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Comme une ombre


Je crois que je vais mourir.

Devant moi, il y a ses yeux vides fixés sur moi. Ses yeux morts, encore humides.
A quoi tu pensais ? Allongée sur le sol, quand la vie te quittait, à quoi tu pensais?
Je revois encore ton visage, si pâle et si triste.
C'est son visage.
C'est mon visage.
Est-ce elle ou moi? Laquelle de nous deux est en train de mourir?

Je suis allongée au sol, aussi.
Je sens le froid, et la pluie. La pluie qui ruisselle sur moi sans retenue. Les trombes d'eau s'abattent sur toute la forêt, et ce son recouvre tout. Mais c'est comme le silence. Personne n'entend, et personne n'écoute. Je n'entends plus que la pluie, la pluie, la pluie.
Je vois son corps froid et gelé, mais sous moi ce n'est que de la boue. J'ai froid, et je perçois mes propres tremblements comme des échos. Sous ma peau, mes veines sont devenues complètement noires, et ma peau est plus pâle que jamais.
Mon corps tout entier est pris dans un combat pour sa survie.
Et je ne sais pas si mon cœur tiendra jusqu'à la fin de la bataille.

Je suis prisonnière de mon propre corps.
Je ne peux pas bouger, et mes sensations me parviennent comme de derrière un écran. Je suis seule, retranchée au fond de ma conscience, avec la seule capacité de penser, de me souvenir.
Me souvenir du cauchemar de ces derniers mois.

Lorsque je me suis séparée de l'équipage, j'étais sûre de ma décision.
Après quelques aventures, l'évidence m'était venue, et je n'avais pu l'ignorer. La piraterie ne collait plus à mes objectifs. Je vivais la vie d'un autre, et je perdais de vue qui j'étais, et ce pourquoi je me battais. Oh, certes, c'était une belle aventure. Voyager avec des compagnons, visiter de nouvelles îles et rêver de nouvelles aventures encore avant de les vivre...
Mais ce n'était pas pour moi.
Lorsque j'avais quitté Zaun, je ne voulais que retrouver Heng, le tuer, et mourir.
Les deux premiers objectifs n'avaient pas changé. J'étais parvenue à retrouver des traces de mon frère, assez pour savoir qu'il avait désormais mis ses talents d'assassin au service du Gouvernement Mondial. Et définitivement renié tout ce que notre Clan nous avait enseigné. Le Gouvernement Mondial? Une organisation qui contrôlait la moitié du monde, et fermait les yeux sur le noyau pourri. Les nobles... Et l'esclavage... J'étais certes un assassin, mais je ne réduisais pas les gens en-dessous de leur condition, et je ne prenais aucun plaisir à la souffrance. C'était bien pour cela que j'avais gardé Zéi.
Mon singe ne me quittait plus. Il était chapardeur, caractériel et n'hésitait pas à mordre, mais je m'en accommodais. Il était bien libre de vivre sa vie comme il l'entendait. Et s'il voulait rester avec moi, je n'avais pas de raison de le repousser. Au contraire, sa présence me faisait du bien. Par moments, c'est lui qui me rappelais que j'avais un cœur.
Alors, je n'étais plus si sûre de vouloir mourir.
Quand j'avais perdu mon clan, mes mentors, mon père, j'étais persuadée d'avoir tout perdu. J'étais tel un chien sans son maître, prête à me laisser mourir dès que j'aurais accompli mon dessein.

Mais les derniers mois m'avaient éveillée à bien de nouvelles choses.
Et ma volonté n'était plus si forte qu'autrefois concernant ma fin.
Alors, il fallait que je trouve une nouvelle voie. Et pour cela, j'avais décidé de revenir sur mes pas. Retrouver l'assassin que j'avais été, et tous les enseignements qu'on m'avait inculqués pendant des années et des années. Il y avait toujours un enseignement, une voie à trouver. Et il me fallait désormais la trouver.
Alors, j'avais eu pour projet de retourner sur Zaun. J'y avais laissé trop de questions non résolues, et j'étais persuadée de trouver des réponses sur mon île natale.

Les choses ne s'étaient pas déroulées comme prévu.
J'ignorais tout de la navigation, mais j'avais bien senti que le voyage ne se déroulait pas bien. De toutes les traversées périlleuses que j'avais vécues, c'était la pire. Un typhon, ou une tempête, s'était levée à peine deux jours après notre départ. Et tous mes talents d'assassin étaient complètement inutiles face à un naufrage.
La seule chose qui m'avait sauvée, c'était la chance pure.
A mon réveil, j'étais allongée entre deux mangroves, le corps encore à moitié immergé, entourée de dizaines de débris. Aucune trace du reste de l'équipage qui m'avait prise à son bord. Oh, je ne m'en étais pas sortie indemne. Outre les nombreuses contusions et un sérieux mal de crâne, j'avais le poignet cassé et ma jambe gauche arborait une dizaine de coupures plus ou ou moins importantes dues à des débris. J'avais trouvé du verre et du sable dans les plaies, mais rien que je ne puisse soigner.
Alors j'étais restée immobilisée, plusieurs jours sur la plage. J'avais de la fièvre, et ma jambe ne me permettait pas de me lever. Mais j'avais des plantes sauvages à disposition pour me nourrir, et de toutes façons, j'avais assez d'entraînement pour jeûner plusieurs jours. Il suffisait que je laisse mes plaies se refermer, et que je reprenne des forces. Non, ce qui m'inquiétait, c'était l'absence de Zéi. Mon saïmiri avait disparu dans le naufrage, et les nombreuses tentatives que je fis pour l'appeler restèrent vaines pendant les dix jours que je passais sur la plage.

