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Les femmes et les enfants d'abord

Trevor a interrompu sa coupe pour fixer le petit écran de télévisio qui, jusqu'alors, avait du mal à instaurer son ambiance dans le salon de coiffure. Madame Gençon aussi s'est tue, pour la première fois depuis le tintement de la clochette suspendue à la porte d'entrée. Le journal régional les tient en haleine. Si les dernières informations parlaient de choses anodines, de l'inauguration d'un rond-point pour esclaves porteurs  à la journée des droits de la femme, aujourd'hui, il y a matière à tendre l'oreille.

"...tout de suite, notre envoyé spécial Laura Porter. Laura me recevez-vous ? "

L'image vire sur une journaliste avec une doudoune et des lunettes excentriques qui tient un escargophone estampillé RTV, une chaîne de propagande pour le Pape et la chasse aux esclaves, dissidents, subversifs. Derrière elle, l'hôpital de Rhétalia en proie aux flammes et à la fumée.

"Eh bien écoutez oui, je vous reçois très bien.

- Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qu'ils s'est passé Laura ?

- Eh bien écoutez, je suis actuellement devant les portes, ou ce qu'il en reste, du grand hôpital "le Prompt Rhétablissement" où se seraient produits les méfaits. On parle de deux étages entièrement saccagés et de tout l'immeuble en évacuation. Impossible pour l'instant de dire le nombre de blessés ni même de victimes. Les gens se ressemblent et, surtout, tentent tant bien que mal de se faire transférer d'urgence dans un autre centre hospitalier où ils pourront poursuivre eur traitement; lourd pour certains. Fort heureusement, l'incident n'a fait aucune victime du côté des hommes-libres.

- Merci Laura de ces précisions. On parle d'un incendie volontaire et non accidentel. Avez-vous eu un complément d'information à ce sujet ?

- Eh bien écoutez, non, pas encore, même si les Dresseurs présents parlent bien d'un acte criminel. Plusieurs membres du personnel se seraient interposés pour empêcher un patient de semer le chaos. Nous déplorons de nombreux blessés parmi eux, dont plusieurs femmes. Mais le lien entre l'incendie et le forcené n'est pas encore établi avec certitude. Cela dit, les forces de l'ordre étaient là avant les journalistes. Il ne fait donc aucun doute qu'ils ont reçu un appel bien avant que ne début l'incendie.

- Nous vous remercions Laura et vous redonnerons l'antenne pour de plus amples informations. Je suis avec le Professeur Bonasert Aryen, sociologue et auteur du livre "La soumission est un désir naturel". Un tel événement était-il à prévoir, Professeur ? "

Les coups de ciseaux reprennent sur les exclamations et la surenchère de madame Gençon. Rien ne va plus, le monde a des fuites par toutes les digues, on ne sait plus où planter son couteau. Trevor se contente de confirmer ses extrapolations en repensant au distributeur de boissons fraîches du rez-de-chaussée qu'il a vu en décombres fumants sur le petit écran. Sûrement que les réparations prendront des mois. Et il y aura des gardes à l'entrée pour trois fois la mise. C'est toujours comme ça. On sécurise ce qui a déjà été détruit, comme si le terrorisme frappait deux fois au même endroit. Et en même temps, c'est humain. Lui, il compatira devant son télévisio en décongelant ses épinards et ses blancs de poulet. Mais il se sent externe au problème, quand bien même il s'est énoncé à quelques rues de là. La clientèle ne parlera que de ça pour les prochains jours, certains annuleront même leur rendez-vous à son salon par mesure de sécurité. Comme si le terrorisme allait frapper à sa porte.

Dling dling!


Bonjour!


Il tourne la tête pour voir, tandis qu'il sent une odeur de brûlé provenant du dehors, un petit homme poisson absolument horrible. Il le suppose enfant au timbre de la voix, mais comment en être sûr ? L'être affreux l'observe, une veste blanche repliée sur l'avant-bras alors qu'il est rose nu. les jeunes. Et en plus, il n'a aucun cheveu. Qu'est-ce qu'il lui veut, cet esclave ?

Je peux quelque chose pour toi, petit ?

- Pourrais-je utiliser votre den den s'il vous plait ? C'est pour un appel local.

- Hmpf! Fais vite. C'est au mur du fond là.

Le petit chewing-gum gum remercie poliment et se fait oublier. Visiblement il appelle sa mère pour la prévenir de l'incident dont tout le monde parle. Y a pas d'école dans le coin, ce gamin devait travailler pour un maître qui l'a laissé prendre congé. Les homme-poissons n'ont pas la vie facile, Trevor le sait. Son dernier employé était un homme-poisson qu'il avait acheté pour une poignée de berries avant de devoir le revendre à l'arrivée de la saison creuse. Souvent des victimes, à qui on confie les plus basses besognes. Et pourtant, il ne peut s'empêcher de se crisper quand il en croise deux ou trois qui rigolent dans la rue.

"..et nous retrouvons Laura Porter, en direct sur RTV. Laura, vous avez du nouveau ?

- Eh bien écoutez, tandis que l'incendie est en train d'être maîtrisé et les blessés évacués, j'ai mené ma petite investigation sur le forcené. Les forcenés, en fait, puisqu'une troupe de malfaiteurs visiblement organisés attendaient le chef de la bande. Un contact interne m'a dit qu'il s'agissait de Rik Santa, un être réputé, si on en croit les infirmières,  violent, harceleur sexuel, pervers narcissique, atteint d'un trouble de l'oedipe et  machiste primaire qui exploiterait des enfants, de surcroit. Je suis actuellement en train de suivre leur trace. S'il ne s'agit pas d'une nouvelle attaque de révolutionnaires ni d'un esclave rebelle, il se pourrait que la menace soit extérieure."

Jeunesse sacrifiée, pense le coiffeur. Quand certains travaillent ou vont à l'école, d'autres saccagent sans vergogne. Faudra pas s'étonner que ça pète à ce compte-là, qu'on se dit tous les jours. Et voilà, un hôpital en feu. Le temple des soins dédiés aux citoyens comme aux captifs détruit par ceux qui n'ont plus foi en rien. Maudits criminels. Maudits pirates.

Non maman, je suis avec des amis.


" Je pense avoir trouvé les individus recherchés. Je ne sais pas si vous le voyez bien à l'escaméra, mais il y a bien un adulte accompagné d'une enfant."

Non, c'est un adulte, mais il est gentil. Il ne m'a pas proposé de bonbons, je lui ai pris son flan. Il y a un autre adulte, oui.


"Je vois un autre adulte avec eux, lui aussi en blouse bleue de patient. Je vais tenter de m'approcher. "

Lui parler ? Oui, je vais l'appeler, à tout de suite maman chérie! Monsieur Santa ! Ma maman aimerait vous dire un mot.


" Le petit groupe entre chez Trevor, le salon de coiffure. Sans doute pour y changer de visage. Nous avons visiblement affaire à des récidivistes. "

Monsieur Santa !? tonne la voix de l'escargophone, que vous sabotiez un coup en or préparé depuis ce matin, ça ne sera pas la première fois qu'un homme m'en aura fait voir. Que vous mettiez le feu à un hôpital, j'ai envie de dire que vous avez vos raisons et c'est vrai que les salles d'attentes étaient vétustes et que les staphylocoques dorés ont besoin d'une bonne leçon de temps en temps. Mais que vous restiez les fesses à l'air avec votre complice visiblement immigré et clandestin dans son propre Blue devant mon petit trésor, là je me sens obligée de m'en mêler. Le coiffeur fait la même taille que vous. Faites-moi le plaisir d'assommer ce petit salarié de l'image et de vous vêtir correctement!

Trevor, qui entendait suffisamment la marâtre pour en comprendre les propos, regarde Rik avec une lueur de légitime inquiétude. Il est vrai qu'ils font la même taille. Instinctif, il pose sa paire de ciseaux sur le plan de travail et lève les mains en l'air.

J'ai plein de vêtements à l'étage. C'est mon appartement. Prenez ce qu'il vous et ne nous faites pas de mal.

Au coin du mur, le petit écran retransmet:

" Eh bien écoutez, j'ai trouvé refuge derrière les poubelles sur le trottoir où se déroulent les faits. Nous voyons très clairement à présent que l'employé, un présupposé Trevor, est visiblement pris en otage ainsi que sa clientèle. Et je ne serais pas étonnée que l'intervention - probablement prochaine - des Dresseurs n'aboutisse au bain de sang que nous redoutons toutes et tous. C'est ici que ce drame va se produire, en direct sur RTV."
    Edenia, terre sainte disent-ils pffeuf, Marie-Joie c'était beaucoup mieux. Puis c’est quoi ces bâtiments à moitié rasés, quelques esclaves hommes-poissons et on en parle plus chez nous. Mais bon faut bien l'avouer c’est moins ringard que ces villes remplies de moutons et toutes ces conneries-là. Ici c’est une ville à potentiel, une ville où on peut aller loin ou comme dirait Runn, une ville où la taille des burns a son importance. C’est une petite teigne celui-là, je lui ai donné tout mon amour et tout l'amour de nos esclaves toute sa vie mais, il ne le rend que très rarement. Il est spécial comme moi, quand je dis spécial je veux dire que nous ne sommes pas comme vous, nous avons été touchés par la divinité même ce qui nous rend meilleur en tout point imaginable. Un peu comme si nous avions été choisie par dieu pour être, non je dis des conneries. Un peu comme si on était les égaux de dieux ! Sauf que depuis quelques semaines on a perdu nos droits de célestitudes... Pffeuf, ça me dégoûte..

    Depuis ce jour on dort dans la rue, dans des étables si on est dans un milieu à moitié sauvage peupler de fermier et d'autres mammifères et de temps en temps sur des bateaux pendant un voyage qu'on se paye grâce à Frederick qui fait toute sorte de travail pour nous ramener de l'argent. Pour le moment il est plus là, je lui ai ordonné d'aller chercher un truc pour moi. Il devrait revenir dans quelques jours et en attendant moi et Runn on a voulu s'imposer dans cette ville remplit de pseudos-dragons…

    Putin tu fous quoi, t'as cru on était encore chez les darons t’as pas deux heures pour te pomponner hein !!

    Runn, arrêtes de râler c’est dur, j'avais pas pensé que Frederick ne pourrait plus faire mes cheveux si je l'envoyais chercher un popito !!

    Putin, tu me gaves encore avec ces trucs-là… Avant je pouvais me calmer sur des esclaves et là j'ai plus rien !!! Je regarde ma soeur se refaire la tronche sur la vitrine d'une boulangerie remplit de monde !!

    Ouais bah me parles pas de ça moi aussi j'ai faim, j'ai du mal à ne regarder que mon propre reflet dans cette vitre à cause de toutes ces pâtisseries en arrière plan ! Mais apparemment on n’a pas assez de berrys pour en avoir.. Pfeuff !

    Si j'en suis à me refaire mes cheveux au milieu de la rue, c’est à cause de ce pseudo-salon de coiffure où j'ai été ce matin, on parle, on parle et un moment il me dit qu'il faudra payer. Je lui explique la chance qu'il a de pouvoir seulement toucher mes cheveux mais il a rien voulu entendre, Runn s’est énervé et a voulu tout casser mais on s’est retrouvé à la porte avec mes cheveux à moitié fait... Bon ça va j'ai pu rattraper le coup mais…

    Ho putin, ça va maintenant je vais chercher des pâtisseries. On n’y a droit bordel ces sous-êtres-dragons de mes deux c’est quoi comparer à moi !!!

    Runn s'approche de la porte en verre et la pousse d'une main, sans succès. Il met les deux mains sur la porte et la pousse de toutes ses forces pour parvenir à se faufiler dans la petite ouverture qu'il avait créée de ses petits membres divins.

    Runn qu’est-ce tu fous, reviens ! J'ai pas fini ma coiffure.

    J'ai fait ce que je pouvais pour ma coiffure, je me dépêche de rejoindre la porte de la boulangerie et pousse la porte d'entrée assez facilement, même si j'aime pas quand ça appuie sur mon poignet je me dépêche et je vois Runn. Il est bloqué entre deux personnes.

    Melinda sors-moi de là, j’vais tous les défoncer !!

    Il crie, il gigote, il menace mais personne semble l'entendre, ils ont tous les yeux rivés sur la tv.

    Hé mais, ils sont chez le coiffeur de tout à l'heure. Je tire Runn hors des gens et le place devant la vidéo, il est encore énervé mais il semble rester calme devant ces nouvelles. Hormis les paupières de son oeil gauche en pleine convulsion rien de son petit corps de bouge.

    Hé vas-y on se barre d'ici t’façon ce sont des loser, ils me regardent même pas, on retourne chez ce coiffeur et je dégomme tous, comme c’est filmé on se fera connaître et après à nous la gloire !

    tu crois ?

    bah oui c'est pas en disant s'il vous plait qu'on va tous recup' réfléchis ! la télé, les média. plein de personne vont me voir et certaine me remarqueront!! n'oublie pas qui on est, nous sommes destinée a devenirs des héros, ou des légendes. obligatoirement !

    Ouais t’as raison, en route alors !

    Nous voilà repartit vers le coiffeur, avec un peu de chance quand on aura réglé les problèmes il acceptera de finir ma coupe. On est à cinq minutes de marche du coiffeur donc on marche pendant cinq longues minutes pendant que Runn parle tout seul.

    Comment j’vais les niquer ces bouffons, en plus devant les escargocams, après à nous le respect soeurette, ça je te le dis, ces bouffons savent vraiment pas à qui ils vont avoir à faire !

    Il y met de l'énergie dans ces paroles ! Cette petite marche m’a un peu épuisée mais Runn semble être en pleine forme, il a trouvé une barre de fer à terre et la tient fermement entre ses quatre petits doigts. Moi je dégaine mon fleuret d'orée, c’est son nom, je l’ai appelé comme ça parce qu'il est dorée. Des fois Runn dit que j'ai pas assez d'imagination mais moi je trouve que fleuret d'orée c’est un beau nom pour un fleuret d'orée. J'ai pris quelques cours et je m'en sors pas mal. Bon, Frederick n’est pas là pour porter le sabre à ma place donc ça risque d'être un peu plus fatiguant que d'habitude m'enfin, c’est pas bien important.

    On voit les journalistes qui sont à côté du salon de coiffure en mode agent spécial sur terrain, Runn se tient à quelques mètres de la vitrine faisant des aller-retour parallèlement à celle-ci, la barre de fer traine à terre faisant un inquiétant bruit de fond.

