus tôt n’était peut-être pas aussi bonne qu’il le pensait… Ses mains s’agitèrent dans ses menottes avant qu’il ne se décide à reprendre d’un ai plus détaché.

"Soit… Je te croyais morte tu sais. J’ai lu pas mal de choses, surtout des conneries, sur ce que vous aviez fait à Thriller bark et avant… C’est… "

Il eut du mal à trouver ses mots, ses jambes se resserrent l’une contre l’autre dans une vague tentative de retrouver de la chaleur, mais sa voix ne pouvait s’empêcher de trembler. Il devait s’occuper l’esprit quitte à passer pour un parfait idiot, continuer à parler, arrêter de se morfondre…. Quelque chose allait arriver. Il le savait. Quelque chose allait forcément arriver. Elle lui avait dit qu’il fallait attendre. C’est tout ce à quoi il pouvait se raccrocher.

"terrible… enfin je crois ? Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? "


Dernière édition par Raphaël Andersen le Lun 13 Aoû 2018 - 12:35, édité 1 fois
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Je...

Mon corps tremble au rythme de mes lents battements de cœur. Je dois lutter, encore. Encore un peu. Toujours.

J'ai. Perdu... l'espoir. Quelque temps.

Mes lèvres me tiraillent à chaque mots que je forme, ma voix s'affaiblit. J'ai l'impression de devoir soulever une montagne pour tous les mots que je prononce. Doucement, je souffle légèrement sur mes mains pour les réchauffer. Mais même mon souffle ne peut rien contre ce froid mordant qui nous entoure.

Juste ce qu'il faut pour ne pas tuer un humain un peu fort. Juste ce qu'il faut oui.
Mais c'est sans compter sur ma faiblesse innée.

Alors quoi ? Que puis-je faire face à ce nouvel enfer gelé ? Comment pourrais-je simplement y survivre, ne serait-ce que quelques heures si Ragnar est suffisamment rapide ? Je l'ignore. J'ai bêtement présumé de mes forces, j'ai bêtement sous estimé la morsure du froid sur ma peau d'ange du feu. J'essaye désespérément de m'en souvenir, de cette sensation familière, de cette chaleur...

Mais en cet instant, tout cet environnement brouille mes souvenirs heureux. Et plus mon corps s'éteint, plus mes pensées sont lentes, irréfléchi.

Je dois me reprendre. Me concentrer, parler, tenir la conversation, c'est la clé.

Ma bouche s'entrouvre, mais je ne sais plus quoi dire. Sans que je ne puisse plus rien y faire, mon esprit s'endort doucement.

Désolé. Raph. Je crois... Je vais... Dormir... un peu...

Mes yeux se ferment presque malgré moi. Je n'arrive plus à lutter, je n'arrive plus à rester éveillée. Comme ces fois là, où, impuissante, je n'ai pu que subir les assauts de Kormor. Mes muscles se crispent d'instinct fasse à ce souvenir que j'avais pourtant banni de ma tête, achevant dans ce geste mes dernières forces.
Des larmes coulent de mes yeux, gelant immédiatement sur mes joues maintenant trop proche du bleu.

Lentement, je sombre dans le blanc qui voile mon esprit.
Lentement, la glace m'accueille auprès d'elle.

Cette fois, mon corps cesse de trembler, il n'en a plus la force.

Cette fois, ma lueur s'éteint.


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"Non ! Non ! Izya, reste avec moi ! Ecoute-moi ! Parle ! "

Ce n’était pas comme ça que c’était censé se passer, si ? Elle devait forcément avoir un plan, elle ne pouvait pas s’être laissé enfermer dans la pire prison du monde pour elle sans au moins avoir la moindre idée de comment s’en échapper. Quelqu’un était là pour venir la récupérer, elle savait forcément quelque chose qui lui permettrait de quitter ce lieu au moment désiré. Ce n’était pas possible autrement.

Les pensées de Raphaël s’agitaient au ralenti, il sentait que la panique était en train de monter en lui, qu’il réalisait qu’il s’était peut-être trompé et que bientôt il n’y aurait plus d’espoir, que la réalité allait le rattraper. Toutefois à grand effort, il réussit à se contenir, le froid était déjà en train de le meurtrir, il ne pouvait se permettre de gâcher de l’énergie en faisant une crise de panique.

Être trop rationnel ne lui servirait à rien, cela le rendrait fou. Mais d’un autre côté attendre sans rien faire le tuerait.

Il reprit son souffle, lentement, avalant des petites bouffées d’air qui suffirent à congeler ses entrailles, mais son corps commençait à s’habituer à ce climat extrême. Pas au point d’être à l’aise, mais juste assez pour en être à nouveau maître.

Une pensée lui permettait de tenir.

"Reste avec moi ! Reste consciente s’il-te-plaît !" alors qu’il continuait à parler à Izya, avec une fausse voix enjouée pour qu’elle ne perde pas conscience, il prit le temps d’observer leurs cellules sous tous les angles qu’il pouvait "Tu te souviens de Blanche ? Tu te souviens de Rose ? Du mariage et de notre rencontre, ce belle après-midi, ces gerbes de fleurs et cette décoration outrancière, tout cet argent jeté par les fenêtres dont nous avons bien profité une fois la journée sauvée? Tu te souviens de l’énorme pièce montée en chocolat, du mal de bide monstrueux que tu as du avoir après en avoir dévoré plus de la moitié ? Izya ? "

Parler dans cette atmosphère était douloureux, mais avec un but cela devenait supportable. Il avait déjà vécu le grand froid, il avait déjà été privé de tout de la chaleur et du réconfort du soleil, mais plus encore il redoutait le silence de l’isolement et de la mort.

Il avait repéré tous les escargophones de surveillance et s’était fait une bonne idée de la marge de manœuvre qu’il avait en repérant les angles morts qu’ils ne couvraient pas. Ses mains enchaînées derrière son dos arrachèrent des bandes de tissus de sa tenue en toute discrétion, s’activant ardemment pendant que lui-même continuait de parler pour se maintenir éveillé en même temps que la dragonne.

"J’ai eu des nouvelles de Blanche récemment, elle m’a envoyé une lettre après s’être rendu compte que j’avais quitté le Gambling Blue, le casino dans lequel je travaillais, tu te souviens ? T’étais même censée venir goûter à notre Parfait, mais on ne t’y a jamais vu ! Trop bien déguisée peut-être… "

S’affairant sans agitation, ses mains nouèrent réciproquement, autour des doigts et la paume de l’autre, les grandes bandes de tissus en une composition bien serrée. Cela devait épouser la forme de ses phalanges tout en leur laissant une certaine liberté, il le savait, il l’avait déjà fait. C’était de cette façon qu’il s’était pour la première fois rendu compte de son don.

