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Femme à lunettes...

Bordel que j'étais content lorsqu'on a fait une halte à Poiscaille pour s'approvisionner ! Parce que putain : boire de la flotte en étant entouré de flotte et d'un tas de mousses aux allures de fiottes... Ras l'asperge ! Au moins, le sergent Badir a pris l'initiative d'emporter quelques tonneaux de vinasse pour se nettoyer le gosier en partant. Parce que maintenant se pose un nouveau problème : on a tellement de poisson dans les cales qu'on risque d'en bouffer à chaque repas ! Midi et soir ! Et je ne plaisante pas !

- A te voir, on croirait que t'aimes pas le poisson. Un comble pour un type du Rocher si tu veux mon avis.
- Ta gueule et mange.

   Le blondinet à l'air moqueur qui s'est permis de s'installer à ma droite sur la table à manger de l'équipage, c'est Abel Denuy, mon nouvel associé depuis mon escale sur Hinu Town. Une sacrée langue de vipère, capable de t'enculer au moindre signe de faiblesse comme une pute du rayon "Dominatrices". En ce moment, il est censé jouer le rôle d'un secrétaire d'Etat en mission diplomatique pour le Gouvernement Mondial. Une couverture difficilement acquise à ce que j'ai cru comprendre. Mais étant un ancien sbire du Serpent de Dentelles, ça ne m'étonne guère : cette bougresse écailleuse possède le réseau de renseignement le plus dangereux de West Blue, si ce n'est de toutes les Blues réunies.
   Je suis bien content d'avoir pu lui rabattre son caquet à celle-là. Enfin le problème étant réglé, je profite de la position factice de ce sale rat pour traverser la zone peinard et rejoindre prochainement GrandLine.

   J'entame enfin mon assiette, après un soupir d'agacement en voyant le nombre d'arêtes à retirer, et jette un œil autour de moi.
   Tous mes hommes sont présents. Des esclaves obtenus suite à mon travail au Royaume de Saint-Uréa. De solides gaillards particulièrement obéissants. Leur présence me fait sourire : je peux m'entraîner sur eux à chaque instant, pour le jour où je deviendrai roi. N'oublions pas que c'est mon but. Mêlé à eux, les soldats de la Marine. Des nouvelles recrues reléguées aux corvées jusqu'aux troufions bien rasés en passant par les rares sous-officiers présents, il y en a pour tous les goûts. La plupart ont été formés sur Hinu Town et sont capables d'endurer tous les maux du désert. Mais la vie en mer est une autre paire de manche : j'en ai vu deux ou trois qui supportaient mal la houle et qui ont compris le sens du mot "équilibre" de leur foutu manuel étique.
   Oui, je l'ai lu. C'est super chiant, mais au moins ça brûle bien l'hiver ! On trouve toujours de l'utilité aux vieilles choses avec le recul.

- Je peux m'asseoir ici ?

   Je lève la tête. Je vois une femme. Je l'ignore. Je retourne à mon assiette. Je lève ma fourchette. Je stoppe mon geste au moment de la béquée. Je relève la tête. Je cligne des yeux. Elle est réelle. Oh putain.

- Mais t'es qui toi ?

   Elle a les cheveux mi-longs, une frange droite, une paire de binocles rectangulaires, une chemise sous un habit noir de bonne facture, deux jolies bosses au niveau du poitrail, et une posture de première de classe : toute raide avec les sourcils froncés et les lèvres pincées. Elle a l'air jeune, et pourtant... Elle me rappelle ma nourrice. Ça remonte à un bail, mais je me souviens bien de sa tronche de préceptrice et ses remarques moralisatrices sur la bienséance et le respect. Obligé qu'elles soient de la même famille :

- Emma Teska. Journaliste. Et vous êtes ?
- Dorian Bobard. Au service de c'monsieur à ma droite.
- "Bobard" vous dîtes ?
- Ouep. L'contraire de bâbord quoi. Y parait qu'Tribord était déjà pris.
- Vous vous fichez de moi ?
- Non.

   Oh que oui.

- Et qu'est-c'qui t'amène sur ce navire ?
- J'étais de passage à Poiscaille pour un article. Je devais quitter les lieux et rejoindre GrandLine pour une nouvelle piste et j'ai appris que vous vous y dirigiez. Étant donné que mon service travaille directement avec la Marine et les affaires qui y sont reliées, j'ai pu convaincre l'officier en charge de m'accepter à bord moyennant discrétion et bonne conduite.
- Ça m'parait pas très net comme histoire...
- Rien n'est jamais net si vous voulez mon avis. Si la Marine veut garder bonne figure, elle doit s'assurer de bonnes relations avec ceux qui possèdent le pouvoir de l'information. En un sens, c'est logique.
- Et ça t'dérange pas d'dire ça devant lui ?

   Je bouge la tête en direction d'Abel, lequel lève un œil, faussement désintéressé de notre conversation, puis hausse les épaules :

- Elle n'a pas spécialement tord.
- "Lui" au moins est un homme intelligent.

   Ah la salope.

