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Un cours ?



Une étape de plus sur notre long périple sur tout South Blue. Je n’ai toujours pas trouvé ma voie, et comme les bucherons en ont marre d’avoir un touriste à bord, je dois maintenant bosser gratuitement. En soit, j’attendais qu’ils me le proposent, ça m’ennuyait terriblement de ne rien faire et d’attendre en regardant l’horizon. Loin d’être un métier facile, manœuvrer un navire est un véritable travail d’homme.

D’après le navigateur, notre prochaine destination est l’île du Karaté. Allez, à tout hasard, je dirais qu’on y fait du karaté là-bas. Je pouffe de rire tout seul dans mon coin en pensant à ma blague de merde. Je suis cependant curieux de voir ce qu’on peut y faire. Si on y fait effectivement cet art martial, j’imagine qu’il ne doit y avoir qu’une seule école pour accueillir tous les adhérents. Puis ça doit être un business assez fructueux.

Ouais, j’aime bien l’argent. Je n’aime pas bosser. Alors comment je fais ? Je trouverais tôt ou tard la solution idéale. Je hais le type qui a créé la monnaie. On ne vit plus qu’à travers ça et bossons toute notre vie pour en obtenir. Non merci. C’est gentil mais je passe mon tour. En me plaçant au bout du navire, j’utilise ma longue-vue pour ce qu’il se présente devant nous. La vigie annonce l’île en approche, je n’en rate pas une goutte.

« Allez, on dépêche, j’aimerais profiter du peu de temps pour m’exercer au karaté ! dis-je en insistant sur le geste. »

Je reçois une bouteille de rhum vidée la veille en pleine tronche, des chaussures, puis une multitude d’insultes… Ils sont durs les bucherons. Au moindre pas de travers, je me fais défoncer de tous les côtés, et ce, sans même prendre la peine de me prévenir. Il serait osé de me plaindre alors qu’ils prennent quand même la peine d’accepter une supplémentaire sur leur navire et que mon aventure commence un peu grâce à ces derniers. Même s’ils me font bosser maintenant.

« Jetez l’ancre ! hurle le capitaine du navire. »

Ce même capitaine lit son registre et calcul rapidement. Il se gratte la tête l’air agacé, puis il ferme le cahier avec un large sourire.

« - Bon, on a été trop rapide. Le client ne sera là que demain en début d’après-midi.
- Qu’est-ce qu’on va faire pendant 24h ? demande l’un des membres.
- Alma, tu n’aurais pas une petite idée ? me demande le capitaine.
- Quartier libre ! Vous allez payer vos tournées et me bourrer de pintes de binouze ! Et ensuite, j’irais apprendre à me battre ! lancé-je avec mon meilleur sourire.
- Vous avez entendu le gamin ? C’est parti pour 24h de repos bien mérités ! »

Ne croyez pas un seul instant que ma parole à le moindre poids, hein. C’est juste que ce type m’a parfaitement bien cerné. Le travail, la sale besogne, c’est pas pour moi. La seule chose que je souhaite est bien de m’amuser, découvrir, explorer, apprendre, picoler… Des tas de verbes amusants qui me traversent encore l’esprit. Oui, la vie doit être amusante. C’est avec un coup de pied au cul d’un bucheron que je finis hors du navire, face contre terre et le cul en l’air. Ah ça oui, ça les amuse.

Le séjour n’a même pas commencé que je suis déjà saoulé. Ces vauriens ont bien de la chance que j’ai encore besoin de leurs compétences en navigation.

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« Salut Pat’ ! Cette lettre pour te donner une petite requête. C’est assez simple. Comme tu le sais, comme je te l’ai déjà dit, je prévois de grandes choses pour toi. Mais qui dit grandes choses, dit forcément des situations dangereuses à un moment donné. Ouais, c’est chiant mais on s’y fait. Nous sommes tous déjà passé par là… Vu comme t’es foutu, je dirais que t’es déjà bien entraîné, mais l’expérience m’a démontré qu’un corps bien bâti n’était pas forcément indestructible. Et non. Bon, là, je suis assez dans la merde. Honnêtement, je ne sais même pas si je vais ressortir vivant de cette mission. Si tel est le cas, dans les prochains mois à venir, je compte sur toi pour te perfectionner au combat. Je ne dis pas que j’ai besoin de combattants débiles, continue également de t’instruire. Mais ouais, des bons combattants ça fait la différence. Si j’en crois mon calepin, ton navire se dirige vers l’île du Karaté. C’est parfait ! Perfectionne-toi et reviens-moi plus fort que jamais. Et en un seul morceau si possible, parce que c’est l’enfer qui nous attend. Bye. »

Je relisais ces mots une énième fois. Il désire vraiment que je progresse, je ne dois pas le décevoir.
Que vais-je trouver sur cette île si ce n’est du karaté, j’y connais rien malheureusement. Je m’efforçais de rester concentré dans mes bouquins, mais impossible.

Ce magnifique livre, emprunté dans la large gamme de la bibliothèque, de Ragnar m’offrait des journées plus que chargée. Des journées passées à étudier chaque soin, à en faire l’expérience, à en concocter le moindre onguent ne m’offrait, je l’avoue, que peu de place au perfectionnement de ma technique de combat.
Je ne souhaitais qu’apprendre à utiliser ces soins, ils me serviraient bien plus que de me battre.
Je fermais le livre avec le mot dedans.
Et pourtant, si ce type me disais de m’entraîner sur ce point, c’est que son expérience parle.

Je m’avouais, sans honte, une certaine hâte quant à l’idée d’effectuer un geste héroïque, libérant des esclaves, sauvant l’opprimé.
Cette glorification personnelle ne pouvait aboutir que par des instructions minutieuses et un entraînement rigoureux.

Je le sais, si j’ai survécu dans l’arène, ce n’est pas en devenant crêpier.
Je levais les yeux vers l’équipage, une vraie cohésion régnait ici. Rien ne pourrait les empêcher dans leur roulement plus qu’huilé, chaque croisement, chaque regard, tout résulte d’une expérience à naviguer sur les flots.  

Ça me donnait de l’espoir, non pas pour l’assurance d’arriver en bon port, mais dans la suite des évènements. Si j’ai reçu ce mot c’est que la cause compte sur moi, plus encore, que des gens, bien qu’ils ne sachent pas que j’existe, attendent un espoir de liberté, venu des mers, similaire à celui que j’ai reçu.

On approchait relativement vite du port, nous suivions un bâtiment particulier. En prenant un peu de hauteur j’ai pu apercevoir des types bien plus charpentés que la moyenne. Ils arrivaient à manœuvrer ce bateau aussi aisément que notre équipage.
Une belle démonstration du contraste entre la technique qui surpasse la force et l’expérience qui surpasse la théorie.

En tout cas, c’est ce que je me disais avant d’accoster à côté de ce navire. Je pu facilement comprendre que ces marins officiaient également en tant que bûcherons. Plutôt inattendu comme équipage.

Mes pensées filèrent, laissant place à la voix hurlante de notre chef d’orchestre.
- « C’est bon les gars, jetez l’encre ici, on met le pied à terre une nuitée »

Notre capitaine ordonnait et l’équipage exécutait. Sans que je n’aie eu le moindre geste à faire l’équipage m’avais mené jusqu’ici. Certes ce n’était qu’une escale, mais je prenais ça comme un service.

Je pouvais apercevoir les marins prendre leur quartiers, certain reluquer et d’autre m’accompagnait à terre. Ça y est, pour eux c’était la fin d’une partie du voyage, pour moi, le commencement d’une longue aventure.
Je posai mon sac ainsi ma lance sur le ponton puis je réajusta mon manteau. L’air semblait caresser ma peau d’une brise océanique relativement plus fraîche qu’à l’habitué.
Je n’eus le temps de comprendre ce qui m’arrivais, mais une légère nostalgie m’envahissait
Je posais les pieds sur cette île… pour six mois.