"Elle était ravie. Ravie par sa propre vie, par la voie et par les choix qu’elle avait pris, l'argent, les privilèges financiers et la petite tranquillité de Sirup participent sûrement, mais on n’aurait pas pu décrire une femme plus heureuse qu’avec ses mots. Ravi pour moi également, pour cette nouvelle vie qui commençait et tout ce qui allait m’arriver… Elle n’avait probablement pas imaginé ça mais… Elle m’a parlé de toi aussi, de combien tu l’avais marqué, combien tu avais compté… Je crois qu’en lisant ses mots, j’ai pour la première fois réalisé qu’on entendait plus parlé de toi et que tu étais peut-être morte… "

Ses chaînes entravaient ses mouvements et rendaient l’opération plus fastidieuse, mais nullement son résultat. Esprit combattif. Ingéniosité. On n’avait pas réussi à brider son esprit alors il s’était permis d’élargir un peu plus la brèche. Alors que son corps tremblait sous la violence de l’accueil des gardiens, mis à nu, détrempé, bousculé, il avait tout fait pour conserver la seule chose importante : les gants qu’il portait et qu’il avait cachés le plus longtemps possible. Le corps torturé mais l’esprit fixé sur son seul objectif, il avait fait apparaître ses alliées gantées et, sans qu’elles ne soient repérées par les gardiens occupés par une dragonne furieuse, les avait malicieusement incité à échanger la place des menottes de granit marin avec des menottes plus classique.

Son pouvoir était toujours là. Et personne ne le savait à part lui.

"Cela m’a rappelé beaucoup de choses… Mais surtout combien j’en savais peu sur toi et sur ce qui guidait ta vie, sur ce que vous viviez sur Armada en complète autarcie des règles gouvernementales et des fonctionnaires de la bien pensance, de l’équilibre de ce monde qui reposait sur du vent… C’est complètement dingue ce que vous faites. "

Des mains gantées apparurent dans son dos et sous ses cuisses, à l’abri des regards des limaces bleues. D’autres se lovèrent derrière Izya, dans les zones d’ombre que son corps étendu dissimulait. Elles se mirent aussitôt à frotter vigoureusement, à même la peau quand cela était possible sans être perceptible, avec toute l’énergie que Raphaël pouvait leur communiquer. La rouge était bien plus froide que lui, l’étrange système nerveux de ses créations lui permettait de ressentir les mêmes sensations de toucher qu’elles, il aurait pu la croire morte s’il n’avait pas connu la flamme qui brûlait en elle.

"C’est complètement dingue, et ce qui l’est encore plus c’est la flamme qui t’habite. Qui fait de toi un si grand ange, une si grande guerrière. Tu dois vivre, tout ne va pas s’arrêter ici. "

Il continua, avec toujours plus d’intensité.

"N’abandonne pas Izya. "


Dernière édition par Raphaël Andersen le Mar 14 Aoû 2018 - 22:46, édité 1 fois
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"N'abandonne pas Izya."

Cette phrase résonne dans ma tête.

J'écoute Raphael sans vraiment l'écouter, trop concentrée que je suis sur ma respiration, sur la circulation de mon sang dans mes veines, sur mes simples battements de cœurs.

"N'abandonne pas Izya."

Je sens des mains dans mon dos qui tente vainement de me réchauffer, de stimuler cette circulation qui est si difficile dans mon corps. Un instant je sens ma force revenir. Une seconde. Une fraction de seconde avant de se faire ré-engloutir par le froid ambiant.

"N'abandonne pas Izya."

Comme si je comptais abandonner. Comme si... Comme si je ne luttais pas, là, maintenant. Comme si j'avais envie de tout laisser tomber ! Non, clairement non ! Je veux me battre, je veux survivre, je veux pouvoir revoir la lumière du jour, ressentir encore la chaleur du soleil, le revoir, lui, Reyson, qui va bientôt arriver pour me sortir de là.

Pour lui... Je lui ai promis...

"N'abandonne pas Izya."
Mais je... Je ne peux plus rien... Ma flamme. Ne peut brûler dans... ce froid. Je n'ai... Plus. de force. Je.

Je n'arrive même plus à parler. Essoufflée par l'effort, je prends une grande inspiration qui me glace de l'intérieur. La douleur est telle que tout mon corps se crispe. Des larmes coulent de mes yeux, aussitôt gelés sur mes joues.
Ça ne peut pas continuer comme ça. Je ne peux pas continuer comme ça. J'ouvre les yeux et regarde mes mains devenus bleues. Dans un effort surhumain, je tente de les bouger. Et bien que l'ordre parte de mon cerveau, l'action ne se produit pas.

Depuis un moment, la pensée de mourir me traverse l'esprit. Depuis un moment, je commence à comprendre que je ne sortirai jamais de cette prison. Mais voir mes mains refuser de répondre à mon esprit me fait réaliser de plein fouet la véracité de cette pensée. Et soudain, tout un processus se met en marche dans ma tête. La peur prend le dessus, une peur panique.

Mon regard autrefois remplis d'assurance et de détermination se fait envahir par ce sentiment qui me submerge. Des images défilent dans ma tête, Reyson dans chacune d'elles.
Je ne le reverrais probablement jamais.

Un nouveau regard sur mes mains, une nouvelle tentative de bouger mes doigts me fais changer de pensée.
Je ne le reverrais jamais.

Mon rythme cardiaque s'accélère malgré mon sang presque gelé qui peine à suivre mes battements de cœur. Ma respiration s'agite, mais l'oxygène ne parvient pas jusque dans mes muscles. Apeurée, effrayée, je regarde Raphael.

Je dois sortir. Je dois sortir maintenant ! Sinon je vais. Je ne veux pas. Je.

J'ordonne à mes jambes de se lever, j'ordonne à mon corps de bouger. Mais rien en se passe. Je suis figée, bloquer dans cette position fœtale sur ce banc de glace. Si j'avais su que ce froid serait si violent, je ne me serais jamais arrêtée de bouger.
Ou non. Je ne serais jamais venue.