- Bon. J'suppose que t'avais envie d'causer de quelque chose non ? Sinon tu t'serais posée là où il y a d'la place, pas avec nous. Surtout si tu dois t'faire discrète.
- ... C'est vrai. J'étais curieuse.
- Curieuse ? De quoi ?
- Mon métier implique beaucoup de bon sens. D'un point de vue physionomique et relationnel. Vous êtes différents des autres personnes à bord.
- ... Eh beh ! T'es vraiment forte dis donc. C'est vrai qu'personne s'en s'rait rendu compte, malgré le fait qu'on ait pas d'uniforme !
- Très drôle. Je parle de ce que vous représentez. Puisque cet homme-là est quelqu'un d'important pour vous et le sergent...
- Attendez, le sergent vous a dit pour...
- ... ça prend tout son sens. Mais vous c'est encore différent. Vous avez l'air de quelqu'un qui a vu beaucoup de choses.
- T'imagines même pas.
- Je sens de l'expérience. Beaucoup d'expérience en vous. Il est normal que je sois intriguée. Donc, j'ai décidé de prendre de votre temps.
- ... Quoi ?
- Un peu de compagnie ne me fera pas de mal. Ni à vous d'ailleurs ! Surtout avec votre caractère.
- Quoi ?!
- Et puis j'aurais sûrement l'occasion de m'instruire. Peut-être même de trouver une idée d'article ! Un petit mot dans la gazette sur un garde du corps en service. Ca pourrait être vendeur...
- QUOI ?
- C'est une façon pour vous de dire "oui" ?
- Bien sûr que n...
- Formidable ! Je vous laisse, j'ai à faire pour l'instant. A plus tard, monsieur "Bobard".

   Mais... Que... Connasse ! Je vais me la faire !
   Et cet enfoiré d'Abel n'a rien dit pour m'aider. Pire : il se retient d'éclater de rire juste à côté de moi. ET JE NE PEUX PAS LUI EN COLLER UNE ! Je n'ai plus faim.

- Bordel de merde ! Ça m'les brise !
- Hé, reste là... Ahah... Allez quoi-ah : finis au moins ton assiette.
- J'm'en fiche.
- C'est pas très écolo.
- Comme si t'en avais quelque chose à foutre.

   Bougon, je quitte les lieux en tapant des pieds. Si un seul des types présents me traite de gosse, je lui fais renifler son propre derrière après un exercice forcé d'assouplissement.

   Je pars me calmer sur le pont. Je m'appuie contre la rambarde et regarde la mer. Celle-ci est plutôt calme. Le ciel est dégagé et le soleil se situe bien haut au dessus de ma tête. Il est midi passé. Je tend le bras, comme pour tenter de l'attraper. Seule sa chaleur vient se coller à la paume de ma main et s'insinuer petit à petit dans les pores de ma peau. Je ne touche rien, je devrai être frustré d'être aussi loin de mon objectif. Mais d'un autre côté, cela m’apaise. Il reste tant à faire, ce qui veut dire aussi que beaucoup d'événements attendus et inattendus vont avoir lieu entre temps. Ça a un côté palpitant.
   A l'idée du nombre d'individus qui se dressent encore entre moi et le trône, je frémis d'excitation. au programme : alliances, trahisons, coups bas, batailles, meurtres, torture, domination... Beaucoup de sang en perspective. Quelques pleurs en bonus, avec un brin de regards désespérés... Le tout pour me donner un sentiment de puissance. Se savoir supérieur. Pouvoir décider de la vie ou de la mort d'autrui... C'est jouissif.
   Le bonheur m'attend.

   Je fais volte-face.
   J'ai senti quelque chose. Un truc désagréable. Ça m'a fait frissonner et, l'espace d'un instant, j'ai cru que ma vie était en danger. Je suis un poil paranoïaque, c'est vrai. Mais là c'était plus qu'une simple crise d'inconfort. Ça a beau avoir disparu, c'était réel. Trop réel.
   Je plisse le front et serre la mâchoire, une main sur mon bâton d'argent. Quelqu'un m'observait. Il va falloir enquêter.
   Je me surprend à sourire.

  Voilà mon premier événement inattendu.
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- Monsieur "Bobard" ? Vous êtes là ?

   Elle ne mentait pas la garce. Depuis hier soir, elle déambule tout autour du navire pour me coller. Elle me cherche. Elle me traque. Elle me gonfle ! J'ai besoin d'air et cette enquiquineuse de première est en train de me le pomper.
   L'un des marins m'a fait la remarque ce matin :

- Elle vous colle comme une moule à son rocher !

   Si seulement il savait que je viens de Rokade... Il n'a pas idée de combien cette image est bien trouvée. Ce qui la rend d'autant plus dérangeante.
   Un autre problème survient avec ça : si je dois me concentrer sur elle, impossible d'enquêter sur la personne qui m'observait la veille. Et plus le temps va passer, plus je me sentirais en insécurité. Sans parler de ma curiosité grandissante. Ça me démange tellement que je ne peux pas m'empêcher de taper du pied à chaque fois que je m'arrêter de marcher. Un tic nerveux que je ne me connaissais pas.
   C'est aussi désagréable que d'être coincé au milieu d'une bande d'obèses plein de sueur. Je les imagine en marcel... Horrible. Il faut que je change de vêtement : je vais finir par détester les débardeurs... Pourquoi je pense à ça de toute manière ?!