Lorsque je pu enfin me lever, ma jambe avait commencé à cicatriser, et ma fièvre était tombée. Pas ma migraine. Mon poignet était encore dans l'attelle que je m'étais confectionnée avec les moyens à ma disposition, mais la douleur était supportable et j'avais bon espoir qu'il guérisse rapidement et complètement.  
Alors je commençais à m'aventurer dans l'immense forêt sauvage, une jungle qui me parut de plus en plus familière.

- Zéi ! Appelais-je en marchant.

Mais je ne parvins qu'à agacer un ou deux volatiles, et mon singe ne donnait toujours pas signe de vie. En m'enfonçant dans la forêt, je ne rencontrais que des formes de vie animale. Oiseaux, reptiles, petits mammifères... Quelques singes aussi. Mais j'aurais reconnu mon singe entre mille saïmiris, et il n'en fut rien.
J'étais donc échouée sur une île, seule et sans vivres. De plus, il me manquait un de mes jiu jie bian, dont la gaine s'était probablement détachée pendant le naufrage, et mon éventail aussi. Avec seulement la moitié de mon arsenal, j'avais l'impression d'être à demi nue.

J'ai erré pendant des jours sans rencontrer personne. Petit à petit, j'ai repéré des points d'eau douce, et les endroits où je pouvais trouver à manger. Grâce à mon sang, je n'étais pas inquiétée par d'éventuels fruits toxiques ou les plantes vénéneuses, et les moustiques se tenaient à distance.
Il devint vite évident que je n'allais pas pouvoir quitter cette île aussi vite que je le pensais. Je tournais plusieurs fois en rond, et lorsque je me retrouvais sur une plage, il n'y avait pas plus de navire que de signe de vie. Je n'avais jamais eu un sens de l'orientation très développé, mais cette île était absolument incompréhensible pour moi. D'habitude, j'étais capable de me repérer facilement, ne serait-ce que grâce à ma mémoire, qui était largement entraînée. Mais ici, j'avais l'impression que tous mes sens étaient faussés. J'étais confuse face à deux arbres qui se ressemblaient, et des migraines m'assaillaient régulièrement sans que je ne parvienne à les soulager.
J'attribuais mon état aux suites du naufrage. Qui sait si ma tête avait subi des chocs? Après tout, j'ignorais combien de temps j'étais restée inconsciente avant mon réveil sur la plage, et les souvenirs avant ça étaient très nébuleux.
Aussi décidais-je que, si j'étais amenée à rester quelques temps sur cette île, autant que je mette ce temps à profit pour m'entraîner. J'avais conscience d'avoir pas mal relâché mon entraînement pendant la période vécue avec les pirates, et cela ne me plaisait pas. Il fallait que je me remette sérieusement au travail, et que je progresse, en attendant de pouvoir trouver un échappatoire.
J'entrepris donc un entraînement intensif, auquel je me consacrais entièrement.


Je n'avais pas imaginé à quel point il allait mal tourner.


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Lors de mon premier véritable entraînement, j'avais six ans.
Mon père et mes mentors avaient décidé que j'étais prête pour démarrer ma formation d'assassin, et du jour au lendemain, j'avais été plongée dans un monde brutal et sans pitié. On m'avait appris à courir vite, et à marcher le plus silencieusement du monde. A me battre, à tuer. A soigner aussi. Mon quotidien avait été fait de coups et de livres pendant plus de quinze ans. Soumise à une discipline de fer, je n'avais jamais rechigné, peu importe à quel point les entraînements étaient pénibles et douloureux. On m'a cognée, battue et torturée si souvent que j'ai perdu le compte avant d'avoir atteint ma septième année.
Et pourtant, je ne garde pas un souvenir négatif de ces années. Bien sûr, j'ai parfois passé de mauvais moments. Les entraînement à la torture n'étaient pas des moments de plaisir, et je suis parfois rentrée de missions dans des états minables. J'ai failli y laisser ma peau à une dizaine de reprises environ. Toutes mes cicatrices en témoignent.

Mais c'était ma vie.
J'étais née pour être un assassin.
J'ai grandi ainsi. En me forgeant dans le moule qu'on me présentait. Je devais être silencieuse, rapide, forte, mortelle. Et je l'avais été, ou j'avais tout fait pour l'être.
Alors, même après la fin de mon clan, je n'avais pas imaginé une seconde être différente. Ma peau n'allait pas reprendre sa couleur naturelle comme ça, et je ne perdrais rien de mes habitudes. Seule, j'avais continué à me maintenir en forme, et à faire ce que je faisais de mieux.
Jusqu'à la rencontre avec les Pirates.