Et finalement, la biologie fait son office en se foutant bien de ce que je ressens. Mon sang glacial n'arrive plus à amener suffisamment d'oxygène à mon cerveau en ébullition sous la peur.

Et sans même m'en rendre compte, je sombre malgré moi dans les ténèbres de l'inconscience...


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Le vert ne prit aucune disposition pour étouffer ses jurons. Il hurla.

Son cri lui déchira la gorge, ses doigts se crispèrent sur le sol et malmenèrent sa peau séchée par le froid, il avait déjà l’impression de la sentir craqueler par endroit. Ses traits se cristallisèrent  dans une expression de fureur et d’impuissance.  Les menottes et les chaînes qui le retenaient pesaient des tonnes en cet instant, les barreaux qui les séparaient étaient une muraille inviolable que même l’air ne pouvait franchir.

Tout son corps se tendit, il voulut se jeter en avant de toutes ses forces mais les maillons d’acier se raidirent et interrompirent son geste avec froideur. Les poings retenus vers l’arrière, il pendait piteusement le front contre une barre de fer glacée, une jambe devant l’autre incapable de faire un pas de plus.

Il hurla encore.

Ses mains déportées pinçaient, frappaient, claquaient le corps sans vie de la dragonne contre toute prudence, et fort heureusement son déchaînement avait attiré l’attention des limaces de surveillance sur lui, mais il n’arrivait pas à lui arracher la moindre réaction. Pas un bronchement, malgré toute la rage qu’il y mettait.

Soudainement sa voix se cassa.

Il n’arrivait plus à hurler. Son pouvoir et les mains qu’il avait fait apparaître s’évanouirent. Il n’arrivait plus même à sentir sa gorge, ni même à se sentir lui-même.

Sa tête glissa sur le fer forgé et il tomba à genoux. Quelque chose se noua en lui alors que toutes ses espérances se laissaient emprisonnées par le froid de Jotunheim. Sa foi en Izya était en train de vaciller. Il l’avait vu pourtant, il le savait que tout cela devait forcément arriver pour une raison, il ne pouvait pas en être autrement, comment ? Il devait croire. Tout était possible, il l’vait appris mainte fois. Les choses arrivaient pour de bonnes raisons. Il savait cerner les autres. Il avait cerné Izya. Il avait cerné ses intentions. Il…

Non….

Pas une seconde fois.

Pas encore devant lui.

Il trembla et bientôt le cliquetis des chaînes, agitées par ses frissons, fut le seul son qui l’accompagna. Le silence terrifiant. Celui qui vous empêchait de réfléchir clairement. Celui qui vous annonçait le pire.

Le même qu’il entendait encore et encore…

Ses paupières clignèrent. Un bateau en feu. Le silence. La morsure de l’eau froide. La solitude. Le sang qui coulait sur le sable embrasé. Le silence. Son corps qui se déchirait. La solitude.

L’optimisme déraisonné de Raphaël craquait sous le poids de la réalité de sa situation, de sa faiblesse, de sa fatigue. Qu’avait-il fait ? Que faisait-il là ?

Nova… Jack…
Sévillle…
Izya…

Un cœur froid qui s’arrêtait de battre. Le silence. Une flamme qui se laissait dévorer par le froid. La solitude.

Sa détermination lâcha à son tour et il s’affala sur le sol gelé de sa cellule, la tête lourde, le regard rivé vers la dragonne. Il avait gaspillé beaucoup trop d’énergie, il ne lui en restait plus pour se préserver. Ses paupières devinrent lourdes et froides, mais il tenta de faire réapparaître une de ses invocations auprès d’Izya : pour un massage cardiaque, pour n’importe quoi… mais rien ne se matérialisa.

Combien de temps il resta là, impuissant, à regarder les couches de glaces ruisseler les unes sur les autres, à compter et confondre les stalactites pour se garder éveillé dans un état de mi-conscience, il ne le saurait jamais. Deux minutes, deux heures, deux jours durant ? Probablement pas autant, mais dans la perpétuité des neiges éternelles, l’emprise du temps était amoindrie. Celle de la faim et de toutes les autres contraintes biologiques aussi.

Le corps se mettait en stase.

Pour survivre.

Quel autre choix avait-il.

Deux jours, deux mois, deux ans durant ?

Son regard repassa par la rouge. Chaque fois il lui semblait percevoir un battement de cœur léger, plus aérien qu’un souffle, d’ailleurs telle qu’il se la représentait, elle ne respirait plus. C’était tout ce qu’il pouvait s’imaginer entendre. Juste un battement de cœur.

Ou peut-être celui d’un pas qui se rapprochait, de talons qui claquaient et perforaient le givre sur leur passage. Ce changement brutal d’atmosphère réanima brusquement sa conscience, mais il n’eut que la force de tendre l’oreille et d’entendre une voix séduisante réciter :

"Tendre, tendre comme les murs de mon palais
Une belle statue de glace se forme, chante
Les flocons tordent ses cheveux couleur brasier
Dragonne, bientôt à moi, morte ou vivante
"




Un être mince, dont la taille dépassait facilement les deux mètres et à la peau bleue zébrée de tatouages tribaux entra dans son champ de vision. C’était un de ses cornus du froid, dont le teint se confondait avec la pâleur de la glace  et qui, dans le plus simple appareil, ne semblait pas être victime  des températures extrêmes.

Le voir provoqua un frisson imperceptible chez Raphaël. Son aura glaciale n’était pas crochetée de bonnes intentions..

"Hm… Hm… Troisième directeur Gasparov. Nous en avons déjà parlé, je ne tolèrerai pas que les prisonniers que je vous rapporte servent à vos expérience. Je ne veux pas d’une autre Mayaku Miso… " le coupa la voix rauque de Vasco, semblant s’arrêter sur quelque chose qu’il venait de voir.
"Oh non, rien de cela mon très cher vice-amiral Vasco. Appréciant votre présent, beauté passée, je tiendrais parole, foi de geôlier. Ceci n’est qu’un petit remontant pour nos hôtes trop sensibles au froid, nous nous faisons un devoir de les connaître comme il se doit. " précisa le cornu d’une voix claironnante, agitant un petit flacon entre ses doigts.
- Je préfère rester avec vous, même affaiblie Taghel reste dangereuse. Qu’est-ce que vous lui voulez ?
-Quelques mots, quelques rides, la muse de mes prochains vers.
Pour veiller, sur elle, sur moi, peu importe, vous êtes invité à rester.
"

Une clé tourna dans la porte d’une des cellules.
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Des sons, des hurlements, des bruits de chocs, et le silence.

