Perdu sur les flots

L'acide lactique avait empli les muscles des jambes de l'artilleur. A bout de souffle, il ne pouvait s'empêcher de jeter un regard en arrière. Tout juste sauvé par la Marine, il avait été supposé rejoindre leurs rangs pour laver les crimes qu'il avait commis en abattant, certes par défense, des criminels. Tout allait pour le mieux jusqu'au moment où un brûlot avait percuté l'avant du croiseur, au détour d'un de ces rochers qui crevaient la surface de l'océan. Un roc où se retrouvait maintenant coincé le jeune homme dont la poisse avait fait son héraut. Les auteurs de l'attaque suicide disposant d'un second navire, ils avaient mis les voiles juste après leur méfait. Le jeune homme se trouvait à l'arrière du navire, et par chance sur le pont. Projeté dans l'eau, il avait nagé jusqu'à atteindre la formation rocheuse. Il s'était hissé au plus haut dans une frénésie qu'alimentait sa peur. Il avait frôlé la mort à de trop nombreuses reprises ces dernières semaines. Il finit, après de pénibles minutes d'ascension, par déboucher sur une sorte de plateau large d'une dizaine de mètre. Quelques arbrisseaux constituaient la seule végétation. William ne chercha pas même à déterminer si une quelconque faune peuplait le rocher. Il ne trouverait qu'insectes et reptiles à se mettre sous la dent. Il se laissa choir sur le dos et fixa l'azur sur lequel glissait de rares nuages. Il était coincé au beau milieu de la mer, après un naufrage soudain et sans explication. Il allait certainement mourir ou serait rattrapé par la Marine de nouveau, qui ne chercherait probablement pas plus loin le coupable que celui qui semblait se trouver devant son nez. Il ne fallait pas lutter, c'était inutile. Il ferma les yeux et attendit. Quelques trente secondes lui suffirent pour avoir honte de son défaitisme.

« Saloperie de vie ! »

Il se releva d'un bon et avisa les débris qui flottaient à la surface de l'eau. Des morceaux de bois et de corde s'étaient échoué contre la petite grève. Il commença à descendre, prudemment, le long de la paroi. Il se ferait un radeau et irait se chercher quelque chose à faire autre part que dans ce trou paumé. Arrivé au niveau du petit bout de rocher parallèle à la surface de l'eau, il se mit en quête de trouver un système de poulie. Il lui faudrait construire son embarcation au sommet du rocher et il se voyait mal faire l'aller-retour avec des planches sur le dos toute journée. La chance lui sourit pour la première fois depuis un bon moment quand il dégotta ce qu'il cherchait. Il fixa le système autour de sa taille à l'aide de la corde qui avait conservé une bonne longueur et il s'employa à remonter la paroi une fois de plus. Ses bras le tiraillaient comme jamais auparavant mais il persévéra dans ses efforts. Une fois arrivé, il déposa sa trouvaille au sol, laissant le chanvre du lien sécher au soleil. L'astre en question pointait à son zénith, laissant quelques heures au jeune artilleur pour mettre en place son chantier. Une fois sec, il fixa la poulie à l'un des arbres qui poussaient perpendiculairement à la falaise et s'assura de sa stabilité. Il accrocha une lourde pierre à la corde pour tester son système, qui semblait faire l'affaire. Redescendant une fois de plus, il s'occupa d'isoler les planches susceptibles de convenir dans la fabrication d'un radeau. Une fois qu'il les eut réunies, il les empila et noua le chanvre autour d'elles. Il remonta une fois de plus et hissa en une seule fois tout le matériel amassé sept mètres plus bas.