    BON ECOUTE-MOI L’PYROMAN !!! TU VAS SORTIR DE LA DE SUITE PUTIN OU JE VIENS TE CHERCHER ET JE TE METS EN MORCEAU A COUP DE BARRE DANS LA TRONCHE !

    Moi j'étais juste derrière lui, rien ne semble bouger les premières secondes, j'en profite pour lui poser une question.

    Mais Runn, s’ils veulent pas obéir tu vas faire quoi ?

    Hé me fais pas douter hein, j'ai déjà mis plusieurs esclaves en morceaux ils étaient à terre en train de supplier pour leur vie, ici ça va se passer pareil c’est tout !

    Ouais, c’est vrai que Runn quand il y va, il n'a pas intérêt d'être sur son chemin. En plus il a la veine du front qui ressort, c’est jamais bon signe. Je sais pas ce qu'il a pour le moment mais il est plus souvent énervé que quand on était avec nos parents… Il ne sait toujours rien passé, il ne faut pas beaucoup plus de temps pour que mon frero perde patience. Il lève la barre de fer de ces deux mains et crie en courant vers la vitrine et PAFFFFF !

    Une petite fissure se forme sur la fenêtre, il relève la barre de fer et continue à taper sur la vitre de l'établissement ce qui laisse apparaître deux ou trois fentes et une dizaine de coup de petits impacts. D'autres personnes s'arrêtent et regardent mon petit frère tenter de péter la fenêtre, vieillards, enfants, dames, esclaves ou maîtres. Toutes sortes de personnes. C’est sur avec une occasion comme celle-ci on ne passe pas inaperçu ! J'encourage donc mon p’tit bout d'charbon et en profite pour envoyer son prénom, après tout la renommer se gagne comme ça non ??

    Ouais vas-y Runn !! Défonce cette fenêtre !!

    Les personnes alentours regardaient le "spectacle" et très vite quelques voix s'ajoutèrent à la mienne pour encourager mon frère dans cette épreuve de cassage de fenêtre. « Tu crois qu'il va péter tout l’immeuble? », « ch’ais pas mais on sera encore là demain si c’est le cas », « haha il me fait rire ce p’tit black, t’as vu ses fins bras ». « Vas-y tu peux le faire TU PEUX !! PREND NOTRE FORCE PETIT !!!"  

    Putin de f’nêtre c’est solide ces trucs là !?

    Des gouttes de sueurs transcendent son visage et il respire plus fort que l'habitude, comme s’il était fatigué. En entendant tous les « petits » que le public sort je me demande comment ça se fait qu'il soit resté calme lui qui déteste ce mot...

    Runn tu veux de l'aide ?

    NON !! JE POURRAIS L'ECLATER D'UN SEUL COUP MAIS JE DOIS ME CALMER SI NON JE VAIS LES TUER !!!

    Mon p’tit Runn tape de moins en moins fort, puis s'arrête et se place devant la porte du magasin.

    JE RENTRE, CELUI QUI EST PAS A GENOUX JE LE DÉFONCE !!!

    Runn fait un signe stylé aux caméras avant d'enfoncer la porte d'un violent coup de pied. Après la troisième tentative il donne un coup de barre de fer à la porte et décide enfin d'utiliser la poignée pour rentrer. A peine la porte ouverte qu'il rentre dans la boutique, je m'empresse d'aller vers cette porte pour le rejoindre mais je l'entends déjà hurler comme un animal.

    PAS DE PROBLÈME JE VAIS DÉFONCER TOUT LE MONDE !! WAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!

    Arrivée à la porte je ne peux m'empêcher de faire un sourire aux escameras suivis d'un clin d'oeil enjôleur, déjà rien qu'avec ces dix secondes d'images sur moi je dois avoir gagné pas mal de fans, je m'imagine déjà retrouver ma vie d'avant en poussant cette porte !
      Les forces de l'ordre de l'île ont un je ne sais quoi d'inhabituel. Tandis qu'on fuyait la scène de crime, j'ai observé plusieurs contingents armés remonter dans la direction opposée et un détail m'a interpelé : ce ne sont pas des marines. Quel plaisir. Mon seuil de tolérance à l'uniforme s'est restreint à sa portion congrue au fil des années depuis ma désertion. L'absence du sacrosaint Gouvernement Mondial me rassure. Avec ces tristes sires, tout est hiérarchisé, classé, analysé et décortiqué dans la plus parfaite froideur. Selon une lente et implacable roue procédurière dénuée de sentiments. En vérité, ils sont nos bourreaux. Responsables de la lente agonie de notre monde.

      Moi, j'ai horreur de l'ordre. C'était déjà le cas avant, mais mon dégoût de toute structure sociale établie a atteint de nouveaux sommets. D'où mon contentement d'être ici ce jour. J'assimile cette île rescapée du joug de l'oppresseur suprême à un terrain de jeu géant où je pourrai enfin laisser libre cours à mon sens des affaires et de la persuasion pour obtenir tout ce qui me passera par la tête sans essuyer les réprobations de quelque moralisateur trop zélé. Où je pourrai me tirer avec un minimum de bagout de n'importe quelle situation critique et gagner le respect et l'admiration de ces foules sous-éduquées et manipulables. Si je m'attarde dans le coin, peut-être même finirai-je Gouverneur, Roi, ou Ordonnateur tout puissant, selon leurs coutumes.

      Léa note mon air enjoué qui ne colle pas vraiment à notre situation. J'envisage un temps de lui expliquer que je joue un rôle pour éloigner de nous tout soupçon, mais opte finalement pour la franchise. Le nouveau Rik est honnête avec ses amis. Le nouveau Rik est un homme de principe, droit et pur. Et, aussi, le nouveau Rik se tamponne encore plus que l'ancien du jugement des autres, ce qui lui permet d'exprimer à haute voix absolument tout ce qu'il juge bon de dire. J'évoque succinctement le motif de ma bonne humeur à Léa qui, pourtant, ne partage pas mon enthousiasme. Je m'en étonne.


      Mais voyons, ne comprends-tu pas notre chance ? Nous sommes dans une de ces délicieuses contrées en proie à une loi du talion sordide où le crime équivaut à un haut fait d'armes. C'est le paradis ! Ici, qui viendra se soucier d'un banal incendie ? Notre petit forfait passera probablement inaperçu. Mieux, il pourrait nous ouvrir les portes d'une célébrité nouvelle, et de tous les attraits qu'elle prodigue. Relations, argent, pouvoir...
      Je croyais que c'était l'hôpital, votre paradis.
      Le paradis me retrouve partout où je me rends, petite. C'est la récompense pour ma philosophie naturellement innocente et optimiste. Tu devrais t'y convertir, cette vilaine moue boudeuse ne te va pas du tout.
      Vous dites n'importe quoi.
      Que le ciel te foudroie, jeune païenne !

      Léa entrouvre la bouche. Souffle. Et la referme sans un mot dans un soupir résigné.

      Je n'ai pas d'attention à accorder à ses caprices d'adolescente. Qu'elle cultive ce petit air renfrogné à son bon-vouloir, moi, j'ai mieux à faire. Je découvre, charmé, cette contrée enchanteresse et tous ses attraits. Ses océans de sable satiné, ses pyramides majestueuses qui nous observent tendrement, ses animaux exotiques qui sillonnent les rues sans que cela n'offusque ou ne choque personne. Et même, les petits êtres particulièrement imbus d'eux-même qui les montent. Tout me parait parfaitement adorable. Je suis conquis.

      Cheminant gaiement, j'expérimente un nouveau jeu avec Hans. Ou plutôt, j'explore les confins de la pensée humaine. Hans est un cobaye profondément sympathique, avec son sourire de surfeur pure souche qui en plus, ne s'offusque jamais plus de sept minutes durant puisque sa mémoire à court terme est endommagée. Tandis que nous marchons, je tente de le convaincre qu'il est non fumeur depuis que sa tante Eugénice est décédée par suffocation en avalant un mégot de cigarette. C'était un très gros mégot. J'en suis presque arrivé à le convaincre de me confier définitivement sa blague de tabac, ce qui ne serait pas du luxe, la mienne, avec le reste de mes frusques – y compris mon tendre blazzzer -  ayant probablement été réduite en cendres avec le second étage de l'hôpital. En plus, cela préserverait Hans d'une mort certaine. Je suis trop bon.

      Au bout d'une demi-heure de marche soutenue, nous marquons une première halte, le jeune Nicholas – oui, mon ami le poulpe est réel et porte, chose saugrenue pour quelqu'un de son espèce, un prénom strictement classique – manifestant le besoin d'appeler sa maman. Ce qui m'amène à deux conclusions : la première, c'est que la frétillante crevette est décidément bien jeune pour se soucier de sonner sa madre alors qu'il doit être tout au plus seize heures; la deuxième, c'est que la dite madre doit franchement pas être une gravure de mode pour avoir osé donner engeance à un machin pareil. Je commence à me figurer mentalement la laideur de la pauvre femme quand Léa me tire de mes songes.


      Dites.
      Hm...oui ?
      Je crois que nous sommes suivis.
      C'est normal, jeune fille. Vois-tu, dans les rues, les gens marchent. Dans un sens, dans l'autre... Techniquement, nous sommes tous suivis. Et tous suivants.
      Arrêtez de faire l'idiot.
      Hé bien, hé bien... que me vaut cette mauvaise humeur ? On a un gros chagrin ?
      Je vous préférais ivre. Ou mourant. Au moins, vous étiez vrai. Là, vous êtes simplement un pauvre type.

      Je vais pour me lancer dans une tirade de l'homme meurtri particulièrement inspirée quand la voix de Nicholas se fait entendre. Nous entrons dans la boutique. Moi, vexé, Hans, souriant, Léa... Léa. Je traverse la pièce, attrape le petit escargophone que me tend l'enfant et reçois fissa une soufflante remarquable. Que fort heureusement, je n'écoute qu'à moitié. En effet, un détail tout à fait burlesque et hautement plus important m'interpelle. Sur le Télévisio de la boutique, je reconnais... mon postérieur !

      "... Nous avons visiblement affaire à des récidivistes. Le groupe d'individus doit être considéré comme hautement dangereux. Je vous rappelle qu'ils sont à l'origine de l'incendie criminel de l'hôpital... "

      Je gigote. Je dandine. Un coup de hanche à gauche, un autre à droite. Et... oh, miracle ! La caméra  zoome encore sur mes fesses rebondies !

      " Il semblerait que l'un d'eux soit actuellement occupé à narguer les caméras... "

      " ... Faites-moi le plaisir d'assommer ce petit salarié de l'image et de vous vêtir correctement! "

      J'abandonne enfin ma contemplation pour revenir à la voix qui me houspille par le Den-Den. L'employé m'implore de ne pas tenir compte des directives et me propose même de me servir parmi ses effets personnels pour me composer l'accoutrement de mon choix. Quelle aubaine !

      Vous êtes un homme bon, Trevor. Madame, ne vous inquiétez de rien, j'ai la situation bien en main, j'ajoute au parlophone avant de raccrocher et de me retourner vers ma bande de petits sacripants.

      Bien, je vous confie la suite, il est temps pour moi d'aller enfiler une tenue certes un peu moins charmante, mais un poil plus civilisée !

      J'abandonne le rez-de-chaussée et gravis derechef quatre à quatre les marches jusqu'à l'étage. Mais là, quand je prends mon dernier appui... Une violente douleur se réveille dans la jambe gauche ! Terrible, totale. J'en hurle presque.

      C'est comme si le monde merveilleux selon Rik venait de perdre tout son éclat en un battement de cils. En boitant bas, je finis de traverser le couloir pour ouvrir une porte qui donne sur une salle de bain, puis enfin une autre qui me dévoile la chambre. La grimace marquée, j'entre et viens me porter à la fenêtre, pour vérifier si le décor féérique dans lequel je me promenais gaiement cul-nu quelques minutes plus tôt est toujours bien là.

      Cruelle désillusion. Dans la rue, un attroupement. Badauds prudents mais curieux, journalistes et caméramans, forces de l'ordre en bon nombre. Il y a même là une blondinette, et un curieux morpion qui s'entête à marteler la fenêtre de la boutique. Je fais une cruelle redescente vers la réalité. C'est l'enfer. Rik, nous sommes cernés.

      Oh, merde.
        Le départ de Rik laisse place à un silence de mort. Si Trevor et Madame Gençon en sont à ne pas vouloir éveiller l'attention, Hanz, Léa et Nicholas ne pipent mot. Le grand farfelu est le ciment de leur rencontre, les voilà à compter les taches de plafond au mur. Surtout, le jeune poulpe est intimidé en présence féminine. Léa est une superbe brune, avec ce petit côté femmelette de la rue qui n'est pas sans manquer de charme. D'habitude, les filles fuient Nicholas. Mais pas elle. Bon, les circonstances font qu'elle est bien obligée de partager le même aquarium. Mais tout de même, ça réconforte le petit bonhomme de constater que son apparence, pas plus que sa race, n'incommodent une fille.

        L'escargophone se remet à sonner avec une moue furieuse. Ils savent tous de qui il s'agit. Nicholas se prépare à répondre à sa maman quand Hanz, dans un oubli adaptable, s'invente une vie de coiffeur et répond à un tas de questions de la mégère qui veut tout savoir. Le binôme improbable communique du mieux qu'il peut. La bonne humeur de l'amnésique semble payer surtout quand il lui dit toutes les cinq minutes qu'elle a une jolie voix. La jolie voix ronchonne, mais baisse toujours d'un demi-ton dans ses aboiements. Pendant ce temps, un gamin frappe au carreau. Sûrement qu'il avait rendez-vous, vu sa coupe c'était urgent. Entre fer et mère, la cacophonie ambiante a le mérite de s'imposer au télévisio qui diffuse des images quasi fixes du salon.

        Pour tromper l'ennui, Nicholas jette des oeillades furtives à la brune par les nombreux miroirs de la pièce, en espérant qu'elle ne le découvre pas. Il cherche quoi lui dire. "Beau temps n'est-ce pas ?" Non, il ne pleut pas, c'est un temps bien triste. "Vous venez souvent ici ?" Allons, il voit bien que non. Ses cheveux sont un peu trop longs. " Un jour, j'ai mangé un poisson vivant gros comme ma tête." Ouais ! C'est bien ça ! Ça veut dire qu'il est un aventurier, un épicurien et qu'il aime relever des défis. Les filles aiment bien ce genre de bad guy, un peu casse-cou, un peu voyou. Allez, il la tient là. S'agit juste de le dire d'une traite, avec assurance.