Dernière édition par Patrocle le Lun 13 Aoû 2018 - 11:42, édité 2 fois
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Je n’attends pas ces connards. Aussitôt les pieds à terre, mes jambes s’activent à toute vitesse et m’enfonce loin dans la ville. Bon, grosso modo, c’est une charmante ville animée, à la fois fleurie et avec malgré tout des bâtisses. Mais il y a un véritable culte des dojos. Il se vend des sweet-shirts des différents dojos, et toutes sortes d’accessoires en liens avec ces derniers. En somme, en plus des petits commerces locaux, l’île tourne réellement autour de ça.

« Où sont ces foutus bars ?... J’ai soif. marmonné-je en zieutant les lieux. »

Un cul-de-sac, forcément. À ma droite, un tas de poubelles qui bouge, attirant machinalement mon attention. J’en soulève deux sacs, un de chaque bras, avec la malheureuse surprise de tomber sur un clochard se servant des sacs pour se réchauffer. Il n’a même pas de bol dans lequel se trouve des pièces, j’aurais pu me servir pour boire un coup. Que dis-je ?... J’espère ne jamais me rabaisser à tels de procédés.

Je repose délicatement les sacs et repars en recherche d’un lieu de beuverie. De retour sur la rue principale, le monde afflux de toute part. Que se passe-t-il ? Rien de bien extraordinaire. J’imagine que la journée se termine et que les gens se détendent après le travail. Ça en fait du monde ! Alors je me laisse bercer par la danse de la foule, errant dans l’allée principale à la recherche du bonheur.  

J’arrive à ce qui ressemble au cœur de la ville, à savoir un grand espace dégagé, où on y trouve des terrasses de café, des bancs, une énorme fontaine et des arbres d’une beauté sans pareille. Les gens y viennent pour se détendre, des rencards probablement… Mais un rassemblement est organisé juste à quelques mètres. Le coin normalement calme est plutôt agité. Des cris d’encouragement, de déception, mais surtout des bruits de coups.

Sans tarder, je cours en direction de cet événement pour en apprendre davantage. Et là, en poussant quelques personnes de mon passage, je me retrouve à observer un combat d’art martial. Autant vous dire que je ne m’y connais absolument pas. Ce sont seulement des types qui gesticulent les bras et les jambes un peu n’importe comment… En réalité, c’est beau. L’envie de faire le mec pas du tout impressionné me pousse à sortir des conneries, sauf que la réalité est que je suis tout simplement en admiration.

« - Dis, gamin. Qui sont ces gens qui se battent ? demandé-je à un gosse à côté de moi.
- Un combat du dojo de l’ordre animal contre celui de l’ordre du vent, m’sieur.
- Ouais. Ça ne me dit pas grand mais j’imagine que ce sont deux écoles différentes ?
- Oui, m’sieur !
- T’es pas un peu jeune pour regarder ça ?
- Papa m’emmène voir des combats depuis tout p’tit ! Puis j’suis à l’école de l’ordre animal ! 
- Ne t’excite pas, gamin. Ne t’excite pas. »

Peu étonnant ici, c’est leur sport national. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, mais j’aimerais bien au moins savoir me défendre un peu. J’ai une arme que je ne sais même pas utiliser… Courir le plus vite possible, esquiver des attaques avec agilités, c’est tout. J’ai la peur phobique de faire mal aux autres, et encore plus de me faire mal. Phobique ? J’exagère toujours un peu. J’aime regarder la bagarre, je suis tenté de me battre de temps en temps, mais j’aime mieux regarder.

Tout ce que je comprends, c’est que l’un combat de manière plutôt agressive avec des mouvements courts et puissants, tandis que l’autre temporise avec des mouvements plus amples et plus gracieux. Deux écoles différentes, deux démarches différentes. À choisir, je préfère encore l’autre. Je continue d’observer ce combat comme un enfant, presque excité par ce spectacle.


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J’avance doucement dans la ville, regardant avec attention chaque bâtiment, dojo et autres autels au culte du karaté. C’est plutôt grandiose d’admirer une telle effusion dans la ville autour d’un art ancestral.
La ville reflète réellement d’une ambiance traditionnelle, tout est codifié selon les normes de l’art martial. Pour faire simple tout tourne autour.
Je dois trouver de quoi me restaurer, le voyage m’a affamé ! Ce n’est pas vraiment ce qu’il manque dans ce centre-ville relativement agité. Je passais à côté de restaurants et autres bars plutôt fréquentés.

J’espère passer inaperçus, je n’aime pas attirer l’attention dans des endroits que je ne connais pas. D’autant plus qu’ici tout à l’air de reposer sur le respect et l’honneur. Je vais simplement manger, aller, puis je me rendrais à mon rendez-vous.

Je ne sais pas si c’est réellement passionnant mais je me suis trouvé un petit bouiboui, sortit de derrière les fagots. Il était planqué dans une petite ruelle, les prix abordables et la pancarte m’ont réellement sauté aux yeux. Il faut dire que l’île reflète d’une activité touristique plutôt importante, les prix ont tendance à devenir bien plus important qu’ils ne le devraient, enfin bon.

Me voilà assis devant une sorte de comptoir, à côté de deux femmes dégustant un plat copieux et me scrutant de manière gênante.
Je ne leur prête pas attention et m’empresse de savourer toutes mes grillades et mes nouilles.
L’ambiance du restaurant est calme, ce qui me paraît être parfait, j’ai six mois à traîner mes guêtres ici, faisons-en sorte que rien de fâcheux m’arrive.
Je n’ai pas la moindre idée d’où aller, en remerciant la patronne, les deux jeunes filles m’alpagues :
- « Salut toi !  Tu viens visiter nos dojos ?
- Effectivement, je viens progresser sur ce domaine. J’étais un peu gêné et surtout pressé de mettre fin à cette discussion.
- Hé franchement y a mieux à faire ici, viens avec nous on va dans un bar avec nos copines ! T’es mignon et on en a une de célibataire. Les deux filles ricanaient dans un sourie malicieux.
- Euh… je crains de ne pas pouvoir, je dois rejoindre mon lieu d’entrainement au plus vite mesdemoiselles.
- Allez viens ! Si tu veux on peut aller voir le combat de ce soir ensemble et après on avisera ! Qu’en dis-tu ?
Le combat m’intéressait bien plus que de sortir, du moins ce soir, je reste six mois ici, la compagnie féminine pourrait m’aider à apprécier le séjour.
- Hmmm… Bon, commençons par aller voir ce combat alors.

Les deux filles m’attrapent par les manches de mon manteau, et me tire à travers les ruelles. L’un posant sa tête sur mon épaule, l’autre rigolant. Je dois avouer que c’est apaisant, et bien plus intéressant que de traîner seul. Les présentations se font en chemin, me voici donc en présence de Yumi et Sandie. Cool…

Rapidement on arrive à une place bondée, plus d’une centaine d’individu s’amassent devant un espace carré en terre battue.
- « Tu va voir, ils vont arriver dans quelques minutes.
- Voyons voir ça alors. Dans quel but font-ils ça ?
- C’est comme toujours, une tradition, ils jugent la valeur de chaque école par un combat entre eux."

Je pourrais donc observer, en direct, ce que Ragnar voulait que je voie. Je pourrais également me faire une idée de l’attendue des écoles et me renseigner dessus.

Ça y est, après quelques minutes d’attente, les deux hommes se saluent. Le combat retient l’attention de tous les spectateurs présents. Les paris vont bon train tout autant que les clameurs de la foule. Les deux filles qui m’accompagnent deviennent des furies, elles m’expliquent qu’elles sont pour le Dojo de l’ordre du vent. Informations que me passe par-dessus la tête.

Le combat est bien différent de ce que j’ai pu vivre, ici, pas d’effusion de sang, chaque coup pris est un coup rendu, on ne voit ni tripes ni membres coupés. Je dois avouer que c’est bien mieux ainsi, l’art de porter des coups avec ses membres.
Leur niveau de maîtrise semble remarquable, un des deux karatekas arrive, non sans mal à produire des mouvements qui ne touche jamais directement l’adversaire et pourtant le marque de stigmates. L’ordre du vent, c’est donc ça, il arrive à manipuler les pressions du vent pour porter ses coups avec une distance accrue, impressionnant… Voir même flippant, comment peut-on devenir maître d’un élément naturel.