Des bruits de pas, des voix, un bruit de clé, un grincement de porte.

Et puis, une sensation. Un liquide qui coule, défiant le froid. Il s'écoule dans ma bouche, s'insinue jusqu'à mon estomac.

Et là, c'est le réveil : à l'intérieur de mon être, je sens la chaleur s'infiltrer et réveiller mon sang presque gelé. Je sens mon cœur gagner en vigueur. A nouveau, le voilà qui bat avec force et ferveur. Rapidement, tout mon être suit le mouvement. Le bleu laisse place au rouge, et comme échappant à la noyade, j'inspire soudain profondément en me redressant face à ce sauveur qui m'a permise de revenir à moi.

Stabilisant mon souffle, je prends le temps de le dévisager un instant. Son teint bleu me rappelle d'abord la mer que j'apprécie tant, puis cette glace qui lui va si bien. Deux cornes surplombent sa tête, comme Enzo P. Hisachi en avait... Et cette taille légèrement démesurée lié à la finesse de son corps tout entier me rappelle une fois de plus cet agent qui autrefois m'a enfermée.
D'autres lieux, une autre époque.

Et derrière, nul autre que le vice amiral Vasco venu contempler d'un œil souverain son butin ? Probable, et le voir ici me débecte au plus haut point.

Un oeil de tueur, une envie meurtrière,
Vasco, j'en ai bien peur, vous présence ne l'indiffère...
Il serait probablement judicieux, que vous quittiez sans tarder, la cellule de cette ange venu des cieux.

Il serait même carrément judicieux qu'il dégage de ma vue en fait.

Nous échangeons un regard noir, puis Vasco, comme lassé, se décide à quitter ma cellule pour attendre un peu plus loin, à l’affût du moindre bruit.

Sachez très chère que je me réjouie de vous voir ainsi,
Un instant, j'ai cru, vous voir périr sans retenue.

C'est ce qu'il va très probablement se passer si vous me sortez pas de là.

Car déjà, je sens l'effet du breuvage qu'il m'a fait ingurgiter se dissiper. Des frissons me reviennent, me parcourent des pieds à la tête. Alors je n'ai pas le choix, si je veux vivre, si je veux revoir un jour le soleil, laisser le temps à Reyson et Ragnar de venir me sauver, je dois quitter cette cellule au plus vite et me cacher là où le froid sera moins... agressif.

Ce serait une grande perte, doux premier bourgeon, de te voir succomber sans avoir eu le temps, de simplement discuter.
Alors faites moi sortir. Enfermez moi ailleurs si ça vous chante, mais pas ici. Pas dans ce froid.
Oh ! Frêle créature céleste, regarde par mes yeux et vois ce que je vois. Un dragon gelé devenu aussi inoffensif qu'un chaton nouveau née. Le froid a gelé tes griffes, tes corcs et ta combativité, pourquoi prendrions nous un risque aussi élevé ?
Quel intérêt avez vous à garder des gens enfermer pour les regarder mourir ? Si vous voulez ma mort, alors soit laissez moi là, et je mourrais sans doute cette nuit. Mais si part ma mort vous vouliez faire passer un message, je doute que la laisser venir me prendre au milieu de cet iceberg soit très marquant pour le gouvernement.
Petit bouton de rose, tu ne mourras pas ce soir, je te le garantie. Foi de Gasparov.
Parce que vous pensez m'avoir sauvée là ? Regardez bien.

Je lève mes mains qui, rien que le temps de cette discussion sont redevenues presque aussi bleues que la peau de mon interlocuteur et il m'est déjà impossible de bouger les doigts. Et puis notre échange dure, plus ma parole me coûte en énergie.
Si je veux survivre assez de temps pour espérer tenir ma promesse auprès de Reyson, je dois quitter cette geôle, à tout prix.

Vous ne m'avez donné qu'un faible répit. Qui déjà se dissipe. Je ne suis pas n'importe qui, mon corps n'est pas comme celui d'un simple être humain. Je suis une ange de feu, laissé moi là, et je mourrais dans l'heure.
Alors à moins que vous soyez prêt à me faire boire des litres et des litres de votre "potion" chaque jour, le temps m'est compté.


Je le regarde avec insistance, mon corps bleuissant à vue d’œil. Je le vois réfléchissant, ou plutôt, faisant mine de réfléchir, car son sourire me signifie sans conteste que sa décision est déjà prise depuis un moment.

Mon très cher Vice Amiral Vasco, vous m'en verrez désolé, mais je crains que pour tenir parole, je sois obligé de l'emmener.

Un silence pesant s'installe un instant.

Soit, faites comme bon vous semble... Cependant, ce que j'ai dis tient toujours. Son père vogue toujours sur les mers, l'avoir captive pourrait nous permettre de frapper un grand coup sur l'Empereur pour qui il bosse.
Il en va de soit, je ne ferai rien qui puisse entacher sa vivacité, je vous le promets.

Le soulagement s'empare de mon corps et finit de laisser le froid pénétrer ma chair. Je vais partir de là, c'est le principal. Tout mais pas ici. Que pourrait-il y avoir de pire qu'ici de toute façon.
Mais une dernière pensée m'empêche de sombrer instantanément dans ma léthargie glaciale.

Lui, là. Il reste avec moi. Vasco l'a promis.

Tiens bon Raphael, on va s'en sortir. Ce n'est qu'une question de temps.


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Alors c’était donc ça qu’on voyait en atteignant le bout du tunnel…

Prévisible.

Une longue marche dans le noir. Secoué. Cahoté. Le froid et des voix lugubres qui chantaient à l’unisson. Des démons du froid, en cape, sans cape, informes, des uniformes… des cornes. La glace. Les chaînes.  La flamme gelée d’Izya qui tel un charbon sur lequel on soufflait, rougeoya un instant avant de reprendre ses couleurs ternes. Le purgatoire de l’espoir. Des allers et des retours… Le froid qui ne tuait pas. Le froid qui ne laissait pas vivre.

Soudainement, les pensées de Raphaël reprirent forme lorsqu’il sentit un feu dégouliner dans sa gorge. Pareil à une cuve de métal en fusion qui déversait son contenu, le liquide pimenté incendia ses entrailles en même temps qu’il réveillait tout son corps. Le brasier circula jusqu’au bout de ses doigts et consuma sur son passage l’engourdissement et la fatigue.  