        Hum hum ! Un jour, j'ai...


        PAS DE PROBLÈME JE VAIS DÉFONCER TOUT LE MONDE !! WAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!

        Un blanc s'installe, à cause d'un noir. Les malfrats en planque voient le guerrier à barre de fer du dehors se ruer dans le salon. Son énergie est admirable, mais que veut-il ? Runn observe Léa un instant. Elle est plus grande que lui et c'est une fille. Autant taper le plus petit tout rose. Son choix verrouillé, il casse la distance, court avec courage malgré un lacet défait et donne un puissant coup de barre sur la peau souple et un peu molle de l'enfant-poulpe. Puis un autre. Nicholas se rappelle en classe, quand son voisin de derrière lui donnait des petits coups de latte pour l'énerver. La niveau de douleur est équivalent.

        Putain bouffon rose j'vais te crever!

        Nicholas ouvre grand les yeux. Le coup de barre mouline dans le vide. En une fraction de secondes, le poulpe s'est accroupi pour balayer les jambes de Runn, le laisser retomber du ventre sur son genou et lui bloquer la nuque de sa paume. Nicholas est colère, ça s'entend dans sa voix.

        Technique ancestrale du Karaté Aquatique numéro 65: Rééducation !


        Hop, il défroque son agresseur d'un geste chirurgical, brandit la main haut dans le ciel, prêt à fendre briques et palettes de bois, puis administre une série de fessées au garnement. Runn, la larme au coin de l'oeil, jappe en appelant sa soeur à la rescousse. Sa soeur, justement, Nicholas la voit en relevant les yeux. Blanche et blonde comme une cigarette, lisse comme un cendrier sur un égouttoir. Les cheveux en crin de cheval d'été qu'on aurait brossé le matin même. Et ses yeux. Deux berries pas encore rouillés dans une fontaine aux souhaits. Quelle beauté! Plus âgée que lui, comme Léa. Mais à son âge, on s'intéresse toujours un peu plus aux filles plus mûres.

        Nouveau blocage. L'inconnue le regarde, surprise. Alors là, c'est sûr, elle va lui crier dessus s'il n'arrange pas les choses avec son frère. Comme si de rien n'était, il replace le pantalon de Runn au niveau de sa taille et ses pieds à celui du sol.

        Pssst! pousse-moi, maintenant!


        Si l'enfant noir était bien refroidi par la correction, il n'ose pas désobéir à ce poulpe très fort, que sa fin de période berserk a également rendu hideux à faire peur. Il s'exécute néanmoins et  lepercute d'une main tremblotante. Poulpidou pousse sur ses jambes pour s'expulser vers l'arrière. Il bouscule et renverse même un des sièges du salon pour s'encastrer dans l'un des trois grands miroirs. L'expérience lui a fait mal, mais ça en valait le coup. Négligeant quelques coupures au dos, il saute du plan de travail, siffle et embrouille:

        J'ai débloqué vos chakras de l'énergie vitale du ki de la mana, jeune maître. A présent, votre force est décuplée quand vous vous battez pour une cause juste. Avec ceci, dit-il en plaçant la main sur ce qui doit contenir son coeur.

        Le bluff semble fonctionner, parce que Runn observe ses mains tandis que Mélinda ne lui envoie pas la sienne dans la figure. L'enfant se met même à élargir un sourire pour rire de bon coeur.


        Putain ça troue le cul!

        Euh, juste, jeune maître ?

        Quoi ?

        Votre chakra restera à plein potentiel tant que vous ne direz plus de gros mots.

        Voyez-vous, tout être vivant est doté d'un flux dormant que seuls quelques experts peuvent éveiller. Le guerrier qui emploie son énergie vitale crée un courant harmonique que nous avons l'habitude d'appeler dans le jargon : le courant harmonique. Ce courant n'est à pleine puissance que si le guerrier se restreint à une stricte circonspection quant aux paroles qu'il profère. Autrement dit, pas de gros mots. C'pas bien.


        Les femmes et les enfants d'abord Poli10



        Celui qui dit des vilaines choses ou fait de vilaines choses pousse son énergie vitale à le quitter et aller vers les abysses, où il n'y a que des méchants crabes et du plastique. Régénérer sa force demande alors beaucoup de temps. Certains même n'y arrivent plus. C'est pour ça, faut pas dire de vilain mots. Ça rend faible.




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        Nicholas est fier de son petit exposé. Et il peut, Runn semble convaincu. Au moins pour l'instant. Il s'entraîne même à frapper dans le vide avec sa main ou sa barre. Au moins, ça l'occupe. Un instant, il tourne la tête vers Léa, potentiellement dubitative quant à l'idée de mentir à un enfant pour le canaliser. Il hausse des épaules en guise de réponse toute autant approximative. L'incident semble évité et c'est le principal, pour l'heure. Le poulpe n'a plus qu'à sortir une jolie phrase d'approche et Mélinda, dont il ignore le nom, sera son amie elle aussi.

        Eloignez-vous de la fenêtre!


        En effet, dehors, les Dresseurs se sont rassemblés et ont éloigné la foule, à l'exception de Laura Porter, toujours camouflée derrière ses poubelles. Nicholas se précipite vers les carreaux, se penche en avant et expulse un grande quantité d'encre qui recouvre immédiatement toute la baie vitrée. Plus de contact visuel pour les gens du dehors. Tandis qu'il s'essuie la tête et le dos d'une serviette chaude de barbier, la voix du poste récupère l'attention.

        "...et il semblerait que nous ayons du nouveau à propos de la prise d'otages, notre envoyée spéciale, Laura Porter, est toujours au coeur de l'information au péril de sa vie. Nous entendez-vous toujours Laura ?

        - Eh bien écoutez, oui, je vous entends. Bien que le brouhaha ambiant rende ma tâche difficile. Derrière-moi, vous pouvez entendre les escouades Terre-neuve et Labrador sont sur place et préparent une intervention nécessaire et regrettable dont nous vous retransmettrons chaque détail.

        - Merci Laura. A-t-on du nouveau du côté des terroristes ? Nous avons vu deux autres enfants entrer. Sont-ils des sujets du Pape ?

        - Eh bien écoutez, non, nous ignorons à l'heure actuelle qui ils sont. Tout ce que je peux vous dire, c'est que l'un des preneurs d'otages a, comme nous l'avons vu sur les images d'RTV, violenté un des intervenants. Nous parlons de torture infantile même, puisqu'il y a eu administration de la fessée, et ce à plusieurs reprises. Des images très dures, d'autant que la victime était probablement une personne libre. En effet, les sévisses provenant d'un homme-poisson, il ne fait aucun doute qu'un crime racial est à ajouter à cette liste - déjà lourde - des abjections commises par ces ravisseurs.

        - Des images terribles en effet. Sait-on ce qu'ils désirent, Laura ? Ont-ils formulé des revendications ?

        - Eh bien écoutez, non, du moins, pas encore. L'escouade Terre-neuve a tenté de les escargophoner, mais la ligne semble volontairement détournée. Comme s'ils voulaient couper toute communication, à moins qu'ils réservent la ligne à d'éventuels complices. Les Dresseurs enquêtent en ce moment à ce sujet.

        Ce que je peux vous dire, c'est que le petit bonhomme noir s'est défait du terroriste et a visiblement riposté. S'en sont suivies des négociations dont nous ignorons encore tout. Et depuis qu'ils ont obstrué la vue que nous avions du salon, nos options pour parvenir à un compromis semblent minces. Le Maître-chien Rex Cubitus se prépare à ordonner l'assaut. Tandis qu'une partie de la brigade enfoncera la porte, d'autres membres postés sur le toit descendront en rappel pour couper toute retraite aux malfaiteurs. "[/color]
          Pousser la porte de cette misérable petite boutique m'énerve déjà. Je leur fais de la pub alors qu'ils ne la méritent pas... Enfin je dois surtout penser à la mienne de pub ! Il y a plus de monde que ce matin mais aucun d'eux ne se font couper les cheveux. Il y a un vieux type à moitié nu et aux petites lunettes ringardes au téléphone qui tourne son regard sur moi. Il me fait un sourire en me montrant son pousse. Une brune me regarde d'un air étonné, faut bien que je l'avoue pour une "simple" personne elle est plutôt jolie. Mais elle manque d'assurance, ou de confiance en elle peut-être… Contrairement à moi qui en déborde !

          Mes yeux se posent ensuite sur mon petit Runn couché sur les genoux d'un petit homme, il reçoit des coups sur les fesses, peut-être est-ce un jeu ?? Nous arrivons enfin au plus beau spécimen de la pièce. (Sans me compter parmi les spécimen bien sûr.) Le petit homme qui joue avec mon frère. Vous savez après dix-sept années j'en ai vu passer des esclaves hommes-poissons, lui est encore jeune mais je sais depuis bien longtemps qu'il faut les prendre jeune pour en tirer un maximum à l'âge adulte. Il a déjà des petits traits qui forment ses petits muscles de n'enfant homme-poisson esclave. Des trous dans le corps et sur le sommet du crâne une espèce de mal formation qui fait penser à une grosse queue de rat. Il a sûrement des capacités de poiscaille avec ces deux éléments.

          Mon regard se pose plus sérieusement sur lui, il lève la tête et me regarde quelques secondes avant d'arrêter de jouer avec mon frère. Il lui parle et Runn l'envoie violemment valser au travers de la pièce. Le petit homme-poisson revient ensuite faire un speech qui semble intéresser Runn mais que je n'écoute qu’a moitié. Après tout ce n'est qu'un homme-poisson qui parle, je ne vois pas ce que pourrait m'apprendre une conversation entre deux gosses. Non ce qui attire mon regard c’est la couleur du petit être des mers. Un rose qui fait penser aux cerisiers en fleurs, aux boules de gomme à mâcher goût fraise, à une rose rose ou encore à un flamand. Bref tant de choses que j'aime observer bien qu'elles soient inutiles.

          Je ne suis pas la seule dans cet état à la vue de ce rose, ils regardent tous le petit homme gesticuler autant sa bouche, que ses petits membres mais voilà notre attention attirée par un écran. On y voit l'extérieur de la boutique et malheureusement c’est du direct... Ca aurait été décalé de quelques minutes j'aurais pu assister à ma propre entrée.. J'ai vraiment pas de chance sur ce coup là... Pour rattraper le coup je me dis que je pourrais aller près de la fenêtre et regarder l'écran en même temps mais au même moment que cette superbe idée me vient à l'esprit que le petit truc rose jette un liquide noir sur les fenêtres. Génial donc les trous ça ne sert qu’à ça ? On peut choisir la couleur ça se passe comment ? Parce que si c’est que noir c’est pourri, on veut plus de rose ! Je veux plus de rose. En pleine contrariété mon petit frère vient devant moi et me montre son biceps droit en pleine action.

          Hé Melinda regarde comment chui trop fort !?

          Mais oui t'es le plus fort mon petit bonhomme !!

          Je le tire par le bras et lui offre un de mes câlins, il gigote, il râle, il se débat mais il n’a pas le choix. Je le lâche après quelques secondes et il m'explique ses délires de gosse pour me venter les pouvoirs de la poiscaille rosâtre.

          Puis en plus ce noir est tellement profond, tu sais j’l’aime vraiment bien même si c’est un enfant-poisson, on pourrait tenter de l'élever il est encore jeune et tu sais quand on..

          Oui je sais papa nous le disait tout le temps, quand on les prend jeune on en fait ce qu'on veut.

          Voilà exact, en plus il m'appelle déjà maître. J'aime ce genre d'individus qui ont déjà tout compris en un simple regard.

          Mouais il m’a à peine regardé moi, c’est qu'il y voit pas bien clair ton nouveau futur esclave..

          Pffff !! S’il est bien, tu comprends jamais rien ! IL ME REND PLUS FORT PU.. BON SANG !!!!!!!!

          Runn s'énerve et envoie un violent coup de barre dans une des chaises qui recule d'au moins un bon mètre. Des fois j'ai du mal à le comprendre, c’est sûrement la différence d'âge, il doit être dans une histoire mentale assez complexe donc je laisse bien vite tomber, Frederick serait là je lui aurais demandé d'écouter Runn à ma place mais il est pas là. Bon le destin m’a peut-être amené ici pour ça après tout... Puis si ce petit homme rose nous tourne autour comme ça depuis tantôt c’est pas pour rien, lui aussi il le sent...

          Ecoute mon frère.

          Après l'avoir tiré par le bras je le place devant Runn qui m'exprimait son désaccord, j'appellerais ça le test numéro un. J'aime pas les esclaves qui n'écoutent pas quand on leur en donne l'ordre, il regarde à gauche à droite quand tu leur parles... Rien que d’y penser j'ai envie d'entendre des cris de douleur. Enfin, ce petit test me fera voir s’il est déjà un minimum élevé ou non.

          Une fois les deux gamins rassemblés, je remarque que la brune me regarde toujours bizarrement, quant au type au téléphone il n’a pas bougé et me renvoie un pousse pointé en direction du plafond en me souriant. La brune se dirige vers moi en jetant un regard à mon petit Runn et me tend la main.

          Salut, chui Léa. Qu’est-ce que vous venez faire ici ?

          Une des étapes dans une rencontre c’est de se serrer la main, des fois même se faire la bise. C’est pas agréable à faire surtout avec ce genre de personnes. Mais ça ne se fait qu'une fois par jour au grand maximum. Je lui sers donc la main d'un air hautain avant de rétorquer :

          On venait pour passer à la télé ? C’est ça Runn ??

          Attend je parle avec Nicholas ! Quoi ?

          Je dis on voulait passer à la télé c’est ça ??

          Ouais, bah ouais on voulait, la gloire, la célébrité, des femmes et de l'or à profusion. Je ne me doutais pas qu'en poussant la porte de ce buibui, je trouverais autant de force, et ça s’est grâce à Nicholas !

          Runn est tout sourire et tapote le dos de ce "Nicholas" homme-poisson en même temps. Cette Léa est toujours devant moi comme si notre échange n'avait pas duré assez longtemps. Plus par malaise qu'autre chose je lui envois les quelques mots qui me viennent à l'esprit histoire d'effacer le petit blanc qui s'installe.

          Et toi tu es venu te faire coiffer je suppose ? C’est vrai qu'un coup de peigne, quelques coups de ciseaux et un masque de beauté, ça te ferait du bien.

          La brune tourne son regard vers l'écran quelques secondes avant de revenir sur moi.