Le combat se termine en une quinzaine de minutes, à bout, le combattant de l’ordre animal se retrouve au tapis. Il n’a pas démérité, son adversaire souffre aussi beaucoup.
Je suis abasourdie par la prestation des deux hommes. Une ruée d’applaudissement se fait entendre, me rappelant la sombre époque de l’arène.
- « Alors, qu’en penses-tu ? Notre champion a gagné ! Me lance Sandie
- C’est… incroyable.
- Et maintenant c’est le plus drôle, hihi, ils choisissent deux combattants dans la foule pour les remplacer. Ça les aides à trouver des pépites, parfois.
En entendant ces mots, mon cœur m’envoie une décharge sanguine. Il faut filer, s’il venait à me choisir, j’attirerai trop l’attention.
- « Hé Patrocle, t’es là pour ça en plus, costaud comme t'es !
Les deux furies sautent sur place en hurlant
- Prenez-le-lui ! Il est fort, il veux essayer ! hihi.
Hé merde, c’est pas possible, je le savais, j’aurai dû les ignorer… Me voilà dans de beaux draps bordel.
Bien entendu, le type de l’ordre du vent me fait signe de venir, apriori, c’est ici un honneur non refusable. Dans un regard inquisiteur, je dévisage les deux filles tout en m’avançant dans ce carré de poussière.

Je n’ai que trop fréquenter la foule, hurlant de plaisir sur des hommes se livrant à un duel… Je suis libre maintenant, et les conditions sont différentes. Allez Patrocle, prend sur toi, en engrange de l’expérience.

Le second combattant, bien peu en forme, fait le tour du publique à la recherche de son successeur. Après plusieurs allers-retours, il s’arrête et désigne quelqu’un du doigt.
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Sacré combat. Le moins que l’on puisse dire est que l’endurance est primordiale, le premier qui flanche a perdu. Or, les deux adversaires étaient totalement épuisés par ce combat interminable, et la fin fut donc une véritable boucherie. Finies les esquives à deux balles, les techniques spéciales, ce n’était plus que deux hommes qui se foutaient sur la gueule, un coup après l’autre, chacun leur tour. Le gagnant sera celui qui a la plus grosse, à savoir le monsieur du dojo de l’ordre du vent.

« Bon, il est grand temps pour moi de retrouver les connards et picoler un peu. »

Je fais volte-face et me dirige en direction de la rue commerçante. La foule s’agite, applaudit le grand gagnant, et pensant que l’événement se clôturerait ainsi, je constate avec surprise que deux candidats sont tirés au sort pour effectuer le second combat de la soirée. Putain. Deuxième bonne raison pour rapidement me tirer d’ici. J’accélère le pas, bouscule les passants le plus délicatement possible, sauf que les dits passants finissent par me bloquer la route.

« - Oy… Où vas-tu comme ça, gamin ? me demande un type en kimono.
- Je cherche un endroit où picoler. Auriez-vous l’amabilité de me laisser passer, Ô grand monsieur costaud au crâne chauve ?... dis-je en lui lançant un sourire moqueur. »

Quelle erreur. Il m’attrape par les épaules, me fait faire demi-tour, puis me pousse en direction du cercle de combat. La foule me regarde, le gagnant du combat précédent m’attend, je comprends que j’ai été désigné. Fait chier cette histoire !... Pourquoi moi ? Je n’ai rien demandé à personne. Je venais seulement regarder un beau combat et voilà que je me retrouve au milieu de ce foutoir. Et mon adversaire n’est rien de plus qu’une montagne de muscles, taillés pour le combat et au regard porteur d’un lourd passé. Rien qu’à son physique, je comprends qu’il n’est pas un homme « lambda » et que je n’ai aucune chance.

« Hé… Vieillard… Oui, c’est à toi que je cause ! envoyé-je à celui qui a causé ce malheur. Je ne sais pas ma battre, ni me défendre, ni quoique ce soit d’autre… Vaudrait mieux choisir quelqu’un d’autre pour amuser la galerie, là c’est une véritable boucherie que t’entreprends. Le type en face de moi est boosté au sperme de taureau… Sérieusement, que fait un pauvre touriste au milieu de ce merdier ?... Eh ! Oh ! Tu m’écoutes, vieillard !? J’te cause putain…
- File-moi cette canne. C’est uniquement à mains nues, mon enfant. dit-il en m’arrachant mon arme.
- Rends-moi ça espèce de vieux crouton ! Je risque de sérieusement devenir…
- QUE LE COMBAT COMMENCE ! »

Le chien de merde. Si je finis en un seul morceau, je promets de m’occuper de cette raclure. Et si ce n’est pas aujourd’hui, ça sera demain ou un autre jour… Et mon adversaire du jour, bah c’est un type impressionnant. Qui plus est, il ne me semble pas si débile que tous les autres mecs bodybuildés. Intelligent en plus d’être fort ? Que diable suis-je venu faire sur cette terre ? Ma vie paisible à Endaur manque déjà étrangement.

« Je sais qu’on ne se connaît pas et que tu as probablement envie de te battre, mais je suis tout le contraire de toi, probablement. C'est-à-dire que la castagne, tout ça, c'est pas trop mon trip. Tu vois, je suis seulement un touriste, un voyageur qui passe son temps à picoler sur chaque île qu’il visite. Ma présence ici ne résulte que de l'arrêt du navire sur lequel je voyage. J’ai été choisi de manière totalement aléatoire, tout comme toi, sauf que moi je suis un homme faible. »

Ouais, je parle beaucoup. Beaucoup trop. Mais je ne tiens pas particulièrement à me battre. Le public s’impatiente et les types du dojo également. L’un s’approche au dos de mon présumé adversaire, tandis que le vieux s’approche de moi probablement pour me pousser. Il tend ma canne en direction de mon dos, je pivote le long de celle-ci pour esquiver mais aussi réduire la distance entre lui et moi, puis ma rotation se termine avec mon coude sur son pif.

Il lâche ma canne que je saisis avant qu’elle ne tombe au sol, il recule et tient son nez taché de son sang.

« Il ne manquerait plus que je me fasse attaquer avec ma propre canne. Si tu me laisses partir, nous pouvons simplement en rester là, sinon je risque de sérieusement songer à commettre des atrocités dans les environs… dis-je d’une voix froide en prenant un regard d’assassin légèrement camouflé par mon bob. »

Ouais, bon, on essaye d’intimider les gens comme on peut, hein.

« Tu te débrouilles pas mal pour un voyageur faiblard... dit le vieux en esquissant un sourire. »
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Ça y est mon futur adversaire entre dans le carré. Il n’a pas vraiment l’air d’un combattant je dois l’avouer, plutôt d’un brave touriste, mais j’ai appris à me méfier.
Je pense simplement que toutes ses injures envers les anciens combattants permettent d’évaluer sa volonté au combat : nulle.

Qu’est ce que c’est que ce genre de combat ? Ça m’a tout l’air d’être un grand traquenard, un attrape touriste. Chaque seconde qui passe me confirme cette hypothèse, la foule est ravie de voir deux nouvelles têtes se marbrer jusqu’au tapis, et éventuellement, leur permettre de dénicher un vrai type.

Un rapide coup d’œil vers les deux demoiselles de tout à l’heure amplifie ma frustration, je les vois recevoir un petit paquet de Berrys par un type en costume, ce même genre de type qui met en place des réseaux d’arnaques. J’étais tombé sur deux racoleuses… Génial !
Je ne peux cacher un léger sourire :
- « Ah les… si je vous recroise ! ».
Je me retourne donc vers cette arène, regardant l’autre homme à s’être fait alpaguer par les chimères d’un combat loyale, ou apriori forcé puisque le combattant de l’ordre du vent le pousse vers le centre.

Rien de plus facile que de voir ce qui se passe ici. Loin de cette ambiance festive, glorieuse et traditionnelle, se dissimule une sorte de rituel des bas fond, prônant la violence entre touristes en quête d’exotisme.
Seulement, je ne suis ni un touriste, ni en quête d’une quelconque expérience. J’ai une mission ici, quelque chose de concret, qui résulte de la réflexion d’un supérieur, je ne peux me permettre de flâner et amuser une foule à moitié corrompu par les joies du pari.
Maintenant, je n’ai pas tellement le choix, soit je règle le pauvre type qui, je me répète, n’a rien demandé, soit je sors d’ici prennent le risque des humiliations et d’un rejet de la part de la population.