« Bon, l'est temps de ce mettre au travail... »

Faisant remonter l'ensemble de la corde jusqu'à lui, il s'empara de la hache qu'il avait décroché d'une portion de mât qui frappait contre le roc. Il tailla des encoches dans le bois et fit glisser la corde au-dedans. Quelques heures lui suffirent pour faire de l'épave une embarcation suffisamment solide pour le soutenir sur les flots. En théorie du moins. Une fois qu'il eut terminé, il se rendit compte qu'il n'avait plus rien pour redescendre le fruit de son travail. Le soleil s'approchait de la ligne d'horizon et il lui fallait partir s'il tenait à ne pas mourir de soif avant de croiser la route d'un quelconque navire. Il avisa la mer et hésita quelques minutes avant de finalement lancer son rafiot du haut de la falaise. Il oscilla dans les airs avant de s’aplatir sur la surface de l'eau. Presque immédiatement il commença à dériver. Conscient de la nécessité de rejoindre l'embarcation avant qu'elle ne trace la route en solitaire, il se jeta à son tour dans l'eau. Sa trajectoire l'emmena à percuter l'eau avec son épaule, lui arrachant un cri de douleur que les abysses étouffèrent. Il creva la surface en battant des pieds et s'efforça de rallier le radeau qui prenait la tangente. Il se hissa dessus et massa son épaule droite, démise par l'impact avec la mer.

« Putain de vie. »
    La nuit que le jeune homme avait passé n'avait pas été des plus tendres. Il avait essayé de replacer son épaule mais n'avait fait qu'aggraver le problème. Sa douleur s'amplifiait d'heure en heure, au même rythme que la sensation de soif et de faim qui s'accroissaient proportionnellement. Il laissait sa main gauche glisser dans l'eau au rythme du radeau, espérant qu'un poisson trop curieux viendrait se perdre dans son estomac. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser que des squales pouvaient aussi attendre de se repaître de son corps quelques mètres sous la surface. Aussi scrutait-il l'horizon, désespérant de voir un navire apparaître quelque part. Bien entendu, ç'aurait été trop simple de le voir réchapper à la malveine de la sorte. Il continuait de dériver vers l'inconnu, prisonnier des courants qui le portaient selon leur cours. Une tempête l'aurait jeté à l'eau, et son épaule blessée l'aurait entraîné vers le fond. La mort glorieuse d'un gamin misérable et affamé au milieu de l'océan. Serait-il tombé sur un navire rempli de la cale au pont de flibustiers qu'il aurait joyeusement accepté de les rejoindre. Il préférait la mort, la prison ou même la luxure à cette perdition. Lui qui était d'ordinaire si altruiste, il ne pensait plus à l'entretien de ses vieux parents. Il fallait déjà qu'il survive pour pouvoir s'en préoccuper. Le soleil exécuta son ascension et sa descente quotidienne en laissant la déprime quitter le corps de l'artilleur pour l'indifférence. La nuit ne lui apporta pas plus de sommeil que de poisson. Il pouvait en revanche boire à loisir, bien qu'il était conscient que la déshydratation ne tarderait à venir. Deux jours passèrent. Deux jours d'une souffrance incommensurable. Le crépuscule s'annonçait quand soudain le radeau buta. Une île. Une île s'étendait là, à des kilomètres à la ronde. William se frotta les yeux, se frappa les joues, se mouilla le visage. L'île était toujours là. Il se releva avec peine et commença à remonter la plage sans prendre garde à ramener son radeau. Il s'en construirait un autre, plus solide, plus rapide. Il n'avait qu'une seul intention : manger quelque chose. Il s'approcha des buissons couverts de baies et s'effondra sous le coup qu'on venait de lui asséner sur le crâne.

    « Z'êtes pas d'chez nous vous ! »

    Un espèce de vieillard se tenait là, brandissant sa canne tandis que deux hommes en tunique blanche tentaient de le calmer. Ébahi, l'artilleur peinait à reprendre ses esprits. Non pas qu'il fut d'une quelconque manière blessé par l'attaque du vieil homme, mais il avait dérivé jusqu'à un île de repos pour riches. Il n'eut pas le temps de réfléchir plus longtemps à la chose qu'il se retrouva emporté par deux malabars qui le traînèrent jusqu'à un luxueux bâtiment qui trônait au milieu d'hectares d'une pelouse entretenue quotidiennement par des dizaines de jardiniers. On le fit entrer par une porte de service qui débouchait sur l'arrière d'une cuisine. Il fut assis sur une chaise et dut faire face à ses ravisseurs. Deux brutes élégamment habillés, dont les expressions faciales ne laissaient aucun doute sur leur amabilité. L'un d'entre eux leva son poing et le jeune homme ferma les yeux.