J'avais délaissé l'entraînement quotidien bien trop souvent à cause du rythme de vie archaïque des pirates, et cela me contrariait.
Aussi devais-je y remédier.

Je m'astreignais à suivre scrupuleusement un nouvel emploi du temps.
Chaque matin, je commençais par une longue séance d'étirements, puis enchaînais avec un exercice de course ou de grimpe. C'était aussi une occasion d'explorer l'île davantage, et d'essayer de trouver une sortie. Je continuais tant que je n'avais aucune crampe ni que je ne m’essoufflais. A ma grande satisfaction, je retrouvais vite une bonne endurance, qui me permettait de maintenir l'exercice plusieurs heures sans fatiguer.
Ensuite, je passais un long moment à me déplacer dans la forêt, rassemblant plantes et fruits tout en essayant de comprendre la logique de cette jungle. Je parvins à créer quelques cataplasmes efficaces pour mes dernières blessures, et analysais les herbes qui m'étaient inconnues. Mais j'étais toujours aussi perdue. Peu importe combien de temps j'arpentais les mangroves, leur logique m'échappait toujours. En fait, j'avais l'impression que plus je m'aventurais profond dans la forêt, plus j'étais confuse.

Mais le plus important était l'entraînement au combat.
J'y consacrais l'essentiel de mes journées. Ma pratique des arts martiaux avait manqué de rigueur lors des derniers mois, et j'y remédiais rapidement.
J'adorais pratiquer les arts martiaux. La maîtrise des arts du combat était pour moi une façon de me défouler et de me concentrer à la fois. Cela me demandait une intensité et une maîtrise de moi-même que je ne retrouvais dans aucune autre de mes activités.
Même plongée au cœur d'une forêt hostile, je retrouvais tous mes réflexes. Après avoir répété et pratiqué doucement les enchaînements de base, je commençais mon véritable entraînement.

La technique que j'employai s'appelle le Yīnying, la technique de l'ombre. Elle constituait à affronter un adversaire intangible, que je matérialisais mentalement. Je l'imaginais dans les moindres détails. Son corps, son attitude, sa vitesse, son style.... En m'inspirant de ce que j'avais déjà vécu. Le Yīnying reposait sur deux principes : le réalisme de mon adversaire fictif, et ma concentration.
Ce n'était pas une technique à la portée de tous. Elle reposait sur une forme avancée d'auto-hypnose, et tous les assassins de mon clan n'étaient pas en mesure de l'utiliser parfaitement. Il fallait être capable de créer un ennemi invisible, de le visualiser, et de rester concentré tout en l'affrontant.
J'avais toujours été douée pour l'hypnose. Ayant pratiqué la méditation depuis l'enfance, j'étais capable de faire le vide dans mon esprit, et j'avais vite compris comment le manipuler. Cela m'avait permis notamment d'influer sur mes émotions, et parfois de les faire taire. Sur mes sensations aussi. Quand il fallait supporter la douleur, en faire abstraction.

Alors j'avais maîtrisé le Yīnying en à peine quelques mois après que mon maître m'en ait enseigné les principes. Une personne en état d'hypnose perçoit des sensations différemment d'une personne pleinement consciente. Dans mon cas, lorsque j'utilisais le Yīnying, je percevais chacun des coups portés, et reçus.
J'étais tellement persuadée de mon adversaire, que je pouvais rester absorbée dans un combat pendant plus d'une heure, avant de me rappeler que c'était pour de faux. Et jour après jour, je continuais. Je m'imposais des paliers progressifs, affrontant jour après jour des ennemis de plus en plus puissants.
J'avais commencé par des ennemis quelconques, rencontrés au détour d'une ruelle ou lors d'une mésaventure.

Puis, j'avais enchaîné sur des adversaires plus sérieux. De vrais combattants, qui m'avaient posé des difficultés lors de notre rencontre. Je recréais mentalement leur style, leur attitude, leurs capacités aussi fidèlement que ma mémoire me le permettais.
Certains me posèrent de réelles difficultés. Je mis plusieurs jours à vaincre certains. Parfois, j'affrontais mon ennemi invisible jusqu'à la nuit tombée, continuant à donner des coups dans le vide et à accuser ceux que je prenais.
Me battre seule pouvait sembler étrange pour quiconque aurait observé la scène, mais c'était une méthode dont je connaissais l'efficacité. Elle me permettait de me concentrer, et les coups que je devais asséner avec précision, eux, étaient bien réels. Peu à peu, ma musculature reprit la forme qu'elle aurait dû avoir, et tout le superflu que j'avais pu prendre au contact des pirates fondit comme neige au soleil.