Mes tergiversions coupaient cours, les deux combattants, bien amochés, commencent à nous presser au combat. Un derrière moi, portant mes affaires posées à l’entrée de l’arène et un derrière mon vis-à-vis.
Seulement, le voilà qui se retourne pour faire se rencontrer son coude et le nez du vainqueur du combat précédent. Je retire immédiatement mon jugement, le coup avait l’air tout de même précis, et la karateka est bien au sol tenant son nez, surement amoché.
Le type derrière moi lâche mes affaires et court vers le touriste cogneur, apparemment le combat s’annonce différent. Si je laisse faire les deux molosses, il y a des chances que le pauvre mec y reste, sincèrement. Après tout, la foule ne veut-elle pas un combat ?
Dans ce cas apportons leur une nouveauté, deux puissants karatekas contre deux touristes, belle idée non ?

J’allonge mon corps vers l’avant, comme pour me jeter au sol. Mes bras encerclent les chevilles du combatant de l’ordre animal. Surpris, il s’écroule au sol à plat ventre, je me remets sur pied aussitôt et adresse un regard à mon nouveau camarade de combat :
- « Deux contre deux, ça me semble plus juste ! »

L’excitation de la foule cache quasiment ma sollicitation, mais le large sourire, qu’on pourrait assimiler au diable, qui se dresse au-dessus du menton de l’homme au bob me persuade d’avoir bien fait. Je dois maintenant me concentrer sur ce type que je viens de coucher, je suis moins doué que lui au corps à corps mais je dispose de la fraicheur comme avantage.

Une stratégie brève se dessine dans ma tête :
Deux combattants dont un plus en forme que l’autre, ça sera mon adversaire. Mon binôme pourra facilement terminer le perdant du précédent combat. La répartition étant faite, voici comment je procéderai, j’ai pu examiner ses mouvements. La clef sera d’arriver au contact du type sans qu’il me repousse avec ses pressions d’air. Une fois sur lui une forte immobilisation fera l’affaire.

Il ne reste plus qu’à ! Je m’élance.
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J’esquisse un léger sourire. Celui qui devait être mon adversaire est finalement mon partenaire d’infortune. Il a plaqué son nouvel adversaire, le combattant de l’ordre de l’animal, comme un pauvre enfant que l’on pourchasse après qu’il ait eu le malheur de voler une pomme. Ouais, ça sent cruellement le vécu. Jusqu’à un certain âge, le marchand de fruit d’Endaur m’a mis la misère. Je l’ai bouffé ce foutu seul.

« Bah écoute, ça me va. dis-je en jouant avec ma canne. Je te laisse le vieillard derrière moi, je préfère l’animal qui se relève derrière toi. Je ne suis pas véto mais moins ça réfléchit et mieux c’est. »

Malheureusement, c’est sans compter sur le monsieur de l’ordre du vent qui vient m’attaquer. Pour l’instant, je ne fais qu’esquiver ses coups et l’observer. C’est amusant de le voir attaquer alors qu’il était sur la défensive lors de son combat. J’imagine que mon partenaire a compris le subterfuge organisé et qu’il se dresse face à eux pour cette raison. Moi qui cherchais un moyen de gagner de l’argent facilement, j’ai trouvé une piste grâce à ces loubards : des combats de rue. Bien sûr, c’est moins rigolo quand je me retrouve au cœur du truc.

Alors que je recule, le vieux fourbe pose le pied sur mon long manteau pour stopper ma course, puis arme la paume de sa main droite. Pour éviter toute mauvaise surprise, je me défais de ma veste et esquive ainsi le coup aisément. Agacé, il jette mon bien au centre de l’arène. J’ai à peu près saisis sa manière de combattre. Je ne connais pas les capacités de mon coéquipier, mais je l’imagine bien meilleur que moi.

« Gamin ! hurle mon vieil adversaire. Cesse de tergiverser et reste concentré sur notre combat. Tu n’as pas le temps d’élaborer des plans ! »

Qu’il la ferme. Nous avons effectué les trois quarts du tour de l’arène. L’autre duo ne se trouve plus qu’à quelques mètres. Si tout se passe bien, je pourrais ainsi changer d’adversaire et finir le plus amoché des deux, sachant que le véritable combat aura lieu entre le vieil homme que j’ai très peu endommagé et l’heure inconnu. L’occasion pour moi de prendre la fuite. À moins que l’on m’en empêche…

Pour le plus grand regret de mon adversaire, je poursuis mes esquives. Atteignant enfin mon objectif, je tends le bout de ma canne - et non autre chose pour les malins - à mon coéquipier, qui s’en saisit sans hésitation, puis en effectuant une légère rotation, je le propulse à une bonne vitesse vers mon ancien adversaire. Je termine ma rotation avec un coup de canne vers mon nouvel adversaire, qui pare le coup avec ses avant-bras. C’est vraiment un animal putain…

« C’est quoi votre intérêt de frapper des touristes ? Je te paye un coup à boire ? Qu’est-ce que tu veux ? J’ai un nonos si tu veux ! dis-je en tendant ma canne comme à chien, le sourire niais. »

Pas un mot ne sort. Seulement le regard enragé. Son corps tremble et il se met à hurler comme un pauvre demeuré. Je me fous l’auriculaire dans les oreilles pour signifier mon mécontentement.

« C’est vraiment nécessaire, connard ? »

Lui, je sais comment me le farcir.

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Je ne peux pas dire que la situation me plaise, mais rouster ces deux types qui cherchent à faire, de touristes, leur spectacle ça me va.

De manière incroyable, mon partenaire de combat et moi se trouvons particulièrement bien. Avec l’aide d’une projection anticipé par ce dernier, j’arrive nettement proche de mon adversaire, parfait.
Ses coups ne m’atteignent pas si proche, il a du mal avec ses mouvement amples. Je lui attrape son judogi par le col pour lui asséner une magnifique projection par-dessus mon dos. Le type se débat un peu, il retombe sur le flan et pivote pour tenter un balayage.
Ma jambe est emportée relativement facilement, je dois me rattraper et contre attaquer, sinon il aura le dessus. Je ne peux pas porter d’observations sur le combat de mon partenaire, a vrai dire, je dois vite en finir avec le mien.

Je roule donc rapidement sur le côté et me remet en garde. Merde, le type s’est remis à distance optimale pour ses coups. J’ai donc deux solutions, soit encaisser pour me rapprocher, soit trouver un moyen d’esquiver quelques secondes.

Un rapide coup d’œil sur l’autre combat m’indique que c’est le combattant de l’ordre animal qui est dos à moi. Parfait, en voilà une aubaine, je dois saisir la chance de faire basculer le combat vers un deux contre un.

Je mets un genou au sol, prenant dans ma main de la terre battue que je jette par-dessus mes deux épaules, je me frotte également les mains avec. N’en déplaise à mon adversaire, le but de cette action est prédéfini.
- « Oh ! T’as fini de faire des châteaux de sables ! Viens te battre ! » Le type de l’ordre du vent à l’air humilié, exactement ce qu’il me fallait.

Je prends une bonne poignée de terre battue en regardant droit dans les yeux mon adversaire direct. Seulement, je me relève en pivotant et assène, au type derrière moi, un violent coup au visage.
Certes, une attaque par derrière est déloyale, mais faire ce qu’ils nous ont fait relève encore plus d’un manque d’honneur.
Le combattant n’a rien vu venir. Il prend mon coup plein visage, le sable s’immisçant dans le moindre interstice des paupières.
- « AAAAAAAAH ! Je vois plus… enculé ! »

Parfait le coup à tapé dans le mille, le combat bascule d’autant plus à notre avantage. Je me retrouve, en revanche, dos à mon adversaire direct. Je fais donc confiance à mon compagnon d’infortune qui, lui, est face à ce dernier.  
Je tente un étranglement sur mon adversaire, serrant mon bras droit autour de sa gorge, mais je prends un violent coup bas du dos qui me fait stopper la prise, et même, chuter en avant.
Mon collègue a anticipé l’action, je le vois déjà être en mouvement, excellent, agissons ensemble cela en vaudra que mieux.