          Les dresseur commence à s'empiler dehors, on n’a pas le temps de blaguer il faut se barrer d’ici, sinon on est tous dans la merde. On n’a pas le temps de causer brosse à cheveux ! Je vais appeler Rik.

          Madame brunasse doit être elle aussi dans un rêve éveillé ou dans le même espèce de délire enfantin que mon frère. Elle se retourne et monte les escaliers qui sont un peu plus loin. J'aperçois une autre dame assise sur une des chaises de coupe, les cheveux sur le sol me laissent imaginer que c’est une cliente à moitié finie. Je pourrais peut-être commencer le test numéro deux et dire à ce Nicholas de finir la coiffure de la dame. S’il gère dans le domaine j’aurais même pas besoin d'un test numéro trois !!
            Je scrute encore l'avenue quelques instants en plaçant tout mon poids sur ma seule jambe valide. L'équation est simple. Nous, barricadés dans ce salon de coiffure dramatiquement classique et dépourvu d'identité, le monde grouillant et quelconque à l'extérieur. C'en est un bel échantillon qui se masse là, très représentatif d'une forme de société modèle. Citoyens anonymes, faibles et fouinards, esclaves dociles et courbés, pseudos-journalistes vraisemblablement à la solde du pouvoir en place et hommes en armes musculeux. Ici, un chameau, là, un Long-bras. Dans le coin gauche de l'horizon, deux pyramides. C'est beau. Pas souvenir d'avoir déjà fait face à public si dense.

            La douleur a ça de bon qu'elle m'aide à remettre toutes les pièces du puzzle à leur place – il était temps. Mes sutures qui ont sauté, ma plaie lavée et traitée. Mais aussi les incidents de l'hôpital – désolé pour ça – le rôle joué par Léa pour sauvegarder ma guibole, celui de Nicholas dans mon évasion. Tout me revient comme si je lisais l'article condensé d'un événement majeur. Il subsiste des questions, il manque encore quelques développements satellites, mais globalement, je cerne l'enroule.

            Pourtant, de tout comprendre, loin de me faciliter la tâche, m'amène plutôt à une certaine forme d'incompréhension globale vis à vis de l'ensemble des péripéties qui nous ont conduits ici. Vis à vis de "ça". Moi, planqué derrière une paire de rideaux opalines très vieux jeu, engoncé dans le jean gris mort et la veste sans-manche, sans charme, d'un parfait inconnu. Qu'est-ce qui s'est passé, bordel ? D'accord, je n'avais pas exactement déterminé un plan précis, mais c'était pas une raison pour que tout parte à vau l'eau.

            Soupir dépité. Je me suis encore mal démerdé. Qu'est-il advenu de toutes ces belles résolutions, Rik ? Cueillir le jour, cultiver la vie ? Foutre le feu à un dispensaire en assommant généralistes et chirurgiens, c'est ça ta vision de la liberté ? Un peu léger. C'est pourtant pas faute d'y croire, mais, il y a toujours un grain de sable pour déclencher l'avalanche avec toi. Merde, ta tendance au foirage et à l'autodestruction ne connaissent aucune limite. Tu es encore loin d'être un homme accompli. Je vais devoir me surveiller, me discipliner. M'éduquer au quotidien. Mon dieu. Est-ce donc cela, qu'agir en adulte ? Non, non ! Quelle horrible vision. Va t-en ! On va plutôt faire comme d'habitude.

            On va " trouver quelque chose ".

            Dans l'urgence. Et qui ne requière aucune débauche d'énergie. En fervent partisan du moindre effort. Quoi qu'ici, le choix me soit imposé. Cette jambe me fait un mal de chien. Je pioche dans la blague de Hans dont il m'a délibérément et prudemment fait don et m'allume une roulée. Il n'y a plus qu'à prendre connaissance du plan génial qui se cache quelque part dans ce petit cône de magie.

            Il me reste à peine deux taffes à tirer quand Léa me rejoint dans la chambre. Elle appartient à cette catégorie d'individus dont on peut lire l'humeur sur leurs traits. Je distingue là, souci, inquiétude, tourment. Hm. Je vois. Pour ma part, je me suis assis au niveau de la plinthe de la fenêtre pour soulager mes jambes de ma carcasse dégingandée et je sais d'expérience que ma mine ne reflète en rien mon état préoccupé du moment. L'expérience du Gambler.

            La jeune me demande comment je me sens, comme on parle du temps. C'est une sorte de rituel pour briser la glace. Je ne réponds pas. Dans un sens, je n'ai rien de nouveau à lui apprendre, pas de ressaisissement miraculeux à annoncer, et je n'aime pas la monotonie.

            Et puis, il y a plus important.


            Comment vont les gosses ?
            Bien. J'espère...

            Voilà qui manque cruellement de conviction.

            Tu es sûre que ça va ?
            Oui...

            Et puis, d'un coup, son visage s'empourpre. Ses yeux s'allument, sa voix se découvre une énergie nouvelle dans le coup de sang et elle explose, maladroitement, comme un enfant trop sage excédé, submergé et qui n'a pas l'habitude de sortir de ses gongs.

            Non, ça ne va pas ! Bien sûr que non, qu'est-ce que vous croyez ? Vous avez vu où on se trouve ? Qui il y a dehors ? Et en bas ? Ça ne va pas du tout ! Vous... vous m'écoutez au moins ?!
            Comment tu me trouves, ainsi ?
            Pardon ?
            Les fringues, jeune fille. Elles vont bien sur moi ?
            Euh...oui...

            Je hausse un sourcil inquisiteur, avide de vérité qui la fait se sentir enfant de nouveau l'espace de deux secondes. Elle concède :

            Un peu petites.
            Mouais. Je me disais bien... Pardon, tu disais ?
            ... non, rien.
            Et les morpions ?
            Ne les appelez pas ainsi.
            Bon, bon... alors ?
            Je les ai conduits au port avec la consigne de ne parler à personne.
            Et si on les interroge ?
            Ils sont en sortie scolaire et attendent leur professeur et le reste de leurs camarades.
            Futé. Viens, on descend.
            Qu'allez-vous faire ?
            Ce que je vais faire ? Sortir bien sûr.

            Et je quitte la chambre. La jeune en reste incrédule.

            En boitant, j'emprunte l'escalier et avance, marche après marche. Je sens le regard inquiet de Léa soutenir chacun de mes pas. Je ne peux rien y faire. Certaines personnes sont préoccupées de nature, il est très difficile de les changer. L'exercice de la descente est douloureux mais pas insupportable. Parfois, il suffit de serrer les dents et les choses s'arrangent d'elles-même. En rejoignant le reste de notre insolite bande au rez-de-chaussée, je crève le silence et offre une distraction. Je me sens dévisagé, ce qui réveille en moi comme un doux sentiment de stress disparu depuis bien longtemps. J'aime cette sensation. Elle est grisante.

            En dépit de l'absence de lumière franche – le salon n'est éclairé que par quelques timides abats-jours, je relève la présence de deux nouveaux visages; deux autres enfants. Le petit furieux qui tambourinait contre la fenêtre auparavant et une blondinette qui fera un beau brin de femme dans trois ou quatre ans. En revanche, je ne m'explique pas ce qu'ils font là.

            Sans parler, je traverse la pièce et m'approche des pupitres.


            Excusez-moi, beauté, que je lance à la cliente que le compliment ne laisse pas insensible même si elle joue l'effarouchée.

            Hop, j'attrape une serviette. Tout blanche, toute propre. Et je file à la porte d'entrée.


            Éloignez-vous des fenêtres, ça vaudrait p'tetre mieux, je dis dans un calme sourire.

            Et j'ouvre. Pendant deux-trois secondes, je reste à l'intérieur, exhibant simplement au grand jour mon drapeau-blanc improvisé. J'ai tout le loisir de suivre du regard mon petit auditoire à l'intérieur, pour le moins surpris. Puis, les coups de feu ne pleuvant pas, je m'enhardis et sors tout entier de l'établissement pour venir me planter sur le perron, une main en visière, mon symbole d'armistice dans l'autre.

            Et voilà. Je suis là, bombardé de soleil, à toiser deux cents pèlerins en tout genre, avec ma serviette de barbier et mon nouveau futal moulant. C'est extra. Une grosse bouffée d'excitation m'attrape. Une fièvre furieuse. J'en ai des picotis du bout des orteils à la racine des cheveux. Il se passe une seconde où je me dis : " Mec, qu'est-ce que tu fous là ? ".  Le premier couillon venu trop anxieux ou trop zélé n'a qu'à m'aligner comme à l'entrainement. J'hésite à me carapater mais c'est plus fort que moi. Braver le danger, ça m'éclate. C'est le pied total. Mais je ne peux me cantonner au silence trop longtemps. Chaque battement de cil augmente mes risques de finir en passoire.

            Allez, Rik, faut pas abuser des bonnes choses.


            Bonjour à tous. Ravissant chapeau, madame. A-hem ! Il y a à l'intérieur un Den-Den que nous libèrerons dans quinze minutes précises pour ouvrir les discussions avec vous. On n'est pas exactement partis du bon pied, mais sachez que nous aimerions éviter toute violence inutile. Pas besoin de vous rappeler ce dont nous sommes capables, pas vrai ? Je vous demande donc de ne rien tenter d'inconscient d'ici là ! Merci de votre attention.

            On pivote gentiment. On fait un pas, un autre. On rentre et on referme. La pénombre m'aveugle presque. Je prends une seconde pour respirer.

            Pfouh. C'était géant. Je demande à tout le monde et personne à la fois :


            Alors, j'étais comment ?

            Léger temps mort.

            Ne vous en faites pas pour la suite, j'ai un plan.

            Tout est question de mental dans les situations de crise. Et si je dois endosser le premier rôle pour garantir le moral des troupes, autant le faire avec brio. Prestance, assurance, panache. Je viens d'irradier la pièce entière d'ondes positives. Je le sens dans les regards, j'y ai insufflé stupéfaction séduite, espoir, admiration, selon la paire d'yeux. Et en plus, j'ai gagné un quart d'heure de répit.

            Ça ne pourrait mieux aller.

            Enfin... il me reste toujours à trouver un plan, quoi.
              Nicholas reste face à la porte d'entrée, prêt à en découdre. Pour refaire son ancre, il sirote un des jus d'orange rescapés de la raflé à l'hôpital. Le bruit de l'air qui s'infiltre dans la paille est rigolo, mais lui ne s'amuse pas. L'oreille attentive aux informations, il attend l'intervention préparée par les escouades. Pour celle plantée sur le toit, il ne peut rien faire. Mais tous ceux qui passeront par cette porte auront droit à sa résistance. C'est sa maman qui a dit. "Trésor, ne laisse aucun de ces hommes-moule t'attraper. Ils n'ont même pas d'uniforme et leur condition d'esclave fait qu'ils sont en-dessous de nous sur l'échelle sociale. Traite-les comme du krill". Bien reçu, maman. Pas de négociations avec les têtes de pyramide.

              L'attaque arrive! Mais pas de la porte. Des bras doux, mais fermes l'attrapent, le soulèvent et le posent devant Runn. C'est la fille blonde, la jolie grande. Pourquoi elle l'enlève de là ? Il faut que quelqu'un surveille ? Mais c'est une grande personne à tête normale, alors il obéit et il reste assis. Runn et lui papotent un moment. Au début, le turbulent veut tout savoir sur tout, même sur ce que personne ne connait. Nicholas joue son rôle comme il le peut. Après quelques questions sur le karaté aquatique, qui ne se pratique pas qu'à la piscine municipale au grand soulagement de son disciple, le rose va chercher de la mousse à raser après avoir poliment demandé au barbier médusé de tout ce qu'il est en train de vivre. Un fchhhhhh plus tard, Nicholas avait une jolie barba blanche de vieux maître pour expliquer tout et surtout n'importe quoi. Runn ne tarde pas à lui dessiner en prime des sourcils, vu qu'il en est totalement dépourvu. Puis une armure de mousse au design incertain, mais qui a l'avantage de beaucoup les faire rire. Par manque d'expérience, le poulpe en oublie même les informations. C'est dommage que le sujet soit tellement actuel, il y a une chouette autre chaine de spectacles de marionnettes pour les jeunes esclaves. L'intrigue consiste souvent à se faire gronder quand on désobéit ou à dénoncer ceux qui ne veulent plus s'accomplir aux corvées, mais au moins c'est joli et rassurant, ce cadre où chaque chose a une place. A la place, il a droit à...

              "...Professeur Alain J. Rance, à quoi peut-on s'attendre à présent en cas d'intervention de nos dresseurs ?
              - Moui, c'est une question difficile, voyez-vous? Nous ne savons rien de ces énergumènes, seulement qu'ils sont armés et dangereux. Vous n'êtes pas sans savoir qu'Edénia est une cible privilégiée du chaos ambiant. Entre les incursions révolutionnaires, les attentats politiques sur nos plus hauts dignitaires et la cité encore partiellement en ruines, je dirais, et vous me pardonnerez ce trait d'esprit un peu insolent, que Rhétalia est certainement vu comme un terreau fertile aux graines de l'insurrection. En réalité, il n'en n'est rien. Nous intervenons partout, nous faisons régner l'ordre et chaque mois apporte son lot de vitres neuves pour remplacer les brisées. Alors, pour répondre à votre question sans détour, à quoi doit-on s'attendre ?

              Je dirais que les terroristes ne vont probablement pas se manifester. Ils ne sont là que pour le chaos, et quoi de plus chaotique qu'une absence de raison ? Je suis prêt à manger ma broche s'ils se manifestent avant l'intervention de nos forces de l'ordre dont je ne doute pas qu'ils sauveront la totalité des otages ayant survécu à leur intervention. "

              Nicholas veille à ce que Runn ne prête pas trop attention aux informations. Personne en fait. Dans sa tête, il cherche une issue. Le toit est condamné, le bâtiment aussi. Des égouts ? Ils doivent en avoir, c'est une très grande ville. Mais les humains survivent-ils dans les eaux usées ? Il ne peut pas bâtir un plan pour lui tout seul, tout le monde doit s'en sortir. Quand Mélinda le charge de finir la coupe de madame Gençon, il tente d'exprimer ses inquiétudes et recentrer sur l'urgence du plan.

              Ewaaa...euuuh...meuuu.....

              L'argument ne fait pas mouche, l'adolescente s'avère intraitable. Alors, il saute sur le plan de travail du coiffeur, fait pivoter le siège de la cliente et demande des instructions claire à Trevor. Ce dernier fait au mieux, plus inquiet pour les oreilles de sa bavarde qu'autre chose. D'ailleurs, Nicholas tente de rendre son titre à Gençon avec qui il n'a aucun mal à parler car elle n'est pas assez belle pour être une vraie fille.