Bien sûr, je ne perdis pas de vue le plus important. Mon entraînement cachait un véritable problème: plus il durait, et moins je trouvais d'issue à cette île.
En vérité, mes combats me permettaient d'exulter cette frustration de ne trouver comment quitter cet endroit, et cette forêt que je maudissais cent fois.
Et surtout, j'affrontais jour après jour des migraines de plus en plus pénibles. A plusieurs reprises, mes céphalées furent si intenses que je fus contrainte d'arrêter mon entraînement. Aucune de mes décoctions ne parvenait à me soulager longtemps. Et cela commençait à devenir un véritable problème. Mes gestes perdaient d'assurance pendant l'entraînement, et en dehors, c'étaient mes sens qui semblaient divaguer.
Avec frustration, j'épuisais toutes mes connaissances en médecine à essayer de me soulager d'un mal dont je n'identifiais pas la cause. J'avais fini par conclure qu'un coup reçu pendant le naufrage en était à l'origine, mais cela ne m'aidait guère. Je ne pouvais pas m'opérer moi-même pour vérifier ma théorie.

Mes journées se ressemblaient dangereusement.
M'entraîner, repousser la douleur, combattre. M'entraîner, repousser la douleur, combattre. Encore, et encore, et encore. Alors même que je n'avais pas croisé d'autre ennemi potentiel qu'un ou deux serpents, je sentais ma vie plus en danger que jamais. J'étais consciente que je risquais l'arrêt vasculaire cérébral à tout moment. Si ma théorie était la bonne, une veine pouvait éclater sans prévenir dans mon cerveau.
Mais cela ne se produisait pas. Mon entraînement continuait, la douleur persistait, mais rien ne se passait de pire. C'était à devenir folle. Je poussais toute ma frustration contre mes ennemis invisibles, et luttais pour devenir plus forte à mesure que je me sentais faiblir.

J'ignore combien de temps s'écoula. Je perdis toute notion du temps.
Jusqu'à ce fameux matin. Au réveil, prise de violentes nausées, je subis une crise de vomissements incontrôlable. Je savais ce que cela signifiait. Mon corps tirait la sonnette d'alarme, et tentait de se défendre par ses propres moyens.
Si j'avais eu pleine possession de toutes mes facultés à ce moment-là, peut-être aurais-je compris ce qui se passait réellement. Mais après des jours et des jours de migraines et d'entraînements intensifs, j'en fus incapable.

Malheureusement, ce n'était en réalité que les prémices de ce qui allait suivre.
Le pire cauchemar de ma vie débutait juste, et il allait être bien, bien pire que ce que j'avais subi jusqu'alors.
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Ce que j'ai froid...
Même au plus froid de l'hiver, jamais je n'ai ressenti mon corps se glacer ainsi. Le froid envahit ma peau, mes membres, mes os. J'ai presque l'impression que la pluie est tiède. Je ne peux pas mourir ici. Perdue, seule dans cette maudite jungle.

Je n'ai jamais prié.
J'ai menti, volé et tué des centaines de fois, mais prier, cela me semble infiniment plus difficile. Parce que je n'ai jamais appris à me fier qu'à moi-même. Je m'étais moquée de la foi des assassins d'Inari. Aujourd'hui encore, je suis persuadée qu'ils sont fous. Mais maintenant, je les envie. J'aimerais être capable de croire à quelque chose, moi aussi.
Parce que tout ce que j'ai, maintenant, c'est un corps malade qui essaye désespéramment de s'en sortir.



***



Mes vomissements durèrent des heures. Mon estomac se vida entièrement jusqu'à ce que j'en sois réduite à cracher de l'eau et de la bile. J'ignorais ce qu'il m'arrivais. J'étais secouée de spasmes, et je me sentais malade comme jamais. Cette impression ignoble que chacun de vos vaisseaux sanguins est en train d'exploser. D'ailleurs, certains explosèrent. Des pétéchies apparurent sur mon visage, une trentaine de tâches noires, conséquences de mes vomissements ininterrompus.
Lorsque le soir arriva, les tremblements s'arrêtèrent enfin. Mon estomac me faisait mal à force de s'être contracté toute la journée, mais je ne vomissais plus, et les nausées étaient passées. J'étais vidée, épuisée, mais le soulagement était infini.
J'ai mis un moment à rejoindre le point d'eau fraîche le plus proche, mais je mourrais de soif. Avec précaution, j'ai bu de longues gorgées comme si c'était les premières de ma vie. Puis, je me suis assise dos contre un arbre, et j'ai tenté de comprendre ce qu'il m'était arrivé.

Une overdose.
Cela y ressemblait étrangement, mais cela me paraissait incroyable. Qu'est-ce qui avait pu être aussi puissant pour me provoquer un rejet pareil malgré le Dark Blood? Depuis toute petite, j'avais ingéré des dizaines de poisons. Toujours plus dangereux, plus puissants. Parfois, j'étais passée pas loin d'y succomber, lorsque mon organisme n'avait pas réussi à les assimiler. Puis, petit à petit, j'étais devenue immunisée contre quasiment tout ce qui avait pu constituer un danger. Venin, poison, drogues, toxines... A quinze ans, j'étais déjà impossible à empoisonner par les moyens traditionnels. Ou du moins je le croyais.