Ce type, c’est vraiment l’antithèse du combattant, et pourtant il faut lui reconnaître de grandes qualités, notamment dans l’anticipation. Son arrogance faisant office de déclencheur, la rage adverse permet, de surcroît, une lecture plus évidente des coups à venir.  

Allez ! Je n’ai pas le temps de penser à ça. Je me relève prêt à en découdre.
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Oh ? Mon coéquipier a un grand sens du sacrifice. En effet, après avoir frappé et aveuglé mon adversaire, ce dernier se fait reprendre d’un coup dans le dos par le vieil homme, vexé d’avoir été laissé sur le carreau. Perso, c’est grandement bénéfique pour moi. Je n’en ai strictement rien à foutre des valeurs et des règles à respecter ici, du moins en ce qui concerne des combats où l’on m’oblige de participer.

Sans laisser le temps à mon adversaire de retrouver son esprit et sa visibilité, je fous violement le bout de ma canne dans son abdomen, le pliant à moitié. Durant la descente de buste, je balance un second coup de canne vertical, redressant cette fois-ci son corps. Et pour finir, en prenant bien le temps d’armer mon revers, prise deux mains, la langue tirée sur le côté, je balance une frappe de tennis qui balance le karatéka hors de la zone d’affrontement.

Je crois que c’est fini pour lui. À mon avis, c’est l’heure de dormir pour ce dernier. L’avantage est que je ne suis pas du tout usé par le combat, mon camarade a tout fait lui-même, prenant le risque de se faire frapper. Il était réellement prévu que je l’affronte ? Sérieusement, épargnez-moi ce genre de choses, loin de moi l’idée de me battre. Surtout contre des monstres. Des amoureux du sang et du cassage de gueule. Épargnez-moi tout simplement. Laissez-moi mener ma vie de voyageur.

« T’as besoin d’aide ou ça ira ? demandé-je à l’espèce de gladiateur. »

Je lui pose la question en sachant pertinemment ce qu’il en sera. J’y vois un homme fier et dont le courage n’a d’égal que son amour pour le combat. Pourtant, c’est loin d’être éthique ce qu’il venait de faire, mais probablement qu’il en voulait à ceux qui l’ont foutu dans cette situation. Je prends alors le temps de me retourner pour voir ce qu’il se trame.

La foule nous hue. Classique. On a défoncé leurs héros, de manière tout à fait discutable, et les voici qu’ils nous emmerdent. Je vois même le petit de tout à l’heure qui me hurle des injures. Donc en gros, je me fais insulter par un gosse qui n’a encore rein vécu ? Cette île n’est définitivement pas celle qui me donnera envie de vivre l’aventure. Les gens sont trop méchants.

J’affiche alors un énorme sourire, puis un gros doigt d’honneur en direction de la foule.

« Vous pouvez gueuler autant vous l’voulez, je m’en cogne. Quoi morveux !? T’as un problème ? Tiens mon doigt ! Tiens, toi aussi, grosse vache ! dis-je envoyant des doigts à toute la foule. »


Quel bonheur ! J’ai l’impression d’être un chef d’orchestre.

« Celui qui a un problème n’a qu’à monter, on se fera le plaisir de lui expliquer deux-trois choses ! »

Qu’est-ce que je n’aurais pas dû dire ? Un type avec les cheveux blancs, l’allure stricte, les muscles saillants – bien que plus que mon partenaire, approche de moi sans la moindre hésitation. Par fierté, je ne recule pas. Non, je mens. Je me chie tellement dessus qu’il m’est impossible de bouger le moindre petit doigt. Il n’a absolument rien à voir avec le mongole que je viens de défaire.

« - Pour qui te prends-tu, misérable petit insecte ? dit-il d’une voix grave.
- J-J’ai rien demandé moi, m’sieur. Je venais seulement pour boire des coups à la base… »

Il se contente seulement de me dévisager pour l’heure.

Un cours ? CR8FJHKUsAAPtmV

La foule explose de nouveau de joie, clamant le nom de Doragon.

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Mon partenaire vient d’expulser son adversaire d’une manière… spectaculaire, incroyable, je n’aurai jamais pensé ça de lui.  
Je dois en finir avec ce dernier, qui, voyant son ancien adversaire se faire renverser dessine un regard bien moins serein.

Voilà une porte que je dois franchir, je me jette sur ce dernier encaissant deux coups au buste, rien n’y fait ma charge est supérieur à ses coups désespérés ne reflétant que fatigue et précipitation.
J’avoue ne pas tellement porté, pendant ses quelques secondes, attention à mon entourage.
Je tiens fermement le combattant, je dois en finir, de manière spectaculaire aussi pour faire tons sur tons… Le karatéka se retrouve au-dessus de ma tête, le tenant comme après un arraché.

Je peux voir en face de moi la foule, nous haïr. On hurle, on crache, certains nous marque de gestes bien déplacés. Quoi de plus beau que s’inscrire vainqueur d’un traquenard, personne ne viendra nous souffler dans les narines.

Dans un même élan complété d’un cri de rage j’écrase le dos de l’homme violemment sur mon genou fléchi.  Ses vertèbres ou ses côtes craquent, lui aussi pousse un cri, mais loin d’être le même que moi.
Mon regard a changé, et ceux des jureurs face à moi aussi, je peux sentir leur peur. Mon coup de poker est réussi, les voilà effrayés.

Mon regard se porte sur le type gisant au sol se roulant de douleur thoracique. Mon envie d’en finir me démange, si je lui mettais mon pied violemment dans la gorge question de plus entendre sa petite voix de connard.

Seulement, la foule atténue son brouhaha, et leurs regards se porte derrière moi. Effectivement, la surprise ne semble pas être terminée. Un homme forgé par les années d’entraînements se tient face à mon camarade d’infortune.
Il est vrai que j’ai eu à affronter des Golgoths plus d’une fois, mais celui-là transpire l’expérience du combat. Ses cheveux blancs son fendus par le vent venant de la mer, son air tiré donne une impression sombre au personnage, comme si des plans terribles nous étaient réservés.

La scène se fige pendant quelques secondes, puis le type me regarde. Son regard n’a rien de maladroit, il est dur et perçant, le type est sûre de lui.
- Vous deux, si vous me touchez une seule fois, je vous prends comme disciple.

Tiens, le pari me paraît totalement irréalisable, ça se voit à vue d’œil que le type nous rouste en un éclair, mais bon… Tentons.
Je suis sur cette île pour apprendre de gens comme ce type, profitions en. Et puis à deux on va bien réussir à le toucher, non ?

Je m’approche du maître en combat. Le pas détendu, comme pour passer à côté de lui. Arrivé à sa hauteur de son profil, les mots sortent seuls de ma bouche.
- J’accepte ton défi, que je sois seul, ou avec machin là.

Je vois un léger sourire en coin se distinguer chez le molosse.
J’aimerai profiter de cette aubaine, attirer son regard vers moi pour que mon camarade le touche.
Sans être naïf, être un maître en art martial ne signifie pas avoir des yeux derrière la tête, alors si l’un de nous est dans son dos, c’est gagné. Je continue donc ma démarche de manière à me retrouver face à son dos.

C’est le bruit et uniquement le bruit de l’air fendu par sa main qui m’as permis de réagir. Son revers était si rapide…
Le coup s’arrête dans un bruit violent sur mon bras recroquevillé contre ma tempe, il m’a fallut deux pas de côté pour me remettre en position. Si ce coup m'avait touché, j'aurai mis quelques jours avant de retrouver mon prénom au fond de ma mémoire...
Quelle force… mais je dois déjà esquiver le prochain coup !

Aller mec, il est dos à toi… je compte sur toi !
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Rappelez-moi quand est-ce que j’ai décidé d’être dans cette foutue situation ? C’est-à-dire que le type qui nous fait face est d’une autre galaxie par rapport aux deux guignols qu’on vient d’affronter. Bâti comme une montagne, on comprend aisément que les heures d’entraînements passées à la salle sont supérieures au nombre d’heure que j’ai vécu sur cette planète à vivre oisivement. Mon partenaire, d’un coup physiquement moins imposant, semble vouloir relever le défi.