              Et alors, comment se porte le petit dernier ?
              - Je n'ai pas d'enfants.
              - Votre mari ne voulait pas ?
              - Il est décédé.
              - Ah! En voulant vous faire un enfant ? C'est ça ?
              -...

              Rien, malgré ses efforts. Il y a des gens qui se complaisent dans le renfrognement il faut croire. Nicholas, il s'amuse. Comme Gençon a un début de moustaches, il se sert de la mousse sur son corps pour lui badigeonner le visage comme les pros. Une moustache, c'est l'éclaireur de la barbe. Il faut faire table rase pour montrer à ces vilains poils que madame Gençon ne se laissera pas faire. Quelques coups de lame plus tard, il n'en reste que les rides et un teint de plus en plus pâle. Un peu de lotion après rasage et on peut reprendre la coupe. Le résultat plutôt réussi.

              Et voilà, la coupe du chef!

              Gençon affiche le même crâne lisse que Nicholas. Il lui montre le résultat au miroir. Cri de joie qui ne sera interrompu que lorsque Nicholas lui mettra une sucette en bouche pour son bon comportement. Pouce levé à Trevor qui mime, les genoux tremblotants. Pauvre homme, il est resté debout trop longtemps. Il était temps que Nicholas soit là pour l'aider.

              Asseyez-vous monsieur Trevor. Vous avez bien mérité de vous détendre. Ma maman dit toujours que les coiffeurs sont des gens respectables, bien plus que les livreurs de nourriture qui ne prennent pas la peine de demander comment nous allons.
              - Co...comment allez-vous ?
              - Je me porte bien, merci monsieur. C'était ma première coupe vous savez ?
              - Oui.....joli travail!
              - J'ai déjà coupé une jambe, mais jamais des cheveux.
              - Glurps!
              - Même s'il y avait des poils sur la jambe, ça ne compte pas ha ha ha! Je reviens, il faut que je raconte à ma maman.

              Le petit bonhomme sautille jusqu'à Hans qui lui laisse le combiné avec une infinie sympathie. Trévor ne finit pas de dire à madame Gençon que ce n'est pas si mal quand Rik sort de la porte du fond pour confirmer ses dires, sortir et devenir un personnage de télé. Tous observent, écoutent, profitent. Petit silence. Nicholas revient au monde réel quand la voix de sa mère reprend:

              Il n'avait rien de ravissant, le chapeau de cette dame. Pas impressionnée. Quant à la ligne, qu'il demande un nouvel escargophone, au lieu de vouloir nous voler le nôtre.  La ligne est à tout le monde! Oh ? On sonne à la porte, tu peux aller ouvrir ?
              - Ah, ça va être un peu difficile, maman. Mais je peux essayer si tu as le temps
              - Ça va, mon trésor, maman va éconduire ces enquiquineurs. Sûrement un voisin qui veut du sel, ou un témoin du dieu des océans. Grrrrrr.... Bon, je reviens mon petit corail, je rappelle dans cinq minutes. Je t'aime. Au revoir. Je t'aime. OUUUUUIIIIII J'ARRIVE!

              La communication coupe, Nicholas raccroche. Un quart d'heure, ils ont quinze minutes pour écouter le plan de Rik. Le petit poulpe rejoint les autres, la porte et le télévisio bien dans le champ de vision. Par curiosité, il lève le doigt et attend que le négociateur lui donne la parole.

              Est-ce que les humains meurent dans les égouts ?
                Depuis ce matin une chose me fait l'effet d'une grosse épine dans le pied. Plus précisément depuis que j'ai quitté ce même salon de coiffure ringard il y a quelques heures. Mais maintenant que je suis ici, devant cette glace qui reflète parfaitement mon doux visage je n'ai plus de doute, même si l'éclairage est pas top je vois bien que ma coupe n'est pas constante, droite. Qu'il lui manque quelque chose ! Je ne peux vraiment pas continuer la journée comme ça... Je ne peux pas compter sur le gamin rose après ce qu'il a fait à cette femme mais je ne peux pas sortir d'ici comme ça, surtout avec les escameras qui me filmeront à peine cette porte poussée.

                C’est sûrement à cause de ma coupe que ce type a préféré parler à l'autre vieille ou les gens dehors pffffeuhh. Bon à moi de m'imposer du coup. Je me tourne donc vers cet homme au torchon blanc qui semble en imposer dans ce petit groupe d'individus. Même si ses habits ne sont pas adéquat à ce rôle de "chef" qu'il tente d'interpréter il est claire que c’est lui le "boss" donc s’il se montre docile les autres suivront sûrement...

                Excuse-moi, je veux qu'on finisse ma coupe de cheveux. Du coup il faudrait trouver plus d'éclairage pour que celui qui coiffe y voit un peu plus clair.

                Lui aussi il devrait y voir un peu plus clair quand je serais sous les projecteurs, même s’il a de la merde dans les yeux vu la façon qu'il a de s'habiller.. Ce mélange entre danseur étoile et riche pas trop riche me font voir son manque de goût indéniable dans le domaine des vêtements, ce qui est sûr c’est que je prendrais jamais un gusse comme ça en tant que sélectionneur d'habits journaliers officiel pfeuhff.

                Ha ! Et je n'admettrais pas de ratures, les escameras sont juste sur le pas de la porte. Celui qui prendra les ciseaux a intérêt de me satisfaire ou il goûtera à la pointe de fleuret dorée..

                Ne demande pas ce qui t'es dû, impose-le. Et comme tout met dû, bah.. J'impose pas mal de choses. J'attrape les ciseaux qu'il y a à côté d'un des sièges et les tends à Rik tout en m'observant dans la glace. Au même moment, sans même que Rik n'ait le temps de me répondre quelque chose tire sur le pantalon de mon interlocuteur, ce quelque chose c’est Runn.

                Hé Hé Hé !!! Regarde en bas, Hé, c’est quoi que t’as dans l'bec ? J'veux un aussi t’as la classe comme ça l’vétéran !

                Sérieusement, il ose me couper alors que je suis en pleine demande, puis c’est quoi ce petit surnom bidon, l'vétéran. Il y avait franchement mieux, je sais pas moi le défraichi ou l'vieux croulant !

                Hé j'étais en train de parler tu joues à quoi ?

                Moi je me posais une question donc j'ai le droit de parler m’chauffe pas maintenant ou je vais tout casser ici.

                Pfff pfff PFFeuhhfffff, t'as même pas réussi à casser la vitre alors fais pas style.

                On est habitué à se bagarrer, s'en est même devenu plus un jeu qu'une réelle bagarre. Mais bizarrement je veux gagner ce jeu et Runn aussi. Donc des fois ça redevient une vraie dispute. Ou on utilise vraiment les mots qui font mal. Bien sûr on n’est pas encore à ce stade là, la ce n'est que l'échauffement, c’est encore mignon et plein d'amour.

                Hé ! JE l’ai pas CASSE parce que JE voulais pas la CASSSER cette vitre OK !?

                Ha hi ho hu hu hu !!

                Putin arrête de rire comme ça sérieux !!!

                T’façon il doit me couper les cheveux laisse ce type tranquille, tu l'auras après.

                Non c’est moi qui le veux maintenant. Es toi, file-moi ce que t'as dans le bec !

                Non c’est d'abord moi, TIEN, prend ces ciseaux !!

                Putin tu m’gaves !

                Runn empoigne le bas de la veste bleue de l'homme qui doit s'occuper de mes cheveux et il le regarde d'un air menaçant.

                File-moi cette fumée maintenant ou ça se passera mal !

                L'enfoiré il utilise sa technique de persuasion qui marche avec tout le monde sauf les parents !!! Je dois absolument faire quelque chose, l'homme a la serviette reste de marbre depuis tout à l'heure, en même temps il faut dire qu'il a pas vraiment le temps de parler mais est-ce vraiment important qu'il ait un nouveau moment de parole ????? Je reprends les ciseaux vers moi et croise mes bras, je fais ma tête cinquante pour-cent fâchée, cinquante pour-cent triste, le tout légèrement incliné vers le sol et le regard droit dans les yeux de Rik. Une de mes techniques qui a déjà marché quelques fois avec les parents et très souvent avec nos « ex-amis ». Si Runn vise haut je dois viser encore plus haut n’est-ce pas ? C’est ce que je fais, le seul problème, la glace qui est sur ma droite. Ma pose est parfaite, mon minois d'ange fait le travail, c’est sûr. Mais je pourrais me voir si je tournais juste un petit peu la tête et moi j'ai envie de me voir ! Mais, j'ai aussi envie de gagner contre mon frère. Gagner quoi ? Je sais plus trop à vrai dire, je vois mon reflet du coin de l'oeil et ça me trouble. Donc si le vieux qu'il y a juste devant moi me remarque pas plus que Runn j’y comprends vraiment rien !

                C’est pas juste j'étais là avant UMMMFF. C’est toujours la même chose, Runn est petit et mignon donc tout le monde s'occupe de lui et JAMAIS DE MOI !

                C’est un truc élaboré, une technique en plusieurs étapes et re-visitée au lieu auquel je me trouve. L'étape numéro deux c’est de lui tourner le dos et de bouder cinquante pour-cent triste, cinquante pour-cent malheureuse. Car oui il y a une différence entre les deux. Mais cette fois je ne me tourne pas totalement et choisis de me mettre de profil à lui. Me voilà enfin face au miroir, je suis vraiment trop craquante comme ça mon reflet me rappelle tout de même que quelqu'un doit toujours me couper les cheveux. Je défais un de mes bras de leur noeud et tends les ciseaux à Rik qui est sur ma gauche.

                Un cours instant de silence s'installe mais sortis de je ne sais où l'homme poisson vien lui aussi mettre son nez sur mon coiffeur. "Est-ce que les humains meurent dans les égouts ?" qu'elle question étrange, je n'en sais rien... mais quand j'aurais gagner contre Runn je lui dirais "sûrement que oui si on est porter par des hommes poissons !!!"
                  Y'a toujours un moment où je me concentre pour rester réglo avec les autres. C'est comme ça, instinctivement, j'ai tendance à les imaginer enfermés dans de sordides petits clapiers où ils se lamentent, docilement bien sûr, sur leur captivité. Ils sont tristes, inoffensifs et pitoyables. Et moi, je lis le journal à côté d'eux, avachi dans un fauteuil de maître avec ma clope, mon cendare, ma bière et un rayon de soleil volé sur South Blue. Et puis après, je m'efforce de les représenter bons, loyaux, compatissants et ravissants d'une humanité naïve. Ils portent des chapeaux colorés, des tuniques rétros bariolées, mangent des barbes à papa ou d'énormes bâtons de réglisse en éclairant le monde de leur regards candides. Ils construisent des atèles pour des petits oiseaux blessés et s'émerveillent de faire des barages de cailloux dans les rivières. C'est une vision très particulière qui me plait assez, car, comme dans la première, on m'y fout la paix. Et en plus, dans celle-ci aussi, je peux y fumer librement ce qui dédiabolise totalement l'image de la cigarette. Et ça, ça me plait.

                  Ce qui me plait moins généralement, c'est la réalité. Ce sont ces deux morpions tyrans qui réclament sur eux toute l'attention. Ça mériterait une paire de beignes et on en parle plus mais, à côté de moi, il y a Léa qui prend beaucoup trop vite le titre de conscience sévère. Je suis pas sûr qu'elle approuverait mon traitement expéditif du caprice des deux jeunes à base de revers de mains slicés, elle qui patiemment en encadre une portée entière chaque jour.

                  J'hésite un brin. Je vois le moutard qui s'accroche à mon avant-bras blotti dans une petite cage, puis affublé d'une perruque et d'une paire de bretelles kitchs. Évaluation interne des possibilités. C'est une situation de crise. Restons cool.


                  Tiens mon gars, tire là-dessus comme un homme ! Que je dis en enfournant ma clope dans son bec.

                  Le gamin est fier comme tout. Il y va franco et se bouffe un concentré magnum de tabac dans les bronchioles qui l'envoie dans une grande quinte de toux avant la fin de sa taffe. Blondinette part dans un rire moqueur que je récompense en reportant mon attention sur elle. Je fais tourner sur lui-même le siège où elle est assis sur un, deux, trois tours même tout en parlant.

                  Quelqu'un a demandé un coiffeur d'exception ? Il se trouve ma chère, que je suis le plus incroyable manieur de coupe-tif de tout ce continent. Je me suis occupé de têtes illustres, et la mienne est toujours sur mes épaules. C'est dire si je suis doué.

                  Et hop, je stoppe le petit manège et cale Blondy devant la glace. Bien sûr, elle doit avoir un minimum le tournis et c'est tant mieux. Elle n'en aura que plus de mal à juger mon travail. J'approche de moi un petit meuble d'appoint sur roulettes garni de tout un régiment d'ustensiles – peignes et ciseaux essentiellement - qui me semblent globalement identiques les uns les autres. J'en pioche deux au hasard et réfléchis en me donnant le genre d'un professionnel, les mœurs équivoques en moins. Et puis je commence mon speech en recasant pêle-mêle tout ce que, de mémoire, peut raconter un coiffeur à son patient – hm, son client – avant l'opération.


                  Tu as un visage très intéressant. Des courbes marquées, franches. Du caractère. Et ces cheveux oh ! Des cheveux fins, maniables, faciles à coiffer... Je sais ! Je sais exactement ce qu'il te faut !

                  Je n'en ai aucune idée. Mais qu'est-ce que je baratine bien. De toute façon, j'ai un plan génial. J'en coupe le moins possible, différence minimes, risques mineurs. Ni vu ni connu. Et sitôt fini, on file à l'anglaise. J'ai repéré une ouverture depuis la fenêtre du premier. En une ou deux galipettes, on sera sur les toits et il ne restera qu'à tenter sa chance dans une fuite rocambolesque. Mais on n'en est pas encore là. Bon. C'est parti. J'attrape les ciseaux que me tend ma "cliente ". Que le show commence.

                  Schlik !

                  Merde. C'est une mèche de six centimètres au moins qui vient de rendre l'âme. Tu te fous de moi Rik ? Un coup de ciseaux et tu t'es déjà vautré ? C'est limite un exploit, là, comment tu t'es démerdé ? Bon, restons calme, y'a pas péril en la demeure. On n'a qu'à couper de six partout. Schlik schlik Schlik. Hm... C'est carrément pas net tout ça. On dirait ta démarche un soir de cuite. Bordel, Rik, applique-toi. Tu vas pas te laisser avoir par une paire de ciseaux, non ? De la régularité. De la précision. Hardi, bon sang ! Tu sais faire jongler des jetons comme personne, tu dois savoir couper des cheveux. Fais-le. C'est un ordre, Caporal.