   Emma Teska réapparaît dans mon champ de vision. Je panique et pars me cacher dans la première cabine que je trouve. J'ouvre et referme la porte tellement vite que je ne prend même pas le temps de voir à qui elle appartient ni si quelqu'un s'y trouve. C'est en me retournant et en regardant l'intérieur de la pièce que j'obtiens ma réponse :

- Monsieur Dorian. Vous n'étiez pas convié il me semble...

   Face à moi, assis face au sergent Badir, Abel Denuy dans son rôle de Secrétaire d'Etat. Les deux hommes me regardent d'un œil inquisiteur. Je les fixe bêtement à tour de rôle... Je me sens con, clairement. Je cherche une excuse :

- Tséhé... Désolé ! Mauvaise porte... Vous savez : quand y a une urgence hein... On prend pu l'temps d'vérifier.

   On repassera pour l'imagination. Sans attendre qu'ils répliquent je ressors en croisant les doigts pour que la journaliste aie passé son chemin.
   Et effectivement je la vois un peu plus en avant, me tournant le dos. Elle s'apprête à prendre un croisement. Je suis sauvé pour l'heure.

   C'est ainsi que je passe le reste de ma journée à bord, à faire des allées et venues entre le pont, les cales, les cabines et même le placard à balais ! Une journée de merde, sans aucun intérêt ou rien de constructif n'a été fait...
   Ou si, une chose : à force de chercher à l'éviter, j'ai pu l'observer en détail. Physiquement, ma vision de la donzelle n'a pas changé et malgré ses belles formes, son sex-appeal laisse à désirer. Mais son regard est différent par moments : tantôt celui que j'ai vu lors de notre échange, tantôt celui d'une femme profondément blasée, suintant la lassitude et... C'est tout. Elle paraît alors vide, sans substance. Elle se plante dans un coin à regarder autour d'elle, mais ses yeux ne semblent rien voir, comme si elle était enfermée dans sa bulle. Pour n'importe qui, elle passerait alors inaperçu. Mais moi qui l'observait, je trouvais cela déstabilisant, sans trop savoir l'expliquer.

   Tout ça pour dire qu'il est tard et que j'en ai ras le bol de courir. J'ai décidé d'arrêter de me cacher et de m'asseoir tranquillement sur le pont, adossé à la dunette.
   Exactement comme hier, je regarde le ciel et me perd dans mes pensées. Je sais très bien que tôt ou tard, l'autre binoclarde va finir par se pointer. A moins qu'elle ait abandonné, mais ça m'étonnerait. Elle semble être du genre à s'accrocher...
   Je me redresse légèrement, les yeux grands ouverts. J'ai failli oublier : le "regard" ! Aussitôt la sensation d'inconfort revient et je commence à tapoter machinalement mon bâton du bout des doigts. Je suis sur le qui-vive, rien ni personne ne peut me surprendre en l'état actu...

- Monsieur Bobard !

   Je sursaute et manque de me cogner la tête en me tournant : Emma est là, en train de me regarder. Elle s'approche et se penche vers moi, les bras croisés. Le sentiment d'insécurité a disparu :

- On peut dire que vous m'aurez fait tourner en bourrique !
- J'dois avouer que t'es tenace. Une vraie plaie.
- Je vais prendre ça pour un compliment.

   Et elle s'assied à ma gauche, l'air fière d'elle. Elle se délecte de sa victoire en silence et, d'un coup, ses yeux s'arrondissent :

- Dois-je en conclure que vous m'évitiez vraiment ?!
- Eh ben... Ouais.
- Pourquoi donc ?
- Parce que tu m'agaces.
- Ouch. Ça a le mérite d'être clair.
- Dans c'cas, si nous sommes d'accord...
- Mais quand bien même, j'ai décidé de vous interviewer et je ne vais pas baisser les bras !
- ... Toi t'as un grain. Tu l'sais ça ?
- Peut-être, mais c'est mon métier. J'ai flairé la bonne idée, hors de question de passer à côté.
- Qui t'dit que ça te s'ra utile d'en apprendre plus sur moi ?
- Personne. Mais ne pas tenter le coup, ça serait comme passer à côté de quelque chose. On a qu'une vie. Elle est déjà bien assez courte. Pas la peine en plus de perdre son temps à ne jamais rien chercher par peur de l'échec. Comment croyez-vous que le monde ait évolué ?
- Mouais...

   Silence. Nous restons là à digérer les paroles prononcées. Je la regarde en biais et je me rends compte qu'elle contemple l'horizon droit devant elle. Ou plutôt... L'horizon se reflète dans ses lunettes, mais ses yeux ne voient rien, ils ne cillent pas, ils ne bougent pas. Elle est comme je l'ai vue dans la journée : songeuse et barbante.
   Ça m'intrigue un peu, je dois l'avouer. Mais au moment de prendre la parole, c'est elle qui se lance :

- Acceptez-vous de répondre à mes questions cette fois ?
- ... Vas-y, pose-les qu'on en finisse.
- Merci.