« Machin ? C’est comme ça que je me suis présenté ?... demandé-je interrogé en me tenant le menton. »

Il se positionne discrètement dos à l’homme peu commode, probablement pour qu’on l’attaque de deux faces différentes, sauf qu’en un seul coup, on est tout de suite : s’il nous touche, nous sommes presque morts. J’ai pas envie de ça… Qu’est-ce que je fous là ? Maintenant que l’ennemi commun est concentré sur ce qui semble être mon partenaire, deux solutions s’offrent à moi :
1. Me barrer comme si de rien n’était.
2. Attaquer mon adversaire qui me présente son dos.

Honnêtement ? Le choix est vite fait. Je retrousse mes pas et me dirige vers la sortie. Comme prévu de la part de ces idiots, je me fais huer comme le pire des enfoirés que le monde ait connu. Sauf que, bande de connards, c’est vous qui m’avez foutu dans cette merde. Donc rien à faire de leur avis, je me casse. Je jette un dernier regard vers le combat, l’homme aux cheveux a légèrement tourné la tête avant de se rediriger vers son seul adversaire.

« Ne pas vouloir se battre est une chose. Être un lâche en est une autre. Poursuis ta vie ainsi si cela te convient, dans les remords et les regrets, gamin. dit le maître d’un ton calme et glacial à la fois. »

C’est clairement de la provocation. Le type je ne le connais ni d’Ève ni d’Adam et il veut faire le moralisateur. À d’autres, monsieur, je me fiche totalement de tout ça. Enfin, c’est ce que je pensais vrai jusqu’à maintenant. Au plus profond de moi, une certaine fierté me pousse à retourner sur l’arène. À quoi bon ? Cette fierté ne doit pas me pousser à faire des choses débiles. Retourner au charbon signifie aussi me faire casser la gueule.

Je suis en plein milieu de la foule qui me hue encore et encore…

« Fermez-la un peu, bande de vauriens. À part vous branlez sur ces combattants, qu’est-ce que vous faites de vos vies ? Nan. Franchement, je dis pas ça pour être insultant hein, mais c’est vrai. Vous êtes là à me casser les burnes parce que j’ai pas envie de me faire casser la gueule dans un combat où vous m’avez forcé à participer. Vous vous foutez de ma gueule, c’est ça ? Allez-y vous-mêmes bande de connards ! J’suis pas votre pantin, ok ! Laissez-moi passer et allez profondément vous faire mettre. Et je vous promets que ça vient du cœur. »

J’ai tendance à beaucoup parler. La foule environnante n’a pas appréciée mon discours et se tient face à moi, les visages fermés, m’empêchent toute progression. Inconsciemment, je crois avoir provoqué cette situation pour m’empêcher de fuir mes responsabilités. Un genre de signe du destin qui me pousse à accepter cet affrontement. Comme on dit, c’est nous-mêmes qui provoquons le destin, personne d’autre. Alors avant de me faire casser la gueule par de simples paysans, je préfère encore faire demi-tour et me faire casser la gueule par un vrai guerrier.

Sans dire un mot, je retourne sur la zone de combat, au dos de notre adversaire pour lui asséner un puissant coup de canne. Mais voilà qu’il repousse mon partenaire, puis se retourne tout aussi aisément pour me foutre un coup de pied retourné. J’ai à peine le temps de placer ma canne entre mes flottantes et son tibia, me projetant sans dégât à quelques mètres. Mes bras tremblent par la puissance du coup ressenti. Mon bras aurait cédé à la pression du coup, mes côtes n’en parlons pas…

« Camarade d’infortune, t’as pas un plan ? Parce que sans vouloir faire la rabat-joie, le toucher semble quasiment impossible. »

Pessimiste oui, je le suis. Je ne suis cependant pas revenu pour me faire éclater. Qu’il se croit largement supérieur est aussi mon objectif, la moindre brèche est bonne à prendre.
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- « J’ai peut-être bien quelque chose oui ! Hé… Appelle moi Patrocle on gagnera du temps mec. »

Un plan ? je ne dirai pas ça non, plutôt une stratégie de combat qui va demander énormément d’adaptation.

Malheureusement, mon collègue et moi ne partageons aucun référentiel commun, ça m’a plutôt l’air d’être un lâche. Et pourtant il est revenu, et sa faculté à éviter le conflit lui permet d’esquiver et d’anticiper les attaques adverses. Sûrement dû à des années de pratique, d’esquives de bastons de bars et tout autres joyeusetés.

Voyons voir, notre adversaire et bien plus rapide que nous, c’est évident. Le fait d’attaquer de chaque côté permet de jouer sur cette variable, c’est déjà ça de gagner.
On peut également anticiper notre manque d’endurance comparé à ce type, le tout va donc être de combiner nos forces, attaquer en unisson pour accroître le nombre de coups à parer.

Attaquer son visage serait du suicide, ses mouvements de contre-attaque nous emmèneraient au tapis. Pourtant, si un de nous attaque le haut et l’autre le bas de son corps, on a nos chances.
Alors faisons comme ça, le caractère sournois et vicieux de mon camarade jouera en sa faveur, portant le coup analysé au bon endroit au bon moment. Je servirai, quant à moi, de focale pour sa vision, je dois attaquer le bas, ses jambes ou la taille.

Étant plus robuste j’encaisserai surement quelques coups, peut-être…
L’ambiance était pesante, réellement similaire aux situations de grandes rencontres, de combats entre héros. Le cri de la foule devenait vite un bourdonnement, j’avais l’habitude de m’en distraire, jusqu’à un brouhaha léger en fond de mes pensées.
Mon regard ne quittait jamais les yeux gris du combattant chevronné, mes membres en pré-actions prêt à agir au moindre sursaut.

- « Écoutes grand, on va faire comme ça : Toi tu restes sur le côté et moi je m’occupe du papy » La carte de la provocation, pourquoi pas après tout.
- « T’as peur de rien toi, j’aime ça, mais tu me sous-estime grandement. »

Je glisse un regard à mon camarade, essayant de transmettre une émotion particulière, celle de la certitude, la confiance. Je devais l'obtenir de ce type pour qu’il comprenne mes intentions : orienter l’adversaire vers de fausses informations pour mieux le toucher.
- « Si à tout moment tu sens que tu peux le toucher surtout n’hésite pas hein. » lançais-je à l’homme au bob.

Maintenant l’adversaire, selon moi, cogite plus qu’au début, ai-je réussis à lui faire comprendre que son angle mort serait toujours sournoisement gardé?
J’espère que mon camarade arrivera à se confondre dans son ombre pour lui assouvir un seul léger coup qui scellerai ce combat.
Les choses étant claires, pour moi du moins, je tente une feinte de front kick à l’abdomen voulant suivre d’une charge à l’épaule. En effet, si le type me ceinture, plus de contre le type au bob, parfait.
Seulement, le pied fondant sur mon adversaire, il s’abaisse plus vite que ma reprise d’appui, il tourne sur son genou et balaye violemment ma jambe d’appui.
Merde ! Je chute violemment sur le dos. Je me relève aussitôt par une roulade de côté. C’est encore pire que ce que je n’aurai pu imaginer, le type est trop rapide.

Un ombre survole cependant le ciel le temps d’un instant venant grandir la silhouette du maître en karaté, bien joué l'ami. Comme surgit de l'enfer, le diable porteur de son trident, mon camarade avait compris qu'un intervalle s'était crée. Le sourire démoniaque et l’œil brillant sous son bob laissent place à un mouvement de canne verticale relativement véloce.
Je dois attaquer, maintenant ! Le distraire serait parfait.