"Cayenne, oiseau, aïl, tabasco, espelette. De couleurs et de formes varient mes condiments. Mais autant que ce breuvage, peu commun est sa recette. Je ne vous révèlerai pas le plus secret de mes ingrédients ~ "

Il se redressa en sursaut, inspirant une grande bouffée d’air frais comme si ses poumons atrophiés venaient d’échapper à la noyade. La respiration folle, il prit quelques instants avant de reprendre le contrôle et son regard s’agita tout autour de lui.

Baignées dans un clair-obscur verdâtre, de grandes cuves de verre, fumantes, s’alignaient sur les murs de la pièce dans laquelle il se trouvait. Aluminium, cuivre et autres métaux laborantins perçaient les cloisons de glace et se nouaient dans une tuyauterie complexe qui semblait aussi bien servir à alimenter les cuves que les autres installations du lieu.

"Vous prenez beaucoup de liberté troisième directeur Gasparov, la situation ne se prête pas vraiment aux fantaisies et… d’abord qu’est-ce donc que cet endroit de toute façon ? Vous ne me l’avez toujours pas dit… "

Entendant la voix de Vasco derrière lui, Raphaël essaya de se retourner mais se rendit compte qu’en plus de ses menottes, on l’avait sanglé à une chaise longue et métallique, de façon à le maintenir redressé bien qu’allongé. Sa bouche pâteuse ne lui  permit que d’émettre un grognement d’inconfort.

"Je détrompe les rumeurs qui ce lieu renomment la boutique des horreurs.
Vice-amiral, bienvenue au 0 Kelvin, l’antre de l’art et de la science
Un endroit que je supervise dans le secret, mais avec le plus grand honneur.
Vasco, plus ici que n’importe où les prisonniers sont bien gardés, faites moi confiance.

- Oh croyez-moi, je compte bien en toucher deux mots à ma supérieure… Ce lieu n’a pas lieu d’être. " grommela le vice-amiral d’un air songeur, n’approuvant vraiment pas le cornu.
- De ce sanctuaire, point de surprise pour cette charmante créature, première au courant à la création de notre prison c’est elle qui apposa la signature.
- C’est quoi ce bordel, où est-ce qu’on est maintenant ?! Qu’est-ce que c’est que tout ces… " finit par s’écrier Raphaël en distinguant les détails intrigants de la pièce.

Devant lui, replié en boule comme un chat de dix mètres de haut qui se serait lové dans son panier de glace, un énorme dinosaure occupait un coin de la pièce. C'était le Tyrannosaure qu'Izya avait affronté sur Whiskey Peak. Une couche de givre blanc, tirant sur le bleu recouvrait ses écailles préhistoriques comme des engelures, des câbles transparent étaient plantés profondément dans sa carapace, comme des perfusions qui le nourrissaient d’un liquide bleu azur. La bête semblait à l’agonie, mais toujours moins que ceux qui reposaient dans les grandes cuves de verre. Les traits figés, entièrement nus, le teint cadavérique et reliés au réseau de tuyauteries par les mêmes câbles que le saurien, un rayon entier d’être humanoïdes s’alignaient dans leurs bains surréalistes. Cette vision était terrifiante.

"C’est… Maya… mais qu’est-ce que vous lui avez… C’est quoi ce bordel…Putain mais c’est quoi ce bordel….
- Izya ?! Izya, tu es là, tu vas bien ?!"

Entendant la voix de la rousse, le cœur de Raphaël devint plus léger.  Elle était installée juste à côté, dans une petite cellule qui ne semblait pouvoir accueillir qu’un seul prisonnier à la fois. Son regard était rivé sur une cuve que Raphaël n’arrivait pas à voir.

Le vert remarqua qu’elle avait repris des couleurs, elle tremblait, visiblement pas dans son assiette, mais au moins elle n’était pas en danger de mort. La température était beaucoup plus supportable ici, lui-même se surprit à se sentir presque à l’aise.

"Izya ?... " retenta Raphaël ne voyant aucune réponse venir.
-Raphaël ta gueule…  Juste pas plus, arrête d’intervenir, tais-toi. C’est…Libérez-le tout de suite ! Quoi que vous comptiez faire, il n’a rien à faire là. C’est moi que vous voulez, c’est avec moi que vous vouliez discuter, non ? "

Le vert ne comprit pas. Ou plutôt il eut peur de comprendre.

Il sentit le cornu s’avancer vers lui dans son dos, poser un de ses doigts allongés et le laisser glisser sur son épaule. Il frissonna de ce geste, du silence qui suivit les paroles de la dragonne et du sourire qu’il sentit peser au-dessus de lui.

Le silence ne fut coupé que par la sonnerie de l’Escargophone du vice-amiral Vasco. Celui décrocha et Raphaël l’entendit tourner les talons pour s’éloigner et répondre dans un renâclement.

"Qui êtes vous ? " interrogea Raphaël en se débattant, agitant suffisamment l’épaule pour que l’ongle glacé de son geôlier la quitte.
"Très bonne question mon jeune ami. Petit flocon de neige dans un palais de glace, je ne suis qu’un poète qui cherche à rendre mon monde plus beau, inspirant et fantasque. Quant à vous mon ami, on vous prête des capacités extraordinaires : insouciance, courage, Haki et malédiction du dieu des mers !
- Haki ? Mais de quoi vous parler ? Pourquoi est-ce qu’on n’est plus enfermé, qu’est-ce qui est arrivé à tous ces gens ? "

Le cornu eut un petit rire alors qu’il jouait avec les babioles en or qui ornaient la moindre parcelle de son corps dénudé.

"Quel sinistre oubli que d’avoir omis d’ajouter, à vos nombreuses qualité la curiosité. " s’amusa-t-il alors que Vasco l’interrompait et le fit se retourner en se raclant la gorge.
"Il ne leur est rien arrivé qui vous concernera Andersen, je m’en suis bien assuré. N’est-ce pas troisième directeur ? " il accentua bien la rhétorique de son questionnement et poursuivit "Je dois vous laisser, ils ont besoin de moi en surface… les perturbations auxquelles nous nous attendions sont arrivées plus tôt que prévu. Ne tardez pas ET SURTOUT, que Taghel reste enfermée et enchaînée ! Le granit marin et le froid sont tous les deux nécessaires, j’espère que je me suis bien fait comprendre sinon je n’attendrais pas d’en parler avec ma hiérarchie pour régler mes affaires avec vous Gasparov. "

Il quitta de nouveau la pièce, mais sa menace n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd.

