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Un samedi soir à Last Joy



je m'appelle James W. Blackburn  


« Un pas en avant trois pas en arrière ». Cette phrase résumait à merveille la situation de James depuis qu’il avait eu la brillante idée de foutre les pieds dans la piraterie.
Parlons-en d’ailleurs de la piraterie ! Le jeune homme avait grandi en se bourrant le crâne d’histoire épique et romancée sur la piraterie. Combien de fois avait-il lu les récits de Shanks le Roux, illustre pirate de son époque, devenu par la suite un redoutable Yonkou ?  Tous ces récits étaient articulés autour d’équipages soudés, de batailles épiques, de pouvoirs qui dépassaient l’entendement. Cependant, un mot l’emportait sur tout le reste, la liberté !

*Elle est où cette foutue liberté ? *

En comparaison, la vie de Blackburn ressemblait plus à une victimisation permanente. À part subir les coups de sort, avait-il déjà eu son destin en main, même une seule fois ? Cela en devenait presque comique, lui qui avait fait des pieds et des mains pour fuir son ancienne vie de noble au destin tout tracé. Se retrouvait à présent, au même point, avec le confort en moins.
James se dirigeait comme une âme perdue vers ce qu’il espérait être sa dernière destination, Last Joy. Ultime étape avant de pouvoir enfin mettre les voiles loin de cette île. En croisant les doigts pour ne jamais y remettre les pieds. Mais pour aller où ? Encore une nouvelle question pour lui.

Bien que submergé par ses doutes et interrogations, le jeune homme s’arrêta machinalement face à la devanture d’un magasin proposant des costumes haut de gamme. Les vêtements en exposition étaient indéniablement d’une qualité supérieure, par conséquent inaccessible pour la bourse du commun des mortels. Une silhouette sur la vitrine attira toute son attention, cette chose, ne pouvait être lui, et pourtant ? Où était donc passé le dandy qu’il fut autrefois ? Cette vie l’avait pourtant tiré au plus bas de l’échelle sociale.

Les récits parlent toujours des illustres pirates accumulant gloire et fortune, alors que la majorité s’apparentes qu’a de vulgaires poivrots qui passent leur vie à fuir leurs responsabilités. Était-ce donc ça la finalité de son aventure ? Finir dans une taverne, faire le voyou à la petite semaine dans les environs, en attendant que la marine lui mette le grappin dessus ?

*Je vaux mieux que ça*

Chassant d’un revers de la main toutes ses pensées négatives, il entra à la plus grande stupéfaction du vendeur.

« Qu’est-ce qu’il veut le clodo ? Je ne donne pas la charité ici ! »

James eut un mouvement de recul, était-ce donc ça l’image qu’il renvoyait ? Celui d’un vulgaire clochard ? Hésitant sur le moment, il était à deux doigts de quitter le magasin, courbant le dos face à l’adversité une fois de plus.

« Et en plus il ne parle pas ! Dégage d’ici le manant ! Retourne dans les bas-fonds de Las Camp, ce n’est pas ton monde ici ! »

Le nobliau resta interdit pendant de longues secondes, que se passait-il dans sa tête ? Et soudainement, ce fut le déclic, son sang ne fit qu’un tour. Il empoigna le commerçant et le plaqua dos au mur, le soulevant du sol comme un vulgaire fétu de paille.

« Je m'appelle James W. Blackburn ! Et je suis un client particulièrement exigeant ! »

« Ah… Blackburn ?! Le Blackburn ?! Très bien monsieur ! Excusez-moi ! »

Même s’il ne le montrait pas à sa victime, intérieurement James était le premier surpris. Cela ne lui ressemblait pas, ou plus exactement cela ne lui ressemblait plus. Avait-il eu enfin une prise de conscience sur qui il était réellement ? Ou alors juste une soudaine montée de testostérones ?
Il se plia avec un plaisir non dissimulé aux directives du tailleur pour le choix du costume. Au bout du septième essai, cela fit mouche. Cette classe, comment avait-il pu se résoudre à s’en passer ne serait-ce qu’une journée ? Il contempla le résultat durant de longues minutes devant un miroir. Une joie intérieure l’envahit, c’était comme une renaissance pour lui. Bien plus que de simples habits, c’était tout ce qu’il était.

*Bienvenue à toi James*

« Je vous le prends ! »

« Euh…très bien monsieur Blackburn, c’est offert par la maison naturellement ! Ce n’est pas tous les jours que nous avons un client aussi célèbre. »

« Hein comment ça célèbre ?! »

« Bah… Toute l’île ne parle que de vous et de vos exploits ! »

James explosa de rire, lui célèbre ? Qu’avait-il pu bien faire pour cela ? Il n’avait encore jamais navigué. Prenant conscience que tout ceci n’était pas une blague, il tomba des nues.

« Sérieusement ?! hum…»

Cette soudaine notoriété était à double tranchant pour lui, la marine n’allait pas le lâcher de ci-tôt. D’ailleurs en parlant de tranchant il était grand temps pour lui de trouver une lame, il se sentait nu comme un vers désarmé de la sorte.
Il était temps pour lui de quitter les lieux, face au tailleur tremblant comme une feuille. Il plongea sa main dans la poche de sa veste pour en sortir quelques pièces.

« Tenez, c’est pour la qualité du travail. »

Le tailleur était devenu livide, persuadé qu’il finirait sa journée entre quatre planches dans le meilleur des cas.

« Ah euh… »

« Et souvenez-vous de ce jour brave tailleur ! Le jour où vous avez fourni un costume au célèbre pirate James W. Blackburn ! »

Le jeune noble explosa de rire à la suite de sa tirade, même lui n’y croyait pas une seule seconde. Mais cela lui faisait un bien fou de pouvoir enfin l’ouvrir.
Il quitta les lieux en étant complètement métamorphosé, à croire que quelques bouts de tissus suffisent à changer un homme. Encore septique à l’idée qu’il puisse être connus de tous, il voulait en avoir le cœur net. Car il s’agissait d’une donnée capitale, qui pouvait faire capoter tous ses plans.

Il se pointa chez un armurier situé dans le même quartier commerçant. Il marqua une petite pause au moment de franchir le palier, en réfléchissant à ce qu’il allait faire et surtout en se préparant à passer pour un illustre blaireau. Après une dernière bouffée d’air, il s’engouffra dans l’enseigne.

« Je suis James W. Blackburn ! Et j’exige, une arme à la hauteur de mes ambitions ! »

*Qu’est-ce que je suis en train de raconter moi ? *

Un grand moment de solitude s’empara du pirate quand il constata, aucune réaction, aussi bien de la part des patrons, que des clients.

*Sacrée réputation en effet... *

Bien déterminé à avoir le fin mot de l’histoire concernant sa supposée notoriété, James fila comme en flèche en direction du comptoir.

« JE SUIS JAMES W. BLACKBURN ! LE CÉLÈBRE PIRATE DE WEST BLUE !»

Les clients s’écartèrent du jeune homme, prenant soudainement conscience de sa présence. Chacun allait de son commentaire :

« Blackburne ? On m’avait dit qu’il mesurait au moins trois mètres de haut ! »

« Le voisin de mon oncle l’a déjà vu ! C’est un homme poisson !! »

« Impossible, il est en prison ! »

Le patron de la boutique, sans doute habitué d’avoir affaire à ce genre de petit plaisantin. S’empara d’une arme située sous le comptoir, pour mettre en joue James :

« Je ne sais pas à quoi tu joues, tête de gland ! Mais tu prends de gros risques en usurpant l’identité d’un criminel recherché, gamin. Ne bouge pas sinon je n’hésiterais pas à faire feu ! »

*Au moins mon nom est connu*

James resta immobile devant le canon de l’arme qui se trouvait à quelques centimètres de son nez. Le type n’avait pas l’air d’être un manche dans le domaine des armes à feu. Pourquoi risquer dès lors de se prendre un pruneau en pleine poire en faisant quelque chose d’inconsidéré ?

La femme quitta subitement son champ de vision. Pour Blackburn, cela voulait signifier qu’une seule chose, cette garce allait quérir de l’aide auprès des autorités locales. Gros coup de stress pour le jeune pirate qui se retrouvait une nouvelle fois encore dans une situation bien merdique.
Un cri d’effroi en provenance de l’arrière-boutique déchira le calme ambiant. La voix appartenait à la bonne femme.

La tension monta subitement d’un cran. James louchait sur le canon de l’arme qui se mettait maintenant à trembler. Le patron jeté des regards derrière lui pour tenter de comprendre la raison du cri :

« Qu’est-ce qui se passe ?! »

« C’est lui ! C’est bien Blackburn, j’ai l’avis de recherche sous les yeux, c’est lui ! »

Blackburn remarqua que l’armurier qui avait jusqu’à lors son index le long du pontet, déplaça son doigt sur la détente. Il fallait agir vite pour le pirate, sous peine de voir sa cervelle faire office de peinture murale. Profitant de l’hésitation du commerçant qui ne savait plus ou donnait de la tête, James attrapa l’arme par son canon et tira d’un coup sec pour se saisir du pistolet.
Son propriétaire se retrouva à son tour nez à nez avec le canon, avant qu’il n’est put comprendre ce qu’il lui arrivait.

« Maintenant que tu sais qui je suis, j’ai besoin de ta meilleure lame et de deux pistolets ! »

James lança un rapide coup d’œil derrière lui, mais les autres clients n’avaient pas l’air spécialement enclins à jouer aux héros.
Il rêvait depuis sa plus tendre enfance de mettre un jour la main sur un meitous, mais ce n’était sûrement pas dans cette boutique qu’il pourrait se procurer pareil bijoux. Toutefois, la lame qu’il avait récupérée était issue d’un travail très soigneux, elle ferait parfaitement l’affaire. Il quitta les lieux une fois de plus, satisfait de ses emplettes à moindre coût. Cependant, quelque chose le tracassait, ce foutu avis de recherche le concernant, il n’avait même pas demandé à combien s’élever sa prime. Dans tous les cas, cela ne changeait en rien ses plans, au contraire, être fugitif demandait encore plus de fond.
Il quitta le quartier sans se faire prier, la marine serait là d’un instant à l’autre à sa recherche et il avait encore fort à faire à Last Joy.
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Vous ne voulez pas un Whisky d'abord ?  

Comme il est de coutume dans ce genre d’établissement, un employé accompagna immédiatement le nouveau client à l’intérieur en le menant jusqu’au comptoir des réservations. Blackburn jeta quelques rapides coups d’œil autour de lui pour se faire une idée de lieux. À l’image de la devanture, la salle principale était baignée dans un luxe hors du commun. Le nobliau grimaça lorsqu’il s’aperçut que la majeure partie des tables étaient déjà prises.

« Bonjour, monsieur, vous avez réservé à quel nom s’il vous plaît ? »

Gros couac pour James, comme il fallait s’y attendre dans ce type d’endroit. Impossible d’avoir une table sans avoir fait une réservation parfois plusieurs semaines à l’avance. Le nobliau fulmina intérieurement, c’était pourtant tellement évident. Deux options s’offraient à présent à lui, soit, de faire un coup de force en empoignant le pauvre employé et le secouer jusqu’à obtenir une table. Ou alors, faire profil bas et tenter sa chance dans un autre endroit en espérant avoir plus de succès. Même si la première option démangeait sérieusement le jeune homme, il se ravisa rapidement. De peur de voir une vague de soldats venir l’interpeller avant qu’il ne puisse voir la couleur d’un plat. Alors qu’il s’apprêtait à faire demi-tour, un type au physique singulier passa devant lui et glissa quelques mots à l’oreille de l’employé.

James observa la scène avec la plus grande des attentions. Une sorte d’aura de violence émanait de ce type, mettant mal à l’aise le nobliau. Qui que ce soit, ce n’était pas n’importe qui, la réaction du pauvre serveur qui suait à grosse goutte en témoignait. Une fois leur conversation terminée, le mystérieux personnage regagna sa table en passant une nouvelle fois devant le jeune homme, le fixant droit dans les yeux. Par réflexe, Blackburn posa la main sur le manche de son arme, l’homme sourit en retour.