   Elle se redresse un peu, sort un calepin de sa poche arrière ainsi qu'un crayon et me regarde :

- D'où venez-vous ?
- De Suna Land.

   Vrai.

- Pourquoi ne pas y être resté ? C'est une île assez connue. Et le travail ne doit pas y manquer. Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir ce que vous êtes maintenant ?
- Ça j'saurais pas dire. Peut-être justement l'fait d'être entouré d'attractions, de gosses et de peluches débiles... J'avais besoin d'quitter l'endroit pour m'faire une idée du monde. Et puis... J'suis pas du genre à rester sage. C'que j'fais actuellement me convient pour l'instant. J'vois du beau monde, j'découvre, j'apprend, j'gagne ma vie... J'ai pas à m'plaindre.
- Vous avez dit "pour l'instant". Vous avez prévu autre chose après en avoir fini avec la protection de votre client ? Ou dans le futur ?
- C'est un secret.
- Je vois... Quels endroits avez-vous déjà visité ?
- Oh pas mal d'îles : Saint-Uréa, Endaur, Inari, Hinu Town... J'ai même été jusqu'au Cimetière d'Epaves.
- Vous étiez sur Hinu Town au moment d'embarquer, c'est ça ?
- Oui. C'est là-bas que j'ai retrouvé mon client pour l'accompagner.

   Et la conversation dura ainsi pendant presque une heure. Au début, on ne parlait que des raisons de mon engagement auprès d'Abel et j'eus du mal à trouver des mensonges valables pour expliquer ma situation. Plus cela durait, plus elle allait loin dans sa pensée, jusqu'à faire des hypothèses toutes plus farfelues les unes que les autres. Digne d'une journaliste. Mais j'oubliais également à quel point elle m'irritait.
   On finit même par se lever pendant notre conversation et par rejoindre la salle où l'on prenait nos repas en journée. Une bouteille traînait. Elle la prit et proposa de nous servir un verre à chacun. Je la laissai faire le temps de m'installer à une table.
   Un verre à la main, nous continuions de blablater. Nous finîmes par dévier du sujet principal, plus à l'aise avec nos caractères respectifs. Elle était exaspérante, mais c'est justement ça qui me fit sourire. Quand les nerfs lâchent, il n'y a rien à faire.

   Nous en sommes là, et j'ose m'intéresser à sa vie :

- Et toi, qu'est-c'qui te pousse à faire c'que tu fais ?
- Moi ?

   D'un coup, sa vigueur chute. Ses yeux retournent se cacher derrière le reflet de ses binocles et son côté mélancolique reprend le dessus. C'en est déstabilisant.
   Elle se lance :

- Disons que j'ai eu une enfance... Ennuyeuse à mourir.
- Oh ?

   Silence pesant. Elle boit une gorgée de son verre. J'attends qu'elle enchaîne. Ce qu'elle finit par faire :

- Je ne suis pas du genre à m'extasier de tout et n'importe quoi. Je n'éprouve pas grand intérêt pour l'art par exemple. Je n'ai pas véritablement d'objectif... C'est pourquoi je peux faire mon travail sans crainte : je n'ai rien à perdre si j'échoue. Je fais ce qu'on me demande et je m'assure de le faire bien. C'est tout. Et puis, au moins, ça permet de bouger et de changer d'air comme vous dîtes.

   Dans un sens, je trouve cette façon de penser cohérente. D'un autre côté... Je trouve qu'elle voit sa carrière de journalisme d'une manière plutôt intense. Un peu comme s'il s'agissait d'un échappatoire. Un truc vital qui lui permettrait de se sentir bien dans sa peau. Tout est dans le ton de sa voix... Un peu gros comme pensée mais pourquoi pas.
   Elle me regarde, ouvre la bouche et semble se réveiller :

- Désolé, je casse l'ambiance. Je n'ai pas une vie palpitante. C'est peut-être pour ça que je m'intéresse à celle des autres.
- Bah ! C'pas comme si j'te trouvais intéressante de toute manière ! Tséhéhéhé !
- Humpf ! Vous êtes vraiment l'homme le plus désagréable que j'ai interrogé jusqu'à maintenant !
- Merci du compliment.

   Et là, contre toute attente, nous nous mettons à rire ensemble. Pas beaucoup. Juste un peu, pour montrer qu'au delà de nos à priori et de notre mésentente première, il était possible pour nous de tomber d'accord sur un point : nous sommes deux opposés et nous ne sous supporterons jamais à longueur de journée, mais cette différence nous rapproche malgré tout...
   Enfin c'est comme ça que je l'interprète après coup.

   Je me redresse et mon bras va cogner contre mon verre de vin. Je n'y avais pas encore touché ! Nous regardons le liquide se répandre d'un air dépité :

- Et merde ! Quel gâchis.
- Oui comme vous dîtes...
- Bon. Tant pis ! Quelqu'un nettoiera ça demain. Moi j'vais m'coucher. J'te conseille d'en faire de même avant qu'le sergent apprenne que tu tapes dans les réserves de boisson de la Marine !

   Et je la laisse là.
   C'était une soirée sympathique, avec du recul. Mais la récréation est terminée. Demain, j'espère avoir l'occasion de faire mes recherches sans l'avoir à nouveau dans les pattes.
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- Alors ? Vous avez conclu ?
- Si t'étais pas sous couverture, j't'aurais cassé la figure.