Des perturbations…

Etait-ce… ce qu’Izya attendait ? Est-ce qu’on venait la chercher ?

Raphaël jeta un coup d’œil à Izya pour essayer de lui soutirer une réponse, mais ses traits durcis, toujours fixés sur le cornu de froid, ne laissèrent rien paraître. Son regard se tourna alors fébrilement sur ses mains. Elles étaient toujours enveloppées de bandages, personne n’avait rien suspecté.

Etait-ce aussi le bon moment pour lui d’intervenir ?

Ses pensées agitées se calmèrent aussitôt quand un ongle acéré plongea dans sa cuisse. Il hurla de douleur, le froid avait endormi de longues heures durant la douleur dans sa jambe mais la poigne crispée qui venait de l’entourer la raviva plus violente que jamais.

"La stupidité des militaires coupe le flux de mon inspiration… " siffla-t-il d'un ton provocateur, comme s'il n'avait que faire des menaces du vice-amiral et qu'il comptait bien faire ce qu'il désirait, avant de reprendre d’une voix doucereuse "Alors où en étions-nous mon cher ami ? À faire connaissance, qu’est-ce que donc que le Haki ? Une capacité extraordinaire, certains la croît acquise d’autres héréditaire. Justement, entre autre, mes équipes travaillent à l’étudier chez des spécimens fascinants. Vos pairs dont nous avons donné à leur condamnation un sens plus intéressant. Savez-vous que cet iceberg, en des temps plus anciens, a été décroché d’un glacier par l’armement ?  Rassurez-vous depuis cette base s’est vue améliorée de bien des aménagements…
-BORDEL MAIS TU PEUX PAS PARLER NORMALEMENT JUSTE CINQ MINUTES ?! Tu m’insupportes avec tes rimes ! Lâche-lui la basque ! Qu’est-ce que tu me veux, c’est à moi que tu voulais parler non ? De quoi exactement ? De mon père ? D’Armada ? Laisse Raphaël tranquille.
-Oh ma muse puisque vous souhaitez tant parler, je vous en laisse l’honneur. Le plaisir de répondre en vos vers, aux questions de votre ami. Ensuite peut-être, libéré de l'inquisition de notre superviseur, nous pourrons jouer à un jeu plus plaisant, j'en serai ravi ~ "


Dernière édition par Raphaël Andersen le Mer 29 Aoû 2018 - 0:17, édité 1 fois
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Tu veux des réponses ? Ça tombe bien, moi aussi. Tu veux savoir pour le Haki ? Prends un livre, comme tout le monde, les recherches ont déjà été faites à ce sujet, le mantra et l'armement ne sont qu'un simple renforcement des capacités humaines, autrement dit, n'importe qui, avec un peu d'entrainement peut les développer. Seul le Royal reste un mystère, et de ce que j'en sais, Raphaël n'en a montré aucune capacité. Alors détache le et jouons à ton jeu si tu veux. Toi et moi, pas lui. D'accord ?!
L'impatience, un défaut qui sommes toute, vous colle à la peau. Comme vos ailes, blanches et pures, vous définisse sans artifice. V/
OUI ! Oui je suis impatiente ! Oui ! Et j'en ai ma claque de t'entendre faire des rimes ! Alors parle comme tout le monde, ou fait des signes si vraiment tu peux pas t'en empêcher !
Colérique aussi, on me l'avait bien dit. Mais sachez très chère qu'en ces lieux mystérieux, je suis le geôlier, et vous la prisonnière.
Ah bah ça, j'avais remarqué, oui.

Et j'ai aussi remarqué que la température ici est presque soutenable pour moi. Certes je grelotte, certes je tremble, mais je ne me meurs pas. Mieux encore, je peux a peu près tenir tête à l'autre face de cornue.

Et surtout. SURTOUT. Si Vasco est parti, il y a fort à parier que Reyson est dehors. Ce n'est surement qu'une question de minute avant que Ragnar arrive pour me sauver... Après tout, c'est ça le plan non ?

Bref, libères le.
AHAHAH, votre insistance me réjouie. Mais comme déjà dit, vous ne contrôlerez rien ici. C'est pour cela que dans cette cage vous restez pendant que votre ami boit se liquide bleuté.

Et tandis qu'il parle, il sort d'une petite poche de sa tunique une petite fiole dont le liquide effectivement bleu ressemble étrangement à celui qui parcours les tuyaux des pauvres être encuvés et le tyrannosaure allongé à côté.
Puis le cornu débouche sa fiole qui semble bouger étrangement contrairement aux autres liquides bleus et l'approche des lèvres de Raphaël.

Hé ! Mais ! Qu'est ce que... Non ! Je n'veux pas ! Je !
ARRÊTE ÇA ! LAISSE L/

Un bruissement sourd me coupe dans mon cri et fait trembler toute la prison. Moi qui était contre les grilles de ma cage, me voilà maintenant par terre sous le choc. Gasparov, lui, n'a fait qu'être déséquilibré légèrement et à mis toute sa dextérité dans le maintiens de la fiole pour n'en perdre une goutte.
Légèrement dérouté, le troisième directeur regarde en l'air, à la recherche de réponse, les sourcils froncés et le visage contrarié.

Un imprévu prévisible... Ils sont surement plus incapable que prévu. Dame Taghel, réjouissez vous, votre attente touche à sa fin. Mais avant, cher ami, je vous laisse boire ce breuvage fort plaisant.
Noo./

Raphaël n'a pas eu le temps de dire un mot que l'homme bleu lui a enfoncé le breuvage bleuté dans le gosier. Et moi, pour ma part, spectatrice impuissante, je regarde la scène tout en regardant d'un œil rapide les visages derrières...
Mayaku Miso... Elle était avec moi lors de notre évasion d'Impel Down. Elle a voyagé un temps avec Reyson et mon père sous l'emblème des saigneurs des mers, et maintenant là voilà, dans une cuve remplit de vert et relier à un liquide bleu identique à celui que Raphaël vient de boire... ou presque ?
Mais encore, s'il n'y avait qu'elle... D'autres criminels flottent dans ces cuves. Parfois pirates, parfois révolutionnaires... Je me demande si Mandrake en fait parti... Pour l'heure, je ne le vois pas en face de moi, mais ma vision ne peut voir le contenu de toutes ces cuves, d'autant qu'il y a plusieurs lignes de celles ci.