« Excusez-moi monsieur Blackburn pour la méprise, nous avons finalement une table pour vous. Si vous voulez bien me suivre. »

Le nobliau laissa retomber la pression, percutant seulement au bout de plusieurs secondes que le serveur venait de mentionner son nom.

*C’est quoi cette blague ? *

Il venait d’être démasqué, mais par qui ? Certainement pas par le serveur ! Alors que le personnel s’activait pour lui fournir une place supplémentaire, James resta planté là comme un piquet. Il balaya la salle du regard une nouvelle fois en s’attardant davantage sur les clients. Un paquet de nobles accompagnés de leurs dindes, mais aussi plusieurs officiers de la marine. Cette histoire puait clairement. Mais il ne voyait pas pourquoi la marine se donnerait autant de mal pour piéger un vulgaire rookie primé à 5 millions. Non, quelqu’un d’influent tirait les ficelles et James comptait bien avoir le fin mot de l’histoire.

Une fois sa tâche terminée, l’employé retourna auprès de son pour l’accompagner jusqu’à sa table. Une fois en place, James consulta la carte des plats. Les prix étaient exorbitants, mais quoi de plus normal aux vues du cadre ? À peine le jeune homme avait-il eu le temps de consulter la carte que le serveur se pointa de nouveau accompagné d’une bouteille de vin rouge à la main.  

« Excusez-moi, monsieur Blackburn, voici un présent de la part du Baron Van Dongen. »

James fronça les sourcils, il n’avait jamais entendu auparavant ce nom :

« Le baron Van comment ? »

« Le Baron Van Dongen, c’est l’homme que vous apercevez là-haut dans sa loge privée. C’est un homme très influent sur l’île. Il est accessoirement le propriétaire de ce restaurant. »

Le pirate leva les yeux en direction de l’étage et aperçut sans difficulté ce mystérieux Baron. Il remarqua aussi la présence à ses côtés de plusieurs loubards avec des gueules à coucher dehors. Parmi eux, se trouver le type qu’il avait croisé au comptoir. Blackburn leva son verre en direction de Van Dogen en guise de remerciement. Ce dernier afficha un large sourire de satisfaction, et fit un signe en retour.

Brûlant d’envie d’en savoir plus, James ne savoura même pas son succulent repas qu’il engloutit à toute vitesse. Une fois terminé, il fut invité par un membre du personnel à rejoindre la loge du patron. Il ne se fit pas prier pour le rejoindre, arriver en haut des marches il fût stoppé net par deux gorilles. Il fallait montrer patte blanche avant de pouvoir s’entretenir avec le pacha ! À contrecœur, le pirate se plia au règlement et se délesta de toutes ses armes sans exception.

Une fois fouillé des pieds à la tête, il avait enfin la permission de rejoindre Van Dongen. Il s’agissait d’un homme de petite taille, environ la cinquantaine bien tassée. Il était franchement très laid, et pour couronner le tout il lui manquait un œil. Pourtant cela ne l’empêcher en rien d’être en compagnie de charmantes créatures. Ôtant son énorme cigare de sa bouche, et fit signe au jeune homme de prendre place devant lui. James prit place sous l’œil vigilant des gardes du corps. Il de sauter à pied joint dans la gueule du loup, dorénavant plus moyen de faire machine arrière.

« Alors voici donc le fameux Blackburn ! Je dois avouer que sans l’aide de Rubben, je ne t’aurais pas reconnu. Pourtant tu as le chic pour ne pas passer inaperçu ces derniers temps sur Las Camp. Je suis d’ailleurs surpris que tu sois arrivé ici sans encombre. »

Le baron s’interrompra quelques instants pour reprendre son cigare en bouche. Quant à James, il se contentait d’écouter son interlocuteur. En attendant patiemment que celui-ci dévoile enfin ses intentions.

« Tu ne le sais pas encore, mais je suis une sacrée aubaine pour toi mon garçon. Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, je suis quelqu’un que très influent sur Las Camp. Aussi bien dans la pègre locale, que dans la marine. En conclusion rien ne se passe sur cette île sans que j’en sois informé. »

Nouvelle pause de sa part, le temps de se rafraîchir la gorge avec un peu de whisky.

« Je suis un homme d’affaires, je n’aspire à rien d’autre que d’amasser de l’argent. Qu’importe leur provenance, je ne suis pas regardant là-dessus. Et ce n’est sûrement pas un pirate qui va me faire la morale là-dessus. Penses-tu un seul instant que la pute à mes côtés serait présente si j’étais sans un sou avec ma gueule ? NON ! L’argent n’est pas une finalité, mais un moyen, oui un moyen ! Un moyen qui permet d’ouvrir beaucoup de portes. »

Il termina son discours la bave aux lèvres. Un de ses hommes lui apporta un mouchoir pour qu’il s’essuie et lui resservit un nouveau verre d’alcool. Blackburn n’avait pas bronché un seul instant, au vu du comportement de son interlocuteur, il ne fallait pas trop le titiller.

« Désolé, j’ai tendance à me laisser emporter sur certains sujets. Bref, revenons à nos affaires ! Comme je le disais, je suis un homme d’affaires avant tout. Toujours à la recherche de nouvelle source de bénéfice. Dans le panel assez large de mes activités, une se démarque parmi les autres. Pour ne rien te cacher, il s’agit d’une véritable poule aux œufs d’or pour moi. La violence fascine beaucoup de monde et tout particulièrement une flopée de petits nobles pleins aux as. La plupart n’ont même pas assez de couilles pour foutre leur poing dans la gueule d’un type, et pourtant prêt à payer une fortune pour voir d’autres personnes le faire. Ma petite entreprise de combats clandestins tournait à merveille, mais ça c’était avant. Depuis que l’état-major de la marine a décidé de faire de l’excès de zèle en organisant sa chasse aux sorcières, je me retrouve en pénurie de main-d’œuvre. Et ce n’est pas faute de graisser la patte de bons nombres d’officiers. Malheureusement, il faut croire qu’il reste des soldats intègres dans les hautes sphères de l’armée.»

Le baron claqua des doigts pour qu’on remplisse son verre ainsi que celui de son invité. James ne voulant pas faire de remous accepta sans broncher. Pourtant le whisky ce n’était vraiment pas son truc.

« Pas besoin de te faire un dessin, ce n’est pas pour ta belle gueule que je te raconte tout ça. Pour faire simple, tu as une prime de cinq millions et une petite réputation dans le coin. Un pirate primé qui se bastonne cela va faire mouiller les petites culottes d’un paquet de bourgeoises en manque. Je trouve donc mon compte en replissant les caisses grâce aux bookmakers. Et toi de ton côté, en plus de faire vibrer la foule, tu ramasseras bien évidemment ta part du gâteau, bien évidemment en fonction de la qualité du spectacle proposé.»

James afficha un large sourire approbateur, l'idée de se faire de l'argent de la sorte lui convenait parfaitement.

Le gros Van Dongen affalé jusque-là dans la banquette se redressa subitement pour se rapprocher de James en baissant le volume de sa voix :

« Dernière chose, il va sans dire que cette offre est non-refusable. Si jamais d’une manière ou d’une autre tu décides de me la faire à l’envers. D’un claquement de doigts, je peux t’expédier six pieds sous terre. Mais tu m’as l’air d’être quelqu’un d’intelligent, je sais que tu accepteras

Après que Blackburn acquiesça de la tête, le gros lard réintégra sa position initiale, verre à la main, cigare en bouche, il fit signe à un de ses sbires de venir vers lui pour lui chuchoter quelques mots à l’oreille :

«Je ne souhaite pas voir mon poulain finir la gorge tranchée ou les fers aux mains. Alors un de mes gars va t’escorter jusqu’à cette adresse, il s’agit d’un de mes hôtels. Si tu as besoin de quoi que ce soit, aussi bien filles que garçon, adresse-toi au réceptionniste il est au courant de qui t’envoie là-bas. Mais attention, ne fous pas la merde chez moi. Demain matin, Rubben viendra te chercher pour t’amener à mon Colisée personnel et t’expliquer le déroulement des choses. Sur ce mon garçon, bonne nuit, j’ai encore du boulot.»
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Vivre vite, mourir jeune et faire un beau cadavre  

De mémoire, James n’avait jamais connu une nuit aussi torride que celle-ci. Avant même d’avoir ouvert ses yeux, le jeune homme affichait déjà un large sourire niais qui exprimait sa pleine satisfaction. Présent encore dans son lit, les deux créatures de rêves qui l’avait accompagné tout au long de cette nuit dormaient encore à point fermées. La chambre quant à elle, tirait la tronche, entre la nourriture jetée au sol et les bouteilles renversées. Le personnel allait avoir fort à faire pour remettre la chambre en état. Seule ombre au tableau, il venait d’hériter d’une belle gueule de bois et du mal de tête qui forcément en découlait. À croire qu’une saleté de pivert avait décidé d’élire domicile à l’intérieur de son crâne.

Alors qu’il rêvassait en se refaisait les meilleurs moments de la nuit, la réalité se rappela à lui assez brutalement. Sans même avoir la politesse de s’annoncer, un homme déboula dans la chambre. James sursauta de peur de voir la marine débarquée ainsi. Heureusement pour lui, il s’agissait de l’homme de main du Baron, le fameux Rubben. Il inspecta brièvement la pièce avec une mine de dégoût :

« Debout le mâle reproducteur ! C’est fini les galipettes, le boss nous attend. »

Fixant avec plus d’attention le jeune homme il se ravisa :

« Rince-toi la gueule avant, tu ne peux pas te pointer avec cette tronche.»

James quitta les lieux accompagnés du molosse, non sans regret. Devoir laisser ainsi deux jeunes femmes en détresses pour rejoindre un milieu d’homme dégoulinant de sueur et de sang. C’était comme quittait le paradis pour rejoindre l’enfer.
Ce fut un véritable chemin de croix pour le jeune homme. Rubben n’avait pas la moindre considération pour Blackburn et sa gueule de bois. Bien au contraire, il montrait un malin plaisir à en faire baver au pirate, devant subir à la fois la chaleur étouffante et une cadence de marche infernale. Au bout d’une demi-heure de marche forcée, L’homme de main du baron se retourna pour attendre son boulet qui traînait sérieusement des pieds :

« T’as vraiment un grain dans la tête toi, tu te prends une cuite la veille ? Soit, tu es complètement stupide auquel cas on ne peut rien pour toi, et tu crèveras précocement. Soit tu n’en a rien à foutre, et tu as une confiance sans faille dans tes capacités. J’espère pour toi que tu es aussi bon avec tes poings qu’avec ta bite. Car les “accidents” ne sont pas rares. »

Après quasiment une heure de marche, le duo arriva finalement dans une sorte de petite zone artisanale, située à l’est de Last Joy. Environ une cinquantaine de manutentionnaires s’activaient ici pour stocker des marchandises diverses et variées dans les grands hangars en bois. C’est devant l’un de ces bâtiments qu’ils firent une brève halte avant de pénétrer dedans par l’entrée de service. L’entrepôt était cloisonné en trois parties, indépendantes les unes des autres. Après avoir traversé les deux premières, ils arrivèrent enfin devant une sorte de ring à l’abri des regards indiscrets. Une vingtaine de types étaient présents ici, notamment le baron en personne. Hormis ses chiens de garde d’autres, d’autres hommes d’affaires semblaient avoir fait le déplacement pour admirer la dernière pépite de Van Dongen.

« Le voilà justement ! Alors mon garçon, tu as apprécié la nuit j’espère ?! Bon ce n’est pas tout, mais j’ai un emploi du temps chargé. Monsieur Sulyvan c’est vous voulez-bien. Nous aimerions une petite démonstration de ses talents.»

Un type à la carrure impressionnante se pointa devant Blackburn, la gueule amochée comme seul un boxeur pouvait l’avoir. Il reluqua pendant quelques instants le jeune homme avant d’émettre un grognement.

« Vire-moi ces fringues, le gringalet, et enfiles ça. D’habitude je préfère choisir ma marchandise, tâche de ne pas crever au premier round. »

Il désigna ensuite un des types présents, c’était un vieux docker usé par la vie et les combats. Son nez était à l’image de ses dents, dans un triste état. Il était plus petit que James, mais semblait extrêmement nerveux.