J'ai passé la nuit suivante à dormir d'un vrai sommeil d'épuisement. Contrairement à d'habitude, je ne dormais pas avec tous mes sens en alerte, mais aussi profondément que possible. Ça aussi, ça ne m'était pas arrivé depuis très, très longtemps.
Le lendemain, tous mes symptômes avaient disparu, et ce qui s'était passé la veille ne ressemblait plus qu'à un mauvais souvenir. Même mon estomac eût l'audace de crier famine. Alors, comme si de rien n'était, je repris l'entraînement, tout en surveillant scrupuleusement ce que je mangeais. Néanmoins, je traînais pendant quelques jours les marques noires sur mon visage, qui m'empêchèrent d'oublier ce mystère. Qu'est-ce qui m'avait provoqué ça? Une plante que j'avais mangé? Une toxine dans un fruit? Un venin de bestiole qui m'aurait piquée sans que je ne m'en aperçoive? De l'eau contaminée par une bactérie?
Impossible de savoir. C'était agaçant, mais il me fallait passer à autre chose.

Mes pétéchies finirent par disparaître, mes interrogations aussi.
Je repris mon entraînement et mes combats avec plus d'ardeur que jamais. Rien ne m'énervait plus que ma propre faiblesse, et j'y remédiais de la seule façon dont je pouvais.

Je perdais le compte des jours. Combien de semaines s'étaient écoulées de puis que j'étais arrivée sur l'île? Sept, huit? Une dizaine peut-être? J'aurais dû compter, mais je n'y arrivais pas. Les jours se ressemblaient tous. Lorsque je tentais de marquer un arbre, je ne le retrouvais plus au bout de quelques jours, encore perdue.
J'avais l'impression que cette forêt était un labyrinthe, un piège. Rien n'était fait pour me faciliter la tâche. Je perdais tous les repères que je me faisais en quelques jours. Lorsque j'atteignais une plage, elle avait un air de déjà-vu sans que je ne sache avec certitude si j'y étais déjà allée. C'était insupportable.

La seule chose qui m'empêchait de devenir folle, c'était l'entraînement.
Courir me permettait de me vider l'esprit, et me faisait énormément de bien. Tant que j'étais en mouvement, concentrée sur ma forme physique, je ne pensais pas au reste.
Les combats contre des ombres étaient encore plus efficaces.

Lorsque je me battais, peu importe l'adversaire, je me donnais à fond. Je m'attachais à effectuer chaque mouvement avec précision, et suivais les enseignements de mes maîtres à la lettre.
C'était scolaire, mais c'était ce dont j'avais besoin. Les enchaînements répétés 100 fois devenaient des réflexes tandis que j'apprenais à lire les mouvements de mes adversaires. Même lorsque je me retrouvais au tapis, vaincue par des poings invisibles, abandonner ne me venait pas à l'idée. Je refusais de renoncer tant que je ne serais pas satisfaite de moi.

- Alors, gamine? Tu te sens prête?

Mon adversaire du jour est Bao, un assassin que j'ai connu depuis toute petite. Bao avait 8 ans de plus que moi, et il avait été ce qui se rapprochait le plus d'un ami pour moi. Un confident, en tous cas. Il était bavard et mesquin, mais il savait écouter.
il se mit en garde face à moi, et je fis de même, levant mes mains à hauteur des yeux, solides sur mes appuis. C'est un combat à main nues.

Aucun signal de départ, mais nous nous élançons d'un même mouvement.

Lorsque nous sommes à moins d'un mètre l'un de l'autre, je pivote le haut de mon corps au dernier moment pour éviter son poing fermé qui arrive droit sur ma poitrine. Aussitôt, je fléchis les genoux et profite du rapprochement pour bloquer son bras dans le creux de mon coude, le maintenant face à moi. Nos visages à quelques centimètres, Je pivote à nouveau pour enchaîner un coup de coude dans la mâchoire, puis je lâche son bras et effectue un large mouvement des jambes pour me retrouver derrière lui et lui asséner mes deux poings fermés dans le dos de toutes mes forces.
Il titube, mais il en faut plus pour le faire fléchir. Il se retourne aussi vite, et j'essuie un coup du tranchant de la main à la tempe. Je suis légèrement sonnée, mais je n'ai pas le temps de m'attarder sur la douleur: la seconde d'après, j'ai besoin de mes deux bras pour parer son coup de pied qui vise mes côtes. Je recule d'un pas à cause de la force dans sa jambe, mais j'ai réussi à le bloquer. Prudente, je fais une petit bond en arrière pour m'éloigner et reprendre une meilleure position.
Il enchaîne de suite avec un pas pour changer d'équilibre, puis son autre jambe qui s'élance en un coup de pied balancé parfait. J'ai à peine le temps de replier mes bras de part et d'autre ma tête pour amortir le choc, il faut que je reprenne le rythme. Repoussant sa jambe du plat de la main gauche, je reprend une posture offensive et projette mon poing droit serré vers son plexus, qu'il dévie à la dernière seconde. J'effleure son épaule, et profite de ma lancée pour accrocher sa nuque de ma main et l'attirer à moi pour un nouveau coup de poing, ma main gauche contre ses côtes cette fois. Et je fais mouche. Deux côtes cassées pour mon adversaire intangible.