J’arme mon poing droit rapidement en arrière, le but est de viser son foie ce qui l’obligerai à s’incliner sur sa droite, ainsi le coup de mon camarade toucherai.
Mon poing approche, j’y suis, oui ! Non… Impossible…

L’image se fige avec ce maître invincible, qui part mon coup avec le plat de son genou recroquevillé, il ne s’est jamais incliné.
Ce n’est pas tout, il tient l’infortuné, qui lui avait sauté dessus si discrètement, par le col comme un vulgaire gamin.
La foule bloque sa respiration un bref instant, se focalisant sur la musculature puissante du combattant.
Le regard du maître, est calme, un léger souffle de vent passe pendant une brève seconde, avant de nous repousser par une projection parfaitement réalisée.

Ma stratégie qui demandait de l’adaptation, la voilà.
Nous sommes face à notre provocateur au sol. Cette fois les cris et injures de la foule percent mon tympan. Me voilà repartit au début, fait chier...


Dernière édition par Patrocle le Mar 31 Juil 2018 - 20:13, édité 2 fois
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« - Patrocle, c’est ça ? dis-je en me relevant. J’étais plutôt calme et enclin à trouver une solution pour me barrer, vois-tu. Mais voici que mon kimono, tâché de poussière, me pousse à entrer dans une colère noire et apprendre certaines règles à ce gros tas de muscles. Eh oui ! lancé-je au principal concerné. J'me fiche pas mal de ton statut de de maître, de ta réputation ou de ta carrure ! T’es un homme mort.
- Bon… T’as fini de jacter, homme au bob ? rétorque alors le maître. Je ne sais pas qui vous a assemblé, mais il semblerait que j’ai à faire au pire duo du monde. Pas un pour temporiser l’autre ou au moins tempéré les états suicidaires de l’un. Surtout deux grandes gueules… Pas un seul m’a réellement touché. »

Patrocle et moi restons calmes et écoutons le type jusqu’au bout de son discours. Cette journée est suffisamment partie en couilles, je n’en ai plus rien à faire de ce qui peut arriver à présent. Etonnamment, c’est plutôt l’inverse. L’envie de me défouler, ou plutôt de casser des gueules me transcende tout à coup. Un regard complice en direction de mon camarade, je crois qu’on commence à plus ou moins se cerner. Enfin, lui est plutôt un amoureux du fight, donc pas difficile.

Les stratégies, on a bien vu que ça ne fonctionnait pas tellement. Attention. Je ne dis que l’usage des stratégies est systématiquement un échec, seulement que notre duo n’est pas encore au point sur les formations à tenir. Celles-ci demandent d’être minutieux et extrêmement précis, ce que ne nous sommes absolument pas. Alors d’instinct, à quelques fractions de secondes près, on démarre en direction de notre cible commune : le vieux machin plus costaud qu’on ne le sera jamais.

Patrocle, plus rapide que je ne le suis, s’approche le premier. Son adversaire se penche naturellement vers ce dernier. J’entrevois une brèche dégagée. J’accélère comme n’importe quel idiot le ferait pour le toucher. Mais voilà. Oui, parce que rien ne doit se passer comme prévu aujourd’hui. Il tourne délibérément le dos à Patrocle pour me faire face. L’hoplite le frappe mais semble lui-même se faire mal. Et d’une vitesse dont je perçois à peine les mouvements, je vois la mort me saluer avec joie.

Pour une raison que j’ignore, alors que j’étais pris de vitesse, que son attaque se dirigeait bien vers mon visage et que j’avais accepté mon sort, son poing ne fait que frôler mon oreille – maintenant ensanglantée – et me retrouve avec tout son flanc droit dégager. Une attaque impressionnante, j’aurais juré avoir une tornade passer à côté de moi. De plus, les attaques de Patrocle ne l’ont absolument pas affecté.

Je profite de cet instant pour lui foutre ma canne dans le bide, mais rien y fait. Il encaisse le coup sans broncher, ma canne en vient même à se fissurer. J’y ai mis toute ma gouache, mes poignées ont pris chère. Je le sens très mal. Son visage est à quelques centimètres de moi, je me dégage et bats-en retraite. Mon camarade en fait de même, on se regarde et comprenons tous les deux que c’est plus plus moins foutu. Quoique…

« Vous avez finalement réussi à me toucher… Mes félicitations. »

Peu fiers, Patrocle et moi restons silencieux, vexés par cette humiliation.

« Et bien ? Cachez votre joie, surtout ! Vous êtes mes disciples. »

L’hoplite affiche un énorme sourire, mais de mon côté, c’est un visage anéanti qui en ressort. Je n’ai jamais demandé tout ça. Encore une fois, je me retrouve dans une situation pas du tout désirée, voire même dramatique pour tout vous dire. J’espère que les bucherons penseront à moi et qu’ils ne partiront pas en me laissant derrière eux… J’ai déjà le mal de ce pays, je veux me tirer. J’abaisse mon bob pour cacher ma mine dépitée et suis les deux tarés.


Dernière édition par Alma Ora le Lun 16 Mar 2020 - 17:15, édité 1 fois
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La poussière de l'action retombe doucement sur le sol, à travers laquelle se reflètent les quelques rayons tardifs du soleil.
Le combat s'achève sur ces paroles inopinées du Maître qui surprend à la fois la foule, mon camarade et moi même. En effet, nous avons touchés, mais cela ne l'as même pas endommagé, choqué ou ne serait-ce bousculé...
Néanmoins, le résultat est là, et le Maître attend.
Je ne saurai décrire clairement l'ambiance, tant mes sentiments prennent le dessus sur mon analyse.

Je me retrouve désormais devant ce que je cherchais, ce pour quoi je suis venu. Les mots de Ragnar résonnent dans ma tête : Je compte sur toi pour te perfectionner...
J'en ai désormais l'occasion, le privilège, mais quelque chose me tracasse.
Certes, mon sourire réflexe trompe les intentions de mon cœur qui, non content du résultat, s'empresse de détourner l'air sobre que je m'efforce de garder.
Je ne peux le décrire, ni mettre un mot dessus... peut être plus tard, j'ai pour l'instant une réponse à donner.

Me redressant légèrement, j'inspire comme pour me donner de la force, qui me manque suite à ce combat, face à cette foule qui n'attend que l'approbation de notre volonté. Encore un moment suspendu dans le temps, qui plus est inattendu, qui l'aurai espéré?
Qui aurai pu penser que nous aurions touché cet homme si puissant?
Je me décide alors à avancer d'un pas pour m'exprimer en premier, je regagne un air sérieux, sans doute pour donner quelques crédibilité à mes paroles.
Le regard du maître et de la foule se tourne vers moi, un ange passe.

- " Je serais honoré de suivre vôtre apprentissage, Maître." Dis-je en m'inclinant légèrement.
Je regarde alors la réaction de mon interlocuteur. A l'inverse de mes pensées, il me fait un léger geste de la main, signe de me redresser.
Je note néanmoins une esquisse de sourire, qui forcé de l'admettre, me réjouis.

Ai-je réagis trop vite? Non... il le fallait, c'était la bonne chose à faire. Je dois progresser, et m'endurcir ! Je dois me préparer à cet "Enfer" dont parle Ragnar. D'autant plus que je ne suis rien, un insecte face à ce genre d'individu, si l'enfer existe alors j'en ai eu un exemple aujourd'hui. Je dois devenir l'enfer, m'en approcher.
Je m’égare dans mes pensées, tandis que la foule me rappelle à l'ordre grâce à une série d'applaudissement et de clameurs. Un tour d'horizon me montre un public investit dans ce genre de rencontre, cette coutume qui de base semblait n'être autre qu'un canular.
Mon regard se pose sur mon compagnon de combat, la mine tombante, tournant le dos au Maître. J'avais oublié à quel point cet homme, contrairement à moi, souhaitait uniquement éviter les difficultés. Et pourtant, je trouve qu'il dispose d'un certain talent au combat, des facultés à s'extirper d'une attaque. Je ne peux m'empêcher de lui imaginer une vie simple, porté par le temps et les humeurs. Bien qu'il sache se battre, je perçois sa tranquillité de vivre.
Je comprend sa situation et un sentiment d'empathie me traverse, dans quelle aventure ce combat a-t-il plongé l'individu?

- " Et toi, l'homme au bob, que vas-tu faire hein? Retourner sur ton rafiot de bûcherons ? Continuer ta vie de rien du tout?" Cette dernière parole semble l'avoir plus marqué que les autres.
 " JE t'offre l'opportunité de changer ta vie, crois-tu que c'est ton capitaine qui te l'offrira?"