   J'ai demandé à Abel de me rejoindre au petit déjeuner. J'ai besoin de lui pour avoir le champ libre au moins aujourd'hui. Sa position actuelle offre quelques avantages et il serait bête de ne pas en profiter :

- On m'surveille.
- Pour sûr qu'elle te dévore des yeux.
- Pas dans c'sens-là ! Quelqu'un m'observe et j'doute qu'il veuille me d'mander de jouer aux billes. Du coup j'vais avoir besoin de toi.
- De moi ? Dorian, je ne peux pas faire grand chose en l'état actuel. Ça ruinerait ma couverture.
- J'te d'mande pas la lune : juste d'user d'ton influence pour qu'on m'laisse tranquille... Assure-toi qu'la Marine s'occupe de tes caprices et fais en sorte d'attirer l'attention d'Emma. Trouve un prétexte, n'importe quoi. Tant qu'elle est pas dans mes pattes j'peux agir.
- Va falloir qu'on revoit ensemble les termes de notre contrat.
- Y a jamais eu d'contrat.
- Heureusement pour toi.

   Un clin d’œil plus tard, il termine de manger et part s'atteler à sa tâche.

   Grâce à ses efforts, me voilà en train de déambuler tranquillement sur le navire sans crainte d'être dérangé. Je ne ressens ni n'entend la journaliste à proximité. Je la vois par moments, au loin, soit dans sa bulle, soit en train de regarder autour d'elle d'un air curieux, soit en train de papoter avec un membre d'équipage.
   A un moment, elle me voit et commence à me faire des signes mais j'ai déjà tourné la tête. Abel remplit son rôle à merveille : il arrive à ce moment pour stopper la course de la fouineuse et lui demander de le suivre dans ses quartiers. Je suis tranquille pour quelques temps. J'en profite pour retourner vers les cabines, près de ma couchette, pour choper un calepin et de quoi écrire. Ça pourrait servir si j'ai besoin d'assembler mes idées.

   Sauf qu'au moment de récupérer le matériel, je vois sur le caisson qui me servait de table de chevet un verre. Rempli de... Je ne sais pas trop à cause du peu de luminosité de la pièce. Mais à côté du verre, il y a une note. Sur cette note, quelques mots :

"Pour vous, chef, qui travaillez dur et à qui on doit beaucoup."

   Je reste figé l'espace de dix secondes, à lire et à relire la phrase, pourtant courte. Je commence par me demander à quel moment j'ai mérité la sympathie de mes hommes. Ne serait-ce que l'un d'entre eux. Je regarde le verre à nouveau, m'en approche et je le lève à hauteur de tête. Je le fais pivoter sur la droite, sur la gauche, je regarde par au dessus, par en dessous... Je renifle. Il y a une odeur légèrement fruitée qui s'en dégage.
   Je verse le contenu du verre sur le sol.

   Deux raisons font que je ne l'ai pas bu : la première est que mes hommes ne m'appellent pas "chef", mais maître, ou patron à la rigueur ; la deuxième est qu'aucun d'eux ne sait lire ni écrire. Ce sont des esclaves éduqués par Victor Bahìa de Saint-Uréa. Et ça, la personne qui me surveille et tente apparemment de m'éliminer ne le sait pas.
   Tant pis pour le calepin ! On a tenté de m’empoisonner et ça a suffit à me doper la cervelle : aucun détail ne risque plus de m'échapper, alerte comme je suis maintenant. Je sors et reprend les recherches.
   Ne sachant rien de mon ennemi, je ne peux rien faire à part espérer qu'il se manifeste en me voyant sortir des cabines bien vivant. Ce qui n'est pas si mal : on a tendance à faire des bêtises en voyant que le plan initial n'a pas fonctionné, sous l'effet du stress. Un brin de précipitation, une approche moins discrète... Je n'attend que ça. De retour sur le pont, le temps passe et rien ne se produit. Les marins exécutent leurs tâches sans broncher, les officiers surveillent leurs hommes, les miens font leur part... Je ne peux pas faire appel à eux car si nous nous mettions tous à enquêter à bord d'un navire militaire, cela paraitrait suspicieux. J'ai déjà du mal à rester naturel dans ma démarche.

   Puis de nouveau, le "regard" se fait sentir. Je fais volte-face et... Quelques mousses me regardent d'un œil curieux. Mais pas trace d'un quelconque individu suspect. Je fais alors mine de chasser les insectes :

- J'ai horreur des bestioles.

   Surtout celles qui refusent de se montrer.
   La sensation désagréable a un peu disparue, mais je sais au fond de moi que c'est temporaire : l'ennemi reviendra à la charge dès qu'il en aura l'occasion et son envie de tuer me l'a clairement fait comprendre. Je ne peux cependant pas m'empêcher d'avoir du respect pour lui : avoir des intentions meurtrières si intenses pour me faire frissonner sans le voir, cela dépasse le stade de simple assassin. C'est une bête.
   Ais-je fais quelque chose qui mérite autant d'animosité ? Certes, j'ai volé, tué, torturé, violé une fois, tabassé et même escroqué des tas et des tas de personnes, mais dans la majorité des cas, c'était de manière plus ou moins discrète. Et sous les ordres de quelqu'un d'autre. De là à se venger...