Je reprends mon souffle, et c'est à son tour de lancer une attaque.
Bao a toujours eu un excellent jeu de jambes, et il le démontre en m'obligeant à contrer une série de coups de pieds circulaires. Je bloque six assauts répétés avec mes bras sans céder plus de quelques centimètres, puis, le suivant arrive, plus haut, plus large. D'un mouvement de bassin, je confirme mon appui et projette ma jambe tel un miroir contre la sienne pour parer.
J'ai sous-estimé la différence de force, et c'est moi qui bascule à l'impact. Mon tibia déguste, et je dois changer rapidement d'équilibre. Avec toute la souplesse dont je suis capable, je plante mes mains dans le sol et projette l'un après l'autre mes deux pieds contre son torse. Un, deux coups et je fais une pirouette en arrière pour retomber sur mes jambes.
Je ne dois pas le laisser se ressaisir après cet enchaînement. Je me prépare à lui asséner un coup de pied circulaire dans les côtes, mais le temps que je me redresse et que je lance mon attaque, il a juste le temps d'effectuer un coup d'arrêt, avec un coup de pied direct sur mon flanc.
L'espace d'une seconde, j'ai le réflexe de me plier en deux pour absorber le choc et surtout, bloquer sa jambe entre mes bras. Dans cette position, je n'ai qu'à faire une simple clé de bras pour qu'il perde son équilibre. Mais mon adversaire a compris mon idée, et ne compte pas me laisser le temps de la mettre en action. Profitant de son appui contre mon ventre, il pivote brutalement le bassin, et la seconde suivante c'est son autre pied qui m'arrive droit dans le visage.
Je suis projetée deux mètre plus loin tandis qu'il retombe souplement sur ses pieds.



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- Allez, Xia He, debout.

C'est fou comme votre corps obéit désespérément la tête. Persuadez votre esprit que vous venez de prendre un coup, et vos nerfs vous diront que vous avez mal. Ceux présents dans mon épaule me font regretter ma maîtrise de l'auto-hypnose.
La douleur semble plus réelle que d'habitude, mais je n'ai vraiment pas le temps de me plaindre. Ma propre illusion mentale est déjà de retour en position de combat, et réduit la distance entre nous. Je me relève souplement, et reprend ma garde.

- Tu ne te plains pas, comme d'habitude. Plus silencieuse qu'une ombre quand tu te bats.

Contrairement à lui.
Nous nous déplaçons l'un à l'opposé de l'autre, nos pas presque symétriques, chacun guettant le moment opportun pour lancer l'attaque. Je sais que je suis plus souple, et plus vive que lui. Bao a une force de frappe plus importante, une meilleure résistance et des réflexes redoutables. J'ai intérêt à planifier soigneusement mes enchaînements.
Quelques secondes s'écoule, puis je me décide. Je lance mon poing, puis enchaîne avec le tranchant de ma main, visant droit la jugulaire. Il bloque les deux avec ses paumes, mais j'enchaîne. Six nouvelles frappes, rapides et précises, en alternant main gauche et main droite. Mes poings guettent la moindre faiblesse dans sa garde. Il bloque mes deux premiers coups, dévie le troisième, et se décale complètement pour éviter l'enchaînement suivant. Puis, il bloque à nouveau, mais cette fois ses doigts restent fermement sur mon poignet, et il me maintient pour lancer sa jambe vers mon flanc, là où je ne peux pas le bloquer. Au lieu de me défaire, je fais un quart de tour pour venir me coller de nouveau contre lui, et je me baisse aussitôt pour cogner mon coude libre dans son abdomen. Il lâche un son étouffé, et j'ai juste le temps de libérer mon poignet d'un mouvement rapide, qui vient aussitôt enchaîner un coup de poing. Je reste près de lui, mais je préfère m'exposer à des coups puissants que de le laisser profiter de l'espace pour son jeu de jambe. Tant que je l'oblige à se battre dans un périmètre très réduit, il ne peut pas envisager de quitter ses appuis.
Alors je continue à enchaîner les attaques dans un rayon d'un mètre à peine, pour casser la distance, comme on dit dans le jargon. Une nouvelle série d'attaques, de contres et de ripostes reprend pendant plusieurs minutes. Enfin, j'esquive deux tentatives de projection, avant de parvenir à me positionner pour crocheter son bras et l'immobiliser. De là, je balaye brutalement ses chevilles, et l'oblige à mettre genou à terre. Mais il en profite pour m'attraper par la taille, et je me prends plusieurs coups dans les côtes avant d'enfin me décaler sur le côté pour lui asséner mon genou dans la mâchoire et pouvoir me dégager.
Tandis que je recule, il utilise sa position au sol pour effectuer un balayage, et me fauche à son tour. Je parviens à me rattraper les mains au sol, et je riposte aussitôt avec un kick à hauteur d'yeux. Nous partons tous les deux dans une roulade un mètre plus loin.

- Allez Xia He, je sais que tu peux t'énerver plus que ça.