« Bon ! enfilés des gants et directions le ring. Uniquement les poings ! Marcel je ne veux pas de blessure stupide sur la marchandise, on n’a rien d’autre en sotck. »

Blackburn n’était pas vraiment un expert en boxe, il avait quelques bases oui. Mais son truc c’était plus la bagarre à proprement parler. Une fois en place il jeta un œil en direction du baron qui était en compagnie de ce fameux monsieur Sulyvan. Ce dernier semblait véritablement septique sur les choix de son supérieur et le faisait ouvertement savoir.

Au son d’une cloche, le combat s’engagea, James n’était pas vraiment dans une forme olympique. Le simple fait de se mouvoir lui donnait des nausées. Ne voulant pas trop forcer sur la corde, il resta statique en attendant que son adversaire fasse le premier pas. Marcel fonça sur James en envoyant une volée de coups partout dans le corps du jeune homme. Le vieux brisquard avait une belle frappe pour son âge, mais pas de quoi foutre au tapis Blackburn. Le pirate répliqua d’un rapide Jab en pleine face de son adversaire. Ce dernier recula de plusieurs pas, surpris de l’intensité du coup. Il avait le nez en sang, et semblait à moitié sonné. Des voix s’élevèrent dans les rangs des spectateurs. Quelques secondes plus tard, le combat reprit, Marcel semblait sur les nerfs. Prendre un tel coup par un merdeux enflé comme une brindille, cela ne pouvait être qu’un coup de chance. Cette fois-ci c’était la rage qui guidait ses poings, malgré les appels au calme de la part du coach. Le vieux schnock comptait bien rendre la monnaie de sa pièce à James. Il se lança à corps perdu sur son adversaire, ne retenant en aucun cas ses coups. Le jeune homme, encaissé toujours les coups sans trop de difficultés, jusqu’à ce que son adversaire envoie un direct du droit dans son foie. La douleur foudroya Blackburn qui donna en retour un énorme crochet du gauche dans la mâchoire de son rival. Il se dirigea vers l’extrémité du ring pour vomir ses tripes, ne prêtant aucune attention au pauvre Marcel qu’il venait d’envoyer valdinguer à plusieurs mètres en dehors du ring à la stupeur générale.
Le baron brisa le silence en applaudissant sans retenue :

« Bravo ! Magnifique ! Je savais que ce gamin cachait un sacré potentiel !»

James de son côté finissait de vider ses tripes. Il était de mauvaise humeur, il n’avait qu’une seule envie,  c’était de prendre du repos. Il jeta un coup d’œil en direction de sa victime, plusieurs soigneurs essayaient de lui faire reprendre connaissance. Au vu de l’état de sa gueule, la boxe pour lui c’était maintenant de l’histoire ancienne. Mais le jeune homme n’avait ni l’envie ni le temps de s’apitoyer sur son sort. Il ne voulait qu’une seule chose, pouvoir se barrer d’ici pour se reposer. Accoudé contre les cordes, il observait avec dédain, les pseudo-connaisseurs s’agitaient autour de Van Dongen pour donner leurs avis sur le combat. Ce dernier ne semblait qu’écouter à juste titre qu’une seule personne, le fameux Sulyvan. Le seul d’ailleurs qui ne semblait pas s’emballer sur les capacités du rookie. Lasse d’attendre, Blackburn se dirigea de lui-même vers le Baron, pour s’adresser directement à lui :

« Bon, j’espère que la démonstration vous a plu. Quant à moi je file à ma chambre prendre un peu de repos. »

Une fois ses affaires récupérées, il quitta les lieux sans demander son reste. À quelques mètres de lui se trouvait Sulyvan qui affichait rictus provocateur. James préféra l’ignorer, et se dirigea vers la sortie. Le retour lui semblait interminable, se déplaçant tel un zombie sortant de son cimetière. Heureusement pour lui, que le chemin était d’une grande simplicité, car le moindre détour lui aurait été fatal.
Lorsqu’il franchit la porte d’entrée, il s’adressa au réceptionniste.

« Apportez-moi juste de l’eau, beaucoup d’eau. Et qu’on me laisse tranquille. Je ne veux personne dans ma chambre jusqu’à ce soir. »

Il s’écroula dans son lit comme une larve sans même prendre le temps de se déshabiller. Il passa le plus clair de sa journée à dormir en bavant copieusement sur son oreiller.
Lorsque le jeune homme ouvrit de nouveau les yeux, la journée était sur le point de se terminer. Il était pour lui de s’activer, après un passage obligatoire à la douche, il s’habilla avec des vêtements neufs et se dirigea vers la réception. Comme il fallait s’y attendre, Rubben et deux autres gorilles étaient déjà présents sur les lieux. Certainement au cas où le rookie déciderait de faire faux bond au dernier moment.
Cette fois-ci, la destination n’était pas une vulgaire zone artisanale, mais bien les quartiers les plus huppés de Last Joy. James profita davantage du voyage, enfin requinqué de sa nuit d’excès de la veille. Après un bon quart d’heure de marche, ils arrivèrent enfin sur les lieux, derrière d’immenses grilles métalliques, se trouvait un imposant manoir.

« C’est donc ça la demeure du baron Van Dongen ? Il ne se refuse rien le gros. »

Le bras droit du boss lui jeta un regard noir plein de mépris en retour de sa tirade.

Il y avait déjà de l’effervescence devant les grilles, plusieurs gardes filtraient les invités. Le gros lard n’avait pas menti quand il avait dit à James qu’il s’agissait d’une activité populaire chez les gens de la haute. On trouvait même parmi les convives des officiers de la marine en tenue. Ce n’était pas l’intégrité qui les étouffait pour le coup. Mais ce n’était pas le moment pour James de flânait, l’heure fatidique arrivait à grands pas. Son escorte et lui passèrent par une porte dérobée pour gagner l’aile est de la demeure, réservée exclusivement pour les combattants les soirs de combats.

Une fois à l’intérieur du bâtiment, son escorte le conduisit à travers un dédale de pièces et d’escaliers le conduisant tout droit au sous-sol. Au grand étonnement de Blackburn, derrière une banale porte, se trouvait carrément une salle d’entraient. Décidément, le propriétaire des lieux ne plaisait pas du tout avec les combats clandestins.

C’est dans cet endroit que Sulyvan accompagné d’une dizaine d’autres types du même acabit attendait patiemment le début des hostilités en compagnie de demoiselles aux courbes plus que généreuses. Affichant une nouvelle fois son petit rictus provocateur, le coach s’adressa directement à lui :

« Tremblez messieurs, la terreur du Grand Line, nous fait enfin l’honneur de sa présence. »

Sa tirade provoqua des rires chez les autres combattants. La pression était palpable, il n’était absolument pas le bienvenu ici. Cependant, nullement impressionné par ses adversaires, Blackburn ne comptait pas baisser les yeux bien au contraire. Il avait la ferme envie d’en découdre avec eux pour faire fermer leurs clapets. L’un des types l’interpella :

« Ta petite renommée de pirate, on s’en tamponne le bulbe ici gamin. Nous sommes tous des combattants professionnels. »

Il pointa du doigt une grande porte située derrière lui :
« Une fois dans l’arène, seule la victoire compte. N’espèrent aucune faveur de notre part, c’est notre seul gagne-pain. »
Un homme qui devait faire sensiblement la même hauteur que James, mais avec des épaules infiniment plus larges que lui parla à son tour :

« C’était un bon gars le Marcel, un peu bourru parfois, mais il ne méritait pas que tu lui éclates la gueule de cette manière. Je tâcherais de m’en souvenir en temps voulu. »
Blackburn souffla du nez :

« Que cela lui serve de leçon, il a voulu jouer au con avec moi. Que cela serve d'exemple pour le prochain... »

Blackburn voulait avant tout tâter le terrain, pour voir les différentes réactions de chacun. Mise à part son interlocuteur, le reste semblait s'en foutre complètement. Le coach sentant l’air s’électrifier entre les deux hommes décida de couper court à toutes discussions :

« Gardez vos rancunes pour le combat ! Quant à toi Blackburn tu as la langue bien pendue, espérons que ce soit toujours le cas une fois dans l’arène. En attendant, il est l’heure de se préparer. »
Derrière la porte menant à l’arène, le jeune homme entendait l’impatience grandissante de la foule. Pourtant pas du genre à stresser en temps normal, James commençait à avoir une boule au ventre.

*Ils sont combien là-dedans ?!*

Un bruit sourd résonna derrière lui, il tourna immédiatement la tête pour en voir l’origine. L’homme qui s’était adressé à lui en premier venait de frapper de plein fouet un énorme sac de frappes de toutes ses forces. Le sac avait littéralement explosé sous le choc. Il regardait la tête de James avec satisfaction, le pirate venait de prendre un léger coup au moral.

*Hum… J’ai peut-être était un poil trop confiant dans cette histoire. *
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Lets get ready to Rumble 


James souffla un grand coup pour essayer de faire descendre la tension. Il vérifiait une ultime fois que les bandes qui recouvraient ses mains étaient solidement fixées et se leva, pour se diriger vers l’imposante porte menant tout droit à l’arène. Sulyvan annonça à haute voix qu’il restait environ trois minutes avant l’ouverture de cette dernière. Tout était méticuleusement calculé pour offrir le meilleur spectacle possible aux convives. Trois minutes interminables pour Blackburn, il n’avait de cesse que de jeter des regards en direction des autres combattants. Ces derniers semblaient totalement déconnectés de la réalité, plongés dans leur bulle pour préserver leur concentration. Chose totalement impossible pour le pirate qui ne tenait même pas en place.

*Allez, Allez, Allez ! Tu n’es pas n’importe qui ! *

À l’ouverture des portes, James resta quelques secondes immobile face au long couloir. Il se fit bousculer sans réagir par plusieurs autres participants.

« Ce n’est plus l’heure des hésitations ! La foule est capricieuse en ce moment, tâche de te montrer à la hauteur si tu souhaites revenir en un seul morceau. »

Blackburn se frappa énergiquement le visage des deux mains et s’engouffra à son tour dans le tunnel sous les acclamations du public. Ses yeux mirent quelques instants à s’acclimater à la faible luminosité des lieux. L’architecture qui semblait à première vue rudimentaire était en réalité recherchée. Un couloir fait de grillage menait directement à l’arène. Cette dernière était chapeautée d’une sorte de dôme d’acier fait de barreaux permettant une visibilité optimale pour les spectateurs tout en assurant leur sécurité. Le sol quant à lui était fait de terre battue fraîchement ratissée. Tout autour de l’arène, les spectateurs prenaient place dans des gradins qui s’élevaient sur quatre étages.

Blackburn leva les yeux pour se faire une idée du nombre de personnes présentes ici, au bas mot, une centaine. Tous les convives étaient revêtus d’un masque de bal sans doute pour ajouter une note mystérieuse à cet évènement. Au centre du deuxième étage se trouvait le Baron facilement reconnaissable en dépit de son masque. Il était accompagné d’un petit groupe d’invités trier sur le volet, sûrement ceux qui possédaient le plus gros portefeuille ou à défaut, les meilleures relations.

Une fois tous les gladiateurs réunis au centre de l’arène, le silence arriva de lui-même. Un homme au look extravagant dans un costume flashy débarqua sur la terre battue. Il devait facilement mesurer deux-mètres cinquante de haut. Loin d’être imposant, c’était une vraie tige.

« Mesdames et messieurs, ce soir nous avons l’immense plaisir de vous proposer un spectacle de très haut niveau. Spécialement pour vous, nous sommes allés chercher ce qui se faisait de mieux en termes de combattants ! LET’S GET READY TO RUMBLE !!!!»

La foule laissa éclater sa joie sans retenue ! Blackburn se sentait tout petit dans l’arène, complètement dépassé par les évènements. Il regardait autour de lui cette foule, devenue l’espace de quelques instants, totalement hystérique. Se sentant oppressé, le jeune homme effectua sans se rendre compte, quelques pas en arrière. Comme si quelque chose au fond de lui avait soudainement le désir de prendre la fuite.