   C'est alors que mon cerveau fait "tilt". Quelqu'un d'autre. Cette personne n'a rien contre moi à proprement parler : elle agit pour le compte d'un type qui ne peut pas me sentir. Victor Bahìa ? Non, il a dit vouloir refaire appel à mes services à l'avenir. Les Cinq de Rokade ? Je leur suis utile. Les sectaires d'Inari ? Je ne les connais pas tous alors ça m'étonnerait...
   Puis je me souviens qui utilise du poison pour protéger son réseau d'information. Le Serpent de Dentelles. Cette femelle écailleuse que j'ai tabassé et laissée en vie contre quelques renseignements. Un rude combat, encore récent, mais qui a dû laisser en elle pas mal de ressentiment...
  Sauf qu'elle ne peut pas être ici. C'est impossible qu'elle nous ait rejoins sans que je m'en aperçoive et avec les blessures que je lui ai laissées.

   Seule conclusion logique, elle a engagé quelqu'un de son entourage en le contactant par escargophone. Connaissant l'itinéraire d'Abel, elle s'en est servi pour que l'assassin nous rejoigne.
   Nous avons fait une escale à Poiscaille. Et une seule personne nous a rejoins là-bas...

- Et merde.

   Il faut que je retrouve Emma Teska.
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- Il était temps Dorian ! Je me demandais quand tu allais te décider à venir ici.

   Emma est bien là, dans la cabine d'Abel comme je m'y attendais. Seulement il est là aussi, et pas dans la meilleure des postures : elle le maintient par derrière, appuyée contre la table de bureau et un couteau sur sa gorge. Vu ce qui suinte de la lame, j'imagine très bien ce qu'elle a préparé en cas de blessure superficielle.

- Z'êtes vraiment tous des putains d'empoisonneurs chez les Wraiths.
- Je ne suis pas membre de ce Cartel. Mais il est vrai que nos méthodes se rejoignent. C'est ce qui nous a permis de nous rapprocher ! J'ai souvent été embauchée par le Serpent pour supprimer les éléments gênants.
- Personnellement je ne me considère pas comme quelqu'un de gênant. Peut-être un tantinet dérangeant mais pas au point qu'on me menace de la sorte...
- Je sais très bien qui tu es : j'ai reçu les informations concernant un éventuel traître sous couverture. D'après les dires, tu es un odieux personnage, antipathique et perturbé. Une faute de goût dans la nature et un causeurs de tord particulièrement lâche.
- ... Pour le coup elle a pas tord.
- Ouah... C'est vexant !

   Alors qu'Abel commence à s'offusquer, la binoclarde resserre sa prise et approche davantage le couteau de sa gorge. Ses yeux n'expriment plus rien, si ce n'est de la froideur. Cette fois encore, je sens son envie de tuer. Pourtant elle se retient, sans montrer le moindre signe d'effort. C'est une professionnelle qui sait attendre le bon moment.
   Elle me fixe alors et dit :

- Tu fais bien de ne pas crier. Si jamais la Marine était alertée de ma présence, je serai contrainte de vous tuer tous le deux...
- C'est pas justement ton but ?
- Mmh... On m'a seulement demandé de tuer Dorian, pas l'autre.
- L'autre il a un nom, agent La Binocle.
- Fais attention à ce que tu dis si tu ne veux pas que je change d'avis.
- Laisse tomber, vaut mieux l'ignorer. Il pense même pas ce qu'il dit. Et puis il en vaut pas la peine.
- Hé ! J'entend !
- C'est vrai qu'il fait beaucoup de bruit pour rien...
- Oh !
- Donc qu'est-ce qu'on fait ? On s'regarde dans l'blanc des yeux jusqu'à c'qu'un mec entre ici ?
- Non : je t'ai préparé un verre. Tu n'as qu'à le prendre et je pourrai relâcher le traître après m'être assurée qu'il ne me dénoncera pas.
- Et comment en être certaine ?
- En l'assommant.
- Je vois. Et pourquoi je devrai boire ça ?
- Tu te rappelles le verre de vin que tu as renversé ? Et celui de ta couchette ?
- Ah même le premier ! T'as vraiment tout prévu hein...
- Tu as eu de la chance à ce moment-là.
- C'est pas faux ! Comme quoi mon destin est vraiment tout tracé.
- Je suis toujours là hein !
- Ne perdons pas plus de temps : prend ce verre et bois-le.
- J'en ai pas très envie...
- Tu te moques de ce qu'il peut lui arriver ?
- Je m'en fiche un peu en fait...
- On ne m'écoute pas et en plus on me laisse crever ?!
- Parlons plutôt : mettons-nous dans l'contexte. Comme la dernière fois. T'voulais ma peau mais au moins y avait l'ambiance ! Tout c'que tu m'as dit pendant la soirée, c'était vrai ?
- Quoi donc ?
- Le fait qu'ta vie soit ennuyante.
- Pourquoi devrais-je te répondre ?
- Parce que ça m'intrigue. Et un peu aussi parce que tu veux m'tuer. J'aime comprendre les choses, surtout quand ça concerne les désirs les plus sombres d'une personne comme toi. Ça t'rend...  Intéressante.