Je ne suis pas en colère. Je suis juste concentrée sur le combat.
Nous poursuivons le combat au sol, chacun essayant de dominer l'autre. Je suis légèrement plus grande, mais plus fine aussi. Si je le laisse renforcer sa prise sur moi, je sais que je ne pourrais pas me dégager. Alors je m'applique à le tenir à distance, en utilisant davantage mes jambes que mes mains.
Se battre à genoux et à quatre pattes est bien plus complexe que de se battre debout. Il faut sans arrêt varier ses appuis, vérifier les distances et savoir où est son adversaire. Et ça dure comme ça un long, long moment, où aucun ne parvient à véritablement reprendre le dessus sur l'autre. Je préférerais me relever, mais il ne m'en laisse aucune occasion.
Lorsqu'il parvient à me ceinturer par derrière, je dois balancer un coup dans ses côtes pour le faire relâcher sa prise, et nouer mes mains derrière sa nuque. Utilisant mon bassin comme pivot, je balance toute la force dans mes bras pour le faire passer par-dessus moi. J'y parviens péniblement, et il retombe mollement sur le flanc plutôt que sur le dos comme je le voulais. Néanmoins, c'est assez pour que je parvienne à mon tour à le plaquer au sol, sa tête bloquée entre mes jambes et que je bloque son bras en arrière.

- Aïe, Aïe, hé !! Doucement! Oh, Xia He, stop, stop!

- Tu abandonnes?

- Ouais, aoutch, c'est bon, stop! J'me rends!

Je relâche ma prise doucement, fière de moi.
J'avoue qu'il y a une petite saveur de victoire à avoir vaincu un de mes anciens mentors, bien qu'il ne soit qu'une illusion. Je reprends mon souffle, épuisée après notre combat qui a bien duré une heure environ, et le regarde se relever.

- Toujours aussi délicate... Grommelle mon illusion

- Vas t'en.

Il me lance son regard narquois, un sourcil relevé, les mains sur les hanches. Oh, je détestais quand il faisait ça, et c'est toujours vrai. Mince, des fois ma mémoire est vraiment pas un cadeau.

- Quoi? Des semaines que tu te bats toute seule contre du vent et quand tu affrontes enfin un visage amical, tu es pressée de me chasser? On pourrait causer un peu.

- Je n'ai pas de discussion à avoir avec mon propre cerveau. Tu es le résultat de mon auto-hypnose, et c'est moi qui décide quand j'ai besoin de toi. Et là, je décide que tu t'en vas.

Il croise les bras, et me fixe.
Plusieurs minutes passent. Je fais mes étirements, rattache mes cheveux défaits, mais il ne bouge pas, restant obstinément debout dans mon champ de vision. Bon sang, c'est quoi ce délire ? Je fais plusieurs exercices de respiration, et me concentre pour mettre fin à mon hypnose.
Mais Bao est toujours planté là.
Il me regarde m'épuiser à essayer de le chasser, et ricane.

- On a un souci? Tu manques de concentration, peut-être?

C'est loin d'être drôle. Si je ne peux pas chasser l'illusion que j'ai moi-même créé, c'est qu'il y a un gros souci. Je n'arrive pas à briser ma propre auto-hypnose.
Génial. Je suis donc officiellement en train de devenir cinglée.

Bon, il faut que je rationalise les choses.
Ce faux Bao est une création de mon propre esprit. Autrement dit, comme je l'ai déjà mentionné, cela revient à discuter avec mon cerveau lui-même. Du moins la partie qui, manifestement, a décidé de n'en faire qu'à sa tête.
Et je fais des jeux de mots pourris, maintenant.
Décidément, je vais mal.

- D'accord. Tu ne veux pas partir, j'ai compris. Tu veux quoi ?

Il hausse les épaules.

- Je n'en sais rien. C'est toi qui m'a fait venir. Je suppose que c'est toi qui a besoin d'aide.

Oh, ça va être long....
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J'avais espéré que l'illusion soit partie à mon réveil.
Je fus déçue. Il resta le lendemain, et tous les jours qui suivirent.
Où que j'aille, il me suivait. C'était extrêmement pénible. Notamment parce qu'il jacassait sans cesse, mais ne m'apportait aucune réponse. Dès que j'essayais de comprendre ce qu'il se passait, il se révélait complètement inutile.

- Franchement, cette île est pas si mal une fois qu'on est installés, non? Tu te verrais vivre ici? Rien que toi et moi...

Non, je n'avais qu'une envie, quitter cette fichue île et s'il le fallait, aller me faire soigner.
Parce que j'étais persuadée de devenir dingue. Un assassin issu de mon passé et d'une illusion que j'avais moi-même créée me suivait à la trace depuis des jours, sans que je ne puisse le chasser. Et pourtant, j'ai vraiment essayé.
J'ai tenté de l'affronter de nouveau, à plusieurs reprises, mais que je perde ou gagne, il restait. A chaque réveil, il était exactement là où je l'avais laissé la veille. Son apparence ne changeait pas, et il ne se fatiguait pas en me suivant. Même lorsque je m'entraînais à en perdre connaissance, délibérément, il était la première chose que je voyais à mon réveil.
Un vrai cauchemar.

Lorsque je tentais de l'ignorer, il continuait de pinailler jusqu'à ce que je lui réponde.  

- Tu sais, tu devrais être contente de m'avoir. Je te fais de la compagnie.

- Non, tu ne me fais pas de la compagnie. Tu es juste un bug de mon cerveau que je n'arrive pas à chasser. Et tu es pénible en plus.