« Votre attention s’il vous plaît ! Nous allons maintenant organiser le tirage au sort des prochains combats ! »

Blackburn comprit finalement qu’il s’agissait d’un tournoi. Pour sortir de cet enfer, il devait gagner en tout trois combats. Ce n’était pas ça qui avait été initialement décidé au moment de conclure l’accord. Mais maintenant, il n’avait pas le choix, pour lui faire part de son mécontentement il devait sortir victorieux d’une façon ou d’une autre.
Le premier duel opposa deux montages de muscles. James observa avec la plus grande attention le combat pour se faire une idée du niveau réel des participants. Le combat se déroula comme il fallait s’y attendre avec des types de ce gabarit hors norme. Une succession de coups puissants, mais dénués de toute technique. Cependant, cela faisait le bonheur du public qui voyait des gerbes de sang accompagnées de morceaux de dents giclés dans tous les sens. Au bout de cinq interminables minutes, Blackburn assista enfin à la fin de cette mascarade. L’un des deux gorilles s’écroula de tout son long sur le sol. Son adversaire était à deux doigts de subir, le même sort. À ce rythme-là, une fois le premier combat gagné, le reste sera un jeu d’enfant dans l’esprit de James.

Une armée de petite main sortit le perdant comme un cheval mort sur un champ de courses. Par les pieds sans la moindre considération, il laissa derrière lui une traînée de sang.

« Tu m’étonnes qu’ils soient en manque de combattants… »

Le combat suivant débuta dans la foulée, cette fois-ci le niveau était tout autre. Du moins pour l’un des participants, qui écrasa littéralement son adversaire, ne lui laissant pas la moindre chance. Mais pour faire plaisir aux spectateurs, il fit durer un peu plus l’agonie de son rival. Sadique jusqu’au bout, il l’humilia jusqu’à lui mettre le coup de grâce. Une fois encore, le morceau de viande saignant sortit les pieds devant de l’arène.
Une hystérie générale s’empara de la foule ! James ne se considérait pas comme une âme sensible, surtout à la vue du sang. Pourtant, il ne parvenait pas à comprendre comment les gens pouvaient prendre autant de plaisir à voir un tel massacre. Blackburn pensait avoir affaire initialement à des férus de combats, et non de vulgaires assoiffés de sang.

Le moment d’entrée en scène était finalement arrivé.

« Voici maintenant, le redoutable pirate James W. Blackburn ! Il possède une prime de 5 millions ! Véritable terreur sur Las Camp [...] »

Le commentateur en faisant des caisses inutilement pour vendre le duel. Des types comme lui, aussi peu primés, il y en avait des milliers à travers les Blues. Étonnement, son speech prenait, la foule semblait redoubler d’attention pour cet affrontement.

*Qu’est-ce qu’ils sont cons ces nobliaux. À croire qu’ils vont voir combattre un Yonkou ! Dire que je faisais partie de ce monde auparavant. *

Son adversaire désigné était un type à la caboche labouré par des années à se faire démolir la tronche dans la joie et la bonne humeur. Le bougre avait des paluches de maçon, il pouvait sans aucun mal se saisir de la tête du jeune homme d’une seule main. Malgré de larges épaules, il était d’une taille relativement petite. Grand maximum, un mètre soixante-dix.


Un samedi soir à Last Joy Numyro11
Alexey Erdanoff — 1m70 – 83 kg — 42 ans



Le combat s’engagea prudemment. Les deux adversaires se jaugeant avant de rentrer dans le vif du sujet. James lança quelques jabs bien placés en direction de son adversaire, ce dernier les encaissa de plein fouet sans broncher. Les spectateurs attendaient avec impatience le moment où le pirate passerait à la vitesse supérieure. À croire que le gamin était en possession d’un fruit du démon alors que ce n’était absolument pas le cas. Alexey décida de passer à l’offensive en se jetant de toute sa masse sur Blackburn, obligeant ce dernier à reculer contre les barrières de l’arène. Il travailla le jeune homme au niveau des flancs en enchaînant les coups puissants. Blackburn ne pouvait faire qu’une seule chose, se reposer intégralement sur sa garde. Il tenta à plusieurs reprises de repousser son adversaire, mais la différence de poids était un obstacle de taille. Au bout d’une minute interminable, Erdanoff commençait à montrer les premiers signes de fatigue, mais surtout d’exaspération.
Ne trouvant pas de réelle faille dans la garde de son opposant, il doutait de plus en plus de l’efficacité de sa stratégie. L’ouverture tant attendue arriva ! Alexey recula d’un pas pour armer un coup surpuissant, laissant de ce fait, l’espace suffisant à Blackburn pour s’extirper de son emprise. Avec une agilité propre à son gabarit, James se retrouva hors de portée de son adversaire. Ce dernier semblait désemparer, se retrouvant désormais en situation de faiblesse. Profitant de son allonge, le pirate comptait bien conservait son avantage. Répétant les Jab pour le maintenir à distance, James enchaîna rapidement avec un redoutable crochet directement dans la mâchoire d’Alexey. Le choc fut aussi spontané que brutal, un craquement sourd se fit entendre.
Malgré la violence du coup, le bougre était toujours debout et voulait encore en découdre. Toutefois, un tel choc laisse des traces, il n’était plus en possession de tous ses moyens. Le nobliau s’engouffra dans cette brèche sans la moindre hésitation. Sous la clameur générale des convives, il envoya une pluie de coups sur un Erdanoff totalement impuissant. Comme portée par la foule, le pirate ne remarqua même pas qu’il était en train de massacrer son adversaire. Lorsqu’il prit conscience de ce qu’il commettait, il s’arrêta brusquement. Ne pouvant que constater la chute au sol d’Alexey, le visage ensanglanté et méconnaissable.

La foule exulta davantage, alors que le jeune homme regardait ses bandages couverts du sang d’un autre. Impossible de savoir si l’autre combattant remettrait les pieds un jour ou non sur un ring. Quoi qu’il en soit, Blackburn venait de franchir le premier tour du tournoi avec brio. Il lança un regard en direction du Baron qui l’applaudissait à tout rompre. Il fit un signe de la tête à son attention, puis regagna le reste des combattants en attendant le prochain tour.

Personne ne s’adressa à lui. Les autres participants semblaient totalement indifférents. Il resta dans son coin attendant patiemment son heure, il ne prit même pas la peine d’observer les affrontements suivants. Il n’aspirait qu’à une seule chose dorénavant, quitter au plus vite cet endroit, avant de devenir complètement givrer. L’adrénaline du combat retomba brusquement, le visage dégoulinant de sueur, il se repassa le film du combat en boucle.
Combien de temps avait-il rêvassé ? Aucune idée, quoi qu’il en soit il était de nouveau dans l’arène pour en découdre.


Un samedi soir à Last Joy Numyro12
Boris le boucher — 1m90 – 135 kg — 45 ans



James avait déjà repéré l’individu auparavant. En même temps au vu de la stature du bonhomme ce n’était pas vraiment difficile. C’était la définition même de l’armoire à glace jumelée avec une tête de psychopathe en puissance. Le speaker déballa tout son CV de criminel notoire, n’hésitant pas à briser les os de ses ennemies, voir à pratiquer le cannibalisme. Blackburn ne prêtait pas plus d’attention à tout ce baratin servant uniquement à faire monter les enchères. Toutefois, il était parfaitement conscient de la puissance physique de son adversaire. À voir la réaction de la foule, il avait sa notoriété ici.

Le combat commença d’entrée de jeu par une charge digne d’un buffle. James se jeta à terre pour esquiver l’étreinte fatale de son adversaire, de justesse ! Rapidement le pirate compris que la seule stratégie possible pour rester en un seul morceau, c’était l’esquive. Les spectateurs entrèrent à leur tour dans le jeu, avec des « Ola » à chaque nouvelle esquive de sa part. Ce qui avait le don d’agacer au plus haut point le titan. Profitant de son agilité, le gringalet envoya à plusieurs reprises quelques coups bien placés à son adversaire. Malheureusement sans aucun effet apparent. Boris n’était pas seulement une montagne de muscle, il avait aussi une très bonne condition physique au grand dam du pirate.
Blackburn commit finalement une imprudence, qu’il paya cash. Son rival le saisit par le bras et l’expédia avec une facilité déconcertante contre les barreaux de l’arène. James se fracassa contre ces derniers, laissant échapper un râle de douleur. Quelqu’un de lambda aurait certainement eu le dos brisé par un tel choc. À peine avait-il percuté le sol, que Boris se jeta sur lui pour le saisir et le plaquer de nouveau contre la paroi.
Le boucher avait comme unique objectif, d’utiliser sa force monstrueuse pour étranger son adversaire des deux mains, lui permettant ainsi d’obtenir une place pour la finale. Dans son empressement, il laissa l’espace à James, pour que ce dernier lui saisisse le bras droit. S’engagea dès lors un interminable bras de fer entre les deux hommes. Le pirate était à 20 cm du sol, écrasé contre les barreaux avec la main de Boris lui écrasant la gorge. Il devait à tout prix se dégager de là rapidement. Mais les deux hommes étaient de force sensiblement égale, mais la situation faisait que le Boucher avait un avantage indéniable sur le long terme. Blackburn envoya à plusieurs reprises des coups de poing de sa main droite en plein dans le visage de son adversaire sans pour autant défaire l’étreinte. Voyant que cette stratégie ne mènerait à rien et arrivant au bout de ses réserves d’air, il décida le tout pour le tout. Il plongea deux de ses doigts dans l’œil du titan sans hésitation.
Ce dernier hurla de surprise et de douleur, lâchant immédiatement sa prise sur le jeune homme qui s’écroula au sol à la recherche d’air. Le boucher recula se planquant la main sur son œil ensanglanté, James quant à lui se redressa au plus vite, pour profiter de l’état de faiblesse de son adversaire. Ce dernier tenta de lui assener un coup de poing, malheureusement, totalement imprécis. Permettant au jeune homme d’avoir tout le loisir pour se saisir de son bras afin d’effectuer une clef. Le boucher fut pris de court, avant qu’il puisse réagir il avait déjà le poignet tordu. L’issue du combat ne faisait plus aucun doute à présent, pourtant il refusait toute abdication. N’ayant pas d’autre choix, Blackburn utilisa toute sa force pour briser l’articulation. Un hurlement de douleur raisonna dans l’arène, même la foule semblait refroidie par un tel cri. Boris loin d’avoir dit son dernier mot, assena un magistral coup de boule dans la face du nobliau le couchant à terre. La perte d’un œil et d’un poignet n’avait en rien entamé son désir de combattre, James prenait subitement conscience que la seule issue possible pour ce combat était la mort d’un de deux protagonistes.

N’ayant pas eu le temps de se redresser cette fois-ci, le Boucher se jeta sur lui. Utilisant pleinement l’écart énorme de poids entre les deux hommes pour le bloquer, il avait perdu toute lucidité. Il mordit son adversaire au niveau l’épaule de toutes ses forces. Le nobliau hurla à son tour de douleur, c’est à ce moment que l’arbitre à la demande du baron déboula dans l’arène pour mettre un terme à ce carnage. Malgré l’intervention de l’employé, Boris ne comptait pas en rester là. James n’ayant pas d’autre alternative pour sauver son épaule que d’étranger de toutes ses forces Boris avec l’aide de l’arbitre. Le géant à bout de force et d’air s’écroula inconscient quelques instants plus tard. Blackburn se dégagea du corps inerte et quitta l’arène sous les applaudissements de la foule, satisfaite d’avoir vu un tel combat.