   Emma continue de me fixer. Ses yeux noirs me transpercent sans que son visage exprime quoi que ce soit. Elle me fait penser à ces plats compliqués qu'on vous donne en entrée dans un restaurant luxueux : le goût est fade à la mise en bouche et profond une fois la bouchée avalée.
   Je pense que la fascination que j'ai pour elle à cet instant l'interpelle enfin, car elle fronce les sourcils avant de soupirer. Elle accepte de jouer le jeu :

- J'ai dis la vérité. Si je fais ce que je fais, c'est bel et bien pour combler un manque.
- Au moins t'en es consciente.
- Oui. Ça n'excuse rien mais ce n'est pas comme si j'en avais quelque chose à faire. Il suffit de se dire que notre existence est infime pour ne rien regretter ensuite. Tant que je crois ne pas avoir de raison d'exister, alors toutes mes actions sont automatiquement pardonnées. Car c'est comme si elles n'étaient que l’œuvre d'un fantôme. Je trouve ça... Presque beau.
- J'suis pas très porté sur la poésie. Mais j'reconnais que t'as un truc pour y mettre de l'effet. T'es peut-être pas la comédienne du siècle mais t'as réussi à m'bluffer ! J'ai vraiment cru que t'étais quelqu'un sans intérêt au début.
- Je suppose que c'était censé être un compliment...
- Continuez, faîtes comme si je n'étais pas là...
- Moi non plus j'ai pas menti. J'suis c'que j'suis parce que le reste m'ennuyait. J'avais besoin de m'libérer de tout ça. D'faire c'que j'veux quand j'veux. Avoir des rêves de grandeur, faire en sorte d'imposer mes règles tout en jouant avec la vie des autres... Croire que tout n'est qu'un jeu ! Oui ! C'est ça qui m'pousse à continuer. Je ne m'ennuie plus parce que j'ai décidé que tout c'que j'ferai serait amusant. Et pour aller plus loin, pour que tout l'monde puisse jouer au même jeu que moi, il suffit d'une seule chose : une couronne.
- Une couronne ?
- Oui ! Sur ma tête ! Tséhéhéhéhéhé...

  Cette fois, elle me regarde différemment. Je dois être une sorte d'entité inconnue pour elle à cet instant. Je ne réagis pas comme le commun de mortels. Je suis différent de nature. Je suis né unique. Et je pense qu'elle l'a compris. Moi je le sais. Mon rôle est d'être au dessus des autres et d'imposer mes règles. Le divertissement que je préconise mérite de s'étendre sur toutes les mers et tous les océans.
   Aussi ne compté-je pas mourir maintenant. Abel m'avait observé tout ce temps, d'abord d'un air blasé, puis étonné, enfin complice lorsque j'ai pu lui lancer un clin d’œil lors d'un moment d'égarement de la part de la fausse journaliste. Alors qu'elle est là à me contempler avec de gros yeux sans savoir comment réagir, je siffle et le blondinet place un coup dans la lèvre d'Emma avant de lui écraser le pied et de se libérer.
   Pendant ce temps, je cours vers eux et prépare ma main : celle-ci part à une vitesse folle, décrivant un bel arc de cercle, pour finir sa course dans la joue de la tueuse. La gifle la fait littéralement décoller du sol et elle part s'écraser contre l'armoire.

- T'y es allé un peu fort non ?
- J'ai pas touché aux lunettes. Et les coups d'poing, ça laisse des marques.

   Mon acolyte fait mine d'être choqué, puis sourit :

- Pas sûr qu'elle s'en soit sortie en un seul morceau après ça.
- C'est c'qu'on va voir.

  Je retourne chercher le verre de poison près de l'entrée et m'approche d'Emma. Celle-ci est un peu étourdie par la violence du choc. Elle me voit m'avancer et tente de se redresser mais je la maintiens au sol avant qu'elle n'y parvienne. Elle tente de me planter le bras... Mais elle a lâché son arme suite à l'impact.
   N'ayant plus d'autre option, elle me fixe dans le blanc des yeux. Et se fige aussitôt : la folie qui se dégage de mon regard la pétrifie tandis qu'elle sent la mort lui caresser la peau. Je souris tel un sadique en position de force. Je suis sur elle, la dominant de toute ma taille et de tout mon poids, contrôlant ses gestes et sa respiration. D'une simple pression, je peux la briser et mettre fin à sa misérable existence... J'en ai envie là, tout de suite. Juste pour me défouler. Juste pour lui montrer qu'elle a fait la pire erreur qui soit.

   Mais ce n'est pas amusant :

- As-tu peur de mourir ?