- Oh, je suppose que tu préférerais voir ton singe. Le petit Zéi. Amusant comme tu t'es attachée à cette bestiole, n'est-ce pas? C'est pas papa qui t'aurais laissée garder un animal de compagnie à la maison...

Je lui lançais un regard noir.
Oui, Zéi me manquait et oui, jamais les enseignements de mon Clan n'auraient pu être compatibles avec l'attachement que j'éprouvais envers cet animal.
Je décidais de ne pas lui répondre et de continuer à vider mes poissons. J'avais pris l'habitude de pêcher, tôt le matin, dans la rivière d'eau douce à côté de laquelle je dormais chaque nuit. Étrangement, après l'avoir trouvé il y a quelques semaines, cet endroit était le seul que je retrouvais à chaque fois sans problème.

- Encore du poisson? Sérieux? Bon sang, même deux ans plus tard tu obéis aux règles du Clan comme s'il était toujours debout...

- Cela m'aide à rester concentrée sur mes objectifs.


- Manger du poisson t'aide à rester concentrée sur tes objectifs? Sérieux? T'as passé des mois avec des pirates et t'as rien mangé d'autre que du poisson et du riz. Tu n'as même pas touché une seule goutte d'alcool depuis des années! Tu as peut-être le foie nickel mais je vois mal comment un régime peut t'aider à rester concentrée.

- Ce n'est pas seulement un régime alimentaire, Bao. C'est une façon de vivre. Tant que je m'y tiens, seulement me permet de me dévouer à mes objectifs. Si je me laisse aller, je peux perdre de vue l'essentiel.

Il ricane, et vient se coller en face de moi, en tailleur, à quelques centimètres de moi. J'essaye de ne pas l'écouter et me concentrer sur mon travail de découpe.

- C'est que du vent, Xia He. Tu sais ce que tu es? Tu n'es qu'une môme perdue qui s'accroche à ce qu'on lui a enseigné parce qu'elle a peur de se retrouver seule. La vérité, c'est qu'on ne t'a jamais appris à penser seule, et que tu as peur de commencer.

Entailler derrière le collier, lever doucement le filet et contourner la cage thoracique, découper en deux... Découper la queue...

- Tu n'écoutes jamais tes émotions. Tu réfléchis sans cesse avec des chiffres et de la logique, mais tu n'as aucune idée de ce qui se passe si tu commences à agir de ton propre chef. Tu n'as pas peur d'agir, tu as peur de désobéir aux règles. T'as raison, tu n'es pas faite pour être pirate. Tu es un soldat, un brave petit soldat qui ne demande qu'à obéir. Tu passes ton temps à essayer de taire tes émotions. A essayer de me faire taire.

Alors c'est ça!
Je relève la tête, et le dévisage. Il penche la tête, avec son air narquois collé sur le visage. Je viens enfin de comprendre qui est ce faux Bao.

- Tu n'es pas juste un délire de mon cerveau. Tu es... Mes émotions, la partie émotive de mon esprit.

- Ah! Enfin, on progresse !

Oh, bon sang.
Yue You vient d'apparaître, assise à ma gauche avec sa vieille canne.
Je pousse un gros soupir. Ça y est, je pars complètement en vrille.
Revoir mon mentor me fait un peu plaisir, mais étant donné qu'elle est décédée il y a cinq ans, je suis encore face à une nouvelle illusion de mon propre esprit. Et cette fois, je n'ai rien fait pour.
La vieille femme, toujours aussi acariâtre que de son vivant, porte son sempiternel ensemble gris souris, et me regarde avec son petit air contrarié, assise sur un rocher. Bao lui adresse un grand sourire ravi.

- Hé, salut la vieille! Tu passes dire bonjour aussi?

- Silence, insolent! Je ne suis pas venue pour pinailler avec toi.

Si ils commencent à pouvoir discuter entre eux, je n'aurais jamais la paix. Je laisse tomber mon poisson pour me concentrer sur la nouvelle venue.

- Bon, je suppose que mon cerveau n'aurait aucun intérêt à faire apparaître une deuxième illusion pour mes émotions, alors qui êtes vous?

- Réfléchis un peu! Tu as toutes les réponses là-haut non? Alors réfléchis!

Elle n'a pas pu s'empêcher de m'asséner un coup de canne sur la tête tout en parlant.
Apparemment, mon cerveau a un souvenir bien ancré des innombrables coups de canne de Yue You. Mon maître était acariâtre, et à chaque fois qu'elle était contrariée, j'avais eu le droit à au moins un coup de canne. Et malheureusement, comme pour les combats, ces coups-là me paraissaient bien réels.
Je me massais le crâne en essayant de me concentrer.
Mon cerveau n'avait probablement pas choisi Yue You par hasard, ou simplement parce que je me souvenais bien d'elle.
Non, si Bao était mes émotions, Yue You était sûrement...

- Ah, quand même !

- Bao est donc mes émotions, et vous mon esprit rationnel. La partie logique. Mais la question est, pourquoi êtes vous là tous les deux?

Bao leva les yeux au ciel et désigna la forêt.

- Euh, t'as pas oublié que tu as un léger petit problème en cours depuis, hum, disons quelques semaines??

Oh.
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