    « Me frappez pas ! »

    Rien ne vint. Pas de douleur, pas même de contact. Il rouvrit les yeux pour découvrir une sorte d'éden devant lui. Cette fois-ci, il était persuadé d'être en plein délire. Des arbres fruitiers se succédaient sur des dizaines de kilomètres, côtoyant des champs de fleurs, toutes d'une beauté qui éclipsait toute la flore que l'artilleur pouvait connaître. Partout où son regard se posait, des paniers de nourriture semblaient n'attendre que lui. La faim était présente mais la douleur dans son épaule s'était estompée. Il s'élança, vif comme jamais, vers les victuailles. Deux claques le ramenèrent à la réalité. Une jeune femme était penchée au dessus de lui, visiblement soucieuse de son état. Des cheveux abîmés par l'iode caressait le visage de l'artilleur. Alors qu'il gardait le silence, une troisième claque le ramena à la réalité. Son épaule lui faisait endurer le martyr, il avait l'impression que les parois de son ventre s'étaient collées entre elles et la soif brûlait sa gorge.

    « Vous m'entendez ? Vous pouvez me répondre ? »
      Spoiler:

      William se redressa rapidement, tandis que la jeune femme s'écartait de lui, méfiante. On ne savait jamais sur qui on pouvait tomber en récupérant quelqu'un qui dérivait sur un radeau. L'artilleur ressentit une vive douleur à travers tout son bras droit et son appui céda. Il tomba sur son épaule blessée, lui arrachant un couinement de douleur. La navigatrice se rapprocha rapidement de lui, en gardant néanmoins sa rapière à portée de main. Elle se pencha au-dessus de lui et le retourna délicatement. Elle palpa son épaule pendant qu'il grimaçait. Elle l'interrogea alors.

      « Vous vous êtes fait ça en chutant ? »

      Il hocha la tête, bien incapable de répondre dans son état. Ses cordes vocales avaient été desséchées par la soif et par l'eau de mer qui était venue étancher cette dernière. Elle lui adressa un sourire pour le réconforter et s'éloigna pour revenir avec une outre d'eau douce entre les mains.

      « Buvez, vous aurez besoin de m'expliquer comment vous en êtes arrivé là. Mais pendant ce temps, je vais devoir vous remettre cette épaule en place. Serrez les dents ! »

      Elle n'attendit pas plus longtemps pour s’exécuter. Plaçant vivement ses mains d'un côté et de l'autre du bras, elle ramena l'os délogé dans son endroit d'origine d'un coup sec. Les larmes perlèrent aux yeux du jeune homme qui ressentit une souffrance atroce rapidement suivie par le soulagement qui se diffusa dans tout son membre. Il écarta la gourde de sa bouche et s'essaya à des remerciements.

      « Vous m'avez.. sauvé la vie. »

      La jeune femme lui sourit une fois de plus en récupérant l'outre qu'elle reboucha soigneusement. Elle la rangea à sa ceinture et s'assit en face de l'artilleur qui s'adossait au bastingage d'un navire. Elle le dévisagea pendant quelques instants sans mot-dire, pendant que lui observait l'embarcation dans laquelle il se trouvait. C'était un petit voilier, long de seulement quelques mètres d'envergure. Un simple mât trônait au milieu de l'embarcation, un voile triangulaire permettant la propulsion du rafiot. La barre se trouvait en surélévation au dessus de ce qui semblait être à la fois l'accès à la cale et la seule cabine du navire. Un croisement entre l'escalier et l'échelle permettait d'y accéder. Jetant un regard vers les flots, William comprit qu'ils ne bougeaient plus. Il se concentra de nouveau sur son hôte.