Un dernier homme était présent dans la loge des combattants, son ultime adversaire.
Le pirate jeta rapidement un coup d’œil dans sa direction, un frison s’empara de lui. Il avait une sale impression vis-à-vis de ce type. Il n’avait rien à voir avec les autres combattants, il puait la mort à plein nez.
Le Baron déboula quelques instants plus tard accompagnés de son médecin personnel :

« Félicitations gamin ! Quel combat ! J’ai toujours su flairer les bons coups, je savais qu’avec toi je n’allais pas être déçu. »

Le doc fit ce qu’il put pour rafistoler à la va-vite le combattant. Rien de très méchant, mais il conserverait un bout de temps la marque des dents sur son épaule ainsi que plusieurs jolis bleus. James profita pour demander qui était son prochain adversaire :

Le boss semblait à moitié embarrassé par cette question, ne sachant pas quoi répondre précisément :

« Nous ne savons pas grand-chose de lui, il a débarqué ici, sorti de nulle part. Il a remporté tous ses combats avec une facilité déconcertante. Bon ! Il est temps ! Cette finale sera grandiose !! Avec l’argent gagné, tu pourras vivre la grande vie pour un sacré bout de temps ! »

Dans un silence de mort, les deux hommes gagnèrent l’arène pour un ultime combat. Le nobliau avait un mauvais pressentiment, et ce n’était pas seulement le combat. Quelque chose se tramait ici, mais quoi ? Il regarda en direction de la loge du baron qui était en pleine discussion avec un type de la marine en tenue. L’échange semblait pour le moins houleux entre les deux hommes. Mais ce n’était pas le moment de se laisser distraire par des éléments extérieurs, pour l’instant la seule chose primordiale était cet ultime affrontement.
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Serpent et trahison 


James marchait dans les pas de son adversaire, le suivant comme son ombre en direction de l’arène. Aucun mot n’était échangé entre les deux hommes. Son prochain rival semblait aussi loquace qu’une pierre et ce n’était pas plus mal, Blackburn n’avait aucune envie d’échanger la moindre parole. Au loin résonnait la voix du speaker qui devait encore une fois en faire des tonnes pour annoncer ce combat. Malgré les enjeux, avait l’esprit accaparé par un mauvais pressentiment, l’empêchant de se concentrer sur son prochain combat. Incapable d’identifier la source de cette inquiétude, il était pourtant persuadé que quelque chose allait tôt ou tard lui tomber sur le coin de la gueule.

Cherchant désespérément la source de cette angoisse, il tourna en premier lieu son regard en direction de l’autre finaliste. Même si ce dernier le rendait nerveux ce n’était pas lui l'origine du problème. Du moins dans l’immédiat, ce type semblait sacrément puissant, il allait rapidement devenir une sacrée épine dans le pied du jeune pirate. Il regarde dans un deuxième temps en direction de la loge du Baron, toujours en pleine discussion avec un fichu Marine. Impossible de savoir quel était le sujet, mais il suffisait de voir les grands gestes pour comprendre que cela devait être houleux.
Il était plus inquiet par le débat entre les deux hommes que son combat, James ne remarqua même pas que le speaker était en train de faire les présentations. C’est uniquement à l’annonce de son nom qu’il détourna son regard de la loge.


Un samedi soir à Last Joy Numyro10
William Curting 1m85-85 kg — 52 ans


L’homme au buste massif abordait une série de tatouage sur l’ensemble de son corps. Comme presque tous les participants, il avait la gueule en charpie. Mais le plus étonnant était sans aucun doute son bras droit, il s’agissait d’une prothèse mécanique. C’était la première fois que le jeune pirate rencontrait un cyborg. Il avait entendu plusieurs rumeurs à propos de ce type d’individu, aussi bien les coûts faramineux que leur puissance exceptionnelle. D’après ce qu’il avait retenu, le type était un ancien soldat qui a passé une partie de sa carrière sur le Grand Line. Rien que ça, posait le personnage.

Blackburn comprit qu’il était dans une sacrée merde, quoiqu’il se passe il ne ressortirait pas libre d’ici.
Le combat commença sous les encouragements de la foule ! Un pirate contre un Marine, la foule n’hésita pas une seule seconde pour soutenir le second. Tout le monde souhaitait donc voir le rookie se faire laminer la gueule par le vétéran. Blackburn décida d’inaugurer le duel en attaquant d’entrée de jeu son adversaire. Il comprit rapidement que son adversaire le surpassait sur tous les domaines, notamment sur la technique. Il parvenait à bloquer ses attaques sans la moindre difficulté. L’ex-soldat laissa sa victime s’exciter sur lui en vain avant de le corriger. Le militaire envoya un crochet du droit en plein dans la mâchoire du jeune homme.
L’envoyant valdinguer à plusieurs mètres de là comme un vulgaire jouet. Le nobliau se releva avec peine, il avait rarement pris un coup d’une telle violence dans sa vie. En plus de la douleur provoquée par l’impact, un mince filet de sang coulait le long de sa lèvre témoignant de la violence du choc. Le vétéran quant à lui restait statique, attendant que son adversaire vienne à lui. James retourna à l’attaque en mettant tout ce qu’il avait dans les tripes. Malgré quelques coups bien placés, le militaire avait toujours le dernier mot dans les échanges. Envoyant encore et encore le pirate au tapis avec une impression de facilité déconcertante. Couvert de sueur, de terre et de sang, Blackburn doutait de plus en plus de ses chances, à moins d’un miracle il était fichu. Ramassant une poignée de terre, il retourna à l’abordage du vétéran. Misant cette fois-ci sur la ruse, il jeta cette dernière dans ses yeux afin d’ouvrir une éventuelle brèche dans ses défenses. Mission réussie ! Curting était hors de combat pendant plusieurs secondes, permettant au pirate d’évacuer sa frustration.

Mais, malgré une pluie de coups, Blackburn ne parvenait toujours pas à faire tomber son adversaire. Il avait l’impression de frapper un mur. L’ex-soldat jura de rage, maudissant le rookie sur plusieurs générations !
Voulant trop en faire, Blackburn s’exposa beaucoup trop face à un tel combattant. Il fut une nouvelle fois sanctionné par le redoutable bras robotique. L’éclatant littéralement contre le sol, James n’avait pas vu le coup venir et surtout ne s’attendait pas à une telle force de frappe. Il devait réellement l’avoir mis en rogne pour l’occasion. Cette fois-ci se relever était en dehors de ses capacités, l’impact l’avait littéralement séché sur place.

*Putain c’est quoi ce monstre ? *

La foule était en transe, elle n’était pas encore rassasiée de sang. Le vétéran se dirigea sans hâte en direction de sa victime pour donner le coup de grâce.

« Merdeux de rookie, des types comme toi j’en ai éclaté des centaines. Et cela veut aller sur le Grand Line ? Tu es une honte pour la piraterie ! »

Le nobliau ne faisait plus qu’office que de spectateur à présent. Même dans le cas improbable où il parvenait à se redresser, aucune de ses attaques n’était parvenue à mettre à terre Curting jusqu’à présent. Pourtant ce dernier portait bien les stigmates des coups reçus.

James redressa sa tête pour regarder son bourreau, se dirigeait vers lui. La journée avait merveilleusement bien débuté pour lui, pourquoi la terminer ainsi ? La gueule éclatée, couverte de sang et de terre, incapable de riposter face à son adversaire.
William attrapa le rookie par le cou pour le porter à sa hauteur pour la plus grande joie de la foule. L’exposant comme un trophée de chasse, il prenait son temps pour finir le boulot. James se débattait comme un rongeur prit dans la gueule d’un serpent. Il tenta le tout pour le tout, et envoya tout le restant de ses forces dans un seul coup de pied en plein dans le visage du vétéran. L’impact raisonna dans l’arène, pour la première fois, le pirate avait fait jeu égal en termes de puissance avec son rival. Obligeant ce dernier à lâcher prise.

Pendant une fraction de seconde, Blackburn pensait sortir victorieux du combat. Mais un bruit terrifiant arriva à ses oreilles, celui du bras mécanique de l’ex-soldat. Il frappa le pirate encore dans les airs de toutes ses forces ! Le propulsant de l’autre côté de l’arène sous les yeux ébahit des spectateurs.
Fin de la partie pour le nobliau qui tomba inconscient suite à la violence du choc.
*Quelques heures plus tard*
Blackburn ouvrit avec la plus grande des difficultés ses yeux. Il se trouvait allongé sur une sorte de lit. Plusieurs voix parvenaient à ses oreilles, notamment celle du Baron. Il tenta de se redresser, mais ses mains et ses pieds étaient entravés par des menottes. Sa mâchoire lui faisait un mal de chien, la douleur était encore vive après le dernier coup reçu. Il tourna la tête en direction des voix pour comprendre ce qu’il se tramait ici. Plusieurs hommes étaient présents autour du Boss et notamment le mystérieux officier en tenu.

« Patron, il se réveille ! »

« J’aurais préféré qu’il ne se réveille pas. Cette histoire peut foutre en l’air beaucoup de choses si jamais quelqu’un l’apprend. Combien de mes clients les plus fidèles sont des criminels recherchés ? Beaucoup trop.»

Avec toutes les peines du monde, James s’adressa à l’attention du Baron :

«C’est ainsi que cela se termine ? Petite pute. »

«Le business prime avant tout, désolé garçon, mais je n’avais pas le choix. De toute façon, tu peux tout à fait le comprendre, tu es un pirate après tout ! Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. »

Il fit signe à ses hommes de main d’embarquer le prisonnier.

«Ne t’inquiète pas père, tu agis pour le bien de la famille. En me remettant cette vermine, cela sera bénéfique sur le long terme pour nos activités. Mes supérieurs me lâcheront enfin la grappe et j’aurais enfin davantage de marge de manœuvre.»

James comprit que sa destination était une nouvelle fois la case prison. Il était hors de lui de s’être fait rouler ainsi de la sorte, il menaça le baron et toute sa famille de représailles. Des paroles dans le vent, car dans son état il ne pouvait pas faire de mal à une mouche.

«Sortez-le d’ici ! Et le plus discrètement possible.»

Plusieurs gardes se saisirent de Blackburn pour le mettre debout. Alors qu’il continuait à proférer des menaces et des insultes, l’un des gardes lui bâillonna la bouche pour le plus grand plaisir du Baron. Il faisait nuit noire, les convives avaient quitté depuis plusieurs heures déjà les lieux. Le petit groupe avait emprunté une sortie annexe loin de tout regard indiscret, pour se diriger en direction du QG de la marine.
L’officier ouvrait la marche en inspectant les alentours avec la plus grande attention. Derrière lui se trouvait le précieux colis entouré de trois hommes de main. James essaya à plusieurs reprises de se débattre, malheureusement dans son état il était aussi dangereux qu’un enfant. Il reçut plusieurs coups violents dans l’estomac en guise de punition, calmant ses ardeurs. Après avoir fait une centaine de mètres sans croiser la moindre âme qui vive, un drôle de personnage se pointa derrière eux à la surprise générale.

Le fils du Baron passablement énervé s’adressa à lui à voix basse :

«Qu’est-ce que tu fous ici toi ? Père me croit incapable de remplir cette mission ?»

James tourna son regard vers l’individu en question éclairé faiblement par un lampadaire. Il portait un uniforme sombre, le rendant presque invisible dans la pénombre. Il portait un cache-œil, le pirate ne se souvenait pas l’avoir déjà vu près du Baron. Mais un autre détail intrigua le prisonnier, il s’agissait de son regard. Il se sentait comme nue face à ce regard d’un froid glacial. Qu’est-ce qu’un type comme lui faisait ici ? Cela ne pouvait pas être un simple larbin, il avait plus le profil du parfait assassin. Cela n’augurait rien de bon pour le pauvre Blackburn.
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Las Camp. Si le Serpent n’avait pas vraiment choisi ce point de chute, mais s’y trouvait désormais, c’était en grande partie par déveine. S’il avait connu des coins pourris, et croyez-moi entre Manshon et l’Amerzone il en avait connu, là, c’était presque le summum. La delicatessen des lieux de merde. La chantilly pourrie qui surplombait un gâteau au caca. Las Camp et ses rues qui avaient plus du coupe-gorge que des voies de circulation. Las Camp et ses tavernes mal famées dans lesquelles le moindre verre se transformait en bagarre – et quelles bagarres, une spécialité encore plus que dans mes récits ! Las Camp, un endroit propice pour un homme qui avait un besoin tel de faire profil bas qu’il en était prêt à risquer sa vie. Mais pourquoi donc me demanderez-vous ? Et bien, simplement par malchance, sombre compagne du Serpent. Par malchance et, il faut le dire, manque de discrétion. Car même les personnes les plus méticuleuses pouvaient parfois se rater dans les grandes largeurs.