                  Les coups s'enchainent. Dans un tempo qui s'emballe. Lento tout d'abord, puis déjà, d'Allegro, on bondit sur un Presto. Je suis un chef-d'orchestre enthousiaste. Je me prends au défi. Ça peut pas être si compliqué de couper des cheveux. C'est comme marcher sur un fil. Ne pas se retourner, ne pas regarder le chemin parcouru et surtout, ne pas s'arrêter. Les mèches s'envolent, la frénésie du mec qui connait son métier me prend à un détail près, je n'y connais rien. Pourtant, l'enjeu me galvanise ! Le petit auditoire rivé à mes gestes, l'air supérieur de la petite Duchesse habituée à se faire servir qui feint une sieste pour mieux me rappeler toutes les quarante secondes le châtiment qui m'est destiné en cas d'échec. Pas que je puisse prendre la menace au sérieux mais le stress de l'enjeu m'envahit, me transcende.

                  Coup d'œil régulier à Léa. Mon baromètre dans le match engagé. Parfois elle fait grise mine, se reprend, grimace et sourit au gré des manœuvres. Et j'ajuste en fonction des mimiques. Arf, quel suspense. C'est laborieux mais j'y mets tout mon cœur et je sais même pas pourquoi. Je devrais peut-être m'enfuir ? Les semer brusquement ? Non, en l'état actuel, tu es sans doute l'individu le plus lent dans cette pièce. Et puis... je sais pas, j'ai pas envie de lâcher l'affaire. C'est amusant, ce truc. Je... j'ai envie de bien faire. Diantre, Rik, tu me surprends ! T'es véritablement en train de t'appliquer dans ce que tu fais. C'est à ne pas te reconnaître. Allez, on tient le coup, jusqu'au bout !

                  Et plus j'avance, plus la masse de cheveux réduit. Déjà, les contours d'une idée me gagnent. Je caresse le feu sacré, je suis prêt à ouvrir mon salon. La toison s'étiole mais loin d'une explosion capillaire, elle mue en quelque chose de vaguement cohérent. La mayonnaise prend. Une silhouette émerge. Continue. Soigner les finitions, la nuque, les courbes autour des oreilles, la frange. Je manie les instruments, adapte les mouvements. Suis mon inspiration. Tout se passe très vite. Je n'ai que quelques minutes. Déjà, on touche au but.


                  Les escaméras vont t'adorer, tu vas devenir une vedette !

                  Je dépose les outils, attrape une bombe de laque. Grandes vagues de vaporisation, partout où c'est possible. Les mains grandes ouvertes, on coiffe, on soigne, on aère. Dernier coup de doigts pour fignoler l'ensemble. J'ai fini. J'admire mon travail. C'est la classe. C'est frais, c'est provocateur. C'est moderne. Je lève les mains, rejette mon matériel et gueule, convaincu de ce que j'affirme :

                  Ça y est Blondy, t'es une rock star maintenant !

                  Blondy ouvre les yeux. L'auditoire attend, est suspendu à sa première réaction. Je me penche vers le petit Nicholas et murmure, pour ne pas briser la tension qui s'est emparée de la pièce.

                  Pour info, les humains meurent dans les égouts.
                    Mes yeux sont fermés depuis un bon moment maintenant, Frederick met bien moins de temps.. Les coups de ciseaux s’enchaînent, Schlik, schlik, schlik et leur nombre a l'air plus élevé que toutes les autres fois où on m’a coiffée. Du temps, des Schliks en masse... Il doit me faire une coupe vraiment détaillée et parfaite ! Au début je ne lui faisais pas confiance pour cette tâche, je l'avoue sa dégaine a beaucoup jouée pour ce préjuger mais quand il m'a lâché ces quelques mots... C’est là que j'ai su que je pouvais croire en lui. Après tout il a bien remarqué que j'étais pas comme les autres ! C’est forcement quelqu'un de bien.

                    De temps à autre j'entends Runn tousser, j'espère que ça lui fait mal. Sinon bah je suis impatiente !!! Oui parce que je ne ferme pas les yeux innocemment. C’est pas pour les protéger, non juste pour les préparer ! J'aime m'auto surprendre de cette façon là, tomber nez à nez avec la plus belle créature des sept mers à peine les yeux ouverts c’est mon kiff ! Mon rituel ! "Les escaméras vont t'adorer, tu vas devenir une vedette !" Je sens que le moment propice arrive pshhht pshhhhhht… Pshhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhht.... Pshhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhht. Là je sens l'abus de lac...

                    Ça y est Blondy, t'es une rock star maintenant !

                    Mes fines paupières s'ouvrent enfin et…
                    _
                    Cette excitation m'en a presque fait oublier mon devoir de conteuse !!! Runn a bientôt fini son nouveau jouet, il inspire puis tousse en crachant de la fumer. Je vois pas vraiment ou c’est cool de faire ça mais bon, au moins il ne cassait plus les Couil... A personne. Faudrait que je lui en demande deux, trois en cas d'urgence, je ne l'imagine pas refuser après le temps que je lui ai accordé à jouer dans mes cheveux, ce serait bien mal poli de sa part.

                    A peine le dernier brin de tabac transformé en cendre que la machine redémarre. Il a ce petit air mesquin qu'il prend qu'en cas de vengeance, je le sais car il me regarde souvent comme ça. En fait, il regarde tout le monde souvent comme ça... Il va discrètement vers la fenêtre recouverte d'ancre et pose son index dessus. On peut lire un plaisir indescriptible sur son visage alors qu'il est en train de faire glisser son doigt à travers toute cette ancre.

                    Petit, silencieux, discret sans oublier le sourire maléfique. Tous les ingrédients sont là, je ne peux que me demander ce qu'il va encore faire.
                    _
                    A cet instant je suis forte embêtée... Je ne sais même pas quoi faire. Je viens de poser les yeux sur une véritable déesse anarchique. J'en suis consciente, mon cou est plus dégagé, on voit mes oreilles et j'aime mon cou et mes oreilles ! Mais j'aimais aussi mes cheveux et maintenant ils sont à terre...

                    Je...

                    SERIEUX !??? Hé Nicho tu veux qchte crève ? Je pensais qu'on était pote.. D'où tu veux m’buter !

                    Runn me coupe la parole une fois de plus et se dirige vers l'homme poisson, je suis tellement déstabilisée que je n'ai même pas envie de l'insulter ou de lui montrer qui c’est la grande soeur. Je n'ai pas vraiment de critiques constructives à faire sur cette coiffure même si je la trouve beaucoup trop courte. Mais comme il faut quand même bien que je dise quelque chose...

                    Bon, j'aime pas le rock.. J'aime les cheveux longs.. Bouge pas je reviens.

                    J'ai besoin d'avis, mais pas n'importe quel avi, celui d'un pro et des pros il y en a dehors. Je me dirige vers l'entrée et j'ouvre la porte. Ca ne semble pas plaire à tout le monde mais ma description est prise. Je mets les deux pieds dehors et clappe la porte derrière-moi. Face à moi se tiennent pas mal de gens, ils me regardent tous sans faire aucun bruit, je suppose qu'ils sont impressionnés !

                    Un escaméra avec la journaliste, parfait ! Je me dépêche d'aller vers elle. En m'approchant j'entends qu'elle parle déjà de moi, j'espère que les critiques sont bonnes !!!

                    -Elle se rapproche de plus en plus Kent, je crois qu'elle se dirige exactement vers moi pour tout vous dire. Elle ne semble pas avoir la démarche d'une otage épris de panique pourtant mais elle ne semble pas bien pour autant, le petit avec qui elle est rentrée aurait-il réglé la situation, serait-il blesser ?! La réponse de suite, re-bonjour mademoiselle vous allez bien ? Pouvez-vous nous donner des infos sur ce qu'il se passe à l'intérieur ?

                    Euh, oui je viens justement en parler avec vous.

                    -Bien alors nous vous écoutons, dites-nous en plus. Avez-vous été victime de violence, les gens à l'intérieur sont-ils armés ?

                    DAMN ! Ca a l'air de marcher, il s'intéresse beaucoup plus à moi que quand je suis rentrée.. Les escraméras sont bien braqués sur moi comme il me l’avait dit. Je réponds vite et je rentre !!

                    De violence, c’est marrant que vous en parlez comme ça. Oui ça a été assez violent pour moi à l'intérieur mais ici ça va mieux et bien sûr qu'ils ont des armes vous êtes marrante !!! Puis comme vous pouvez le voir ils savent les manier hihihihihi !

                    Laura me lance un regard d'incompréhension, je décide de faire demi-tour à la deuxième seconde de silence et regagne le salon. Sur le chemin je pose les yeux sur la vitre teintée pour y découvrir le dessin de Runn. L'outil masculin dans toute sa splendeur. Il ne changera donc jamais...

                    L'homme a pas bougé ou pas beaucoup, tant mieux.

                    La coupe me convient, on se voit demain pour remettre un peu de pshht ?

                    Je suis on ne peut plus sérieuse, s’il travaille quotidiennement mes cheveux, il va s'y habituer et me faire des trucs de plus en plus dingue ! Puis comme ça il peut remplacer Frederick tant qu'il est pas là et l'alléger s’il devient meilleur hihiihi !
                      Au revoir. Je t'aime. OUUUUUIIIIII J'ARRIVE!

                      Suggéré-je à l'inopportun aux frappes persistantes de l'autre côté de la porte de l'appartement. Nicholas absent, il me fallait, nonobstant la fatigue accumulée telle la poussière sous le tapis de l'homme célibataire moyen en passe de tenter son premier dîner à domicile, répondre et, surtout, éconduire ce gêneur opportuniste. On ne tambourine guère à la porte des gens à l'heure du journal, surtout quand son fils il passe au télévisio. Mais voilà, une femme, quand bien même est-elle mère émérite, doit parfois s'adonner à quelques obligations de ménagère modèle.

                      Ce n'est pourtant pas ma porte qui se fait rosser, pas plus que ce n'est mon appartement. Si je me décolle de ce canapé au cuir remarquable, avance sur ce carrelage aux teintes de bois laqué et jette un oeil un judas qui m'en présente un autre, farouchement planté sur le paillasson, c'est pour sauver les apparences. Le voisin pense que je suis la gardienne de l'appartement. Que je suis venue veiller, en attendant le retour de croisière des époux Boulard et de leurs progénitures, toutes deux en pleine saison de l'appareil dentaire. On les voit distinctement sur leurs photos récentes encadrée sans décence au salon. Cela dit entre nous, je fais bien mieux que veiller aux biens d'un lieu hors de prix, je veille au bien d'une famille hors des valeurs. Les Boulard s'accordent des droits par leur fortune, moi par mon infortune. Notons que, grâce à moi tout de même, le courrier ne s'entasse pas négligemment dans la boîte qui ne ferme pas du hall d'entrée, non non non! Ici, il est remonté, classé, soigneusement ouvert et lu. Si bien que cet appartement ne déplore aucune solitude depuis le départ, oserais-je dire l'abandon, de la petite famille qui, de toute façon, paye à plein-temps l'occupation des locaux. Autant qu'ils profitent. C'est bien légitime.

                      Par l'oeilleton de verre, je distingue une petite tête d'un petit homme avec de petits yeux vitreux, surlignés avec insistance de rides bien plus rosâtres que son teint diaphane. Comme s'il s'était greffé un visage en peau de méduse.

                      Les femmes et les enfants d'abord Dishon10

                      Inutile de se repasser en mémoire les albums souvenirs de la famille Boulard, l'uniforme informe de la venue d'un représentant de l'ordre local. Un dresseur. Un officier, de surcroit.  En détaillant le décor, je peux voir un garde coiffé d'une pyramide grotesque en guise de couvre-chef intégral. Sont-ils là pour le homejacking ? Le voisin, fieffé capon, m'aurait-il dénoncée ? La situation semble pour le moins critique. Alors, que faire ?

                      Il ne faut jamais, au grand jamais, invoquer une quelconque excuse pour ne pas avoir à ouvrir la porte. La fuite de la confrontation ne manquerait pas de nourrir l'assurance du scélérat qui n'en n'attend pas tant pour ses appétits latents. Non. Il faut, avec l'assurance qui sied à la femme moderne, tenir d'une main ferme la poignée de verre de la porte d'entrée, la tourner d'un coup d'un seul, et surtout:

                      Si violenter les portes vous excite tant que ça, je connais une adresse où elles rendent les coups. Une minute. Z'êtes un poil trop vieux pour être un scout, vous.

                      Voix indignée, mais avec un peu d'humanité, pour masquer la peur. Le petit être plisse un sourire en figeant son regard de glace dans mon espèce. Une femme-poisson, il ne l'attendait pas celle-là je parie. Ou bien, c'était précisément ce qu'il espérait. Sa voix à lui est sèche et froide comme une cave à archives policières.

                      Qui êtes-vous ?

                      Je t'arrête, mon grand! C'est toi qui viens vérifier que mon huis sonne bien creux. Et même que si je t'avais laissé faire, t'y aurais collé ton oreille pour voir si t'entendais la mer je parie. Vous qui vous-êtes ?

                      Mes excuses, répond-il avec un excès de patience bien trop polie pour être honnête. Je suis le Maître Pavilov. Auriez-vous, madame, l'extrême amabilité de me laisser entrer un instant ?

                      Hmpf! Mademoiselle!

                      Inutile de préciser que je n'ai pas le choix. Il entre. Le garde fait le pion côté couloir. Un grand homme armé d'une lame lourde qu'il tient sur ses épaules. Comme les autres de son rang, il ne parle pas, il ne bouge pas, ce n'est qu'une statue de chair qui bloque l'entrée. Ou la sortie. Pavilov, par contre, il s'anime. Bien ceint de son manteau vert consigne verrouillé de chaînes d'argent. Ses bottes cirées claquent à chaque pas, son regard balaye tout, même ce qui est propre, mettant autant à l'aise que s'il avait lorgné mon tiroir à sous-vêtements. Je le sens tout détailler, reconstruire l'appartement dans sa tête. Comme je l'avais fait moi-même.