      « Je t'ai juste tiré de l'eau pour être honnête. Maintenant ton retour sur le radeau ne dépends que de toi ! »

      Le ton amical qui dominait jusqu'alors l'échange venait de se muer en tension. L'artilleur détailla la jeune femme. Drapée dans des habits luxueux mais usés par le temps, elle semblait tout droit sortie d'un rêve. Ses cheveux, d'un blanc immaculé, descendaient  jusqu'à ses hanches. Ils étaient surmonté d'un vieux tricorne presque trop large pour la tête qu'il couvrait. Ses yeux étaient d'un marron si intense qu'il semblait virer sur le rouge. Ils lui donnait un regard glacial, comme capable de pétrifier quiconque le rencontrerait. Son aura féroce contrastait avec ses traits délicats, presque irréels. William déglutit tandis qu'elle reprenait d'elle-même la conversation qu'elle avait amorcée.

      « Je veux connaître ton identité et ce qui t'as amené à dériver sur l'océan avec une épaule démise et rien à se mettre sous la dent. »

      « Je m'appelle.. William Burgh. Mon navire a fait naufrage et... J'ai construit ce radeau pour trouver de l'aide.. Je me suis cassé l'épaule en sautant d'une.. falaise. »

      La jeune femme resta perplexe et ne cessa pas de fixer son prisonnier temporaire. Elle avait voyagé suffisamment longtemps pour savoir qu'une parole ne valait rien. Elle ne pouvait pourtant s'empêcher d'accorder du crédit aux paroles du jeune homme. Il semblait sincère, ne portait aucune arme, et n'aurait de toute manière jamais pu s'infliger ces blessures de lui-même dans le but de piéger un quelconque navire. Dans la même idée, s'il avait un appât, ses camarades auraient rappliqué depuis bien longtemps. Elle se leva et il en fit de même, non sans difficulté. Elle lui tendit alors sa main dans un signe de paix.

      « Sariah Burster. Excusez mon accueil, mais je suis obligée de rester sur mes gardes si je veux survivre sur ces mers. Vous pouvez emprunter ma cabine si vous avez besoin de vous reposer. »

      « Je ne sais comment vous remercier..Vous m'avez sauvé la vie. »

      « Allez donc vous reposer, nous aurons le plaisir de parler de ça plus tard! »

      Il hocha la tête et s’éloigna, heureux d'avoir été épargné par le destin. Il ne put voir le sourire qui se dessinait sur les lèvres de la jeune femme alors qu'il entrait dans la cabine. Elle le tenait entre ses griffes et pourrait lui faire rembourser la dette qu'il estimait avoir envers elle sans aucun problème. Il se coucha sur le lit simple au moment où Sariah agrippait la barre, faisant demi-tour pour rallier l'objectif qu'elle avait abandonné quelques heures plus tôt.
        Une forte odeur de café réveilla le jeune homme, qui se redressa dans son lit. Ses mains égratignées par ses allers-retours sur la falaise avaient été soigneusement bandées de même que son épaule, dans laquelle subsistait une gêne. Regardant devant lui, il remarqua Sariah qui buvait la boisson aux arômes alléchants, assise à la table qui faisait l'angle de la cabine. De dos par rapport à lui, elle ne remarqua pas tout de suite qu'il s'était éveillé. Il observa sa délicatesse, ébahi d'être toujours en vie grâce à la femme qui se trouvait là. Si la grâce avait eu une incarnation, il ne doutait pas que c’eût été elle qui aurait décroché le rôle. Elle se retourna alors, se sentant soudain observée. Elle décocha un sourire au jeune homme qui sortit du lit pour s'asseoir en face d'elle comme elle le lui indiquait. Il remarqua que le navire ne semblait pas, une fois de plus, être en mouvement.

        « Tu as bien dormi à ce que je vois, Willy. Deux jours d'affilée, tu devais avoir du sommeil à rattraper. J'ai presque failli te lancer par dessus-bord pour récupérer mon lit ! »

        Elle eut un petit rire tandis qu'elle lui servait une tasse de café. Cette familiarité soudaine désarçonna le jeune homme qui ne put s'empêcher de rougir. Il ressentait les séquelles de ce long sommeil. Il n'avait jamais eu autant de courbatures à autant d'endroits différents. Il s'empressa néanmoins de répondre à son interlocutrice.