Quelques semaines plus tôt, le Serpent se trouvait encore à Poiscaille. Il avait croisé une mignonne petite poissonnière qui l’avait approché pour … apprendre à se battre. Et étonnement, il avait accepté – contre rémunération en espèces sonnantes et trébuchantes, il en va sans dire. La petite était plutôt gauche et avait manqué de se tuer plus d’une fois lors de son entrainement, mais avait fini par apprendre à se défendre un minimum. Une sorte de Pierre Richard, en plus sexy, qui avait donc désormais un côté un peu plus Jean-Claude Van Damme Pendant cet apprentissage inopiné, malheureusement, ils avaient été amenés à croiser quelques malfrats, et, sans rentrer dans les détails, disons que l’un d’entre eux avait cru le reconnaître. Car oui, à force d’errer de Blue en Blue, on risquait de tomber sur un pélo qu’on connaissait. Et c’était d’autant plus triste quand le pécore en question avait quelque contact avec un certain employeur qui … Bon, je ne vais pas vous faire un dessin, vous avez compris le topo. Ce brave Joseph – ou Jojo pour les intimes – c’était donc fait repérer par un séide de son ancien patron ; M. Hitchcock. Sachez, cher lecteur, que cet homme n’est pas réputé pour sa bienveillance, et encore moins envers ceux qui préféraient prendre la poudre d’escampette plutôt que de suivre les ordres. Heureusement pour lui, Le Serpent l’avait reconnu à son tour. Si cela n’avait pas été le cas, il aurait été dans de bien beaux draps. Dès qu’il ôta sa toge de professeur – ou quelque chose comme ça – de survie en milieu hostile, Snake décida qu’il était temps de faire ce qu’il faisait le mieux. Disparaître.

Et donc, … Las Camp.

Le voyage n’avait pas été long. Déjà parce qu’il avait eu la chance d’être sur une île relativement proche de sa destination, mais aussi parce qu’il n’avait pas trop tardé à trouver un navire qui en avait fait sa prochaine étape. La réputation de l’île n’étant pas vraiment usurpée, il ne doutait aucunement qu’il arriverait à se fondre dans la masse. Il avait l’apparence, le vécu, et sans doute plus de jugeote que la moitié des débiles de l’île. Quant à l’autre moitié, il n’aurait qu’à l’éviter. Et comme il s’y attendait aussi, les embrouilles ne tardèrent guère.

A peine avait-il posé le pied sur le ponton du port qu’on tenta de lui retirer sa maigre bourse. Il s’agissait d’un grand matelot, à moitié chauve, à qui il manquait tant de dents qu’on pouvait se demander comment il faisait pour manger. Sans doute mangeait-il liquide. A ses côtés, un petit maigrichon, qui avait l’air aussi vicieux que court sur pattes. Ce deuxième scélérat était armé d’un couteau qui, entre ses mains, avait plus de l’épée que de l’opinel. Le premier l’aborda sans dire ni bonjour ni au revoir, d’un coup de poing que le déserteur évita tout juste, d’un petit saut en arrière. « La bour’e ou la ‘ie. » demanda le colosse, qui devait sans doute penser se trouver face à un infirme. Le Serpent plissa les yeux et, sans répondre, sortit une cigarette de sa poche. Tordue. La cigarette, pas la poche. Il l’alluma sans répondre, alors que le petit détrousseur répétait, d’une voix nasillarde cette fois-ci, les mêmes paroles. Le Serpent soupira, et porta sa main à la bouche, pour en retirer sa cigarette, qu’il jeta d’un geste sec au visage du grand zygoto. Dans la continuation même du mouvement, il se jeta à pleine vitesse sur le petit, qu’il frappa d’un coup de pied en plein visage, alors que celui-ci n’avait pas encore réagi. Dégainant son sabre, et profitant de l’effet de surprise, il n’eut aucun problème à poser la lame sur le cou de son agresseur, avec un sourire. Quelques minutes plus tard, le duo de pickpockets s’enfuyait, la queue entre les jambes, en ayant perdu dans leur dernière entreprise autant d’honneur que de monnaie.

Alors qu’il soupesait sa bourse dans sa poche – et non pas ses bourses, on n’est pas dans un Jackie & Michel – le Serpent fut alors abordé par un deuxième énergumène. « Décidément, cette île a décidé d’me rendre riche. » marmonna-t-il alors qu’il posait la main sur la garde de son sabre. Il n’eut pas besoin d’aller plus loin. Face à lui, pas de petite frappe en voulant à son petit pécule, loin de là même. Ce dernier se présenta rapidement Il s’agissait d’un homme de main / garde / recruteur, travaillant pour un certain noble, qui souhaitait garder son anonymat. Il avait pour mission de recruter les fines lames fraichement arrivées à Las Camp, pour grossir les rangs de ses hommes de main.

Le Serpent pensa immédiatement à son ancien employeur. Il s’agissait là d’un contrat « à la Hitchcock ». Il avait, à l’époque, été abordé de la même façon ou presque, et de fil en aiguille, avait grimpé les échelons. Trop, d’ailleurs, ce qui l’avaient mené à la situation actuelle. Cependant … S’il voulait se débarrasser de son ancien employeur, et, si possible, se faire un peu de maille dans l’affaire, il ne pouvait faire la sourde oreille à cette proposition. Déjà parce qu’elle pouvait l’intéresser, mais aussi parce qu’en faisant de la sorte, il risquait de finir la soirée dans la baie. Et il n’avait pas particulièrement envie de nager… Avec une moue un peu gênée, il accepta donc la proposition indécente.

Quelques heures plus tard, il se retrouvait donc avec un nouvel uniforme, son manteau en cuir excepté, à garder l’entrée Nord d’un lieu un peu étrange. Ils avaient marché vers l’Est quelques minutes, vers une zone artisanale. Les entrepôts jouxtaient les magasins dans un mélange plutôt hétérogène. De son point de garde, il entendait peu, et voyait encore moins. L’autre péon, Michel de son prénom, ne lui avait pas dit grand-chose au sujet du bâtiment. Il l’avait appelé le Colisée, et … c’était à peu près tout. De son passé, Joseph Snake avait appris pas mal de choses, notamment qu’il fallait bien mieux garder les questions pour soi. Il s’était donc contenté de faire les cent pas, dans l’allée qu’il devait garder, et ce pendant presque une heure.  Au bout de ce temps-là, sans un bruit, un homme qu’il identifia comme un autre sbire de son patron – puisqu’habillé à peu près comme lui – lui ramena un tabouret, et disparu dans le même silence. Le tabouret était branlant, mais au moins, il avait le mérite d’exister.

Trois heures durant, il fuma des cigarettes, manquant de s’endormir, et alors qu’il commençait tout juste à somnoler, Le Serpent décida que c’en était trop. Il voulait bien garder une allée, mais honnêtement, là, ils perdaient tous la notion des réalités. Il poussa la porte doucement, puis s’engouffra dans l’entrepôt, traversant un premier couloir, puis un deuxième, sentant qu’il touchait au but. Il entendit quelques voix et entra dans une pièce, sans doute un lieu de stockage. Les murs étant épais comme du papier, les paroles lui venaient comme s’ se trouvait dans la pièce mitoyenne. Dans cette pièce donc, il devina au moins trois personnes, si ce n’est plus. Peut-être une demi-douzaine de personnes ? Un bonhomme avait été roulé dans la farine, probablement par celui qu’il supposait être son patron. Et il allait finir …Donné ? Ses Supérieurs ? La Marine, évidemment.

Le sang du Serpent ne fit qu’un tour, il n’avait aucune envie de devoir se frotter à eux non plus ! En quittant son poste, il s’était foutu dans la merde, mais s’il se faisait chopper maintenant, cela risquait d’être encore pire. Il se passa la main sur le visage. Au revoir vie simple et profil bas. Il ne connaissait pas le blaireau qui s’était fait chopper, et n’avait aucune  envie d’être à sa place. Il devait s’esquiver et vite ! Alors que l’autre pauvre hère se faisait sans doute rouer de coups, le Serpent se faufila à l’extérieur du bâtiment, par la porte qu’il avait jusqu’alors gardé. Compte-tenu du peu d’activité que cette sortie avait connu il y avait peu de chances que qui que ce soit n’utilise cette allée pour …

Et évidemment, une fois de plus, le destin refusa la moindre once de simplicité au pauvre Serpent. Alors qu’il s’éloignait du bâtiment, il entendit la porte s’ouvrir derrière lui… alors qu’il passait sous un lampadaire. « Formidable. » marmonna-t-il alors qu’il jetait un coup d’œil autour de lui pour voir s’il était possible de se cacher. Ce n’était pas le cas. Oh non. Tellement pas le cas, que l’abruti en chef – celui qui semblait diriger ce cortège de peigne-culs – l’avait déjà hélé. Carrément. Il était con comme une porte celui-là.

« Vous donner un coup de main pour … quoi ? Pour lui ? » Répondit-il. Il s’agissait du pauvre gars qu’on voulait filer à la marine. « Pas vraiment, pour être honnête. »
« Mais alors t’es qui ? Tu dois être de mèche avec l’autre connard de Blackburn ! Choppez le les gars. »

Abasourdi par le niveau d’analyse du mec – un officier corrompu certes, mais un officier tout de même, de la marine ! – le Serpent manqua de ne pas réagir. Lentement mais surement il leva les bras comme pour montrer qu’il n’allait être aucunement un problème, ce qui sembla déstabiliser les trois hommes de main. Avec un sourire mauvais, il attrapa son sabre de sa main droite et se jeta sur eux. Ce fut un carnage, la lame tranchant aussi bien chair que tissus. Emporté dans sa tuerie, le Serpent ne revint à la réalité que par la voix effrayée du fils Van Dongen, qui, pointait un pistolet sur la tempe du pirate.
« Mais …. Arr… arrêtez ! Sinon je… je le tue ! » Chouina-t-il.

Le Serpent éclata de rire avant de répondre. « Sombre connard, j’t’ai dit que j’le connais pas ton Black Burne ! Flingue-le si tu veux, mais ça sera la dernière chos' que tu feras.. »
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En un instant, James passa du statut de prisonnier à celui d’otage. Il n’avait pourtant demandé à personne de lui sauver le cul, et sûrement pas à ce type sorti de nulle part !
Quoi qu’il en soit voilà le pauvre pirate dans une situation bien merdique. En effet avec un pistolet pointé sur la tempe difficile de faire pire. Pour ne rien arranger, l’officier tremblait comme une feuille, James craignait de plus en plus d’être victime d’un coup de feu accidentel.

« Mais…. Arr… arrêtez ! Sinon je… je le tue !»

*Et en plus il n’arrive pas à s’exprimer sans bégayer, nous voilà bien…*

«Sombre connard, j’t’ai dit que j’le connais pas ton Black Burne ! Flingue-le si tu veux, mais ça sera la dernière chos' que tu feras.. »

*Black Burne ?!!! Il se fout de moi en plus ce blaireau ?*

James activa l’ensemble de ses méninges restant pour dégrossir la situation histoire d’y voir un peu plus clair. Il était retenu en otage par un marine véreux qui pensait avoir affaire à l’un de ses complices. Sauf qu’à sa connaissance, Blackburn ne possédait aucune connaissance susceptible de le tirer de là. Il conclut finalement à une méprise ou un opportuniste souhaitant mettre la main sur sa prime !

Malgré la situation plus que tendue, le pirate se hasarda à prendre la parole :

«Euh, je crois qu’il y’a méprise sur la personne ! Je n’ai aucun complice, je travaille toujours seul

Le jeune homme marqua une pause pour jauger la réaction du soldat, il n’avait pas l’air de vouloir lui coller un pruneau tout de suite. Peut-être grâce aux menaces du borgne.

«Il semblerait que cet individu soit de votre organisation à la base non ? Peut-être est-il ici pour toucher l’argent de ma prime à votre place ?»