Contenant au mieux ma colère qui me fait fulminée, je regarde le sol, là même où les barreaux s'enfoncent dans la glace pour me maintenir dans cet espace où je suis enchaînée.

J'ai répondu à ta question il me semble, la moindre des politesses serait que tu me rendes la pareille, n'est ce pas ? Qu'as tu fais à ces gens Gasparov ?!

Et que nous réserves tu ?


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Une lame étincelante échappa à son fourreau, le manche amovible d’Infinie se promena sur son tranchant en virevoltant et une de ses pointes  termina sa course contre un mur de glace, embrochant une main entourée de bandages.

" Ridicules menottes. Je vois que l’on s’est montré imprudent avec vous, peu judicieux sont ceux qui sous-estiment les visages inconnus ~ " fit remarquer le poète en souriant alors que Raphaël avait tenté de l’attaquer par derrière.
"Merde… " il suivit le regard d’Izya et constata en même temps qu’elle que du granit marin menottait toujours ses mains, le tour de passe-passe des douches n’avait pas pu fonctionner pour elle.

Toutefois ses invocations n’avaient pas réussi à surprendre Gasparov, pas plus qu’elles ne l’avaient empêché de lui faire boire de force son étrange breuvage. Il dégoulinait encore de ses lèvres en de minces filets couleur de ciel, et le vert en avala la dernière gorgée dans un hoquet amer. Il se sentait aussi bafoué qu’impuissant, arrivé sans raison dans cet invraisemblable histoire, il se retrouvait enfermé, enchaîné, sanglé et réduit au sort d’un rat de laboratoire.

Comment son aventure avait-elle pu aussi mal tourner.

Il eut un nouveau hoquet alors qu’il sentait sa poitrine se comprimer. Il serra les poings sur sa tenue de prisonnier dont il avait consciencieusement déchiré des lambeaux.

"Qu’est-ce que vous m’avez… "

Son cœur battit avec violence. Une crampe remonta tout son dos et il se mordit les lèvres de douleur, les sourcils froncés. Son corps se contracta dans le peu de liberté que lui laissait ses sangles et ses mains se refermèrent si fort qu’il planta ses ongles dans sa peau.

Trois mains flottantes apparurent dans les airs, enveloppées de bandages et d’une pellicule noire.

"Manifestation de la rage, de l’angoisse, de la colère, l’armement dégage une fascinante violence ! Continuez mon jeune ami, continuez, voyons où nous mèneront ces réjouissances ~
-GASPAROV ! "

Le cornu s’amusa de l’impatience de sa captive mais ne lui jeta pas un coup d’œil. Une manœuvre judicieuse car un instant plus tard, les trois poings, enrobés d’un haki maladroit, fusaient dans des directions hasardeuses. L’un d’eux brisa net un barreau et vint former un cratère derrière Izya, un autre tordit une des cuves, éclatant la vitre et inondant la pièce du liquide verdâtre qu’elle contenait, enfin une dernière vint fendre une écaille du roi des dinosaures. Il grogna de douleur mais, comme emprisonné dans une sorte de stase, ne réagit pas d’avantage.

Le troisième directeur avait évité l’assaut aveugle d’un pas dansant.

"Brillant ! Alors même qu’il lutte contre l’invasion de son organisme, ce jeune homme est tout simplement fascinant ! Encore, encore : concentrez-vous sur vos sentiments enfouis ! De votre douleur, de  votre peine, tout ce qui vous amena ici aujourd’hui !  Vous n’êtes plus vous, vous n’êtes que la douleur que va ressentir votre cible. La glace qui se brise, la pierre qui éclate, le fer qui se déchire !
-C’est ta gueule que je vais éclater… " grogna Raphaël en serrant les dents, il sentait des forces inconnues s’opposer en lui et le déchirer de l’intérieur.
"Et moi donc, Raphaël je ne sais pas ce qu’il t’a fait mais concentre-toi, mets tout ce que tu as dans ton poing , toute ta force et défonce moi ce connard prétentieux ! "

La chaise de Raphaël grinça, ses liens émirent un craquement et à nouveau, des mains qu’on aurait dites entourée de bande de cuir noir s’échappèrent dans toutes les directions pour semer le chaos. Pendant plusieurs secondes on ne sut plus si c’était l’ex-croupier ou l’attaque de la base qui faisait trembler la pièce.

Soudainement il ouvrit grand les yeux, s’ébroua, prit une grande inspiration et… plus rien.

"RAPH’ ! "

Un sourire incendia les lèvres de Gasparov. D’une main il prit la peine de libérer Raphaël de ses sangles avant de le pousser négligemment sur le sol. Ce dernier ne broncha pas.

"Il s’est bien défendu, mais de plus coriaces ont succombé face au démon. Maintenant laissons-faire, il est grand temps que nous organisions les défenses de cette prison.   ~
-Je te préviens… si jamais je sors de cette cellule, je vais me faire un plaisir d’écraser ton petit crâne comme une coquille…
-Vous ? Sortir ? Mais nous y venions tout de suite.
-Parfait ! Aller viens me chercher qu’on s’explique. Je n’sais pas ce qui te donne assez de confiance pour défier Vasco mais j’en suis ravie ! "

Ses ongles griffèrent la chaise de métal et il se laissa aller à un petit rire étouffé en actionnant divers leviers et boutons.

"Je ne plaisantais pas en disant que vous m’inspiriez. " reprit-il sans son habituelle voix chantante, ce qui surprit suffisamment Izya pour qu’elle ne réplique pas "Cette prison est mon œuvre et ce laboratoire en est la pièce maîtresse. Couvert de poésie, couvert de beauté et de mots dansant mais avant tout rempli d’êtres exceptionnels qui ont gâché leur potentiel en choisissant la mauvaise voie. "

Des cuves s’ouvrirent mécaniquement, libérant leurs fluides et des panaches de fumée verdâtre. Le grand reptile commença à s’agiter au fond de la pièce.

"Je viens d’une île du Nouveau Monde où pousse une plante curieuse. Elle s’épanouit dans les plus froids hivers et vit en parfaite harmonie avec son environnement. Seulement, quand celui-ci vient à être perturbé, cette fleur est à même d’envoyer une réponse immunitaire tout à fait extraordinaire ! "

Une flaque brunâtre coula de l’une des cuves, un nombre invraisemblable de ce qui semblait être des pattes s’échappèrent d’une autre. Izya voulut émettre une remarque sarcastique mais le directeur ne l’écouta pas et continua.