                      Edenia est la capitale du verre. Dans la salle principale composant ce loft, huit immenses baies vitrées laissent entrer la lumière sur deux pans de mur, à travers les tentures blanches. Tout est clair, y compris les quelques colonnes de marbre qui entoure la salle et recouvre la table de la cuisine en forme d'amande. Le canapé est les deux fauteuils cubiques tranchent avec la rondeur des lampes, mais tous sont encadrées d'armatures chromées. Quand la pierre et l'acier ne s'expriment pas, tout est transparent. Les tables, les chaises, les escaliers, les divers objets décoratifs. Même les cadres des photos sont en verre. Les pièces d'échecs en verre blanc ou poli. Le grand écran de télévisio déroge à la règle en jouant les publicités. J'en profite pour changer de chaine, consciente que le journal exposant mon fils ne me facilitera pas la visite. Pavilov complimente l'endroit tout en notant les deux tasses de maté sales sur la table, mes pantoufles d'emprunt flanquées près de la cheminée rassemblée en un long tube de métal.

                      Vivez-vous seule ici ?


                      Vivre ici , j'aimerais bien. Je suis venue voir ma soeur. Elle crèche ici avec son rejeton.


                      Votre soeur ?


                      Lumina. Je pensais que vous étiez-là pour elle. Elle garde l'appartement pendant que les propriétaires vont de tanner le cuir en croisière.

                      Lumina garde l'appartement de la famille Boulard, je comprends. C'est une chance inestimable. Lorsque je m'absente de mon foyer, jamais je ne laisse les esclaves vaquer tranquillement dans ma propriété.


                      Hey, je t'arrête tout de suite, poussin, Lumina n'est pas une larbine. Ni une rhétalienne du reste. Madame Boulard et elle se sont rencontrées dans un gala de bianfaisance, il y a un moment. Sympathiser avec des homme-poissons n'a rien de dégradant en dehors d'Edenia. Et encore, même ici, les mentalités changent.


                      Allons, ne vous vexez pas, qu'il a le culot de répondre en tirant une tige de tabac de son veston, je suis moi-même une connaissance de Patricia Boulard. Je la savais progressiste, mais de là à confier son appartement à des minorités ethniques. Surtout en cette période de crise.

                      Justement, c'est la crise. On était de passage, autant loger chez des amis que se faire attaquer dans sa chambre d'hôte par des extrémistes non ? Je vous déconseille d'allumer votre cigarillo, vous n'êtes pas plus chez vous que moi. Et c'est Cynthia, pas Patricia. Patricia, c'est sa fille.

                      Avais-je dit Patricia ? s'étonne-t-il en rangeant sans contrariété son cigare taille slim. Je voulais dire Cynthia.

                      C'est ça oui, et moi je taille du 36. Tout en me félicitant d'avoir tissé un mensonge sur base de ce que j'ai appris en deux jours de vie ici, je fais chauffer de l'eau pour un thé. Ou ce qu'il voudra bien boire, si je ne m'en sers pas avant pour l'ébouillanter. Il guette ma nervosité, mais mauvaise pioche. Je suis nerveuse de colère, pas de peur. Ma main ne tremble pas, ma respiration est à peine plus lourde que la normale et je ne cherche aucune excuse pour lui fausser compagnie, ni précipiter son petit jeu. La chaîne sur des musiques locales diffuse un air relaxant de bon aloi avec l'ambiance, quand un énergumène en culottes courtes ne la court-circuite pas. Je fais mon petit ménage, accompagne les dials des mes propres instruments. A l'instant, percussion de la cuillère contre la tasse en sol majeur.

                      Avec tout ce petit rituel, je n'ai même plus la tentation de voir via les infos si mon petit va bien. Je sais que mon non-invité ne me croit pas pour l'histoire de Lumina, mais c'est ce que j'ai trouvé de mieux et ça me donne un rempart. Je peux ignorer des choses, Lumina elle sait. Il faut jouer le jeu, ne pas vouloir aller plus vite que la musique.

                      Thé ? Café ? Maté ?

                      Ne vous dérangez pas.

                      J'allais m'en préparer pour faire une pause. A mon âge, on a les yeux qui commencent à vite fatiguer, surtout dans un air si sec.

                      J'ai cru remarquer que vous faisiez de la broderie, s'enthousiasme-t-il en jetant un regard au bureau bordant l'une des baies vitrées. Que réparez-vous au juste ?

                      Je ne répare pas, que je fais en me tournant vers lui. Sourire fier, un peu charmeur. Vas-y ma belle, montre-lui à quel point son numéro de fouineur ne t'incommode pas. T'es une star.

                      Je confectionne, finis-je par confier avec un effet assumé. Sans vouloir me vanter, ni trahir mon âge, j'ai plus de trente ans de métier dans les doigts. Eh oui. On dit souvent que la couture est un métier d'hommes, à cause des difficultés de réparer la voilerie en mer. En vérité, il faut de l'endurance et une grande capacité de concentration. Et si vous avez le petit don artistique qui va avec, rien ne vous est impossible. Alors, un thé ?

                      Café noir, je vous prie.

                      Il veut prendre son temps, moi aussi. Je veux prendre tout son temps.


                      ***


                      Le quart d'heure est écoulé là, non ?


                      Dans trois minutes.

                      Nicholas attend à côté du den den que sa mère le rappelle. Dans sa tête, les atomes d'inquiétude gravitent à toute vitesse autour du noyau de sa réflexion. Elle  avait dit qu'elle rappellerait et sa maman ne manque jamais à sa parole; pas quand elle le concerne lui. Il s'est passé quelque chose. Et tandis qu'il cogite et tire des plans sur la comète, le chef du groupe coupe les cheveux avec une extravagance - habile - remarquable. S'il a un plan, il est bien caché dans sa manche. Le petit poulpe ne prête pas attention aux autres, ni aux faux otages, ni à l'amnésique, pas plus qu'au petit Runn occupé à dessiner un pénis approximatif sur la vitre. C'est une cour d'école sans surveillants où chacun suit sa folie, créatrice ou destructrice. Des enfants perdus, peu importe leur âge. La seule à porter un regard conscient sur la scène reste Léa. Nicholas la voit complice de Rik, sans oser participer à son jeu de coiffure. Elle observe l'écran, comme lui.

                      Il a vraiment un plan ? Ou c'est ça son plan ? Je veux dire, se faire passer pour le coiffeur, ça ne va pas marcher.


                      Je ne sais pas, dit-elle froidement. Puis, constatant elle-même du glacial de son écho, précise, plus empathique. Je n'anticipe jamais ce que Rik fait. Il le fait, c'est tout. Et on s'en sort. Plus ou moins.

                      Vous êtes de la même famille ? C'est ton petit ami ?


                      Elle le regarde comme s'il était vraiment stupide. L'air de Nicholas n'est que pure curiosité et candeur, à cet instant il fait l'âge de n'importe quel enfant naïf de neuf ans.

                      Nous sommes amis, nous veillons l'un sur l'autre. Je réfléchis trop, lui moins. A nous deux, nous nous débrouillons bien. Je pense.


                      Elle ment et il le ressent. Sa voix déraille légèrement, le stress lui rouille les cordes vocales. Léa est perdue et c'est normal. Le salon du chaos est comme les océans, on doit savoir où aller pour comprendre que nous avançons. Savoir où aller, donc ? Le petit poulpe baille pour s'oxygéner le cerveau et parle, plus positif, un brin baratineur.


                      Nous aussi, on vagabonde. La vie est difficile, alors nous survivons. Tu sais ce qui aide à s'amuser ? Les bonnes rencontres. Il faut protéger ceux qu'on aime. S'organiser, aussi. Surtout même.

                      Avec ma maman, on a un rituel quand on arrive dans une ville. On établit un point de regroupement dans la ville, un en dehors et un dans l'océan. Comme ça, on ne se perd jamais. C'est malin hein ? Je vais aller à un de ces points. C'est à la pyramide de la Louve. Elle est en reconstruction, toute de verre. C'est super beau.

                      Quand on se sera échappés, ça peut être un bon endroit pour se rejoindre, non ? Il y a une escouade dehors et une autre sur le toit. Je crois que notre seule chance sera de nous séparer pour les disperser. Je dis ça si jamais....enfin, si on se perd quoi. Oh, je m'appelle Nicholas!


                      Léa.

                      Elle lui tend la main. Il la serre avec un large sourire, visiblement contagieux. Deux minutes se sont écoulées lorsque Mélinda ouvre la porte sous les yeux médusés de Nicholas qui suit la suite de la scène sur l'écran.

                      Elle fait quoi ? Ils ont failli l'attaquer!

                      Ils pensent qu'elle est une cliente. Regarde, elle parade avec sa nouvelle coupe. Une minute. Ils l'emmènent sur le côté. Tu entends ce qu'ils disent ?


                      Non, la journaliste couvre le bruit des soldats qui l'interrogent. Mince! ils se mettent en place pour entrer!


                      Nicholas rejoint en hâte Rik dont il tire la manche du bout des doigts.

                      C'est notre seule chance, Monsieur Santa! Votre coupe a créé la diversion escomptée, maintenant il faut filer. Emmenez Léa et les autres, cet endroit va devenir dangereux.

                      T'es con ou quoi Nicho ? Moi je reste ici et je vais les niquer ces enfoirés. Je vais être le frère vénère de ma nouvelle star de soeur. A moi les cookies des plateaux télé et une mini-série sur moi.


                      C'est pas vrai! Runn! Je veux dire, jeune maître. Vous avez dit beaucoup trop de vilains mots. Votre pouvoir est réduit et doit recharger.

                      Mais n'imp'! Même à 1% je les défonce tu vas voir.

                      Il agite son arme comme un batteur amateur avant son premier cours de baseball. Capricieux gamin, mais pas le choix. Nicholas accepte de l'avoir en fardeau à condition qu'il porte un bandeau sur les yeux et se taise. "Comme ça, vos autres sens se développeront". Foutaises, mais au moins il évite de foncer tout droit vers le danger. Il ira aléatoirement d'un endroit à l'autre. Mieux, il apparaîtra clair qu'il ne représente aucun danger. Les dresseurs le neutraliseront ou non, mais axeront leurs attaques dangereuses sur l'enfant-poisson. Runn canalisé, l'amphibien rassure l'adulte plus ou moins responsable.

                      Je le mettrai en sécurité. Il n'a commis aucun délit, sa soeur et lui peuvent s'en sortir. Monsieur Santa, vous êtes très fort, je l'ai vu à l' hôpital. Mais vous êtes aussi très lent avec cette jambe. Je ne sais pas si le médecin vous l'a dit, mais ça ne s'améliorera pas, pas sans implant.  A moins de réduire la cité en cendres, jamais vous ne pourrez semer les dresseurs. Désolé.


                      Je l'avais compris. On fera mon bilan médical à la fin du mois, pour l'instant la priorité c'est s'évader d'ici. Je pense que le toit reste une bonne perspective. Ils sont plats, sauf quand ils ne le sont pas.

                      Il y a une escouade sur le toit.

                      Oui, mais aucune escaméra. Puis faut pas s'en faire comme ça, je vais leur servir une raison imparable de nous laisser passer. Toi, tu vas gérer ?

                      Ça ira. C'est une ville de verre et je colle aux vitres. Ils ne m'attraperont pas. Une dernière chose: attention aux suites du pic l'adrénaline. Vous risquez de gros vertiges, de la confusion et d'ici peu un énorme coup de bar*. Votre corps a été fortement éprouvé et vous réclamera du repos. Ne prenez pas plus de risques que nécessaire.

                      Faisons comme ça. Rassemblement des troupes! On se range deux par deux et on suit les ronds de fumée. Vers l'infini et au-delà! Sur votre droite, un placard à balais. Votre gauche, un mur Pas de photos s'il vous plait...

                      Le convoi emprunte l'escalier. Nicholas jette un oeil au télévisio. Les soldats encadrent l'entrée, deux masses prêtes à crever l'écran du fond noir. La cliente chauve et le tenancier se voient confier au placard où ils seront en sécurité.

                      Enfin seul, ou presque. Runn a compris que le combat est imminent et tend l'oreille, dans l’espoir d'en développer l'acuité.  Dans les sillons du phallus, Nicholas voit s'animer les silhouettes des soldats. Mélinda semble écartée, en sécurité quelque part. Le petit inspire fort, calme ses tremblements de peur. Etait-ce vraiment pour le bien-être de son patient qu'il se retrouvait là, en dernier rempart ? Le regard perdu de Léa lui revient en mémoire et alimente son courage. Le silence du den den, que sa mère était supposée harceler, sa colère. Elle éclate, en même temps que l'épaisse vitre dont les débris vaporisent soudainement la pièce.

                      * de même que le bar est fermé, sauf si c'est un poisson.
                        On monte. Pas bien vite, c'est moi qui ouvre la marche et j'ai mal. C'est comme si toute une vie de déboires venait se payer là, maintenant, avec ma jambe. J'ai un drôle de rapport à la douleur. Ce n'est pas que je l'aime, mais elle me pousse dans un état transcendantal. Elle me rappelle que je vis, que je suis fragile et terriblement fort à la fois. Si j'enfonce mon poing dans cet escalier, je le détruis. Mais si une lame sournoise vient se ficher entre mes côtes, je m'éteins sans avoir le temps de faire le bilan. Ça tient à peu de choses une existence. Un peu de chance, un malentendu ici, là, une main-tendue... C'est un constat terriblement excitant.

                        J'ai gravi les deux tiers des marches. Comme on escaladerait le toit du monde. A l'arrachée. Je hais cette douleur pour ce qu'elle signifie et représente; elle me foutrait facilement hors de moi mais je suis amoureux des sensations qu'elle procure et on ne peut pas lutter contre ses sentiments. Cette ode à la vie qui me martèle, violente, terrible et exquise. Le sang dans les artères, veines, qui fouette ma cuisse. Comme si ma chair allait imploser sous un trop plein de pression. Le corps humain est une machine, on est tellement habitué à éprouver sa solidité et à le voir se rétablir de tout qu'on ne s'imagine jamais la Chute avec un grand C. Implacable, définitive. Alerte rouge carmin dans l'organisme. Traduction : instant unique.

                        Clin d'œil à la gamine qui me suit et m'épie, inquiète. Rassure-toi la môme, je vais pas baisser pavillon si facilement. C'est strictement inenvisageable. C'est potentiellement mon dernier show et je suis amoureux du spectacle. Lumières et ombres, applaudissements, huées, la haine, l'admiration, le mépris ou le charme. Tout sauf l'indifférence. Derrière moi, ces rencontres improbables. Tous à la file indienne, réunis par une facétie du hasard. Quelles étaient les chances ? Pourtant on est là. Une autre marche et la vitre explose au rez-de-chaussée.