Tentant le tout pour le tout, James joua la carte de la confusion. De toute façon il ne voyait pas d’autres raisons de l’intervention fortuite d’un étranger dans cette situation. Dans l’immédiat, il ne souhaitait qu’une seule chose, que ce fichu canon change de cible. N’hésitant pas à remettre une couche pour bien enfoncer le clou :
«C’est le genre de type à avoir des dettes au cul ça ! Il doit sûrement traîner dans des histoires louches ! De toute façon, il s’en fiche que je reste en vie ! Il touchera le montant de la prime dans tous les cas !»

Contre toute attente, son petit numéro semblait fonctionner. L’officier se montrant de plus en plus hésitant ne savait plus où donner de la tête. James fixait du coin de l’œil l’arme qui déviait petit à petit de sa tête en direction du paria de l’organisation.

*Encore un peu de patience…*

Lorsque sa tête était totalement hors de la trajectoire du canon de l’arme. Blackburn bouscula violemment son geôlier à l’aide de son épaule avant de se jeter au sol. Le soldat pris par surprise actionna la détente de son arme par accident, visant les étoiles. La détonation provoquée par le coup brisa la tranquillité des lieux à plusieurs centaines de mètres à la ronde. Le pirate toujours menotté, était couché face contre terre, remettant son entièrement son destin à ce mystérieux inconnu. Dont il ne connaissait pas le nom, et encore moins ses intentions.

«Putain, ce genre de merdes n’arrivent décidément qu’à moi.»
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L’officier semblait aussi perdu qu’une poule face à une brosse à dent. Ceci dit, il était possible que, dans son état parkinsonien, un accident arrive. Le pirate avait donc pris sur lui d’intervenir, et cela probablement pour s’éviter un grand mal de crâne, de ceux dont on ne se relève que rarement. Semant la discorde tel une Eris des grands jours, l’otage passait tour à tour au rôle de manipulateur pour finalement basculer sur celui d’agresseur. D’un bon vieux coup il envoya valdinguer le fils du baron, dont le pistolet finit par s’activer. Dieu merci, il n’y avait pas eu de casse. Si la détente du revolver s’était bien déclenchée, la balle elle, était partie rejoindre les astres, ou au moins, les oiseaux nocturnes. Le bruit par contre, ne tarderait pas à rameuter une foule de gardes dans le coin. Des gardes qui tomberaient donc sur un prisonnier, un garde armé, et un officier dans les vapes.

Oui, car il était hors de question de laisser l’autre débile s’en tirer.

Le Serpent, voyant donc sa première ouverture, s’élança vers son éphémère supérieur. Du poing gauche il le frappa au visage, lui brisant peut-être éventuellement le nez dans l’histoire. L’homme lâcha son pistolet et mécaniquement ramena ses mains sur son pif. S’il allait commencer à crier, l’ancien marin ne lui en laissa pas le temps. « Shhhhhh… » Murmura-t-il en approchant sa lame de l’officier pourri. « Tu vas me filer les clés maintenant, et peut-être – et j’insiste sur le peut-être – que je ne te coupe pas la langue et les doigts. » Continua-t-il sur un ton suave.

Le militaire était peut-être idiot, il savait reconnaître quand une situation sentait mauvais. Et le cas présent elle avait tout du tas de purin fermenté. Lentement il décrocha un trousseau de clés de sa ceinture, et les tendit au Serpent, qui fit « Non » de la tête. « Jette-lui. » Ordonna-t-il, et le fils Van Dongen s’exécuta. Le tintement des clés sur le sol fit relever la tête du pirate, qui ne tarda donc pas à s’en saisir. « S’il vous plaît ne me tuez p… » La supplique du marin, prévisible mais pas pour autant moins désagréable, ne tarda pas à venir. Elle fut interrompue sèchement par le Serpent, d’un coup de la garde de son sabre sur le front du malmené marin, qui ne manqua pas d’en être assommé. Si dans un premier temps il chercha à cacher le corps inanimé de l’homme qu’il venait d’envoyer rejoindre Morphée, il se rendit assez rapidement compte que c’était peine perdue. Il y avait dans la rue deux autres blessés dans le même état. Essayer de cacher les trois corps, dans une ruelle illuminée, alors que d’autres gardes n’allaient pas tarder, c’était une connerie. Il se ramassa cependant pour attraper le pistolet du geolier, puis il se tourna vers le pirate, qui avait fini par se débarrasser de ses chaînes, tel un Spartacus navigateur.

« Attrape. » Lui lança Snake en lui jetant le pistolet. Alors que l’autre attrapait, avec douleur, le pistolet, le Serpent se demanda ce qu’il pouvait bien faire désormais. Il devait trouver un bateau et se tirer fissa de cette île de malheur – une sorte d’habitude pour lui – mais de la même façon, il n’avait pas spécialement envie de laisser derrière l’autre gars qui semblait plutôt mal en point. Il se doutait que, sous ses vêtements, on y trouverait plus d’une ecchymose. Le mec devait d’ailleurs se demander qui était cet inconnu qui venait de le tirer d’un mauvais pas, même si le Serpent se doutait qu’il ne croyait pas un traître mot des arguments qu’il avait avancé quelques minutes plus tôt pour se libérer de ses menottes.

« Bon, on va la faire courte. J’m’en bats les couilles de qui t’es. Moi j’avais un boulot pépère, et v’la que je manque de zigouiller mon employeur, sur un qui pro quo. Ceci dit c’était un enculé d’officier de la marine, donc on va dire qu’c’est mérité... Maintenant, j’vais me tirer par là. » Annonça-t-il en pointant du doigt la seule issue possible, la ruelle. « Si t’es malin tu te tireras aussi. » Le Serpent s’arrêta deux secondes avant de reprendre. « J’vais p’tet avoir besoin d’un coup de main pour me tirer de cette merde, j’connais pas la ville. Tu saurais m’guider jusqu’au port ? » Il avait besoin d'un chien d'aveugle. Même boiteux.
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Tout s’enchaîna très vite, James relégué au simple rang de spectateurs avait le plus grand mal à suivre la scène en temps réel. Pif paf pouf, voilà que l’officier était les quatre fers en l’air pour un bon moment.
Quelques secondes auparavant, il était encore avec un canon braqué sur sa tempe. Maintenant, sans trop savoir le pourquoi du comment, cette arme se retrouvait entre ses mains pour son plus grand bonheur.
Il fixa avec la plus grande attention l’étrange personnage qui venait de lui sauver ses miches. La seule chose qu’il pouvait attester, c’est qu’il ne l’avait jamais vu auparavant. Même s’il semblait aussi aimable qu’une porte de prison, à ce moment-là, Blackburn éprouvait littéralement de l’amour pour ce gars. Bien qu’il tentait de justifier sa mutinerie contre son employeur avec difficultés, James ne retenait qu’une chose. Il était parti à la base pour un aller simple vers la potence. Il commençait même à se résigner à finir ses jours en se pissant dessus au bout d’une corde sous la clameur du public. Et là, un type sorti de nulle part dézingue tout le monde et le tire de là. Comment ne pas l’aimer ?
Cependant, la réalité rattrapa bien vite le jeune pirate. Quand ce dernier tenta de se relever, son corps recouvert d’ecchymoses se rappela à son bon souvenir.
*Merde, je suis dans un sale état malgré tout. *

Le héros d’un soir s’adressa à lui une nouvelle fois. Cette fois-ci non pas pour se justifier, mais pour lui demander un service.
« J’vais p’tet avoir besoin d’un coup de main pour me tirer de cette merde, j’connais pas la ville. Tu saurais m’guider jusqu’au port ? »

« Sage décision…. Avec tout ce raffut, c’est un miracle que la marine ne soit pas encore sur notre dos. »
C’était d’ailleurs plus qu’étonnant, au vu de la concentration de soldat au mètre carré. Le pirate décida donc de prendre les devants, malgré la vision pathétique qu’il offrait. Traînant la patte tel un chien galeux, il se tenait les côtes droites, sûrement à cause d’une fracture. Ne voulant surtout pas passer aux yeux de ce type comme un boulet de premier ordre. Il se cacha bien de lui dire que lui non plus ne connaissait absolument pas le secteur. Toutefois, la seule évocation du mot « port » lui avait donné un regain d’énergie suffisant pour traîner la patte à allure respectable au vu de son état.
Alors que la nuit était déjà bien avancée, plusieurs voix s’élevaient derrière les deux hommes. Le départ de coup de feu avait alerté plus d’un citoyen. Ces derniers avaient sans aucun doute prévenu les autorités locales. Bientôt une véritable chasse à l’homme aurait lieu ici. Même un troufion fraîchement sorti de son régiment n’aurait aucun mal à capturer James. Sans même évoquer l’avis de recherche le concernant. Un type dans un état pareil, de surcroît traînant dans les rues en pleine nuit, cela ne pouvait que faire un coupable idéal.
En réponse à cette soudaine agitation, Blackburn n’eut d’autre choix que de forcer la marche. Obligeant ce dernier à serrer les dents pour faire face à la douleur grandissante. Il jetait régulièrement des coups d’œil derrière lui pour s’assurer que son compagnon de fortune était présent. À la surprise de James, l’homme se déplaçait telle une ombre, dans un silence absolu. Ce détail intrigua le pirate, son sauveur n’était décidément pas qu’un simple garde-corps. Il était forcément bien plus que ça, mais le moment était fort mal choisi pour tailler une bavette.
Rues après rues, les deux hommes s’enfonçaient au plus profond de la ville à la recherche de l’unique voie de sortie, le port. Cela sautait aux yeux que le boiteux n’avait pas la moindre idée du chemin pour y accéder. Plusieurs fois son compère lâcha d’ignobles jurons dans sa barbe à son attention. Pourtant pour une raison inconnue du pirate, ce dernier continuait à le suivre.
Au détour d’une rue, le nobliau tomba nez à nez avec une patrouille de trois soldats sur le qui-vive. James recula avec stupeur cherchant à sortir une épée qu’il n’avait pas de son fourreau. Avant même que les trois hommes puissent analyser la situation et passer à l’attaque, l’ex-garde du corps était déjà sur eux. L’altercation ne dura même pas cinq secondes, pif paf pouf. Une fois encore, le travail était fait avec un certain professionnalisme pour le plus grand bonheur du jeune homme. Il lui devait encore une fière chandelle pour le coup.
Le jour commençait à pointer le bout de son nez, pour le plus grand bonheur des deux hommes. Bientôt l’endroit grouillerait de monde, ce qui faciliterait leur fuite. Le Nobliau croisa un artisan déjà attelé à sa tâche.

« Monseigneur, nous avons un bateau à prendre rapidement pour affaires ! Où se trouve le port ?! »

Le boulanger dévisagea un instant son interlocuteur avec une mine perplexe.

« Hum, par là-bas, encore deux cents mètres tout droits. »

Il regarda les deux loustics détaler comme des lapins poursuivis par une meute de chiens de chasse. Puis retourna machinalement à son travail.
Une fois sur le port, le plus dur restait à faire. Monter à bord d’un navire sans être vue.
Les deux fugitifs se planquèrent dans la zone de fret qui permettait d’avoir une vue globale sur le secteur. Comme il fallait s’y attendre, la marine était déjà sur place, mais ils ne semblaient pas plus en alerte que ça. Du moins pour le moment…
Blackburn se retourna vers son libérateur :

« J’espère que tu as une idée pour monter à bord d’un de ces navires, maintenant. »

Le jour était déjà levé, l’activité battait son plein sur le port. Mêlent voyageurs, dockers et marins. Dorénavant, seules quelques centaines de mètres séparaient les deux hommes de la liberté.

« Ah, au fait ! Une destination à privilégier ? »
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Il fallait avouer que le Blackburn bougeait vite, pour un éclopé. Bon, le Serpent n’était pas tout à fait dupe, il tirait un peu trop la tronche pour que la marche soit aussi rapide que salutaire – après tout ne dit-on pas qu’il faut faire dix mille pas par jour pour rester en bonne santé – mais, dans sa douleur, il avait au moins le bon esprit de ne pas trop pleurnicher, et c’était plutôt bienvenu. Après tout, s’ils n’étaient pas forcément extrêmement difficiles à suivre et qu’ils ne faisaient pas grand-chose contre ce fait, le duo n’avait probablement aucune envie de tomber nez à nez sur une patrouille trop belliqueuse.