"Elle relâche des spores. Mais pas n’importe lesquels, des spores qui pénètrent dans des organismes vivants et les parasitent et les soumettent à un seul but : protéger cet environnement. J’ai vu des explorateurs se faire dévorer par les plus adorables des souris arctiques, un ravissement, le plus délectable des spectacles… "

La flaque reprit la forme d’une grande femme borgne au teint blafard et aux cheveux transformées en cascade de glace. Les innombrables pattes se rétractèrent dans le corps d’un gamin roux dont les longs doigts et le visage étaient tachetés d’engelures. D’autres cuves grondèrent.

"J’ai alors vu les choses en plus grand. Imaginez que le monde tout entier puisse avoir une milice dédiée corps et âme à le protéger, sans hésitation, sans réflexions insensées. Juste la passion d’un acte.
-… t’es en train de me définir la connerie de la marine là. " essaya de s’amuser Izya d’une voix confiante dont on percevait toutefois les tremblements.
"Alors de cette idée, j’ai créé en Jotunheim le nouvel écosystème de cette plante. Du 0 kelvin ont germé d’étonnantes évolutions dans ses propriétés. En chaque potentiel gâché recueilli ici, le Parasite White W-273 a poussé. Parfois en  échecs… " il se tourna vers des cuves abandonnés où pourrissaient quelque chose "Parfois en succès. "

Deux mains blanches émergèrent de sous la chaise, faisant cogner les menottes qui les reliaient contre l’acier de cette dernière. Raphaël se releva, le regard vide, presque blanc. Une mèche de ses cheveux avait pâli et une traînée de givre bavait sur sa gorge là où le liquide bleue avait coulé.

Le gamin roux s’approcha de la cellule d’Izya.

"J’ai hâte de découvrir quelle belle fleur s’épanouira en vous. "
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Parce que tu te penses capable de me faire boire ton truc ?!

En face de moi, je vois Maya qui se tient debout. Libérée de sa cuve et de sa tuyauterie, elle peut se mouvoir comme si la vie était encore en elle. Mais est-ce vraiment le cas ? Ces Parasites dont l'autre bleu me parle... Est ce qu'ils tuent avant de prendre possession de la personne ? Et Raphaël, est-il encore en vie ? Puis-je encore le sauver ?

Être capable ou ne pas être ? La question ne se pose pas puisque cette possibilité m'a déjà été accordée.

Je sers les dents un instant. Vrai qu'il m'a déjà fait boire une potion plus tôt. Mais il faisait froid et l'attaque pour libérer Mandrake n'avait pas encore commencé. Et maintenant, c'est différent. Maintenant, le froid est telle que je peux encore un peu bouger. Et si je peux bouger, je dois pouvoir réussir à le dégommer.

Alors viens, vas y, je t'en pris.

Je ressers mes mains menottés sur les barreaux gelés. Le cornu me sourit de toute ses dents et finalement, me tourne le dos un instant pour avancer vers l'un des murs de son laboratoire taillé dans la glace. Je vois son bras se lever et sa main toucher le mur devant lui.
Et soudain, un bruit de moteur se fait entendre. Comme une soufflerie qu'il aurait activer. Heureusement, Ragnar a déjà du détruire le système de refroidissement de la prison...
Non ?

Suivant le bruit, quelques petits flocons s'agitent et tourbillonnent un instant devant a cellule avant d'y pénétrer et de venir se poser sur ma peau frissonnante. Mon assurance s'envole au moment même où cette vague de froid m'atteint. En fait, ils n'ont rien fait. Dehors, les canons tonnent, faisant légèrement vibrer les profondeurs de Jotunheim où je suis enfermée.
Et tout ça, pour rien.
Pire encore, Reyson doit être là, dehors, à faire diversion pour que ce maudit révolutionnaire agisse. Mais il ne fait rien. Et je suis coincée ici, dans la gueule de l'iceberg. La peur m'envahit soudain, la suite des événements est prévisible, et malgré toutes mes réflexions qui défilent dans ma tête, je ne trouve rien pour la contrecarrer.

Devant moi, le troisième directeur Gasparov sourit de toutes ses dents. Je vois un instant ses lèvres remuée, il me parle, surement moqueur, toujours chanteur. Mais je ne l'entends pas. L'inexorable destin qui m'attends me rend sourde, gelant tout espoir de sortir de là vivante. Pire encore... Mes yeux se pose alternativement sur Raphaël, Maya et cet autre homme utilisateur de fruit du démon. Je vais bientôt être comme eux, je vais bientôt perdre toute liberté, y compris celle de mourir.

Soudain, alors que mes jambes cèdent sous mon poids et que mon corps s'affaisse à terre, une nouvelle sorte de vague m'atteint. Autre que le froid, celle là est clairement le fluide Royal. Bien qu'affaibli par la distance parcouru, il n'en reste pas moins présent. Ce Haki, je le connais, il ne peut appartenir qu'à Reyson.

Une larme coule sur ma joue, me voici fasse à ma faiblesse, incapable de bouger, ni même de m'exprimer.
Ou alors...
Peut être...

Un dernier espoir ?

Recroquevillée sur moi même, je me rappelle les explications de Reyson sur le Haki Royal. Puisant au fond de mon être, je rassemble mes dernières forces, me remémorant tous ces précieux souvenirs pour lesquelles je souhaite encore vivre, pour lesquelles je veux me battre et retrouver ma liberté.
Depuis le fin fond de mes entrailles, je sens le pouvoir de mon Haki se réveiller malgré mes faiblesses. Et je l'alimente avec toute l'énergie qu'il me reste. Chassant ma peur, je ferme les yeux.

Après cela, je serais à la merci de ce geôliers qui se joue de moi.
Après cela, mon destin ne sera plus entre mes mains.

Telle une bombe d'énergie invisible, mon Haki éclate et se propage dans toute les profondeurs de la prison. Atteindra-t-il Reyson ? Je l'ignore.
Mais s'il peut au moins affaiblir les adversaires sur son chemin, alors peut être que mon acte n'est pas vainc ? C'est de toute façon le seul que je peux encore faire.

Avec ce relâchement d'énergie, sous la froideur de la soufflerie qui m'agresse, ma conscience s'échappe, me laissant juste le temps d'entendre les corps des quatre personnes présents dans la pièce s'effondrer sur le sol.

Mais pour combien de temps ? De toute évidence, pas assez, malheureusement.


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