Mon regard se porte exclusivement sur la réaction de mon camarade, qui tient fermement sa canne à deux mains. La carte de l'orgueil, voilà ce que joue le Maître ! Et il n'as pas tort, le gars à un talent qu'il faut exploiter, notre adversaire a tout de suite compris où taper chez mon binôme.

Un grand soupir surgit de la bouche de mon infortuné camarade, qui se retourne dans la foulée.
- " Je t'emmerde le vieux, je fais ce que je veux !" Paroles évidemment surplombée d'un jolie geste du majeur " Mais j'ai pas fais tous les bars ici, et puis les filles sont pas mal, alors je veux bien tester ton école de danse."

La foule se partage entre rire et stupeur, pour ma part, je me réjouie de la décision de mon collègue. Je ne me retrouverais pas seul, et puis, j'ai tout autant à apprendre de lui que du maître.
Quant à ce dernier, il explose de rire [littéralement], un éclat qui transcende ceux de la foule.
- " HAHAHA... Je n'en attendais pas moins de toi !" dit-il en s'approchant de nous.
 " Vous êtes donc à partir d'aujourd'hui mes disciples, mes élèves. Vous me représentez, vous êtes mon image, mon reflet, chaque geste aura son importance. Écoutez, observez, analysez et vous apprendrez. Préparez vous, rien ne sera plus comme avant. Il n'y aura plus de jours de joie, mais que de la sueur, du sang et de la fatigue. Mais vous deviendrez fort, j'y crois."

L'effet de ce discours sur la foule la galvanise instantanément, contrairement à mon camarade au bob, qui du plus profond de son cœur lâche :
- " Bah putain, quelle journée de merde..."
C'est pour ma part le silence qui me porte jusqu'à la dispersion de la foule et des combattants. Le Maître nous avaient congédiés, avec comme rendez-vous son dojo à 08h00.

[Une bonne heure plus tard]

Je me retrouve donc seul, assis sur le banc voisin à l'espace de combat. Mes pensées sont floues, je me ressasse sans cesse les images du combat, chaque coup porté, chaque appui effectué.
Voilà ce qui me tracassait, j'ai trouvé... Mes sentiments sont partagés entre joie et honte, j'ai été vaincu aujourd'hui, soyons francs, un homme aussi rapide et puissant existe bel et bien.
Rien n'as été efficace, ni même ma force et encore moins mon expérience, car du plus profond de mes souvenirs, jamais je n'ai eu affaire à tel combattant. Il en existe pour sûre des bien plus forts, et moi, dans cet océan de puissance je ne représente rien.
Comment pourrai-je l'égaler ?
Arf, aller, je ne dois pas baisser les bras, mettre mon passé de côté et viser vers l'avenir. Ragnar compte sur moi, je ne peux le décevoir.

Demain une nouvelle aventure commence, pour moi, comme pour... Quel est son nom au fait?
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Dans quelle merde je me retrouve encore… Je n’ai jamais demandé ça. De la gnaule, des gonzesses, c’est tout ce que je désirais. De toute manière, j’ai compris, quoi que je fasse, où que j’aile, ça doit toujours mal se passer. Ras-le-cul. Je me retrouve à devoir suivre la formation d’un type que je ne connais pas et chez qui je n’ai absolument pas envie d’aller. Mon partenaire d’infortune, lui, semble bien plus enclin à l’idée de le rejoindre. J’aurais pu mettre une pièce là-dessus, tiens.

Huit heure, y’a pas plus tôt comme heure de rendez-vous ? Même pas le temps de profiter des spécialités locales… Si je ne me pointe pas, c’est probablement le genre à venir me chercher à coups de pied au cul. Quelques entraînements pour lui faire plaisir le temps que les bucherons traitent leurs affaires, puis je me tire fissa. Le salopard m’a quand bien cerné tout à l’heure, comprenant parfaitement que je n’ai pas l’intention de rester éternellement avec cette bande de bûcherons.

Le temps de me rendre au navire, l’heure est à la réflexion. À l’évidence, cette île ne m’inspire guère. Me retrouver devant une foule de dégénérés à casser des tronches, c’est vraiment pas pour moi. La castagne, c’est seulement quand c’est nécessaire, j’en fais pas un spectacle. Donnez-moi de la charpente à retaper, du boulot, et peut-être que là, je serais l’homme de la situation. Ça m’emmerde déjà bien assez de devoir m’entraîner avec une grosse brute.

Bref. Il est grand temps de pioncer, on verra la suite demain.


[•••]



Lendemain matin, à l’heure, en face du dojo de l’ordre du vent.


Les yeux complètement éclatés, je me tiens face à cette bâtisse. Une architecture assez basique en comparaison avec les autres dojos. L’hoplite est arrivé bien avant moi, mais il a miraculeusement jugé bon de ne pas m’adresser la parole. Belle analyse, collègue. Cela dit, je ne me vois pas lui imposer ce funeste silence matinal. Ma mauvaise humeur n’a rien à voir avec lui, alors autant mettre ça de côté.

« Tu m’as l’air bien motivé, n’est-ce pas ? », dis-je les yeux rivés vers ce dernier.

Mais assez rapidement, nous sommes interrompus par les portes qui s’ouvrent, laissant apparaitre la colossale silhouette de ce maître. Le regard toujours aussi assassin, ça me donne froid dans le dos. J’étais particulièrement énervé la veille, alors certains détails m’ont semblé plus petits qu’en réalité. Le formateur est bien plus grand, bien plus costaud que je ne l’imaginais. Je me retourne légèrement vers Patrocle, un peu plus épais que moi mais ridicule à côté de celui nous fait face. Et me concernant… Voilà.

« Vous êtes à l’heure, chers disciplines. », lâche-t-il presque soulagé. « Venez donc, venez donc. Une fois à l’intérieur, vous ne pourrez plus faire marche arrière. »

Il a bien dit qu’on ne pourra plus faire marche arrière ? Sous-entendu qu’il est toujours possible de le faire ? Génial. J’ai justement une nuit à terminer. Je pivote vers l’endroit d’où je viens, puis j’enclenche la marche. Je salue tout le monde d’un geste de la main, sifflotant un air inventé sur le tas. Soudain, une main agrippe mon épaule et, ni une ni deux, je me retrouve projeté jusque l’intérieur de ce dojo.

Je me réceptionne sur mes appuis, déjà remonté. Superbe matinée en perspective. L’hoplite est le second à rappliquer mais de son propre chef. Vient ensuite le grand machine qui, d’un subtil sourire, me fait bien comprendre que je n’ai d’autre choix que de subir son entraînement. Soit, c’est quoi la suite ? On se regarde dans le blanc des yeux ou on se fout sur la gueule ? Il m’a énervé donc je suis prêt à en découdre avec lui.

« Vous voyez les poids, là-bas, au fond de la salle ? Prenez-en dans chaque bras main et faites l’aller et le retour jusqu’au port. »

C’est une blague, j’espère ?

« Hors de question. », dis-je d’un ton convaincu.

Il se met à esquisser un énorme sourire. Qu’est-ce qu’il y a de drôle ?

« Tu vas prendre les plus lourds. »

C’en est trop. Je suis complètement fané.

« Mais qu’est-ce que tu me racontes ? T’es aveugle ou quoi ? Tu vois bien que l’autre est plus costaud, plus solide sur ses appuis, et surtout animé d’une forte volonté de progresser. », rétorqué-je d’une voix stoïque et grave.

Les bras croisés, son regard s’adoucit légèrement.

« Ne discute pas. Porte seulement. »

Je ne discute pas. Je porte et… mon dieu que c’est lourd. Le port est à environ une dizaine de kilomètres. Je tremble. J’avance difficilement, pas à pas, avec la crainte de voir un genou se rompre comme un bout de bois. Le pire reste la descente des marches, insoutenable, douloureuse et interminable. Vais-je pouvoir faire l’aller-retour ? Peu probable. Il va sans dire que l’épreuve est de taille. Je n’ai jamais souhaité quelque chose de cette taille.




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