Les ruelles se suivaient et se ressemblaient, aussi sombres que mal entretenues. Si dans un premier temps le Serpent trouva l’idée d’esquiver les principaux axes une bonne intuition, il commença sérieusement à se poser quelques questions lorsque le pirate qu’il venait de sauver s’arrêta quelques secondes au deuxième ou troisième croisement. Au bout de quelques traboules additionnelles traversées, l’ancien déserteur en fut sur. L’autre pécore n’avait pas la moindre idée de où il allait. Bon. D’un autre côté, il était trop tard pour le laisser moisir au premier carrefour. Qui plus est, il n’avait de toutes façons lui non plus pas la moindre once d’idée d’où le port se situait… De ce fait, autant rester avec son compagnon d’infortune – quitte à l’abandonner au premier obstacle venu, après tout, ce n’était pas après lui qu’ils en avaient.

Alors que cette idée germait dans son esprit – l’idée d’abandonner le pauvre James à la première incartade du destin – ils eurent le malheur de croiser une patrouille de marins. Si le Serpent aurait pu en profiter pour prendre la poudre d’escampette, il opta, à la vue des trois pauvres hères, d’en découdre. Ce trio-là avait l’air plus porté sur la bibine que sur l’escrime. Quelques mandales plus tard, ils avaient enfin mis de côté les patrouilles qui se trouvaient à leurs basques pour se retrouver face à plusieurs bateaux, amarrés au port. Alors que l’autre lui demandait s’il avait un choix dans la destination, le borgne taciturne grogna. « Le plus loin d’ici, on va dire. »

Restait le problème de la marine, qui se trouvait entre eux et les navires, mais pour se débarrasser de ces trouble-fête, sans pour autant devoir les occire tous autant qu’ils étaient, le déserteur avait un plan. Il enleva sa veste en cuir, et retira l’inconfortable uniforme qu’on lui avait fait enfiler, laissant paraître sous ce dernier son habituel haut noir. Il roula en boule la chemise, et la déposa sur un tas de caisses qui étaient dans leur ruelle. Quel plus beau moyen d’attirer l’attention de tous ces péons, si ce n’était un bel incendie ? Il sortit de sa poche droite son fidèle briquet, avec un sourire, qui ne tarda pas à disparaître, lorsque ce dernier refusa de s’allumer. « Espèce de petit co… » Marmonna-t-il alors qu’il essayait, à plusieurs reprises, d’en tirer la moindre flamme. Enfin, elle surgit, manquant de bruler ses sourcils par la même occasion. « Woputain. » Le déserteur alluma le tissu, et indiqua à son compère une autre ruelle, parallèle à celle-ci. Le bois était sec, et prendrait quelques minutes à s’enflammer. Après quoi, le feu se propagerait à l’entrepôt, et là ce serait le début de la fournaise. Ce qui leur donnerait pile le temps de monter à bord d’un navire, quel qu’il soit pour y …

PFIIIIUUUUUUUU

« Plaît-il ? »

La boite en question qu’ils venaient d’enflammer n’était pas vide. Il s’agissait d’un vieux stock de feux d’artifice qu’un ouvrier peu consciencieux avait oublié quelques jours plus tôt… Du coup ce n’était plus un entrepôt flambant qui allait attirer toute la troupaille des environs, mais plutôt une série de belles bleues et belles rouges. Et ce de façon tout à fait inopinée.
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Sous ses allures de vieux clodo puant la pisse et le vin à plein nez, le bougre montrait en réalité une faculté hors du commun pour semer le chaos.
Après quelques essais infructueux, il avait transformé ses propres vêtements en combustible. James était de plus en plus admiratif de la débrouillardise de son compagnon de fortune. Lui qui n’était pas manuel pour un sou, il se trouvait en présence d’un gus capable de vous réaliser une arme à feu. Avec comme seuls composants, deux clous et une vis rouillée.
D’ailleurs le pirate n’était pas le seul à tomber des nues, lorsque le simple feu de bois se muer en incendie colossal. Alors que les péons vaquaient à leurs occupations quotidiennes, à base de « Oui messire ? », « Encore du travail ? ».
L'incendie gagna rapidement du terrain sur l’entrepôt, se transformant rapidement, en brasier des enfers. Alors que le pyromane indiquait à Blackburn le chemin vers la liberté. Ce dernier resta planté droit comme un « i », captivé par les flammes. Ce n’est qu’au premier sifflement qu’il décida de prendre la poudre d’escampette.

« Borde ! Ce n’est pas un simple entrepôt de stockage ! Mais un dépôt d’artifices et de munitions ! Tu ne fais jamais dans la demi-mesure toi !! »

Quoi qu’il en soit, le résultat dépassa de loin toutes les espérances des deux compères. Ce qui devait être à la base une simple diversion pour écarter les soldats de leur chemin. Était devenue l’attraction principale de toute la ville ! Pour le plus grand malheur de la marine, les badauds se pressaient en nombre pour assister au feu d’artifice. Submergeant complètement le pauvre service de sécurité en sous-effectif.
James jetait de temps en temps des coups d’œil derrière lui pour profiter lui aussi du spectacle inopiné. Comme il fallait s’y attendre, un des artifices termina sa course sur le toit d’un autre entrepôt, propageant au passage l’incendie.

C’est alors que les choses changèrent complètement sur le port. Soudainement, les gens avaient enfin réalisé le danger auquel ils « explosaient. Impossible de savoir combien de munitions étaient stockées dans ce bâtiment. Mais une chose était sure, cela fusait dans tous les sens !
Les équipages des navires présents sur place s’affairaient sans ménagement pour quitter les lieux au plus vite. Les deux hommes se précipitèrent en direction du navire le plus proche, un imposant galion flambant neuf. James était au bout de sa vie pendant ce sprint sans fin. À tout moment les matelots pouvaient relever la passerelle et mettre les voiles.

Heureusement pour les deux fuyards, le bateau n’était pas du tout prêt à appareiller. Ils grimpèrent à toute vitesse la rampe pour se jeter sur le pont sous les yeux injectés de sang du capitaine.

« C'est quoi cette merde ! Vous êtes qui ?! Pas de rats sur mon navire ! Dégageait d’ici immédiatement ! »

Au même moment, un énorme “BOUM” se fit entendre ! À une centaine de mètres, un projectile venait de frapper de plein fouet la coque d’un navire de plus petite taille. L’incendie se propagea instantanément, obligeant les quelques membres d’équipage à sauter à l’eau. Un autre artifice passa à seulement quelques mètres du mat. L’équipage avait retenu son souffle jusqu’à ce que le projectile termine sa course dans l’eau. Le capitaine quant à lui hurla sa rage :


« C’est la guerre ici ! Cassons-nous rapidement les gars ! »

La grande voile se déplia dans un temps record, chaque membre d’équipage était à son poste. Alors que le navire opérait une manœuvre pour quitter le port, le capitaine se rendit compte qu’une des amarres était encore présente.

« HA ! Vous voulez tous notre mort, bande de crevures ! »

Plusieurs matelots tentaient en vain de décrocher le cordage, mais ce dernier était trop tendu. Le navire commençait à se rapprocher dangereusement du bord du quai. L’impact lui causerait de sérieux dommages.
James se précipita pour prêter mainforte. II ôta sans aucun mal des mains d’un marin, une hache émoussée. Avec violence, il frappa le cordage sans grand résultat. Un autre coup suivi de près le premier avec le même résultat. Le capitaine hurlait sans discontinu des propos totalement inaudibles à l’encontre du jeune homme. Dans un dernier effort de rage, James coupa enfin le cordage. Le bateau ne risquait plus de s’écraser contre le bord à présent.

« Bravo le cloporte ! Enfin quelqu'un de compétent sur ce rafiot ! Vous avez gagné votre ticket pour East Blue ! »

James retourna auprès de son binôme

« Je ne sais pas d’où tu sors, mais tu es un sacré malade ! »

Blackburn pointa son doigt en direction du port, d’où s’élevait une immense colonne de fumée noirâtre.

« Tu as foutu le feu à trois entrepôts et tu as même réussi à couler un navire !  Tu es un homme dangereux toi ! » James éclata de rire en repensant à ce qu’il venait de vivre.

« Je me présente, Je suis James W. Blackburn, pirate à mes heures perdues ! Et il semblerait que nous fassions maintenant route vers East Blue !  Tu as des projets particuliers là-bas. ? »
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Le feu avait bien pris lorsque le duo s’était faufilé le long des bâtiments, à la recherche à la base d’un rafiot exploitable. A vrai dire, vu le bordel qu’ils venaient de produire – et par « ils », surtout lui – n’importe quelle chaloupe aurait suffi pour se fondre dans les vagues. Enfin, c’était ce que le Serpent pensait, mais apparemment ce n’était pas là l’idée principale de son collègue amoché. Ils avaient un peu de temps derrière eux, les péquins de la marine se fatiguant vainement à essayer d’éteindre un feu qui allait, sans aucun doute, consommer la moitié des entrepôts des quais. Cependant, ils n’avaient pas non plus le temps de faire la fine bouche, et, quitte à choisir un bateau, autant prendre le premier qu’ils avaient sous la main. Alors qu’ils s’éloignaient, un peu boiteux, de l’entrepôt en flammes, et ce le plus vite possible – [url= https://www.youtube.com/watch?v=Sqz5dbs5zmo]et bien entendu sans se retourner, puisqu’il s’agissait de mecs plutôt cools[/url] – les deux héros se rendirent bien vite compte qu’ils allaient devoir hâter le pas : les bateaux commençaient à prendre le large. Tous.

Heureusement pour eux, le plus proche des bateaux n’avait pas eu le temps de lâcher les amarres, et restait dangereusement attaché au quai. Alors qu’ils mettaient pied sur le pont du bâtiment, et qu’ils se faisaient engueuler à ce sujet – après tout, s’il y avait bien un moment où on n’aimait pas trop les passagers clandestins, c’était quand en plus ils manquaient de foutre le feu à votre bateau – les projectiles commencèrent à cibler leur bateau.

« Woputain de merde on va clamser ! » cria le faux borgne à son collègue, qui, ni d’une, ni de deux, pris les devants. Puisant sans doute dans ses dernières réserves – et quelles réserves, vu la rouste qu’il avait pris quelques heures plus tôt – il les sauva eux, le bateau, et les marins. Pas mal pour un éclopé ! Eclopé qui, maintenant, venait lui conter fleurette. Ou quelque chose comme ça.

« Faute de grives, on mange des merles, mon gars. » marmonna-t-il, esquissant un sourire en coin. Face à eux les flammes se reflétaient dans les vagues. On aurait dit qu’ils venaient de quitter tout juste les enfers. Puis après avoir écouté la présentation du bonhomme mal en point, il répondit par une seule question qui le taraudait. « Le W c’est pour quoi ? » C’était à chaque fois avec ce genre d’initiales, avec lui.

« Sinon moi c’est Serpiente, sans second prénom ni même nom de famille. » lança-t-il se sortant une sèche de la poche intérieure de son pardessus noir.

« S’suis pas pirate à mes heures perdues. D’ailleurs tu devrais ne pas l’être tant qu’on est sur un navire qu’on connait pas avec des pélos qui pourraient nous jeter à la flotte pour nous piquer nos maigres patrimoines, s’tu veux mon avis… » Il avait continué à voix un peu plus basse, les coudes posés sur le bois du garde-corps. East-blue, hein. Ca n’était pas une grande nouvelle, mais au diable ces idées : il aurait bien le temps de penser à comment se tirer de là-bas une fois sur place.

« Ça fait longtemps qu’j’y ai pas mis les pieds pour être honnête, et toi ? J’aurais préféré m’éviter ce détour, mais on va dire que ce serait un peu mal avisé d’ma part de me plaindre de la destination d’un rafiot sur lequel on a sauté…» Et ce n'était pas le moment d'être mal avisé. Pour sur.
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