        « Désolé d'avoir pris autant de temps pour recouvrer la forme... »

        « Bah, il n'y a pas de problèmes, j'ai quelques sacs dans la cale qui font un aussi beau lit que celui là ! J'aurais juste voulu m'éviter la compagnie des rats... »

        Cette fois-ci, les deux se prirent à rire ensemble. L'artilleur but son café, savourant le liquide qu'il sentait presque revigorer son corps. Une fois qu'il eut reposé sa tasse, Sariah en profita pour lui poser une question qui traînait dans sa tête depuis qu'elle l'avait secouru.

        « D'où est-ce que tu viens au juste ? Je veux dire, avant de monter dans le bateau qui t'a finalement servi de radeau ? »

        « Koneashima. J'étais artisan là-bas, je tenais une boutique d'artifices militaire avec mon père. »

        « Pourquoi tu en es parti alors ? »

        « Il est tombé malade et nous étions voués à la faillite avec le règne des Entreprises Figura sur l'île. J'ai pris la mer pour trouver un moyen de mettre mes parents à l'abri du besoin. Ça a super bien marché comme tu peux le voir... »

        Un sourire éclaira subitement le visage de la jeune femme qui attrapa une bourse qui pendait à sa ceinture. Elle la posa sur la table, juste devant les mains du jeune artilleur qui resta sans voix devant ce geste. Il attendit l'explication qui ne tarda pas à tomber.

        « J'ai besoin de quelqu'un pour m'aider dans une tâche que je me suis fixée il y a quelques mois de ça. Six-cent-mille berries. C'est ce que valent les bijoux que contient la sacoche. Tu peux vérifier. »

        Le jeune homme ouvrit la bourse par curiosité. Colliers, bagues et bracelets d'or et d'argent s'entremêlaient dans une abondance qui faillit faire jaillir les yeux de l'artilleur hors de leurs orbites. Il n'avait jamais eu autant de richesses entre les mains. Et pourtant, c'était ce que lui offrait la jeune aventurière. Il la fixa et lui posa quelques questions avant de s'engager. Il était prêt à tout pour mettre la main sur cet argent, à l'exception de mourir.

        « Cette... tâche ? En quoi elle consiste exactement ? »

        « Pour être honnête, ce n'est pas sans risques. Mais pour faire simple, nous allons mettre la main sur un trésor que personne n'a jamais osé rechercher. Ce serait plus simple de mettre la main sur un fruit du démon à ce niveau-là. Mais ce ne serait pas aussi rentable. »

        « Et qu'est-ce qui m'assure qu'on y arrivera ? Sans y passer au préalable... »

        « Je t'ai sauvé la vie, ça devrait déjà te convaincre... »

        Un sourire carnassier s'afficha sur le visage de la jeune femme. Elle avait toujours ce qu'elle voulait, parce qu'elle s'assurait toujours d'être en position de l'obtenir. Il soupira et recula sa chaise sans toucher plus longtemps à la bourse. Il fixa la jeune femme qui le mettait en face d'une impasse. Il était parfaitement conscient que sa position ne laissait aucune place pour la négociation. Et pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'essayer de résister à Sariah. Pour la forme.

        « Et si je refusais ? »

        Elle leva les yeux au ciel et laissa glisser la manche de son chemisier, menaçant de découvrir sa gorge au jeune homme. Elle le fixa alors avec des yeux qui rappelaient ceux d'une tigresse sur le point de le dévorer. Gêné, acculé dans une direction à laquelle il n'avait pas pensé, il céda.

        « Ce n'est pas la peine d'en arriver là, je vais le faire. »

        « Juste pour m'en assurer, je garde la moitié de la prime avec moi. »

        Elle s'était rhabillé d'un mouvement d'épaule et avait récupéré la bourse dans le même temps. Elle se leva et sortit de la cabine avant de se retourner vers le jeune homme.

        « On jette l'ancre Willy, direction North Blue. »

        L'artilleur soupira et se leva, partagé entre la lassitude qui résultait du forçage et l'excitation de se lancer aux côté de pareille créature dans une aventure qui promettait de belles péripéties.