   Elle n'ose pas répondre. Une goutte de sueur coule doucement sur sa tempe, tandis que ses lèvres entrouvertes tremblent. De la buée se forme sur ses lunettes à force de lui expirer dessus, à quelques centimètres du visage seulement. Elle ne bouge pas, elle ne pense pas, elle comprend pas. Il n'y a rien d'autre que son instinct de survie qui la dirige inconsciemment. Et il lui ordonne de ne rien faire, afin de grappiller quelques secondes de vie supplémentaire.
  Je m'apprête à répéter quand je sens sous mes doigts un mouvement de glotte. Suite à la déglutition, des sons s'échappent :

- Non... Je ne pense pas.
- Alors de quoi t'as peur ?
- D'avoir... Mal.
- Tséhéhé... C'est normal. C'est la cause principale de peur chez l'homme. N'en sois pas gênée !
- Qu'est-ce tu vas me faire ?
- Mmh... Peut-être regarder ton corps. Peut-être même le toucher. Peut-être y enfoncer ma propre lame... Briser quelques os. Une dizaine tout au plus, histoire de t'entendre crier. Je suis curieux de savoir quels jolis sons tu es capable de produire !
- Non pitié...
- Ou alors vais-je te faire boire ça ?

   Je lui montre le verre qu'elle me réservait. Son regard s'illumine légèrement.

- Oui... Ça... C'est...
- Mieux ? Allons sois pas stupide.

   Je brise le verre.

- Comme si j'pouvais faire ça. A quoi ça m'servirait d'avoir un cadavre sur c'navire, à part à avoir des problèmes ? J'ai ma dose pour le moment. J'préfère encore continuer la route peinard.
- Mais... Qu'est-ce tu comptes faire de moi ?
- Te garder à l'oeil. Et attendre.
- Attendre ? Attendre quoi ?
- Que tu sois capable de m'tuer, pardi !

   D'abord le silence. Puis les deux autres me lancent ce fameux "Heeeiin ?!" insupportable, digne de ces clichés de comédie pour enfants. Je suis fier de mon petit effet.

- Mais pourquoi ?! Quel est le but ? Ça n'a aucun sens...
- Peut-être pas pour toi. Mais rappelle-toi bien c'que j'ai dit plus tôt : je n'cherche qu'une seule chose. M'amuser. J'ai jugé que t'avoir près d'moi et risquer ma vie à chaque instant serait un jeu plaisant. Pour nous deux. Je m'améliore en terme de prudence et de survie, et toi tu t'améliores en tant qu'tueuse ! Nous nous surveillons mutuellement et, si ma vision finit par avoir raison d'toi, t'pourrais même faire partie de mon grand projet ! T'as rien à perdre là-d'dans et ça n'tient qu'à toi de décider quoi faire...
- Quel est ce projet ?
- Devenir Roi. Tout simplement. Sans doute plus par la suite. Mais c'est une étape à franchir si j'veux pouvoir mettre en place un jeu d'envergure... Si tu m'suis, t'auras plus à t'soucier d'savoir si ta vie a du sens ou non. Tu deviendras importante, parce que je te juge utile ! Tout l'monde naît avec un potentiel. Il suffit d'savoir l'exploiter. Tu sais tuer, certes. Mais tu n'comprend pas encore à quel point tu pourrais être meilleure ! Ta manière d'penser te freine. C'est frustrant ! Si j'devais mourir, autant que ce soit d'la main d'quelqu'un de compétent ! Fais en sorte d'en valoir la peine : joins-toi à moi pour l'heure et entamons une relation dont personne d'autre ne voudrait. Qu'en dis-tu, Emma Teska ?

   La femme à lunettes est allongée sous moi. J'ai lâché sa gorge durant mes explications et ses bras sont libres de mouvement. Mais elle reste inerte, en mode étoile de mer... Comme une jeune prostituée qu'on aurait droguée avant l'usage. Mais j'attend. Derrière moi, le faux Secrétaire d'Etat se permet un verre de vin, aussi décontracté que si rien ne s'était produit. Il est l'être le plus désinvolte que j'ai jamais vu, en plus d'être aussi rancunier qu'un porte-manteau usager. Ce qui se passe l'intéresse et lui fait oublier les menaces d'il y a peu.
   La tueuse a cessé de trembler. Elle tend une main devant moi :

- Skull.
- Mmh ?
- Je m'appelle Emma Skull. Comptez sur moi pour vous suivre, monsieur Silverbreath. Et attendez-vous à une mort prochaine. Je promets de ne jamais vous laisser en paix jusqu'à tant que vous ayez atteint votre objectif.
- Tséhéhé... J'en attend pas moins !

   Je lui empoigne la main et officialise ainsi notre contrat. Abel nous tend chacun un verre et me regarde, amusé :

- Décidément, j'ai bien fait d'accepter ta compagnie. On ne s'ennuie pas avec toi.
- N'inverse pas les rôles : c'est toi qui m'suis.
- Si tu le dis !

   C'est ainsi que continue notre route vers GrandLine. Il ne reste plus qu'une étape à franchir avant de rejoindre le chemin de tous les périls, mais ça ne sera jamais pire que ce que j'ai traversé ces derniers temps. La véritable épreuve surviendra après avoir franchi la frontière.
   J'ai hâte d'y être : quelqu'un m'attend là-bas et son influence me permettra de faire un pas énorme vers mon but. Je sors de ma poche la carte de la CIA offerte par Elizabeth Butterfly et la place devant moi, en direction de l'horizon.
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