                        Visages durs, silhouettes lugubres. C'est l'heure du twist final. Lâche tout. Qu'ils en aient pour leur argent. Sprint. Quelle connerie. Je ploie sous la faiblesse de mon appui. Mon nez vient toiser mon genou mais je tiens bon. En deux foulées, je suis à l'étage. J'ordonne :


                        Avancez !

                        Et ils obéissent. Des sabres tranchent l'obscurité et les agresseurs, pantins au service de la liberté des autres depuis leur condition d'opprimés se ruent sur nous. Boom. J'ai enfoncé mon poing dans l'escalier. Je l'ai fait et c'est aussi beau que je le rêvais. L'édifice s'écroule. Le palier fléchit sous notre poids, sans céder. Un figurant s'envole au buzzer pour tenter de nous rattraper. C'est télégénique. C'est fluide et magnifique. Instant karma. Allons-y à l'ancienne d'un bon et loyal coup de boule. Crock. Je le sèche en plein vol. L'impact de son corps contre le plancher fait trembler les fondations. Je peux sentir la foule trembler derrière les murs, la rumeur grimaçante d'un émoi sincère accompagne ce génial KO.

                        Mais ses confrères ne sont pas loin. Ils entrent, toujours plus nombreux. La colonie de fourmis tueuses.


                        Au toit !

                        La fuite prend de l'altitude. L'échelle escamotable nous mène aux combles, directement sous la cîme du bâtiment. Le bois craque, les toiles d'araignées se fichent dans nos cheveux, la poussière appelle la toux. Les chasseurs sont à nos trousses. J'arrache l'escalier pour couvrir notre retraite.

                        Mon corps au supplice me ravit. Si proche de la rupture, si sincère. C'est le signe que je suis à fond et je n'y suis pas habitué. Une vie à se défausser des mauvaises cartes et il suffit d'une bonne pioche côté humain pour s'effondrer. Il y a une poésie dramatique dans tout ça. Ne lâche rien, vois jusqu'où te mènera ta folie. Les regards sont inquiets, dans la pénombre menaçante. Je m'y reprends à deux fois et m'explose le poing contre les colombages pour les faire céder. Le jour s'engouffre dans la trouée.

                        À la courte échelle, chacun se faufile tour à tour à l'extérieur. Hans, et puis, Mélinda, Run, Léa, Nicholas. Ils s'échappent. L'un après l'autre. On approche du climax. Notre groupe des âmes éparpillées va t-il y survivre ? Il ne reste bien vite plus que moi dans ce grenier. Deux fantômes de muscles se hissent à ma hauteur, par le même procédé que nous employons pour gagner le jour. Ils en sont encore à passer leurs jambes par la brèche, à ramper pour arriver tout entier dans les combles. Je rebrousse chemin. Léa crie mais je m'en fous. Toute bonne histoire mérite son lot d'imprévus. S'en tenir au plan, c'est mou, c'est fade. Ma savate s'écrase impitoyablement sur les caboches ployées autant de fois que nécessaire jusqu'à faire rebrousser chemin à leurs propriétaires. J'éclate de rire quand deux détonations claquent. Le bois réceptionne les colis. En dessous, les canons fument autant que moi un soir de cuite. C'est pas passé loin.

                        Je balance encore une table de chevet par l'ouverture en guise d'amuse-bouches et rebrousse chemin. Poursuivons. Ça devient malsain dans le coin et je ne me ferai pas avoir dans un sinistre grenier, loin des lumières.

                        Léa et Nicholas me tendent chacun une main. Je m'envole. Mes guiboles pédalent dans le vide en dessous, je suis presque sûr qu'elles m'aident. Les poutres porteuses déchirent ma chemise toute neuve - c'est vrai - m'éventrent presque mais j'y arrive. Le soleil. C'est tellement jouissif. Ce show entier qui ne part de rien et qui veut décrocher la lune. Bordel, on va vraiment le faire.

                        Pas si vite. Une nouvelle meute adepte de la haute voltige fond sur nous. Une demi douzaine de marlous. Léa fait mine de se mettre en garde, Runn invective la meute.


                        Non. Par là ! je fais signe en désignant un nouveau toit, distant d'une pousterle sans envergure.

                        Ça hésite. Y'a vote de défiance vis à vis de mes facultés au triple-saut. Salopiauds. Pas le temps de palabrer. La meilleure preuve, c'est le résultat. Je rassemble tout ce qui fonctionne encore dans cet inutile membre défectueux pour planer fébrilement.

                        Slow-motion sur le saut. La foule en contrebas, main en visière, suit l'action au mieux. C'est mieux que le rendez-vous du samedi soir à l'escaméra. Et moi ? Je donne tout.  Mes semelles rattrapent l'autre berge d'un poil de nouille. Petit battement d'aile de canari pour ajuster mon équilibre. Bingo. T'es grandiose.

                        Les marauds sont sur nos talons, la joyeuse équipée convaincue épouse le mouvement et décolle pour me rejoindre. Les pistiers à leurs basques. Sur leurs talons, littéralement. Ça va être trop juste.

                        Ok, cette fois, c'est pour de vrai. Le moment de vérité. Plan américain sur ma tronche déterminée. Booyah. Je vais le faire. Ça a marché une fois, je peux répéter l'exploit. Je m'aligne une bonne taloche sur chaque joue. Blondie et Nicho n'ont pas encore gagné la tuile d'atterrissage que je repars en sens inverse, impulsion jambe faible s'il vous plait. Les bras déployés grand comme ça. I'm an albatros.

                        Je viens épingler à la glotte les deux plus pressés de nos poursuivants et les renvoie avec moi sur le toit du salon de coiffure. On s'écrase magnifiquement sous les clameurs du public.

                        Je retourne une tronche disloquée sur mes ouailles. Ils n'en reviennent pas. Héhé. Un sourire immense me bouffe la trogne entière.


                        Cassez-vous les nabots !

                        Une nuée de sauterelles format magnum fond sur ma carcasse qui est vraiment tout proche de déposer le bilan pour le coup de gong final. Tout ça rien que pour moi. Quelle classe. Le glas tombe. Plan final en contreplongée. Fondu sur les mioches qui se carapatent. Grandiose.

                        Ça c'est du héros.


                        Dernière édition par Rik Achilia le Mer 16 Mai 2018 - 19:08, édité 1 fois
                          Il y a quelques instants j'étais encore devant une glace à chercher quelques qualités supplémentaires à ma coupe de cheveux, maintenant me voici en pleine partie de puce et en voyant ce que le coiffeur envoie, tout est permis. A plusieurs reprises j'ai voulu dire aux autres quoi faire mais tout va tellement vite, le vioque me surpasse, de ce côté je vais devoir être plus vigilante !!

                          Enfin, Runn semble s'amuser et c’est le principal, avec un peu de chance il se fatiguera et fera une longue sieste... Je commence tout de même à en avoir marre, devoir courir, escalader les débris d'une espèce de bidonville, tout le bruit que Rik fait, la poussière qui remue... C’est marrant cinq minutes, enfin, ce serait marrant si ma laque était bien séchée, peut-être. Mais c’est pas le cas surtout avec la tonne qu'il en a mis et ça risque de foutre un sacré bordel dans mes cheveux. Du coup je suis un peu obligée de suivre le coiffeur. Enfin jusqu'à ce moment..

                          Sur le haut de ce toit, je les vois tous sauter les un après les autres. Runn tente de faire mieux que Rik mais, ses petites jambes le propulsent juste assez loin que pour agripper la jambe de Léa elle-même agrippée à la main de Hans. Ce jeu va beaucoup trop loin, il est temps d'y mettre un terme ! Je suis en talon et je peux clairement pas, MAIS CLAIREMENT PAS SAUTER CA !!! Oué ça m'énerve ! Je fais un petit cent quatre-vingts degrés cette bande de guignols vont se calmer vite fait c'est moi qui vous le dit , ce jeu est terminé.

                          ON Y VA !!!!

                          Ouais ça c’est le bonhomme rose qui m'attrape par la taille avant de faire le grand saut, lui aussi a été plus vite que moi, dans les airs on croise Rik qui a dû oublier un truc. J'ai pas le temps de me retourner, je flippe jusqu'à ce que Nicholas pose sa patte sur du solide. Fiou, clap, clap, je pose mes deux pieds au sol. Hans me regarde avec un sourire, je vois qu'il semble hésitant...

                          Il y a un soucis ?

                          --Euh, qu’est-ce qu'on fait là ?

                          Je crois qu'on fait une espèce de partie de cache-cache, mais ça devient sérieusement saoulant ! En plus tout le monde écoute le coiffeur PFffPFeuh..

                          --Ha ouais, ouais ça devient saoulant c’est vrai...

                          -Cassez-vous les nabots !

                          Hans répond incroyablement vite aux ordres de Rik, comme tous les autres d'ailleurs. Runn part au quart de tour, il s'amuse mais ça suffit !

                          RU... AHAHAHAAAAAA !!

                          Le bord était si près ? Dans la chute je vois un petit bout de bois en train de virevolter, je mets pas longtemps à comprendre que c’est mon talon, putin fait chier, j'aimais bien ces chaussures...  En un rien de temps me voilà dans les bras de plusieurs personnes, l'escaméra a quelques centimètres de mon visage. Toutes ces petites mains me posent au sol et s'écartent de moi, la journaliste reste à sa place le micro calé près de sa bouche.

                          On retrouve une nouvelle fois la demoiselle en rouge, elle vient à l'instant de tomber du ciel. Peut-être pourra-t-elle nous expliquer les motivations du leader des pyromanes et nous éclairer sur ce mystérieux personnage !!

                          VOUS NE BOUGEZ PLUS !!!

                          Ces mots qui te donnent envie de détaler comme un lapin. Malheureusement le deuxième pas de ma fuite je trébuche, le manque de talon me mets dans une position bien désagréable. Je me tiens au mur en avançant comme je peux mais, mais, mais... Je fais quoi moi j'ai dit que ce jeu était fini !

                          Cent quatre-vingts degrés pour la deuxième fois. Il commence à me saouler ces têtes de pyramide !  

                          STOP !

                          Je lève la main à hauteur de ma tête paume dirigée vers un des paumés qui me suit. Il s'arrête net, c’est bien je les aurais pensés plus stupide. Les trois types se regardent mutuellement, enfin je suppose.. Avec leur casque je ne peux que supposer...

                          Je joue plus, j'en ai marre ! En plus mon frère les a suivis et JE VEUX qu'on me le ramène ! Bande de débiles c’est quoi cette organisation dangereuse !!! D'ailleurs ! Toi, emmène-moi voir l'organisateur de ce petit jeu de suite, j'ai deux, trois mots à lui dire ! Vous allez chercher mon frère il est petit et noir. MAINTENANT !

                          Deux des trois hommes s’éclipsent, l'autre me demande de le suivre. Il me pose aucune question et doucement on s'éloigne de tout ce raffut. Je fais un dernier signe à l'escaméra histoire de dire au revoir à mes nouveaux fans. J'enlève mes chaussures et les jette sur le côté.

                          Bon Pyra, c’est loin qu'on doit aller ? Bref, j'ai pas l'intention d'avoir les pieds dégueulasses quand je parlerais à ton maître. Baisse-toi et laisse-moi aller sur ton dos.

                          Euh je m'appelle pas pyra ma..

                          Putin tu crois que j'en ai quelque chose à foutre de ton prénom ? Tu m’as fait suer t’as cassé mon talon et tu m’as éloigné de mon frère ! Bref j'ai pas besoin d'entendre le son de ta voix, je veux pas l'entendre d'ailleurs.

                          L'homme pyramide se met à croupis et m'aide à prendre place avant de se relever et d'entamer le chemin vers son propriétaire. Je suis impatiente de voir le fou qui envoie des esclaves jouer à touche-touche avec les touristes. C’est pas que l'idée est mauvaise, mais il faudrait plus de sécurité et quelques stands de soda par-ci par là pour que ce soit vraiment fun..

                          Le Ptit bout d'charbon vous raconte son petit bout d'histoire.:

                          AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!!! Je dois compter l'histoire, je suis tellement à fond dedans !!! J'ai l'impression de tourner un film, un film dont je suis le héros !! Runn court, Runn saute des toits, Runn pète des vitres, Runn est un artiste !!! Cette journée est vraiment bien même si je commence à fatiguer, encore bien j'ai pu cacher de ça, assez longtemps aux yeux de Melinda et il m'en reste. Normalement à cette heure c’est la sieste mais je peux pas les laisser s'amuser tout seul ! Je suis une espèce de leader et il est clair que sans moi tout le monde va beaucoup moins s'amuser muhahahahahahaaaaa !!!

                          Melinda est tombée il parait mais Rik m'a dit qu'elle s'en était sortie, enfin j'ai vu son dernier regard et il veux tous dire ! Toute façon il ne peut rien lui arriver à ma frangine c’est pas elle qui va perdre face à une bande d'esclaves ! Je fous ma main dans mon froc, et je parle pas de la poche. Il est temps de prendre un petit remontant, tous les grands hommes en prennent et je suis un grand homme. Je connais les bien fait du sucre et je compte bien profiter d'une de mes dernières doses pour cette journée. En plus vu que Melinda est tombée, aucune chance que je me fasse griller et qu'elle me confisque le peu qui m'en reste ! Scrutch et je renverse le paquet directement dans ma bouche. Je mélange un peu de ma salive à tout ce tas de sucre et le fais glisser le long de mon œsophage.

                          A peine avalé que je ressens déjà mon énergie revenir, je me sens plus léger, je me sens capable de sauter tous les toits de la ville. Quand quelqu'un jacte ma tête se tourne direct dans sa direction, et quand personne parle je regarde partout où je peux ! Encore bien qu'on court, je me sens incapable de rester sur place !!! Je vais péter un cable bon sang !!!!!!!!! Le sucre, cette drogue si douce et agréable à prendre peut avoir des effets bizarres, mais je sais les maitriser j’vous promet !! On pourrait croire que j'ai des espèces de tic nerveux mais en fait c’est ma façon à moi de contenir toute l'énergie qui m'envahit, toute mon énergie ! Rik cet enfoiré héhé, j'ai aussi envie de péter des trucs maintenant bordel !!!

                          OUwWoOOOH PUTIN !! On doit courir mais le prochain qu'on croise, il est pour moi hein, déconnez pas !

                          Runn sous sucre :